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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 26 avril 2023

[Enregistrement électronique]

  (1630)  

[Traduction]

     Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à toutes et à tous à la 63e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le mercredi 15 février, le Comité se réunit pour entamer l'étude du projet de loi C‑290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
    Chers collègues, le vol de l'un de nos témoins d'aujourd'hui a malheureusement été retardé. Il s'agit de M. Devine, qui ne pourra pas être des nôtres. Nous entendrons donc deux témoins aujourd'hui.
     Madame Gualtieri, je suis heureux de vous revoir.
    Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire de cinq minutes à nous faire.
    Est‑ce que je commence?
    Oui.
    Nous vous écoutons.
    D'accord.
    Monsieur le président et mesdames et messieurs les députés, c'est un privilège d'être ici. Je remercie les députés Garon et Vignola.
    En 2004, j'ai présenté le premier d'une longue série de témoignages sur les principes d'un projet de loi efficace concernant la dénonciation. Cependant, plutôt que de protéger les dénonciateurs, le gouvernement a imposé un régime oppressif allant à l'encontre de la liberté d'expression. Aujourd'hui, nous devons donc faire face au traitement déshumanisant que le Canada réserve aux dénonciateurs qui, en tant que témoins de l'origine des scandales, sont indispensables pour combler le fossé du secret.
    Les anciens premiers ministres Chrétien, Martin et Harper ont tous affirmé que, sous leurs gouvernements, les dénonciateurs seraient en sécurité. Une lueur d'espoir est apparue en 2006, lorsque Pierre Poilievre a déclaré que le plan était de protéger tous les dénonciateurs, quelle que soit l'approche qu'ils adoptent pour exposer la corruption. Cependant, aujourd'hui, pendant que Justin Trudeau se présente comme le champion mondial de la transparence, les fonctionnaires restent muselés, vraisemblablement impuissants face à l'hypocrisie.
    Il y a 31 ans, je me suis jointe à Affaires mondiales. Mon travail consistait à gérer de manière responsable des milliards de dollars de logements de diplomates. Presque immédiatement après mon entrée en fonction, j'ai été confrontée à une classe diplomatique indulgente qui, en violant les règles, gaspillait des milliards pour des logements excessivement luxueux et palatiaux. Mon devoir envers les contribuables qui travaillent fort m'a empêché de fermer les yeux. En 1995, alors que le Canada était plongé dans une profonde récession, 33 % des enfants des villes vivaient dans la pauvreté, un chiffre qui atteignait 50 % à Montréal. Ce gaspillage flagrant n'était pas seulement illégal, il était ignoble.
    Pendant six ans, j'ai travaillé en interne, croyant que le changement viendrait. Il n'est pas venu. Le ministère a plutôt lancé une campagne de représailles. D'abord subtile, elle est devenue effrontée: on m'a ordonné de me taire lors des réunions, on m'a exclue des notes de service et on m'a privée d'outils de travail essentiels. Comme l'a dit un collègue, on m'a rendue non pertinente. Mon travail a été saboté, ce qui a mis en péril mon emploi et mon salaire. Puis, un jour, j'ai été tout simplement démise de mes fonctions par l'entremise d'une déclaration publique dégradante. Un responsable de l'entretien a pris ma plaque de porte, mon ordinateur et mon téléphone, et le ministère m'a rayée de l'annuaire. Qu'il s'agisse d'un mensonge, d'un manque de courage ou d'autre chose, le non-respect par le sous-ministre adjoint de sa promesse de communiquer à nouveau avec moi à la suite de notre rencontre m'a laissée en plan, sujette à d'autres abus subtils pour avoir renvoyé l'affaire à l'échelon hiérarchique supérieur.
    Le sous-ministre a fait de l'obstruction, et après avoir envoyé des preuves d'extravagance incontrôlée au ministre Lloyd Axworthy, j'ai été menacée d'être tenue responsable pour avoir suggéré un quelconque acte répréhensible. Mon dernier jour de travail, j'étais invisible et seule. Mon directeur m'a dit que le problème était que je tenais trop à bien faire mon travail. L'ignominie finale a été un appel anonyme localisé dans une cabine téléphonique, m'avertissant de manière menaçante de faire marche arrière, sinon le ministère rendrait publique l'identité de la personne avec qui je couchais. Un mois plus tard, le 10 juin 1998, j'ai intenté un procès.
    Ébranlée par six années d'abus, épuisée par une vigilance constante, je devais maintenant faire face à un ministère de la Justice qui avait financé 13 années de conflit, avec l'argent des contribuables, déterminé à me ruiner et à m'anéantir. Sans vergogne, le gouvernement m'a demandé en 2000 de payer 360 000 $ pour une seule motion. En 2003, il m'a ramenée devant le tribunal, prétendant que j'essayais de gagner du temps — j'avais besoin d'un bref répit pour allaiter mon nouveau‑né.
    Aujourd'hui, j'ai 62 ans...
    Une voix: Vous pouvez le faire.
    Mme Joanna Gualtieri: Merci.
    J'ai appris des vérités qui portent à réfléchir. Malgré ma victoire, des décennies passées dans un subterfuge de corruption, de mensonges et de dissimulation laissent des blessures persistantes. Toutefois, la coupure la plus profonde est la perte: perte de temps, d'espoir, de vocation, de sens d'appartenance à un groupe et, surtout, la perte de mon petit frère qui, ayant des besoins spéciaux, comptait sur moi. Engagée dans un conflit contre un gouvernement redoutable, je n'ai pas pu être là quand il avait le plus besoin de moi, et il est mort seul.
    Un an plus tard, j'ai éprouvé les mêmes regrets incapacitants à la mort de ma mère. Nous n'avons jamais pu nous inscrire aux cours de couture. Je n'arrêtais pas de les reporter. Je suis tellement désolée.
    Aujourd'hui, mon mari Serge est ici avec nos fils Zacharie et Sebastien. Au plus profond de notre désespoir, nous avons trouvé du répit grâce à leur arrivée. Pour leur génération, nous devons faire preuve de courage et faire passer la dignité des personnes avant la complaisance envers le pouvoir. Nous devons adopter le projet de loi C‑290 en faisant de ce moment un nouveau départ permettant de restaurer la confiance non seulement dans notre fonction publique, mais aussi dans la vision canadienne de la décence et de la justice.

