Bienvenue à la 51e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité entreprend son étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Certains membres participent en présentiel dans la salle, et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom. Je n'entrerai pas dans les détails, parce que je pense que tout le monde connaît les règles et que tous les députés sont à la Chambre aujourd'hui.
Je voulais dire à M. Fortin que le son a été vérifié pour tout le monde. Nous sommes prêts à utiliser les services d'interprétation.
Pour commencer cette étude sur le système de mise en liberté sous caution du Canada, nous accueillons des représentants du ministère de la Justice. Nous accueillons Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, et Me Chelsea Moore, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal.
Je leur souhaite la bienvenue.
Je remercie également toutes les autres personnes — les analystes, les greffiers et les interprètes — qui ont travaillé si tard hier soir, le jour de la Saint-Valentin. Je vous remercie de travailler si fort. Merci beaucoup au greffier et à tous les membres du personnel qui nous fournissent leur soutien.
Monsieur Garrison, vous avez une question ou un rappel au Règlement.
:
Je pense que la nôtre durera entre cinq et dix minutes, monsieur le président. Nous avions visé sept minutes. Si je parle rapidement, elle ne durera que cinq minutes et si je parle lentement, elle durera 10 minutes.
Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui pour vous fournir du soutien en participant à votre étude sur le régime canadien de mise en liberté sous caution.
[Français]
Les lois canadiennes relatives à la mise en liberté sous caution sont claires et définissent le cadre dans lequel l'accusé doit être libéré ou détenu avant le procès pour les infractions dont ils sont accusés.
Tel que prévu au paragraphe 515(1) du Code criminel, un accusé doit être mis en liberté à moins que le procureur puisse démontrer que sa détention est nécessaire. Ce point de départ reflète notre tradition de common law, et la Charte canadienne des droits et libertés prévoit, notamment, la présomption d'innocence et le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable.
Ainsi, si le point de départ est la mise en liberté, il convient de préciser qu'elle n'est pas automatiquement garantie et qu'elle n'est pas autorisée s'il existe un motif valable de détention.
Le paragraphe 515(10) du Code criminel prévoit les motifs justifiant la détention d'un prévenu: pour assurer sa présence au tribunal; pour protéger la sécurité du public, eu égard aux circonstances, y compris toute probabilité marquée que l'accusé récidive; pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice.
[Traduction]
Chaque motif constitue une base indépendante pouvant entraîner le refus de la mise en liberté sous caution, et la décision de détenir l'individu ou non pour l'un de ces motifs est éclairée par la preuve dont dispose le tribunal, ce qui comprend le casier judiciaire du prévenu. Par exemple, le fait qu'il ait utilisé une arme à feu ou une autre arme ou qu'il ait des antécédents de crime violent peut réduire la possibilité de le libérer afin de protéger la sécurité publique.
Ces mêmes facteurs peuvent également entraîner la décision de détenir le prévenu pour des motifs de confiance du public. Toutefois, le motif de confiance du public ne s'applique pas uniquement à un cadre de sécurité publique. Il est lié à d'autres facteurs importants, comme la solidité de la preuve contre le prévenu, la gravité de l'infraction présumée et les circonstances entourant sa perpétration.
Le motif de confiance du public vise à équilibrer tous les facteurs pertinents. Il repose sur le fait que la confiance du public est essentielle au bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et à celui du système de justice dans son ensemble.
Les motifs de détention sont ancrés dans le système de mise en liberté sous caution. Ils ne changent pas en fonction de l'instance ou de la personne chargée de démontrer si la détention est justifiée. Ils ne se laissent pas modifier par le fait qu'un tribunal doit aussi tenir compte d'autres facteurs, dont le principe de la modération prévu à l'article 493.1, ou par le fait que le prévenu est un Autochtone ou un membre d'une population vulnérable qui est surreprésentée dans le système de justice pénale.
Autrement dit, un tribunal est toujours tenu de détenir un prévenu s'il a un motif valable de le faire et s'il n'existe aucun moyen adéquat de gérer le risque qu'il pose s'il est libéré. Ces moyens adéquats pourraient comprendre l'imposition de conditions raisonnables et pertinentes dans le cadre d'un plan de mise en liberté sous caution.
Les lois canadiennes sur la mise en liberté sous caution indiquent clairement qui est chargé de démontrer que la détention est justifiée. Par défaut, comme c'est le cas pour la plupart des aspects du droit pénal, l'État a la responsabilité de démontrer pourquoi la détention est justifiée.
Cependant, dans un certain nombre de cas, il incombe au prévenu de démontrer pourquoi il ne devrait pas être détenu. Ce renversement du fardeau de la preuve provient de l'intention du Parlement de rendre plus difficile pour un prévenu d'obtenir sa libération dans certaines situations liées aux motifs de détention, aux motifs dont j'ai parlé plus tôt. Par conséquent, ce renversement du fardeau de la preuve peut servir de raccourci. À titre d'exemples, je pourrais mentionner les cas où le prévenu est accusé d'infractions liées au crime organisé ou au terrorisme ou de certaines infractions commises avec des armes à feu, ou les cas de violence par un partenaire intime où le prévenu a déjà été condamné pour des infractions similaires.
Toutefois, ce renversement ne garantit pas la détention. La détention doit toujours être justifiée pour les trois motifs.
Je pense que vous êtes tous au courant, car je crois vous avoir entendus en parler, que le a promis de travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour que notre système de mise en liberté sous caution — les dispositions du Code criminel sur la mise en liberté sous caution et leur application dans les provinces et les territoires — fonctionne efficacement. Cet engagement fait suite à une lettre que tous les premiers ministres lui ont envoyée en janvier et dans laquelle ils préconisent, entre autres choses, le renversement du fardeau de la preuve.
Soulignons que cette collaboration FPT sur la mise en liberté sous caution existe depuis longtemps. Elle a mené à l'élaboration des réformes du cautionnement prévues dans l'ancien projet de loi . Depuis l'automne dernier — avant d'avoir reçu la lettre des premiers ministres —, nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les territoires sur les questions de mise en liberté sous caution, dont la façon dont le système de mise en liberté sous caution réagit aux récidives de crimes violents. Ce travail se poursuit.
