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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 040 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 mai 2021

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

     La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 40e séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion du Comité adoptée le mardi 27 avril 2021, le Comité se réunit pour étudier les efforts de l'Agence du revenu du Canada afin de combattre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, et les membres sont donc présents en personne dans la salle ou à distance par le biais de l'application Zoom.
    Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. J'informe les témoins — parce que les députés le savent certainement déjà — que seule la personne qui parle sera visible à l'écran, et nous vous demandons de ne pas prendre de photos de l'écran.
     J'ai autre chose à dire avant de passer au rappel au Règlement de M. Julian. Quelqu'un s'est plaint du fait que j'avais fait inscrire les travaux du Comité à la dernière demi-heure de la séance. Cela tient au fait que nous devons nous en remettre à d'autres comités pour certains articles de la Loi d'exécution du budget. Pour leur donner le temps de faire leur travail, nous n'avons pas d'autre choix que de nous rencontrer à ce propos aujourd'hui. Nous n'avons pas le choix. Le temps sur Zoom est très limité, mais nous avons réussi à prolonger cette séance d'une demi-heure. Donc, pour que ce soit clair, nous consacrerons deux heures aux efforts déployés par l'Agence du revenu du Canada dans sa lutte contre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale, comme nous nous y sommes engagés, puis nous passerons une demi-heure à parler des travaux du Comité.
    Monsieur Julian, vous voulez invoquer le Règlement.
    Merci, monsieur le président, et merci d'avoir obtenu cette prolongation de séance.
    Je continue de penser que les témoins que nous convoquons aujourd'hui sont des témoins importants. C'est une étude que nous attendons depuis cinq ans au comité des finances. Je dirais, avec tout le respect que je dois à M. Fraser que la motion qu'il propose est très compliquée. Nous n'avons pas reçu d'avis de motion. Nous envisagions de tenir la réunion du comité directeur lundi de la semaine prochaine. Le Comité se réunira également mardi. Je pense que c'est le moment tout choisi de donner le préavis approprié à cette très longue motion que nous avons reçue peu de temps avant le début de la séance.
    Je vous remercie de vos efforts pour obtenir plus de temps ce soir. Je suis convaincu que nous devrions étudier la motion de M. Fraser dans son intégralité, mais nous avons déjà prévu des réunions pour lundi et mardi.
    C'était là mon rappel au Règlement.
    Le problème est que nous n'avons pas encore l'horaire de lundi, en raison de la capacité de Zoom. Je crois que j'interprète la situation relative à la Loi d'exécution du budget de la même façon que M. Fraser dans sa motion. Il envisage de confier la charge de travail à 12 comités. Si nous tardons davantage, cela veut dire que nous devrons nous débrouiller de notre côté, mais je ne me sens vraiment pas à l'aise d'imposer cela à d'autres comités et de leur demander de faire un travail presque impossible. Je pense que nous n'avons pas d'autre choix que de nous réunir à ce sujet aujourd'hui, mais ce sera au Comité d'en décider.
    Monsieur Kelly, vous invoquez le Règlement.
    Je serai bref au sujet de ce rappel au Règlement. Je suis d'accord avec M. Julian et je préférerais que nous passions immédiatement aux témoignages. Je n'ai même pas vu cette motion, alors je ne sais pas si elle a fait l'objet d'un avis ou si une ébauche a été distribuée, et je ne suis pas prêt à en débattre.
    J'ai un commentaire semblable, monsieur le président. L'étude que nous entreprenons porte sur des questions complexes d'évasion fiscale, d'évitement fiscal et de cas très inquiétants et troublants de Canadiens qui en ont souffert. Pourquoi entraverions-nous la capacité des témoins, que nous avons déjà invités à la table, à disposer de tout le temps dont ils ont besoin pour témoigner, ainsi que notre capacité à leur poser des questions? Nous avons réservé du temps pour discuter de certaines questions de procédures, de certains enjeux du Comité; faisons cela durant ce créneau. Ces réunions de comité sont souvent interrompues par des votes, et nous n'avons pas l'occasion de poser toutes les questions souhaitées.
    Encore une fois, j'espère, monsieur le président, que vous nous permettrez de procéder comme cela était prévu à l'origine.
     C'est ce que j'essaie de faire. Nous disposons de deux heures complètes sur l'évasion fiscale, comme prévu. Nous avons réservé une demi-heure aux travaux du Comité.
    C'est maintenant au tour de M. Ste-Marie, car nous sommes encore en train de gaspiller le temps de nos témoins.

[Français]

    J'aimerais dire rapidement que je suis d'accord avec les trois derniers intervenants.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons passer aux témoins du Comité. Nous discuterons de cela une fois les deux heures écoulées.
    Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Nous allons commencer par l'honorable Percy Downe.
     Comme vous le savez certainement, sénateur Downe, nous vous demandons d'essayer de limiter votre déclaration préliminaire à environ cinq minutes afin de laisser plus de temps pour les questions.
    Allez-y, sénateur Downe. Vous avez la parole.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
    Dans le peu de temps dont je dispose, je souhaite vous entretenir des problèmes que j'ai constatés à l'Agence du revenu du Canada en ce qui a trait à l'évasion fiscale à l'étranger.
    Comme l'a indiqué le directeur parlementaire du budget, des centaines de millions, voire des milliards de dollars d'impôts ne sont pas déclarés et échappent donc au fisc canadien.
    À la fin de mon exposé, je ferai part de mes suggestions au Comité pour corriger ces problèmes.
    La première fois où je me suis intéressé au problème de l'évasion fiscale à l'étranger remonte à 2008, à l'époque où une banque du Liechtenstein a révélé que 106 Canadiens détenaient plus de 100 millions de dollars dans cette seule institution.
    Quelques années plus tard, une autre banque en Suisse nous apprenait qu'elle détenait 1 785 comptes aux noms de Canadiens. Le montant minimum pour ouvrir un compte bancaire dans cette banque était de 500 000 $.

  (1535)  

    Puis, il y a eu les fuites des Panama Papers et des Paradise Papers, qui ont révélé l'existence de milliers de comptes concernant des milliers de Canadiens. Parmi les nombreux exemples flagrants d'inaction de la part de l'Agence du revenu du Canada, mentionnons justement l'affaire des Panama Papers, qui a éclaté il y a plus de cinq ans et qui a concerné 900 Canadiens titulaires de comptes dans ce cabinet d'avocats au Panama.
    Depuis, d'autres pays dont les citoyens sont identifiés dans les Panama Papers ont récupéré plus de 1,36 milliard de dollars en impôts qui leur étaient dus. L'Australie est allée chercher plus de 172 millions de dollars, l'Équateur 105 millions de dollars et l'Espagne 209 millions de dollars. Même l'Islande, un pays de 370 000 habitants, a récupéré 32 millions de dollars. Dans le cas du Canada, cinq ans plus tard, personne n'a été accusé et personne n'a été condamné pour évasion fiscale à la suite des Panama Papers, et il n'y a pas eu d'accusations ni de condamnations liées au Liechtenstein ou à la Suisse.
     Pendant ce temps, le gouvernement canadien n'a aucune idée de l'ampleur du problème de l'évasion fiscale à l'étranger. Le directeur parlementaire du budget essaie d'évaluer l'écart fiscal depuis 2012, mais l'ARC refuse de collaborer.
    Pour savoir quel genre de mesures un pays peut prendre, regardez ce que l'Australie a fait pour lutter contre l'évasion fiscale à l'étranger. En 2006, elle a mis sur pied le projet Wickenby qui a présidé au rassemblement de huit organismes gouvernementaux en vue de protéger l'intégrité des systèmes financiers et réglementaires de l'Australie et de sévir contre le recours illégal aux paradis fiscaux. Pendant cette période, les Australiens ont recueilli plus de 750 millions de dollars. Plusieurs personnes ont été accusées et beaucoup ont été condamnées. Le projet Wickenby a donné naissance au Groupe de travail sur les crimes financiers graves.
    Au Canada, dans le cas du Liechtenstein, l'ARC, pour reprendre ses mots, « a renoncé à demander des enquêtes criminelles en vue de recueillir des renseignements ». En d'autres termes, l'Agence a promis de ne pas faire payer les contribuables impliqués dans ce stratagème fiscal à condition qu'ils lui en expliquent le fonctionnement. Cependant, toutes les leçons tirées de l'affaire du Liechtenstein en 2008 n'ont manifestement pas été très efficaces, puisque personne n'a jamais été accusé ni condamné, pour toutes les autres fuites survenues au cours des 12 dernières années.
    Comme l'ARC s'est montrée si incompétente dans le dossier de l'évasion fiscale à l'étranger, nous n'avons pas l'argent nécessaire pour financer nos priorités; deuxièmement, le reste des contribuables que nous sommes doit combler le manque à gagner en payant plus d'impôts; et troisièmement, les Canadiens se demandent pourquoi nous avons un système de justice à deux vitesses en matière d'évasion fiscale. Essayez donc de tricher sur vos impôts personnels et l'ARC vous débusquera probablement, vous accusera, vous condamnera et vous obligera à rembourser. Consultez son site Web et vous verrez ses résultats. Cachez votre argent à l'étranger et vous ne serez probablement jamais accusé ou condamné. Encore une fois, consultez son site Web et vous verrez les résultats.
    Les Canadiens voudront peut-être demander pourquoi les gens sont traités différemment selon qu'ils font de l'évasion fiscale au pays ou à l'étranger.
    Chers collègues, voici les mesures que je propose au Comité.
    Premièrement, il faut mesurer l'écart fiscal.
    Deuxièmement, il faut modifier la loi pour qu'il devienne automatiquement criminel de détenir un compte non déclaré à l'étranger et que ceux qui ne le déclarent pas purgent automatiquement une peine d'emprisonnement.
     Troisièmement, il faut adopter une loi sur la propriété effective afin que nous puissions savoir qui profite réellement des transactions financières.
    Enfin, il faut modifier la structure salariale de l'Agence du revenu du Canada afin de maintenir en poste des employés expérimentés et spécialisés. Un trop grand nombre d'entre eux sont recrutés par les gens d'en face pour des salaires nettement plus élevés.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, sénateur Downe.
    Nous allons maintenant entendre Janet Watson, qui comparaît à titre personnel.
    Madame Watson, bienvenue. Vous avez la parole. Allez-y.
    Merci beaucoup de m'avoir permis de comparaître devant le Comité cet après-midi.
    Je suis ici pour représenter les milliers de victimes de diverses fraudes découvertes en 2005. Je parle de Mount Real, de Norshield et de Cinar. Dans le seul cas de Mount Real, les pertes ont été d'environ 120 millions de dollars, et il y a eu 1 600 victimes. J'ai été du nombre.
    Je crois avoir été invitée à m'adresser à ce comité pour donner mon point de vue sur ce que représente le fait d'être victime de ce genre de crime. Croyez-moi, ce n'est pas un crime sans victime. L'une des victimes de Mount Real que j'ai connues au fil des ans était un immigrant italien, venu au Canada avec très peu d'argent. Il a travaillé très fort, a bâti une bonne entreprise et a élevé une famille. Il a perdu environ 2,5 millions de dollars. Sa famille m'a dit qu'il était mort brisé. Jamais justice ne lui a été faite pour sa perte.
    Il existe comme cela des centaines d'autres histoires de gens qui ont été forcés de reporter leur retraite et d'autres qui ont été forcés de retourner au travail alors qu'ils avaient plus de 70 ans. Des couples ont éclaté, des gens sont tombés malades à cause du stress et, à ma connaissance, une personne au moins s'est suicidée.
    J'ai eu de la chance. J'ai perdu les 68 000 $ que j'avais dans mon REER à l'époque. Heureusement, j'ai quand même pu prendre ma retraite à l'âge de 60 ans. J'en ai maintenant 74 et je travaille sur ce dossier depuis longtemps. Au fil des ans, je suis devenue la porte-parole non officielle de nombreuses victimes.
    Au cours du procès de Lino Matteo, qui était à la tête de Mount Real, j'ai écouté les déclarations de certaines victimes. C'était déchirant de voir des hommes septuagénaires s'effondrer en pleurs parce qu'ils avaient perdu ce qu'ils avaient imaginé laisser en héritage à leurs enfants. La stigmatisation de ce genre de victimes est bien réelle, et de nombreuses victimes n'ont toujours pas parlé de leur perte à leur famille.
    Où est allé tout l'argent? La GRC nous a dit qu'elle n'était pas en mesure d'enquêter sur ces fraudes massives parce qu'elle n'a pas les ressources nécessaires pour retracer l'argent sorti du pays. Le syndic de Mount Real était Raymond Chabot Grant Thornton qui n'est parvenu à récupérer que 5 millions de dollars environ sur les 120 millions disparus. Les coûts liés au recouvrement de ces fonds, en honoraires d'avocat et de syndic, se sont élevés à environ 3,5 millions de dollars, ce qui n'a laissé que très peu pour les victimes.
    Je suis très reconnaissante du travail des journalistes d'enquête de The Fifth Estate et d'Enquête, qui ont peut-être permis de savoir où une partie de cet argent a abouti.
    Je suis reconnaissante au comité des finances de m'avoir permis de témoigner aujourd'hui, et j'espère que l'enquête, qui a commencé en 2016, sera rouverte dans certains paradis fiscaux à l'étranger.
    Merci beaucoup.

  (1540)  

    Merci beaucoup, madame Watson, et merci aussi pour votre courageuse persévérance au cours de ces 14 années.
    Nous allons maintenant passer à KPMG qui est représenté par Mme Iacovelli, associée directrice canadienne, Fiscalité.
    Madame Iacovelli, nous avons reçu votre note que vous avez envoyée au Comité dans les deux langues officielles, alors tous les membres devraient l'avoir.
    Allez-y. Vous avez la parole.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant ce comité.
    Je suis l'associée directrice canadienne du groupe Fiscalité de KPMG.
    Avant de commencer mon témoignage, j'aimerais dire à Mme Watson et à toutes les autres victimes de la fraude de Cinar à quel point je compatis avec elles. Nous savons que vous cherchez des réponses depuis longtemps. J'aurais aimé pouvoir vous aider. Nous n'avons tout simplement aucun lien avec Cinar. Nous n'étions ni leur auditeur ni leur conseiller fiscal, et nous n'avons aidé aucun des fraudeurs à prendre votre argent ou à le cacher.
    À KPMG, nous veillons à ce que nos clients puissent fonctionner dans le cadre du régime fiscal, atteindre leurs objectifs et verser les impôts qu'ils sont tenus de payer. C'est le travail tout à fait légal de planification fiscale que nous effectuons quotidiennement pour nos clients, partout au Canada, conformément aux politiques, aux pratiques et à la culture de KPMG qui garantissent les standards les plus élevés d'intégrité, de conformité et de professionnalisme.
    En notre qualité de CPA, et à l'instar de la plupart des professionnels, nous sommes tenus de protéger la confidentialité des renseignements concernant nos clients et nos anciens clients. Nous prenons cette obligation au sérieux, mais lorsque nous recevons une ordonnance nous obligeant à divulguer des renseignements sur nos clients, nous nous y conformons. En février 2017, par exemple, conformément aux exigences de l'ARC, nous avons fourni à l'ARC tous les noms et tous nos dossiers liés à la mise en œuvre des structures de sociétés étrangères à l'île de Man.
    J'aimerais aussi parler des reportages récents de Radio-Canada, qui sont axés sur quatre sociétés, appelées les entreprises « écrans », qui ont été établies dans l'île de Man au début des années 2000. Il est allégué que ces entreprises ont été utilisées pour faciliter la fraude de Cinar. Je ne sais pas si c'est vrai. Je sais que toute insinuation voulant que KPMG ait eu quoi que ce soit à voir avec la fraude de Cinar est fausse. Il est également faux de laisser entendre que KPMG ait participé de quelque façon que ce soit aux entreprises « écrans ».
    Nous pouvons affirmer cela en toute confiance, sachant que nous avons exécuté des procédures de diligence raisonnable complètes et détaillées à l'égard des dossiers, des documents et du personnel de KPMG. Nous avons passé au peigne fin des millions de pages de documents. Nous avons vérifié nos systèmes de temps et de facturation. Nous avons examiné nos bases de données de dossiers clients. Nous avons interrogé des gens. Nous avons également pris l'initiative supplémentaire d'examiner les documents d'entreprise de l'île de Man qui sont accessibles au public. Au terme de toutes ces démarches, nous n'avons rien trouvé qui laissait penser que KPMG était associé de quelque façon que ce soit aux sociétés-écrans.
    Nous avons communiqué ces informations à CBC/Radio-Canada, en lui faisant clairement comprendre qu'elle se trompait, mais elle a persisté à publier des articles irresponsables et trompeurs. En conséquence, nos avocats ont signifié un avis de diffamation à CBC/Radio-Canada la semaine dernière. Les allégations de CBC/Radio-Canada s'appuient à tort sur des courriels, écrits 15 ans après les faits, d'une femme nommée Sandra Georgeson, et sur des similitudes entre les sociétés-écrans et des sociétés clientes de KPMG.
    Laissez-moi aborder les erreurs une à une. KPMG, comme d'autres cabinets, a couramment recours au soutien de fournisseurs de services aux entreprises afin de mettre sur pied et d'aider à administrer des sociétés pour des clients. De nombreux cabinets font ce travail aux quatre coins du monde. Mme Georgeson a travaillé pour l'un d'entre eux sur l'île de Man. Au début des années 2000, KPMG offrait un plan fiscal juridique, connu sous le nom de « structure de société étrangère ». Les structures de sociétés étrangères nécessitaient la constitution de sociétés sur l'île de Man, et les services du cabinet de Mme Georgeson ont été retenus à cette fin. Quinze ans plus tard, son nouvel employeur lui a demandé de dresser une liste de ces sociétés. En 2015, elle avait pour souvenir que les sociétés-écrans étaient des exemples de structures de sociétés étrangères mises sur pied par KPMG. Il n'en était rien.
    Dans son reportage, CBC/Radio-Canada soutient que les numéros d'inscription séquentiels, les administrateurs nommés, les signataires et les adresses de dépôt sont des similitudes entre les structures de sociétés étrangères et les sociétés-écrans qui prouvent que KPMG a mis sur pied ces sociétés. CBC/Radio-Canada a tout simplement tort de tirer une telle conclusion.
    Ces similitudes existent parce que quiconque a inscrit les sociétés-écrans a eu recours au même fournisseur de services aux entreprises que KPMG. Le fait est que nos procédures de diligence démontrent que les sociétés-écrans n'appartiennent pas à KPMG ni n'y sont rattachées de quelque façon que ce soit.
    J'aimerais que nous puissions contribuer à rendre aux victimes de cette fraude leur argent et à traduire les auteurs en justice. Mais nous ne le pouvons pas. KPMG n'a en sa possession aucune information qui pourrait aider à l'enquête Cinar.
    Si l'on met de côté les théories non fondées de CBC/Radio-Canada sur Cinar, la grande question qui se pose devant le Comité aujourd'hui est celle de savoir comment le Canada peut contrer l'évitement fiscal abusif et l'évasion fiscale.