  (1635)  

     Martin Luther King a dit: « L'arc de l'univers moral est long, mais il tend vers la justice. » Aujourd'hui, adoptez le projet de loi C‑290 et soyez la force qui fait tendre cet arc.
    Merci beaucoup. Désolée.
    Non, c'était très bien. Merci beaucoup, nous l'apprécions.
    Madame Dion, vous pouvez faire votre déclaration préliminaire de cinq minutes.

[Français]

    Je veux d'abord remercier le Comité d'écouter nos histoires. C'est important.
    Je m'appelle Julie Dion, j'ai 55 ans et j'ai travaillé au gouvernement fédéral de 2000 à 2015. J'ai défendu le lanceur d'alerte Luc Sabourin.
    J'ai été recrutée en février 2008 par l'analyste principale de la section des documents, celle-là même qui était la tortionnaire de l'unité.
    Lors de mon entretien d'entrée avec la directrice, elle m'a demandé si j'étais à l'aise de travailler au sein d'une unité où il y avait des problèmes interpersonnels. Je lui ai répondu que je pouvais le faire sans problème, puisque j'étais formée comme agente de référence pour offrir du soutien dans le cadre du programme d'aide aux employés. La directrice savait donc qu'il y avait des problèmes au sein de cette unité.
    J'ai commencé dans cette unité comme cheffe d'équipe où j'étais responsable d'une quinzaine d'employés. C'est au cours de cette année-là que plusieurs employés m'ont abordée, dont M. Sabourin, pour se plaindre de situations de harcèlement, d'injustice et d'intimidation au sein de l'équipe. Pendant les 18 mois de ce mandat, j'ai été témoin de comportements répréhensibles assez importants pour que j'en perde le sommeil.
    Suivant les prescriptions du protocole de plaintes actuel, j'ai transmis l'information à ma gestionnaire immédiate. Cette gestionnaire a dû quitter l'unité dans les six mois qui ont suivi, parce qu'elle était devenue elle-même la cible de l'agent perturbateur. À ce moment-là, le responsable du programme d'aide aux employés m'a proposé une formation en gestion de conflits. J'ai abordé ma directrice pour savoir si je pouvais y assister, et elle m'a répondu que j'avais beau y assister, je ne pourrais rien faire pour notre unité.
    Pendant cette formation, j'ai appris qu'il fallait que je monte d'un niveau au-dessus de ma directrice, puisqu'elle était elle-même impliquée. La personne responsable au niveau supérieur, c'était la vice-présidente de l'Agence des services frontaliers du Canada. Accompagnée des plaignants, je suis allée la rencontrer. Par la suite, cela a été la dégringolade. Les pointes verbales venant de ma directrice et de l'agent perturbateur m'ont fait clairement comprendre que ces deux personnes étaient au courant des plaintes et de la démarche que nous avions entreprise.
    Durant mon court séjour dans cette unité, j'ai vu passer un minimum de 25 personnes, qui venaient et repartaient à cause de cette situation.
    Les angoisses et les cauchemars causés par des commentaires diffamatoires ainsi que des gestes abusifs, agressifs et répréhensibles pourrissaient ma vie. Devant ce chaos et devant mon impuissance, j'ai demandé une année sabbatique pour remplir un mandat de l'Agence canadienne de développement international en Haïti. Il s'agissait d'un contrat de neuf mois.
    J'ai sollicité l'aide de ma directrice à plusieurs reprises pour qu'elle soutienne la formation que je donnais parfois à la section des documents, ce qu'elle a refusé, sans grande surprise.
