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PACP Rapport du Comité

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LA STRATÉGIE NATIONALE DE CONSTRUCTION NAVALE

Introduction

La Marine royale canadienne et la Garde côtière canadienne (GCC) exploitent plusieurs types de navires pour s’acquitter de leurs mandats respectifs. En 2010, le gouvernement du Canada a lancé la Stratégie nationale de construction navale pour guider le renouvellement de la flotte fédérale. La Stratégie s’articule autour des objectifs suivants :

  • renouveler la flotte fédérale en temps opportun et à des coûts abordables;
  • bâtir et soutenir un secteur maritime durable au Canada;
  • générer des retombées économiques pour le Canada[1].

Dans le cadre de la Stratégie, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) agit à titre d’autorité contractante, et son sous-ministre préside un comité interministériel composé de sous-ministres qui est responsable de la mise en œuvre de la Stratégie[2]. La Défense nationale (au nom de la Marine) et la GCC assurent la gestion de chaque projet de construction navale alors que « Innovation, Sciences et Développement économique Canada mène les négociations sur l’obligation qui est faite aux chantiers navals de générer des retombées économiques pour le Canada. Ce ministère surveille et évalue aussi le rendement des chantiers navals dans ce domaine[3]. »

Pour la construction de grands navires, le gouvernement avait tout d’abord conclu des ententes d’approvisionnement avec deux chantiers navals canadiens dans le cadre de la Stratégie en vue de construire plus de 50 navires destinés à la Marine et à la Garde côtière sur environ 30 ans[4]. En 2012, SPAC a conclu des ententes-cadres avec deux chantiers navals sélectionnés à la suite d’un processus concurrentiel afin de procéder à la construction de grands navires : Vancouver Shipyards, à Vancouver, pour les navires non destinés au combat, et Irving Shipbuilding, à Halifax, pour les navires de combat. À l’époque, ces deux chantiers devaient construire jusqu’à 28 grands navires de différents types. D’autres navires devaient être commandés plus tard[5].

Ces ententes ne constituent pas des contrats de construction de navires à proprement dit. Elles énoncent plutôt des lignes directrices pour la négociation de contrats. En fait, chaque grande étape de chacun des projets de construction navale a fait l’objet d’un contrat distinct. Depuis 2012, le gouvernement fédéral a passé plusieurs contrats avec les deux chantiers navals sélectionnés[6].

En août 2019, SPAC a annoncé un processus concurrentiel visant à sélectionner un troisième chantier naval pour la construction de brise-glaces de programme pour la GCC. En décembre 2019, le gouvernement du Canada a annoncé que Chantier Davie Canada Inc., à Lévis (Québec), s’était préqualifié à titre de troisième chantier naval[7].

Au printemps 2021, le Bureau du vérificateur général (BVG) a publié un audit de performance qui visait à déterminer :

  • si les flottes de grands navires de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne étaient renouvelées en temps opportun;
  • si les travaux de construction navale respectaient les échéanciers et si les nouveaux navires étaient livrés à temps pour la mise hors service des vieux navires;
  • comment les organisations auditées avaient géré les risques liés aux retards, notamment comment elles avaient atténué l’incidence que pouvaient avoir des retards sur les activités et opérations de la Marine et de la Garde côtière pendant qu’elles attendaient la livraison de nouveaux navires[8].

Bien que la Stratégie nationale de construction navale se divise en trois grands volets (construction de grands navires, construction de petits navires, projets de réparation, de radoub et d’entretien), le présent audit du BVG est axé sur la construction de grands navires, c’est-à-dire les navires d’un déplacement de plus de 1 000 tonnes[9].