  (1545)  

     Nous saluons l'examen de cette importante question par le Comité. Nous partageons le souhait du Comité et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à la discussion d'aujourd'hui.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup, Lucia.
    Nous passons maintenant à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, représenté par Mme Daviau, présidente, et par M. Campbell, économiste.
    La parole est à vous, madame Daviau.
    Je m'appelle Debi Daviau et je suis présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ou IPFPC. C'est le syndicat national qui représente quelque 12 000 vérificateurs et autres fiscalistes de l'Agence du revenu du Canada, l'ARC, partout au pays. Nos membres sont des professionnels qualifiés et des fiscalistes avertis qui veillent à ce que les puissantes sociétés et les particuliers les plus fortunés demeurent tout aussi responsables que le reste d'entre nous.
    Je suis accompagnée aujourd'hui par M. Ryan Campbell, notre économiste syndical et mon conseiller technique pour l'occasion.
    Nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous exprimer sur cette question cruciale. Ensemble, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions après notre exposé.
    Nous avons étudié la question du point de vue des fiscalistes de l'ARC, et produit trois rapports sur l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. Vous pouvez les trouver sur notre site Web à l'adresse IPFPC.ca. Je serai heureuse d'en faire parvenir des exemplaires aux membres du Comité par suite de cette réunion.
    Peu de Canadiens aiment payer des impôts, mais ils comprennent qu'il est important de le faire. Les impôts financent les services publics qui nous permettent d'assurer notre santé et notre sécurité, de protéger l'environnement et de favoriser une économie stable dans laquelle les entreprises peuvent prospérer et être concurrentielles.
    Un régime fiscal sain se définit par l'équité et l'intégrité. Les règles doivent s'appliquer à tous. Malheureusement, de nombreux particuliers et sociétés fortunés utilisent leurs ressources supérieures pour trouver un abri ou un refuge où les règles fiscales ne s'appliquent pas. Pendant que ces quelques privilégiés obtiennent une réduction d'impôt, les gouvernements perdent des revenus qui permettraient de financer les services publics, ce qui entraîne des réductions de services ou des hausses d'impôt pour tous les autres.
    En février 2018, nous avons mené un sondage auprès des employés professionnels de l'ARC, y compris des vérificateurs, des gestionnaires, des juricomptables, des économistes, des statisticiens et des actuaires. Leurs réponses ont été révélatrices.
    Selon une grande partie des critiques formulées à l'égard du régime fiscal du Canada, on dit que bien qu'il soit conçu pour être équitable, il est plus facile pour certains de contourner les règles que pour d'autres. Dans notre sondage, neuf fiscalistes sur dix à l'Agence du revenu du Canada ont convenu qu'il est plus facile pour les sociétés et les particuliers fortunés de se soustraire à leurs responsabilités fiscales que pour les Canadiens moyens. Environics Research a posé la même question au grand public et a constaté que 8 répondants sur 10 étaient du même avis.
    Vous devriez trouver troublant que les professionnels de l'ARC ayant une connaissance particulière des rouages internes du régime fiscal soient plus susceptibles d'être d'accord avec cette affirmation qu'un Canadien moyen. Plus de huit sur dix ont également convenu que les sociétés et les Canadiens les plus riches profitent de façon disproportionnée des crédits d'impôt, des exonérations et des échappatoires fiscales par rapport aux Canadiens moyens.
    Lorsqu'on leur a demandé si les sociétés multinationales transféraient des bénéfices dans des administrations à faible taux d'imposition, trois répondants sur quatre ont répondu par l'affirmative, même lorsqu'il y a peu ou pas d'activité économique correspondante dans cette région. Lorsqu'on leur a demandé si l'ARC avait une capacité d'audit suffisante pour veiller à ce que les lois fiscales soient appliquées équitablement partout au pays, seulement 16 % ont répondu par l'affirmative. Lorsqu'on leur a soumis que la formation et les progrès technologiques à l'ARC n'avaient pas suivi la complexité croissante des stratagèmes d'évitement fiscal, 79 % des répondants ont répondu par l'affirmative.
    Tous ces résultats confirment un fait fondamental pour les Canadiens, à savoir qu'un examen rigoureux du régime fiscal s'impose.
    Nos professionnels de l'ARC sont parmi les meilleurs au monde dans leur domaine, mais ils font face à de grands défis. Leur travail consiste à prendre en défaut des personnes et des entités qui ont en fait des ressources illimitées et qui peuvent exploiter de façon agressive les zones grises juridiques et internationales à leur propre avantage. En comparaison, les employés de l'ARC se sentent souvent dépassés par ceux qui essaient le plus d'éviter de payer de l'impôt.
    En 2012, des compressions budgétaires à grande échelle ont été imposées à l'Agence. Malgré les récents réinvestissements du gouvernement, elle n'a toujours pas tous les outils et le personnel dont elle a besoin pour faire ce travail.
    Est-il normal que les propres chiffres du directeur parlementaire du budget indiquent un rendement de 5 $ pour chaque dollar investi dans la lutte contre l'évasion fiscale internationale et l'évitement fiscal agressif? Est-ce normal à un moment où les dépenses du gouvernement ont grimpé en flèche pour faire face aux répercussions sociales et économiques de la pandémie?
    Nous devons régler ce problème maintenant. Plus que jamais, les Canadiens ont besoin des dizaines de milliards de dollars de revenus fiscaux, voire davantage, qui dorment dans des paradis fiscaux à l'étranger.
    Nous croyons qu'un certain nombre de mesures peuvent être prises pour corriger la situation.
    Premièrement, nous devons mieux appliquer les lois fiscales déjà en vigueur. Une des façons les plus simples de rendre le système plus équitable consiste à s'assurer que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde.

  (1555)  

     Deuxièmement, nous devons faire obstacle à l'ingérence politique à l'ARC, un problème particulièrement visible au cours de la décennie précédente, lorsque l'ARC a été accusée de délaisser les grandes fraudes fiscales pour se concentrer plutôt sur les particuliers, les organismes de bienfaisance et les petites entreprises.
    Troisièmement, étant donné que les fonctionnaires de l'ARC se trouvent souvent dans des situations précaires où on leur demande de demander des comptes à des intervenants puissants dans un contexte où les enjeux sont élevés, la protection des dénonciateurs est cruciale pour assurer l'intégrité professionnelle au cours du processus d'évaluation fiscale.
    Quatrièmement, même si les investissements du gouvernement dans l'ARC ont augmenté dans les récents budgets fédéraux, la population du Canada continue de croître, tout comme le volume du commerce et la complexité des stratagèmes d'évasion fiscale. L'ARC doit embaucher plus de conseillers techniques et investir dans la technologie et la formation pour composer avec ces facteurs.
    Cinquièmement, l'ARC doit accroître la capacité de ses bureaux régionaux. La vérificatrice générale a constaté que les contribuables sont traités différemment par l'ARC, selon l'endroit où ils vivent et qui ils sont. Ses bureaux régionaux ont besoin de ressources suffisantes pour veiller à ce que les lois soient appliquées équitablement d'un océan à l'autre.
    Enfin, un certain nombre de réformes doivent être menées. Dans le budget de 2021, le gouvernement a annoncé des initiatives qui, lorsqu'elles seront mises en œuvre, permettront de prendre des mesures concrètes en faveur de l'équité fiscale. Il s'agit notamment d'une taxe sur les services numériques pour des entreprises comme Netflix et Amazon et de la création d'un registre de propriété effective des sociétés accessible au public. Ce sont deux initiatives importantes que les membres de l'IPFPC et nos alliés de la société civile défendent depuis longtemps.
    Bien que ces changements soient les bienvenus, nous avons encore du travail à faire. Le directeur parlementaire du budget estime que les paradis fiscaux font perdre au Trésor jusqu'à 25 milliards de dollars d'impôt des sociétés chaque année. Nous devons faire davantage pour mettre fin aux prix de transfert et au transfert de bénéfices qui facilitent cette pratique destructrice.
    À l'heure actuelle, des mesures progressives sont prises, mais diverses mesures supplémentaires pourraient être mises en place. Le résultat final serait un nouveau portrait simplifié du paysage commercial mondial, dans le cadre duquel il est possible d'empêcher les sociétés de monter les pays les uns contre les autres et sont imposées équitablement partout.
    En conclusion, les professionnels de l'ARC doivent recevoir la formation, les outils et les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail. L'ARC doit recevoir un financement suffisant pour veiller à ce que les lois fiscales soient appliquées équitablement et à ce que les personnes riches et les sociétés puissantes soient aussi responsabilisées que tous les autres Canadiens.
    De plus, il faut une coopération internationale et des mises à jour législatives pour que ceux qui font le plus d'efforts pour éviter de payer des impôts finissent par payer leur juste part de toute façon.
    Merci de votre intérêt. M. Campbell et moi serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Daviau. Même si vous aviez déjà comparu devant nous, je me suis encore trompé en prononçant votre nom.
    Pour le premier tour de questions, nous entendrons M. Kelly, M. Fraser, M. Ste-Marie et M. Julian. Ce sera un tour de six minutes.
    Pour terminer, nous accueillons M. Cohen, directeur exécutif de Transparency International Canada.
    Vous avez la parole, monsieur Cohen.
     Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à revenir vous parler aujourd'hui. Je m'appelle James Cohen et je suis directeur exécutif de Transparency International Canada. TI Canada est un organisme de bienfaisance enregistré et la section canadienne de Transparency International, le plus important mouvement anticorruption au monde.
    La publication des Panama Papers en 2016 a constitué une plongée explosive dans les tractations des administrations qui agissent en secret et d'une armée de facilitateurs qui cachent les fruits illicites de crimes comme l'évasion fiscale, la corruption et la fraude. Parmi les révélations qui sont ressorties de la multitude de documents ayant fait l'objet de fuites, on a appris que le Canada était ouvertement décrit comme un pays où les secrets sont protégés par Mossack Fonseca, la firme au cœur des Panama Papers.
    Le Toronto Star et des journalistes de la CBC ont constaté que Mossack Fonseca faisait la promotion du Canada auprès de ses clients comme un endroit de prédilection pour conserver de l'argent sale, en raison de notre réputation généralement positive, mais aussi, fait important, de la faiblesse de nos lois en matière de divulgation et de notre régime d'observation. Les correspondances publiées par les médias à l'appui de cet avis datent de 2012. TI Canada est en train de réexaminer ce phénomène des agences de constitution de sociétés-écrans à l'étranger qui font la promotion de l'opacité du Canada, et nous constatons que rien n'a changé depuis. Le terme utilisé dans les Panama Papers pour désigner le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale au Canada, le phénomène visant à rendre l'argent « blanc comme neige », est toujours bien vivant.
    Toutefois, depuis le 19 avril, le Canada est en meilleure position. TI Canada et ses partenaires de la société civile applaudissent avec enthousiasme la proposition du gouvernement d'établir un registre de propriété effective des sociétés accessible au public dans le budget de 2021. Le Canada a été critiqué par les organisations internationales, la société civile et ses pairs pendant des années, et nous avons maintenant fait un grand pas pour corriger la situation.
    Bien sûr, le gouvernement fédéral ne peut pas assurer à lui seul la transparence relative à la propriété effective des sociétés et s'attendre à ce que le problème soit réglé. Les provinces et les territoires doivent participer à cette initiative. Heureusement, il y a déjà un élan, car le Québec est sur le point de rendre publics les renseignements sur la propriété effective des sociétés par l'entremise du projet de loi 78, et le registre de transparence de la propriété foncière de la Colombie-Britannique a été mis en ligne la semaine dernière. Nous espérons que ces mesures seront également suivies d'un registre public de propriété effective des sociétés.
    Pour les maîtres de l'évasion fiscale, les kleptocrates et les fraudeurs en général, il devient de plus en plus difficile de trouver un endroit au monde où cacher leur argent. En 2016, le Royaume-Uni a été le premier pays à établir un registre public de propriété effective des sociétés. Les territoires d'outre-mer et les dépendances de la Couronne du Royaume-Uni, qui comprennent certains des territoires secrets les plus connus, comme l'île de Man, ont également accepté d'établir des registres de propriété effective des sociétés accessibles au public. Dans une déclaration conjointe, les Dépendances de la Couronne ont affirmé leur volonté de se conformer d'ici 2023 à la directive 5 de l'Union européenne sur la lutte contre le blanchiment d'argent, qui exige que tous les membres de l'Union européenne établissent un registre public de propriété effective des sociétés.
    À la lumière de cette tendance, nous constatons qu'après avoir été considéré comme un retardataire pendant des années, le Canada a la chance de se hisser à la tête du mouvement de transparence relative à la propriété effective. Même si je ne dirais jamais d'un outil qu'il constitue une solution miracle pour résoudre les problèmes de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent, un registre accessible au public peut assurément constituer un moyen puissant, à la condition toutefois d'être bien conçu. Nous pouvons apprendre beaucoup de nos pairs du Royaume-Uni et de l'Union européenne et nous assurer que notre registre est constitué de données vérifiées et prévoir des conséquences sévères pour ceux qui essaient de falsifier de l'information. Le registraire du Canada doit également pouvoir compter sur un personnel qui peut mener des enquêtes proactives, et une ligne de dénonciation doit être établie pour que les gens puissent fournir des renseignements sur les personnes soupçonnées d'évasion fiscale afin que puissent être menées les enquêtes qui s'imposent.
    Ce sera une année importante pour les forums internationaux qui se pencheront sur la transparence relative à la propriété effective, la corruption, le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Il y aura la réunion du G7 organisée par le Royaume-Uni, la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies sur la corruption, le Sommet sur le partenariat pour un gouvernement ouvert en Corée du Sud et, éventuellement, le Sommet des démocraties organisé par le président des États-Unis, M. Biden. Cette année, le Groupe d'action financière, l'organisme mondial de normalisation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, se penchera également sur les recommandations concernant la transparence relative à la propriété effective, ce qui pourrait faire des registres publics la nouvelle norme. Le Canada est maintenant en position, au sein de ces groupes, de réclamer une plus grande transparence de la part des autres afin de continuer à empêcher les fraudeurs fiscaux, les kleptocrates et les escrocs de se cacher.
    Je vous remercie. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du Comité.

  (1600)  

    Merci beaucoup, monsieur Cohen.
    Puisque le registre public a été l'une des principales recommandations de notre comité dans le cadre de notre étude sur le blanchiment d'argent, qui était, je crois, l'une de nos meilleures études, nous sommes donc ravis de constater qu'il pourrait être adopté à grande échelle.
    J'ai oublié de mentionner, madame Daviau, qu'effectivement, nous aimerions que vous communiquiez au greffier cette information dans les rapports dont vous avez parlé. Ce sera utile au Comité.
     J'allais dire, monsieur Easter, que vous pouvez m'appeler comme vous voulez tant que vous ne m'appelez pas en retard.
    Des députés: Oh, oh!
    D'accord. Je suis très mauvais pour retenir les noms, et tout le monde le sait.
    Nous allons commencer les tours de six minutes avec M. Kelly.
    Vous avez la parole.
    Merci.
     Merci à tous les témoins. Nous avons entendu d'excellentes déclarations préliminaires.
    J'aimerais commencer par le sénateur Downe et vous remercier, monsieur le sénateur, pour le leadership dont vous avez fait preuve en essayant de faire la lumière sur les problèmes évidents qui existent au Canada en ce qui concerne l'évasion fiscale et le manque de données, de bonnes données, qui pourraient éclairer les décideurs à ce sujet.
    Vous aviez présenté un projet de loi d'initiative parlementaire ou un projet de loi du Sénat que j'ai été très fier et très heureux de parrainer à la Chambre des communes, mais qui a hélas été rejeté. Il aurait exigé un meilleur régime de divulgation et une meilleure évaluation du problème.
    Pourriez-vous nous parler de l'insuffisance de renseignements accessibles au public au sujet de la portée et de l'ampleur de l'évasion fiscale, et des contraintes qu'elle impose aux décideurs?