    À la suite du tremblement de terre en Haïti en 2010, le ministre haïtien m'a demandé de rester pour aider à gérer l'état d'urgence. J'ai demandé à ma nouvelle gestionnaire une prolongation de mon mandat pour me permettre de rester en Haïti, ce qu'elle a refusé. Elle m'a alors sommée de revenir au pays. Devant ce refus, le ministre haïtien a sollicité l'aide de l'ambassadeur canadien pour qu'il intervienne auprès de la directrice afin de me libérer. L'ambassadeur canadien a vu, lui aussi, sa demande être refusée.
    Un courriel du vice-président des opérations de l'ASFC m'a avisée que j'étais congédiée. Je me suis retrouvée sans emploi au gouvernement après 11 ans de loyaux services et après avoir littéralement risqué ma vie pour promouvoir les valeurs et la sécurité de mon pays, tout cela parce que j'avais osé dénoncer la situation, parce que j'avais osé soutenir un lanceur d'alerte.
    En 2013, on m'a contactée de nouveau à la suite d'une enquête, dont M. Sabourin a parlé dans son témoignage, pour que je sois réintégrée dans mon poste, parce qu'on avait découvert que j'avais été congédiée de manière abusive. En 2014, j'ai donc été réintégrée dans un poste inférieur au mien, dans une unité à Sherbrooke qui était loin de mon champ d'expertise.
    Je découvrirai plus tard, à la suite d'une demande d'accès à l'information, qu'une consigne de silence radio avait été donnée à mon égard par la gestion. C'est le coup de grâce de ma carrière; je suis encore ciblée.
    En 2015, je n'en pouvais plus. Souffrant d'un choc post-traumatique relié à cette situation, je suis tombée en congé de maladie. Je n'ai jamais été en mesure de réintégrer un emploi.
    Être lanceur d'alerte dans le système actuel, c'est l'équivalent d'un suicide professionnel. C'est David contre Goliath. En tant que témoin de ce qui se passait avec M. Sabourin, j'ai aussi été ciblée et je n'ai pas été protégée. Si les modifications proposées dans le projet de loi C‑290 avaient été en vigueur, j'aurais été protégée.
    Je demande aux membres du Comité et à tous les Canadiens d'entendre ma cause.

  (1640)  

    L'absence de réelle protection, cela tue. Des actes répréhensibles, voire criminels, ont lieu au sein de l'État, et personne ne dit rien, en raison du manque de protection et de la violence des représailles. Tout cela brise les lanceurs d'alerte. Cela peut même les pousser jusqu'au suicide; croyez-moi, c'est moins rare qu'on le pense. Il faut absolument que les choses changent, et le projet de loi C‑290 fait partie de ce changement.
    Souvenez-vous que le travail que vous faites au Parlement a le potentiel de sauver des vies. Rangez-vous du bon côté, s'il vous plaît.
    Merci.

[Traduction]

     Merci beaucoup, madame Dion.
    Madame Kusie, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Dion, j'ai travaillé pour le ministère des Affaires étrangères pendant 15 ans. J'ai été en affectation au Salvador, en Argentine et, finalement, à Dallas, au Texas. Je me souviens du tremblement de terre de 2010 en Haïti. J'ai participé à l'aide, à ce moment-là.
    Je vous remercie toutes les deux de vos services pour notre pays. Je pense que la plupart des Canadiens ne reconnaissent pas les services rendus par les gens qui travaillent pour le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement ou qui ont travaillé pour l'ACDI.

