Mesdames et messieurs, chers collègues, bienvenue à cette 67e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
Nous avons le privilège et la chance de pouvoir discuter aujourd'hui avec M. Biram Dah Abeid, un des chefs de file du mouvement antiesclavagiste. En 2017, il a fait partie de la liste des 100 personnes les plus influentes de la planète établie par le magazine Time. En 2013, il a reçu le Prix des Nations unies pour la cause des droits de l'homme. Il a pris la parole devant le Parlement de l'Union européenne et a été honoré par John Kerry qui était alors secrétaire d'État.
Aussi inouï et odieux que cela puisse nous paraître au Canada, ses grands-parents et bon nombre de ses proches ont été réduits à l'esclavage. M. Abeid fait partie des Haratins, un groupe ethnique dont la moitié des membres sont systématiquement réduits à l'esclavage en Mauritanie. En 2008, M. Abeid a lancé l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste qui a pour mission de conscientiser les gens à l'esclavage moderne, en ciblant tout particulièrement ceux qui sont actuellement des esclaves, car ils ne connaissent pas leurs droits. Nous nous réunissons aujourd'hui pour profiter de la présence au Canada de M. Abeid, ainsi que de Mme Ba, bien évidemment, pour entendre ce qu'ils ont à nous dire.
Monsieur Abeid, je vous laisse la parole pour vos observations préliminaires. Vous pouvez prendre tout le temps que vous voulez. Les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne vous poseront ensuite leurs questions. Merci beaucoup.
Nous vous écoutons.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les membres du Comité.
Je suis un descendant d'esclaves. Depuis mon enfance, autour de moi, il y a des personnes qui naissent en étant la propriété d'autres gens. Ces personnes n'ont pas le droit à des papiers d'état civil ni à l'éducation. Elles font des travaux forcés sans repos, sans salaire et sans soins. Elles sont susceptibles d'être gagées, vendues et cédées, et elles subissent des châtiments corporels.
Les femmes et les filles esclaves sont la propriété de leur maître, en ce sens que ce dernier a le droit de les agresser sexuellement, abstraction faite de leur âge, de leur nombre ou de leur consentement. C'est pourquoi les filles esclaves, dès l'âge de 8, 9 ou 10 ans, ont déjà été violées plusieurs fois par leur maître ainsi que par les fils, les hommes parents, les employés, les étrangers et même les amis de leur maître. Certaines des filles que nous avons libérées de l'esclavage avec beaucoup de difficulté et qui sont encore dans ma maison, à l'âge de 17 ou 18 ans, ont déjà trois ou quatre enfants et ne peuvent pas déterminer qui est le père de ces enfants parce qu'elles ont été agressées par plusieurs hommes différents. Elles ne peuvent pas refuser, parce qu'elles sont éduquées dans la soumission.
En Mauritanie, il y a un code noir, un code d'esclavage qui est toujours en vigueur. Ce code est considéré comme la seule interprétation officielle de la charia islamique, donc du Coran et des gestes du prophète, et il est considéré comme valable. En Mauritanie, ce code noir est appelé rite malikite et charia islamique, et il est placé dans la Constitution mauritanienne comme la principale source de loi. Ce code noir, ce code négrier, est extrêmement sévère, extrêmement violent et extrêmement atroce. Par exemple, il autorise la castration des esclaves. Ce code stipule que, quand les garçons esclaves qui sont beaux grandissent, il faut les castrer pour éviter qu'une aventure sexuelle entre eux et les femmes ou les filles du maître n'occasionne un mélange du sang pur de ce dernier et du sang impur des esclaves.
En Mauritanie, 20 % de la population est toujours astreinte à cet esclavage ancestral. Ces personnes n'ont aucun droit et subissent toutes les violences. L'État mauritanien de la France coloniale a hérité des groupes dominants esclavagistes et de la minorité arabo-berbère. De fait, lorsque la France colonisait la Mauritanie, des arabo-berbères avaient déjà colonisé des autochtones, des Africains, et en avaient fait des esclaves.
