INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 avril 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je vous souhaite tous la bienvenue à la réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin, un fait qui est très important tandis que nous réalisons le processus de vérité et de réconciliation au Canada. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 21 février 2017, nous allons poursuivre notre étude de la politique de la prévention et de la gestion des manquements.
Pour ce qui est de notre premier groupe de témoins de la journée, nous accueillons Wendy Harris, du Service d'assistance canadienne aux organismes, Stan Bear et Lorne Cochrane, du Indigenous Management Group Incorporated, et Loretta Burnstick, qui comparaît à titre personnel et par vidéoconférence d'Edmonton.
Pourquoi ne pas commencer par vous, Loretta? Chaque groupe aura 10 minutes pour présenter une déclaration. Après les déclarations, les membres auront l'occasion de poser les questions.
Je cède maintenant la parole à Loretta Burnstick, d'Edmonton. Bienvenue.
Merci, madame la présidente, et merci aux membres du Comité.
Je tiens premièrement à remercier le Créateur qui me donne l'occasion d'être ici et de discuter avec vous à votre invitation.
J'imagine que, au départ, j'ai eu un peu de difficulté à essayer de répondre aux questions sur la politique liée aux manquements, la raison étant que la politique, même si son objectif est d'aider nos collectivités, ne règle pas nécessairement tous les problèmes auxquels, selon moi, les collectivités sont confrontées. Même si je ne suis pas une décideuse ni une politicienne — je suis seulement une femme comme toutes les autres qui travaille pour ma collectivité —, mon avis personnel, c'est qu'il semble davantage s'agir d'une politique qui concerne la gestion de crise. Dans notre cas, comme certains d'entre vous le savent peut-être, la nation Alexander a fait les manchettes, et il y a certains enjeux controversés en cours.
Nous composons actuellement avec un certain nombre de problèmes dans notre service des finances sur le plan de la responsabilisation et de la transparence. C'est la deuxième fois. Je crois savoir que nous faisons l'objet d'une cogestion. Si je ne me trompe pas, je crois que la première fois, c'était en 2009. Avec le retour de la cogestion en 2017, je me suis mise à réfléchir aux raisons pour lesquelles nous nous retrouvons à nouveau dans une telle situation de cogestion.
J'ai passé quelques nuits blanches au cours des derniers jours, en fait depuis que j'ai reçu un courriel confirmant ma comparution et la présentation d'un exposé. J'ai encore une fois essayé de résumer ce qui, selon moi, pourrait aider, et ce qu'on pourrait améliorer et ces genres de choses. J'ai beaucoup de difficulté à tout dire dans une déclaration préliminaire de 10 minutes; j'ai donc décidé d'effacer la déclaration préliminaire de 10 minutes que j'avais rédigée. Je me suis dit que j'allais tout simplement vous parler directement. Essayer de vous faire comprendre certaines des choses avec lesquelles nous composons au quotidien dans ma réserve.
Je tiens aussi à souligner, en tant que membre de ma bande — que je représente ici de nombreuses personnes, particulièrement les sans-abri, les pauvres de ma collectivité, les enfants dont les autorités s'occupent, les malades, les personnes âgées et même certaines personnes qui sont en prison. Je tiens à souligner précisément ces personnes parce que ce qui se produit dans nos réserves a évidemment un impact direct sur ce qui arrive, et nous sommes censés être là pour aider toutes les personnes en difficulté. De ce que j'ai vu, et depuis mon retour dans ma réserve et depuis que je travaille dans ma collectivité, je constate que le système ne permet pas de le faire du mieux possible.
J'ai essayé de résumer la situation lorsque je suis retournée à la maison et que je composais avec tous les problèmes là-bas. J'étais tellement dépassée que le mot qui m'est venu à l'esprit, c'est « désastre ». Il y a tellement de variables avec lesquelles il faut composer, et la politique de prévention des manquements ne permet pas de le faire. Le cogestionnaire arrive et s'occupe des finances de la bande du mieux qu'il peut.
Il y a un certain nombre d'autres facteurs qui fait en sorte qu'on est assujetti à la gestion des manquements. La liste est longue, mais je vais essayer de vous parler de certaines des choses que j'ai constatées et qui y contribuent.
Dans un premier temps, nous n'avons aucune politique en place qui ait force exécutoire. Permettez-moi de reformuler ça: nous avons un certain nombre de politiques qui ont été rédigées, qui sont dans le bureau, mais qui n'ont jamais été édictées. Par conséquent, elles n'ont pas force exécutoire.
Permettez-moi de mentionner une situation qui m'est arrivée en 2008. Mon objectif ici n'est pas de faire très mal paraître ma collectivité. Nous faisons aussi parfois de très bonnes choses. Cependant, en 2008, j'étais stagiaire d'été et on m'a demandé de faire du travail d'été étudiant dans le service des finances de notre bureau de développement économique. Je vais vous parler d'un problème, j'imagine, plutôt que de tourner autour du pot; c'est ce qui constitue, selon moi, un facteur qui a contribué à la raison pour laquelle nous avons été assujettis à un cadre de gestion des manquements. Ce que je m'apprête à dire n'est bien sûr pas très beau, et personne ne veut parler de choses problématiques, mais ça semble être l'un des éléphants roses dans la salle dans le cadre des réunions dans ma collectivité et, parfois, dans le cadre d'autres réunions. Je veux parler de la question de la corruption et de la mauvaise gestion.
La raison pour laquelle j'aborde ce sujet, c'est que j'ai été témoin des répercussions. Je vais donc revenir à 2008, lorsque j'étais stagiaire d'été. À l'époque, j'étais à l'emploi du défunt Raymond Arcand, qui était alors chef. Durant ma période d'emploi, j'étais préoccupée par certaines des pratiques en matière de dépense et du manque de responsabilisation et de transparence dans le service. À ce moment-là, je lui en ai parlé. En tant qu'ancien membre de la GRC, il m'a dit que je devais faire part de mes préoccupations à la Division K, à Edmonton.
Eh bien, c'est ce que j'ai fait. Ce qui est arrivé, c'est qu'un an plus tard, j'ai obtenu une lettre de réponse de la GRC indiquant qu'il n'y avait rien qu'on pouvait faire. Il va sans dire que je me suis sentie défaite et impuissante. La situation me dérangeait énormément parce que je pensais à toutes les personnes qui avaient encore des problèmes dans ma collectivité, qui vivaient dans des logements de piètre qualité, et dont les enfants se retrouvaient en foyer d'accueil parce qu'elles n'avaient pas de soutien. Et la liste ne s'arrête pas là; il y a tellement de besoins dans ma collectivité.
J'ai été congédiée de mon poste. On m'a interdit l'accès à mon bureau. J'ai quitté la collectivité parce que je devais trouver du travail.
Nous sommes en 2017, et la situation est la même que celle dont j'ai été témoin en 2008. Cela dit, on dirait qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui ont changé.
On utilise une expression dans la collectivité. Lorsque les gens entrent dans le bureau de la bande — et il s'agit d'une organisation qui est censée améliorer la vie des membres de la collectivité —, les gens disent, en raison de la corruption et de la mauvaise gestion, « dans le monde réel, ces choses ne se produiraient pas ».
Je ne veux pas fournir trop de détails parce que, encore une fois, il y a tellement d'exemples. Des gens vivent encore dans des logements pleins de moisissures. Nous manquons de logements. Nous avons des enfants — je l'ai déjà dit — qui sont encore pris en charge par les organisations de protection de l'enfance parce que nous n'avons pas les ressources pour prendre soin d'eux dans nos propres collectivités.
Ça me fend le coeur lorsque je regarde toutes les occasions perdues en raison de la corruption et de la mauvaise gestion. Je sais que l'argent n'est pas une panacée, mais une saine gestion financière, une solide gouvernance et des lois et des politiques ayant force exécutoire sont nécessaires pour assurer le meilleur fonctionnement de nos collectivités.
J'ai grandi durant ce que j'appelle « l'époque de la Loi sur les Indiens »...
Il vous reste une minute. Je ne fais que vous indiquer qu'il vous reste un peu de temps, environ une minute.
D'accord.
Ce que je demande au Comité permanent, c'est que des représentants de votre gouvernement viennent rencontrer les gens pour discuter de façon plus détaillée de toutes les choses et variables avec lesquelles nous devons composer pour améliorer la vie des gens dans les réserves, de façon à ce qu'on puisse se pencher sur certaines choses qui concernent la responsabilité et la transparence et que nous puissions demander à tous les ordres de gouvernement l'assistance dont nos collectivités ont besoin.
Beaucoup de personnes dans ma réserve vivent une situation difficile, et c'est déchirant à voir.
Je vous demande de faire preuve de compassion, de compréhension et d'aide. Venez nous rencontrer dans nos collectivités ou envoyez des représentants pour nous aider à y voir clair. Essentiellement, je ne sais pas quoi dire d'autre. Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps, mais j'accepterai volontiers toutes les occasions de discuter des autres choses — je suis bien placée pour le savoir —qui ont une incidence négative dans nos collectivités. Nous vivons une période très troublante actuellement.
Merci.
Je vous remercie de vos commentaires.
On aura l'occasion de poser des questions, et les députés pourront se pencher sur cette question.
Nos prochains témoins sont Stan Bear et Lorne Cochrane, du Indigenous Management Group.
Bonjour. Je m'appelle Stan Bear. Je suis membre de la nation de Peguis. Je suis né et j'ai grandi à Peguis, et j'ai quitté la collectivité il y a de cela de nombreuses années.
Je suis un entrepreneur. J'exploite une entreprise de gestion dans le secteur privé depuis près de 20 ans. Depuis les 11 ou 12 dernières années, nous réalisons entre autres des activités de gestion par un séquestre-administrateur. C'est une des composantes de notre entreprise. Nous facilitons des régimes de cogestion. Je compte sur une équipe d'experts financiers et de gestionnaires de projet.
Je suis aussi ici aujourd'hui en tant qu'Autochtone des Premières Nations qui a constaté au fil des ans — dès mon enfance et jusqu'à aujourd'hui — de quelle façon nos collectivités sont... j'ai aimé les commentaires de Loretta Burnstick sur le besoin de se pencher sur les enjeux centraux, les éléments fondamentaux de nos collectivités.
Encore une fois, c'est mon point de vue. J'ai constaté au fil des ans, tandis que le temps passe, qu'il manque un code d'éthique fondé sur nos valeurs autochtones qui serait respecté. Dans le cadre du système actuel, et conformément à la politique sur les manquements sur laquelle il est fondé, il n'y a pas de répercussions lorsqu'on ne respecte pas un code d'éthique. Dans le passé, avant l'arrivée des Européens, il y avait des conséquences, et ce n'était pas une tape sur les doigts ou je ne sais quoi. Il y avait toujours des conséquences lorsque les gens enfreignaient certains codes.
Pour ce qui est de la gestion des manquements, après avoir parlé à Wayne Helgason et après y avoir réfléchi davantage, je crois que la situation s'apparente... mon épouse vient du Brésil, et ils vivent actuellement un important problème de corruption politique là-bas, et les institutions sont remises en question. Je connais très bien ce processus, et responsabiliser les gens est difficile. Je parle à mon épouse. Comme je l'ai dit, elle vient du Brésil, où la situation est très similaire à celle des collectivités des Premières Nations, dans la mesure où la corruption finit par faire partie de la culture. On ne sait plus faire la différence entre le bien et le mal.
C'était plutôt intéressant, même avec le renforcement des capacités. Mon épouse a des amis qui ont fréquenté l'université aux États-Unis, au Canada et ailleurs, exactement comme des membres des Premières Nations pour suivre des études dans des établissements à l'extérieur de nos collectivités. On peut bien avoir les capacités, mais si on se trouve dans un contexte ou une région où il n'y a ni bien, ni mal, et pas de poursuites pour distinguer le bien du mal, alors vous pouvez vous retrouver avec des professionnels qui possèdent les capacités nécessaires et qui enfreignent les règles.
Par conséquent, je me suis penché sur la question, et j'ai été surpris de voir que le gouvernement fédéral a une Loi sur les conflits d'intérêts, le gouvernement provincial a la sienne, les municipalités ont aussi la leur, et ces lois prévoient des poursuites contre les gens qui les enfreignent. Il y a des répercussions. Lorsqu'il y a une bonne loi sur les conflits d'intérêts... le Brésil possède une telle loi, mais les gens ont retiré opportunément certaines dispositions ou n'intentent pas de poursuites. Il n'y a pas de responsabilité liée à l'application de la politique.
Les Premières Nations ont des politiques, et on peut bien avoir des politiques, des lois et tout le reste, mais si on ne les applique pas ou s'il n'y a pas de conséquence, le problème persiste.
Je crois qu'un des principaux enjeux tient à la gouvernance. Il faut mettre en place de solides structures de gouvernance afin de renforcer les capacités. On peut bien compter sur des professionnels du côté administratif, mais s'il n'y a pas de limites établies dans un code d'éthique, ce qui était le cas traditionnellement, il y aura beaucoup de zones grises. Dans le cadre d'élections de membres des Premières Nations, de nos jours, grâce aux médias sociaux, on peut avoir accès à des documents qui prouvent un flagrant détournement de fonds, mais certaines personnes pourraient tout de même se faire élire parce que les gens ne savent pas faire la différence entre le bien et le mal.
La barrière est brisée. Je ne dis pas que c'est ce qui arrive dans toutes les collectivités, parce que beaucoup de collectivités ne sont pas touchées. Elles n'ont pas besoin de règles, de réglementation ou je ne sais quoi, mais elles ont un code d'éthique qui est encore là, et elles l'appliquent. Nous travaillons en collaboration avec beaucoup de collectivités qui ne font pas l'objet d'une gestion par un séquestre-administrateur. Elles embauchent des conseillers financiers pour pallier leurs lacunes. Ces collectivités sont ancrées fermement dans leurs valeurs traditionnelles comparativement à d'autres collectivités qui ne le sont pas.