Le 25 mai 2021, le Comité permanent des comptes publics (le Comité) de la Chambre des communes a tenu une audience sur cet audit. Les personnes suivantes étaient présentes :

  • BVG – Casey Thomas, vérificatrice générale adjointe; Nicholas Swales, directeur principal; et Chantal Thibaudeau, directrice
  • Pêches et Océans Canada – Timothy Sargent, sous-ministre; et Andy Smith, sous‑commissaire, Construction navale et matériel, Garde côtière canadienne
  • Innovation, Sciences et Développement économique Canada – Simon Kennedy, sous-ministre; et Mary Gregory, sous-ministre adjointe déléguée
  • Défense nationale – Jody Thomas, sous-ministre; vice-amiral Craig Baines, commandant, Marine royale canadienne; et Troy Crosby, sous-ministre adjoint, Groupe des matériels
  • SPAC – Bill Matthews, sous-ministre; Simon Page, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et de défense; et Michael Vandergrift, sous-ministre délégué[10].

Voici un glossaire des principaux termes utilisés dans le présent document :

  • État cible – Quand un chantier naval satisfaisait aux normes internationales en matière de construction pour permettre une production efficiente.
  • Déplacement en tonnes – Mesure de la taille d’un navire en fonction du poids du volume d’eau qu’il déplace lorsqu’il flotte.
  • Entente-cadre – Entente d’approvisionnement stratégique selon laquelle le gouvernement négociera des contrats individuels justes et raisonnables avec le chantier naval retenu pour la construction de navires fédéraux dans le cadre de chacun des projets[11].

Constatations et recommandations

Retards

Le BVG a constaté que le renouvellement de la flotte fédérale avait connu de nombreux retards lors des étapes de la conception et de la construction des navires. En effet, seulement deux des quatre navires « qui devaient être livrés au plus tard en janvier 2020, selon ce qui était prévu au début de la période visée par l’audit, ont été livrés, et les deux l’ont été en retard. Par ailleurs, au cours de la période visée par l’audit, les dates de livraison prévues des autres navires ont été repoussées » — et ce, de plusieurs années dans certains cas[12]. Le BVG a conclu que les méthodes établies dans le cadre de la Stratégie n’étaient pas pleinement efficaces pour gérer les risques de retards[13].

« Ce sont la conception et la production des premiers navires de chaque catégorie qui ont posé le plus grand défi[14] ». Le navire hauturier de science halieutique a été le premier type de navire à être construit et livré. La construction « allait bon train lorsque la découverte de soudures problématiques a entraîné des retards, car il a fallu procéder à des examens approfondis et réparer plusieurs soudures. Ces retards ont ensuite eu des répercussions sur la construction des navires suivants[15]. »

Le tableau 1 montre « l’effet domino » des retards de livraison des nouveaux navires sur la Stratégie nationale de construction navale.

Tableau 1 — Les retards dans la livraison des nouveaux navires ont eu de nombreuses répercussions

Répercussion

Exemples

Il y a eu des retards dans l’intégration de nouvelles capacités et le remplacement de capacités perdues lors de la mise hors service de vieux navires.

Les retards dans la construction des navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique et du brise-glace polaire ont retardé le renforcement des capacités du Canada en matière de navigation dans les eaux arctiques.

Les retards dans la livraison des navires de combat canadiens ont obligé la Marine royale canadienne à attendre plus longtemps pour remplacer les capacités de défense aérienne longue portée qu’elle avait perdues lors de la mise hors service de ses contre‑torpilleurs.

Les retards dans la livraison du navire hauturier de science océanographique et des navires hauturiers de science halieutique ont nui à la recherche et à la surveillance marines. Les nouveaux navires offriraient aussi des plateformes de recherche scientifique nettement améliorées.

Il a fallu prolonger la durée de vie des vieux navires. D’autres mesures ont été prises pour appuyer les opérations dans l’attente des nouveaux navires.

La durée de vie du navire de la Garde côtière canadienne Hudson, qui devait être remplacé par le navire hauturier de science océanographique, a été prolongée. Les travaux comportaient un contrat de réfection de 10 millions de dollars conclu en 2019.

La Garde côtière a dû affréter des navires commerciaux pour l’aider à mener des activités de recherche et de surveillance marines.

Les coûts ont augmenté.

En 2019, la Défense nationale a estimé que les retards feraient augmenter les coûts de conception des navires de combat canadiens de 111 millions de dollars.