Le a récemment convoqué une réunion spéciale des ministres de la Justice et de la Sécurité publique sur la libération sous caution. Nous nous attendons à ce qu'elle ait lieu au cours de ces prochaines semaines. Cette réunion donnera l'occasion à toutes les administrations de trouver des moyens concrets de relever les défis actuels pour veiller à ce que les solutions proposées n'aient pas d'incidence négative sur l'atteinte d'autres objectifs importants. Elle permettra aussi de confirmer les principes fondamentaux.
Voilà qui conclut nos observations.
Nous vous remercions pour votre attention et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Je voudrais aborder le sujet qui crée un peu de tension ici. Pour ce qui est du renversement du fardeau de la preuve, si vous lisez la disposition qui la concerne, un prévenu qui ne respecte pas les conditions générales devrait être détenu, à moins qu'il ne fasse valoir l'absence de fondement de cette mesure. Autrement dit, le prévenu doit justifier sa mise en liberté provisoire. Est‑ce exact?
Si vous examinez le libellé du paragraphe 515(6), les dispositions de l'article 524 ou, je crois, de l'article 512.3, il semble que le Parlement ait eu l'intention, en instituant le renversement du fardeau de la preuve, de créer un fardeau — un lourd fardeau — pour la mise en liberté provisoire.
Êtes-vous d'accord?
:
Oui. Le fait est que le prévenu, et non la Couronne, doit justifier sa demande.
Avant de nous enliser dans ce raisonnement, je vais revenir sur une question plus pertinente.
Nous avons le projet de loi et nous avons Antic, Zora et St‑Cloud. L'arrêt St‑Cloud repose sur des motifs tertiaires, mais il concerne la liberté sous caution. Bien qu'il ait été rendu il y a deux ou trois ans, il semble indiquer que la détention pour motif tertiaire ne devrait pas être rare. Autrement dit, il est acceptable que la détention pour motif tertiaire soit fréquente.
Interprétez-vous cet arrêt de la même manière?
À l'alinéa 11e), la Charte prévoit le droit de ne pas se voir refuser la mise en liberté sous caution sans motif valable. Cette disposition présente deux facettes.
La première est l'aspect de la juste cause. La mise en liberté sous caution ne peut être refusée que dans des circonstances précises qui sont adaptées aux fins précises de la mise en liberté sous caution, au bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution. La sécurité publique et la récidive sont considérées comme des objectifs liés au bon fonctionnement du régime de mise en liberté sous caution.
Le deuxième aspect est la notion de « raisonnable ». La mise en liberté sous caution doit aussi être raisonnable. Cette idée est vraiment liée au principe de l'échelle dont nous parlons ici et au fait de veiller à ce que le prévenu soit libéré dans des conditions raisonnables qui sont nécessaires parce qu'elles sont liées aux risques que poserait le prévenu s'il était libéré.
:
Le principe de l'échelle établit la présomption, pour la plus grande partie des audiences de cautionnement, que le prévenu devrait être libéré selon les conditions et la forme de mise en liberté les moins sévères. Il s'agit en fait du paragraphe 515(2) du Code criminel. Vous remarquerez que les alinéas a) à e) sont toujours plus restrictifs.
Chaque paragraphe rend la forme de libération plus restrictive. L'alinéa 515(2)e) exige le dépôt d'une somme d'argent ou d'une autre valeur des prévenus qui ne résident pas dans la province ou dans un rayon de 200 kilomètres du lieu où ils sont sous garde. C'est la forme de mise en liberté la plus restrictive que nous ayons.
Nous avons le paragraphe 515(2.01) du Code criminel, qui indique que le point de départ est la mise en liberté sans condition. Ensuite, pour chaque terme plus restrictif qui est ajouté à l'ordonnance de mise en liberté, le poursuivant doit justifier cette mise en liberté plus restrictive. Il doit vraiment établir un lien avec les risques particuliers que pose le prévenu.
Par exemple, si le prévenu présente un risque de fuite, on lui imposera des conditions, comme un dépôt en espèces ou le dépôt de son passeport. Si le prévenu risque de récidiver, d'autres conditions peuvent être imposées pour qu'il respecte les conditions fixées.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame Moore et monsieur Taylor.
Tout cela est intéressant. L'application des règles relève effectivement de la compétence des provinces. Je ne vous demanderai évidemment pas de nous parler davantage de ces questions, mais j'aimerais entendre ce que vous avez à dire au sujet des grands principes qui sont votre pain quotidien, ou à peu près.
Par exemple, on comprend que l'un des critères est la sécurité du public. On veut s'assurer que, quand on relâche quelqu'un, on ne met pas en danger la sécurité du public.
Quels critères servent à établir cela? Comment fait-on pour établir que quelqu'un risque ou ne risque pas de mettre en danger la sécurité du public?
:
Je vous remercie de votre question.
Pendant un procès portant sur la mise en liberté sous caution, le juge a souvent une copie des antécédents du prévenu. C'est une façon de vraiment voir s'il y a un...
Si vous me le permettez, je vais continuer en anglais.
[Traduction]
Cette copie des antécédents aide le tribunal à déterminer si le dossier du prévenu contient des condamnations antérieures pour violence ou pour comportement criminel. C'est très important lorsqu'on examine le motif secondaire de la protection du public.
La Cour doit également savoir si le prévenu était en liberté sous caution ou en probation au moment de l'infraction. Souvent, elle examine la situation personnelle du prévenu. Cet individu est‑il stable ou risque‑t‑il de récidiver s'il se retrouve en liberté? A‑t‑il un emploi stable? Souvent, on demande à une personne de témoigner du caractère personnel du prévenu ou de ce qu'il fait dans la vie. Toute cette information éclaire l'examen du motif secondaire de protection du public.
Le Code contient plusieurs autres dispositions touchant la sécurité publique. Je peux vous les présenter, si vous voulez.
:
Bien sûr. En examinant le motif tertiaire, le tribunal doit tenir compte des circonstances entourant l'infraction. Il veut savoir si une arme à feu a été utilisée. Dans l'affirmative, il considère que le motif tertiaire est pertinent.