Disons que la politique ne peut pas tout faire, mais le fait de créer un instrument qui prévoit des conséquences aiderait beaucoup, ce serait même bénéfique dans le cadre de la politique de gestion des manquements. Les collectivités peuvent bien avoir la politique, mais s'il n'y a pas de conséquence, elles ne l'utiliseront peut-être même pas à l'avenir.
Voilà qui termine ma déclaration préliminaire. Je vais céder la parole à Lorne.
Merci. Je m'appelle Lorne Cochrane. Je viens de la nation crie de Fisher River.
Évidemment, je participe aux activités d'entreprise et à la vie des Premières Nations depuis toujours, mais je prends part à la vie politique depuis 1989. J'ai été chef de ma collectivité. J'ai quitté ce poste et je me suis joint au gouvernement fédéral en tant que DGR adjoint et puis DGR. Dès le premier jour, j'ai eu un certain nombre de problèmes avec la politique sur les manquements.
Nous en parlons encore. Vous savez, aux yeux du gouvernement, tout doit être punitif lorsqu'il passe à l'acte. Le gouvernement ne fait pas la promotion du progrès. Il ne fait pas la promotion d'une saine gouvernance. Si nous passions plus de temps dans ces régions, nous réussirions peut-être à rallier les gens, plutôt que de les ramener au point où il faut parler des manquements.
Je suis actuellement membre du comité financier consultatif de l'APN, dans le bureau de la ministre Bennett. C'est troublant de voir que nous avons les mêmes discussions qu'il y a plus de 30 ans. Ma collectivité a été l'une des premières à signer une entente de transfert flexible. Elle a été modifiée tellement de fois, unilatéralement, par le gouvernement fédéral, qu'elle nuit à notre développement et notre croissance. Je crois que c'est parce que nous avons fait trop de progrès et que nous laissons les autres derrière, et il ne faut pas voir là un manque de respect. La réussite est toujours liée aux occasions, et si on ne saisit pas ces occasions lorsque c'est le temps de le faire et qu'on n'a pas les outils, on manquera le bateau et on aura encore les mêmes discussions liées à la gestion des manquements.
Même notre politique sur la gestion des manquements, une politique que nous devons appliquer, prend trop de temps et éloigne d'éventuels partenaires, pas seulement des entreprises, mais des institutions financières et d'autres entités. Beaucoup de banques refusent de faire des affaires avec les Premières Nations, sauf, bien sûr, si on a des fiducies et tout le reste; dans ces cas-là, elles veulent faire affaire avec vous.
J'espère que, à l'avenir, il y aura certaines initiatives plus progressistes en ce qui a trait à la façon d'interagir avec les collectivités, puis de rallier les autres, plutôt que de ramener tout le monde sur le même pied d'égalité ou d'aller trop loin.
Il y a énormément de changements unilatéraux qui ont une incidence sur nos collectivités, et qu'on ait conclu une entente flexible ou une entente de contribution, le cadre est très normatif. Je ne sais pas s'il y a une volonté ou un désir d'apporter des changements importants à cet égard, mais si nous ne le faisons pas, nous tiendrons encore les mêmes discussions dans 20 ans. Nos enfants ne peuvent pas se permettre d'attendre aussi longtemps.
Nous entendons beaucoup parler des défis un peu partout au Canada. J'oeuvre dans le domaine depuis 30 ans, et c'est de plus en plus effrayant. Les gens sur le terrain sont très frustrés parce qu'ils n'ont rien. Qu'ont-ils à perdre? C'est le genre de discours qu'on entend. J'ai visité quasiment toutes les réserves du Manitoba. Je participe à des réunions communautaires depuis plus de 30 ans dans chacune de ces collectivités, et c'est malheureux qu'on se retrouve dans une telle situation.
J'espère que nous pourrons commencer un bon dialogue ce matin. Je tiens à vous remercier de l'occasion d'être ici. Merci.
Merci.
Nous allons maintenant passer à notre troisième témoin, Wendy Harris du Service d'assistance canadienne aux organismes. Allez-y, Wendy.
Merci, madame la présidente. Je tiens aussi à remercier les honorables membres du Comité permanent de nous avoir invités ici, aujourd'hui. Nous sommes heureux de participer à l'étude de la Politique de la prévention et de la gestion des manquements et de fournir notre point de vue à ce sujet. C’est un honneur de comparaître aux côtés des autres témoins aujourd’hui.
Depuis plus de 50 ans, le SACO oeuvre dans plusieurs pays et, au Canada, en partenariat avec des collectivités autochtones. De par notre travail, dans le contexte tant national qu’international, nous dégageons des apprentissages clés et des pratiques exemplaires et sommes à même d’apporter une perspective unique à l’étude. Le SACO est une organisation sans but lucratif de développement économique international qui mise sur l’envoi de volontaires. Nous croyons fermement qu’une infrastructure économique solide est essentielle pour provoquer des changements durables sur le plan économique et social, y compris l’éradication de la pauvreté.
Pour le SACO, le concept « d’infrastructure économique » comporte deux volets importants. Le premier concerne le soutien au développement du secteur privé et plus particulièrement des micro, petites et moyennes entreprises, les PME, qui sont les principaux moteurs de toute économie, que ce soit une économie en développement, émergente ou ayant atteint la maturité. Les PME jouent un rôle unique et important dans le taux de croissance économique et, selon les Nations unies, comptent pour deux nouveaux emplois sur trois dans le monde entier. Nous savons que les PME appartenant à des Autochtones augmentent à un rythme six fois plus rapide que celles des Canadiens non autochtones. Combinées à une croissance démographique importante chez les jeunes Autochtones, ces tendances dénotent un énorme potentiel de croissance économique pour les communautés autochtones et pour l'économie canadienne en général dans les années à venir.
Le deuxième volet d’une infrastructure économique forte concerne la création d’un environnement inclusif et favorable à la croissance du secteur privé. Cela signifie qu’il faut renforcer la gestion et la gouvernance des institutions — et j’abonde ici dans le même sens que bon nombre des commentaires de mes collègues aujourd’hui — qu'il s'agisse de conseils de bande ou de conseils tribaux, d'associations commerciales ou industrielles, d'organisations de la société civile ou de coopératives. D'après notre expérience, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde, la gouvernance de qualité est toujours un indicateur majeur au moment de savoir si le développement économique, et par le fait même le développement social, sera réussi et durable.
Par « qualité », je veux dire la capacité de gérer, de planifier et d'exécuter efficacement les priorités complexes d'une communauté donnée de manière holistique menant à la prospérité. Lorsque les capacités de gouvernance sont solides et inclusives, il est possible d'investir et de réinvestir à la fois dans les programmes sociaux et économiques. C’est de cette façon, selon notre expérience, que l’on peut atteindre la stabilité économique au fil du temps.
Quel que soit le lieu où nous travaillons, notre objectif principal est toujours le renforcement des capacités. Un aspect non négociable de notre approche est que notre travail soit toujours mené selon les priorités locales. Cette approche est entièrement orientée par le renforcement des compétences et de l’expérience de nos clients et partenaires en vue d’appuyer leurs objectifs et priorités. Nos experts volontaires transfèrent leurs connaissances et compétences à nos clients, qui élaborent ainsi les outils nécessaires afin de devenir non seulement les responsables, mais aussi les co-créateurs de leur prospérité et de leur stabilité à long terme. Cette approche favorise l’autonomie et la résilience même après que notre travail est terminé.
Essentiellement, la politique est un outil utilisé par le gouvernement canadien pour éviter la détérioration d’une situation financière. Elle a pour but de remettre une collectivité donnée sur les rails en matière d’information financière afin qu’elle puisse recevoir des fonds. Je vais laisser à d’autres le soin de déterminer si la politique réussit à atteindre cet objectif. Ce dont je souhaite parler aujourd’hui devant le Comité permanent, c'est plutôt de la lacune que je constate, une lacune qu’il est possible de combler dès les premiers signaux d’alerte, avant même de faire appliquer la politique. Cette lacune tient au renforcement des capacités.
La politique actuelle ne réussit pas à favoriser le renforcement des capacités d’une communauté, que ce soit de manière proactive dès les premiers signaux d’alerte, ou une fois que la communauté est cogérée ou gérée par un tiers. Les séquestres-administrateurs ne sont pas chargés de développer de telles compétences et connaissances. Ils ont plutôt le mandat de se rendre sur place et d’enrayer l’hémorragie. Cependant, d’après notre longue expérience en développement économique au Canada et partout dans le monde, la seule façon d’apporter un changement durable est de renforcer les capacités locales.
Si les connaissances, l’expérience et les compétences ne sont pas assimilées au sein de la communauté et par les personnes qui en sont réellement responsables, le cycle de crise continue. Il convient donc d’axer les efforts sur la mise en valeur du potentiel local et le renforcement des capacités afin de s’assurer que les solutions envisagées sont réalisables et durables. Cette approche garantit une stratégie ascendante qui favorise l’autonomie et réduit la dépendance, une stratégie qui ne remplace jamais les ressources locales, mais les met plutôt en valeur. Tant que cette politique ou une autre ne permettra pas de mieux combler cette lacune, il faudra recourir à l’outil d’intervention beaucoup plus souvent et plus longtemps que nous le souhaiterions.
Nous recommandons donc que, dès l’apparition des premiers signes de risques financiers ou de détérioration financière, « l’intervention » cible plutôt le renforcement des capacités de la communauté grâce à de la formation et du mentorat, ce qui permettrait d’éviter de façon proactive le recours à une cogestion ou à une gestion par un tiers. Une fois que l’organe directeur de la communauté aura acquis une solide capacité de gestion financière et de gouvernance, il sera en mesure de commencer à planifier et d’assurer une prévisibilité et une stabilité économiques à long terme. La communauté pourra également commencer à participer efficacement à l’économie générale. Plus les capacités de gouvernance sont fortes, plus la capacité d'un individu, d'une communauté, d’un pays ou d’une région (dans le cadre de notre travail à l'international) de développer et renforcer des initiatives sociales et économiques critiques est importante. Sur le plan international, par exemple, notre travail de renforcement des capacités locales en fiscalité et en vérification montre clairement le lien entre celui-ci et la capacité d'investir durablement dans la croissance ou la programmation économique et sociale.
La fiscalité et les pratiques saines en matière de vérification financière jouent un rôle important dans l’avancement du développement durable, non seulement du point de vue du réinvestissement, mais aussi de la responsabilité réglementaire et de la transparence. Toutefois, nos clients et partenaires sont souvent confrontés à des barrières et défis multiples dans le développement de leurs capacités en ce qui a trait à ces domaines. Le répertoire de conseillers volontaires du SACO contient plusieurs experts en finances qui amènent leurs connaissances et leur expertise — et par extension, l’expertise des institutions financières et réglementaires canadiennes — afin de soutenir le renforcement des capacités des clients. Ce renforcement des capacités se répand alors dans toute la communauté ou le pays de différentes façons, menant à un environnement plus résilient et adaptable pour que les communautés et les individus puissent prospérer.
Le rôle que le SACO peut jouer dans la prévention de la gestion des manquements consiste premièrement à travailler en partenariat avec les communautés afin de les préparer à profiter de débouchés économiques. Nous travaillons étroitement avec les communautés pour bâtir de solides assises telles que la bonne gouvernance, le développement du leadership, la gestion financière et la gérance, la gestion des ressources humaines, la planification stratégique et plusieurs autres, tous des éléments essentiels à la réussite du développement de la stabilité économique et de la résilience à long terme. Nous travaillons également avec des propriétaires de petites entreprises et des entrepreneurs dans les divers aspects des compétences et des capacités dont ils ont besoin pour faire croître leur entreprise avec succès, créant ainsi d’importantes sources autonomes de revenus.
Ensuite, le SACO peut jouer un rôle complémentaire en travaillant en collaboration ou en parallèle avec des organisations autochtones telles que le CGFPN, l’AFOA et l’ANSAF. Il est important de souligner que nous ne pouvons pas nous substituer à ces organisations, mais que nous complémentons plutôt leurs objectifs. Nous agissons à titre de partenaires pouvant concrétiser le développement des capacités requises pour obtenir une certification et, ultimement, accéder aux marchés de capitaux, qui offrent aux communautés de réelles chances d’enclencher des changements transformateurs.
En conclusion, nous maintenons fermement que la politique actuelle ne répond pas au manque de capacités de gouvernance et de gestion financière au sein des communautés, manque qui représente pourtant une cause fondamentale de la nécessité d’intervenir. Nous voyons ces deux champs de compétence comme étant les pierres d’assise d’une infrastructure économique solide, qui à son tour est nécessaire pour qu’une communauté puisse élaborer des initiatives économiques et sociales appuyant sa prospérité et sa stabilité.
Notre recommandation principale est que l’investissement en renforcement des capacités des communautés avant même que la politique sur la prévention de la gestion des manquements soit évoquée devrait devenir une priorité majeure. Ainsi, nous réduirons de façon proactive le besoin d'une telle politique, ce qui ouvrira la voie à une croissance économique et sociale autonome et à long terme et créera les conditions nécessaires à la véritable réconciliation.
Nous vous remercions de nous avoir invités aujourd’hui à partager notre point de vue et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci, madame la présidente.
Merci à tous ceux qui ont présenté un exposé aujourd'hui.