Vu que les modalités du contrat limitaient les heures de main‑d’œuvre directe qui pouvaient être facturées pour construire les navires hauturiers de science halieutique, le gouvernement a modifié le contrat pour augmenter la part des coûts indirects pouvant être facturés, et ce, d’au moins 39,8 millions de dollars et jusqu’à concurrence de 101,5 millions de dollars.

Les retards dans la livraison d’un navire ont entraîné des retards dans la livraison des autres navires à construire.

Les retards dans la construction du premier navire hauturier de science halieutique ont retardé la construction des 2e et 3e navires de ce type.

Source : Bureau du vérificateur général du Canada, La Stratégie nationale de construction navale, Rapport 2 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, Pièce 2.3.

De plus, le BVG a constaté que le « gouvernement avait déterminé que des calendriers de travail peu fiables posaient un risque pour plusieurs projets, mais que les mesures qu’il avait prises pour atténuer ce risque n’avaient pas toujours été efficaces. La bonne gestion des calendriers de travail est essentielle pour assurer l’efficience et l’efficacité des projets de construction navale. Il s’agit aussi d’une des normes que les chantiers doivent respecter pour atteindre l’état cible[16]. »

En outre, les calendriers étaient souvent peu efficaces pour assurer le respect des délais dans le cadre des projets. Pour de nombreux projets, les fonctionnaires n’étaient pas satisfaits des calendriers qui leur avaient été transmis, en partie parce qu’ils étaient trop généraux et sous-estimaient le temps nécessaire à l’accomplissement des différentes tâches[17]. Et ils n’étaient pas fournis de manière opportune; par exemple, dans le cas des navires de combat canadiens, il a fallu plus de six « mois, après le début de l’étape de conception du projet, pour que le gouvernement obtienne un calendrier suffisamment détaillé pour pouvoir assurer un suivi précis des progrès réalisés[18] ».

Au bout du compte, ce « manque d’information a empêché le gouvernement de bien comprendre la progression attendue des projets et de surveiller les résultats obtenus en conséquence[19] ».

Par conséquent, le BVG a recommandé que la GCC, la Défense nationale et SPAC « devraient mettre en œuvre des mécanismes pour :

  • obtenir des calendriers de travail complets, actualisés et fiables à l’appui des projets de construction navale;
  • obtenir des calendriers de travail complets, actualisés et fiables à l’appui des projets de construction navale[20]. »

Dans son plan d’action de la direction, Pêches et Océans Canada (au nom de la GCC) a déclaré qu’il était d’accord avec la recommandation et a fourni des jalons décrivant la façon dont il mettra la recommandation en œuvre, comme suit :

  • Jalon provisoire A — La GCC épaulera SPAC en tant que membre des équipes de projet intégrée (EPI); ensemble, ils passeront en revue les contrats de construction navale nouveaux et existants afin de déterminer si les livrables et les obligations relatives aux calendriers des chantiers navals et aux rapports sur le rendement sont appropriés et ont été respectés (31 mars 2022).
  • Jalon provisoire B — Les EPI s’assureront que le rendement des calendriers de projet intégrés (CPI) produits par les chantiers navals soit évalué par l’analyse de la gestion de la valeur acquise (GVA), dont les résultats seront présentés lors des réunions périodiques du comité de gouvernance de la SNCN (31 mars 2022).
  • Jalon provisoire C — Les EPI veilleront à ce que les comptes rendus des progrès produits par les chantiers navals soient fondées sur des constatations sur le rendement des chantiers reposant sur les paramètres de la GVA, et à ce que les jalons de référence essentiels du CPI correspondent au compte rendu des progrès réalisés. Pour ce faire, le bureau de gestion de projets de la GCC établira un dialogue régulier avec les chantiers navals, et ceux-ci présenteront des CPI et des comptes rendus des progrès rigoureux lors des réunions du comité de gouvernance de la SNCN (31 décembre 2021).
  • Principal jalon provisoire D — Les EPI de la GCC s’appuieront sur le bureau de gestion du programme d’approvisionnement en navires (BGP‑AN) de la GCC pour comprendre et mettre en œuvre des stratégies permettant de mieux gérer et de mieux respecter les calendriers des projets. En outre, le BGP-AN collaborera étroitement avec les conseillers en construction navale de la SNCN afin de mieux comprendre les effets de deuxième et de troisième ordres qu’engendrent les retards au calendrier au niveau de l’organisation, et ce, pour l’ensemble de la SNCN (31 décembre 2021)[21].

