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RNNR Rapport du Comité

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LA LUTTE CONTRE LES INSECTES DANS LE SECTEUR FORESTIER CANADIEN

Introduction

En juin 2018, le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes (le Comité) a accepté d’entreprendre une étude et de rédiger les recommandations nécessaires pour protéger l’industrie forestière canadienne de la propagation des insectes forestiers, dont le dendroctone du pin ponderosa et la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Au cours des six réunions qu’il a tenues, le Comité a pu entendre le témoignage d’un large éventail d’experts concernant les répercussions des infestations d’insectes sur la population, l’économie et l’environnement du Canada, ainsi que les pratiques exemplaires permettant de lutter contre ces infestations à l’avenir. Le Comité est heureux de présenter son rapport final, notamment les constatations découlant de son étude et les recommandations au gouvernement du Canada.

Figure 1 : Coup d’œil sur l’industrie forestière canadienne

En 2017, l’industrie forestière a contribué au produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 24,6 milliards de dollars (1,6 %) et employé directement 209 940 personnes (l’équivalent de 1,1 % de l’emploi total). 

En 2016, les Autochtones formaient 6 % des personnes employées dans l’industrie forestière. 
 En 2016, 17 % des personnes employées dans l’industrie forestière étaient des femmes. De celles-ci, 23 % travaillaient dans la forêt (exploitation forestière, foresterie et activités de soutien à la foresterie), tandis que 77 % travaillaient dans la fabrication de produits du bois et dans l’industrie des pâtes et papiers.

Source : Ressources naturelles Canada.

Représentant environ 35 % de la masse terrestre du territoire canadien, les forêts font partie intégrante de notre environnement, de notre économie et de notre mode de vie. Les membres du Comité ont appris que l’industrie forestière est présente dans quelque 600 localités de partout au pays, entre autres dans plus de 150 localités situées dans des zones rurales, et que « [p]our 80 % des collectivités des Premières Nations au Canada, […] la forêt est leur chez-soi[1] ». En 2017, l’industrie, dont le chiffre d’affaires a atteint 69 milliards de dollars, a contribué à hauteur de 24,6 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB) et a employé directement 209 940 personnes (figure 1). Les forêts sont également des puits de carbone naturels et pourraient aider le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’il s’est fixés en vertu de l’Accord de Paris. En 2015, les forêts ont retiré environ 26 millions de tonnes de dioxyde de carbone de l’inventaire canadien des GES[2].

Figure 2 : Perturbations forestières au Canada

Ce graphique montre que les insectes sont la principale cause de perturbations des arbres au Canada. Ils ont fait des dommages à 4,5 % du territoire forestier canadien en 2016. 

Selon les chiffres de 2015, le Canada possède approximativement 15,5 millions d’hectares de territoire forestier (l’équivalent de 4,5 % du territoire national total). En 2017, environ 3,4 millions d’hectares de superficie forestière ont été détruits par le feu (l’équivalent de moins de 1 % de la superficie nationale totale). En 2016, environ 767 milliers d’hectares de superficie forestière ont été exploités (l’équivalent de moins de 0,5 % de la superficie nationale totale). Enfin, en 2016, 37 milliers d’hectares de la superficie forestière du Canada ont été déboisés (l’équivalent de 0,01 % de la superficie nationale totale).

Source : Ressources naturelles Canada.

Les insectes forestiers sont la principale cause de mortalité des arbres au Canada (figure 2), et il existe des données probantes selon lesquelles il se peut que les perturbations qu’ils causent dans les forêts s’aggravent[3]. Le présent rapport a pour objectif de fournir une orientation stratégique au gouvernement du Canada quant à la façon d’améliorer la lutte nationale contre les insectes, à partir du témoignage de divers experts de l’industrie, de la société civile, du milieu universitaire, d’organisations autochtones et du secteur public. Les deux prochaines sections décrivent les grandes infestations d’insectes forestiers auxquelles le Canada fait face actuellement ainsi que leurs conséquences. La dernière section traite des pratiques exemplaires en matière de lutte contre les insectes par de multiples intervenants de plusieurs provinces ou territoires.