  (1605)  

    Ce qui s'est produit, bien sûr, c'est que d'autres pays du monde évaluaient leurs écarts fiscaux. Comme vous le savez, c'est la différence entre ce que votre agence nationale du revenu perçoit et ce qu'elle devrait percevoir, d'où l'écart.
    L'analyse de l'écart fiscal indique aussi à quel point votre agence du revenu est efficace et efficiente — autrement dit, dans quelle mesure elle fait du bon travail. Le Royaume-Uni, la Turquie, la Suisse — une foule de pays —, les États-Unis, et même l'État de la Californie, mesurent leurs écarts fiscaux et jugent tous que c'est un outil utile. Il y a quelques années, j'ai demandé au directeur parlementaire du budget de le faire aussi. Je ne voulais pas que ce soit l'ARC qui le fasse, pour une foule de raisons que je serais heureux d'expliquer plus en détail si cela vous intéresse. Je voulais que le directeur parlementaire du budget en fasse une analyse indépendante. Or, le directeur parlementaire du budget n'a pas pu obtenir la collaboration de l'Agence du revenu, en dépit de l'avis juridique qui lui donnait le droit d'accéder à l'information de façon confidentielle. Il n'est pas question ici de s'intéresser aux contribuables individuels, mais plutôt de dresser un portrait global de la situation. Cela ne s'est pas produit. Nous n'avons pas obtenu d'analyse indépendante.
    Sous la pression du public, l'Agence du revenu du Canada a commencé à mener des analyses ponctuelles de l'écart fiscal. Par exemple, l'Agence a mené une analyse des cotisations des sociétés, une autre des droits d'accise, et ainsi de suite. L'Agence en a mené six en tout, et selon elle, l'écart fiscal se situe entre 20 et 24 milliards de dollars. Il y a toute une série d'autres analyses de l'écart fiscal qui doivent être menées, et c'est le directeur parlementaire du budget qui devrait les faire pour que nous ayons une meilleure vue d'ensemble.
    L'autre chose qu'il ne faut pas oublier au sujet de l'écart fiscal, c'est qu'à l'instar des sondages politiques, les résultats comptent moins que les tendances. Combien d'argent l'ARC perçoit-elle, et est-ce que l'écart s'accroît ou rétrécit?
    Vous soulevez là un excellent point, et je vous en remercie.
    À quoi attribuez-vous l'absence totale de poursuites — et vous avez parlé des Panama Papers et des Paradise Papers — au Canada par rapport à d'autres pays?
    C'est là toute la question. Il y a eu un certain nombre d'analyses sur les raisons de cette absence de poursuites, mais les résultats ne sont pas très flatteurs pour le Canada. Cinq ans plus tard, où est passé l'argent?
     Lorsque vous communiquez avec l'ARC, elle prend bien soin de parler des montants d'argent qu'elle a repérés et du nombre d'audits qu'elle effectue, mais lorsqu'on lui demande combien d'argent elle a recueilli, combien elle a perçu, les réponses deviennent extrêmement vagues. En fait, il n'y a jamais de réponse.
    Le résultat final peut se résumer à neuf cents Canadiens, mais pas un sou de recueilli. Si l'Agence avait recueilli beaucoup d'argent au lieu de simplement identifier des coupables, elle le crierait sur tous les toits. On peut donc dire qu'il existe un grave problème à l'ARC. La responsabilité n'en incombe pas aux employés de l'ARC parce que, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, ils font un travail remarquable pour lutter contre l'évasion fiscale au Canada, mais il y a un grave manque de leadership, et après des années d'examen de l'Agence du revenu, j'en suis arrivé à la conclusion que le ministère des Finances doit la surveiller et lui donner des consignes claires.
    Ai-je le temps de poser une autre question, monsieur le président?
    Oui, il vous reste deux bonnes minutes.
     J'aimerais donc que Mme Daviau réponde à cette question.
    Le sénateur Downe en a parlé, et vous en avez également parlé dans votre déclaration préliminaire lorsque vous avez fait directement référence au rapport de 2018 du vérificateur général, je crois, dans lequel on apprenait que dans les cas où l'Agence demande des documents ou des renseignements à un fraudeur fiscal ou à un déclarant au pays, elle ne lui accorde qu'un très court délai avant que l'impôt ne soit appliqué automatiquement, alors qu'un déclarant qui se trouve hors du pays, qui a des liens avec des banques à l'étranger a des mois, voire des années, pour se conformer à une ordonnance de communication, sans qu'aucun impôt ne soit appliqué.
    Évidemment, vous saviez déjà tout cela. Quelle pourrait être la raison de cet écart?

  (1610)  

     Je n'en suis pas certaine. Je vais renvoyer la question à notre économiste, M. Campbell, qui est plus au courant de cela. Peut-être pourra-t-il vous éclairer.
    Selon moi, monsieur Kelly, les problèmes surviennent parce qu'il y a des lacunes dans la loi. Même lorsque les gens sont poursuivis, nous sommes déboutés parce que lorsque la Cour suprême rend une décision, elle trouve des lacunes dans les dispositions législatives existantes. Celles-ci doivent donc être améliorées.
    Il est question d'une ordonnance pour la production de documents et des délais supplémentaires qui sont accordés à certains, simplement parce qu'ils se trouvent à l'étranger.
    Oui. Je ne suis pas sûre de la raison.
    J'ai déjà posé cette question au Comité et on m'a dit que ces dossiers sont habituellement plus compliqués. Si votre collègue peut donner une meilleure réponse que celles que nous avons entendues dans les comités précédents, ce serait formidable.
    Je suis certaine. Donnons-lui la chance de répondre.
    Monsieur Campbell, la balle est dans votre camp.
     Je pense que Mme Daviau a bien répondu. Je répète que nous sommes ici en tant que représentants des vérificateurs, et non pas de l'Agence du revenu du Canada. Je pense qu'il serait préférable de poser la question à un représentant de l'Agence.
    C'est un bon argument. J'espère que la ministre viendra témoigner dans le cadre de cette étude, et qu'elle pourra répondre à cette question.
    Il me semble que la complexité ne devrait pas entrer en ligne de compte. Lorsqu'un document est demandé, et que la structure organisationnelle d'un déclarant est trop complexe pour qu'il puisse se conformer, le fardeau devrait lui revenir.
    Monsieur Kelly, nous avions autrefois des unités de fiscalité internationale qui étaient très bien organisées et qui pouvaient travailler ensemble plus efficacement pour produire ce genre de documents, mais elles ont été abolies, il y a une dizaine d'années, en faveur de l'intégration de ces experts fiscaux dans des équipes plus polyvalentes. Cela a réduit la capacité des employés de l'ARC d'obliger les étrangers qui pratiquent l'évitement fiscal à payer leur juste part d'impôt.
    Nous avons largement dépassé le temps prévu.
    Vous pourriez peut-être nous envoyer une petite note pour nous indiquer quand ces unités ont été éliminées.
    Monsieur Fraser, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de poser mes questions, j'aimerais commencer par remercier Mme Watson d'être parmi nous aujourd'hui. Son histoire est éloquente. Je crois qu'elle nous a rappelé à tous que ce genre de crime fait aussi des victimes.
     Bien que certaines personnes soient touchées très directement, je dirais que les catégories de victimes sont presque illimitées [Difficultés techniques]. Quiconque n'a pas de médecin de famille, n'a pas les moyens de payer pour étudier ou souffre d'un manque d'accès aux services est victime de ceux qui choisissent de ne pas payer les impôts qu'ils doivent, ce qui réduit la qualité de vie de tous.
    Ma première question s'adresse à M. Cohen.
    Vous avez parlé avec enthousiasme de l'annonce de la création d'un registre des propriétaires véritables, qui est certainement utile pour les gens qui étudient le budget, mais je suis curieux de savoir si vous pouvez expliquer en langage clair, pour les Canadiens qui nous regardent, l'importance d'avoir un registre accessible au public pour que les gens sachent qui est derrière certaines de ces sociétés fictives ou organisations servant à cacher le propriétaire effectif susceptible de profiter de ceux qui pratiquent l'évasion fiscale.
    Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un registre de propriétaires véritables accessible au public et servant à identifier les vraies personnes. Pour ceux qui ne connaissent pas le registre des bénéficiaires effectifs et les sociétés fictives, la société ABC pourrait appartenir à la société 123, qui appartient à la société Ontario 456, qui a été ouverte par... Bob. Qui est Bob, au bout du compte, et pourquoi ce niveau de secret?
     Bob pourrait être un homme d'affaires tout à fait légitime, mais il n'y a pas de précédent en matière d'anonymat derrière tous ces écrans. Bob pourrait aussi être quelqu'un qui fait de l'évasion fiscale, privant les Canadiens de revenus pour les divers services dont vous avez parlé, comme les services de santé ou la protection de l'environnement. Bob pourrait être un kleptocrate vivant à l'étranger, qui vole de l'argent à certaines des personnes les plus vulnérables du monde et le cache ici, au Canada. Cet individu pourrait aussi être un criminel qui contribue à perpétuer la crise du fentanyl au Canada et qui facilite les activités des gangs. Il pourrait être impliqué dans le non-respect des sanctions et essayer de faire circuler de l'argent pour permettre l'envoi d'armes dans des pays comme la Syrie. Il y a divers profils de gens.
    Comme Mme Watson y a fait allusion, il y a des victimes. Lorsqu'il est question de ces montants importants qui circulent dans les sociétés fictives, nous devrions savoir qu'ils dépendent de crimes sous-jacents. Que ce soit en nuisant à la société canadienne en la privant des ressources qui devraient financer nos services publics, en permettant aux criminels de continuer à mener des activités criminelles au Canada ou à l'étranger, ou bien en ruinant notre réputation à l'étranger, alors que nous contribuons à l'aide étrangère, l'argent volé dans ces mêmes pays servant à financer des manoirs à Montréal, Toronto ou Vancouver, tout cela a un impact, et tout cela devrait être important pour les Canadiens ordinaires.

  (1615)  

     Merci beaucoup, monsieur Cohen. Je vais utiliser certains des exemples dont vous avez parlé, surtout dans le contexte mondial de ce problème, pour ma prochaine question à Mme Daviau.
    Madame Daviau, vous avez mentionné que l'une des choses que nous devons continuer de faire, c'est d'explorer d'autres initiatives sur la scène internationale et de collaborer avec nos partenaires mondiaux pour nous assurer que nous pouvons éradiquer l'évasion fiscale à l'échelle mondiale. Quelles mesures le gouvernement du Canada peut-il prendre pour contribuer à la solution mondiale au problème de l'évasion fiscale?
    Je vais demander à M. Campbell de répondre à cette question.
    Le principal aspect qui a été préconisé par les vérificateurs de l'Agence du revenu du Canada, par suite de leurs travaux, est de mettre l'accent sur l'évasion fiscale des sociétés. L'échelle est beaucoup plus grande. Le directeur parlementaire du budget a déterminé que jusqu'à 25 milliards de dollars par année pourraient être libérés des paradis fiscaux si les dispositions appropriées étaient en place. Pour ce faire, il est vraiment nécessaire de réorienter la structure du régime fiscal et de réformer ce dernier.
    À l'heure actuelle, lorsqu'une société internationale fait une vente, elle a le pouvoir discrétionnaire de transférer le profit ou de modifier le prix dans les chaînes d'approvisionnement internes pour comptabiliser la valeur de cette vente dans un pays où les impôts sont peu élevés. Les vérificateurs de l'ARC doivent jouer au chat et à la souris pour essayer de déterminer exactement quelle était la juste valeur marchande de cette transaction et si elle se situait ou non à ce niveau.
    Pour faire pencher la balance en faveur de l'imposition équitable des entreprises partout, il faut une combinaison précise de réformes différentes qui peuvent être mises en place, ou de principes généraux qui, mis ensemble, contribueraient à résoudre le problème.
    Parmi eux, il y a d'abord la répartition des bénéfices selon une formule, qui représente essentiellement un changement par rapport aux critères actuellement utilisés au Canada pour déterminer comment les bénéfices des sociétés sont comptabilisés d'une province à l'autre.
    Il y a aussi l'application d'un traitement unitaire pour s'assurer que, lorsque ces transactions sont conclues entre une société mère et une filiale, ce qui aboutit à ce prix de transfert et à la comptabilisation des profits dans des pays à faible imposition plutôt que là où le commerce se fait réellement, les sociétés sont traitées globalement comme une entité unitaire...
    Monsieur le président, je crois que mon temps est presque écoulé. Puis-je demander un peu plus de précisions à M. Campbell?
    Votre micro est en sourdine, monsieur le président, mais j'ai l'impression que vous dites que si je suis bref, je peux y aller.
    Vous avez raison.
    Merci.
    Monsieur Campbell, d'après les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui, il semble y avoir plusieurs mesures différentes que nous pouvons mettre en œuvre. La plupart des gens à qui j'ai parlé de la question de l'évasion fiscale ont soutenu que le rendement de l'investissement dans l'application de la loi en vaut la peine. Pourriez-vous nous parler d'un ou deux secteurs clés où nous pourrions obtenir le meilleur rendement du capital investi pour l'application de la loi? Où se situent-ils?
    Je remarque que Mme Daviau a activé son micro. Je peux lui donner la parole si elle veut répondre.
    Oui, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je fais appel à M. Campbell pour les questions très techniques.
    Nos membres nous disent, comme je l'ai mentionné très brièvement, qu'il y a eu des changements organisationnels qui n'ont pas aidé. Par exemple, les unités d'enquêtes criminelles ont été fusionnées. Maintenant, il n'y a pas d'enquête criminelle entre Calgary et Toronto. C'est davantage un problème national, mais il faut vraiment tenir compte de la présence physique des ressources dans les différentes régions.
    Il y a aussi les unités fiscales internationales. Comment peut-on tirer parti de l'expertise de nos experts en fiscalité internationale? Comment peut-on leur fournir les ressources nécessaires? Comment peut-on assurer leur formation et leur donner la technologie dont ils ont besoin pour affronter les géants auxquels ils doivent s'attaquer?
    On parle d'investir un dollar pour en récupérer cinq et peut-être même plus. Il y a certainement des faits et des preuves à l'appui. Il est tout à fait logique de vouloir affecter les ressources nécessaires aux employés de l'Agence du revenu du Canada pour qu'ils puissent venir à bout d'une partie de ce problème. Cela n'exige pas de grands changements. Il suffit d'investir dans les gens.

  (1620)  

     Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Nous allons passer à M. Ste-Marie, suivi de M. Julian.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux d'abord saluer tous nos invités et les remercier de leurs présentations. Je les remercie aussi d'être avec nous aujourd'hui.
    Madame Watson, votre témoignage était des plus percutants. Souhaitons que justice soit faite.
    Je tiens également à saluer notre collègue Elizabeth May, qui est parmi nous.
    Enfin, j'aimerais rappeler que mon collègue Stéphane Bergeron présente à la Chambre la motion M-69, qui reprend la plupart des mesures qui ont été suggérées par les invités pour combattre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale.
    Mes questions s'adressent à la représentante de KPMG.
    Madame Iacovelli, je vous demande, ainsi qu'à KPMG Canada, de fournir au Comité permanent des finances les informations suivantes.
    KPMG a mis en place des stratagèmes fiscaux qui constituent un véhicule financier permettant à certains de ses clients de réduire leur impôt à payer. Pour chaque dossier où KPMG Canada a créé ou a contribué à créer, directement ou indirectement, une ou plusieurs sociétés à l'île de Man, ce qui a ainsi permis à un ou plusieurs contribuables canadiens de dissimuler des fonds ou de réduire leur impôt à payer, je vous demande de fournir au Comité tous les documents utilisés dans ces planifications; de fournir la liste des sociétés qui ont été créées au moyen de ces stratagèmes; de fournir la liste des directeurs et administrateurs liés à ces stratagèmes; de fournir la liste de toutes les personnes qui en ont bénéficié directement ou indirectement; et de fournir les honoraires perçus par KPMG pour chacune de ces planifications.
    Je vous demande également de nous fournir ces informations complètes pour chacune des planifications de ce genre qui ont été effectuées dans un pays ou un territoire autre que l'île de Man et de mentionner le pays ou le territoire pour chacune de ces planifications. Évidemment, le greffier pourra vous faire parvenir cette demande. Si vous n'êtes pas en mesure d'y répondre en totalité maintenant, je vous demande de faire parvenir vos réponses par écrit au Comité permanent des finances le plus rapidement possible ou d'ici 30 jours.
    En prenez-vous note?
    Je vais donc poursuivre mes questions.

[Traduction]

    Il faudra d'abord donner à Mme Iacovelli la chance de répondre, monsieur Ste-Marie.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Merci.
    C'était une question assez large, alors je vais essayer d'aborder tous les aspects que j'ai saisis.
    Je tiens à préciser que KPMG n'a pas créé de sociétés fictives pour cacher de l'argent. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous fournissons des conseils juridiques qui sont fiscalement efficaces et nous exigeons que nos clients respectent toutes leurs obligations en matière fiscale.
    En ce qui concerne votre demande de renseignements, en vertu de mon code de conduite, je ne peux pas vous fournir de renseignements sur les clients, à moins qu'il y ait une ordonnance légale. Nous avons donné suite à la demande de l'ARC. Nous lui avons fourni une liste de tous les clients du plan de structure de société étrangère, ainsi que les dossiers pertinents.

[Français]

    Je vous remercie.
    Il y a peut-être eu un problème lié à l'interprétation. Je n'ai jamais insinué que KPMG avait mis en place des stratagèmes jugés illégaux. Ce n'est pas ce dont il est question. À ma connaissance, KPMG, un cabinet comptable, n'a pas le pouvoir de refuser de transmettre de telles informations à un comité parlementaire, à Ottawa.
    Pour m'assurer que nous nous sommes bien compris, je vous rappelle que le greffier pourra vous faire parvenir la demande que je viens de vous présenter, et vous pourrez nous fournir votre réponse d'ici 30 jours.
    Je vais également vous demander de nous transmettre, pour chacun des clients de KPMG Canada, la conclusion de chacun des dossiers à l'Agence du revenu du Canada, en y incluant notamment l'impôt remboursé, les intérêts accumulés et les pénalités encourues, et ce, pour chaque personne.
    Je vous remercie.