La Défense nationale, dans son plan d’action, a également accepté la recommandation et a fourni les jalons suivants pour y donner suite – ces jalons présentaient plusieurs des mêmes éléments que ceux présentés par la GCC :

  • Étape provisoire A — Les équipes de projet intégré s’assureront de présenter des calendriers complets et actualisés produits par les chantiers navals, soutenus par des données indiquant clairement le chemin critique (30 septembre 2021).
  • Étape provisoire B — Les équipes de projet intégré s’assureront que la gestion par la valeur acquise est utilisée comme outil d’analyse pour mesurer le rendement par rapport aux calendriers produits par les chantiers navals, dont les résultats seront présentés durant les réunions récurrentes des comités de gouvernance de la SNCN. Cela favorisera une compréhension commune du rendement par rapport aux calendriers produits par les chantiers et servira de point de données pour éclairer la prise de décisions stratégiques élargie, en vue de gérer l’ensemble des calendriers de projet de construction navale (30 septembre 2021).
  • Étape provisoire C — Les équipes de projet intégré examineront les contrats existants et nouveaux de construction navale pour déterminer si les obligations et les livrables liés aux calendriers des chantiers navals sont appropriés ou s’ils sont respectés. Au besoin, les équipes utiliseront ensuite les mécanismes de gouvernance établis pour la SNCN pour évaluer les modifications contractuelles proposées afin de s’assurer que des obligations et des livrables appropriés liés aux calendriers des chantiers sont inclus dans les contrats de construction navale. Cette activité sera menée par SPAC et soutenue par le MDN en tant que membre des équipes de projet intégré. Cela permettra de s’assurer que le Canada dispose de mécanismes contractuels appropriés pour que les chantiers navals produisent des calendriers rigoureux et que les équipes de projet intégré gèrent l’ensemble des calendriers de projet de construction navale (30 septembre 2021)[22].

Enfin, SPAC, dans son plan d'action détaillé, a également accepté la recommandation et a fourni les jalons suivants pour y donner suite – ces jalons présentaient plusieurs des mêmes éléments que ceux présentés par la GCC et la Défense nationale :

  • Jalon provisoire A — Continuer de tirer parti de la méthodologie de gestion de projet de classe mondiale pour la gestion de la valeur acquise (GVA), qui intègre le calendrier, les coûts et la portée, afin d’évaluer le rendement des projets; collaborer avec les ministères clients pour confirmer la capacité de procéder à une analyse détaillée de la GVA, ou conclure un contrat en leur nom afin d’obtenir l’aide d’experts tiers pour ce faire; utiliser l’analyse de la GVA pour évaluer les possibilités dans les calendriers des projets/programmes; établir des liens entre les données intégrées sur la GVA et les discussions sur la gestion des risques (clauses de la GVA dans les principaux contrats de construction : déjà terminé; mise en œuvre dans l’ensemble de la gouvernance : 50 % déjà terminé, 100 % d’ici le 30 juin 2022).
  • Jalon provisoire B — Examiner les contrats de GVA en vigueur ainsi que les obligations et les produits livrables liés aux calendriers; évaluer la pertinence/l’acceptabilité et l’exhaustivité de ces obligations et produits livrables et renforcer et/ou modifier les clauses spécifiques au besoin; tirer parti de la gouvernance de la SNCN pour examiner les modifications contractuelles proposées visant à veiller à inclure l’utilisation des calendriers de GVA, les autres obligations liées aux calendriers des chantiers navals et les produits livrables dans les contrats de construction navale. Les leçons apprises dans le cadre de l’examen des contrats en vigueur seront appliquées aux nouveaux contrats.
  • Jalon provisoire C — Ajouter un point permanent spécial à l’ordre du jour des comités de gouvernance des SM et des SMA pour l’examen de l’information relative aux calendriers intégrés (y compris les données sur la GVA ainsi que les calendriers des projets et des programmes à long terme). Ce point permanent sera directement lié à l’information sur la gestion des risques et sera examiné de manière globale et en temps opportun afin d’être en mesure de discuter des calendriers des projets et des programmes en profondeur et de faciliter la prise de décision (31 décembre 2021)[23].