À l'audience sur le cautionnement, il y a un renversement du fardeau de la preuve, dont l'application est très vaste, pour toute infraction mettant en cause une arme à feu ou dans les cas où le prévenu a déjà fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction. Comme je l'ai déjà dit, le Parlement a indiqué qu'il devrait être plus difficile pour une personne accusée d'une infraction mettant en jeu une arme à feu d'obtenir la libération sous caution. Cette présomption est inversée. Elle suggère que le prévenu sera détenu à moins qu'il puisse prouver au tribunal, selon la prépondérance des probabilités, qu'il devrait être libéré.
Le juge doit aussi considérer un certain nombre de conditions dans le cas des infractions commises avec violence ou avec une arme à feu. Si l'infraction est présumée avoir été commise avec une arme à feu, il doit interdire la possession et l'utilisation d'armes à feu. Il doit envisager d'imposer des conditions qui protégeront la sécurité des victimes ou des témoins.
:
J'imagine que vous avez probablement suivi l'activité législative. Récemment, le projet de loi , a aboli certaines peines minimales, dont certaines pour des infractions commises avec des armes à feu.
Je ne les connais pas par cœur, mais je me souviens entre autres de l'infraction où on décharge une arme à feu avec l'intention de porter atteinte à quelqu'un, de le blesser, ou quelque chose du genre. Cela m'apparaissait quand même assez particulier. Honnêtement, pour ma part, j'avais un peu de difficultés à accepter cela.
Ne trouvez-vous pas un peu étonnant que, si on abolit les peines minimales pour des infractions commises avec des armes à feu, on puisse, dans le cas d'une libération conditionnelle, renverser le fardeau de la preuve et dire à un individu qu'on le met en prison, à moins qu'il nous prouve qu'il n'est pas un danger pour la société?
Mis ensemble, ces deux principes ne sont-ils pas un peu paradoxaux?
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais demander au Comité et aux fonctionnaires de me donner un peu de latitude au début.
Monsieur Naqvi, je pense qu'il est important de préciser ce dont nous parlons. Je pense que cette étude porte en fait sur quatre problèmes distincts.
Deux d'entre eux ont été très médiatisés et rendus publics, et les premiers ministres provinciaux en ont beaucoup parlé. Il s'agit des problèmes de sécurité publique causés par les récidivistes violents qui obtiennent une libération sous caution. Il en découle des problèmes secondaires d'ordre public causés par les récidivistes de bas niveau qui sont libérés sous caution.
Ces préoccupations sont très médiatisées. Elles sont tout à fait légitimes et elles sont incluses dans notre étude, mais nous avons un système de mise en liberté sous caution plutôt contradictoire. En fait, nous détenons beaucoup trop de prévenus avant leur procès. En tout temps, la plupart des détenus dans les établissements provinciaux n'ont jamais été condamnés pour quoi que ce soit. Ils attendent leur date de procès. On constate, en examinant ce problème, qu'il s'agit d'un nombre disproportionné d'Autochtones, de Canadiens racisés et de personnes à faible revenu. C'est le troisième problème, à mon avis.
Un quatrième problème réside dans le fait que lorsque les prévenus obtiennent leur libération sous caution, il leur est souvent plus difficile de respecter ce que l'on considère comme des conditions de libération sous caution peu contraignantes. Ils se retrouvent alors avec une infraction d'administration publique de la justice même s'ils n'ont pas encore été condamnés.
À mon avis, nous devons aborder ces quatre problèmes différents. Je vais convoquer des témoins pour les quatre — si j'en ai suffisamment — et je vais vous poser des questions à ce sujet.
J'aimerais commencer par les récidivistes violents.
Je ne veux pas vous inciter à dire ce que j'aimerais entendre. Je dirai simplement que nous savons tous que, d'une façon ou d'une autre, notre système ne réussit souvent pas à détenir les prévenus et que nous devrions peut-être resserrer les règles d'une façon ou d'une autre.
Dans un projet de loi antérieur, le Sénat suggère que l'article 518, qui indique que, dans le cadre d'une enquête sur le cautionnement, les procureurs « peuvent » présenter des éléments de preuve sur des condamnations antérieures, ou si le prévenu attend son procès sur une accusation, ou s'il a enfreint des conditions de cautionnement avant de comparaître devant un tribunal, ou s'il ne s'y est pas présenté. Le mot clé dans cet article est « peut », alors je me demande s'il arrive que des juges prennent des décisions sur la mise en liberté sous caution sans que cette information ne leur ait été présentée. Si nous remplacions « peut présenter » par « présente », nous leur garantirions qu'ils ont ces preuves devant eux.
Cela se trouve dans un projet de loi antérieur du Sénat, et je pense qu'il serait raisonnable de l'examiner. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
:
De façon anecdotique, en tout cas dans les médias, nous avons vu des décisions où le juge ne semblait pas avoir toute l'information sur le délinquant parce qu'il n'en avait pas été question dans l'enquête sur le cautionnement.
Au‑delà de l'efficacité, je regarde l'autre extrémité. Resserrer les règles pourrait avoir des avantages pour la sécurité publique. Évidemment, nous tenons toujours compte de l'efficacité, et si nous craignons de détenir trop de monde, bien sûr, nous évaluons les coûts au regard des autres conséquences.
Quant aux délinquants de niveau inférieur, ils constituent le deuxième problème. Je me demande si nous avons des statistiques, si elles sont vraiment recueillies — j'ai l'impression que ce n'est pas le cas, parce que ce sont les provinces qui administrent la justice ici — sur le nombre de délinquants qui sont libérés plusieurs fois pour des infractions semblables. Je n'ai certainement rien vu à ce sujet. Je me demande si vous avez des chiffres sur la fréquence à laquelle cela se produit.
:
Nous n'avons pas de statistiques nationales sur la mise en liberté sous caution pour le moment. Comme vous le savez sans doute, chaque province et territoire est responsable de la collecte de données sur le système de justice pénale, y compris sur les mises en liberté sous caution. Ces données sont parfois publiées dans le Web.
Statistique Canada donne aux provinces et territoires la possibilité de communiquer leurs données sur la mise en liberté sous caution pour la production de séries de données nationales, mais ce ne sont pas tous les secteurs de compétence qui y contribuent.
Grâce à son enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, Statistique Canada peut combiner diverses sources d'information pour créer ce qu'il appelle des « indicateurs composites ». Essentiellement, il s'agit de renseignements combinés sur l'occurrence et les résultats des enquêtes sur le cautionnement dans sept secteurs de compétence qui déclarent leurs données, mais il arrive que les déclarations soient différentes. L'analyse de ces données risque donc d'être compliquée.