  (1625)  

[Traduction]

    Est-ce que je peux répondre?
    Oui, allez-y. Vous avez la parole.
    D'accord.
    Je tiens simplement à souligner qu'en vertu de mon code de déontologie, je ne suis pas en mesure de fournir des détails sur les clients ou les anciens clients. Je le répète, s'il y a une ordonnance du tribunal ou une ordonnance légale, je peux fournir cette information.
    Nous avons fourni à l'ARC tous les renseignements concernant le plan de structure de société étrangère, ainsi que les dossiers.
    Si vous me le permettez, j'aurais peut-être une suggestion, monsieur Ste-Marie.
    Le greffier peut vous envoyer cette information, madame Iacovelli, vous pourrez répondre et nous verrons où cela nous amène.
    Je ne vous enlèverai pas de temps de parole, monsieur Ste-Marie. Il vous reste environ une minute et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Évidemment, les lectures respectives que nous faisons de la loi divergent complètement. Selon nous, un cabinet comptable comme KPMG n'a pas ce pouvoir relativement aux demandes du Comité permanent des finances.
    Madame Iacovelli, KPMG Canada a-t-elle demandé à une société comme KPMG à l'île de Man ou à toute autre société de créer, directement ou indirectement, une ou plusieurs des quatre sociétés enregistrées à l'île de Man sous les noms de Shashqua, Sceax, Katar et Spatha?
    Si c'est le cas, lesquelles étaient-ce et de quelle façon cela s'est-il produit?

[Traduction]

     Les quatre entreprises que vous avez mentionnées, qu'on appelle des sociétés-écrans, ne sont pas des clientes de KPMG. Nous n'avons jamais eu affaire à elles et nous n'y avons jamais travaillé pour elles.

[Français]

    Je pose ma question de nouveau, puisque ce n'était pas exactement ce que je voulais savoir.
    KPMG Canada a-t-elle contribué de près ou de loin à créer ou à utiliser, directement ou indirectement, une ou plusieurs de ces quatre sociétés?
    Si c'est le cas, lesquelles étaient-ce et de quelle façon cela s'est-il produit?

[Traduction]

    Nous ne sommes pas intervenus, ni directement ni indirectement. Nous n'avons pas demandé à une autre entreprise de travailler pour elles. Nous n'avons pas de relations, directes ou indirectes, avec ces sociétés-écrans.
    Merci à vous deux.
    Nous allons passer à M. Julian. Monsieur Falk, vous serez le prochain intervenant du tour de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tous nos témoins d'être ici.
    Il est ironique qu'on ait demandé la semaine dernière aux Canadiens de produire leur déclaration de revenus en pleine pandémie et de payer leurs impôts. Pourtant, nous parlons maintenant de dizaines de milliards de dollars qui partent simplement à l'étranger et qui ne sont pas mis à contribution pour le bien commun et les investissements collectifs qui font progresser les Canadiens.
    J'aimerais commencer par Mme Watson. Merci beaucoup de votre témoignage très important aujourd'hui.
    Je tiens à répéter que, pendant que vous faisiez tout votre travail de diligence raisonnable pour essayer de récupérer l'argent après cette fraude, tous les représentants des organismes gouvernementaux, y compris la GRC, vous ont dit qu'il n'y avait aucun moyen de récupérer cet argent une fois qu'il avait quitté le pays et était allé dans un paradis fiscal à l'étranger.
    Est-ce exact?
    Oui. C'est exact.
    Certaines victimes ont perdu un demi-million de dollars, y compris Mme MacDonald qui a comparu à l'émission The Fifth Estate avec moi. Elle n'a pas d'objection à ce que je répète cela, puisqu'elle l'a dit publiquement.
    Ces personnes se sont adressées à l'ombudsman. Elles se sont adressées à l'Autorité des marchés financiers, la commission provinciale des valeurs mobilières. Elles se sont adressées à la police. Elles se sont adressées à la GRC. On leur a dit la même chose, c'est-à-dire qu'il valait mieux oublier cela, qu'il n'y avait plus rien, qu'il n'y avait aucun moyen de retracer cet argent. Surtout chez Raymond Chabot Grant Thornton... Je faisais partie des inspecteurs des faillites qui travaillaient à ce dossier. Au cours de toutes nos réunions, on nous a simplement dit de récupérer ce que nous pouvions, mais qu'il n'y avait aucun moyen de récupérer l'argent une fois qu'il avait quitté le pays, surtout s'il n'y avait pas d'entente avec les autres pays concernés.
    Je pensais que l'argent se trouvait probablement aux Bahamas ou ailleurs, mais je soupçonne maintenant qu'une partie de cet argent est allée à l'île de Man.

  (1630)  

    Vous comparaissez devant le Comité aujourd'hui. Quels seraient votre message et celui de toutes les autres victimes de cette fraude? Que devrait faire le gouvernement pour que les gens ne puissent plus frauder les Canadiens et transférer simplement l'argent dans un paradis fiscal à l'étranger?
    Il faudrait évidemment resserrer nos lois. L'Agence du revenu du Canada devrait pouvoir retracer cet argent. La police ne peut rien faire de plus. Je pense que c'est une question politique maintenant. Je crois que c'est un problème auquel le gouvernement doit s'attaquer.
     Je crois avoir mentionné que nous avons récupéré de l'argent dans un recours collectif dans le cadre duquel nous avons poursuivi certains cabinets comptables. Une partie de l'argent récupéré provenait de REER et de FERR. Une partie était constituée d'investissements à l'extérieur. L'Agence du revenu du Canada nous a obligés à franchir toutes sortes d'obstacles. Ils croyaient que les gens mentiraient et diraient qu'ils avaient déjà payé de l'impôt sur ces sommes parce que nous avions la possibilité de les remettre dans des REER. Ils nous ont obligés à faire des pieds et des mains, alors que ces gens riches profitent d'allégements fiscaux partout dans le monde.
     Merci beaucoup.
    Je vais passer à Mme Iacovelli. Comme M. Ste-Marie l'a mentionné, lorsqu'un comité demande de l'information, il est important de donner suite à cette demande. Comme vous le savez, il y a une liste de juridictions non coopératives sur le plan fiscal, dans laquelle sont essentiellement énumérés les paradis fiscaux dans le monde.
     J'ai une série de questions. De plus, nous ferons un suivi en envoyant une lettre à laquelle nous aimerions que KPMG réponde.
    Tout d'abord, combien de sociétés clientes ou de sociétés fictives — vous les avez appelées « sociétés clientes » — qui existent actuellement à l'île de Man et dans toutes les autres juridictions fiscales qui sont des « juridictions non coopératives » ont été mises sur pied par KPMG? C'est ma première question.
    Deuxièmement, combien ont été établies depuis 1999 — encore une fois, dans la même liste — par KPMG à l'échelle internationale?
     Combien ont été dissoutes ou liquidées depuis 1999? C'est ma troisième question.
    Ma quatrième question est la suivante: combien de clients canadiens de KPMG investissent dans des paradis fiscaux à l'étranger, qu'il s'agisse de comptes bancaires à l'étranger ou de sociétés fictives — vous les avez appelées « sociétés clientes » — et combien de règlements extrajudiciaires KPMG a-t-elle négociés au nom de ces clients avec Revenu Canada?
    Ce sont les questions au sujet desquelles nous vous demanderons de faire un suivi.
     Je remarque également que vous êtes ici volontairement. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous allons convoquer d'autres témoins de KPMG, je crois, y compris Serge Bilodeau, qui dirige votre bureau de Montréal, et nous apprécions cette collaboration.
    Pouvez-vous aussi nous dire, lorsqu'un avis de conserver des documents est reçu, comment il est observé au sein de KPMG à l'échelle internationale?
     Ma dernière question porte sur Parrhesia, qui, comme vous l'avez reconnu, est une entreprise cliente de KPMG constituée en société à la même date que les sociétés-écrans, soit le 17 décembre 2001. Tout d'abord, vous avez dit dans votre témoignage qu'il s'agissait d'un agent d'inscription ordinaire que KPMG avait approché, puis vous avez dit que personne n'avait été engagé pour constituer Parrhesia en personne morale. Pourriez-vous clarifier cela, s'il vous plaît? Qui, au sein de KPMG, a pris des mesures pour constituer cette entreprise cliente en société?
    Il y a beaucoup de questions, madame Iacovelli. Je pense que certaines d'entre elles seront soumises par écrit. Pourriez-vous répondre à la dernière question générale?
    Je vais peut-être commencer par la question concernant les produits. Nous n'offrons pas de produits. Nous avons offert le produit « structure de société étrangère » jusqu'en 2003. Nous avons cessé de l'offrir en 2003, et nous n'offrons plus de produits depuis.
    Je crois que vous avez aussi posé une question au sujet des paradis fiscaux. Nous n'offrons pas de stratagèmes fiscaux ou d'abris fiscaux à nos clients. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous assurons la planification fiscale légale de nos clients et nous veillons à ce que nos clients paient les impôts qui sont exigés.
    Malheureusement, je ne peux pas parler de Parrhesia. Je ne suis pas au courant de cela. Je vais essayer de vous fournir cette information si je le peux. Vous comprendrez que s'il s'agit d'un client, je ne peux pas fournir de renseignements concernant les dossiers des clients.

  (1635)  

     Merci à vous deux. Nous reviendrons à M. Julian plus tard.
    Monsieur Falk, vous avez cinq minutes, puis Mme Koutrakis.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui comparaissent devant le Comité aujourd'hui. Vos témoignages ont été très captivants, et je souhaiterais avoir beaucoup de temps pour vous poser toutes mes questions.
    Monsieur le sénateur Downe, je veux simplement mentionner — parce que je ne veux pas que cela se perde, mais que ce soit consigné au compte rendu — que vous avez dit dans votre témoignage que de nombreux autres pays qui ont des stratagèmes fiscaux à l'étranger ont été en mesure de récupérer des fonds, mais pas le Canada. Je trouve cela très curieux.
    Madame Watson, j'aimerais vous poser quelques questions. Vous et Mme MacDonald avez participé à The Fifth Estate. J'ai trouvé cet épisode fascinant. Pendant 14 ans, vous avez tenté sans relâche d'obtenir justice, creusé et essayé d'agir au nom d'un grand nombre de personnes qui ont perdu de l'argent à cause de ce stratagème fiscal à l'île de Man et de récupérer cet argent. Pourriez-vous nous dire si la diffusion de The Fifth Estate reflète fidèlement les recherches que vous avez menées?
     Oui, je dirais certainement que cela reflète fidèlement les recherches que j'ai faites. J'ai collaboré avec eux pendant la production de l'émission. Ils sont allés plus loin que moi et ont découvert des choses dont je n'étais pas au courant.
    Je suis une femme au foyer de 74 ans qui vit en Estrie. Je n'ai pas les ressources qu'ils ont pour faire ce genre d'enquêtes. J'étais très curieuse. Je ne savais pas avant de regarder l'émission exactement ce qu'ils avaient découvert à l'île de Man. Cela a été une révélation pour moi.
    C'est quelque chose que nous soupçonnions depuis le début, parce que l'argent avait tout simplement disparu. Je ne parle pas seulement de Mount Real; je parle aussi de Norshield et de Cinar. Les trois entreprises étaient liées. Il y avait 500 millions de dollars. Cette somme ne peut pas s'être tout simplement envolée.
    Je crois que KPMG était le cabinet comptable d'une des sociétés de Norshield. Mme Iacovelli ne cesse de mentionner Cinar, mais je crois qu'il agissait également comme un cabinet comptable pour une des sociétés de Norshield.
    Merci.
    Je sympathise avec vous et toutes les autres victimes de cette fraude.
    Merci beaucoup.
    Sur ce, j'aimerais passer à KPMG.
    Madame Iacovelli, vous avez dit que votre entreprise n'était pas impliquée et que vous n'avez pas donné de conseils à vos clients sur la façon d'élaborer ces stratagèmes. Est-ce que certains de vos clients ou de votre organisation ont participé au stratagème du Liechtenstein?
    À ma connaissance, non.
    D'accord. Qu'en est-il du stratagème des Panama Papers?
    Je crois comprendre que les listes concernant les Panama Papers ne sont pas accessibles au public. À ma connaissance, aucun de nos clients n'est lié à cela.
    Lorsque le Comité a discuté des préoccupations relatives à l'évitement fiscal et à l'évasion fiscale avec KPMG en 2016, on a demandé à Gregory Wiebe si le stratagème de l'île de Man avait aidé à rétablir la confiance des Canadiens à l'égard du régime fiscal. Il a dit ceci, et je cite:
Je pense que si vous examinez cette question sous l'angle que nous adoptons aujourd'hui, non. Mais c'est le cas si vous l'examinez sous l'angle avec lequel nous la voyions en 1999, quand les politiques et les pratiques autorisaient les gens à déposer leur argent dans des structures non résidentes à l'étranger. L'époque était très différente. Nous fumions au restaurant en 2006. Nous textions au volant jusqu'à il y a deux ans. Les temps changent, et nous changeons avec eux.
Mais si j'examine la question sous cet angle, je ne peux défendre nos agissements.
    Ma question pour vous, madame Iacovelli, est la suivante: comment diriez-vous que KPMG a changé depuis 2016, au moment de ce témoignage?
    Je pense que des changements s'étaient déjà produits en 2016. Nous appliquons notre code de conduite national et mondial, c'est-à-dire notre pratique fiscale responsable. Parmi les points saillants de ce code de conduite responsable, mentionnons que nous agissons en toute légalité et intégrité et que nous fournissons aux clients des conseils fiscaux de la plus grande qualité.
    Dans la perspective d'il y a 20 ans, il était question de légalité et de la disposition générale anti-évitement. Depuis lors et depuis le milieu des années 2000, nous avons ajouté l'optique de la fiscalité responsable. Le paysage fiscal et l'acceptation sociale ont beaucoup changé au cours des 20 dernières années.
    Vous pouvez également le constater grâce à un grand nombre de lois qui ont été mises en place, non seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier, y compris les lois Sarbanes-Oxley et FIN 48. Il y a eu la crise financière mondiale, qui nous a beaucoup touchés. Des normes communes de déclaration ont également été adoptées. L'aspect de la transparence a beaucoup évolué, ce qui a beaucoup changé le paysage social et ce qui est considéré comme acceptable.

  (1640)  

    Merci.
    Je suis désolé; nous allons devoir poursuivre. Votre temps est écoulé, monsieur Falk.
    Nous avons Mme Koutrakis, suivie de M. Ste-Marie.
    Allez-y, madame Koutrakis.
     Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous nos témoins de cet après-midi.
    Madame Watson, j'ai été très troublée d'entendre votre témoignage, car je travaille dans le secteur des services financiers depuis plus de 25 ans. Je ne sais pas si mes collègues le savent, mais j'ai commencé en 1984 comme courtière en valeurs mobilières adjointe et j'ai gravi les échelons jusqu'à occuper un poste de premier plan du côté de la vente, travaillant notamment pour de grandes entreprises appartenant à de grandes banques et des entreprises indépendantes. Je travaillais dans l'industrie en 2005, et lorsque l'histoire de Mount Real, Norshield et Cinar a été mise au jour. Je supervisais des gestionnaires de portefeuille et des conseillers financiers. L'un des principaux rôles et responsabilités que j'avais en tant que professionnelle inscrite auprès de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières était de m'assurer que les personnes que je supervisais faisaient les bonnes choses.
    Cela signifiait notamment que lorsque de nouveaux comptes m'étaient apportés pour être examinés et ouverts, je devais m'assurer de savoir à qui ils appartenaient. Il fallait lever le voile sur l'identité de la société. Lorsque j'ai entendu le témoignage d'aujourd'hui selon lequel nous n'avons pas de registre public dans lequel figurent les propriétaires de certaines de ces sociétés fictives, je peux vous dire que par l'entremise de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières ou l'OCRCVM, c'est ce que nous faisions. Nous pourrions peut-être alors commencer par travailler directement avec ce dernier et l'Autorité des marchés financiers du Québec.
    En ce qui concerne KPMG, madame Iacovelli, je sais que vous avez dit dans votre témoignage que vous ne conseillez pas à vos clients — des clients fortunés ou n'importe quel type de clients — d'avoir recours à des stratagèmes d'évitement fiscal, mais que ceux-ci font appel à vous pour obtenir des conseils et des avis professionnels... Quel genre de mécanismes de contrôle sont appliqués dans des entreprises comme KPMG lorsque des gens communiquent avec vous pour obtenir des renseignements fiscaux, afin de s'assurer que ces personnes ne dépassent pas les limites ou l'esprit de la loi? Y a-t-il des mécanismes de contrôle lorsque vous donnez ce genre de conseils aux clients?
    Je m'attends à ce que tous mes partenaires respectent notre code de conduite en matière de responsabilité fiscale.
     Je le répète, nous fournissons des conseils fiscaux. Nous agissons en toute légalité et intégrité, et je m'attends à ce que ce soit le cas de tous mes partenaires. Nous expliquons clairement et objectivement les avantages techniques et la viabilité des conseils fiscaux à nos clients, et nous n'autorisons pas non plus les transactions qui sont contraires aux lois.
    Nous avons aussi un mécanisme très solide d'acceptation des clients pour nous assurer également que nous travaillons avec des clients de la plus grande intégrité. Nous avons des processus en place pour que, s'il y a une transaction qui sort de l'ordinaire, elle soit présentée à notre comité responsable des risques et de la réputation, qui est composé de plusieurs partenaires, et elle fasse auparavant l'objet d'un examen en vertu de la disposition générale anti-évitement ou DGAE. Je suis très fière de notre organisation, très fière du type de conseils juridiques et de planification que nous offrons à nos clients.
    Merci.
     Monsieur le sénateur Downe, vous avez dit dans votre témoignage que l'ARC a fait un excellent travail en ce qui concerne l'évasion fiscale au pays, mais vous avez critiqué sa capacité de lutter contre l'évasion fiscale à l'étranger. De quels outils ou pouvoirs l'ARC a-t-elle besoin pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale à l'étranger dans la même mesure qu'ici au pays?