Nous sommes saisis d'un dossier très complexe. Je viens des Territoires du Nord-Ouest. J'ai eu l'occasion de travailler comme gestionnaire de bande dans ma collectivité, et j'ai aussi été maire de ma ville natale, dans les Territoires du Nord-Ouest. En raison de mon expérience, j'ai pu voir l'administration municipale mettre au point, avec beaucoup de soutien du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, un plan communautaire intégré. Les gens se rassemblent, ils s'occupent de l'urbanisme, ils prévoient les travaux d'infrastructure complétés par un plan énergétique, ils possèdent des plans d'urgence, ils s'occupent de planification financière et ils assurent la formation continue de leurs conseillers et de leurs gestionnaires.
De l'autre côté, pour ce qui est des gouvernements autochtones, il n'y a à peu près rien. Le gouvernement fédéral et le bureau régional ne font pas vraiment beaucoup de choses. Un financement de base est fourni — et il y a aussi certains fonds pour la gestion — et ces gens sont un peu laissés à eux-mêmes.
J'ai vraiment aimé les commentaires formulés par leur représentante du Service d'assistance canadienne aux organismes sur le renforcement des capacités, parce que c'est là une réelle faiblesse.
Je vois deux éléments pouvant entraîner une situation où une intervention est nécessaire. La première, c'est le sous-financement. On a vu le financement être réduit au cours des 10 dernières années environ au point où il est devenu quasiment impossible de travailler. Le financement de base a été réduit, et n'est plus qu'un financement minimal. Vraiment, qui peuvent-ils embaucher pour assurer la gestion? Parfois, c'est le chef qui tente de s'en occuper, ou ils embauchent quelqu'un qu'ils ne peuvent pas se payer ou encore ils embauchent tout simplement quelqu'un de la région qui a quelques connaissances de la gestion financière. Il y a toujours un problème de sous-financement ou de gestion déficiente, ou les deux.
La question que je me pose aujourd'hui, c'est celle de savoir de quelle façon on peut rétablir les choses et mettre au point un plan de rétablissement. Devrions-nous, en tant que gouvernement, envoyer des consultants de l'extérieur qui vont simplement prendre le relais, essayer de sauver ce qu'ils peuvent et tenter de continuer à faire avancer les choses? Ou est-ce que ce devrait être la collectivité qui tente de définir un plan de rétablissement et de trouver une façon de se sortir de cette malencontreuse situation où ils se trouvent?
Je vais donner à chaque organisation quelques minutes pour répondre.
Merci beaucoup.
En quelques mots, je crois que la clé de la réussite, c'est la responsabilisation, l'engagement et la participation de la collectivité relativement au plan de rétablissement. Je crois que de donner le contrôle et de donner carte blanche à des consultants de l'extérieur ou à qui que ce soit, ou à des ressources de l'extérieur, s'il n'y a pas de partenariat avec la collectivité et qu'il n'y a pas d'investissement parallèle pour assurer le renforcement des capacités afin que la situation puisse être prise en charge...
Vous pourriez peut-être tout simplement me dire qui devrait le faire, parce que les collectivités n'ont tout simplement pas ces genres de ressources. Je présume que vous dites que c'est le gouvernement fédéral qui devrait le faire.
Du point de vue financier, il faut que le gouvernement fédéral investisse. Pour qu'on trouve des solutions durables à long terme, il faut faire des investissements, afin que ce soit des professionnels qui viennent travailler en collaboration avec des collectivités afin d'aider à mettre en valeur le potentiel qui est là, à planifier pour l'avenir, à créer un plan de ce que la collectivité veut réaliser. Selon moi, il est très important que les finances permettent de soutenir la réussite, même si ce n'est pas seulement — comme vous l'avez dit — plus de financement, mais un financement associé au rendement dans ce domaine.
Merci.
Je crois qu'il faudrait que le gouvernement et la collectivité travaillent ensemble pour régler ces problèmes. Les gens dans la collectivité savent quels sont les problèmes.
Encore une fois, ce sont les mesures de soutien qui nous manquent, et je parle d'expertise, des finances et de ce genre de choses qui, j'imagine, devraient être faites en collaboration avec le gouvernement. Dans certains cas, nous n'avons pas les capacités nécessaires pour avancer. Par exemple, le bureau de la bande tient à peine debout. C'est le genre d'enjeux dont il faut tenir compte si nous voulons continuer à progresser. J'ai essayé d'être très claire lorsque je vous ai dit que nous avons besoin d'aide. Dans ma collectivité, la plupart des personnes sont prêtes à travailler avec...
L'autre chose, c'est qu'on les a exclus de la discussion pendant tellement longtemps, toutes ces personnes sur le terrain. Selon moi, ils seraient tellement heureux, et ce, à de nombreux égards, qu'on les écoute et qu'on leur demande ce dont leur collectivité a le plus besoin. Le fait de pouvoir avoir ce dialogue avec le gouvernement fédéral, selon moi, serait aussi une très bonne chose pour les gens sur le terrain.
Une des choses que nous faisons, dans ma collectivité, c'est que lorsque nous avons des problèmes liés aux finances ou aux dépenses excessives, nous organisons des réunions et faisons intervenir tous nos directeurs, nos comités et les membres de notre collectivité et nous élaborons un plan d'action de gestion. Il faut obtenir l'adhésion des gens pour que le plan soit efficace, de façon à ce que nous n'ayons pas à nous éloigner de la planification à long terme et de la durabilité de notre collectivité. Nous devons mobiliser les membres de la collectivité et leur permettre de participer à tous les aspects de la gouvernance.
Merci. Vos réponses étaient succinctes.
Nous allons maintenant permettre à la députée Cathy McLeod de poser des questions.
Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être là aujourd'hui et de nous avoir présenté des témoignages touchants.
J'ai aimé beaucoup de commentaires. Lorsqu'on regarde la Politique de la prévention et de la gestion des manquements, cette politique est fondée sur une approche très descendante. On a entendu parler de l'importance de créer des capacités et des aptitudes. Nous avons aussi entendu parler de l'importance de la collectivité et des renseignements communiqués à la collectivité.
Assurément, la Loi sur la transparence était une tentative de s'assurer que les membres de la collectivité ont accès aux renseignements de base. Lorsque j'étais mairesse d'une petite ville, les membres de ma collectivité avaient toutes les occasions de me tenir responsable de mes actes. Pour moi, cela faisait partie de l'entente. Si nous renforçons les capacités et que nous le faisons dans les collectivités, l'information est la première étape.
Bien sûr, l'une des premières choses que le gouvernement actuel a faites, c'est dire qu'il n'allait pas appliquer la Loi sur la transparence.
J'aimerais parler à Loretta.
Vous avez parlé à CBC, il y a assez longtemps, en octobre, de la frustration liée à l'information et au fait de tourner en rond. Nous en avons parlé à la ministre, en novembre, et elle a simplement dit que « le chef et le conseil de bande rendent compte à leurs membres et à mon ministère. C'est ce qui est prévu et nous étudierons tous les ajouts et les examens avec les Premières Nations à l'avenir ».
Pouvez-vous me dire comment se passent les choses lorsque vous tentez d'obtenir de l'information dans votre collectivité?
C'est très difficile.
Il y a un certain nombre de personnes qui ont demandé des renseignements financiers. Je sais personnellement que, lorsque j'ai demandé où allait notre argent, il y a des années, on m'a dit de poser la question à Affaires indiennes, et que c'est eux qui me donneraient une copie de la vérification. Lorsque je me suis tournée vers Affaires indiennes, ils m'ont renvoyé vers la bande. Ils refusaient de me donner une copie de la vérification.
Pour l'essentiel, c'est quasiment impossible, en tant que membre d'une bande, d'obtenir toute l'information sur nos finances. Nous n'avons absolument pas notre mot à dire quant à la façon dont les fonds sont dépensés. Je sais que nous sommes probablement sous-financés, mais on nous exclut.
Votre collectivité n'a pas affiché d'états financiers depuis le retrait des mesures de conformité. C'est exact?
Non. De façon générale, encore une fois, nous n'avons pas de réunions communautaires régulières durant lesquelles les budgets et les vérifications sont présentés.
Je dois aller un peu plus loin. Je crois que certaines préoccupations tiennent même aux budgets et à la façon dont ils sont présentés. La plupart des gens qui travaillent dans le domaine des finances savent que les vérifications contiennent les résultats, au final. Il y a toujours une préoccupation liée à la transparence dans ces vérifications. Par conséquent, un certain nombre de personnes dans ma collectivité ont formulé des recommandations. Nous voulons que les exigences liées à la responsabilisation et à la transparence aient un caractère exécutoire. Nous en avons besoin. Il faut que nous puissions nous adresser à une instance si quelqu'un ne respecte pas nos droits.
Je crois savoir que la ministre a pris cette décision parce que certains chefs et, assurément, l'APN n'aimaient pas cette loi précise.
Nous allons accueillir le chef national Bellegarde dans le cadre du prochain groupe de témoins. Y a-t-il quoi que ce soit que vous aimeriez lui dire quant à la façon dont, selon vous, les choses devraient progresser pour que les membres des collectivités aient accès aux renseignements de base?
Je crois que l'approche descendante n'est pas appropriée, et qu'une des pièces essentielles du casse-tête, c'est de permettre aux membres de la collectivité de tenir leurs dirigeants responsables.
En ce qui a trait à l'APN, la plupart des gens sur le terrain estiment que l'APN est une organisation qui est là pour nous aider. J'imagine que nous nous attendons à ce que nos dirigeants et nos chefs encouragent l'adoption de lois qui favorisent la transparence et la responsabilisation et oeuvrent en ce sens. C'est la raison pour laquelle ils sont élus. Nous les encourageons à faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de promouvoir une bonne gouvernance pour notre peuple.
Je pense à mon défunt grand-père qui avait pris part à la vie politique, à son époque, et qui avait été, à une occasion, chef. Bon nombre d'entre nous se rappellent les choses dont il avait fait la promotion. Nos ancêtres disaient toujours: « prenez soin de votre peuple ». Ce sont des mots simples. À notre époque, pour l'essentiel, il faudrait penser, au moins, à s'assurer que les gens ont un toit au-dessus de la tête, des vêtements et un abri — qu'on répond à leurs besoins essentiels, au moins — et, ainsi, ils peuvent ensuite s'intéresser à d'autres possibilités de développement dans leur vie.
En tout cas, je sais que cela m'a aidée. Si je n'avais pas eu un toit au-dessus de la tête après avoir été itinérante et avoir vécu tout ce que j'ai vécu en tant que survivante du système de pensionnats et du système scolaire de jour, je ne serais pas là où je suis rendue aujourd'hui. Nous nous attendons à ce que nos organisations mettent ces choses en place pour nous.
Actuellement, il n'y a aucune conformité pour ce qui est de la transparence, et il s'est écoulé quelque 16 à 18 mois, et le gouvernement affirme travailler en collaboration avec l'APN pour mettre au point quelque chose qui est acceptable. Selon moi, les dépenses de base et les états vérifiés sont une norme minimale, alors j'espère que, au bout du compte, ils vont proposer quelque chose de beaucoup plus détaillé.
Ma préoccupation, encore une fois, c'est qu'on semble adopter une approche assez descendante. Apparemment, il y aurait eu un genre de sondage en ligne. Dans quelle mesure croyez-vous que les membres des collectivités ont vraiment su que c'était là pour eux l'occasion de participer à la définition d'une nouvelle relation financière et du nouveau cadre de transparence?
Dans ma collectivité, nous avons été laissés pour compte. Nous avons eu l'impression que nous n'avions pas notre mot à dire. Il n'y a pas eu beaucoup de consultations dans ma collectivité. Assurément, il y a un certain nombre d'entre nous qui aurions formulé des recommandations. Nous sommes nombreux à avoir eu l'impression de ne pas avoir été entendus. Je ne le dis pas de façon irrespectueuse, mais c'est quasiment comme si on nous avait oubliés, alors que c'est nous qui vivons dans ces conditions au quotidien.
Merci, madame la présidente.
Permettez-moi de m'excuser d'être en retard. Je n'ai aucun contrôle sur les embouteillages. C'est une des choses avec lesquelles il faut composer lorsqu'on décide de vivre de l'autre côté de la rivière. Je m'excuse à Loretta, parce que j'ai manqué son exposé. J'ai aussi manqué une partie de l'exposé de M. Bear.
Je veux revenir sur un sujet qui a été mentionné par de nombreux témoins qui ont comparu devant nous avant vous, et je veux parler du sous-financement chronique. Le renforcement des capacités est aussi important. Beaucoup de personnes en ont parlé dans une bonne partie des témoignages que nous avons entendus.
Une des choses qui m'intriguent... Nous n'avons pas choisi de réaliser l'étude actuelle. C'est la majorité du Comité qui a décidé. Ce n'était pas nécessairement ma priorité. Il y a beaucoup d'autres priorités pour les Premières Nations dans notre pays à part celles-ci.
Même si nous réussissons à renforcer les capacités dans une collectivité donnée, il n'en demeure pas moins que ces collectivités continueront de relever d'un système de gouvernance archaïque, la Loi sur les Indiens. Selon vous, est-ce problématique?
Je m'adresse à chacun d'entre vous.
Je vais tenter de répondre à cette question.
Je ferais venir un entrepreneur, mais, en même temps, je le ferais venir aussi en tant que membre des Premières Nations. Le Canada s'apprête à fêter son 150e anniversaire. Même si nous parlons du gouvernement actuel, il faut parler de l'ensemble des 150 ans, en ce qui a trait au colonialisme et à la situation des Autochtones durant le processus de colonisation et de destruction de certaines de nos langues et certaines de nos valeurs. Il faut tenir compte de tout. Avant l'arrivée des Européens, et avant la création du Canada, la collectivité était plus saine. Le défi, c'est de ramener ces valeurs et les appliquer aujourd'hui, parce qu'elles sont encore tout aussi pertinentes.