Lors de la séance, Jody Thomas, sous-ministre, Défense nationale, a expliqué que le Ministère a coordonné avec ses collègues de SPAC et de Pêches et Océans Canada leurs différents plans d’action de gestion afin de s’assurer qu’ils atteignent un résultat intégré, et a ajouté que la Défense nationale prévoit que le deuxième trimestre de l’année financière 2021-2022 sera le moment où ils recevront des échéanciers de construction navale complets et fiables (c.-à-d., T2)[24].

De plus, Timothy Sargent, sous-ministre, Pêches et Océans Canada, a fait part de ce qui suit :

Je salue cette recommandation et la considère comme un élément fondamental de la gestion des projets et des programmes. Nous suivons de près les échéanciers avec les chantiers navals ainsi que [PSPC], et nous progressons[25].

Enfin, Bill Mathews, sous-ministre, SPAC, a expliqué ce qui suit concernant les défis liés à l'établissement de calendriers pour les approvisionnements chats complexes de construction navale :

Nous voulons aussi que les échéanciers soient crédibles. Quand ils ont tenté de trouver un juste équilibre, les chantiers navals et le gouvernement — à dire vrai, les fonctionnaires — se sont montrés trop optimistes quant aux échéanciers.
Maintenant que quelques navires ont été construits, nous sommes en mesure d’être plus réalistes dans la gestion des échéanciers. Nous réclamons plus de détails à ce sujet de la part des chantiers navals pour évaluer si les échéanciers sont crédibles.
À mesure que les chantiers navals gagnent en maturité, nous aurons une meilleure idée de ce qu’ils peuvent accomplir et pourrons modifier nos échéanciers en conséquence[26].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 1 — sur la gestion des calendriers

Que, d’ici le 31 décembre 2021, la Garde côtière canadienne, la Défense nationale et Services publics et Approvisionnement Canada fournissent au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport d'étape sur les points suivants : A) obtenir des calendriers de travail complets, actualisés et fiables à l’appui des projets de construction navale; et B) s’assurer que les progrès réalisés en vue d’atteindre les objectifs et de respecter les échéances de livraison des projets prévus sont surveillés afin de prendre des décisions éclairées en temps opportun. Un rapport final devra également être fourni d’ici le 30 juin 2022.

Surveillance des risques

Le BVG a constaté que les outils d’évaluation, d’atténuation et de surveillance des risques étaient peu performants[27].

Même si la « Stratégie nationale de construction navale était assortie d’un cadre et de pratiques de gestion des risques de haut niveau en vue de cerner et d’évaluer les risques, de définir des stratégies d’atténuation, de surveiller les plans de gestion des risques et d’en rendre compte », le BVG a constaté que les outils utilisés pour assurer la gestion des risques étaient limités[28]. Par exemple, l’un des risques était que les ministères ne disposent pas d’un nombre suffisant d’employés pour mettre la Stratégie en œuvre dans les délais prévus. L’équipe de gestion des risques n’a cependant pas documenté si ce risque pouvait ralentir la mise en œuvre de la Stratégie[29].

Il a également été déterminé « qu’il y avait des risques que le nombre d’employés à chaque chantier naval soit insuffisant, ce qui pouvait nuire au respect des délais de livraison. L’équipe n’a pas non plus documenté comment ces risques pouvaient influer sur le calendrier de construction des navires[30]. » En fait, le BVG a relevé des cas où des pénuries de personnel avaient retardé la construction de navires[31].