  (1645)  

     Dans ma déclaration préliminaire, j'ai également fait une suggestion au sujet de la rémunération. Certains employés de l'ARC sont ce que j'appellerais des licornes. Ils possèdent des compétences uniques qu'ils ont acquises au cours des 10 ou 15 années pendant lesquelles ils ont travaillé pour le gouvernement du Canada, mais leur salaire est plafonné comme ailleurs au gouvernement. Nous devons nous attaquer à ce problème. Nous devons être en mesure de garder ces gens, afin qu'ils ne soient pas récupérés par ceux qui travaillent, si vous voulez, du côté sombre de l'évasion fiscale. On ne peut pas blâmer les gens de vouloir améliorer leur situation financière, mais le gouvernement doit prendre des initiatives pour essayer de les garder.
    Le deuxième point — et d'autres en ont parlé également — c'est que certaines de ces unités de fiscalité internationale ont été fusionnées avec d'autres responsabilités ou ont été complètement démantelées, alors que nous avons besoin d'un groupe spécialisé et que nous ne devons pas réinventer la roue. L'ARC nous dit à quel point ces cas peuvent être complexes, mais c'est ainsi dans tous les pays. Comme je l'ai dit, l'Islande, un pays de 340 000 habitants, a récupéré 25 millions de dollars relativement aux Panama Papers. Nous sommes loin d'avoir récupéré autant. Il y a donc quelque chose qui cloche dans la structure de l'ARC, et la haute direction ou le ministère des Finances devrait s'en occuper.
     Je suis désolé, mais nous devons passer à quelqu'un d'autre, madame Koutrakis. Vous avez également dépassé votre temps de parole. Nous allons passer à M. Ste-Marie, suivi de M. Julian, pour deux minutes et demie chacun, puis nous passerons à Mme Jansen.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Watson, je veux vous dire que nous allons tout faire pour aller au fond de cette histoire. Nous ne lâcherons pas. Vous pouvez compter sur nous, peu importe le temps que cela prendra, nous ne lâcherons pas.
    Madame Iacovelli, je tiens à vous dire à quel point je suis déçu de vos réponses. M. Julian vous a posé des questions, et vous dites que vous n'avez rien dans les Panama Papers, parce que la liste n'existe pas. Elle a pourtant été divulguée par le Consortium international des journalistes d’investigation. Je n'en reviens pas de l'ampleur de vos manoeuvres d'obstruction. Votre comportement devant le Comité fait que j'ai bien de la difficulté à vous croire.
    Mme Watson l'a dit. Vous aviez les sociétés Norshield et Mount Real comme clients. Elles ont volé de l'argent au petit monde, et quand elles ont été jugées coupables, pouf! l'argent a disparu. Vous nous dites que KPMG n'est liée ni de près ni de loin à l'argent qui est disparu. Or, les reportages de CBC/Radio-Canada révèlent que les entreprises fantoches ont été créées la même journée que d'autres, et que l'on a la preuve que c'est vous qui les avez créées.
    Je ne vous crois pas. Je ne vous crois pas.
    Je veux que l'on aille au fond de cette histoire.
    Nous allons vous envoyer les questions, auxquelles on va vous demander de répondre. Je vous rappelle que votre code de conduite, qui vous dit de ne pas répondre, ce n'est pas la loi. Votre code de conduite n'est pas régi par la loi. J'espère que nous aurons des réponses à nos questions.
    De plus, madame Iacovelli, vous dites que tout ce que vous faites est légal. Oui, et pourquoi? C'est parce que vous êtes au Canada.
    Aux États-Unis, quand KPMG a fait la même chose, l'équivalent de l'Agence du revenu du Canada, l'Internal Revenue Service, ou IRS, a déposé des accusations criminelles contre les dirigeants de KPMG et contre l'entreprise, la menaçant même de poursuites à titre d'organisation criminelle, ce qui aurait entraîné sa dissolution.
     Les États-Unis se sont tenus debout, et cela a entraîné des changements. Les gens ont remboursé et payé des pénalités. La société KPMG, pour ne pas être dissolue, a accepté de démanteler trois de ses divisions, et de ne plus vendre de services de planification fiscale. Elle a payé près de 500 millions de dollars en dommages au gouvernement, et a accepté d'avoir en permanence, pendant trois ans, un agent de l'IRS ayant un accès illimité à tous ses dossiers. C'est ce que l'Agence du revenu du Canada devrait faire, ici, pour aller au fond des choses.
    Des accusations criminelles ont été maintenues contre les neuf dirigeants: deux ont été innocentés, six ont dû payer des amendes totalisant 25 millions de dollars, et un a été emprisonné. C'est ce qui devrait être fait ici, si l'Agence du revenu du Canada et la ministre avaient un peu de tonus.
    Qu'avez-vous à répondre à cela?

[Traduction]

    Monsieur Ste-Marie, votre temps est écoulé, mais je vais donner à Mme Iacovelli autant de temps pour répondre.
    Allez-y, madame Iacovelli.
    Merci, monsieur le président.
    Nous n'avons aucun lien avec Cinar. Nous ne participons pas à Cinar. Nous n'avons jamais fourni de services d'audit ou de conseils fiscaux à Cinar. Nous ne sommes liés d'aucune façon...

  (1650)  

[Français]

    J'avais nommé Norshield et Mount Real.

[Traduction]

    Monsieur Ste-Marie, Mme Iacovelli a la parole, et je pense que vous devriez également avoir une note d'elle.
    Madame Iacovelli, allez-y.
    Merci.
    Nous ne sommes aucunement liés aux quatre sociétés-écrans. Nous n'avons jamais donné de conseils à ces entreprises. Nous avons collaboré pleinement avec l'ARC. Nous avons fourni tous les dossiers et tous les noms des clients concernant nos structures à l'étranger.
    D'accord. Nous allons passer à M. Julian pour environ deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Moi aussi, je suis extrêmement déçu des réponses que nous recevons de KPMG. Nous posons des questions et nous n'obtenons pas de réponses.
    Le Comité permanent des finances a le pouvoir d'aller chercher ces informations. KPMG ne peut pas simplement nous dire que l'entreprise n'avait absolument rien à faire dans tout cela. Il faut répondre et fournir des explications. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de réponses à nos questions, et il y en a eu beaucoup.

[Traduction]

    Je suis très déçu de la qualité des réponses que nous obtenons.
    J'aimerais revenir sur la question des sociétés clientes ou des sociétés fictives.

[Français]

    En français, on dirait des compagnies bidon.

[Traduction]

    Vous avez dit qu'il n'y avait plus de sociétés fictives ou de sociétés clientes dans le cadre de la stratégie de KPMG. Ai-je bien compris? Pourriez-vous nous donner la date à laquelle ces entreprises ont été dissoutes ou liquidées?
     Merci, monsieur Julian.
    Pour ce qui est des renseignements précis sur les clients, je ne peux pas vous donner de détails. Mon code de conduite m'en empêche.
    Je ne demande pas d'information précise. J'ai demandé plus tôt combien d'entreprises avaient été dissoutes. Vous avez dit qu'elles ont toutes été dissoutes. J'aimerais savoir à quelles dates elles l'ont été. Ce sont des données générales; pas des renseignements privilégiés.
    Monsieur Julian, je n'ai rien dit au sujet des clients. Je n'ai pas dit si ces sociétés avaient été dissoutes ou non.
     Je ne peux pas discuter des renseignements sur les clients devant ce comité...

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Le Comité s'est vu conférer des pouvoirs par une loi, laquelle l'emporte sur le secret des comptables, et cet argument ne peut pas être invoqué devant le Comité permanent des finances. Je suis désolé.

[Traduction]

    Je vous ai demandé...
    Revenons un peu en arrière. J'ai entendu votre rappel au Règlement, monsieur Ste-Marie.
    Monsieur Julian, vous avez dit ce que vous aviez à dire. Il vous reste environ une minute.
    Ma question était très simple: combien y a-t-il de clients ou de sociétés fictives? Vous avez dit qu'il n'y en a plus. Cela veut-il dire que vous avez dissous toutes ces sociétés fictives ou sociétés clientes, y compris Plantation Island, General Island, Sandy Point, First Land et Parrhesia, dont j'ai parlé plus tôt? Est-ce que cela veut dire que ces entreprises n'existent plus, ou est-ce que KPMG a encore des sociétés fictives ou clientes dans son portefeuille?
    Nous n'offrons pas ce produit. Nous n'offrons plus ce produit depuis 2003. Pour ce qui est des renseignements sur les clients, je ne peux pas vous les fournir. L'ARC a les noms de tous les clients, et nous leur avons fourni les renseignements les concernant.
    Madame Iacovelli, je ne demande pas d'information confidentielle. Je demande des chiffres. Vous avez accès à ces chiffres. Je ne comprends pas pourquoi vous ne coopérez pas et ne répondez pas à ces questions. Ce sont des questions légitimes.
    Monsieur Julian, je crois que mon collègue Greg Wiebe, lorsqu'il a comparu devant le Comité des finances, a indiqué que nous avions cessé d'offrir le produit en 2013 et qu'il en existait 16 versions.
    D'accord.
    Nous allons devoir passer au prochain tour, en commençant par Mme Jansen.
    Je pense que vous comprenez, madame Iacovelli, que vous allez recevoir des questions par écrit.
    Madame Jansen, nous en sommes aux tours de cinq minutes. Vous serez suivie de Mme Dzerowicz.

  (1655)  

    Monsieur Cohen, comment la transparence pourrait-elle aider à lutter contre l'évitement fiscal et le blanchiment d'argent dans notre pays?
    Je crois comprendre qu'il existe des échappatoires juridiques qui permettent à certaines entités d'accepter d'importants transferts à l'étranger sans les déclarer au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Des avocats mentionnent le secret professionnel. Certains disent qu'il s'agit des pires contrevenants. Le registre des propriétaires véritables réglerait-il ce problème de quelque façon que ce soit?
    Oui, un registre accessible au public ferait beaucoup pour lutter contre l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent de plusieurs façons.
    À l'heure actuelle, seules les institutions financières sont tenues de faire preuve de diligence raisonnable en matière de propriété effective en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Heureusement, des modifications entreront en vigueur en juin, et toutes les entreprises et professions non financières désignées devront faire preuve de la même diligence raisonnable. Cela comprend les agences comptables, les entreprises de services monétaires et les agents immobiliers. Les professionnels du droit doivent faire preuve de cette diligence raisonnable. En raison de la décision de la Cour suprême, ils n'ont pas besoin de produire des déclarations d'opérations douteuses.
    Cela met beaucoup de pression sur toutes les professions pour qu'elles fassent preuve de diligence raisonnable et, maintenant, les données sont disponibles. Ils ne peuvent pas dire: « J'ai essayé avec un client; je ne sais pas ».
    Une fois le registre en place, il sera très important que ces données soient vérifiées au moyen de diverses méthodes, afin que tous les organismes qui doivent faire rapport, et même les gens qui cherchent à investir, comme Mme Watson, aient la capacité de faire preuve de diligence raisonnable également.
    À bien des égards, cela dissuadera ces mauvais joueurs de venir au Canada. Il est à espérer que ceux qui veulent encore profiter du système se feront prendre.
    Merci beaucoup.
    Madame Daviau, vous avez dit que l'ARC avait été critiquée au cours de la dernière décennie pour avoir axé ses audits sur les petites entreprises et les organismes de bienfaisance et que cela avait une incidence sur le travail d'audit. Vous avez également mentionné dans votre témoignage que l'accent devrait être mis sur les personnes riches et les sociétés puissantes qui sont à l'origine de la majorité des fraudes. Y a-t-il une justification au fait que l'ARC semble se concentrer de façon agressive sur les petites entreprises familiales pour effectuer des audits pendant la COVID et ne pas tenir compte des personnes riches et des sociétés puissantes que vous venez de désigner comme étant le véritable problème?
     En fait, je ne pense pas qu'ils les ignorent; je ne pense tout simplement pas qu'ils n'ont pas la même capacité au niveau international qu'au niveau local.
    Je ne veux pas répéter quels sont ces obstacles, mais il est certain que les employés de l'Agence du revenu du Canada sont confrontés, comme je l'ai dit, à des géants. Ce sont des gens qui disposent d'immenses compétences, de technologie et d'expertise et qui peuvent compter sur d'autres grandes entreprises. L'ARC doit pouvoir être sur un pied d'égalité avec eux.
    D'accord. Ce que je comprends de ce que vous dites, c'est que les audits à l'échelle nationale sont beaucoup plus faciles à faire que les audits à l'échelle internationale.
    D'après ce que vous venez de dire, je crois comprendre qu'il y a un manque d'expertise au sein de l'équipe de vérificateurs en ce qui concerne les audits internationaux. Est-ce que cela n'incite pas les vérificateurs à travailler principalement sur ces cas moins compliqués, ceux des propriétaires d'entreprises disposés à coopérer et avec lesquels il est très facile de communiquer et de faire un suivi?
    En fait, ce n'est pas un manque d'expertise, mais plutôt de capacité sur le plan de la structure organisationnelle. J'ai mentionné qu'ils ont démantelé les unités de fiscalité internationale, ce qui les a vraiment empêchés de réaliser une synergie de collaboration et d'échange de documents et de renseignements. Ce sont des dossiers très complexes, et ils doivent être constitués d'une certaine façon et dotés des ressources nécessaires pour que l'on puisse les attaquer, et à l'heure actuelle, ces ressources...
    Il semble donc...
    ... font partie d'équipes généralisées, et elles n'ont tout simplement pas les bons outils pour s'occuper de ces dossiers.
    D'accord.
    Vous parlez de « capacité ». Vous n'avez pas assez de personnel, alors vous cherchez plutôt les cibles faciles, ce qui me perturbe vraiment, mais...
    Désolée, je veux simplement apporter une nuance. Ce n'est pas du tout ce que je dis. Je dis que les ressources fiscales internationales s'occupent essentiellement de l'impôt international. Il n'y a pas de chevauchement. On ne leur demande pas de travailler sur des dossiers locaux. Il est simplement difficile de les obtenir...
    Désolée; il me reste peu de temps et j'ai une autre question à poser.
    Mme Debi Daviau: Oui, j'ai compris.
    Madame Jansen, vous aurez le temps. Laissez Mme Daviau terminer sa réponse et nous reviendrons à vous.
    Non, c'est très bien. Je crois avoir dit ce que j'avais à dire.
    D'accord.
    Madame Jansen, vous avez le temps pour une dernière question.
    Je vais revenir à M. Cohen.
    Ne serait-il pas possible d'alléger le problème de l'évitement fiscal si nous nous engagions enfin à faire le ménage dans le code fiscal qui devient de plus en plus volumineux d'une année à l'autre en raison des réductions fiscales ultraciblées et des échappatoires?
    Je sais que le budget de cette année est truffé de détails techniques que les fonctionnaires ont passé des heures à nous expliquer au cours des derniers jours. Je ne peux même pas imaginer la somme de travail que cela représente chaque année pour les fiscalistes qui doivent se mettre au courant de tous ces changements.
    La solution la plus simple ne serait-elle pas de commencer par notre code fiscal?

  (1700)  

    Je vous remercie de votre question.
    Je ne pourrais pas vous répondre du point de vue de Transparency International Canada. Je ne suis pas un expert en matière de codes fiscaux. Sur le plan personnel, je suis heureux d'avoir un code fiscal simple — moins il y a d'échappatoires, plus c'est facile. Ma seule réponse serait de faire la distinction entre l'évitement fiscal par des moyens légaux et l'évasion fiscale par la non-déclaration de revenus, point à la ligne.
    Très bien, nous allons devoir nous arrêter ici. Le Comité a recommandé un examen approfondi du régime fiscal à deux reprises au cours des six dernières années, je pense.
    C'est maintenant au tour de Mme Dzerowicz, puis de M. Ed Fast.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à remercier tout le monde pour les excellents témoignages et pour cette importante discussion.
    Madame Daviau, ma première question est pour vous.
    D'entrée de jeu, vous avez dit que vous représentez tous les employés de l'ARC et je sais que vous travaillez très fort. Vous disiez que ces travailleurs traversaient une période difficile. Ils constatent que des gens profitent des échappatoires, des exemptions et des crédits d'impôt.
    Existe-t-il un mécanisme quelconque qui permet aux employés de signaler cette information à leurs hauts dirigeants afin qu'elle se rende jusqu'aux décideurs du gouvernement? Il arrive parfois que des choses se produisent par inadvertance et que vous souhaitiez apporter des correctifs. Y a-t-il des mécanismes en place actuellement, sont-ils suffisamment efficaces et pertinents pour nous permettre d'apporter des correctifs dans les plus brefs délais?
    Je ne peux certes pas parler au nom de l'Agence du revenu du Canada, mais, personnellement, je ne connais aucun mécanisme qui permette aux employés de la base d'informer la direction de certains de ces problèmes.
    Récemment, la Cour suprême a lamentablement échoué dans l'affaire Cameco. Là encore, pour revenir aux personnes impliquées dans cette affaire, il y a des échappatoires dans la loi et il n'y a rien à faire à cet égard.
    Désolée, madame Dzerowicz, j'ai perdu le fil de mes idées.
    Nos vérificateurs nous disent qu'ils manquent tout simplement de ressources particulières et qu'ils pourraient faire ce travail si ces besoins étaient comblés. Je suis désolée de ne pouvoir mieux répondre à votre question. Je le répète, je pense que j'ai perdu le fil de mes idées.
    Ce sujet nous intéresse au plus haut point parce que nous avons des mécanismes qui permettent à nos membres de nous informer. Nous recevons régulièrement leurs commentaires. Nous avons mené des sondages et nous en avons d'ailleurs parlé au cours de notre témoignage. Nos membres nous disent qu'il y a des lacunes à corriger. Nous utilisons cette tribune, ainsi que toute autre tribune à notre disposition, pour nous assurer que les voix de ces employés sont entendues par les décideurs.
    Merci. C'est un sujet que nous pourrions probablement examiner. Je pense que c'est toujours utile, pour les gens qui font le travail, d'avoir des mécanismes pour obtenir des commentaires directement.
    Ma prochaine question...
    J'ai dit un mot au sujet des dénonciations. Les employés doivent avoir la capacité de dénoncer des mauvaises pratiques. Malheureusement, comme ils sont très mal protégés actuellement, ils ne seraient pas contraints de le faire.
    D'accord.
    Je ne sais pas à qui poser ma prochaine question. Peut-être à M. Cohen ou au sénateur Downe.
    Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour lutter contre l'évasion fiscale. J'ai l'impression que nous essayons de lutter surtout contre l'évasion fiscale internationale. Je pense que nous avons dépensé 444 millions de dollars en 2016. Le budget de 2017 prévoyait un montant de 523,9 millions de dollars. Notre énoncé économique de l'automne prévoyait 606 millions de dollars de plus sur cinq ans pour vérifier la conformité des grandes fortunes, renforcer le soutien technique pour les audits des déclarations à risque élevé et améliorer le programme des enquêtes criminelles.
    Est-ce que ces mesures ont été utiles pour régler les problèmes d'évasion fiscale, surtout à l'échelle internationale, comme nous en avons déjà discuté?
    Monsieur Cohen...