Nous n'étions pas dans une situation chaotique avant l'arrivée des Européens au Canada. Je me demande toujours ce qu'on a bien pu faire pour survivre 550 ans avant l'arrivée des Européens. Nous avons survécu pendant des milliers d'années, et nous ne vivions pas aux dépens des autres. L'environnement était plus structuré.
Il faut regarder les choses en face. Je crois que la Politique sur la prévention et la gestion des manquements est un effet d'une cause sous-jacente. Si on veut corriger la situation... il ne devrait même pas y avoir une politique si on réglait le problème qui en est la source. Qu'est-ce qui cause les problèmes? C'est sur ça qu'il faudrait se concentrer, pas essayer de corriger les choses.
En d'autres mots, ce que vous nous dites, c'est que le Comité a le mandat d'« améliorer »; je crois que c'est le mot utilisé dans le mandat du Comité relativement à l'étude actuelle. Peu importe la façon dont nous améliorons la politique, nous resterons assujettis à une structure de gouvernance qui est inappropriée et colonialiste.
Dites-vous que ce processus — l'étude de la politique — est inutile tant que le cadre reste la Loi sur les Indiens?
Si c'est inutile, nous vivons au temps présent, alors, aujourd'hui, nous avons besoin de... Il faudra peut-être composer avec la situation pendant encore un certain temps. De quelle façon peut-on rendre les choses plus efficaces? Vous comprenez ce que j'essaie de dire? Même si nous l'avons, quelqu'un pourrait dire que nous ne voulons pas de politique sur les manquements — tout ça —, mais avec quoi va-t-on la remplacer? Quelle est la cause profonde? Si nous l'annulons, qu'arrivera-t-il?
Oui. Je crois que vous soulevez là un très bon point. J'aimerais ajouter que la Loi sur les Indiens est clairement un problème. Vous pourriez choisir n'importe quel sujet de discussion, aujourd'hui, et la Loi sur les Indiens serait un problème. Pendant qu'on se penche sur la Loi, qu'on la démantèle — peu importe —, j'aimerais qu'on prépare les collectivités à réussir. On n'y arrivera pas du jour au lendemain: une journée, on a la Loi sur les Indiens, et, le lendemain, elle n'est plus là. Nous avons le temps actuellement de préparer les collectivités à réussir en renforçant la gouvernance, la gestion des finances, la diversité économique, le leadership et toutes ces choses.
J'aimerais ajouter quelque chose à ce que vous avez dit au sujet du sous-financement. Le sous-financement est à coup sûr un problème. La gestion financière aussi. Il y a des problèmes de gestion financière du côté du gouvernement aussi, pas seulement du côté des collectivités.
Certains des défis, de toute évidence, sont plus importants. Il doit y avoir certaines mesures incitatives pour les collectivités progressistes. Dans une certaine mesure, il faut une politique d'intervention, mais il faut la rédiger dans un ton qui mise plus sur la coopération que sur la punition.
Il me reste 45 secondes, alors je vais m'arrêter ici.
Merci.
La structure du Comité fait en sorte qu'il est très difficile d'avoir un débat approfondi.
Nous en sommes à la dernière série de questions, qui revient à...
D'accord. Monsieur le député Robert-Falcon Ouellette, bienvenue à la réunion du Comité.
Je vous cède la parole.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis très reconnaissant de l'occasion que vous m'offrez.
[Français]
Merci beaucoup. C'est extrêmement courageux de votre part de témoigner avec autant de passion à ce sujet.
J'ai quelques questions et commentaires extrêmement importants. Un des problèmes que vous soulevez beaucoup est celui de la corruption. Messieurs Bear et Cochrane, ainsi que madame Burnstick, vous parlez dans vos documents d'un processus de corruption tel que celui décrit par Graaf et Huberts dans un rapport de 2008. Vous énumérez neuf propositions relatives au processus de « passage à la corruption ».
Cela me touche beaucoup, parce que cela me fait penser à l'époque où j'étais militaire, au cours des années 1990. Il y avait beaucoup de problèmes au sein de l'armée canadienne. Les gens ne s'en souviennent peut-être pas, mais il y avait un manque de capacités au sein de notre institution. Nous n'étions plus représentatifs de notre population; nous ne représentions plus les Canadiens ni leurs valeurs.
Nous avons décidé, à ce moment, de bâtir notre capacité par l'éducation. Nous avons repensé l'institution de manière à nous donner une vision à long terme. Nous avons produit un document intitulé Stratégie de défense 2020, et cette stratégie m'a notamment aidé à progresser dans ma carrière, non seulement sur le plan du leadership, mais aussi sur celui de la capacité de gestion. Ces deux éléments sont extrêmement importants. On peut être un chef sans être nécessairement un gestionnaire, et on peut être un gestionnaire sans être un chef. Nous devons parfois être capable de combiner ces deux rôles; nous devons faire preuve de réalisme et savoir faire la différence entre les deux, et déterminer le moment où il faut appliquer les processus qui y sont liés.
J'ai vraiment adoré les mots utilisés par M. Bear lorsqu'il a dit que nous nous nourrissons des autres.
Selon vous, qu'est-ce qui se produirait si nous abandonnions complètement cette politique?
Le gouvernement fédéral ne peut pas dire aux provinces, par exemple, au Nouveau-Brunswick, au Québec ou à l'Ontario, qu'elles n'arrivent pas à gérer leur affaires et qu'il va maintenant prendre les commandes. Il dit plutôt qu'il s'agit d'une relation de nation à nation, et les provinces doivent gérer elles-mêmes leurs affaires.
Quel genre d'éducation devrions-nous offrir? Devrions-nous avoir des institutions de type universitaire, comme l'Université Ryerson ou le Banff Centre? Ou devrait-il y avoir une maison d'enseignement autochtone qui offrirait aux chefs des communautés, aux leaders ou aux travailleurs, une formation permanente afin d'améliorer leurs capacités? Même s'ils passent d'un poste à un autre, ils seraient en mesure de s'acquitter de n'importe quelles fonctions grâce à leur éducation.
Quel type de système pourrions-nous mettre en place pour bâtir ces capacités?
Merci.
[Traduction]
[Français]
Ma question s'adresse à tous. J'aimerais entendre brièvement chacun des témoins, même s'il ne nous reste pas beaucoup de temps.
[Traduction]
Je dirai rapidement qu'on peut mener le cheval à l'abreuvoir, mais on ne peut pas le forcer à boire. On peut créer un établissement d'enseignement, une université. On peut amener un enfant à l'école, ou permettre à une personne de fréquenter l'université, mais on ne peut pas obliger les gens à apprendre. La personne peut passer un examen, mais cela ne signifie pas qu'elle mettra en pratique ce qu'elle a appris. Ce que j'essaie de dire, c'est que les gens doivent vouloir responsabiliser les dirigeants.
Monsieur Bear, vous avez cependant aussi mentionné un code d'éthique, alors qui imposerait un tel code? Est-ce un code d'éthique de la collectivité? Est-ce un code en vertu duquel le gouvernement fédéral dit à la collectivité: « Voici les normes, voici ce que vous devez respecter? » Qui devrait le faire?
Selon moi, dans un monde idéal, ce genre de choses viendrait de la collectivité et il pourrait être appliqué, peut-être, au niveau national par des institutions autochtones, si une nation n'applique pas le code. Comme vous le dites, on peut bien avoir des politiques, des lois et des textes législatifs, mais s'il n'y a personne pour les appliquer ou pour empêcher les actes criminels, ils ne servent à rien.
J'aimerais dire deux ou trois choses. Pour commencer, il est toujours préférable d'utiliser une formation de renforcement des capacités adaptée sur le plan culturel et menée par la collectivité grâce à l'engagement des membres. Encore une fois, c'est ce qui doit arriver si l'on veut que les résultats soient durables et positifs.
Selon moi, lorsqu'on crée des forces liées à la gouvernance et un tel code d'éthique, les valeurs connexes et tout ça, c'est lié à la bonne gouvernance. On crée une impulsion dans la collectivité qui, ensuite, permet de renforcer la gouvernance. Pour dire les choses d'une autre façon, le genre de processus de modification comportementale le plus efficace, c'est la rétroaction des pairs, alors...
Merci de la question, parce que j'ai quelques suggestions dont m'ont fait part un certain nombre de personnes dans ma collectivité.
Évidemment, une des choses, en ce qui a trait à la Loi sur les Indiens, c'est que beaucoup de personnes ont dit qu'il fallait l'éliminer, ce qui pourrait être une meilleure solution. On pourrait la remplacer par quelque chose d'autre. Durant les réunions de remue-méninges que nous avons organisées, certains ont suggéré la création d'un poste de vérificateur général pour les Premières Nations. Une autre recommandation serait une ligne d'assistance nationale du gouvernement fédéral, où les gens pourraient appeler pour déposer des plaintes de corruption ou de conflit d'intérêts. La ligne pourrait être supervisée par le gouvernement et pourrait réunir des experts et des Aînés. Encore une fois, certains ont suggéré un comité d'éthique au niveau national qui s'occuperait des situations comme les conflits d'intérêts, qui sont des situations avec lesquelles nous sommes confrontés.
Ce sont des choses auxquelles nous avons pensé... Le simple fait de pouvoir avoir ce dialogue...
Madame Burnstick, êtes-vous alors en train de parler d'une structure qui ne serait pas simplement très locale? Parlez-vous d'un regroupement régional plus grand, par exemple, peut-être, les Cris ou les zones visées par les traités?
Je suis désolée, mais le temps est écoulé. En fait, le temps est plus qu'écoulé.
Je tiens à vous remercier. Évidemment, c'était trop court. L'enjeu est complexe et a beaucoup de répercussions. Je tiens à vous remercier d'avoir participé par téléconférence. Nous vous en sommes reconnaissants. Et aussi, pour ceux qui se sont présentés en personne devant le Comité, meegwetch, merci beaucoup d'avoir participé à la discussion.
Nous allons prendre une très courte pause, peut-être d'une minute, puis nous reprendrons avec notre deuxième groupe de témoins.
Je demande à tout le monde de s'asseoir rapidement.
Nous avons un autre solide groupe de témoins. Les gens veulent avoir le temps de présenter leur déclaration. Les délais sont serrés, alors je vais demander à tout le monde de se réunir le plus rapidement possible.
Encore une fois, nous nous rassemblons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. En cette période de vérité et de réconciliation, c'est important pour nous de reconnaître le lien spécial que nous entretenons avec les Autochtones. Le Comité poursuit son étude sur la gestion des manquements.
Notre deuxième groupe est composé de Perry Bellegarde, chef national de l'Assemblée des Premières Nations; de Ghislain Picard, chef régional, et de Norm Odjick, représentant, de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador; et de Pam Palmater, qui comparaît à titre personnel.
Je tiens à tous vous souhaiter la bienvenue. Vous aurez chacun 10 minutes pour présenter votre déclaration. Ensuite, nous passerons aux déclarations.
Je suggère que nous commencions par Pam. Vous avez la parole pendant 10 minutes.
Kwe, ni'n teluisi Pam Palmater. Je suis de la nation souveraine Mi'kmaq sur le territoire non cédé de Mi’kma’ki.
Je tiens à tous vous remercier de m'avoir invitée à parler de cet enjeu, aujourd'hui, et je tiens pour commencer à reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire non cédé de la nation algonquine.
Évidemment, le Comité a le mandat de réaliser un examen de l'objectif de la politique d'intervention actuelle d'AINC, de son efficacité et des solutions de rechange. Même si le nom a changé, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une politique d'intervention.
En ce qui concerne les membres des Premières Nations qui ont témoigné jusqu'à présent, je crois que le fait qu'ils témoignent en tant que survivants de la politique en dit long sur les graves préjudices qu'elle a causés aux Premières Nations. À cette fin, mon témoignage ne répétera pas certaines des préoccupations mentionnées — même si je suis d'accord — durant les témoignages des Algonquins de Lac Barrière, de la nation crie de Mathias Colomb, de la nation de Wasagamack, de la nation Mattawa, des Premières Nations du Swampy Cree Tribal Council et des Premières Nations de la MKO.
Selon moi, la première chose à laquelle le Comité devrait respectueusement réfléchir, c'est le mandat d'Affaires indiennes. Il semble s'agir de quelque chose de vraiment simple, mais toutes les politiques d'AINC devraient être évaluées sous cet angle. La mission est de créer « un meilleur endroit » pour les Autochtones, mais le mandat consiste à « améliorer le bien-être social et la prospérité économique » des Premières Nations. À cette fin, le Parlement affecte plus de 9 milliards de dollars par année et environ 5 000 employés pour réaliser ce mandat très simple.
La question que vous devriez vous poser est la suivante: « Est-ce que la politique est conforme à ce mandat? » Si vous écoutez les Nations unies, le vérificateur général, la Commission de vérité et réconciliation et toutes les études en recherche sociale à n'avoir jamais été réalisées, la réponse, c'est un « non » catégorique.
Je crois qu'il serait aussi prudent pour le Comité d'analyser cette politique en tenant compte des obligations fiduciaires du Canada de toujours agir dans l'intérêt des Premières Nations, des obligations constitutionnelles de consulter, de prendre des mesures d'adaptation et d'obtenir le consentement des Premières Nations, de la reconnaissance officielle qui a été accordée en 1997 au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Premières Nations; des lois du Canada et des lois internationales, qui interdisent la discrimination contre les Premières Nations et soutiennent le droit à l'autodétermination des Premières Nations, y compris le droit de gérer leurs propres institutions et de l'engagement déclaré du Canada de permettre la réconciliation, de respecter les droits ancestraux et issus de traités et de renouveler la relation de nation à nation qui n'est pas fondée sur les mesures de contrôle paternalistes du passé.
Plus précisément, voici les problèmes que j'ai remarqués dans la politique.