Les fonctionnaires du ministère de la Justice travaillent actuellement avec Statistique Canada à une demande spéciale de données pour examiner et analyser les données disponibles.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence.
Le comité de la justice étudie la réforme de la mise en liberté sous caution et sa nécessité. C'est en partie en réponse à une lettre que les 13 premiers ministres provinciaux ont adressée récemment au , et dont j'ai une copie sous les yeux. J'aimerais vous en lire quelques phrases et vous demander vos commentaires: « Nous exhortons le gouvernement fédéral à intervenir sans tarder pour renforcer le système de mise en liberté sous caution du Canada de manière à mieux protéger le public et les héroïques premiers intervenants du pays. »
Nous nous souvenons tous avec beaucoup de tristesse et de stupeur, en fait, du meurtre de l'agent Greg Pierzchala tué par une personne qui était en liberté sous caution après avoir été accusée de crimes commis avec une arme à feu. Il est donc très urgent de nous pencher là‑dessus et pour préserver la confiance du public. Autrement, l'administration de la justice risque d'être discréditée.
Voici le problème que je vois. Les premiers ministres ajoutent: « Le système de justice doit fondamentalement garder hors de nos rues quiconque représente un danger pour la sécurité publique. »
Eh bien, nous sommes tous d'accord là‑dessus, mais comment un juge peut‑il savoir d'avance si une personne constitue un danger? En rétrospective, nous savons tous que l'assassin de l'agent Pierzchala était un danger, mais le juge le savait‑il d'avance?
:
Difficile de répondre à cette question. Je pourrais peut-être répondre en termes légèrement différents. Cette proposition particulière est quelque chose que nous examinons en collaboration avec les provinces et territoires, comme vous pouvez vous y attendre.
L'article 95 crée une infraction générale. Pour ceux d'entre vous qui se rappelleront la nouvelle décision, il y a eu une autre décision de la Cour suprême — MacDonald — concernant un propriétaire d'arme à feu par ailleurs respectueux de la loi qui a entreposé son arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte dans une résidence secondaire. Son permis lui permettait de l'entreposer dans sa résidence principale, mais c'est dans sa résidence secondaire qu'il la gardait.
Pour inverser le fardeau de la preuve pour une infraction de cette nature, il faut tenir compte des situations qui seraient visées et voir si ces situations, qui peuvent ou non poser un risque pour la sécurité publique, justifient l'inversion du fardeau de la preuve.
En ce qui concerne la Charte, j'aurais deux choses à dire.
Le site Web de Justice Canada comprend une ressource consacrée à tous les articles de la Charte. On y trouve des renseignements détaillés sur les dispositions relatives à la mise en liberté sous caution, y compris sur l'inversion du fardeau de la preuve. Je pense que ce qu'un tribunal aimerait vérifier, en évaluant la viabilité d'une inversion du fardeau de la preuve en vertu de la Charte, c'est s'il y a un lien avec les motifs de détention. Y a‑t‑il une cause juste associée à cela?
Comme vous le dites, la Cour suprême du Canada n'a pas invalidé le principe de l'inversion du fardeau de la preuve dans le régime de mise en liberté sous caution.
:
Merci, monsieur le président.
Je pense qu'il nous reste encore des questions fondamentales à discuter, parce que vous êtes ici. Je veux seulement m'assurer que nous avons tout cela... Je sais que les gens vous font entrer dans les menus détails, à juste titre d'ailleurs, mais je me croirais en première année de droit en ce moment.
Parlons de l'inversion du fardeau de la preuve. Décrivez‑nous‑en le concept, en général, en expliquant comment il s'applique à la mise en liberté sous caution en particulier.
S'il vous plaît et merci.
:
L'inversion du fardeau de la preuve s'écarte de l'approche générale de la mise en liberté sous caution à deux égards.
Premièrement, il y a la présomption que le prévenu doit être détenu et, deuxièmement, le prévenu doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a droit à la mise en liberté, compte tenu des motifs prévus par la loi. Il doit prouver au juge qu'il ne risque pas de s'enfuir, que la détention n'est pas justifiée pour la protection du public et qu'elle n'est pas justifiée non plus pour le maintien de la confiance dans l'administration de la justice.
Ces dispositions, énoncées au paragraphe 515(6) du Code, traduisent l'intention du législateur de rendre plus difficile la mise en liberté dans ces circonstances. Comme je l'ai dit, nous avons recours à l'inversion du fardeau de la preuve pour les prévenus qui auraient enfreint les conditions de leur mise en liberté sous caution. Nous avons une inversion du fardeau de la preuve pour la violence contre un partenaire intime, lorsqu'une personne a déjà été reconnue coupable de violence contre un partenaire intime, et pour les infractions plus graves, comme les infractions mettant en cause des armes à feu qui font déjà l'objet d'une ordonnance d'interdiction.
Je pense que c'est tout pour l'inversion du fardeau de la preuve.
:
Je ne sais pas si je peux ajouter quelque chose. Je pense que M. Garrison est probablement aussi bien au courant.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, la Colombie-Britannique s'inquiète depuis un certain temps de la récidive de violence. Nous y travaillons en collaboration avec elle pour voir s'il y a lieu de modifier le régime de mise en liberté sous caution pour régler ce problème.
Dans le cadre de ses responsabilités d'administrateur de la justice, la Colombie-Britannique a mis à jour ses lignes directrices afin de donner des directives à ses procureurs lorsqu'ils traitent des crimes de violence. Je pense que ces lignes directrices couvrent également d'autres circonstances — des considérations propres aux prévenus autochtones, par exemple.
Nous pouvons fournir ces lignes directrices; c'est de l'information accessible au public.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Taylor et madame Moore, il me reste deux minutes de temps de parole, et j'aimerais revenir aux armes à feu.
Je comprends qu'il y a des dispositions particulières pour certains crimes commis à l'aide d'une arme à feu. De plus, comme je le disais tantôt, il n'y a pas si longtemps, on a légiféré pour abolir les peines minimales en lien avec certains crimes commis à l'aide d'une arme feu. Je pense notamment au fait de décharger d'une arme à feu avec une intention particulière; on a aboli la peine minimale de quatre ans qui était associée à cette infraction.