  (1705)  

    Je peux répondre à cette question, monsieur le président.
    Bien sûr, vous venez de toucher au point le plus important, à savoir que c'est sur une période de plus de cinq ans. Quand j'ai demandé de la documentation sur la manière dont l'argent était dépensé — par exemple, en 2019, j'ai reçu une question par écrit au Sénat —, le gouvernement a reconnu qu'un peu plus de 250 millions de dollars provenant du budget 2016-2017 avaient déjà été dépensés. Nous avons ensuite découvert que l'argent n'avait pas été dépensé aux fins prévues. L'ARC nous a informés qu'elle avait dû dépenser une partie de l'argent pour financer des régimes d'avantages sociaux des employés. Il va sans dire qu'il est important d'assurer un traitement équitable aux employés et de respecter les conventions collectives, mais ce n'est pas la même chose que de s'attaquer à l'évasion fiscale, comme le gouvernement s'était engagé à le faire dans son budget.
    Je n'ai pas d'autres renseignements au sujet de cet argent, bien que je constate que la ministre du Revenu a dit, en réponse à la question 541 à la Chambre des communes, que pour libérer les ressources de l'ARC pour les programmes liés à la pandémie, il a fallu suspendre de nombreux audits qui étaient considérés comme des services non essentiels. Je me demande quel est l'impact de cette mesure sur l'évasion fiscale internationale.
    En fait, tout cela nous ramène à ce que je disais tout à l'heure. Il y a quelque chose de structurellement déficient dans la gouvernance exercée à l'ARC et dans sa gestion de ses activités. C'est un aspect qu'il faudrait examiner.
    Merci.
    Merci à tous de vos commentaires.
    Il y a un peu de confusion au sujet de l'heure. J'ai reçu des notes de certains membres du Comité. Pour cette séance, nous aurons deux heures complètes. Nous terminerons à 17 h 33, heure d'Ottawa, et nous consacrerons ensuite une demi-heure aux travaux du Comité.
    Nous entendrons maintenant M. Fast, puis M. Fragiskatos, et ensuite, nous nous arrêterons...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Ce n'est pas une décision du Comité. Nous avons encore beaucoup de questions à poser.
    C'est ce que je dis que nous allons faire. C'est ce qui est prévu à l'ordre du jour. Nous pourrons en débattre plus tard ou prendre plus de temps pour en discuter dès maintenant.
    Le Comité à d'autres questions à discuter, notamment la Loi d'exécution du budget, qui est également très importante.
    Nous allons maintenant entendre M. Fast et M. Fragiskatos, et nous reviendrons ensuite à M. Kelly, si c'est ce que vous souhaitez faire.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais adresser la plupart de mes questions à Mme Iacovelli, mais j'en ai d'abord une pour Mme Watson.
    Je vous exprime mes sympathies ainsi qu'à toutes les victimes de ces fraudes. J'aimerais bien qu'il y ait un moyen plus efficace pour récupérer les sommes que vous avez perdues.
    Vous avez entendu Mme Iacovelli dire que KPMG n'est pas coupable des différentes fraudes dont nous parlons aujourd'hui, qu'il s'agisse de Norshield, de Cinar ou de Mount Real. Acceptez-vous son refus de reconnaître sa culpabilité?
    Non.
    Pouvez-vous me dire pourquoi?
    À en juger par ce qui a été révélé aux émissions Enquête et Fifth Estate, il y a eu trop de coïncidences. Mme Iacovelli ne cesse de dire qu'elle n'avait rien à voir avec Cinar, mais je sais que KPMG s'occupait de Norshield. Ses réponses ne me satisfont pas. Je vais lui accorder le bénéfice du doute et dire qu'elle n'a peut-être rien à se reprocher ou qu'elle n'est peut-être pas autorisée à donner plus de détails, ce qui est probablement le cas.
    Très bien.
    Je vais maintenant poser quelques questions à Mme Iacovelli.
    Madame Iacovelli, vous avez nié toute culpabilité dans ces fraudes, mais vous avez admis que KPMG avait établi des structures de sociétés étrangères pour ses clients, est-ce exact? Répondez par oui ou non.
    Jusqu'en 2003, nous offrions divers produits et la structure de société étrangère en faisait partie. Nous avons cessé d'offrir des produits en 2003.
    Avant 2003, ce produit que vous offriez était la structure de société étrangère, ou le plan SSE.
    C'était la structure de société étrangère, c'est exact.
    Très bien.
    Pour être tout à fait clair, quand vous parlez de ces structures de sociétés étrangères, le but de ce produit était-il de réduire le risque fiscal de vos sociétés clientes?
    Concernant la structure de société étrangère, le but était de reproduire une fiducie non résidente. À l'époque, ces fiducies étaient très...

  (1710)  

    D'accord. Ma question était très simple. Le but était-il de réduire le risque fiscal de vos sociétés clientes?
    Malheureusement, je ne peux pas répondre par oui ou non, monsieur Fast. La loi fiscale est très complexe. La dernière fois que je l'ai consultée, elle faisait plus de 2 300 pages.
    En ce qui concerne la structure de société étrangère, elle fonctionnait à peu près comme une fiducie non résidente, ce qui était bien accepté par le gouvernement. Le gouvernement voyait d'un bon oeil les structures de ce genre parce qu'elles permettaient à des non-résidents fortunés de venir s'installer au Canada et d'y établir leur résidence.
    D'accord, il s'agissait donc de réduire le risque fiscal de vos clients.
    Monsieur Fast, la structure de société étrangère est un produit très complexe, comme je l'ai dit. Je ne peux pas répondre simplement par oui ou non.
    Je ne supporte pas de voir des comptables évoquer la complexité des dossiers pour tenter d'éviter de répondre à des questions.
    Permettez-moi de vous poser la question suivante: Pourquoi avez-vous mis fin à ce programme?
    Nous avons mis fin à ce programme parce que nous avons clairement compris que le contexte était en train de changer. Nous savions que ce programme était tout à fait légal et qu'il respectait la règle générale anti-évitement, mais en même temps, KPMG était en train de réviser sa position au sujet de l'impôt et de ce qui était acceptable dans une optique de responsabilité. Le monde évoluait également en ce qui concerne l'acceptabilité sociale.
    Je peux comprendre que vous ayez tous l'impression que je ne veux pas coopérer, mais sachez que ce n'est pas mon intention.
    Je suis ici de mon plein gré aujourd'hui. Je vous donne les renseignements que je suis en mesure de vous fournir. Je pense que vous pouvez comprendre que mon code de conduite m'empêche de discuter de cas particuliers. Je suis heureuse...
    Je ne vous ai jamais demandé de discuter de cas particuliers. Je vous ai simplement posé une question générale au sujet des conséquences fiscales du programme SSE. J'ai une autre question à vous poser.
    Vous avez envoyé à CBC/Radio-Canada une mise en demeure pour diffamation à la suite de ses reportages, mais votre société a été visée par des sanctions légales aux États-Unis pour avoir fourni des conseils à des clients au sujet des structures de société étrangère. Est-ce exact?
    Je ne suis pas au courant de ce qui s'est passé aux États-Unis à cet égard.
    Vous n'êtes pas au courant de tout cela... C'est bien ce que vous me dites?
    Je suis au courant, monsieur Fast, mais je ne...
    Pouvez-vous dire...
    ... connais pas les détails.
    Je ne vous demande pas les détails.
    Monsieur Fast, pouvez-vous donner à Mme Iacovelli le temps de répondre. Nous devons être équitables ici.
    J'aimerais qu'elle répondre par oui ou non, monsieur le président.
    Nous n'essayons pas d'obtenir ce genre de réponse. Vous le savez.
    Allez-y, madame Iacovelli.
    Je sais que notre filiale américaine a fait l'objet de sanctions dans cette affaire et je crois savoir que cela a eu une incidence sur les types de services qu'elle pouvait offrir.
    Très bien. Je vous remercie de cette réponse.
    Je sais que vous n'admettrez pas la culpabilité de votre société dans ces fraudes et je crois comprendre pourquoi. Cependant, en réfléchissant à ce qui s'est passé, y a-t-il quelque chose que vous auriez pu faire pour empêcher ces fraudes, en tant que cabinet comptable et de société d'experts-conseils pour vos clients?
    Avec tout le respect que je vous dois, je vous répète que nous n'avons aucun lien direct ou indirect avec Cinar et les sociétés-écrans qui portent des noms d'épées. Je suis fiscaliste et non spécialiste en matière de fraudes. Je serais incapable de vous expliquer comment prévenir ce genre de chose.
    Vous avez dit que vous...
    C'est votre dernière question, monsieur Fast.
    Très bien.
    Vous avez dit avoir fait un examen exhaustif. KPMG a fait un examen exhaustif des mesures qui auraient pu être prises.
    Pouvez-vous nous dire si cet examen exhaustif vous a éclairés sur les mesures de protection que vous auriez pu mettre en place pour protéger les Canadiens vulnérables comme Mme Watson?
    L'examen approfondi que nous avons entrepris visait à déterminer quels clients s'abritaient sous une structure de société étrangère. En 2017, CBC/Radio-Canada a communiqué avec nous au sujet de ces sociétés-écrans. Nous avons passé des milliers d'heures à examiner nos dossiers — en formats papier et électronique — et à effectuer des examens judiciaires dans nos systèmes pour vérifier s'il s'agissait bien de nos clients. Je peux vous dire avec certitude que ce ne sont pas nos clients.
    Pour répondre à votre question concernant ce que nous aurions pu faire, je pense que nous avons mis en place de nombreuses mesures pour nous conformer aux normes communes de déclaration. Bon nombre de normes internationales ont également été mises en place. Il y a un échange d'information, notamment entre le Comité d'action politique et les États-Unis.
    Le dernier budget prévoyait de nouvelles exigences de déclaration des transactions. Du point de vue des sociétés, les déclarations des sociétés étrangères affiliées sont également divulguées. Un grand nombre de déclarations sont obligatoires en ce qui concerne les comptes extraterritoriaux, tant pour les particuliers que pour les sociétés.

  (1715)  

    Nous devons nous arrêter ici.
    Voici la liste des intervenants en attente. J'ai M. Fragiskatos qui aura environ cinq minutes; ce sera ensuite au tour de M. Kelly, s'il souhaite commencer la ronde suivante, puis de M. Fraser, M. Ste-Marie et M. Julian. Les quatre derniers intervenants auront trois minutes chacun.
    Allez-y, monsieur Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins.
    Monsieur Cohen, j'aimerais entendre votre point de vue, d'autant plus que votre organisation a une portée internationale. Pouvez-vous nous dire quelles démocraties se démarquent par leurs efforts à lutter efficacement contre l'évasion fiscale? Lesquelles pourraient inspirer le Canada à faire des améliorations et à optimiser les progrès que nous avons accomplis ces dernières années?
    Je vous remercie de cette question.
    En ce qui concerne l'évasion fiscale dans son ensemble, je ne prétends pas être un expert en la matière, pour ce qui est des échanges d'information dont a parlé Mme Iacovelli.
    En ce qui concerne les registres de propriété effective et la tendance actuelle, le Royaume-Uni a été le premier pays à établir un registre public. L'Union européenne a ensuite émis la directive 5 sur le blanchiment d'argent qui fait en sorte que tous les membres de l'Union européenne disposent maintenant d'un registre public. Pour le moment, ils en sont à différentes étapes de cette procédure. Comme je l'ai mentionné dans mon introduction, les dépendances de la Couronne du Royaume-Uni et les territoires d'outre-mer ont subi des pressions pour emboîter le pas ou pour coopérer à cet égard.
    Il n'y a pas seulement ces pays. Certains pays signataires du Partenariat pour un gouvernement ouvert se sont engagés à mettre en place des registres. Par exemple, le Mexique et le Kenya sont en train de le faire. L'initiative pour la transparence dans les industries extractives, dont le Canada est membre ou président et à laquelle il verse des fonds, oblige ses 54 membres signataires à divulguer des renseignements sur les sociétés qui souhaitent obtenir des droits d'extraction pétrolière ou minière et leur recommande de mettre en place un registre de propriété effective. Un grand nombre de pays utilisent cet outil pour lutter contre l'évasion fiscale, dont certains pays considérés comme les pires fraudeurs fiscaux.
    Les États-Unis viennent d'adopter le Corporate Transparency Act, qui prévoit l'établissement d'un registre privé centralisé. Les pays vers lesquels un fraudeur fiscal cherchera à transférer ses fonds, là où un élu malhonnête ne pourra pas mettre son nez dans son compte bancaire, sont de moins en moins nombreux. C'est donc une bonne chose que le Canada se soit joint à ce groupe.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. D'après tout ce que vous venez de dire et ce que vous avez dit en introduction, il semble y avoir un élan au sein des démocraties pour lutter contre ce problème. Est-ce une observation juste, d'après vous?
    Oui, je pense que c'est une observation très juste.
    Merci beaucoup.
    Madame Watson, encore une fois, merci beaucoup. Mes collègues ont absolument fait ce qu'il fallait et vous ont remerciée d'avoir comparu aujourd'hui. Ils ont été très sincères, et pour une très bonne raison. Je pense qu'il faut énormément de courage pour défendre une cause comme vous le faites, et le côté humain de l'équation ne saurait m'échapper. Il y a certainement des tenants et aboutissants d'ordre politique qui entrent en jeu, et même si vous n'êtes pas la seule, vous vous êtes érigée en porte-parole de cette cause au Canada.
    Dans votre témoignage, vous avez mentionné des gens que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans le cadre de vos activités revendicatrices. Pourriez-vous nous en parler un peu plus? Il est vraiment important que le Comité comprenne l'aspect humain de cette affaire. Comment se portent les victimes que vous connaissez ou que vous avez rencontrées en cours de route?
    Si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet, ce serait utile.