Le BVG a également « relevé des faiblesses dans la planification des mesures d’atténuation des risques. Les registres de risques et les feuilles d’information sur les risques […] contenaient peu d’information sur la planification; » par exemple, « les feuilles d’information définissaient des stratégies générales, dans certains cas, mais ne comportaient aucune mesure précise sur la mise en œuvre de ces stratégies ni d’échéances pour leur réalisation[32] ».

Enfin, le BVG a « relevé une faiblesse dans le suivi des plans »; c.-à-d. que les documents examinés « contenaient si peu d’information que nous n’avons pas pu déterminer le degré de mise en œuvre des mesures d’atténuation qui avaient été définies[33] ».

Compte tenu de ces considérations, le BVG a recommandé que SPAC « devrait améliorer les outils de gestion des risques à l’échelon de la direction de la Stratégie nationale de construction navale afin de permettre :

  • la réalisation d’analyses des risques approfondies;
  • la définition de plans d’action qui prévoient des mesures d’atténuation des risques précises, mesurables et assorties d’échéances;
  • un meilleur suivi de la mise en œuvre des mesures d’atténuation des risques[34]. »

Dans son plan d'action, le Ministère a déclaré qu'il était d'accord avec la recommandation et a fourni les jalons suivants pour y donner suite :

  • Principal jalon provisoire A — Engagement d’une équipe entièrement dévouée et faire l’acquisition de logiciels/d’outils de soutien pour accroître la capacité de gestion des risques afin de permettre d’adopter une approche cohérente et intégrée pour l’évaluation des risques de tous les programmes, y compris la détermination et la réduction des risques systémiques, la mesure de ces risques et l’analyse des problèmes récurrents (31 décembre 2021).
  • Principal jalon provisoire B — Afin d’assurer la clarté et la transparence, veiller à l’exhaustivité des stratégies d’atténuation de tous les risques de la SNCN et mettre en place des approches pour assurer le suivi des progrès et en faire rapport; intégrer les d’atténuation des risques dans les réunions de gouvernance des SM et des SMA et veiller à établir des liens avec les paramètres clés des projets/programmes, comme les coûts et les calendriers (GVA), ainsi qu’à en faire le suivi (31 mars 2022)[35].

En réponse à une question à propos de l’inclusion des taxes de vente dans les estimations de coûts, Jody Thomas a indiqué ce qui suit :

Comme je l'ai dit, nous calculons les coûts en fonction de modèles. Nous n'incluons pas la taxe. Le directeur parlementaire du budget le fait, mais les chiffres se situent essentiellement dans une fourchette qui me semble raisonnable pour la phase de conception du navire.
La dernière fois, la différence avait à voir avec la taille de la contingence et avec ce que le directeur parlementaire du budget a mis sur le poids du navire[36].

De plus, Bill Mathews a expliqué les avantages attendus de la GVA :

[L]’une des meilleures pratiques que nous sommes en train de mettre en œuvre est la gestion de la valeur acquise. C’est un excellent moyen d’intégrer les risques liés au calendrier et au budget, et c’est une pratique qui, comme vous pourrez le constater, est adoptée dans le monde entier. Nous avons pris des mesures pour commencer sa mise en œuvre. Nous avons encore du travail à faire à cet égard, mais c’est là un exemple de techniques supérieures et de pratiques de renommée mondiale que nous sommes en train d’intégrer. Et, il y en a d’autres[37].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 2 — sur la surveillance des risques

Que, d’ici le 31 décembre 2021, Services publics et Approvisionnement Canada fournisse au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes fournisse un rapport d'étape sur la manière dont il a amélioré ses pratiques de gestion des risques, y compris un examen complet des facteurs pouvant mener à des dépassements de coûts, en ce qui concerne la Stratégie nationale de construction navale. Un rapport final devra également être fourni d’ici le 30 juin 2022.