Premièrement, la politique mine le droit inhérent des Premières Nations à l'autonomie gouvernementale. Tous les niveaux d'intervention sont demandés ou exigés par AINC. La politique impose des normes plus élevées aux Premières Nations qu'on en exige des autres ordres de gouvernement. En outre, elle n'a pas été créée en partenariat.
Deuxièmement, il n'y a aucun pouvoir juridique au titre de la Loi sur les Indiens permettant au ministre d'imposer un co-gestionnaire ou un séquestre-administrateur. La politique n'a pas force exécutoire. Les responsables procèdent comme ils l'entendent en fonction de leurs propres préférences contractuelles. C'est là un important déséquilibre de pouvoir, surtout lorsqu'on tient compte des nombreux accords de contribution signés sous la contrainte.
Troisièmement, cette politique ne s'attaque pas aux causes profondes de la détresse et des difficultés financières: le sous-financement intentionnel et chronique des programmes et services essentiels, le défaut d'appliquer les droits issus de traités, le vol de terres et de ressources et le défaut de fournir un financement suffisant et fondé sur les besoins pour élaborer et maintenir une capacité en matière de gouvernance. Ce sont là les causes profondes du problème.
Quatrièmement, la politique ne bénéficie pas du soutien financier nécessaire ne serait-ce que pour atteindre les objectifs qu'elle énonce en matière de soutien au chapitre du renforcement des capacités. AINC a admis qu'il a très peu de financement lui permettant de prévenir les manquements, mais n'a pas mis à niveau le financement en soutien aux bandes depuis des décennies. Pour ce qui est de la correction rapide des manquements, il n'y a pas de stratégie de sortie ayant force exécutoire. Pour ce qui est de la responsabilité et de la transparence des Premières Nations, il s'agit déjà du gouvernement le plus surchargé du monde entier, duquel on exige le plus de rapports, selon le vérificateur général. Combien de transparence de plus la politique peut-elle exiger?
Cinquièmement, la politique n'est pas légitime et elle enfreint tous les principes d'équité administrative et de justice. Il n'y a aucun consentement des Premières Nations. Il n'y a pas de processus d'appel. AINC ne fait l'objet d'aucun mécanisme de responsabilisation. Il n'y a aucun recours contre les préjudices causés par le séquestre-administrateur. La politique a été utilisée à des fins politiques inappropriées. Regardez tout simplement la nation crie de Mathias Colomb, Attawapiskat et les Algonquins du Lac Barrière.
AINC oblige les Premières Nations à piger dans leur financement déjà trop bas jusqu'à 600 000 $ pour obtenir les services d'un séquestre-administrateur; il s'agit là de fonds que le ministère refuse d'accorder aux Premières Nations afin qu'elles créent leur propre effectif et bureau des finances avec leurs propres membres. Si l'argent est là, il faudrait l'utiliser à des fins appropriées.
La politique crée plus de tort que de bien. Les Premières Nations subissent souvent l'intervention pendant de nombreuses années. Leur situation financière se dégrade, surtout lorsqu'il y a gestion par un séquestre-administrateur. Leur capacité financière n'est pas meilleure après la période de gestion par un séquestre-administrateur. La relation entre AINC et les Premières Nations continue de se détériorer. Les interventions envoient de faux messages de fraude, de corruption et de mauvaise gestion financière aux membres de la collectivité, ce qui les porte à croire que c'est là la cause de leur pauvreté, et non le sous-financement, alors que tous les rapports statistiques prouvent le contraire. Ce n'est que dans de rares exceptions qu'il y a méfait, encore moins qu'au sein des gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui en dit long.
Pour ce qui est de mes recommandations, AINC doit s'attaquer aux causes profondes des manquements allégués, y compris un financement de programme fondé sur les besoins et les droits qui tient compte de la non-discrimination, de l'augmentation de la population, de l'inflation et un établissement rétroactif et prospectif des coûts liés au personnel, à la formation et au soutien, pas seulement à la gestion financière.
AINC doit respecter et appliquer les droits ancestraux et issus des traités, ce qui inclut un financement fondé sur les droits associés aux engagements pris dans les traités en matière d'éducation et de santé, de façon à ce que les collectivités ne se retrouvent pas en situation financière précaire d'entrée de jeu. Cela inclurait le retour des terres et des ressources et une reconnaissance constitutionnelle de la compétence des Premières Nations.
AINC doit immédiatement examiner tous les dossiers d'intervention, en donnant la priorité aux cas de gestion par un séquestre-administrateur, en vue d'une réévaluation, de la prestation de soutiens supplémentaires et de recours contre les graves préjudices subis.
Pour ce qui est de la politique en tant que telle, si elle doit continuer d'exister, il faudrait la modifier de façon importante, en partenariat avec les Premières Nations, pour en faire une politique de soutien d'urgence, pas une politique d'ingérence politique et financière.
Parmi mes recommandations liées à une telle politique, mentionnons le fait qu'elle devrait être fondée sur des principes de base, comme le fait qu'il s'agit d'une politique de dernier recours, utilisée seulement dans des cas exceptionnels et extrêmes et lorsque les Premières Nations demandent volontairement l'aide du ministère. En outre, elle assurerait la responsabilité et des recours en cas de manquement et de préjudice causé par AINC et ses agents. De plus, tous les coûts associés au soutien d'urgence et exceptionnels devraient revenir à AINC afin que ce soit là une mesure incitative pour que l'intervention soit à court terme. Il faudrait le faire en fonction d'un cadre fondé sur les droits de la personne, y compris les droits propres aux Autochtones, et il faudrait prévoir un processus d'appel et d'examen officiel pour les cas de soutien exceptionnel, y compris un financement adéquat et des soutiens juridiques pour les Premières Nations afin qu'elles puissent se défendre, surtout dans les cas d'ingérence politique.
Il faut aussi examiner tous les soutiens actuellement fournis aux prétendues institutions financières des Premières Nations et aux sociétés d'État qui participent à la gestion financière des Premières Nations. La gouvernance des Premières Nations au niveau des Premières Nations doit être une priorité, et il faut fournir un soutien pour les regroupements, sur demande. La politique d'intervention paternaliste et inconstitutionnelle d'AINC ne doit pas être remise entre les mains d'une institution des Premières Nations qui fera exactement la même chose.
En conclusion, vous constaterez que tous les témoins des Premières Nations vous disent qu'il faut s'attaquer aux causes profondes des manquements allégués, dont l'une est le sous-financement chronique. Le directeur d'AINC a déclaré ce qui suit: « Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la mise en oeuvre de la politique n'a pas beaucoup de sens aux yeux de certaines Premières Nations si le financement global est insuffisant. »
Les Premières Nations ont aussi témoigné au sujet de l'abus de pouvoir et de l'ingérence politique du personnel d'AINC au sein des Premières Nations. Le fait de témoigner en tant que survivant en dit long sur les ravages causés, et le fait de subir la gestion d'un séquestre-administrateur pendant des années tandis que les finances se détériorent ne correspond aucunement au concept de responsabilisation de qui que ce soit, surtout pas d'AINC.
Merci.
[Français]
[Le témoin s'exprime en langue innue.]
Bonjour à toutes et à tous, principalement à Mme la présidente et aux membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Je vais être très bref, parce que je voudrais surtout permettre à mon collègue, qui m'accompagne aujourd'hui, de présenter beaucoup plus en détail l'étude qui est actuellement menée.
Je remercie aussi le Comité de procéder à cet examen d'une politique vraiment archaïque et désuète, comme le sont sans doute la plupart des politiques dont la responsabilité incombe aux Affaires autochtones et du Nord, au gouvernement fédéral.
Je pourrais dire sans doute que j'ai personnellement dépensé beaucoup d'énergie et d'efforts — pas plus que quiconque, mais au moins plus que la plupart — au fil des années pour venir témoigner devant les différents comités, sans beaucoup de résultats, malheureusement. J'hésite toujours un peu au moment de décider de participer à des exercices dits démocratiques, qui nous permettent finalement d'exprimer nos préoccupations relativement à la relation, de nation à nation, mais aussi de gouvernement à gouvernement, entre nos propres institutions et le gouvernement fédéral. Cela concerne en particulier l'actuel examen de la politique de la prévention et gestion des manquements
Il est très clair, à notre avis, que nous parlons depuis des années des anomalies liées à l'application de cette politique. Malheureusement, nous n'avons pour tout héritage que nos propres échos aux préoccupations que nous exprimons. À cet égard, je dirais que, à l'échelle nationale, même si le pourcentage de communautés engagées dans une situation où il y a un tiers administrateur est très faible, il n'en demeure pas moins qu'un nombre quand même important de communautés — il y en a par exemple dans notre propre région — sont près du seuil d'intervention. Cela demeure extrêmement inquiétant et ces situations sont toujours, finalement, à la merci de l'administration centrale des Affaires autochtones et du Nord.
Nous avons parlé un peu plus tôt de la situation à Lac-Barrière, qui est un exemple éloquent à ce sujet. En effet, déjà en 2015, la communauté de Lac-Barrière cherchait l'appui de l'Assemblée des Premières Nations à l'échelle nationale pour, justement, s'engager dans un processus qui puisse être beaucoup plus constructif avec le gouvernement fédéral. Cela étant dit, je suis ici pour appuyer bien évidemment nos collègues de Lac-Barrière.
C'est donc là-dessus que je termine mon allocution, parce que je crois qu'il est aussi important pour nous d'être présents et d'appuyer nos collègues qui sont quotidiennement au front pour assurer la saine gestion des affaires de la communauté et le bon soutien des administrations, tant au palier local que régional.
Je laisse maintenant la parole à mon collègue Norm Odjick, qui a une vaste expérience et qui pourra très certainement vous entretenir encore plus en détails de la politique à l'étude aujourd'hui.
Merci.
[Traduction]
Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du Comité. Je suis honoré d'être ici aujourd'hui pour parler de ce sujet très important.
Je suis un Anishinabe de la collectivité de Kitigan Zibi. Je suis l'administrateur du Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg. Je compte plus de 16 ans d'expérience au sein de la haute direction, au niveau communautaire et au sein d'un conseil tribal. Durant cette période, j'ai appris de quelle façon les collectivités se retrouvent en difficulté financière et à quel point il est difficile pour elles de s'en sortir. J'aimerais vous faire part de mon point de vue sur l'origine des problèmes et de la façon dont nous, en tant qu'administrateurs, au Québec, aimerions voir les choses s'améliorer. J'ai toujours eu l'impression que parler des problèmes sans offrir de solution n'est pas productif, alors je vais vous donner des suggestions sur la façon dont on pourrait régler les choses.
Si je devais résumer les principales causes sous-jacentes qui font en sorte que les collectivités des Premières Nations se retrouvent dans des situations difficiles, je dirais que c'est principalement le sous-financement, le manque de capacité, le manque de souplesse des accords de financement et le fardeau administratif.
En janvier, les administrateurs du Québec ont été consultés au sujet de nouveaux arrangements financiers avec le gouvernement, y compris la prévention et la gestion des manquements, et les causes profondes ont été répétées dans le cadre de toutes ces séances. Au Québec, c'est un enjeu troublant, parce que, dans le passé, il y a seulement eu une poignée de collectivités qui ont eu des problèmes, et, maintenant, environ la moitié d'entre elles font l'objet d'un type ou d'un autre d'intervention. Nous entendons constamment dire que les collectivités sont sous-financées, et c'est une réalité. Les compressions apportées au financement de soutien des bandes et aux autres programmes, de pair avec les accords de financement de plus en plus restrictifs, ont enclenché une chaîne d'événements qui nous a menés là où nous en sommes. Il y a de nombreux exemples du sous-financement des collectivités. J'aimerais vous en fournir un exemple patent.
Nos collectivités se font dire qu'on finance l'entretien de leurs infrastructures à hauteur de 80 % des coûts. Je ne sais pas d'où peuvent bien venir les autres 20 %. L'ingénieur de notre conseil tribal a réalisé une étude et constaté que, en réalité, en moyenne, les collectivités reçoivent seulement 50 % des coûts réels. Cela fait en sorte que des éléments d'infrastructure, comme les routes et les bâtiments, doivent être remplacés avant leur fin de vie utile prévue, ou que des fonds réservés pour d'autres programmes doivent être transférés là, si on en trouve. Encore une fois, ce n'est là qu'un exemple.
Pour ce qui est des capacités, il est difficile pour nos collectivités de recruter et de maintenir en poste du personnel qualifié, surtout dans des postes principaux. L'une de mes collectivités membres, qui est bien organisée et qui n'est pas isolée, cherche un directeur des finances depuis environ deux ans. Au Québec, nous organisons deux fois par année des réunions des administrateurs du Québec, et nous constatons des changements constants, et il y a parfois jusqu'à six nouveaux administrateurs généraux après une période de six mois.
Le financement pour les programmes de perfectionnement professionnel et institutionnel est limité et réservé aux collectivités qui se trouvent déjà en difficulté financière. Le programme des conseils tribaux a été réduit de façon draconienne en 2013, et cela a gravement limité notre capacité d'aider nos collectivités membres. En raison de ces compressions subies par les conseils tribaux, nous devons porter tellement de chapeaux différents qu'il est difficile de franchir la porte.
On a parlé d'enlever le plafond de 2 % sur le financement. Les conseils tribaux ne bénéficient d'aucune indexation annuelle, et encore moins des 2 %. Notre pouvoir d'achat diminue chaque année; cependant, on nous demande d'en faire de plus en plus et on s'attend à ce qu'on le fasse. Nos collectivités ont besoin de plus de soutien, mais c'est très difficile de leur fournir tout ce dont elles ont besoin.