Les membres du Comité sont conscients que de nombreuses organisations désignent les insectes forestiers indésirables par le terme « ravageurs ». Or, Bradley Young, de l’Association nationale de foresterie autochtone, a indiqué que ce terme s’accompagne de connotations idéologiques négatives et que les aînés autochtones n’emploient pas de termes comme celui-ci; ils « désignent plutôt les petits ravageurs par man îcosak ou par d’autres expressions autochtones respectueuses employées par les Cris, les Dénés, les Pieds-Noirs, les Haïdas, etc ».

Importantes infestations

Les insectes forestiers présents au Canada sont répartis en trois grandes catégories : les espèces indigènes, les espèces exotiques et les espèces envahissantes. Les espèces indigènes vivent dans les forêts canadiennes depuis des milliers d’années et participent aux fonctions essentielles du cycle de vie telles que la régénération et le rétablissement des forêts. Ce n’est qu’en cas d’infestations qu’elles deviennent nuisibles aux écosystèmes et aux ressources des forêts. Les espèces exotiques et envahissantes, en revanche, sont introduites dans des écosystèmes dans lesquels elles n’ont aucun prédateur naturel. Elles s’attaquent aux arbres qui n’ont pas adapté leurs mécanismes de défense contre celles-ci. Selon Tracey Cooke, de l’Invasive Species Centre, « [u]ne espèce est envahissante si elle se répand hors de son aire de répartition habituelle et qu’elle risque d’avoir des effets néfastes sur l’écosystème, l’économie ou la société dans la zone géographique où elle est introduite ». Les espèces exotiques sont les espèces introduites récemment dans les forêts canadiennes[4].

[Les cultures autochtones] placent plutôt la famille des insectes dans le contexte du cercle de la vie et reconnaissent d’emblée qu’ils sont à la fois beaucoup plus puissants et redoutables que les humains peuvent espérer l’être.

Bradley Young, Association nationale de foresterie autochtone

Les membres du Comité ont appris que les deux infestations les plus persistantes d’espèces indigènes au Canada sont celles du dendroctone du pin ponderosa dans l’Ouest canadien et de la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans les régions forestières boréales, des Grands Lacs et acadienne. L’infestation actuelle de dendroctone du pin ponderosa a commencé en Colombie-Britannique à la fin des années 1990 et s’est depuis propagée vers le nord et vers l’est, soit au-delà de son aire de répartition naturelle des pins tordus latifoliés. S’attaquant aux forêts des montagnes Rocheuses, le dendroctone du pin ponderosa est maintenant considéré comme une espèce envahissante puisqu’il se reproduit sur le pin gris de la forêt boréale. Il a tué des arbres sur environ 16 millions d’hectares de forêts à prédominance de pins en Colombie-Britannique. Selon des témoins, il pourrait continuer de se propager en Alberta et ailleurs (figure 3)[5].

Figure 3 : Mortalité cumulative des arbres causée par le dendroctone du pin ponderosa, 2002‑2012

Ce graphique montre la mortalité cumulative causée par le dendroctone du pin ponderosa entre 2002 et 2012. On peut y voir que le dendroctone se propage au nord et à l’est de son aire de répartition naturelle et s’attaque aux montagnes Rocheuses en Alberta. 

On y voit que la mortalité de certains arbres s’étend au nord jusqu’à Fort Nelson (Colombie-Britannique) et juste à l’ouest de Fort McMurry (Alberta) dans l’Est. La mortalité semble plus concentrée en Colombie-Britannique, en particulier dans les secteurs à l’ouest et au sud de Prince George et au nord de Williams Lake.

Source : RNNR, Témoignages, Alex Chubaty (coordonnateur de modélisation spatiale, fRI Research, Programme de paysages sains, à titre personnel), d’après Cooke BJ, Carroll AL. (2017).

Des données probantes remontant aux années 1700 indiquent que des éclosions cycliques de la tordeuse des bourgeons de l’épinette se produisent dans l’Est du Canada tous les 30 à 40 ans. Depuis 2006, les populations de tordeuse sont en croissance constante au Québec et ont défolié environ 7 millions d’hectares d’arbres en 2017. L’infestation s’est répandue du Bas-Saint-Laurent jusqu’au nord du Nouveau-Brunswick en 2016 pour atteindre la région de Miramichi en 2017. Selon Chris Ward, du ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick, la tordeuse est l’insecte le plus menaçant pour les forêts de cette province[6].