Atteinte de l’état cible

Le BVG a constaté que SPAC n’avait pas encore confirmé que les deux premiers chantiers retenus avaient atteint un état cible (c’est-à-dire qu’ils satisfaisaient aux normes internationales en matière de construction de navires)[38]. Même si les « ententes-cadres de 2012 conclues avec les deux premiers chantiers navals ne comportaient pas de date prescrite pour l’atteinte de l’état cible, » elles prévoyaient que le chantier des navires non destinés au combat (Vancouver) atteindrait l’état cible dans un délai d’environ trois ans et que le chantier des navires de combat (Irving) mettrait environ six ans à atteindre l’état[39]. En 2019, l’entente-cadre signée avec Irving a été modifiée pour accorder au chantier quatre années de plus pour atteindre l’état cible[40].

En 2018, le niveau de l’état cible atteint par Vancouver Shipyards a été évalué par un expert-conseil externe. Au moment de l’audit du BVG, « des représentants du gouvernement examinaient le plan correctif soumis par le chantier à la suite de cette évaluation. Les progrès réalisés par le chantier de navires de combat (Irving Shipbuilding Inc.) devraient être évalués avant février 2022[41]. » Le BVG a noté que la Stratégie nationale de construction navale avait recensé des risques quant à l’atteinte de l’état cible[42].

Par conséquent, le BVG a recommandé que SPAC tienne compte de l’expérience des deux premiers chantiers navals au moment de déterminer le calendrier d’atteinte de l’état cible du troisième chantier[43].

Dans son plan d’action, le Ministère a indiqué qu’il était d’accord avec cette recommandation et qu’il « applique au troisième chantier naval les leçons apprises des deux premiers chantiers navals visés par la Stratégie en ce qui concerne le moment des évaluations dans le processus de l’état cible[44] ». Il a également fourni les jalons suivants :

  • Principal Jalon provisoire A — Examiner les approches actuelles quant au moment des évaluations de l’état cible et aux résultats escomptés; démontrer les liens précis entre l’état cible et la capacité du chantier naval à construire les navires dans le cadre de son programme de travail; utiliser les pratiques exemplaires et élaborer une autre méthodologie pour le processus d’évaluation de l’état cible du 3e chantier naval de la SNCN (30 septembre 2021).
  • Principal Jalon provisoire B — En se fondant sur les leçons apprises des premières ententes-cadres de la SNCN, intégrer le moment des évaluations de l’état cible dans l’entente-cadre du 3e chantier naval de la SNCN (31 mars 2022)[45].

Lors de l'audience, Simon Page, SPAC, a expliqué les progrès réalisés en vue d'atteindre l’état cible :

Pour ce qui est du chantier de Vancouver, nous n’avons pas encore atteint l’état cible, comme l’a précisé M. Matthews, mais nous y sommes presque. Nous travaillons à un plan d’action correctif pour traiter les derniers éléments du volet concernant l’atteinte de l’état cible[46].
Ce sera un peu plus complexe pour le chantier Davie, parce qu’il faut compléter le processus de sélection qui aura lieu au cours de l’été et ensuite signer l’entente-cadre. Donc, à mesure qu’on se rapprochera de la signature de l’entente-cadre, les détails de l’état cible pour la Davie seront discutés. […] En vue d’une amélioration continue, nous allons tenir compte des leçons apprises avec les deux autres chantiers et nous allons nous assurer qu’il y a une bonne négociation avec le chantier Davie à cet égard[47].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 3 — sur l’atteinte de l’état cible

Que, d’ici le 31 décembre 2021, Services publics et Approvisionnement Canada fournisse au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport d'étape concernant l'atteinte de l'état cible pour les chantiers navals participant à la Stratégie nationale de construction navale. Un rapport final devra également être fourni d’ici le 30 juin 2022.

Conclusion

Le Comité a conclu que la Stratégie nationale de construction navale avait tardé à livrer les navires de combat et autres navires dont le Canada a besoin pour honorer ses obligations à l’échelle nationale et internationale. Malgré les nombreuses améliorations qui ont été mises en œuvre pour relever ces défis, étant donné que la majorité des nouveaux navires n'ont pas encore été construits, le gouvernement du Canada a l'occasion d'améliorer davantage sa façon de gérer les risques afin que les projets futurs soient livrés dans les délais et au moment où ils sont nécessaires.

