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HUMA Rapport du Comité

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Opinion dissidente de l’Opposition officielle

À titre de députés de l’Opposition officielle, nous tenons à remercier les témoins qui ont comparu devant le comité ainsi que ceux qui ont présenté un mémoire dans le cadre de l’étude du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

Une réforme importante de ce programme a été effectuée en 2014 par le gouvernement précédent, et comme toute réforme, nous croyons qu’une réévaluation allait de soi.

Nous endossons les principes de révision, d’évaluation et d’efficience émis dans le rapport principal. Cependant, nous considérons que l’étude sur les impacts de la réforme du PTET a été précipitée et nous regrettons que le comité ait été tenu d’adopter un rapport en si peu de temps. Une quantité impressionnante de témoins a été entendue par le comité sur une courte période de temps. Ceux qui se sont présentés devant le comité ont été contraints dans leurs temps de parole et certains ont même dû rebrousser chemin sans être entendus. En somme, nous considérons que nous n’avons pas eu assez de temps pour questionner adéquatement les témoins et ainsi approfondir notre réflexion sur le sujet. 

Nous croyons que le comité doit réaliser une autre étude sur le PTET afin de donner plus de temps aux personnes intéressées de se faire entendre et de nous permettre, à titre de membres de ce comité, de prendre les meilleures décisions dans l’intérêt des Canadiens. 

Le cas des aides familiaux

Le comité adopte une recommandation demandant à Emploi et Développement social Canada de prendre des mesures immédiates en vue de prolonger de un à deux ans les permis de travail pour les aides familiaux dans les volets des postes à bas salaire.

Nous sommes d’avis que le cas des aides familiaux dans le PTET doit être traité différemment des autres types d’emploi. Le travail qu’effectuent ces travailleurs étrangers auprès d’enfants, de personnes âgées ou de personnes handicapées est essentiel et ne se compare pas aux autres emplois offerts aux travailleurs étrangers temporaires. La présence d’aides familiaux auprès des personnes vulnérables permet à ces dernières de rester à domicile plus longtemps plutôt que d’être soignés dans un établissement de santé. Nous devons être reconnaissants envers ces travailleurs étrangers quant à l’aide qu’ils apportent à nos concitoyens. De plus, leur présence permet aux Canadiens d’économiser des frais importants au système de santé. Comme l’a affirmé Mme Donalda Madsen « si les familles perdent la possibilité d’embaucher des fournisseurs de soins à domicile (…), le fardeau des soins retombera sur des institutions telles que les centres d’hébergement et de soins de longue durée et les organismes d’intégration communautaire ».[1]

Dans plusieurs cas, les frais de 1 000 $ pour les études d’impact sur le marché du travail deviennent un lourd fardeau financier auprès des familles.

L’intention de départ quant à l’instauration de frais de 1 000 $ pour les études d’impact sur le marché du travail était d’améliorer le processus et d’accélérer le traitement des demandes. Après deux ans de mise œuvre de cette mesure et devant des résultats mitigés, nous estimons que le gouvernement fédéral doit considérer une réduction de ces frais principalement pour les familles ayant recours aux services d’aides familiaux.

Nous considérons également que dans le cas des aides familiaux, les permis de travail auraient dû être prolongés de un à quatre ans. Plusieurs témoins ont affirmé que ces travailleurs en viennent à être considérés comme des membres des familles dont ils prennent soin en plus d’être formés pour subvenir aux besoins spécifiques des personnes vulnérables. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit faire preuve de compassion dans ce dossier et ainsi alléger les fardeaux administratifs et financiers des personnes ayant recours à des aides familiaux.

Impacts d’un programme « employeur de confiance »

Le comité adopte une recommandation demandant à ce qu’Emploi et Développement social Canada mette sur pied un programme « employeur de confiance » de façon à réduire les délais de traitement des études d’impacts sur le marché du travail pour les employeurs ayant fait preuve de fiabilité dans leur utilisation du PTET.

Nous sommes enclins à appuyer la mise sur pied d’un tel programme puisqu’il pourrait avoir comme effet de réduire la bureaucratie et d’améliorer l’efficacité des programmes. Toutefois, ce programme étant inspiré de ceux mis en application en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni[2], nous estimons que le comité aurait eu intérêt à prendre le temps d’en étudier les avantages et désavantages et ainsi voir dans quelle mesure le Canada peut en retirer des bénéfices.

Maximum de travailleurs étrangers

Le comité adopte une recommandation demandant au gouvernement du Canada de s’assurer que la limite sur le pourcentage de travailleurs étrangers temporaires qu’une entreprise peut embaucher à un moment donné soit fixée à un minimum de 20 % et qu’il examine davantage les secteurs et les considérations géographiques.

Nous sommes en accord avec la portion de la recommandation qui stipule que le gouvernement fédéral doit prendre en compte les réalités géographiques et sectorielles pour établir le pourcentage permis de travailleurs étrangers au sein d’une entreprise donnée afin de mieux répondre aux besoins des diverses industries.

Toutefois, nous sommes inquiets de constater qu’aucune limite maximale n’a été fixée afin d’éviter tout débordement. Nous croyons que le recrutement de travailleurs canadiens doit être la priorité. Sans limite maximale quant au pourcentage de travailleurs étrangers permis, nous craignons que des travailleurs étrangers occupent des emplois que des travailleurs canadiens auraient pu combler et qu’une dépendance des entreprises quant au recours à des travailleurs étrangers soit créée.