Dans le cadre des arrangements de financement précédents, il y avait beaucoup plus de souplesse quant à la façon dont les fonds pouvaient être dépensés. Maintenant, une grande partie des fonds sont versés dans des budgets secondaires ou ciblés, et on peut seulement les utiliser à une fin précise. Ce n'est pas rien, parce qu'un budget est un budget. Peu importe s'il s'agit du budget d'un ménage ou du budget annuel d'une collectivité, il faut de la souplesse afin de couvrir les domaines qui ont besoin d'un supplément ou d'engager des dépenses imprévues. Disons, par exemple, que, dans le budget de votre ménage, vous avez des fonds réservés pour les vêtements, mais votre chaudière fait défaut. Si vous ne pouvez pas transférer certains des fonds prévus pour les vêtements pour réparer votre chaudière, qu'arrivera-t-il? Elle finira par briser. Vos canalisations gèlent et vous avez des dégâts d'eau chez vous. C'est cette situation à laquelle sont confrontés nos administrateurs des Premières Nations dans les collectivités en raison de ces budgets et contraintes. Le manque de souplesse a un effet boule de neige qui cause plein de problèmes différents.
Enfin, pour ce qui est du fardeau administratif, il découle principalement de deux enjeux: les demandes de financement et les rapports. Les administrateurs des Premières Nations passent une immense portion de leur temps à remplir des demandes, année après année. En plus du temps perdu pour remplir les demandes, ce type d'approche compétitive désavantage encore plus les collectivités qui ont déjà des problèmes et celles qui ont des problèmes de capacité.
Je vais maintenant passer aux solutions.
Premièrement, il faut financer de façon appropriée les collectivités et les conseils tribaux. Regardez les domaines où les Premières Nations ont des difficultés et financez-les de façon appropriée. En ce qui concerne les conseils tribaux, en 2008, le ministère a réalisé une étude nationale détaillée en collaboration avec les conseils tribaux lorsque le Programme des conseils tribaux a été renouvelé par le Conseil du Trésor. Les constatations du rapport devraient être utilisées pour étayer l'examen du programme. Le rapport montrait le rôle important des conseils tribaux dans le bon fonctionnement des collectivités membres, le manque de financement auquel ils sont confrontés et la façon dont le programme pourrait être amélioré. En renforçant les conseils tribaux, vous pouvez aider à combler les lacunes en matière de capacité dans les collectivités.
Deuxièmement, il faut accorder aux Premières Nations la marge de manoeuvre nécessaire pour définir leurs propres priorités et attribuer les fonds là où ils estiment que c'est nécessaire.
Troisièmement, il faut éliminer la nature compétitive des demandes de financement pour les programmes qui soutiennent le renforcement des capacités. Vous pourriez envisager de fournir des fonds, par l'intermédiaire des conseils tribaux, pour des initiatives comme un programme de perfectionnement professionnel et institutionnel, de façon à ce que toutes les collectivités puissent en bénéficier, peu importe leur situation. Cela aide les collectivités qui ont déjà des difficultés et empêche que d'autres se retrouvent dans la même situation.
Quatrièmement, lorsque cela est possible, il faut fournir du financement sous forme de subvention, ce qui est plus conforme à la notion d'une relation de nation à nation et aidera à éliminer le fardeau administratif.
En conclusion, j'aimerais vous communiquer une idée que les administarteurs du Québec ont depuis un certain nombre d'années. Selon nous, plutôt que d'avoir recours à des séquestres-administrateurs, idéalement, il devrait y avoir une équipe d'administrateurs des Premières Nations qui aident les collectivités directement et à laquelle on peut avoir accès même si on n'est pas en difficulté financière.
Pour l'exercice 2017-2018, mon conseil tribal, en collaboration avec les conseils tribaux Mamuitun et Mamit Innuat, a présenté un projet pilote pour soutenir trois collectivités en difficulté. Nous voulons embaucher des ressources qui examineront précisément pourquoi ces collectivités ont de la difficulté afin de préparer un plan d'action pour remédier à la situation. On pourra ensuite commencer à les encadrer. Nous espérons que, malgré le court délai, nous pourrons trouver les avantages d'une telle approche. Nous espérons que, lorsque l'efficacité de la méthode aura été prouvée, nous pourrons travailler en collaboration avec le ministère pour nous assurer que chaque conseil tribal bénéficie d'une telle ressource lui permettant d'aider chacune des collectivités.
Meegwetch.
Merci.
Nous allons maintenant passer au chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde.
Bonjour. Merci, madame la présidente.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Pam, Ghislain, Norm, vous avez présenté de très bons exposés.
Très rapidement, madame la présidente, bonjour à vous tous, amis et parents. Je remercie le Créateur de nous donner cette journée et mes collègues, qui ont présenté leur exposé. Je tiens aussi à souligner la nation algonquine à qui appartient le territoire non cédé où nous nous trouvons.
L'ensemble des nombreux exposés qui vous ont été présentés ont mentionné le besoin d'assurer un bon financement. Les témoins ont parlé du besoin de capacités adéquates dans les collectivités, les territoires et les nations des Premières Nations. De plus, et en particulier, il y a le cas des Algonquins du Lac Barrière. Je leur ai dit que je prenais acte de leur situation et je les ai soutenus en vue de leur présentation, parce que c'est quelque chose que nous soutenons aussi par l'intermédiaire d'une résolution nationale.
En ce qui a trait à la Politique de la prévention et de la gestion des manquements des Premières Nations, nous affirmons qu'elle est inappropriée et punitive, mais que faut-il faire pour changer la situation? Essentiellement, il faut l'éliminer, la modifier ou la mettre de côté. Nous parlons ici d'un vestige du colonialisme qui fait peu de choses pour prévenir ou gérer les manquements. Elle traite les Premières Nations comme des fournisseurs de services du gouvernement fédéral plutôt que comme des gouvernements à part entière. Elle est conçue pour atténuer les risques pour le ministère plutôt que pour améliorer le rendement sur le terrain. Il est là, le problème. Elle fait peu pour aider les Premières Nations à renforcer leur capacité afin de s'émanciper de ses dispositions.
Il y a quatre facteurs, et je suis sûr que vous les connaissez probablement déjà. Vous avez entendu de nombreux exposés, alors je n'aurai pas à tout lire pour ne pas vous ennuyer. Je n'aime pas les exposés ennuyeux, et je n'aime pas lire.
Mais il y a les quatre risques, et vous les connaissez, les quatre éléments déclencheurs. Il y a des situations où une nation est punie plutôt que protégée par cette politique d'intervention, et voici certains exemples. Le premier concerne les inondations. Lorsqu'une Première Nation est inondée, que se passe-t-il? Elle doit trouver d'autres sources de revenus à l'interne pour composer avec l'inondation. Elle n'obtient pas des fonds supplémentaires pour gérer l'inondation ou la situation d'urgence. Elle doit regarder ailleurs pour répondre à ce besoin, ce problème. La politique fait plus de mal que de bien, parce que la collectivité sera pénalisée en tentant de répondre aux besoins de ses membres.
Il y a aussi un risque perçu qui est lié à la prestation des programmes, et cela fait en sorte que le ou la ministre substitue son jugement à celui de la nation. Essentiellement, ce sont les collectivités qui sont les mieux placées pour savoir. Il y a 5 000 bureaucrates. Je ne veux pas manquer de respect aux bons membres des Premières Nations qui sont là et qui tentent de changer les choses au sein du ministère, mais il y a beaucoup de fonctionnaires au sein de l'AINC. Il doit y avoir des façons plus efficaces et efficientes de faire les choses. Personne à Ottawa ne devrait dicter ce qui se passe dans les collectivités. Les membres des collectivités sont les mieux placés pour savoir ce dont ils ont besoin. C'est ce que j'ai à dire à ce sujet.
Sans vouloir manquer de respect aux membres de mon équipe de rédaction, je vais droit au but. Ce devrait être les gens dans les collectivités qui prennent les décisions, pas des fonctionnaires d'Ottawa ou d'un bureau régional d'Affaires indiennes.
En raison de l'immense écart socioéconomique qui existe et persiste depuis des décennies... C'est un exemple clair, encore une fois, de l'échec lamentable de la politique. Elle ne sert pas les gens et elle ne favorise pas une bonne gouvernance. Elle fait plus de mal que de bien. Que faut-il faire pour la changer? Que devons-nous faire? Quelle est la nature des mesures, des processus et des étapes pour changer la situation?
La plupart du temps, lorsqu'un vérificateur ne peut pas fournir une opinion sans réserve, ce n'est pas en raison de malversations. Habituellement, c'est en raison d'un manque de capacité. J'ai été chef à Black Bear. Nous obtenions à l'époque 180 000 $ de financement en soutien à la bande chaque année. Il faut payer les salaires du chef et des membres du conseil. Il faut payer pour le fonctionnement, l'entretien et l'administration. Croyez-vous qu'on peut faire venir un comptable agréé ou un CMA pour 30 000 ou 40 000 $ par année? Parce que c'est tout ce qui reste. Il y a un problème de capacité. Il est là, le problème.
J'aimerais que chacune des 634 Premières Nations du Canada bénéficie des services d'un comptable agréé ou d'un CMA. Elles n'ont pas la capacité d'en embaucher un. Souvent, elles utilisent leurs revenus propres pour le faire. Le problème, c'est la capacité, le manque de capacité. Très souvent, encore une fois, la mauvaise tenue de dossiers découle d'un problème de capacité comme c'est le cas pour la formation et le perfectionnement. Obtenir les capacités est ce qui importe.
Encore une fois, on parle du financement en soutien aux bandes... j'ai fait beaucoup de lobbying. Voulez-vous avoir 634 chefs de Premières Nations heureux? Il faut augmenter le financement en soutien aux bandes, augmenter le financement destiné au fonctionnement et à l'entretien et accroître celui destiné aux dépenses en capital secondaires. Ce sont les trois programmes au sein d'AINC où il n'y a pas eu d'augmentation. Je sais qu'on affecte 8,4 milliards de dollars, et maintenant 3,4 milliards de dollars. C'est bien. C'est un pas dans la bonne direction, mais il y a encore un immense écart qui s'est creusé au cours des 25 dernières années. C'est lui qu'il faut commencer à combler. Le financement en soutien aux bandes est vraiment problématique.
C'est ironique, cependant. Lorsqu'on se retrouve géré par un séquestre-administrateur... nous faisions l'objet d'une telle gestion dans ma réserve lorsque j'ai pris le pouvoir. J'ai réussi à nous sortir de la gestion par un séquestre-administrateur en huit mois. On peut le faire, mais il faut prendre des décisions difficiles. Ce qui met en colère les chefs au niveau des bandes, c'est qu'Affaires indiennes décide de payer un séquestre-administrateur des milliers et des milliers de dollars directement à partir du financement en soutien aux bandes.
Les séquestres-administrateurs n'ont aucune raison de mettre en place les capacités nécessaires, parce que c'est leur gagne-pain. Qui veut se sortir d'une gestion par un séquestre-administrateur? Je suis un séquestre-administrateur, et il y a tellement d'entreprises qui ont été créées partout au Canada maintenant pour fournir ces services de gestion financière. Il n'y a rien qui les incite à former les gens et à créer la capacité au niveau des bandes, parce que c'est leur gagne-pain. C'est un cycle, alors il faut l'interrompre. Ça tient aux problèmes de capacité.
Un accord a été produit par AINC — que Dieu bénisse ces gens —, en février ou mars, et c'est une entente unilatérale. Il n'y a aucune discussion. Il n'y a pas de dialogue. Il n'y a pas d'échange. C'est imposé: voilà, vous signez ici et, si vous ne signez pas, vous n'aurez pas d'argent le 1er avril. Eh bien, c'est vraiment un système mauvais, pitoyable. C'est une proposition « à prendre ou à laisser ».
Si on décide de refuser l'accord, cela signifie qu'un séquestre-administrateur sera nommé,qu'aucun programme ni service ne sera offert à la Première Nation. C'est terrible. Encore une fois, on semble vouloir davantage contrôler les Premières Nations que prévenir ou gérer les manquements. Plutôt que d'avoir recours à la Politique de la prévention et de la gestion des manquements, je suggère de soutenir l'acquisition de compétences financières, des capacités administratives et de gestion et les institutions des Premières Nations, qui aideront à renforcer les capacités financières. C'est là que vous devez consacrer votre énergie et vos efforts.
De plus, il faut complètement renverser la relation actuelle en matière de responsabilisation.
Cathy, nous adorons la responsabilité et la transparence. Allez-vous proposer une loi sur l'obligation redditionnelle et la transparence en matière financière? Je sais qu'elle existe.
Il y a 634 Premières Nations partout au Canada, et dans chaque réserve, il y a ceux qui soutiennent le chef et les membres du conseil, et ceux qui ne les soutiennent pas. Lorsqu'une personne prend la parole et essaie de médire et de donner l'impression que tous les chefs et tous les conseils sont des bandits corrompus... Eh bien ce n'est pas le cas dans la grande majorité des collectivités. Il faut renverser la relation afin qu'on doive rendre des comptes, de prime abord, aux citoyens des différentes Premières Nations. C'est ainsi qu'il faut renverser la relation: il ne faut pas être d'abord responsable devant le gouvernement; avant tout, il faut l'être devant les citoyens de la Première Nation.
Je suis tout à fait favorable à la transparence et à la responsabilisation, et ce doit être là. Si ma mère nous regarde, je sais qu'elle dira « oui », parce qu'elle sait ce qui se passe dans la réserve. Elle veut de la transparence et de la responsabilisation. Elle a 80 ans et elle me le dit si je fais quelque chose de mal. Elle veut s'assurer que les ressources sont utilisées de façon efficace et efficiente au profit de tout le monde, mais tout en obtenant des résultats sur le terrain.