À cette fin, le Comité a formulé trois recommandations dans le présent rapport pour aider le gouvernement du Canada à améliorer la façon dont il gère la Stratégie nationale de construction navale.

Sommaire des recommandations et échéances

Recommandation

Mesure recommandée

Échéance

Recommandation 1

La Garde côtière canadienne, la Défense nationale et Services publics et Approvisionnement Canada doivent présenter au Comité permanent des Comptes publics de la Chambre des communes un rapport d’étape et un rapport final sur les points suivants : A) obtenir des calendriers de travail complets, actualisés et fiables à l’appui des projets de construction navale; et B) s’assurer que les progrès réalisés en vue d’atteindre les objectifs et de respecter les échéances de livraison des projets prévus sont surveillés afin de prendre des décisions éclairées en temps opportun.

31 décembre 2021

30 juin 2022

Recommandation 2

SPAC doit présenter au Comité un rapport d’étape et un rapport final sur la manière dont il a amélioré ses pratiques de gestion des risques, y compris un examen complet des facteurs pouvant mener à des dépassements de coûts, en ce qui concerne la Stratégie nationale de construction navale.

31 décembre 2021

30 juin 2022

Recommandation 3

SPAC doit présenter au Comité un rapport d’étape et un rapport final concernant l'atteinte de l'état cible pour les chantiers navals participant à la Stratégie nationale de construction navale.

31 décembre 2021

30 juin 2022


[1]              Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), La Stratégie nationale de construction navale, Rapport 2 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 2.1, 2.3, et 2.4.

[2]              Ibid., paragr. 2.9.

[3]              Ibid., paragr. 2.10.

[4]              Ibid., paragr. 2.6.

[5]              Ibid., paragr. 2.7.

[6]              Ibid., paragr. 2.18.

[7]              Ibid., paragr. 2.8.

[8]              Ibid., paragr. 2.11.

[9]              Ibid., paragr. 2.5.

[10]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 25 mai 2021, réunion no 33.

[11]            BVG, La Stratégie nationale de construction navale, Rapport 2 des Rapports de 2021 la vérificatrice générale du Canada, paragr. 2.47 et Définitions.

[12]            Ibid., paragr. 2.20.

[13]            Ibid.

[14]            Ibid., paragr. 2.26.

[15]            Ibid.

[16]            Ibid., paragr. 2.30.

[17]            Ibid., paragr. 2.34.

[18]            Ibid.

[19]            Ibid., paragr. 2.35.

[20]            Ibid., paragr. 2.36.

[21]            Pêches et Océans Canada, Plan d'action de la direction, p. 1-3.

[22]            Défense nationale, Réponse du Ministère, p. 1-3.

[23]            Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Plan d’action détaillé, p. 1.3

[24]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 25 mai 2021, réunion no 33, 1120.

[25]            Ibid., 1110.

[26]            Ibid., 1220.

[27]            BVG, La Stratégie nationale de construction navale, Rapport 2 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 2.37.

[28]            Ibid., paragr. 2.38 et 2.39.

[29]            Ibid., paragr. 2.42.

[30]            Ibid.

[31]            Ibid.

[32]            Ibid., paragr. 2.44.

[33]            Ibid., paragr. 2.45.

[34]            Ibid., paragr. 2.46.

[35]            SPAC, Plan d’action détaillé, p. 3.

[36]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 25 mai 2021, réunion no 33, 1205.

[37]            Ibid., 1140.

[38]            BVG, La Stratégie nationale de construction navale, Rapport 2 des Rapports de 2021 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 2.47.

[39]            Ibid.

[40]            Ibid.

[41]            Ibid., paragr. 2.48.

[42]            Ibid.

[43]            Ibid., paragr. 2.49.

[44]            SPAC, Plan d’action détaillé, p. 3.

[45]            Ibid., p. 3-4.

[46]            Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 2e session, 43e législature, 25 mai 2021, réunion no 33, 1240.

[47]            Ibid.