Des témoins ont discuté d’importantes infestations d’autres insectes forestiers, dont la tordeuse du pin gris de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, le dendroctone du Douglas, le dendroctone de l’épinette et le scolyte du sapin de la Colombie‑Britannique, ainsi que certaines espèces exotiques comme la spongieuse, d’origine eurasienne, le longicorne et l’agrile du frêne, originaires d’Asie, et le longicorne brun de l’épinette, venu d’Europe[7].

Conséquences et facteurs de menace

Les membres du Comité ont appris que les infestations d’insectes actuelles nuisent à notre environnement, à notre économie et aux populations vivant des ressources forestières en raison de leurs conséquences :

  • Elles ont des effets nuisibles sur la santé et la biodiversité des forêts, créant, de ce fait, les conditions propices à d’autres infestations d’insectes. Selon Mme Cooke, on considère que la propagation des insectes envahissants est, en ordre d’importance, « le deuxième facteur de risque menaçant la biodiversité, après la perte d’habitat ». En attaquant et en tuant un nombre important d’arbres, les insectes peuvent « réduire l’habitat des animaux et des insectes indigènes, créer des trous dans la canopée qui modifient le microclimat forestier et rendre les forêts souvent encore plus vulnérables à d’autres espèces envahissantes, ce qui réduit globalement la biodiversité ».
  • Elles diminuent les stocks et la qualité de la fibre de bois, ce qui a une incidence sur l’emploi dans la foresterie et l’activité économique[8]. Le dendroctone du pin ponderosa a détruit plus de la moitié des pins exploitables en Colombie-Britannique, ce qui met en péril les populations et les entreprises tributaires des ressources forestières[9]. Au Nouveau-Brunswick, les données montrent que les infestations de la tordeuse des bourgeons de l’épinette pourraient entraîner une réduction de 20 % des stocks de bois[10]. Il est également reconnu que les insectes exotiques, dont la spongieuse originaire d’Europe et d’Asie, menacent l’économie forestière en s’attaquant aux espèces d’arbres ayant une importance économique[11].
  • Elles menacent le patrimoine naturel canadien, dont les parcs nationaux et les arbres en milieu urbain[12]. Selon Darlene Upton, de Parcs Canada, les éclosions actuelles d’insectes menacent plusieurs sites historiques et parcs partout au Canada, notamment à Banff, à Kootenay, à Yoho, à Jasper, à Kouchibouguac, et peut-être au parc national Fundy. Comme l’a souligné Beth McEwen, de la Ville de Toronto, il ne faut pas sous-estimer la valeur économique, sociale et affective des arbres : « Le rassemblement pour sauver le chêne sur la promenade Coral Gable, à North York [à Toronto], témoigne du lien affectif que certains résidents établissent avec les arbres. » Mme McEwen a ajouté que les infestations d’insectes forestiers et les maladies ont eu « des répercussions économiques importantes sur les forêts canadiennes ».
  • Elles pourraient accroître les risques de feu de forêt. Selon de nouvelles données, les insectes forestiers, en détruisant les arbres, pourraient accroître la charge de combustibles, jusqu’à ce que celle-ci provoque des incendies de forêt[13]. Selon Mme Upton et Kim Connors, du Centre interservices des feux de forêt du Canada, le fait qu’on ait observé que les feux de forêt se produisent de manière plus fréquente ou plus importante dans des zones infestées d’insectes forestiers, comme c’est le cas en Colombie-Britannique (2017-2018) et en Ontario (2018), peut appuyer partiellement une telle hypothèse.
  • Elles contribuent aux émissions de gaz à effet de serre du Canada. Lorsque des arbres vieillissent, sont endommagés ou meurent, ces puits de carbone se transforment en sources de carbone. En ce sens, les infestations d’insectes réduisent la capacité naturelle de séquestration de carbone des forêts du Canada[14].