Le point que nous formulons, c'est que les Premières Nations au Canada devraient répondre de leurs actes devant leurs citoyens en premier et qu'il faut aussi rétablir une vraie relation de gouvernement à gouvernement. Les politiques actuelles ne reflètent pas une telle relation, et il faut les éliminer ou les remplacer. Cela ne fait aucun doute. C'est ce sur quoi nous travaillons en ce moment dans le cadre de l'examen détaillé des lois et des politiques. Nous avons entrepris un processus, mais il faut du temps.
Essentiellement, les citoyens et les Premières Nations savent quels sont les besoins des citoyens, et c'est quelque chose qu'il faut respecter et dont il faut tenir compte. Nous avons une nouvelle relation financière. En fait, nous nous réunissons cette semaine. Nous prévoyons présenter quelque chose à l'Assemblée générale des chefs en décembre afin de fournir des options. Nous avons toujours parlé, comme le premier ministre l'a dit, de créer une relation à long terme, durable et prévisible avec l'État, une relation fondée sur les besoins.
À quoi est-ce que cela ressemblera? Nous disons que les travaux que nous faisons dans le cadre de ce groupe sur les finances sont en cours, mais cela ne doit pas être une excuse pour ne pas aller de l'avant lorsque des occasions s'offrent aux Premières Nations. Je ne veux pas entendre: « Oh, le groupe de travail national responsable des finances de l'APN s'occupe de tout. » Non, ne dites pas ça, ne faites pas ça et n'accordez pas votre soutien à de tels propos. Allez de l'avant avec des mesures qu'on peut prendre dans les collectivités et les régions dès maintenant. Tout le travail en cours lié au protocole d'entente prendra un certain temps.
Essentiellement, il y a quatre choses ou exemples qui peuvent se produire actuellement. Premièrement, il faut appliquer pleinement l'annexe K de la directive du Conseil du Trésor. Vous savez ce que c'est? Cela permet les reports d'un exercice à l'autre afin que la frénésie du mois de mars soit de l'histoire ancienne. Vous savez ce qui se passe. Il y a des fonds que nous devons dépenser avant la fin de mars au risque de les perdre. C'est fou. Il faut pouvoir mettre les fonds de côté afin de pouvoir les reporter d'un exercice à l'autre. Les ministères du gouvernement peuvent le faire. Les Premières Nations devraient pouvoir le faire aussi afin qu'on ne prenne pas des décisions folles à la fin du mois de mars. Je dis: plus de frénésie du mois de mars.
Deuxièmement, les autorisations limitées dans le temps prenant fin en 2017-2018 devraient être prolongées afin de permettre la conclusion des projets en cours.
Troisièmement, le Canada devrait donner suite à son engagement lié à la relation de nation à nation et à la reconnaissance des droits en étant réceptif aux demandes des différentes Premières Nations qui souhaitent maintenant des changements de mentalité et liés aux politiques. Les Premières Nations ne peuvent pas se permettre d'attendre. Il faut entreprendre le processus de changement, et il faut apporter des changements au sein des Premières Nations, il ne faut pas le faire pour les Premières Nations, il faut le faire avec elles.
Les revenus autonomes sont un autre enjeu qu'il faudrait mettre sur les tablettes et qu'il ne faut pas utiliser pour pénaliser les bandes qui ont des revenus.
Encore une fois, nous avons besoin d'une nouvelle relation financière avec l'État, fondée sur la population totale, les besoins, la prise en compte de l'inflation, le respect des traités et l'affectation directe d'un pourcentage du PIB aux Premières Nations, parce que, initialement, les terres et les ressources étaient à nous.
Voilà. Merci de m'avoir écouté.
Merci, madame la présidente, et merci à vous tous d'être là.
Chef, je crois que c'est votre quatrième visite devant notre comité, et je vous remercie de votre engagement continu et des renseignements que vous nous fournissez.
J'ai deux ou trois questions. Madame Palmater, vous avez parlé de la possibilité de remplacer la politique par un genre de politique de soutien d'urgence temporaire. Quelle forme, selon vous, cela pourrait-il prendre en ce qui a trait au rôle, aux délais et aux résultats escomptés? Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de vos attentes à cet égard?
Prenons l'exemple d'une inondation. Il s'agit d'une situation d'urgence temporaire et à court terme, espérons-le, durant laquelle les gens ont besoin de ressources supplémentaires et d'un peu plus de soutien. Parfois, les Premières Nations peuvent s'en occuper elles-mêmes si elles bénéficient d'un soutien interne, et parfois elles peuvent avoir besoin de l'intervention et de l'aide de responsables de la gestion d'urgence.
C'est la même chose dans la situation qui nous occupe. Si une Première Nation détermine par elle-même que des programmes et services sont à risque — il ne doit pas s'agir d'une décision politique prise par un agent du service de financement qui ne s'entend pas bien avec les responsables de la Première Nation, mais il doit y avoir un réel risque —, et qu'il s'agit d'une situation avec laquelle la Première Nation ne peux pas composer par elle-même ou qu'on ne peut pas régler grâce à un conseil tribal ou une organisation régionale ou encore s'il n'est pas possible d'embaucher des gens de l'extérieur pour venir donner un coup de main et qu'il faut vraiment obtenir l'intervention ou un soutien d'urgence d'AINC, alors, c'est ce qui déclencherait une telle intervention. Ce ne serait pas AINC qui déciderait, de prime abord de ce qui doit se produire, pour ensuite limiter les options et dicter ce qui arrive. Ce serait une décision volontaire.
Merci.
En ce qui a trait à la loi sur la transparence financière, je sais qu'on en a parlé avec notre groupe de témoins précédent, et je sais que vous en avez parlé, chef. Pouvez-vous nous en dire plus sur les répercussions que cela peut avoir sur les collectivités et quels seraient, le cas échéant, les avantages pour la vie de nos membres dans les collectivités?
La Loi sur la transparence financière des Premières Nations sera abordée dans le cadre de l'examen complet des lois et politiques fédérales en cours. C'est l'une des lois qui ne respecte pas l'approche nation à nation.
Ce que nous disons, c'est que nous sommes responsables. Les chefs et les conseils font déjà l'objet de vérifications. Ces vérifications sont accessibles. Elles doivent être présentées, dans beaucoup de cas, aux citoyens des Premières Nations, et ce, régulièrement.
C'est presque comme si, on demandait ce que doit faire un citoyen s'il y a des problèmes de responsabilisation à Little Black Bear. Il y a des élections tous les trois ans, alors je vais fournir mon soutien et en faire un enjeu. Si la chef Cathy McLeod n'est pas responsable, alors je vais la tenir responsable. Il y a des jeux politiques dans chaque réserve, c'est ainsi que sont les choses.
Ce que je dis, c'est que plutôt que d'imposer une loi, qu'elle soit fédérale ou provinciale... beaucoup de Premières Nations commencent à agir de façon proactive et créent leur propre loi sur la transparence financière, créent leur propre conseil du trésor et mettent sur pied leurs propres... le problème, c'est qu'il y en a 634. Certaines sont vraiment avancées, et d'autres, non. Concentrez-vous sur celles qui ne le sont pas et essayez de renforcer les capacités dans celles-ci, parce qu'il y a de bons outils, processus et mécanismes en place un peu partout au Canada. Regardez les bons exemples. De quelle façon pouvez-vous les reproduire?
Il y a 58 nations différentes. Les Cris sont différents des Micmacs, des Dénés et des Haïdas. Chaque nation est différente. Certaines ont une relation découlant d'un traité avec l'État ou ont des obligations de fiduciaire confiées au gouvernement fédéral, mais c'est la Loi sur les Indiens qui régit les 634 Premières Nations, sauf celles visées par une loi distincte qui s'en sont émancipées. Nous voulons tous nous en émanciper, cela ne fait aucun doute. Il faudra un certain temps pour y arriver.
Nous envisageons même de créer nos propres institutions. Vous avez le vérificateur général du Canada; vous avez vu les rapports et vous savez qu'il y est dit qu'il faut moderniser AINC. Cela ne fait aucun doute. Pourquoi ne pas créer notre propre vérificateur général afin que nous comptions sur nos propres institutions qui nous aideront à soutenir la responsabilisation, et la transparence, mais sous la compétence des Premières Nations?
J'ai terminé.
Chef, si vous voulez ajouter quelque chose vous aussi... avez-vous vu des choses changer dans la vie des gens dans les 634 collectivités depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la transparence financière? La loi a-t-elle amélioré la vie des gens? Est-ce une distraction? Quel a été l'impact sur les collectivités avec lesquelles vous travaillez?
[Français]
Pour ajouter à ce qu'a dit précédemment le chef national, je dirais que la question est beaucoup plus profonde et large que cela. Elle touche directement la relation gouvernement à gouvernement, au-delà de la relation nation à nation.
Dans les faits, sur le terrain, c'est beaucoup plus une relation parents-enfants, les enfants étant les communautés que nous représentons. Cela peut influencer l'opinion populaire au sein de nos communautés. Les citoyens et citoyennes de nos communautés ont tendance à voir leurs dirigeants ou leur conseil de bande comme étant entièrement dépendants du gouvernement fédéral. C'est cela qu'il faut changer. La relation est clairement et totalement dysfonctionnelle. C'est pour cela que nous cherchons à trouver les bonnes manières de mobiliser nos communautés pour que nous puissions avoir un statut égal à celui qui est mentionné dans les discours politiques, ce qui est loin d'être le cas actuellement.
Après ma visite éclair à Ottawa, je retourne à Montréal pour y rencontrer l'administration d'un ministère fédéral. Nos gestionnaires passent beaucoup de temps à faire des rapports sur le nombre de cafés qu'ils prennent par jour au lieu de prendre le temps nécessaire à l'atteinte de leurs cibles, ce qui est tout à fait inacceptable. Les exemples sont nombreux et je pourrais passer la journée à vous en donner.
Au bout du compte, il est extrêmement important pour les communautés que la relation entre le gouvernement fédéral et les Premières Nations puisse être un exemple de succès. Sinon, cela minera la crédibilité de nos propres institutions. Je suis d'accord avec les commentaires qu'a tenus le chef national plus tôt. La réalité chez nous n'est pas différente de celle de l'ensemble de la société canadienne. Il faut aussi regarder la situation de cette façon.
[Traduction]
Merci, madame la présidente.
Bonjour. Je tiens à remercier les témoins de participer à notre étude, une étude très importante.
Souvent, nous regardons les gouvernements des Premières Nations qui font l'objet d'une gestion par un séquestre-administrateur, et nous voyons là un problème de mauvaise gestion. Cependant, si nous y regardons de plus près, nous constatons, dans de nombreux cas, qu'il n'y a pas vraiment de problème de mauvaise gestion. C'est un problème de revenu. J'ai eu l'occasion de visiter de nombreuses collectivités des Premières Nations. On voit que les infrastructures sont défaillantes. Les coûts que doivent engager les Premières Nations pour faire toutes ces choses, surtout dans les collectivités isolées, sont trois fois plus élevés qu'ailleurs. Il y a un manque de financement qui leur permettrait d'assurer la durabilité de ce qu'elles ont. Je trouve la situation très troublante.
Si nous regardons les revenus et les capacités du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, nous constatons qu'elles ont la capacité d'imposer des taxes. Elles obtiennent des fonds liés aux évaluations linéaires des pipelines et tout le reste, et, si ces entités ont besoin de plus de revenus, elles ont la capacité d'augmenter les taxes. Selon moi, les Premières Nations n'ont pas la capacité d'augmenter leur revenu.
Selon moi, la question qu'il faut se poser c'est la suivante: de quelle façon peut-on accroître les revenus des collectivités des Premières Nations? C'est une question que je pose à tous nos témoins.
C'est une bonne question, David. C'est l'une des choses dont on parle en ce qui concerne la nouvelle relation financière avec l'État.
En tant que membre des Premières Nations, chacun d'entre nous possède des terres ancestrales, et même des territoires visés par des traités. Par exemple, je viens du territoire visé par le Traité 4. Il y a environ 13 ans, un pipeline devait traverser le territoire et nous avons mis en place une taxe liée au Traité 4. L'entreprise devait payer 100 000 $ à chacune des 34 Premières Nations ayant signé le Traité 4 simplement pour passer sur le territoire. J'ai toujours dit que ces transactions étaient conclues pour nous réduire au silence et « se débarrasser de nous », parce qu'il y a eu un léger ralentissement de la circulation sur la route 1. Je conduisais ma vieille Pinto négligée et je ralentissais la circulation simplement pour attirer l'attention sur le fait qu'il devrait y avoir une taxe autochtone imposée à toutes les industries qui sont situées sur nos terres et territoires ancestraux. Ce serait une façon d'obtenir des revenus.
Encore une fois, lorsqu'on commence à parler de l'économie, le PIB, et tout le reste, comment pensez-vous qu'on génère tout cet argent? C'est grâce à la terre et à la richesse des ressources de ce merveilleux pays, du Canada. Du point de vue d'une personne autochtone, comment la Couronne s'est-elle donné le droit? Je commence à utiliser des expressions comme « souveraineté présumée de l'État » et « compétence présumée de la Couronne », en raison de la notion de territoire nullius, la doctrine de la découverte... nos droits juridiques en tant que doctrine.
Une façon de générer des revenus consiste à avoir la capacité de taxer toutes les entreprises exploitées sur nos terres et territoires ancestraux.
Dans les réserves... l'idée fausse, c'est que les Indiens ne paient pas d'impôt. C'est faux. Nous payons toutes les taxes qui existent. Il n'y en a qu'une que nous ne payons pas en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Les revenus liés aux biens personnels situés dans les réserves. C'est la seule. Nous payons la TPS. Nous payons la TVP. Si quelqu'un possède une résidence, il doit payer ses taxes foncières.