[Traduction]

    Madame Gualtieri, je suis en train de regarder cette belle photo de vous lorsque vous étiez une jeune femme. J'ai moi-même été une jeune femme. On ne peut faire autrement que se demander à quel point on a changé depuis cette époque. Je ne peux imaginer la différence entre cette personne, si brillante et optimiste, le regard vers le monde, et la personne que vous êtes aujourd'hui, avec tout ce que vous avez vécu.
    Je ne veux pas excuser les actions d'un gouvernement, mais à l'époque où j'étais consule à Dallas, le ministre des Affaires étrangères a pris des décisions très fermes qui ont entraîné la vente de notre résidence officielle à Dallas — ce qui a eu une incidence sur moi — ainsi que de propriétés à Rome, par exemple. Je suis bien sûr consciente de l'injustice que vous avez subie. C'est une injustice, mais sachez que des gens ont entendu vos préoccupations telles qu'elles sont décrites dans l'article en ce qui concerne les attentes des Canadiens servant à l'étranger. Je vous en remercie.
    Maintenant, je vais passer aux questions, madame Gualtieri.
    Quelle sera selon vous l'incidence du projet de loi C‑290 sur les fonctionnaires? Quel aspect positif aurait pu vous aider s'il avait été en place à l'époque?
    Je vous remercie de votre question et de votre intérêt.
    Je suis engagée dans ce mouvement depuis longtemps. Je suis également avocate. Je dois dire que mon engagement initial était très axé sur le droit. Il était en partie dû à ma formation, mais aussi à la nécessité, selon moi, de réglementer des comportements en modifiant les lois. Au fur et à mesure que j'avançais, je me suis rendu compte — je vais vous lire un texte d'un universitaire — que la loi n'est en fait qu'un élément. Elle doit exister, mais nous savons que dans le cadre de tout mouvement social — je pense toujours au mouvement pour les droits civiques —, les lois ont été modifiées. Cependant, ces changements ont pris des décennies, des années et beaucoup de sacrifices. Il y a eu beaucoup de morts et beaucoup de marches. La culture a changé grâce à un rassemblement de personnes.
    Il est essentiel d'adopter le projet de loi C‑290. Le rejet de ce projet de loi enverra un message très grave non seulement à la fonction publique, mais aussi à la population du Canada, un message lui disant qu'elles ne sont pas importantes et que la vérité n'a pas d'importance. Je tiens pour acquis que les gens vont collaborer pour adopter le projet de loi C‑290.
    Est‑ce une panacée? Non. L'un des enjeux les plus critiques consiste à déterminer comment quelqu'un est censé monter un dossier sans représentation juridique. C'est un élément très important dont nous allons devoir discuter.
    Je voudrais vous lire un texte écrit par un universitaire. Je l'enverrai à la greffière. Il s'agit d'un article de Brian Martin, un universitaire australien. Il a dit ceci:
Un dénonciateur est, par essence, une personne qui croit que la vérité doit l'emporter sur le pouvoir. [Il] constitue une menace potentielle pour presque toutes les personnes occupant des postes de pouvoir et doit donc être domestiqué.
Il est irréaliste d'attendre d'une loi qu'elle ébranle les hiérarchies puissantes.
On ne peut s'attendre à ce qu'une procédure formelle puisse être promulguée et mise en œuvre, puis permettre à des individus isolés, soutenus uniquement par la vérité, de gagner de manière fiable contre de puissantes élites organisationnelles.
    La loi est essentielle. Est-elle suffisante? Non. Nous devons effectuer un virage culturel et sociopolitique majeur vers l'acceptation de la dénonciation.

  (1645)  

     Je vous remercie de cette réponse. Je veux aussi prendre un instant pour remercier votre famille également, car personne ne réussit quoi que ce soit sans sa famille. Je tiens à le souligner.

[Français]

    Madame Dion, je voudrais vous demander votre opinion quant à l'importance d'adopter le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui.
    Il est crucial de protéger les dénonciateurs ainsi que les personnes qui sont témoins d'actes répréhensibles et qui soutiennent les dénonciateurs dans leurs démarches. Des gens ont perdu leur vie, leur carrière, leur maison, leur couple. Nous avons besoin d'avoir un encadrement beaucoup plus vaste et détaillé que ce que nous avons actuellement. Cela sauverait des vies.
    Absolument.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je pensais que j'avais 10 secondes, mais d'accord. Je vous remercie, monsieur le président.
    Je crains que le temps ne soit écoulé.
    Monsieur Fergus, je crois comprendre que vous êtes le prochain à intervenir.
    Vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    À mon tour, j'aimerais remercier Mmes Dion et Gualtieri de leurs témoignages très touchants.
    Madame Gualtieri, je n'étais pas au courant de votre situation, mais j'étais très au courant de celle de M. Sabourin et des efforts de Mme Dion pour l'aider.
    J'aimerais vous rassurer: tout le monde autour de la table est d'accord sur le fond de l'important projet de loi C‑290. Nous tentons d'améliorer la loi pour nous assurer d'éviter des déboires comme ceux que vous avez vécus ou dont vous avez été témoins.
    Mes questions seront un peu plus précises, et j'espère que vous serez prêtes à y répondre.