De plus, la formulation de la recommandation en question laisse présager qu’un employeur pourrait embaucher jusqu’à 100% de travailleurs étrangers dans son entreprise. Cet exemple illustre parfaitement la raison pour laquelle nous ne pouvons soutenir la recommandation dans sa forme actuelle. 

Accès rapide à la résidence permanente

Le comité adopte deux résolutions concernant l’accès à la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires. En outre, le comité a recommandé qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada examine les voies d’accès actuelles à la résidence permanente pour l’ensemble des travailleurs étrangers temporaires et que des ressources adéquates soit affectées pour permettre le traitement en temps opportun des demandes de résidence permanente des travailleurs migrants recrutés dans le cadre du PTET.

Le comité recommande également que le gouvernement du Canada élimine la règle de quatre ans du programme et facilite la transition aux voies d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs, dont bon nombre se sont déjà intégrés à la société canadienne.

Nous croyons que ces recommandations mènent à la mise en place d’un accès rapide à la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires alors qu’elles pénalisent les personnes engagées dans le processus habituel d’accès à la résidence permanente. Les délais pour devenir résident permanent au Canada sont beaucoup plus importants que ceux pour devenir travailleur étranger temporaire. Nous craignons que cette nouvelle voie d’accès mène à de l’abus, car plusieurs personnes choisiront de devenir travailleur étranger temporaire plutôt que de passer par le processus habituel d’accès à la résidence permanente. Nous sommes également d’avis que les délais d’attente risquent d’être affectés par ces nouvelles mesures rendant ainsi les deux programmes inefficaces.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral évalue les coûts et les conséquences sur les deux programmes avant d’offrir un processus accéléré d’accès à la résidence permanente au moyen du PTET.

Industrie du tourisme

Dans le cadre de l’étude du PTET, nous croyons que les besoins spécifiques de l’industrie du tourisme doivent être pris en compte.

Nous croyons que le gouvernement fédéral doit considérer l’instauration d’un programme d’embauche d’un travailleur étranger temporaire relié à l’industrie du tourisme comparable au programme actuel d’embauche d’un travailleur temporaire dans un poste agricole. Considérant que ces deux industries partagent les mêmes réalités; c’est-à-dire que leurs besoins sont saisonniers et qu’elles sont souvent situées dans des régions éloignées, nous croyons qu’il serait profitable à l’industrie touristique de bénéficier des mêmes avantages que l’industrie agricole.   

Programme de mobilité internationale

Nous tenons à signaler l’importance que nous accordons au Programme de mobilité internationale, puisqu’il est un élément clé de l’Accord de libre-échange nord-américain. Nous recommandons au gouvernement que ce programme soit maintenu considérant son importance dans nos relations avec les pays avec lesquels nous avons des accords réciproques et qu’il soit prolongé pour satisfaire les besoins en matière d’emploi pour les secteurs de l’industrie du tourisme, des transformations agricoles et d’autres industries confrontées aux mêmes défis, de même que les besoins rencontrés sur les territoires où il y a un manque de travailleurs canadiens.

De même, nous croyons qu’un volet important de ce programme, le volet Expérience internationale Canada - Voyager et travailler au Canada, doit être rouvert « aux candidats des pays éligibles, possiblement par l’entremise d’un volet spécialisé en tourisme »[3], pour « embaucher des personnes prêtes à accepter un emploi de la catégorie des travailleurs peu qualifiés »,[4] comme l’a affirmé l’Association de l’industrie touristique du Canada dans un mémoire présenté au comité.

Secteur agricole

Plusieurs représentants du secteur agricole nous ont fait part de leur inquiétude quant à la pénurie de main-d’œuvre à laquelle leur industrie est confrontée. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit étudier la possibilité que le secteur agricole bénéficie d’une exemption de l’étude d’impact sur le marché du travail comme en bénéficient d’autres industries, telle l’industrie de la télévision et du film, comme solution à cette problématique afin d’accélérer le processus d’embauche de travailleurs étrangers temporaires.

Conclusion

Nous sommes d’avis que le comité a précipité cette étude et que plusieurs des recommandations adoptées par le comité auraient mérité une réflexion plus approfondie. De plus, nous déplorons la façon dont certains témoins ont été contraints dans le temps. D’ailleurs quelques-uns d’entre eux ont contacté les membres du comité pour faire part de leurs doléances quant au fait qu’ils ont dû prendre des journées de congé pour témoigner devant le comité et qu’ils n’ont même pas eu l’occasion d’être entendus. Nous ne remettons aucunement en doute la bonne foi des membres du comité, nous espérons toutefois que cette expérience servira de leçon et que cette situation ne se reproduira plus.

Nous encourageons vivement le gouvernement à tenir compte des réflexions, des préoccupations et des recommandations susmentionnées.


[1] Rapport du comité HUMA : Programme des travailleurs étrangers temporaires

[2] Mémoire présenté par le Conseil canadien de mutation d’employés, mai 2016. 

[3] Mémoire présenté par l’Association de l’industrie touristique du Canada, mai 2016. 

[4] Ibid