  (1720)  

    Merci.
    Eh bien, voilà 16 ans que la fraude a été démasquée. La plupart d'entre nous avons essayé de passer à autre chose. Plusieurs de nos victimes sont décédées. Comme il fallait investir un minimum de 50 000 $, la plupart des investisseurs étaient dans la cinquantaine, voire plus âgés. Beaucoup nous ont quittés.
    J'ai entendu des histoires incroyables. Il y avait par exemple le survivant d'un camp de prisonniers japonais qui avait épousé quelqu'un qui avait survécu à l'Holocauste, un homme incroyable. Les gens que j'ai rencontrés en cours de route ont été extrêmement gentils et serviables, et très reconnaissants de ce que je fais pour les tenir au courant.
    Il y avait un chanteur bien connu au Québec qui a gardé son histoire en secret pendant longtemps, jusqu'à ce qu'on ait une rencontre. Il a rencontré plusieurs autres victimes et il s'est rendu compte qu'il s'agissait de gens ordinaires. Ce sont des hommes d'affaires, des médecins, des avocats, des dentistes et autres professionnels qui ont été des victimes comme lui, alors il a raconté son histoire publiquement.
    Nous avons tout fait comme il fallait. Tous nos représentants financiers étaient inscrits auprès de l'Autorité des marchés financiers. Ils faisaient tous partie de ces associations professionnelles. Mount Real était cotée en bourse. Rien n'indiquait que cette entreprise était une énorme combine à la Ponzi jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
     Bon, nous allons devoir nous arrêter ici. Je suis désolé.
    Nous allons accorder quelques minutes à chacun des intervenants suivants: M. Kelly, M. Fraser, M. Ste-Marie, M. Julian et Mme May.
    Monsieur Kelly, vous avez la parole, à moins que quelqu'un d'autre veuille intervenir à votre place?
    Je crois, monsieur le président, que je vais prendre ce tour.
    D'accord, monsieur Fast, vous avez la parole.
    Merci. J'ai une brève question à poser au sénateur Downe.
    Vous avez mentionné que le directeur parlementaire du budget ne peut obtenir la collaboration de l'Agence du revenu du Canada pour effectuer une analyse complète de l'écart fiscal. Est-ce une question de ressources? Est-ce une question de formation? Quel est le problème? N'a-t-on pas les compétences nécessaires pour le faire?
    Si vous posez la question au directeur parlementaire du budget, et je suis sûr qu'il témoignera devant vous, il vous dira que c'est un manque de collaboration. Il a envoyé des plans détaillés contenant les renseignements dont l'Agence avait besoin, et précisons qu'il ne s'agissait pas de renseignements personnels, mais de renseignements collectifs. On a fini par obtenir un avis juridique informant l'Agence qu'elle avait le pouvoir de le faire, mais elle a refusé de bouger d'une semelle, et personne n'est intervenu.
    On n'a pas demandé à nos membres de faire ce travail.
    J'allais vous demander, madame Daviau, si vous vouliez intervenir.
    Allez-y, monsieur Fast. Désolé.
     Encore une fois, sénateur Downe, s'agit-il d'un manque de volonté politique?
    C'est une bonne question. Je ne sais pas. Ce que l'Agence du revenu a fini par faire, ce sont six analyses distinctes d'écarts fiscaux, et il n'en a pas fallu plus pour montrer un manque de 20 à 24 milliards de dollars qu'elle ne percevait pas.
    Je peux comprendre pourquoi on ne veut pas examiner l'écart fiscal global, mais compte tenu des renseignements trompeurs de l'Agence — et j'ai toute une liste d'exemples —, il est préférable qu'un groupe externe s'en occupe. En l'occurrence, il appartiendrait au directeur parlementaire du budget de le faire, mais il n'a pas réussi à obtenir l'information, pas plus que ses deux prédécesseurs, je crois.
    Monsieur Campbell, vous avez dit que l'on pourrait dégager 25 milliards de dollars si les outils appropriés étaient en place. Vous en avez signalés deux en particulier pour aborder la question des prix de transfert: une formule de répartition des bénéfices et le traitement unitaire.
    Pourriez-vous commenter rapidement ces deux points?
     Pour ce qui est de la formule de répartition des bénéfices, il s'agit essentiellement de choisir une série de critères pour déterminer le montant imposable. Cela se fait déjà au Canada pour déterminer dans quelle province une entreprise devrait être imposée. Je pense que les critères utilisés sont la masse salariale et les ventes. Il faut donc établir cette substance économique et calculer les taxes en conséquence.
    Le traitement unitaire des sociétés multinationales fait en sorte qu'il ne peut pas y avoir ce transfert de bénéfices au sein de leurs propres chaînes d'approvisionnement d'une façon qui est censée être exclusivement à leur avantage sur le plan fiscal, par opposition à refléter avec précision le lieu où le commerce se produit. La mesure permet d'imposer la société dans le pays approprié pour que ce montant soit versé dans...

  (1725)  

    [Inaudible]
    D'accord...
    Désolée, monsieur Campbell; c'était ma voix en off.
    Non, allez-y si vous voulez.
    Il y avait un dernier aspect à la combinaison des prescriptions stratégiques qui aideraient à réduire le transfert de bénéfices et les prix de transfert, et c'était — cela a été utilisé ou est sur le point de l'être dans d'autres pays — l'idée d'un impôt minimal mondial pour les sociétés. Il s'agit d'une coopération internationale pour s'assurer que les sociétés sont imposées équitablement partout et qu'elles ne contournent pas leurs responsabilités quel que soit le pays.
    Nous avons largement dépassé le temps que j'avais prévu, madame Daviau, mais allez-y, très rapidement.
    Très rapidement, en termes simples, cela signifie qu'il s'agit essentiellement d'une société-écran établie dans un pays où les lois fiscales sont avantageuses. Personne n'y travaille. Parfois, il n'y a même pas un local où soi-disant travailler, mais c'est le pays où les profits sont imposés, par opposition à l'endroit où ils sont réalisés, comme ici au Canada. Parfois, nos ressources sont utilisées pour ces profits sur lesquels nous ne percevons même pas d'impôt.
    Monsieur Fraser, vous avez environ deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai envoyé une note à notre collègue, Mme May, indiquant que je serais prêt à lui céder mon temps de parole. Je ne veux pas qu'elle soit interrompue par le mot que vous réservez à la toute fin, alors je suis heureux de lui céder la parole.
    Si M. Campbell ou Mme Daviau peuvent nous conseiller sur les mesures à prendre pour appuyer les efforts visant à instaurer un impôt minimal mondial sur les sociétés, j'aimerais connaître votre avis, mais je vais céder la parole.
     Madame May, ce sera votre tour grâce à la gentillesse de M. Fraser.
    Merci. J'aimerais bien lui redonner du temps. Je tâcherai donc d'être très brève.
    Je suis troublée depuis des décennies par les incessants rapports du Bureau du vérificateur général selon lesquels l'Agence du revenu du Canada ne prend pas au sérieux ses efforts pour s'en prendre aux gros bonnets aux structures compliquées appuyées par une légion d'avocats autant qu'elle s'acharne contre les petits, comme mes amis ou en vérifiant les comptes de ma fille, qui est étudiante universitaire. Il y a de quoi se poser des questions.
    Je m'adresserai donc d'abord aux experts du fonctionnement de l'Agence, les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada — M. Campbell ou Mme Daviau —, puis au sénateur Downe, s'il reste du temps. Y a-t-il un problème culturel profond et systémique à l'Agence du revenu du Canada? Qu'est-ce qui, à la fois sur le plan des ressources et de la culture, lui fait chercher noise aux Canadiens qui ont des moyens modestes au lieu de poursuivre des dossiers compliqués sur des fraudeurs fiscaux bien nantis?
    Personnellement, je ne le crois pas. Je pense que c'est une question de manque de ressources et de soutien. La structure organisationnelle en place n'est pas conçue pour maximiser la capacité de s'attaquer aux fraudeurs fiscaux internationaux.
    M. Campbell a peut-être quelque chose à ajouter.
    Mes interactions avec les vérificateurs, qui sont nombreux, donnent à penser qu'ils sont motivés par un sens profond de l'équité et que ce qu'ils veulent, c'est un régime fiscal caractérisé par l'intégrité et l'équité. Rien ne les rendrait plus heureux que d'avoir des règles et des ressources qui leur permettraient de s'attaquer aux « gros contacts » qui s'acharnent plus que personne à éviter l'impôt.
    Sénateur Downe, vouliez-vous intervenir à ce sujet?
    Bien sûr.
    Il s'agit de la haute direction de l'Agence du revenu, et j'ai une longue liste que je peux transmettre au Comité, si cela vous intéresse.
    Permettez-moi de vous donner un exemple du problème. L'Agence a annoncé en 2017 que 90 % des appels reçus ont été acheminés avec succès à un agent ou à une ligne d'aide automatique. La vérificatrice générale a enquêté sur cette affirmation et a découvert qu'on avait bloqué 29 millions d'appels. Cela veut dire que le succès global était de 36 %. Or, y a-t-il un organisme gouvernemental qui puisse se targuer d'avoir réussi à 90 %, alors qu'il bloque 29 millions d'appels sans les comptabiliser?
    Il y a une longue liste de leurs façons de se conduire. Je n'ai vu nulle part ailleurs, que ce soit à l'échelle provinciale ou fédérale, un organisme ou un ministère fonctionner de la sorte.
    Nous devons poursuivre.
    Allez-y, monsieur Ste-Marie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Iacovelli, je vous rappelle que la loi qui confère ses pouvoirs au Comité l'emporte sur le secret des comptables. Vous pouvez allez consulter l'article 48 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés du Québec si vous voulez le vérifier.
    Je vais maintenant me référer à l'article publié le 27 avril dernier par deux journalistes, MM. Cashore et Zalac, sur le site de Radio-Canada, qui rappellent avoir trouvé, dans le cadre de la fuite liée à l'affaire des Paradise Papers, des courriels internes rédigés par Mme Sandra Georgeson, une administratrice qui agissait à titre de prête-nom de plusieurs sociétés-écrans incorporées à l'île de Man pour les clients canadiens de KPMG.
    Voici ce qui y est mentionné:
Dans un courriel daté du 16 décembre 2015 ayant pour objet « Enquêtes fiscales canadiennes », un gestionnaire lui a demandé « qui était [le] promoteur du stratagème/produit? » Elle a répondu qu'il s'agissait de « KPMG au Canada ».
    Reconnaissez-vous cela comme étant véridique?

  (1730)  

[Traduction]

    Je suis désolée, je ne suis pas certaine d'avoir bien compris. Était-ce au sujet de la structure à l'étranger?
    Je ne suis pas certaine que la traduction soit claire.
    Pouvez-vous résumer cela rapidement, monsieur Ste-Marie?

[Français]

    Dans la fuite liée à l'affaire des Paradises Papers, des journalistes rappellent avoir trouvé des courriels internes rédigés par Mme Sandra Georgeson, une administratrice qui agissait comme prête-nom de plusieurs sociétés-écrans incorporées à l'île de Man pour des clients canadiens.
    Cette dernière disait que KPMG au Canada était le promoteur du stratagème/produit.
    Reconnaissez-vous cela comme étant véridique?

[Traduction]

    Je pense que nous avons toujours été ouverts au fait que nous avons créé la structure de société étrangère ou SSE, mais en ce qui a trait à l'île de Man, il y avait d'autres structures de la sorte à l'époque qui n'appartenaient pas à KPMG.

[Français]

    Dans le courriel du 16 décembre 2015, Mme Sandra Georgeson a joint une feuille de calculs où figure le nom de quatre sociétés liées au stratagème de KPMG, qui ont pu servir aux fraudeurs dans l'affaire Cinar, Norshield et Mount Real. Il s'agissait de Katar, Sceax, Spatha et Shashqua.
    Encore une fois, je comprends que vous vous dissociez de cela et que, même si ces quatre sociétés-écrans étaient associées à KPMG au Canada, vous nous dites que vous n'y êtes pas liée, ni de près ni de loin. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Tout à fait. Nous ne sommes aucunement liés aux sociétés-écrans. Il y a quelques courriels dans lesquels Mme Georgeson se contredit. Dans l'un d'eux, elle affirme que Cordery n'était que le fournisseur de services de KPMG, alors que nous savons que l'entreprise desservait également neuf autres SSE non membres de KPMG ainsi que les sociétés-écrans aux noms d'épées, auxquelles nous n'avons pas participé.
    Elle ajoute que le fournisseur assurait la prestation d'autres services, et pas seulement ceux de SSE. Elle se contredit en disant que c'est le seul service qu'elle a rendu. Elle ajoute que la SSE était une exclusivité de KPMG. Nous savons pertinemment qu'il n'en était rien. Il y a toutes sortes de SSE dans l'île de Man.
    En ce qui concerne Mme Georgeson, je ne dis pas qu'elle ment; elle n'est qu'une administratrice qui faisait son travail, mais qui n'a pas vraiment fait preuve du même degré de diligence raisonnable que nous, car nous aurions cherché à savoir qui faisait partie des sociétés étrangères de KPMG.
    Nous avons fait des recherches approfondies dans nos bases de données, monsieur Ste-Marie. Nous avons passé des heures à faire des recherches et des examens juricomptables. Nous avons également fait appel à des avocats-conseils externes. Nous avons interviewé tous ceux qui s'occupent de la structure de société étrangère.

[Français]

    Je dois vous interrompre. Tout cela est dans l'article.
    J'ai une dernière question.
    Est-ce que KPMG Canada a déjà eu comme clients Norshield et Mount Real?

[Traduction]

    Pour Mount Real, ce n'était pas un client de KPMG. Quant à Norshield, nous avons été le vérificateur d'un fonds du nom d'Olympus qui fait partie d'une chaîne de fonds. Il y a eu une fraude assez sophistiquée à Olympus à l'époque, et malheureusement, nous ne l'avons pas découverte. Il s'agissait d'une inflation de la valeur des actifs, ce qui, à ma connaissance, diffère de la fraude qui a été commise à l'égard de Cinar et des sociétés-écrans.
    Que...
    D'accord...

[Français]

    Madame Watson, nous ne lâcherons pas.

[Traduction]

    Nous allons vous laisser terminer, madame Iacovelli.
     Merci.
    RSM International était l'administrateur judiciaire de l'Olympus United Funds Corporation, et son point de vue était que nous aurions dû attraper la fraude. Malheureusement, nous n'avons pas mis le doigt dessus et nous avons indemnisé Olympus en versant 7,5 millions de dollars à RSM International, qui était également l'administrateur en l'absence de remboursement.
    Nous avons examiné la question très attentivement. Il n'y a aucun lien entre le fonds Olympus et Cinar.

  (1735)  

    D'accord, nous allons devoir passer à M. Julian.
    Monsieur Julian, vous êtes en mode silencieux.

[Français]

    Je suis désolé, monsieur le président.
    Il est certain que nous aurions besoin de plus de temps pour questionner les témoins. Il y a beaucoup de témoignages importants, notamment au sujet des agissements de KPMG à la suite des révélations diffusées à la fin du mois de février dans les émissions Enquête et The Fifth Estate.

[Traduction]

    Madame Iacovelli, j'aimerais revenir sur cette question à partir de votre propre témoignage. Vous avez déclaré publiquement que les sociétés-écrans, les sociétés clientes, n'ont pas été offertes après 2003. Par le passé, KPMG a confirmé que le bureau de Montréal était à l'origine de la constitution en société de Parrhesia le 17 décembre 2001, soit en même temps que les sociétés-écrans.
    Comme cela n'a pas été offert depuis 2003, imaginez un peu ma surprise lorsque nous sommes allés en ligne pour connaître la date de dissolution de Parrhesia. Elle a été dissoute il y a 43 jours, soit le 24 mars 2021, trois semaines à peine après les révélations de The Fifth Estate et d'Enquête. Comment KPMG peut-elle prétendre qu'elle n'offrait pas cela après 2003, alors que le registre des sociétés dit très clairement que ce n'est qu'après la diffusion de ces deux émissions que l'entreprise a été dissoute?
    Je n'ai pas d'information sur cette entité.
    Vous comprenez que cela contredit toutes vos affirmations d'aujourd'hui. Vous dites que c'est un produit qui n'a pas été offert depuis 2003, mais nous pouvons examiner le registre des sociétés et voir que c'est juste après ces révélations que l'entreprise a été dissoute.
    Il y a toute une série de questions qui demeurent sans réponse, monsieur le président, et j'aimerais donc proposer que nous prolongions le temps réservé aux témoins jusqu'à la fin de la séance afin que nous puissions continuer à poser ces questions.
     D'accord, nous sommes saisis d'une motion.
    Je vais en parler en ma qualité de président. Vous pouvez déclarer mon intervention irrecevable.
    Nous avions prévu une réunion de deux heures, et nous avons dépassé ce temps. Si quelqu'un pense que nous allons régler ce problème en 20 minutes de plus, il n'en est rien. Nous pourrions toujours convoquer une autre réunion.
     C'est à moi de juger et j'essaie d'être juste, mais nous avons convenu d'étudier la loi d'exécution du budget et de l'examiner lorsqu'il sera déposé à la Chambre. Nous savons maintenant que nous devons confier environ 12 sections de la partie 4 à d'autres comités.
    J'ai essayé d'obtenir une réunion du comité directeur pour lundi, mais nous n'avons pas pu l'obtenir. J'ai demandé au greffier de vérifier si nous pouvions l'avoir à un autre moment la semaine prochaine, mais ce n'est pas possible.
    Pour ne rien vous cacher, mes amis, si nous ne pouvons pas nous occuper de cette motion sur la Loi d'exécution du budget aujourd'hui, nous ne pourrons rien faire avant mardi, lors d'une réunion ordinaire, où nous voudrions vraiment faire comparaître la ministre au sujet de la Loi d'exécution du budget. Les questions abordées dans cette loi sont importantes pour les Canadiens.
    Pour être juste envers les autres comités, si nous ne leur attribuons pas le travail qu'ils doivent faire, je ne sais pas quand ils auront le temps de s'y mettre. Nous avons prévu 24 heures pour la semaine de relâche du Comité.
    Voilà ce qui nous attend. Je comprends votre motion et je sais qu'en ma qualité de président, je ne devrais pas m'y opposer, mais d'après mon jugement, je pense que nous sommes injustes envers les autres comités. Je pense que nous sommes injustes envers les autres Canadiens si le Comité ne se penche pas aujourd'hui sur la Loi d'exécution du budget. J'estime que nous pouvons convoquer une autre réunion à ce sujet dès que nous aurons réglé la question de la Loi d'exécution du budget.
    Voilà ce que je pense au sujet de votre motion, monsieur Julian. Je sais que vous pourriez me destituer de mes fonctions pour cela, mais c'est mon point de vue et j'y tiens.
    Nous sommes saisis d'une motion.