[Traduction]

    Madame Gualtieri, vu votre expérience directe à cet égard, que pensez-vous de l'élargissement de la protection au projet de loi aux fonctionnaires? Je ne parle pas de la divulgation comme telle, mais des personnes qui la font.
    Je suis désolée, mais j'ai eu beaucoup de difficulté à entendre.
    Vous voulez connaître mon impression sur le projet de loi à propos de la protection de quoi?

  (1650)  

    Nous convenons tous que nous devrions protéger la divulgation d'actes répréhensibles. Que pensez-vous de protéger également les personnes qui font ces divulgations?
    Cela va de pair. Nous devons faire enquête sur les faits divulgués, mais il n'y aura pas de divulgation à moins que nous ne protégions la personne qui fait la divulgation. Les actes répréhensibles resteront secrets, dissimilés dans des documents et des réunions privées si les gens ne sont pas protégés. Il ne peut y avoir de divulgation ou de liberté de parole si ces dernières ne sont pas protégées. En assurant cette protection, nous protégeons les gens. Il va de soi que cela va ensemble.

[Français]

    Merci.
    Madame Dion, j'aimerais vous poser la même question. Selon vous, est-ce important d'avoir des dispositions pour protéger la confidentialité des divulgateurs?
    Cette protection est indispensable, parce que, lorsque quelqu'un fait une dénonciation, beaucoup de choses sont en jeu: son état affectif, son état physique, sa famille, etc. Si personne n'arrive à protéger ces gens, tout ce qui va arriver, c'est qu'on ne dira plus rien, plus personne ne fera de dénonciations. Il faut être suicidaire, il faut être prêt à perdre sa carrière et sa vie pour faire des dénonciations dans ces conditions. Vous tous, ici présents, avez une carrière dans laquelle vous investissez tous vos efforts. Quand on décide de parler d'abus qui ont été commis, on joue sa carrière. Si la loi ne nous protège pas, que nous reste-t-il? Il ne nous reste rien. Il faut être un peu fou pour faire des dénonciations.
    J'ai une autre question pour vous, madame Dion.
    Le projet de loi C‑290 propose d'éliminer les références à la bonne foi ou au fait d'avoir des

[Traduction]

« motifs raisonnables » dans des dispositions de la Loi.

[Français]

    Pensez-vous que cela va ouvrir la porte à des accusations injustifiées? Est-ce mieux d'avoir un encadrement disant que les gens doivent croire sincèrement qu'une faute ou une injustice a été commise?
    Monsieur Fergus, quand on dépose une plainte au criminel, une enquête est menée. On ne dit pas qu'on ne croit pas la personne qui a porté plainte et qu'on ne mènera pas d'enquête. Quelqu'un va effectivement mener une enquête et remettre son rapport, et ensuite une décision sera prise.
    Si une personne dépose une plainte injustifiée, elle en paiera le prix de sa carrière, par exemple. C'est la loi qui doit encadrer cela.
    Dans le cas de M. Sabourin ou de Mme Gualtieri, il y a eu répercussions: les gens ont fait des contre-accusations contre les divulgateurs.
    Pensez-vous qu'il devrait y avoir une limite et que les gens doivent sincèrement croire qu'une injustice a été commise avant d'accepter une plainte? Devrait-il y avoir un seuil?
    Si vous parlez d'un premier décideur, la réponse est simple: jamais.
    Le premier décideur recueille la plainte, et on doit mener une enquête sur celle-ci. Il n'y a pas de fumée sans feu. Quand une personne rapporte des gestes illégaux ou criminels, qu'elle sort de l'ombre pour porter plainte, mais qu'on ne la croit pas et qu'on n'examine pas la plainte, cela reste dans l'ombre.
    Ce n'était pas...

[Traduction]

    Je crains que votre temps ne soit écoulé, monsieur Fergus.
    Nous accordons la parole à Mme Vignola pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mesdames Gualtieri et Dion, je vous remercie d'être ici.
    Vous avez toutes deux voulu améliorer le système, mais vous en avez payé le prix. Vous avez été honnêtes, mais cela a eu des répercussions gigantesques. Pour cela, je vous dis merci.
    Madame Dion, dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que le travail du Comité pourrait contribuer à sauver des vies. D'ailleurs, vous l'avez répété en répondant à une question. Il s'agit d'une affirmation bouleversante.
    Vous avez le droit de ne pas répondre à ma question si vous êtes mal à l'aise. Connaissez-vous des fonctionnaires qui ont mis fin à leurs jours ou qui ont tenté de le faire à cause des représailles qu'ils ont subies à la suite d'une divulgation?