Les insectes forestiers peuvent se propager par diverses routes de commerce et de transport. Comme l’a déclaré William Anderson de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), ils sont « des auto-stoppeurs notoires [qui] ne se limitent pas aux produits agricoles et forestiers. On les retrouve sur tout, des pièces d’automobiles aux décorations, en passant par les meubles. » Les déplacements de bois de chauffage et de billots de frêne font partie des facteurs de risques à surveiller dans le cadre des activités quotidiennes, comme l’indique la campagne « Ne déplacez pas le bois de chauffage » de l’ACIA.

Vu son origine et son ampleur, l’épidémie du dendroctone du pin ponderosa représente un des exemples de conséquences des changements climatiques les plus cités dans le monde.

Étienne Bélanger, Association des produits forestiers du Canada

Les membres du Comité ont aussi appris que l’extinction des feux de forêt et les changements climatiques favorisent la propagation des insectes forestiers par voie de transfert dans l’environnement[15]. Par exemple, selon M. Carroll, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique, le succès en matière d’extinction des feux de forêt au pays, et en particulier dans sa province, a causé une augmentation du nombre d’arbres plus âgés, qui sont « une source alimentaire de prédilection pour le dendroctone du pin ponderosa », ce qui a permis aux populations de cet insecte de se multiplier et d’atteindre « des niveaux sans précédent ». Qui plus est, au cours des dernières années, l’infestation de dendroctone du pin ponderosa a été exacerbée par des périodes moins nombreuses de températures froides en hiver (c.‑à‑d. de -35 °C à -40 °C), lesquelles sont nécessaires pour contrôler les populations de cet insecte, et par des étés plus secs, ce qui a entraîné une augmentation du nombre d’arbres subissant un stress hydrique, lesquels sont sujets au dendroctone du pin[16].

Des témoins ont aussi expliqué que les bouleversements des régimes climatiques peuvent nuire à la santé des forêts, et donc affaiblir leur résistance aux espèces exotiques et envahissantes. Selon Chris Norfolk, du gouvernement du Nouveau-Brunswick, ce sont « les conséquences cumulatives qui découlent non seulement de l’état environnemental direct créé par le changement climatique, soit des événements météorologiques extrêmes ou des températures plus chaudes, mais aussi de l’apparition de nouvelles voies d’introduction de ravageurs, qui rendront difficile la lutte [intégrée contre les ravageurs forestiers] dans l’avenir ».

Coopération transfrontalière

Près de 90 % des forêts canadiennes relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Pour le reste, 6,2 % sont des terres privées, 2 % appartiennent à des Autochtones, et 1,6 %, au gouvernement du Canada (figure 4). Au fédéral, le Service canadien des forêts (SCF) offre du soutien en matière de recherche et de politiques par des activités de surveillance des insectes forestiers et par l’élaboration de solutions dans plusieurs centres de recherche au pays pour lutter contre les infestations; Parcs Canada est responsable des stratégies de lutte contre les insectes dans les parcs nationaux, et l’ACIA œuvre à la protection des ressources canadiennes et de l’environnement contre les insectes exotiques envahissants par la surveillance et l’inspection des voies d’entrée réglementées des produits végétaux. L’ACIA représente aussi le Canada à la Convention internationale pour la protection des végétaux, qui œuvre à la promotion de l’élaboration et de la mise en œuvre de normes et de pratiques phytosanitaires internationales[17].

Figure 4 : Propriété des terres forestières au Canada

Cette figure présente une ventilation de la propriété des terres forestières au Canada. 

Premier diagramme à secteurs : Quelle superficie la forêt couvre-t-elle au Canada? Selon le premier diagramme à secteurs, la forêt occupe 35 % de la superficie du Canada. Pour le reste, l’eau occupe 9 % de la superficie et les terres non forestières en occupent 56 %. 

Deuxième diagramme à secteurs : À qui appartiennent les forêts au Canada? Selon le deuxième diagramme à secteurs, la ventilation de la propriété est la suivante : 76,6 % des terres forestières relèvent de la compétence provinciale, 12,9 % relèvent de la compétence territoriale, 6,2 % appartiennent au privé, 2 % appartiennent à des Autochtones, 1,6 % relèvent de la compétence fédérale, 0,3 % relèvent de la compétence municipale, et 0,4 % sont placées dans la catégorie « Autre ».