On doit évaluer la gravité du crime. Un avocat de la défense pourrait dire au juge que, dans la société d'aujourd'hui, le crime en question est manifestement beaucoup moins grave qu'il ne l'était il y a 10, 20 ou 50 ans. Il pourrait utiliser ce genre d'argument, puisque le législateur a aboli les peines minimales.
À votre avis, n'est-ce pas inquiétant que l'on puisse utiliser ce genre d'argument?
:
D'accord, mais on donne au juge la possibilité de ne pas imposer une peine de prison.
Récemment, dans l'actualité québécoise, on a parlé d'un cas où la personne avait des armes chez elle, mais on a décidé de ne pas lui imposer une peine de prison.
Une peine minimale, c'est une indication de la gravité du crime. Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Si on abolit une peine minimale qui était fixée à quatre ans, par exemple, cela doit bien vouloir dire que l’on considère que le crime est moins grave. N'ai-je pas raison?
:
Je répète ce que j'ai déjà dit. Je pense que les juges et le Code criminel fournissent une structure; les infractions mettant en jeu des armes à feu sont passibles de lourdes peines d'emprisonnement maximales. Dans sa jurisprudence récente, la Cour suprême a réaffirmé le principe selon lequel une peine maximale, prévue par la loi, donne aux tribunaux des directives claires sur la gravité de l'infraction.
Quant à l'exemple que vous citez au sujet de la décision rendue au Québec, nous sommes au courant. Il y a des possibilités d'appel dans ces cas‑là.
Je comprends ce que vous voulez dire. L'élément important à retenir, encore une fois, c'est que la loi, dans son application, fixe des balises claires. Dans la façon dont elle est appliquée, il y a des situations où les résultats sont peut-être ce à quoi on s'attendrait, mais il y a des freins et contrepoids dans ce système sous forme de droits d'appel, etc.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Je ne pensais pas avoir mon tour, alors c'est un honneur.
Vous connaissez évidemment mes antécédents. Je ne vais pas les énumérer, parce que chaque fois que je le fais, mon collègue, M. Naqvi, qui a déjà été mon patron, intervient pour ajouter son éditorial.
Je peux vous dire, monsieur et madame, que j'aborde cette étude sous un angle complètement différent et dans une perspective différente. Contrairement à mon collègue et à un autre poursuivant, M. Caputo, j'ai passé beaucoup de temps — de 15 à 20 ans — devant les tribunaux à débattre des causes de mise en liberté sous caution.
Je veux savoir si vous êtes d'accord ou non sur mon évaluation.
Avant l'affaire Antic... Je ne sais pas. Vous n'étiez peut-être même pas, vous deux, avocats à ce moment‑là. Je suis là depuis longtemps. Avant Antic, le consensus était que le pendule global en ce qui concerne la réponse aux besoins du public, la protection du public et la mise en évidence des protections garanties par la Charte était faussé et qu'un trop grand nombre de personnes étaient détenues pour des infractions vraiment mineures. Les poursuivants de tout le pays n'ont pas insisté pour que la détention ne porte que sur les cas graves présentant un risque pour la sécurité, non seulement de la collectivité, mais aussi de la victime.
Antic a tenté de renforcer le fait que le pendule était allé trop loin du côté de la protection de la société et du public. À mon avis, il s'est rapproché un peu plus des droits du prévenu.
Puis il y a eu le projet de loi , et une autre décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Zora qui a renforcé ces principes. Le public a maintenant l'impression que le système que nous appelons le système de justice pénale n'est pas équilibré.
Est‑ce le thème? Est‑ce que c'est ce que vous entendez? Lisez-vous des études à ce sujet et entendez-vous les experts et les parties prenantes en parler? Est‑ce une préoccupation au ministère de la Justice?
:
Oui, je pense que c'est un excellent commentaire, monsieur Brock.
Voyons d'abord les préoccupations du public.
En entendant parler des cas tragiques dont nous sommes tous au courant et qui ont motivé votre décision de mener votre étude, le public s'inquiète. Nous comprenons cela. Le comprend cela. Nous aidons le gouvernement à trouver des solutions. C'est pour cela que le ministre Lametti a convoqué la réunion spéciale avec ses homologues provinciaux.
L'autre chose que nous entendons, et c'est peut-être implicite dans ce que vous dites, c'est que le système de mise en liberté sous caution est fondamentalement sain, en ce sens qu'il donne des motifs clairs de détention qui sont bien compris. Cependant, on craint que peut-être, comme vous l'avez dit, l'équilibre soit rompu dans un sens ou dans l'autre.
Il s'agit de maintenir cet équilibre. Ce n'est pas facile à faire.
:
Je vous arrête ici, car mon temps est limité. Je vous en remercie.
Partagez-vous cette conviction?
J'ai parlé à de nombreux juges de la cour provinciale et juges de paix. Nous savons tous que la grande majorité des juges de paix au Canada n'ont pas de formation juridique. Ils ne sont pas tenus d'avoir une formation juridique. Toutefois, eux comme les autres estiment que le projet de loi limite vraiment leur pouvoir discrétionnaire. Le projet de loi C‑75, ainsi que les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans Zora et dans Antic, les a vraiment forcés à envisager la mise en liberté, sans égard aux circonstances de l'infraction, sans égard aux antécédents criminels et sans égard aux défauts de comparaître et au nombre de violations. La mise en liberté est le principe implicite.
Est‑ce un problème pour le ministère?
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Notre étude est importante. De toute évidence, nous étudions la question. Les Canadiens sont très inquiets, mais il y a aussi beaucoup d'écarts dans la façon dont les provinces et les territoires utilisent ce système. Il est tout à fait logique que nous, parlementaires, nous penchions sur le problème. Je pense que nous sommes tous en faveur de cette étude. Je comprends, car je n'ai pas fait le droit criminel. J'apprécie le cours « Criminels 101 ». J'ai fait des études de droit, mais c'était il y a longtemps.
Je vais commencer par le projet de loi , là où vous venez de terminer avec M. Brock. Le projet de loi C‑75 a apporté certaines réformes au Code criminel.