Ce serait une façon de générer des revenus, soit de donner aux Premières Nations la capacité de taxer toute entreprise ou industrie exploitée sur leurs terres ancestrales, dans l'ensemble des terres cédées en vertu d'un traité. Voilà ce que je répondrais à cette question. De plus, les revenus autonomes sont une autre façon de générer de l'argent. Encore une fois, c'est une toute autre question en elle-même... lorsque les entreprises sont florissantes, elles fournissent un soutien supplémentaire. Même dans mon petit poste d'essence, mon poste d'essence Tim Horton, à Little Black Bear, à Forth Qu'Appelle, nous fournissions un soutien supplémentaire dans le cadre du programme de soutien de nos étudiants de niveau postsecondaire. Notre position, à Black Bear, c'était que quiconque de Black Bear voulait aller à l'université allait pouvoir le faire, mais il y avait un plafond lié au financement des études postsecondaires.
Nous avons complété le financement de ce programme grâce à nos revenus autonomes, parce qu'il n'y a pas de meilleure façon de sortir de la pauvreté que d'avoir une bonne éducation. C'est un exemple.
Nos revenus autonomes sont donc une autre façon de procéder, oui, mais c'est une décision qui revient à chaque Première Nation. Selon moi, de façon globale et sur les terres ancestrales visées par des traités, le fait d'avoir la capacité de taxer les industries qui sont là est la façon de procéder.
Pour être très bref, l'accès aux terres, c'est vraiment ce dont il est question. Je suis tout à fait d'accord avec le chef national. Le fait que nous n'ayons pas la capacité de générer nos propres revenus et que nous ne soyons pas en position d'entreprendre nos propres projets nous limite à conclure des accords avec les entreprises. C'est tout à fait injuste, et cela réduit assurément la capacité de nos membres de réaliser leurs propres initiatives et d'être en mesure de les financer. C'est l'un des problèmes.
Si on se limite à la Loi sur les Indiens, la superficie totale des réserves au Canada est inférieure à 1 %. Selon moi, il est évident que c'est un des aspects où des améliorations sont nécessaires.
Pour commencer, tout le financement qui vient du gouvernement fédéral constitue des revenus autonomes. Tout l'argent au Canada vient de nos terres et de nos ressources alors on parle seulement de « contrôler notre propre argent ».
Deuxièmement, il n'y a aucune raison pour laquelle les Premières Nations ne pourraient pas recevoir une portion de tous les impôts fédéraux, provinciaux et municipaux perçus sur nos territoires traditionnels. Nous devrions obtenir une redevance pour toutes les affaires brassées sur chaque route, cours d'eau et terre du territoire qui ont seulement été rendues possibles par la dépossession de nos terres et territoires.
Lorsque j'ai fait mes cours de maîtrise, nous nous sommes penchés sur cette question. Une idée que j'avais eue à ce moment-là, c'était un genre de frais supplémentaire pour tous les visiteurs qui viennent au Canada, soit par vol commercial, par autobus ou par bateau. Disons que ce droit s'élèverait à 10 ou 20 $ par personne. Il y a des millions de visiteurs qui viennent. Nous pourrions facilement générer des dizaines de millions de dollars de cette façon, et cela ne coûterait rien aux contribuables canadiens.
Cinquante secondes, c'est beaucoup.
De toute façon, bon nombre de Premières Nations ont un excellent programme économique. Vous semblez avoir beaucoup de succès. Très souvent, ça tient à l'endroit où on est situé. Ces collectivités vont très bien. Elles sont très transparentes, et on peut voir ce qu'elles font. Cependant, il y a d'autres collectivités qui n'ont pas ce luxe, et qui n'ont pas d'autres sources pour développer leur économie parce qu'elles sont isolées. Que peut-on faire pour combler l'écart? Évidemment, il n'y a pas d'industrie qui les entoure pour soutenir une telle chose. Y a-t-il d'autres façons de générer des revenus grâce à un genre de mécanisme économique?
Je pose cette question à quiconque veut répondre. Vous avez seulement environ cinq secondes.
C'est important d'avoir un programme souple. Il n'y a pas de solution universelle. Tout le monde parle des Osoyoos, qui font des choses merveilleuses en Colombie-Britannique, on parle de Membertou, sur la côte atlantique et de la nation Dakota de Whitecap. Le Grand conseil des Cris fait de très bonnes choses aussi. Ils ont accès à des capitaux, ce qui est très important. L'élimination des obstacles à l'accès aux capitaux est un enjeu important. Puis, il faut qu'il y ait la capacité nécessaire. Chaque réserve devrait compter sur une approche souple, dans chaque territoire, parce qu'il n'y a pas de solution miracle.
Merci, madame la présidente, et merci aux témoins qui sont là aujourd'hui.
Je veux commencer par Pam, parce que je sais que vous avez travaillé pendant de nombreuses années comme directrice principale d'AINC et que vous connaissez très bien la politique dont nous parlons aujourd'hui. J'aimerais que vous me parliez de cette expérience en premier et des leçons que vous en avez tirées. Au-delà des recommandations précises que vous avez mentionnées, je me demande si vous pourriez commencer par nous parler de cette expérience.
Merci de la question. C'est vrai, j'ai travaillé pendant 10 dures années au sein du gouvernement fédéral. Je suis presque réhabilitée, mais l'une des choses très révélatrices que j'ai constatées lorsque j'ai travaillé pour AINC, surtout en tant que directrice des Terres, c'est que nous devions nous réunir à la table de la haute direction pour déterminer qui allait faire l'objet d'une intervention et qui allait l'éviter.
Une des raisons pour laquelle je ne travaille plus pour AINC, c'est que, plus de la moitié du temps, les raisons pour lesquelles on appliquait la politique d'intervention d'AINC aux Premières Nations était politique. Quelqu'un n'était pas d'accord avec une position précise liée au traité ou relativement à un dossier devant la cour, et cela causait des frictions avec AINC. Une autre raison, c'était lorsqu'une Première Nation disait qu'elle ne voulait plus faire de discrimination à l'égard de ses membres et qu'elle allait fournir des services à ceux qui restent dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Lorsqu'AINC a dit: « Non, cela nous causera des problèmes », la Première Nation a fait l'objet d'une intervention.
Aucun des éléments déclencheurs qui figurent dans la politique — selon mon expérience de 10 ans là-bas — n'a jamais été utilisé en tant que motif légitime pour imposer une gestion par un séquestre-administrateur. Bien sûr, une fois qu'on se retrouve géré par un séquestre-administrateur, en raison des coûts pour la Première Nation, ça devient simplement un cercle vicieux, et les Premières Nations touchées n'arrivent plus à se sortir de l'intervention. C'était littéralement des gens assis autour d'une table qui prennent des décisions politiques, pas des décisions de gestion financière. C'est l'une des choses que je n'ai pas oubliées et c'est une des raisons pour lesquelles je voulais venir témoigner devant le Comité. Les choses ne se passent pas comme l'indique la politique. Ce n'est tout simplement pas le cas.
Sur le terrain, c'est bien pire dans certaines régions que dans d'autres. Le Manitoba est l'une des pires régions, mais, auparavant, c'était la région atlantique qui était parmi les pires, c'est là où on utilisait simplement une tactique d'intimidation. Si quelqu'un n'aimait pas l'accord de contribution, il se retrouvait géré par un séquestre-administrateur ou en situation de cogestion. Pour chaque Première Nation qui fait l'objet d'une intervention, il y en a au moins quatre fois plus — quatre fois ce nombre — qui ont été menacées et qui ont dû signer un accord ou adopter une position politique précise.
J'ai de la difficulté à comprendre... Le mandat de l'étude est d'améliorer la politique, la politique d'intervention. C'est un peu troublant pour moi. Est-ce la raison pour laquelle vous avez mentionné le mandat d'AINC? Est-ce que notre étude devrait inclure cet aspect des choses?
C'est exactement cela, en raison de tout ce qu'AINC a le mandat de faire. Même s'il y a 5 000 employés et des milliards de dollars attribués par le Parlement, nous en obtenons seulement la moitié. Si la raison d'être est d'améliorer nos vies et d'améliorer le bien-être social et économique, alors il faut le faire. Tout ce qui ne contribue pas à répondre aux besoins doit être éliminé ou révisé en profondeur, et c'est l'une de ces politiques qui — si nous nous étions réunis en privé et que nous pouvions en parler —, nous le savons tous, très bien, n'aide personne.
Merci.
[Français]
Monsieur Picard, si je me souviens bien, vous avez utilisé les mots « archaïque » et « désuète » pour qualifier cette politique. Je pense que nous sommes unanimes à dire que le sous-financement chronique des Premières Nations est la raison principale pour laquelle celles-ci se retrouvent dans des situations d'intervention comme celles liées à cette politique.
Je pense que vous avez répondu partiellement à l'une de mes questions lorsque vous avez parlé tout à l'heure de la possibilité de recourir à d'autres sources de financement pour les Premières Nations.
Cela pourrait-il aller plus loin?
Je pense, par exemple, au partage des revenus liés au développement des ressources sur nos territoires. C'est peut-être une solution à envisager.
Y aurait-il d'autres pistes de solutions, selon vous?
Nous pourrions, par exemple, envisager un amendement constitutionnel visant à changer la formule de péréquation qui est appliquée au pays et à inclure les Premières Nations, qui sont les plus pauvres parmi les pauvres.
D'abord, tout le monde ferme les yeux à la perspective d'une autre ronde de discussions constitutionnelles. Néanmoins, il y a eu des rendez-vous manqués par rapport aux questions qui intéressent les Premières Nations, et il est utile de s'en souvenir.
Plusieurs éléments sont rattachés à cette question. Effectivement, l'accès à des revenus autres que ceux provenant des gouvernements ne devrait pas non plus nous empêcher d'avoir accès à ce qui est accessible à tout gouvernement à l'échelle du pays, et la formule de péréquation viendrait nous donner cette garantie.
Toute ce qui touche la relation financière est au coeur de la question qui se pose aujourd'hui. Dans vos travaux, vous examinez la politique actuelle. Or, cette politique devrait être jetée à la poubelle et nous devrions en élaborer une qui soit complètement nouvelle. Les politiques et les lois du pays doivent se conformer aux principes énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a peut-être ici une occasion qui se présente à nous de changer le cours des choses et d'enfin redonner aux Premières Nations un statut beaucoup plus gratifiant.
[Traduction]
La période de questions est un peu plus courte qu'à l'habitude.
Vous avez environ trois minutes et demie, monsieur Massé.
[Français]
Merci, madame la présidente.
C'est un peu malheureux, car j'aurais eu une bonne dizaine de questions à poser à ce sujet.
J'aimerais d'abord remercier nos témoins de participer aux travaux du Comité; c'est fort apprécié.
Monsieur Picard, dans votre commentaire d'ouverture, vous avez dit avoir hésité à venir au Comité, parce que, même si vous avez déployé des efforts pour venir témoigner ici à plusieurs reprises, cela n'a malheureusement pas donné beaucoup de résultats, selon vous. Je souhaite donc sincèrement que les travaux du Comité donneront les résultats escomptés.
Je vous poserai d'abord une question d'ordre général. Dans votre allocution d'ouverture, vous avez mentionné qu'au Québec, la région que vous desservez, il y a un faible pourcentage de communautés qui doivent recourir à la gestion par un tiers. J'aimerais que vous m'en parliez davantage. Quelles sont les meilleures pratiques? Quelles sont les leçons apprises? Qu'est-ce qui fait en sorte qu'il semble y avoir des enjeux un peu moins grands?
Vous avez dit que des communautés sont sur le seuil d'une intervention, mais de façon générale, quelles sont les raisons pour lesquelles la situation n'est pas aussi problématique?
La réponse a été en partie donnée par mes collègues ici présents. Malgré tous les défis et les obstacles qui se sont posés, nous avons retenu la solution qui préconise une espèce de cohésion en ce qui concerne les efforts et le savoir-faire de nos communautés, notamment par l'entremise des conseils tribaux.
Comme le disait mon collègue Norm Odjick, les directeurs généraux des communautés se rencontrent deux fois par année, toujours dans le but de mettre en commun les savoirs et les connaissances. Cela peut se traduire par des résultats.
Finalement, on exporte une certaine expertise au sein de nos communautés, et il n'en demeure par moins que c'est important. Il y a environ 15 ou 16 communautés qui sont au seuil d'une intervention, ce qui met en évidence les failles de la politique. Pourquoi attendre que les communautés se cognent le nez à la porte avant d'intervenir? C'est une question que je pose.
Eu égard au seul cas où il y a un tiers administrateur, n'y a-t-il pas moyen d'envisager quelque chose qui soit beaucoup plus conforme aux attentes et aux besoins de la communauté? Il ne faut pas que les firmes comptables à l'échelle du pays se remplissent les poches sur le dos des communautés. Dans le cas de Lac-Barrière, cela fait plus de 10 ans, et nous avons déjà vu cela dans d'autres communautés. Je juge cette situation tout à fait inacceptable et il faut que nous nous penchions là-dessus.
Je reviens à la recommandation de mon collègue Norm Odjick. Sans inventer quelque chose de nouveau, ne pourrions-nous pas faire des efforts pour utiliser l'expertise qui existe chez nous? Ainsi, l'intervention se ferait alors au nom des communautés qui jugent avoir besoin de recourir à une expertise externe par rapport à leur situation.
Merci.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Voilà qui conclut la réunion. Nous avons dépassé un peu le temps prévu. Merci d'être venu. Meegwetch.
L'occasion d'approfondir ces questions est limitée par la structure du Comité. Vous vous exprimez comme vous l'avez déjà fait auprès du gouvernement. Nous devons continuer à faire valoir nos points de vue.
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