Dans la communauté des Haratines, à laquelle j'appartiens et qui représente actuellement 50 % de la population mauritanienne, il y a des esclaves et des descendants d'esclaves. En Mauritanie, 20 % des gens, et ceux-ci comptent parmi les Haratines qui constituent 50 % de la population, sont toujours des esclaves astreints au régime de travaux forcés, de vente, de sécession, de viol, de mutilation, de castration.
En Mauritanie, la communauté arabo-berbère est minoritaire. Elle a fondé un apartheid en Afrique de l'Ouest, précisément en Mauritanie. Cette minorité, qui ne compte même pas 20 % de la population, détient malgré tout tous les leviers du pouvoir en Mauritanie: l'économie, les richesses, les banques, l'appareil judiciaire, l'appareil sécuritaire, le gouvernement.
C'est pourquoi notre organisation, que nous avons fondée en 2008, est interdite en Mauritanie. Notre organisation est un mouvement de droits civiques qui rassemble des centaines de milliers de Mauritaniens qui militent quotidiennement lors de manifestations. Cette organisation est interdite et réprimée violemment. En tant que président de l'organisation, j'ai moi-même subi trois fois l'emprisonnement. Je suis sorti de prison la dernière fois le 17 mai 2016, après un an et demi d'incarcération.
En 2012, j'ai été emprisonné pour avoir incinéré en public et de façon volontaire le code noir, qui nous réduit à l'esclavage. J'ai aussi été condamné pour apostasie. En effet, la justice et le gouvernement considéraient que j'avais cessé d'adhérer à la religion musulmane. Une personne qui fait cela en Mauritanie est passible de la peine de mort. J'ai donc passé quatre mois dans le couloir de la mort en attendant mon exécution, mais la communauté internationale, par l'entremise de pays de l'Union européenne, des Nations unies et de grandes organisations internationales des droits de la personne comme Amnistie internationale, notamment, ont fait pression sur la Mauritanie pour que je sois libéré.
Cependant, deux de mes amis sont encore en prison et purgent une peine de cinq ans. Plusieurs parmi nous sont blessés, dont mon épouse et mes enfants, car ma maison a été attaquée plusieurs fois par la police. Celle-ci utilise des grenades lacrymogènes, des bombes assourdissantes et même des bombes qui brûlent. Au cours de l'une des attaques de la police, mon épouse a reçu une bombe lacrymogène en pleine figure. Elle a été hospitalisée et a perdu l'usage de son oeil gauche.
On nous interdit de nous réunir en Mauritanie. Quand je m'y rends, c'est la police mauritanienne qui m'y escorte, sous haute surveillance, à partir de l'aéroport ou de la frontière du Sénégal, par où je rentre de temps en temps. On interdit à toutes les populations de me rendre visite à la maison. En effet, le gouvernement ne veut pas que les populations m'écoutent. Quand elles entrent chez moi, la police intervient parfois. Elle recourt alors à la violence en lançant des grenades lacrymogènes et des bombes assourdissantes sur la maison. Elle attaque et frappe les gens qui sont à l'intérieur ou autour de la maison.
Le 15 janvier dernier, lorsque je suis entré en Mauritanie, ma maison a subi une attaque très violente au cours de laquelle plusieurs personnes ont été blessées. Certains de mes sympathisants, de mes militants qui étaient venus à la maison ont dû être hospitalisés.
En Mauritanie, on a renforcé ce système de sécurité pour empêcher les autochtones, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas arabes mais noirs, de s'exprimer, soit les Peuls, les Soninkés, les Wolofs, les Bambaras et les Haratines.
Une loi a été votée il y a deux jours pour imposer une peine d'emprisonnement de cinq ans à toute personne qui critique le code de l'esclavage, que ces gens appellent la charia islamique.
C'est ce qui se passe présentement en Mauritanie. Les autochtones n'ont pas de documents prouvant leur état civil. Ils sont apatrides dans leur propre pays. Les élections sont faussées parce que les membres d'une seule communauté détiennent des documents prouvant leur état civil et peuvent voter. Une seule communauté contrôle l'appareil judiciaire et dispose de juges, de forces de sécurité et de hauts gradés de l'armée.
De notre côté, nous sommes obligés de nous taire et de suivre. Toutes nos terres ont été expropriées. Nous n'avons donc plus de terres. Ce sont maintenant ces gens qui les possèdent.