Source : Ressources naturelles Canada.

Les ravageurs forestiers ne connaissent pas les limites municipales ou provinciales ni les frontières internationales. Les scientifiques du gouvernement fédéral sont bien placés pour coordonner la recherche sur les ravageurs considérés comme un risque élevé pour les forêts canadiennes.

Beth McEwen, Ville de Toronto

Des témoins ont fait valoir la nécessité d’établir des partenariats intergouvernementaux pour élaborer des stratégies efficaces de lutte contre les insectes, en soulignant l’importance du soutien offert par le gouvernement fédéral au titre du financement et de la recherche[18]. Par exemple, M. Ward a indiqué au Comité que la stratégie d’intervention précoce (SIP) du Partenariat pour une forêt en santé visant à lutter contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans le Canada atlantique a produit des résultats mesurables :

La nature collaborative du programme [de la SIP] est un modèle de façon dont on peut réussir à mettre en œuvre la gestion des perturbations à grande échelle. Ce programme montre que plusieurs organismes ayant des intérêts et des buts différents peuvent travailler efficacement pour l’atteinte d’un objectif commun : la préservation des valeurs forestières contre la nature destructrice de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. L[a SIP a connu] un succès mesurable. En 2018, moins de 1 000 hectares de défoliation ont été recensés au Nouveau-Brunswick, ce qui est moins que la superficie recensée en 2017.

Par ailleurs, les membres du Comité ont appris que la collaboration entre le gouvernement fédéral et la Ville de Toronto a mené les longicornes asiatiques « très près de leur éradication[19] », et que les efforts intergouvernementaux déployés avec l’Alberta et la Saskatchewan pour la lutte contre la propagation vers l’est du dendroctone du pin ponderosa ont permis de réaliser certains progrès[20]. Des témoins ont fait part d’autres partenariats auxquels participe le gouvernement fédéral, dont la Stratégie nationale de lutte contre les ravageurs forestiers, le réseau Turning Risk Into Action for the Mountain Pine Beetle Epidemic Network du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (TRIA-Net du CRSNG), la Stratégie canadienne sur la forêt urbaine et l’Organisation nord-américaine pour la protection des plantes (NAPPO) [disponible en anglais seulement].

Malgré ces efforts, les membres du Comité ont appris qu’il fallait en faire davantage pour améliorer la capacité d’intervention et d’adaptation du Canada en vue de faire face aux infestations actuelles et futures d’insectes forestiers. À cette fin, des témoins ont recommandé que les gouvernements et les aménagistes forestiers envisagent les mesures suivantes :