  (1655)  

    J'en connais quatre. Il y en a un que je ne connais pas personnellement, mais dont la nouvelle est venue jusqu'à mes oreilles. Cependant, je connais trois fonctionnaires qui ont tenté de s'enlever la vie parce qu'ils avaient été coincés dans une histoire de représailles.
    C'est déjà quatre personnes de trop.
    C'étaient de grands amis.
    Savez-vous s'il existe des données sur le nombre de fonctionnaires fédéraux qui ont été placés en congé de maladie à la suite d'une divulgation?
     J'ai fait quelques recherches à ce sujet, mais, honnêtement, je ne le sais pas. Par contre, je pense que les congés de maladie à long terme sont très souvent associés à des situations comme celles-là, alors il n'y a qu'à examiner le nombre de fonctionnaires placés en congé de maladie à long terme pour avoir une bonne idée du nombre de gens qui ont subi une telle pression que cela a détruit leur vie.
    Vous avez également dit qu'à la suite de tout ce que vous avez vécu, vous avez subi un choc post-traumatique.
    Avez-vous encore des symptômes associés à ce choc? Si oui, quels sont-ils?
    Je suis en thérapie depuis 2014. Encore aujourd'hui, j'ai une difficulté immense à faire confiance aux autres et à lier des relations interpersonnelles. Je fais encore des cauchemars et j'ai encore des angoisses. Oui, j'ai encore beaucoup de symptômes. Je pense que, pour quelqu'un qui souffre de choc post-traumatique, c'est l'histoire d'une vie. La personne doit réapprendre à vivre avec elle-même, après avoir été cassée et brisée. Je sais aujourd'hui que je vais devoir apprendre à vivre avec la fille cassée qui ne peut plus faire confiance aux autres, étant donné que, même quand j'ai crié pour faire entendre justice, cela n'a pas fonctionné.
     Étant donné que le projet de loi C‑290 est un projet de loi émanant d'un député, on sait qu'il n'a pas tout ce qu'il faudrait maintenant. Il appartient au gouvernement de mettre des choses en place, notamment lorsqu'il s'agit de montants d'argent, et ainsi de suite.
    Cela dit, dans l'état actuel des choses, si le projet de loi C‑290 avait existé au moment où vous étiez fonctionnaire et que vous aviez besoin de soutien, auriez-vous vécu les mêmes événements que ceux que vous avez vécus?
    Je suis certaine qu'aujourd'hui, je serais encore sur mes deux pattes et que j'aurais encore ma carrière. Alors non, je n'aurais pas vécu cette situation, si le projet de loi C‑290 avait été en vigueur. J'aurais eu une protection minimale, comme M. Sabourin. Nous serions encore à Ottawa en train de travailler et nous ne serions pas brisés tous les deux.
    Le système s'en porterait mieux maintenant.
    Absolument.
    D'accord.
    Croyez-vous que la population québécoise et canadienne, en général, est au courant de la situation déplorable que vivent les lanceurs d'alerte dans la fonction publique fédérale?
    Non, la population ne peut pas être au courant. C'est caché, c'est complètement caché. Quand une personne en parle, on discrédite ce qu'elle dit, parce que c'est trop gros. On se dit que ce n'est pas possible que cela se produise dans une machine, dans un pays développé comme celui dans lequel on vit. Pourtant, oui, c'est possible.
    C'est pour cela que je dis que chaque plainte mérite une enquête pour que des décisions soient prises par la suite. Il faut aller voir ce qui se passe. Quand un fonctionnaire sort de sa zone de confort pour venir vous demander de l'aide, prenez la peine d'activer le processus. Vous avez le pouvoir de permettre d'enclencher un processus de plainte pour qu'on aille chercher, pour qu'on aille prouver, pour qu'on aille trouver les éléments de preuve afin de corriger la situation.
    Il semble que M. Sabourin a reçu des menaces de représailles s'il allait parler aux médias ou à des députés. On est allé jusqu'à le menacer de lui retirer son fonds de retraite. Avez-vous reçu des menaces du même type? Pouvez-vous apporter des précisions là-dessus?