Je sais qu'il n'existe que depuis quelques années, mais j'aimerais que vous nous disiez — pour poursuivre votre réponse — comment il a aligné la loi sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. À votre avis et selon votre expertise, qu'a‑t‑il fait, et a‑t‑on eu suffisamment de temps pour l'évaluer, puisqu'il n'a encore que quelques années?
:
Comme vous le savez peut-être, les dispositions du Code criminel sur la mise en liberté sous caution n'ont pas été modifiées en profondeur depuis la Loi de 1972 sur la réforme du cautionnement. Face aux nombreuses lacunes du système, notamment en ce qui a trait à la libération par la police ou aux formes de mise en liberté, on a tenté d'améliorer le processus au moyen du projet de loi . L'une des dispositions édictées, comme nous en avons discuté, était le « principe de retenue » en vertu de l'article 493.1, qui oblige les juges et les tribunaux à ce qu'ils « cherchent en premier lieu à mettre en liberté le prévenu à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possible [...] ». Ils doivent également tenir compte de la situation des prévenus autochtones dans toute décision relative à la mise en liberté sous caution, tout comme de celle des prévenus appartenant à des populations vulnérables.
Il y avait eu de nombreux appels à la réforme et de nombreuses études sur les lacunes du système de mise en liberté sous caution. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a mené une étude exhaustive sur les retards. Il a examiné la question de la mise en liberté sous caution dans son rapport intitulé Justice différée, justice refusée. Il a expressément recommandé que le ministre de la Justice accorde la priorité à la réduction du nombre de personnes en détention provisoire au Canada. Le principe de retenue répondait directement à cette recommandation. Le Comité directeur sur l'efficacité et l'accès en matière de justice a également réclamé des réformes, tout comme divers rapports.
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a également beaucoup éclairé les modifications relatives à la mise en liberté sous caution. Nous avons parlé de la décision dans l'affaire Antic, mais il y a eu des antécédents. Dans l'arrêt Antic, plus précisément — qui était une décision unanime de la Cour suprême —, l'actuel juge en chef Wagner a écrit qu'il y avait « une absence généralisée d’uniformité dans l’application des règles de droit relatives à la mise en liberté provisoire. En fin de compte, avait‑il déclaré, le nombre de personnes en détention provisoire et les refus d’accorder la mise en liberté provisoire ont augmenté considérablement depuis l’avènement de la Charte. » Vous verrez dans le rapport du Sénat des données sur la détention provisoire. Les sénateurs ont entendu un témoin de la Saskatchewan, qui a dit que la population en détention provisoire avait augmenté de 97 % depuis quelques décennies. C'est assez important.
Je pourrais vous renvoyer au contexte législatif du projet de loi , qui est disponible en ligne, si vous avez des questions à ce sujet.
En ce qui concerne la mise en œuvre des réformes du projet de loi , elles sont entrées en vigueur en 2019. Plus particulièrement, les réformes du cautionnement n'ont pris effet que neuf mois plus tard, je crois, ce qui a coïncidé avec le début de la pandémie. Comme vous le savez, le système judiciaire a subi moult perturbations pendant la pandémie. De nombreux procès devant jury ont été reportés. Les fonctionnaires continuent de chercher des façons d'examiner les données pour accélérer les efforts de mise en œuvre.
Divers projets de recherche sont en cours par des fonctionnaires de la Division de la recherche et de la statistique de Justice Canada. Si vous voulez plus de renseignements à ce sujet, je peux certainement vous les fournir.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre prochain témoin, le commissaire de la Police provinciale de l'Ontario, Thomas Carrique. Nous sommes heureux d'accueillir le commissaire.
Vous avez cinq minutes, mais vous pouvez prendre une ou deux minutes de plus, puisque vous êtes le seul témoin aujourd'hui. Nous aurons une série de questions tout de suite après.
La parole est à vous, commissaire Carrique.
:
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler des préoccupations que j'ai soulevées et que je continuerai de soulever au sujet des circonstances évitables liées au meurtre de l'agent de la Police provinciale de l'Ontario, Greg Pierzchala.
L'une des personnes responsables du décès de l'agent Pierzchala et accusée de meurtre au premier degré, Randall McKenzie, est un récidiviste qui a été reconnu coupable d'infractions violentes liées aux armes à feu. Bien qu'il ait démontré une tendance inquiétante à ne pas respecter les interdictions antérieures relatives aux armes à feu et d'autres conditions imposées par les tribunaux, il a été libéré sous caution en attendant son procès pour des accusations relatives à d'autres infractions violentes à main armée et voies de fait contre trois victimes, dont un agent de la paix.
McKenzie a un passé violent, avec des condamnations criminelles pour vol à main armée, agression armée, possession d'une arme et voies de fait. Il avait fait l'objet d'une interdiction de posséder des armes pendant cinq ans en 2015, de nouvelles interdictions de 10 ans en 2016 et en 2018, année où on lui a également interdit de posséder des armes à feu à vie. Au moment du décès de l'agent Pierzchala, il était assujetti à des conditions de mise en liberté sous caution qui lui interdisaient de posséder une arme et des munitions.
Comme l'a souligné le juge de la Cour supérieure dans la décision de révision de la mise en liberté sous caution qui a libéré McKenzie de la détention le 27 juin 2022, McKenzie avait un dossier de cinq condamnations antérieures pour défaut de se conformer à des ordonnances du tribunal.
Malgré tout cela, il a été libéré sous caution, même si, par le passé, il n'avait pas respecté les conditions imposées, notamment en se débarrassant du dispositif de surveillance électronique qu'il avait été contraint de porter à la cheville pendant qu'il était sous caution. Sa libération a abouti au meurtre de l'agent Pierzchala.
Malheureusement, il n'est pas rare que des récidivistes ayant un passé violent obtiennent une mise en liberté provisoire par voie judiciaire et commettent d'autres actes criminels violents par la suite. En fait, en 2021 et 2022, la Police provinciale de l'Ontario a accusé 587 récidivistes violents de ne pas avoir respecté les conditions de leur libération sous caution. De ces 587 personnes, 464 ont commis des crimes violents pendant qu'elles étaient en liberté sous caution, et 56 de ces crimes ont été commis avec une arme à feu.