Malgré tout, le gouvernement mauritanien a des relations économiques, de sécurité et militaires avec l'Union européenne ainsi que des relations économiques avec les États-Unis d'Amérique et certaines sociétés, dont des sociétés canadiennes, qui utilisent en Mauritanie des gisements de pétrole ainsi que des mines d'or et de fer.
Dans ce système de mines de fer, il y a une autre forme d'esclavage, un esclavage moderne, qui frappe aussi notre communauté. Les travailleurs n'y sont pas bien traités et sont sous-payés. Ils n'ont pas le droit à la grève. S'ils essaient de faire la grève dans les mines ou dans les ports, ils sont réprimés. C'est la seule communauté qui fait des travaux manuels. Les gens de la communauté dominante des Arabes, qui se disent des Blancs, ne font pas de travaux manuels. Ils considèrent que ces travaux sont dégradants et frappent de déchéance. Selon leur code d'honneur, ils ne doivent pas faire des travaux ménagers, par exemple faire la cuisine, la vaisselle et la lessive. C'est la raison pour laquelle ils sont obligés de garder dans leur maison beaucoup de gens de notre population, surtout des femmes et des enfants, en tant qu'esclaves.
Je préfère m'arrêter ici pour vous permettre de poser des questions.
Je vous remercie, honorables députés.
Sur les 21 personnes qui ont été condamnées à des peines allant jusqu'à 15 ans de prison, cinq sont encore en prison et y purgent une peine de cinq ans. Les autres ont été libérées grâce à la pression internationale.
Depuis, le gouvernement mauritanien a renforcé son système de répression. Avant, j'étais quand même capable de tenir des réunions chez moi et dans des maisons privées, mais depuis notre sortie de prison en mai 2016, je ne peux plus me déplacer, tellement on a renforcé la répression. Quand je viens en Mauritanie, je suis obligé de rester en résidence surveillée dans ma maison. Je ne peux pas aller ailleurs et je ne peux pas sortir de ma maison. La police entoure ma maison. Quand je sors, les policiers me disent que je ne peux pas sortir. Si je sors du pays, ils m'accompagneront jusqu'à l'aéroport ou jusqu'à la frontière du Sénégal. Il m'est interdit d'entrer dans les villes, les villages et les quartiers et d'y rencontrer des gens. La même interdiction frappe encore tous mes amis les leaders de l'organisation.
Il y a aussi le fait que la communauté internationale a dénoncé la Mauritanie, mais qu'elle n'a pas coupé l'aide économique et militaire à ce pays. Le régime mauritanien reçoit beaucoup d'argent de la part de l'Union européenne dans le cadre de la coopération sur la pêche et sur les mines. Il en reçoit beaucoup également au titre de la coopération avec les sociétés américaines, canadiennes et françaises qui exploitent les mines d'or, les gisements de pétrole et les mines de fer. Il reçoit aussi une aide militaire importante des États-Unis d'Amérique et de l'Union européenne dans le cadre de la coopération antiterroriste, où de la formation est donnée aux militaires et policiers mauritaniens. Cependant, cette formation est utilisée contre nous. Les officiers qui reçoivent cette formation aux États-Unis, en France et en Allemagne viennent exercer de la répression et de la torture sur les militants antiesclavagistes, sur les défenseurs des droits de la personne et sur les membres du mouvement des droits civiques qui veulent apporter la démocratie en Mauritanie.
Nous espérons que, au-delà des pressions diplomatiques, des sanctions économiques seront imposées.
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Chez nous, le trafic de personnes, qui est une forme moderne d'esclavage, sévit encore. Cet esclavage moderne cohabite avec un esclavage traditionnel, c'est-à-dire cet esclavage où des personnes naissent en tant que propriété d'autres personnes. Le statut et la condition d'esclave se transmettent d'une génération à l'autre. Dans le code d'esclavage de Mauritanie, toutes les femmes esclaves transmettent automatiquement le statut d'esclave à leurs enfants.