  (1700)  

    Il y a eu des menaces de nous priver de notre fonds de retraite. On nous rappelait que nous étions liés par le secret professionnel. Or, ce secret professionnel visait le travail que je faisais, pas les abus que je subissais.
    Quand une personne est traumatisée, quand elle se fait brasser, elle n'a plus toute sa tête pour réfléchir. Quand on la menace directement, elle va se figer sur place, sans bouger, parce qu'on la menace et qu'en plus, elle risque de perdre son fonds de retraite.
    Dans mon cas, j'ai déjà perdu des années de service. Je n'ai que 15 ans de service et je n'aurai même pas une pleine pension, parce qu'on m'a coupé l'herbe sous le pied.
    Nous avons donc absolument besoin du projet de loi C‑290.
    Merci, madame Dion.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Johns, vous avez la parole.
    D'abord, je vous remercie de faire preuve de courage et de réclamer justice.
    Madame Gualtieri, je vous interrogerai en premier.
    Avec l'adoption du projet de loi C‑290, est‑ce qu'un fonctionnaire aurait maintenant de fortes chances de l'emporter s'il faisait une dénonciation?
    Vous pouvez peut-être aussi parler de ce qui manque dans le projet de loi  C‑290. J'ai lu un article dans lequel vous parlez d'autres pays et des mesures qu'ils ont prises et qui pourraient être ajoutées au projet de loi pour le renforcer encore plus et même protéger davantage les travailleurs.
    Je vous remercie de ces questions.
    Tom Devine doit témoigner aujourd'hui. Il est directeur juridique du Government Accountability Project. Je travaille avec lui depuis 1998. En fait, j'ai été présidente du conseil d'administration du Government Accountability Project. Il est réellement le chef de file mondial de l'élaboration de lois. Il traitera donc de la question.
    C'est peut-être pour cette raison que j'étais émotive. Je ne parle vraiment pas de mon cas, ne voulant pas braquer les projecteurs sur moi. Je me suis beaucoup occupée des aspects juridiques de l'affaire. Nous avons décidé qu'il traiterait de ces aspects aujourd'hui et que je parlerais plus de la dimension humaine.
    Pour répondre à votre question afin de dire si le projet de loi C‑290 donne aux divulgateurs une chance de l'emporter, j'appuie sans réserve l'adoption du projet de loi C‑290, en raison non seulement de ce qu'il contient, mais aussi de ce qu'il représente. Il constitue un progrès dans le mouvement visant à assurer la transparence, la responsabilité et la liberté de parole des employés.
    Résoudra‑t‑il le problème? Non, parce qu'on se bat contre une machine très redoutable.
    M. Garon le sait, mais il est limité dans ce qu'il peut inclure dans un projet de loi d'initiative parlementaire. Le gouvernement peut en faire bien plus, et nous compterons beaucoup sur lui pour le faire.
    Par exemple, le projet de loi ne prévoit pas d'accès à un conseiller juridique et ne traite pas du fardeau de la preuve, même si je pense qu'on tentera de corriger ces omissions. Quand un employé dépose une plainte, le fardeau change de bord et c'est la partie adverse qui doit prouver que les représailles n'étaient aucunement liées à la divulgation. Sans ce renversement du fardeau, c'est le plaignant qui assume le fardeau de la preuve.
    Comment prouver ce qui était difficile, ce que les patrons faisaient ou ce qui était caché dans des documents et qu'ils ne vous ont jamais communiqué? Sachez que dans mon cas, les documents faisaient cinq étages de haut une fois empilés les uns sur les autres. C'est une somme d'information colossale.
    Le projet de loi lance un tout nouveau débat pour déterminer si le Canada est un pays qui protégera les personnes qui disent la vérité et qui cherchent à protéger le public.
    Vous me faites penser à quelque chose ici.
    Que pensez-vous du fait que le gouvernement n'a pas déposé de projet de loi exhaustif sur la divulgation d'actes répréhensibles? De toute évidence, le gouvernement précédent l'avait fait, mais avec des effets contraires à ceux recherchés dans bien des cas.
     Que pensez-vous du fait que les gouvernements libéraux et conservateurs consécutifs ne se sont pas attaqués aux problèmes?

  (1705)  

    Je pense que c'est un manque total de leadership.
    J'arrive de l'École de commerce Ivey, où j'enseigne chaque année. Les gens s'intéressent vivement à la question, considérant qu'il s'agit d'une attaque à leur endroit.
     Aux États-Unis, le Vioxx, qui a tué de 50 000 à 60 000 personnes, a été retiré du marché après la divulgation du Dr Graham. Au Canada, il y a eu le scandale du sang contaminé dans les années 1980. Environ 60 000 personnes — c'est le chiffre officiel, mais le nombre de morts pourrait être plus élevé — sont mortes de l'hépatite C et du sida, parce que le gouvernement n'a pas analysé le sang quand il aurait pu le faire. Des personnes sont allées en prison en France et dans d'autres pays. Ici, il ne s'est pratiquement rien passé, malgré la tenue d'une enquête publique.
    Nous devons réellement commencer à mobiliser la population. À dire vrai, le gouvernement ne s'est pas assez fait pousser dans le dos jusqu'à présent. Les médias, les parlementaires et la bureaucratie doivent s'impliquer davantage, et il faut inciter la population à réclamer des gestes concrets.
    Je vous remercie.
     Je remercie sincèrement mon collègue d'avoir déposé ce projet de loi d'initiative parlementaire à la place du gouvernement, qui ne fait pas son travail.
    Madame Dion, si nous adoptons ce projet de loi, quel effet cela aurait‑il au Canada?