Dans bien des cas, l'incarcération est le seul moyen efficace de protéger le public contre les récidivistes violents. Le droit du public d'être protégé contre ces délinquants doit avoir beaucoup plus de poids que ce n'est le cas actuellement lorsque l'on tient compte des questions de mise en liberté sous caution.
Conformément à une résolution de 2008 de l'Association canadienne des chefs de police, de nombreux chefs de police au Canada cherchent actuellement á faire apporter des améliorations à l'alinéa 515(10)b) du Code criminel, qui auraient pour effet de faire valoir la volonté des Canadiens respectueux de la loi et d'obliger les tribunaux à tenir compte des facteurs qui doivent être soupesés par rapport à la libération d'un inculpé.
Ces facteurs comprennent la prévention de la perpétration d'une infraction grave; la perpétration antérieure d'une infraction grave pendant la mise en liberté sous caution; la perpétration antérieure d'une infraction à main armée, en particulier avec une arme à feu; et le nombre et la fréquence des condamnations antérieures de l'accusé pour des infractions graves, y compris la récidive persistante. Ils comprennent également la nature et la probabilité de tout danger pour la vie ou la sécurité personnelle d'une personne ou pour la collectivité que peut présenter la mise en liberté d'une personne accusée d'une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus.
Je crois fermement que nos agents, ceux‑là mêmes qui protègent nos familles, nos collectivités et les Canadiens, méritent d'être protégés contre les récidivistes violents qui sont accusés d'infractions violentes à main armée en attendant leur procès.
Pour conclure, je tiens à exprimer ma reconnaissance au Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour cette étude. Ensemble, en nous engageant à apporter des changements législatifs significatifs et responsables, nous pouvons et devons nous assurer rapidement que l'on accorde un poids approprié aux préoccupations en matière de sécurité publique lorsqu'on envisage la mise en liberté provisoire d'un récidiviste violent, améliorant ainsi la sûreté et la sécurité du Canada et des Canadiens.
Merci. Meegwetch.
Je suis prêt à répondre à vos questions, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur le commissaire. C'est toujours un plaisir de vous accueillir chez nous. J'ai hâte d'entendre votre témoignage et je vais aller droit au but.
Malheureusement, les événements les plus récents ont non seulement été tragiques et troublants, mais ils ont également, à mon avis, galvanisé l'opinion publique, les services de police, les associations de policiers, les chefs de police, les groupes de défense des droits et la population canadienne. Le système de mise en liberté sous caution pose un grave problème au Canada. Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur, compte tenu de vos déclarations de ces dernières semaines?
Vous avez vivement critiqué notre système de mise en liberté sous caution. Êtes-vous d'accord, monsieur le commissaire, pour dire que notre système ne fonctionne pas?
:
Nous convenons tous deux que la vaste majorité des Canadiens accusés d'infractions criminelles exercent — à juste titre — leur droit constitutionnel d'être présumés innocents et d'être libérés sous caution. Cette étude ne porte pas sur ces personnes.
Elle porte sur les personnes que vous venez de citer dans vos statistiques. Je n'ai pas utilisé une calculette, mais d'après mes calculs à moi, il est question de 80 % de récidivistes et la Police provinciale de l'Ontario porte régulièrement des accusations. De ces 80 %, il y a des gens qui utilisent des armes à feu.
Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur, pour dire que le recours à des armes à feu à des fins criminelles, non seulement en Ontario, mais partout au pays, est monté en flèche ces dernières années?
:
Il y a eu une rupture en ce qui concerne la décision que le juge a prise à l'étape de la révision de la mise en liberté sous caution.
Il y a eu une rupture du degré de supervision que sa propre mère assurait à cette personne.
Cette personne, vous en conviendrez, a été libérée au plus haut échelon de cette échelle proverbiale que la Cour suprême du Canada a citée dans l'arrêt Antic, soit la détention à domicile, la surveillance électronique, ne pas posséder d'armes et ne pas sortir du tout, à moins d'être accompagné de sa mère, pour comparaître devant le tribunal et se rendre au cabinet de son avocat.
On n'aurait pas pu opter pour des conditions plus rigoureuses que celles que le juge a imposées pour la libération de cette personne. Êtes-vous d'accord?
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Carrique, d'être avec nous.
Je vous offre d'abord, moi aussi, mes condoléances à la suite du décès de votre collègue. Ce sont des événements qu'on aimerait ne jamais avoir à vivre.
Pour ce qui est de la question de la mise en liberté sous caution qui nous occupe aujourd'hui, au Comité, j'aimerais connaître votre opinion sur les répercussions de certains autres gestes législatifs.
J'en ai un peu parlé au groupe de témoins précédent.
Il n'y a pas si longtemps, on a adopté le projet de loi , qui abolit les peines minimales pour certaines infractions, notamment pour des infractions commises avec armes à feu. On parle de décharger une arme à feu avec intention, ce qui m'apparaît être un crime relativement grave, et, pour ce type d'infraction, le projet de loi C‑5 prévoit qu'il n'y a plus de peine minimale.
À votre avis, est-ce qu'une telle décision de la part du législateur a une incidence sur l'évaluation que fait le juge au moment de la mise en liberté sous caution?
Selon votre expérience, va-t-on prendre en considération le fait que le crime dont l'individu est accusé est possiblement moins grave puisque le législateur vient d'abolir la peine minimale pour le même crime?
:
De la même façon, monsieur Carrique, on a aboli des interdictions. Par exemple, on permet maintenant de purger des peines dans la société pour certaines infractions pour lesquelles ce n'était pas possible avant.
C'est ce qu'on appelle les peines avec sursis. Ce sont les peines que les individus vont purger dans la société plutôt qu'être en prison.
Certaines de ces peines ne pouvaient pas auparavant être imposées pour certaines infractions, mais elles peuvent maintenant l'être, entre autres dans les cas d'agression sexuelle. Un crime d'agression sexuelle pourrait recevoir une sentence de peine avec sursis.
Est-ce un élément qui, à votre avis, pourrait être considéré par le tribunal?
Par exemple, un individu est accusé d'agression sexuelle et il y a une audience portant sur sa libération sous caution. Ne pourrait-on pas dire que, l'agression sexuelle étant maintenant une peine qui peut se purger dans la société, il n'y a pas lieu de détenir cet individu avant son procès?