  • Faire fond sur des stratégies de prévention et d’intervention précoce en améliorant la surveillance active et l’analyse des voies d’entrée à risque ainsi que les inspections et les signalements à la frontière[21]. Comme l’a dit M. Anderson, « [m]ieux vaut prévenir que guérir ». Lorsqu’une espèce envahissante est déjà très bien implantée dans un territoire, l’éradication est beaucoup moins probable et elle est plus coûteuse[22]. Les témoins ont évoqué plusieurs modèles de détection précoce des éclosions et des interventions, dont la SIP du Canada atlantique, le projet Early Detection & Rapid Response (EDRR) Network Ontario (projet de réseau ontarien de détection précoce et d’intervention rapide) [disponible en anglais seulement] et l’Early Detection & Distribution Mapping System (système plurigouvernemental de détection précoce et de cartographie de la distribution) [disponible en anglais seulement]. Selon M. Ward, la SIP est « une solution à 300 millions de dollars à un problème de 15 milliards de dollars ». Elle a le potentiel de devenir la nouvelle norme en matière de lutte contre les infestations d’insectes dans tout le pays[23].
  • Assurer un financement à long terme pour soutenir des mesures de lutte contre les infestations persistantes d’insectes, en particulier celle du dendroctone du pin ponderosa. Les membres du Comité ont appris que de nombreux aménagistes forestiers auraient besoin de financement supplémentaire afin d’améliorer la lutte contre les insectes dans les territoires relevant de leur compétence[24]. Quant à l’infestation du dendroctone du pin ponderosa, des témoins ont souligné qu’il était nécessaire d’avoir un financement plurigouvernemental cohérent afin de réduire la probabilité que cet insecte se propage davantage vers l’est[25]. Selon Diane Nicholls, du Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique, la collaboration la plus utile de la part du gouvernement fédéral consiste à fournir un programme de financement assorti de résultats clairs (c.‑à‑d. qui indiquent « ce à quoi le financement pourrait servir et la façon dont il devrait être utilisé »), tout en laissant le soin à la province de l’appliquer.
  • Combler les écarts de connaissances entre les provinces et les territoires par des occasions de formation ou de transfert des compétences et des campagnes de sensibilisation de la population. Comme l’ont fait valoir les témoins, les insectes forestiers n’obéissent pas aux frontières politiques. L’efficacité de la lutte contre ces insectes dépend de la capacité des administrations voisines d’agir avec des connaissances et des compétences comparables. Mme Cooke a d’ailleurs recommandé que le gouvernement fédéral coordonne un réseau de partage des données pour permettre à tous d’avoir accès aux mêmes renseignements. En outre, plusieurs témoins ont souligné l’importance de l’acquisition de compétences, de la formation et des campagnes de sensibilisation de la population pour ancrer les pratiques de réduction des risques dans les normes de la société. La campagne « Ne déplacez pas le bois de chauffage » de l’ACIA est un exemple de ces campagnes de sensibilisation[26].
  • Intégrer le savoir autochtone aux pratiques de lutte contre les insectes forestiers, en conformité avec l’obligation de consulter qui incombe à la Couronne[27]. Même si l’on constate une collaboration croissante entre les peuples autochtones et les diverses administrations canadiennes, les membres du Comité ont appris qu’il faut poursuivre les travaux dans ce domaine. Keith Atkinson, de la BC First Nations Forestry Council, a lancé un appel à « investir dans la recherche autochtone, dans l’avancement du savoir traditionnel et de la compréhension autochtone des terres et des ressources ». En outre, M. Young a fait valoir que pour accroître la participation des Autochtones, il faut créer des ressources et « un lieu propice [aux] solutions [autochtones] ».
  • Appuyer les municipalités canadiennes dans le cadre de leurs efforts visant à s’attaquer aux infestations sur leur territoire[28]. Comme la propagation des espèces envahissantes suit les routes de commerce et de transport, de nombreuses infestations d’insectes commencent en milieu urbain[29]. Au Canada, les municipalités relèvent de la responsabilité constitutionnelle des provinces. Michael Rosen d’Arbres Canada a néanmoins suggéré que la foresterie urbaine soit reflétée dans les politiques fédérales, comme c’est le cas dans les autres pays du G7. Pour sa part, la Fédération canadienne des municipalités a demandé au gouvernement fédéral d’« [engager] les municipalités dans la conception et l’exécution de programmes de lutte contre les ravageurs forestiers et [de fournir] des ressources aux administrations locales qui participent directement à la diminution de leur propagation ».
  • Adapter les pratiques et les politiques en matière de gestion forestière aux changements écologiques et climatiques[30]. Les membres du Comité ont appris qu’il faut adapter les pratiques en matière de gestion forestière aux changements en milieu forestier. Par exemple, des témoins ont indiqué que l’on pourrait élargir les programmes de recherche afin de mieux comprendre le comportement des espèces envahissantes, comme le dendroctone du pin ponderosa, dans de nouveaux milieux hôtes[31], que l’on pourrait modifier les régimes de récolte afin de les concentrer sur le bois infecté par les insectes[32], et que les politiques gouvernementales pourraient être adaptées afin de permettre une plus grande diversification des espèces d’arbres et des structures des forêts[33]. De nombreux témoins ont souligné que certaines techniques de reboisement avaient affaibli la capacité des forêts de survivre aux stress comme les infestations de ravageurs[34]. En particulier, ils ont fait valoir que le fait de reboiser une parcelle, puis d’y replanter une seule espèce (comme le pin tordu latifolié) d’une façon homogène qui ne reflète pas la composition naturelle de la forêt, nuit à sa résilience. Comme Gilles Seutin de Parcs Canada l’a expliqué, les forêts dont la composition est plus diversifiée sont moins susceptibles de connaître une infestation à grande échelle et des conséquences importantes. De plus, selon Étienne Bélanger, « beaucoup des fondements juridiques des régimes forestiers en place ne permettent pas les changements nécessaires [à la composition des forêts] ».