  (1740)  

    Je vais en parler brièvement et j'espère que nous pourrons revenir aux témoins, monsieur le président.
    Je ne mets pas en doute votre sagesse. C'est une motion très complexe qui a été présentée à peine quelques minutes avant la réunion. Il y a même des membres du Comité qui ne l'ont pas encore lue. Nous devons également consulter notre caucus et nos porte-parole. Il est tout simplement injuste d'essayer de faire adopter ce projet de loi à toute vapeur et sans un préavis suffisant. Normalement, il faut compter deux nuits. Je peux comprendre que tout le monde soit occupé, mais le préavis et le respect du Comité sont importants. Je pense que si vous essayez, vous pourrez tenir la réunion du comité directeur lundi, ce qui nous permettra de présenter une recommandation mardi.
    Je n'essaie pas de retarder quoi que ce soit, mais nous avons des témoins importants ici. Je pense que nous devrions simplement passer le reste de notre temps avec les témoins et nous occuper de cette motion lorsque nous aurons eu le temps de l'examiner.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Allez-y, monsieur Fraser, puis ce sera au tour de M. Fast.
    Je vous donnerai volontiers mon avis sur la motion lorsque ce sera mon tour.
    Au sujet du rappel au Règlement, je me demande, monsieur le greffier, si nous avons la capacité technique de siéger plus tard ce soir. Serait-il possible de prolonger la réunion pour permettre aux députés de poser des questions supplémentaires aux témoins tout en laissant du temps pour discuter des travaux du Comité aujourd'hui?
    Allez-y, monsieur Roger.
    Comme je l'ai dit au président avant la réunion, l'heure limite avant que la durée de cette séance n'empiète sur celles d'autres comités devant siéger plus tard ce soir, a été fixée à 18 heures. Si nous tardons davantage, les whips devront décider quel comité ne se réunira pas ce soir.
    Bon.
    Voilà qui répond à cette question. Comment s'annoncent les choses pour la semaine prochaine côté temps?
    Il n'y a pas de place la semaine prochaine pour d'autres réunions.
    J'ai essayé pour lundi. Le comité de la condition féminine a déjà réservé la place qui était disponible lundi soir, alors il n'y a plus de place lundi. J'ai examiné les services et j'ai demandé à ma direction, mais il n'y a tout simplement pas le moindre creux pour de nouvelles réunions la semaine prochaine.
    D'accord.
    Nous en sommes donc toujours à la motion. Nous allons passer à MM. Fast, Fragiskatos et Kelly, puis j'aimerais mettre la question aux voix.
     Monsieur le président, permettez-moi de commencer en disant que j'ai toujours apprécié votre impartialité, alors sans vouloir vous contrarier, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Cette motion de M. Fraser est très importante, et elle nous a été présentée aujourd'hui. Très franchement, nous avons ici des témoins dans le cadre d'une étude très importante, et j'ai l'impression que nous ne faisons qu'effleurer la surface avec eux. Si nous avons 20 minutes de plus, je pense que nous pourrons les utiliser à bon escient et obtenir des précisions qui nous seront vraiment utiles à l'heure de rédiger le rapport subséquent.
    Il ne nous reste plus que 17 minutes.
    La parole est maintenant à M. Peter Fragiskatos.
    Monsieur le président, je ne suis pas sans savoir que nous avons entendu des choses importantes aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, nous pouvons tenir d'autres réunions à ce sujet après avoir examiné la Loi d'exécution du budget, mais comme je le rappelle à mes collègues, surtout à ceux qui siègent au sous-comité avec moi et avec nous, nous avions convenu que cette réunion durerait deux heures. Nous avons maintenant dépassé ce seuil. Nous n'avons pas besoin d'un avis de motion pour les travaux du Comité. Mes collègues ont de l'expérience et le savent. Je suis surpris de les voir soulever un point de vue contraire.
    Nous avons une question importante à régler, comme M. Fraser l'a dit, et je pense que nous devrions l'aborder.
    Monsieur Kelly, vous avez le dernier mot. J'espère que nous pourrons ensuite passer au vote.
    Vous pouvez passer au vote, monsieur le président.
    Très bien, nous allons procéder à un vote par appel nominal. Monsieur le greffier, voulez-vous bien procéder?

  (1745)  

    Pourriez-vous lire la motion?
    Voulez-vous que je le fasse, ou que...?
    Oui, vous pouvez le faire, monsieur le greffier.
    M. Julian propose « que la séance soit prolongée jusqu'à 18 heures pour poursuivre l'interrogation des témoins ».
    C'est bien cela?
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Pouvons-nous demander aux témoins s'ils peuvent rester plus longtemps? Je ne sais pas s'ils ont d'autres engagements, mais nous sommes en train de présumer qu'ils peuvent rester.
    J'invoque le Règlement.
    Il ne s'agit que de 15 minutes, mais je ne les vois pas sauter de joie.
    Madame Dzerowicz, nous sommes en train de voter. Nous ne pouvons donc pas accepter un rappel au Règlement en ce moment.
    Pas de problème.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)
    La motion est donc adoptée. Il nous reste 14 minutes.
    Monsieur le président, je sais qu'il est tout à fait inapproprié pour moi de participer au débat, et c'est pourquoi j'ai attendu jusqu'à présent, mais nous sommes assis devant nos ordinateurs depuis 15 heures. S'il s'agit de continuer, même pour 15 minutes de plus, j'aurais besoin d'une pause-santé.
    D'accord. Faites une pause-santé, madame Daviau. C'est très bien. Nous verrons ce qu'il en sera des questions.
    Si quelqu'un d'autre veut faire une pause-santé, allez-y, et nous passerons aux questions.
    Qui veut commencer?
    Nous aurons le temps pour une question des conservateurs, des libéraux, des bloquistes et des néo-démocrates. Je vais répartir le temps en conséquence. Qui veut prendre la parole pour les conservateurs? Monsieur Kelly ou monsieur Fast?
    Je propose que M. Falk réponde à cette question.
    Il faut croire que je me suis trompé.
    Allez-y, monsieur Falk, vous avez environ trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Sénateur, j'aimerais vous poser une question. Dans la lettre de mandat de 2019 du premier ministre à la ministre du Revenu national, celle-ci a reçu l'ordre de « trouver de nouvelles façons de lutter contre l'évasion et la fraude fiscales par les gens fortunés », d'« améliorer nos programmes actuels de dénonciation de l'évasion et de la fraude fiscales », et de « chercher d'autres occasions d'investir des ressources pour lutter contre les fraudeurs fiscaux ».
    Comment décririez-vous les progrès que le gouvernement a réalisés dans ces domaines depuis les cinq dernières années?
     Eh bien, c'est beaucoup plus que cinq ans. Cela remonte à au moins 20 ou 25 ans. Nous venons tout juste d'apprendre qu'il y a eu des fuites. Ces divulgations n'ont été faites que ces dernières années, et l'Agence du revenu du Canada a dû s'adapter à cette nouvelle réalité, tout comme le reste du gouvernement.
    Par exemple, en ce qui concerne la liste des 106 Canadiens qui avaient des comptes au Liechtenstein, l'auteur de la fuite a vendu la liste au gouvernement de l'Allemagne, qui l'a ensuite offerte aux divers pays qui avaient des citoyens sur la liste. C'est donc le gouvernement de l'Allemagne qui a remis l'information au gouvernement du Canada.
    Ce que je veux dire, c'est ce que j'ai dit dans ma déclaration préliminaire: regardez ce qui se fait dans d'autres pays. Je pense que les Australiens ont été les premiers à réagir. Ils se sont rapidement aperçus qu'une fois qu'on commence à accuser des gens, à les condamner et à voir des amis et des voisins aller en prison, l'envie d'investir et de cacher de l'argent à l'étranger diminue considérablement.
    C'est cette culture des ressources et de l'activité criminelle qui passe sous le radar, et ce, depuis très longtemps.
    Merci.
    Que recommanderiez-vous pour régler ce problème?
     Un certain nombre de choses ont été faites. Au départ, je faisais partie du groupe qui estimait que nous avions besoin de plus de fonds pour l'Agence du revenu. Le financement a été accordé dans le cadre des derniers budgets. Cet argent n'a pas été entièrement dépensé, je veux bien, mais il s'agit d'une injection importante de fonds. Or, nous constatons qu'une partie de cet argent n'a pas servi à lutter contre l'évasion fiscale, contrairement à ce que l'Agence avait annoncé. De ces derniers temps, je suis arrivé à la conclusion qu'il nous faut superviser l'Agence du revenu du Canada et que l'initiative devrait partir du ministère des Finances.
    Nous avons vu dans le dernier budget que la ministre des Finances — de son propre chef, si j'ai bien compris — a fait les progrès les plus importants en matière d'évasion fiscale. Il s'agit de l'Initiative sur la propriété effective, à l'égard de laquelle, selon elle, le gouvernement s'est engagé à verser 2,1 millions de dollars au cours des quatre prochaines années. Et si on peut s'en occuper plus tôt, mieux ça vaudra.
    Comme d'autres l'ont fait valoir, nous avons besoin de la collaboration des provinces, mais il s'agit de la mesure la plus importante pour lutter contre l'évasion fiscale depuis que je m'intéresse à ce dossier. Il faut simplement la peaufiner et la mettre en œuvre.

  (1750)  

     Je suis désolé, monsieur Falk; nous allons devoir nous arrêter ici.
    Qui veut prendre la parole au nom des libéraux? Je n'ai pas de liste.
    Pendant qu'ils réfléchissent, monsieur Fragiskatos, vous m'avez fait signe?
    D'accord, nous allons passer à M. Ste-Marie et nous vous reviendrons après.
    Que quelqu'un des libéraux veuille bien lever la main, car le temps passe.
    Allez-y, monsieur Ste-Marie.

[Français]

    Ma question s'adresse au sénateur Downe, à Mmes Watson et Daviau et à MM. Campbell et Cohen.
    Un article diffusé par CBC/Radio-Canada laisse entendre qu'il pourrait y avoir un lien entre KPMG et les quatre sociétés-écrans à l'île de Man, et KPMG nous dit qu'il n'y a aucun lien.
    Selon vous, qui a raison?

[Traduction]

    Je commencerai par dire que je n'en ai aucune idée.

[Français]

    Sénateur Downe, avez-vous une réponse?

[Traduction]

     C'est pareil pour moi. Je me suis contenté d'étudier l'Agence du revenu et ce qu'elle a fait, alors je n'ai pas du tout suivi cette affaire.
    Je dirais que c'est aussi mon cas. Je ne connais pas suffisamment les détails pour le savoir.

[Français]

    Madame Watson, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je dirais que M. Cashore de The Fifth Estate y travaille depuis 2016, et je pense qu'il y a beaucoup de coïncidences très importantes. Lors de l'émission, des fiscalistes ont dit que c'était un peu trop de coïncidences, alors oui, je dirais qu'il y a un lien.

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur le président, je n'ai plus de questions à poser.

[Traduction]

    D'accord. Merci. Nous reviendrons à M. Fragiskatos pour trois minutes, puis M. Julian conclura.
    Je m'adresse de nouveau à M. Cohen. Selon vous, quelle devrait être la priorité absolue du gouvernement canadien pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale? Vous avez souligné que des mesures importantes ont été prises au cours des dernières années et que le dernier budget offre une voie prometteuse.
    Si vous deviez formuler des recommandations en priorité, et compte tenu de ce que nous avons vu à l'échelle internationale chez les démocraties dont vous avez parlé tout à l'heure, quels sont les éléments clés?
     Je vous remercie de la question. Je dirais deux choses.
    Au risque de me répéter au sujet du registre de la propriété effective, je suis d'accord avec le sénateur Downe. Si nous pouvions l'obtenir avant 2025, ce serait excellent. Nous sommes presque en plein milieu de 2021. Il doit y avoir des discussions avec les provinces et les territoires, alors il faut du temps, mais voyons si nous pouvons être optimistes et nous y prendre plus rapidement et plus rigoureusement, en prévoyant notamment la vérification de l'identité, des enquêtes proactives et une ligne de signalement.
     Ensuite, je voudrais me faire l'écho de nos collègues du syndicat de la fonction publique et parler de la réintégration de l'expertise dans les bons domaines et de l'incidence que la dissolution de certaines unités a exercée sur la capacité de l'Agence du revenu d'examiner l'évasion fiscale. Sans connaître les détails de cette affaire, j'ai certainement entendu des enquêteurs de partout au Canada parler du manque d'unités spécialisées dans les questions de corruption, et plus précisément dans le blanchiment d'argent. Il y a une tendance à avoir une unité spécialisée, puis à la disperser dans d'autres unités, puis cette expertise se retrouve à travailler à d'autres cas au lieu d'accorder la priorité à la lutte contre le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et la corruption.
    Je sais que nous avons beaucoup entendu parler de complexité. Les gens ne veulent pas entendre cela comme excuse, mais compte tenu de l'entraide juridique avec des administrations parfois récalcitrantes et des téraoctets de données qui interviennent dans certaines affaires complexes de criminalité en col blanc, ces unités spécialisées sont nécessaires.
    Je recommande que le registre de la propriété effective aille de l'avant, qu'il soit de la plus haute qualité possible, et que l'on examine la possibilité de réorganiser la capacité des unités spécialisées chez les diverses autorités au Canada.

  (1755)  

    Il est malheureux que les compressions d'il y a 10 ans aient détourné le projecteur de la scène internationale, comme nous l'avons déjà entendu, sous un gouvernement précédent, mais le passé est révolu. Nous devons désormais nous concentrer sur les nécessités de l'heure, et le budget offre une solution prometteuse, à ce qu'il paraît.
    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Pas vraiment.
    Je ne pensais pas que c'était le cas. Je voulais tenter de glisser une question en catimini, mais non. C'est parfait.
    Il vous reste 20 secondes.
    Je dirais, pour la gouverne de tous, que le registre de la propriété effective a été approuvé par tous les partis, en 2017, je crois, au sein de ce comité. Il a été recommandé lorsque nous avons mené l'étude sur le blanchiment d'argent.
    Monsieur Julian, vous avez environ trois minutes. C'est à vous de conclure.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi de vous corriger. Le registre de la propriété effective a reçu l'appui des deux autres partis. Le NPD a fait pression en faveur d'un registre accessible au public, et comme nous pouvons le voir dans le rapport sur le blanchiment à la neige, les autres partis l'ont refusé. Je me réjouis donc de voir que l'idée d'un registre de la propriété effective accessible au public est maintenant revenue.
    Je veux revenir à Mme Iacovelli.
    Parrhesia a eu deux directeurs: Nigel Glazier Scott et Paul Joseph Valentine Dougherty. Constituée en société par KPMG, cette entreprise a été sommairement dissoute il y a 43 jours, comme je l'ai déjà dit. Ces directeurs sont les mêmes que pour les sociétés-écrans.
    Pourriez-vous nous dire s'il y a un lien entre ces deux personnes, Nigel Glazier Scott et Paul Joseph Valentine Dougherty, et KPMG?
    S'il s'agissait des mêmes directeurs, c'est que cela s'inscrit dans la gamme de services offerts par les fournisseurs de services d'entreprise. Ils ont créé ces sociétés. Ils préparent des documents et des articles qu'ils remettent aux actionnaires. Ils s'organisent pour les actionnaires et les directeurs, et je ne suis donc pas surprise qu'il s'agisse des mêmes personnes. Ce sont les fournisseurs de services d'entreprise qui s'occupent de tout cela.
    D'accord, qu'est-ce qui était...
    Monsieur Julian, puis-je...
    Je suis désolé. J'ai une question complémentaire.
    Qui était le fournisseur de services de l'entreprise qui a mis sur pied Parrhesia?
    Encore une fois, je ne peux rien vous dire au sujet de Parrhesia. Le fournisseur de services avec lequel nous avons travaillé était Cordery.
    Excusez-moi si j'insiste, monsieur Julian, puis-je apporter une précision?
    Allez-y, madame Iacovelli.
    Merci.
    Je veux simplement préciser que nous avons cessé d'offrir le produit en 2003. La dernière fois que nous l'avons offert, c'était en 2003. Nous n'avons pas géré la structure par la suite, alors je ne sais pas quand ces entreprises ont été dissoutes. Je voulais simplement apporter cette précision.
    Nous avons fourni à l'Agence du revenu toute l'information sur les 16 mises sur pied que nous avons effectuées.
     Nous vous reviendrons certainement avec d'autres questions.
    Je voulais garder ma dernière question pour Mme Daviau.
     Nous apprécions certainement le professionnalisme de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Vos membres sont extraordinaires.
     Vous avez soulevé toute une gamme de questions pour lesquelles nous pourrions approuver la prestation de soutien à l'Institut afin qu'il puisse faire le travail qu'il veut faire, mais ce que nous avons vu des employés de l'Agence du revenu, c'est que, en l'absence d'une loi habilitante, ils sont démunis face à ces gros joueurs.
     Ajouteriez-vous des dispositions législatives ayant du mordant à la liste des améliorations que vous nous avez proposées et qui permettraient aux membres de l'Institut de faire le travail qu'ils veulent faire au nom des Canadiens?
    Oui, à 100 %, monsieur Julian.
    Tout d'abord, je vous remercie du compliment. Je suis d'accord. Je pense que mes membres sont extraordinaires. Ils sont incroyablement passionnés par le travail qu'on leur demande de faire au nom des Canadiens, mais ils ont besoin d'aide. Ils ont besoin que le gouvernement se penche sur les lacunes de la loi.
     Ces lacunes sont flagrantes lorsque nous examinons les causes portées devant les tribunaux et les dossiers où l'Agence du revenu n'a pas gain de cause en raison de ces lacunes. Nous avons même proposé à certains députés de ce comité que nous avons eu l'occasion de rencontrer de travailler avec nos vérificateurs et décideurs pour essayer de cerner ces lacunes.
    En définitive, pour nous, le point le plus important soulevé par M. Cohen, c'est qu'il ne faut pas miser sur le nombre de ressources, mais sur la façon dont ces ressources sont structurées et dont ces gens peuvent avoir accès aux bons outils et à la bonne formation pour pouvoir faire le travail qu'on leur demande de faire.

  (1800)  

    D'accord. Nous allons devoir nous arrêter ici.
     Je tiens à remercier les témoins de leurs exposés d'aujourd'hui et de nous avoir consacré une demi-heure de plus, ce qui n'était pas prévu.
     Je reviendrai devant le Comité le plus tôt possible pour discuter de la suite des choses.
    Sur ce, je vous remercie tous.
    La séance est levée.
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