Qu'en est-il, à votre avis?
:
Merci, monsieur, d'avoir exprimé vos condoléances et merci d'avoir déjà siégé à une commission de services policiers.
Nos agents et la famille de Greg Pierzchala ont été durement touchés. Leur vie a changé à tout jamais. Il y a des policiers si durement touchés qu'ils renonceront au métier. Il y en a d'autres qui vivront dans la crainte de chaque appel radio et de chaque arrêt de circulation. Leurs conjoints et leurs enfants craignent de ne plus jamais les revoir chaque fois qu'ils vont travailler.
Ce ne sont pas des conditions auxquelles devraient faire face les personnes dont nous dépendons pour garantir le caractère sacré et la sécurité de nos collectivités. Les fonctionnaires, nous avons la capacité d'apporter des changements significatifs qui leur apporteront une certaine paix, une certaine détermination, et nous veillerons à ce que nous ayons à l'esprit leurs intérêts et leur sécurité.
Il n'y a pas d'autre profession dans laquelle ils risquent chaque jour non seulement leur sécurité personnelle, mais aussi leur bien-être psychologique et le caractère sacré de leur famille, tout cela pour notre sécurité et notre bien-être.
:
Merci, monsieur le président, et merci, monsieur le commissaire, d'être ici aujourd'hui.
Je me joins à tous mes collègues pour exprimer mes condoléances et celles des gens de la Colombie-Britannique pour le décès tragique de l'agent Greg Pierzchala. Vous êtes outré. Nous en sommes tous outrés. En Colombie-Britannique, l'assassinat en plein service de l'agente Shaelyn Yang de la Gendarmerie royale est encore tout frais dans notre mémoire. C'est déchirant.
C'est une étude importante que nous entreprenons sur la réforme de la mise en liberté sous caution, et comme porte-parole des chefs de police d'un bout à l'autre du pays, vous auriez demandé un champ d'application étroit, très étroit, qui vise les délinquants les plus dangereux et garantisse la sécurité des policiers et des citoyens.
Je vais vous demander — et je vais peut-être répéter un peu la question de M. Garrison — ce que vous entendez par « étroit, très étroit ».
:
Merci, monsieur le président.
Merci, commissaire Carrique, d'être ici.
Nous avons également eu le cœur brisé en apprenant que l'agent avait été assassiné de cette façon. C'est toujours tragique. C'est douloureux de voir cela, car les policiers sont là pour nous protéger, pour veiller à la sécurité de nos collectivités, et quand cela arrive à un jeune homme comme lui, c'est déchirant. Nous offrons nous aussi nos condoléances.
J'aimerais commencer par une partie de votre témoignage, de vos réponses.
Vous avez parlé de codifier davantage l'interprétation de la loi, de lui donner une certaine orientation. Je sais que nous manquons de temps, alors tout le monde pose des questions rapidement. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage.
Merci.
:
Certainement. Je vous remercie de vos condoléances.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais revenir à certaines des recommandations que j'ai citées au sujet de l'alinéa 515(10)b) du Code criminel.
En fait, nous cernons les éléments qui doivent être soupesés comme il convient par rapport à la sécurité publique avant d'envisager la libération d'un délinquant. Il s'agit notamment d'empêcher que l'accusé commette une nouvelle infraction grave; de savoir s'il a commis une infraction grave pendant une libération sous caution antérieure et s'il a des antécédents pour une infraction à main armée, particulièrement s'il s'agit d'une arme à feu; et de déterminer la mesure dans laquelle le nombre et la fréquence des condamnations antérieures de l'accusé pour des infractions graves indiquent qu'il y a récidive et que c'est récurrent. Ensuite, ce qui est très important, c'est la nature et la probabilité de tout danger pour la vie ou la sécurité d'une personne ou de tout danger pour la collectivité que peut présenter la mise en liberté d'une personne accusée d'une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus.
J'estime que ce genre d'instructions codifiées sur ce qui devrait être évalué serait extrêmement utile pour garantir la sécurité publique.
:
Nous avons l'obligation d'aider à la poursuite d'un délinquant, ce qui comprend une enquête de libération sous caution. Nous collaborons avec le procureur de la Couronne pour formuler des recommandations conformes aux conditions de mise en liberté ou propres aux motifs secondaires à considérer au moment de la mise en liberté.
Une fois qu'un délinquant est libéré, la police peut vérifier si les conditions de sa mise en liberté sont respectées. Ce n'est pas toujours évident pour la police. Je suis en visite à Ottawa aujourd'hui. Si j'étais accusé et libéré sous caution et que je retournais à Toronto, où j'habite, la police de Toronto n'aurait aucune idée que je réside dans sa collectivité. Il n'y a aucun moyen de m'identifier, jusqu'à ce qu'ils entrent en contact avec moi, comme délinquant résidant dans leur collectivité. Des initiatives sont en cours pour veiller à l'échange d'information.
Il importe de comprendre qu'il n'y a qu'une seule personne responsable de respecter les conditions de la libération sous caution, soit le délinquant qui s'est engagé à les respecter auprès du juge.
Il peut y avoir une deuxième personne, c'est-à-dire, le garant. Ils ont tous deux assumé la responsabilité de respecter ces conditions. Le garant doit lui aussi être tenu responsable s'il ne s'acquitte pas de ses obligations. Il est extrêmement rare que l'on renonce à une forme quelconque de dépôt. Il y a des garants professionnels qui avancent l'argent sans dépôt pour de nombreux délinquants sans s'acquitter de leurs obligations. On les appelle les cautions professionnelles dans le milieu policier.
:
Absolument. Je pense que cela a fait que les demandes de changement soient entendues.
C'est la deuxième fois que je comparais devant un comité permanent au cours des deux dernières semaines. Il y avait un comité permanent provincial avant cela.
Pour la première fois, à ma connaissance, dans l'histoire de notre pays, tous les premiers ministres provinciaux se sont unis dans une seule lettre adressée à notre pour demander une réforme de la mise en liberté sous caution.
Je pense que la grande majorité des Canadiens appuient les changements que nous demandons. Ils appuient massivement nos policiers et reconnaissent à quel point leur travail est difficile. Ils savent qu'ils ont besoin d'une infrastructure judiciaire adéquate pour garantir leur sécurité.