Les témoins ont demandé au gouvernement fédéral d’élargir le dialogue national sur la lutte contre les insectes forestiers, en collaboration avec les différentes administrations et leurs intervenants[35]. Derek MacFarlane a affirmé que le Service canadien des forêts est généralement considéré comme « la seule entité nationale qui peut réunir les principaux acteurs au sein d’un groupe pour produire des résultats scientifiques pertinents et pratiques » qui sont utiles aux aménagistes forestiers et aux décideurs régionaux.


[1]              Comité permanent des ressources naturelles (RNNR), Témoignages, 1re session, 42e législature (Témoignages) : Bradley Young (directeur général, Association nationale de foresterie autochtone [ANFA]).

[2]              RNNR, Témoignages : Derek MacFarlane (directeur général régional, Service canadien des forêts, Centre de foresterie de l’Atlantique, ministère des Ressources naturelles [RNCan]); Étienne Bélanger (directeur, Foresterie, Association des produits forestiers du Canada [APFC]); Richard Briand (directeur, Secteur de la forêt, West Fraser Mills Ltd.); et Young (ANFA).

[3]              RNNR, Témoignages : Allan Carroll (professeur, Département des sciences forestières et de la conservation, University of British Columbia [UBC], à titre personnel).

[4]              RNNR, Témoignages : Tracey Cooke (directrice exécutive, Invasive Species Centre); David Nisbet (directeur, partenariat et science, Invasive Species Centre); MacFarlane (RNCan); Jean-Luc St-Germain (analyste des politiques, Direction de l’intégration des sciences et des politiques, Division de la coordination de la recherche et de l’intégration, Service canadien des forêts, RNCan); Carroll (à titre personnel); Young (ANFA); et Ressources naturelles Canada.

[5]              RNNR, Témoignages : Carroll (UBC); Bélanger (APFC); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Darlene Upton (vice‑présidente, Établissement et conservation des aires protégées, Agence Parcs Canada); Peter Henry (chef, Section des guides forestiers et de la sylviculture, Division des politiques, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); Young (ANFA); MacFarlane (RNCan); Diane Nicholls (sous-ministre adjointe, forestière en chef, Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique).

[6]              RNNR, Témoignages : Upton (Parcs Canada); Chris Ward (sous-ministre adjoint par intérim, ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); Henry (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); Young (ANFA); MacFarlane (RNCan).

[7]              RNNR, Témoignages : Henry (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); Young (ANFA); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique); Beth McEwen (gestionnaire à la gestion de la zone naturelle et forestière, Foresterie urbaine, Ville de Toronto).

[8]              RNNR, Témoignages : MacFarlane (RNCan); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Cooke (Invasive Species Centre); William Anderson (directeur exécutif, Direction de la protection des végétaux et biosécurité, Agence canadienne d’inspection des aliments [ACIA]); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique); Ward (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); Gail Wallin (présidente, Conseil canadien sur les espèces envahissantes [CCEE]); Fédération canadienne des municipalités.

[9]              RNNR, Témoignages : MacFarlane (RNCan); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique).

[10]            RNNR, Témoignages : Ward (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick).

[11]            RNNR, Témoignages : Wallin (CCEE).

[12]            RNNR, Témoignages : Upton (Parcs Canada); McEwen (Ville de Toronto); Fédération canadienne des municipalités.

[13]            RNNR, Témoignages : Carroll (UBC); Chubaty (à titre personnel); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Upton (Parcs Canada); Nisbet (Invasive Species Centre).

[14]            RNNR, Témoignages : MacFarlane (RNCan).