À titre d'exemple, la mère de mon père est esclave, mais mon père a été affranchi lorsqu'il était dans son ventre; il est donc né libre. Pourquoi a-t-il été affranchi? Le maître de sa mère est tombé malade et a consulté un érudit ou un imam pour lui demander ce qui pouvait l'aider à guérir. L'imam lui a dit que pour guérir il devait faire un geste de charité à Dieu. Il lui fallait libérer un esclave, puisque c'est le meilleur geste de charité qui soit. Plutôt que de libérer ma grand-mère, le maître a libéré l'enfant qui se trouvait dans son ventre, le foetus. Dans le code noir de Mauritanie, les foetus sont des objets de transaction, puisque la propriété privée s'exerce sur l'esclave, tout comme on peut vendre, céder ou donner ses verres et ses tables. Les esclaves sont une marchandise humaine. Après sa naissance, mon père a grandi libre, alors que ses frères sont restés des esclaves parce que leur mère était esclave. Ils étaient donc la propriété du même homme.
Mon père a marié une fille esclave avec qui il a eu deux enfants. Un jour, le maître de cette fille a vendu à la fois l'épouse et les deux enfants de mon père. De fait, ceux-ci n'appartenaient pas à mon père, mais à leur maître.
C'est pourquoi, lorsque mon père m'a envoyé à l'école, il m'a dit qu'il me destinait à faire des études pour pouvoir combattre l'esclavage intellectuellement.
L'esclavage qui nous frappe est un peu particulier, parce que c'est une chaîne qui se poursuit. Tant et aussi longtemps qu'il y aura des femmes esclaves, il y aura de nouvelles générations d'esclaves. Le défi d'IRA consiste à trouver des façons de stopper la reproduction de l'esclavage.
Sur le terrain, nous avons essayé de lutter pour que la Mauritanie adopte des lois contre l'esclavage. Le gouvernement a édicté des lois contre l'esclavage grâce à notre combat, mais maintenant, notre défi est de savoir comment faire appliquer ces lois.
Nous faisions du travail sur le terrain, nous mobilisions des centaines ou des milliers de gens devant un commissariat de police ou un tribunal pour attirer la presse nationale et internationale, ainsi que des observateurs. Nous voulions montrer que des milliers de Mauritaniens se rassemblaient pour demander que la loi sur l'esclavage soit appliquée aux criminels esclavagistes.
Les autorités ont commencé à appliquer la loi un peu, ce qui a cassé les chaînes et permis à des milliers d'esclaves de se libérer. Grâce aux pressions que nous avons exercées, le gouvernement a envoyé des criminels en prison, mais après, il y a eu un retour en arrière. Les groupes dominants ont protesté auprès du pouvoir, qui a alors décidé de décapiter et d'éradiquer notre organisation.
Voici les meilleures manières de nous aider. Il faut donner de la formation aux membres d'IRA et financer des projets d'éducation sans qu'ils soient médiatisés et sans confronter les autorités. Il faut aussi financer des projets de réinsertion en milieu de travail pour les gens libérés de l'esclavage. Nous avons beaucoup d'exemples de projets que nous pourrons vous envoyer et que vous pourrez étudier. Nous allons échanger avec vous pour vous aider en ce sens.
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Je peux faire des commentaires à ce sujet parce que j'étais candidat aux dernières élections présidentielles, en 2014, et je suis encore, jusqu'à maintenant, le seul candidat déclaré aux prochaines élections, en 2019.
En Mauritanie, il y a deux oppositions. Il y a l'opposition arabo-berbère, qui est issue du système et qui est l'opposition des privilégiés. Elle s'oppose au groupe au pouvoir, mais les deux proviennent du même groupe ethnique. C'est ce que nous appelons l'opposition en Mauritanie. Il y a aussi l'opposition sociale populaire, l'opposition des déshérités, des laissés-pour-compte. C'est l'opposition représentative des populations victimes d'esclavage et des séquelles de l'esclavage, soit à peu près 50 % de la population. Il y a également l'opposition qui représente les populations noires, c'est-à-dire les Peuls, les Soninkés, les Wolofs et les Bambaras, qui constituent à peu près 30 % de la population. Ces populations sont victimes d'un racisme d'État et d'un racisme domestique. Elles ont même subi une tentative de génocide qui a causé la déportation massive de 200 000 Noirs mauritaniens. Ces autochtones ont été déportés, jetés et chassés au Sénégal ou au Mali par les autorités racistes mauritaniennes. Mes deux compatriotes, Kadiata Ba et Djeneba Diallo, comptent parmi les gens déportés. Le mari de l'une d'elles a été tué, ainsi que des parents, dans le cadre de l'épuration ethnique que la minorité arabo-berbère a orchestrée contre les Noirs de la Mauritanie.