[15]            RNNR, Témoignages : MacFarlane (RNCan); Bélanger (APFC); Carroll (UBC); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique); McEwen (Ville de Toronto); Jozef Ric, superviseur à la santé des forêts, Foresterie urbaine, Ville de Toronto; Chubaty (à titre personnel); Norfolk (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); Henry (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); Gilles Seutin, scientifique en chef des écosystèmes, Direction générale de l’Établissement et conservation des aires protégées, Parcs Canada; Michael Rosen, président, Arbres Canada; fRI Research.

[16]            RNNR, Témoignages : MacFarlane (RNCan); Bélanger (APFC); Carroll (UBC); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique); fRI Research.

[17]                  RNNR, Témoignages : MacFarlane et St-Germain (RNCan); Upton (Parcs Canada); Anderson (ACIA); Bélanger (APFC); Propriété des terres forestières et Lois forestières du Canada (RNCan).

[18]            RNNR, Témoignages : McEwen (Ville de Toronto); Henry (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); Ward et Norfolk (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); Upton (Parcs Canada); MacFarlane et St-Germain (RNCan); Cooke (Invasive Species Centre); Carroll (à titre personnel); Anderson (ACIA); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Keith Atkinson (président-directeur général, BC First Nations Forestry Council); Rosen (Arbres Canada).

[19]            RNNR, Témoignages : McEwen (Ville de Toronto).

[20]            RNNR, Témoignages : Briand (West Fraser Mills Ltd.); Alex Chubaty (à titre personnel).

[21]            RNNR, Témoignages : Anderson (ACIA); Cooke (Invasive Species Centre); Wallin (CCEE); Ward (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); MacFarlane (RNCan); Rosen (Arbres Canada); McEwen (Ville de Toronto); Conseil canadien sur les espèces envahissantes.

[22]            RNNR, Témoignages : Cooke (Invasive Species Centre).

[23]            RNNR, Témoignages : Ward (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); MacFarlane (RNCan).

[24]            RNNR, Témoignages : Cooke (Invasive Species Center); Young (ANFA); McEwen (Ville de Toronto); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Bélanger (APFC); Atkinson (BC First Nations Forestry Council); Chubaty (à titre personnel); Conseil canadien sur les espèces envahissantes.

[25]            RNNR, Témoignages : Carroll (UBC); Briand (West Fraser Mills Ltd.); Chubaty (à titre personnel); David MacLean (professeur émérite, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel).

[26]            RNNR, Témoignages : Cooke et Nisbet (Invasive Species Centre); Rosen (Arbres Canada); Léo Duguay, (vice‑président, conseil d’administration, Arbres Canada); Ward (ministère du Développement de l’énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick); McEwen (Ville de Toronto); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique).

[27]            RNNR, Témoignages : Young (ANFA).

[28]            RNNR, Témoignages : Fédération canadienne des municipalités; Rosen (Arbres Canada).

[29]            RNNR, Témoignages : Cooke (Invasive Species Centre).

[30]            RNNR, Témoignages : Carroll (UBC); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique); fRI Research; Henry (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); Wallin (CCEE); McEwen (Ville de Toronto); Atkinson (BC First Nations Forestry Council); Kim Connors (directeur exécutif, Centre interservices des feux de forêt du Canada Inc.); Young (ANFA).

[31]            RNNR, Témoignages : Henry (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario et des Forêts); McEwen (Ville de Toronto).

[32]            RNNR, Témoignages : Upton (Parcs Canada); MacLean (à titre personnel); MacFarlane (RNCan); Chubaty (à titre personnel); Nicholls (Ministry of Forests, Lands, Natural Resource Operations and Rural Development de la Colombie-Britannique).

[33]            RNNR, Témoignages : Carroll (UBC); MacLean (à titre personnel); Chubaty (à titre personnel); Bélanger (APFC).

[34]            Ibid.

[35]            RNNR, Témoignages : Bélanger (APFC); Cooke (Invasive Species Centre); Young (ANFA); McEwen (Ville de Toronto); Chubaty (à titre personnel); Fédération canadienne des municipalités; Conseil canadien sur les espèces envahissantes.