Donc, 200 000 personnes ont été déportées vers le Sénégal et le Mali. Des milliers de gens ont été tués dans des pogroms dans les rues de Nouakchott et dans d'autres villes de la Mauritanie. Il y a eu des expropriations foncières et des expropriations de biens. Il y a eu la radiation des fonctionnaires noirs au sein de l'État mauritanien et du secteur privé. Durant ces années, les Noirs ont été radiés de manière massive. Il y a encore des exécutions extrajudiciaires. Des centaines de cadres civils et militaires noirs, surtout de la communauté peule, ont été arrêtés parce qu'ils étaient Peuls et Noirs. Les autorités ont tué 616 cadres lors de l'épuration ethnique. D'autres ont été libérés, mais radiés de tout travail et chassés du pays pour la plupart.
Cette opposition mauritanienne ne représente donc pas les populations victimes d'esclavage ni les Noirs victimes de racisme et d'épuration ethnique. C'est nous, l'opposition sociale et populaire. C'est nous, IRA Mauritanie, organisme qui est interdit, et tout le mouvement civique IRA, qui représentons ces populations et qui portons leurs doléances.
L'opposition qui a boycotté les élections, c'est cette opposition des privilégiés. Elle a des contentieux avec le pouvoir, mais leurs différends ne portent pas sur le racisme et l'esclavage. Cette opposition, quand elle dénonce le pouvoir, ne parle pas de racisme ni d'esclavage, car cette opposition est aussi esclavagiste. Certains de ses membres ont également participé à l'épuration ethnique contre les Noirs. Ces gens participent à l'esclavage. Ils ont des esclaves dans leurs maisons. Cette opposition nous dénonce et nous attaque, tout comme le fait le gouvernement.
Nous nous sommes présentés aux élections à l'improviste. Je suis pas certain qu'on va accepter ma candidature, parce que l'organisation que je dirige est interdite, tout comme le parti politique qui émane de notre organisation, un parti très fort, très populaire et qui veut implanter et exiger en Mauritanie le principe « un homme, une voix », a été interdit. Cependant, j'ai posé ma candidature comme indépendant et elle a été acceptée. Cela nous a permis de parler un peu dans les médias, qui nous sont interdits par les autorités. Pendant les 15 jours des élections présidentielles, en tant que candidat accepté par le Conseil constitutionnel, j'ai pu parler dans les médias mauritaniens sans retenue.
Cependant, il y a eu de la fraude massive et des restrictions. De fait, il y a un recensement biométrique en Mauritanie qui élimine d'office les Noirs. Tous les Noirs mauritaniens sont obligés de prouver qu'ils sont Mauritaniens, alors que les Arabo-Berbères sont enregistrés. Cela a pour but de reproduire une minorité artificielle pour garder le pouvoir dans une démocratie qui est en fait une démocratie ethnique qui comprend une seule ethnie. Nous sommes exclus à plusieurs niveaux de cette démocratie parce qu'on nous empêche d'avoir les papiers requis.
J'aimerais voyager avec mes enfants et mon épouse, mais depuis une année, les autorités refusent de me fournir les passeports pour mes enfants. Elles refusent de le faire. J'ai voulu sortir les enfants du pays, parce qu'ils sont traumatisés, mais jusqu'à maintenant, les autorités refusent de leur délivrer un passeport.
Je ne suis pas le seul dans cette situation. La plus grande partie des populations noires de Mauritanie n'ont pas de papiers d'état civil. Les autorités refusent de les leur donner, parce qu'ils veulent toujours que la minorité arabo-berbère soit majoritaire lors du vote. Pour ce faire, on élimine les papiers des Noirs et on en donne aux Arabes. Comme cela, ils seront toujours majoritaires aux élections.