[Français]

     Je pense que cela permettrait beaucoup plus de transparence et d'acceptation. En fait, personne n'est à l'abri: des erreurs et des abus se produisent partout. Accepter qu'il y en ait, c'est aussi grandir et c'est aussi se redresser, avoir un système plus fort, des règles plus claires et pleinement accepter les employés subalternes qui font le travail. Actuellement, ces gens ne sont pas écoutés. Il n'y a pas de transparence.
    Alors, à mon avis, appuyer et bien encadrer ces gens fera en sorte que le gouvernement fera preuve d'une plus grande transparence face à la population et dans son entièreté. Il ne doit pas jouer à l'autruche et doit regarder ce qui se passe dans sa propre cour.

[Traduction]

    Quel est le dernier pays à adopter une loi sur la dénonciation? Est‑ce le Zimbabwe? Qui était sur le point de...
    C'est le Zimbabwe.
    C'est le Zimbabwe ou quelque chose comme cela.

[Français]

     Je ne suis ni fière ni contente de savoir que notre pays, le Canada, est si en retard dans ce domaine. J'ai du mal à le croire. Voyons donc! Ce sont les travailleurs qui sont censés apporter le changement. C'est terrible, ce qu'on entend. Ce que Mme Gualtieri a raconté, c'est terrible. Que j'aie perdu mon emploi et que Luc Sabourin soit traumatisé comme cela, c'est terrible. S'il vous plaît, aidez-nous. Nous sommes là aujourd'hui pour que vous nous aidiez.

[Traduction]

    Vous avez légèrement dépassé votre temps, mais je vous remercie beaucoup de ces questions.
    Madame Block, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je veux, moi aussi, vous remercier de témoigner aujourd'hui. Vos témoignages donnent à réfléchir. J'admets qu'il est probablement très difficile de revenir sur les difficultés que vous avez rencontrées quand vous étiez à l'emploi de la fonction publique, des difficultés qui continuent manifestement de vous hanter, comme divers témoins I'ont fait remarquer.
    Je souligne également que certains témoins qui ont comparu devant nous au cours des dernières semaines sont ici aujourd'hui. Je constate donc qu'il existe une communauté, qui a certainement vu le jour parce que les gens partagent la même expérience.
    Dans son mémoire, Mme Forward a fait l'observation suivante:
La documentation confirme que la loi à elle seule ne protège pas les divulgateurs, particulièrement si elle est imposée dans un environnement fermé ou réfractaire, car elle ne sera pas appliquée. La culture est aussi, voire plus, importante, car elle est fortement influencée par les dirigeants et par les valeurs et les normes qui ont cours dans les cultures administratives qui se chevauchent au gouvernement.
    Elle poursuit comme suit:
Nous ne pouvons pas continuer de commettre les erreurs du passé qui sont à l'origine du piètre rendement du régime actuel de divulgation sans causer encore plus de préjudices graves.
    Quand on réfléchit à la question, on admet que ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui a peut-être une capacité limitée de résoudre les problèmes, constitue une première étape. Comme vous l'avez indiqué, madame Gualtieri, vous considérez que c'est le début d'un débat qui doit avoir lieu au pays.
    J'admets qu'on dit également que la culture mange de la stratégie pour déjeuner. Ainsi, on peut faire beaucoup en instaurant des mécanismes pour résoudre les problèmes que vous avez soulevés, mais je pense qu'il faut s'attaquer à la culture de la fonction publique, comme Mme Forward le fait remarquer.
    Est‑ce que l'une d'entre vous aurait des suggestions à faire sur la manière dont nous pourrions changer cette culture, tout en nous attaquant aux problèmes avec le projet de loi? Connaissez-vous des exemples où une culture a été changée avec succès pour permettre aux divulgateurs de fonctionner dans un milieu plus sécuritaire?

  (1710)  

    Vous pouvez répondre.
    Je vous remercie beaucoup.
    Sur le plan de la culture, l'exemple le plus évident est celui des États-Unis, qui sont des chefs de file à cet égard. Il s'y fait beaucoup d'actes répréhensibles, mais également beaucoup de bien, notamment en raison d'un fort contre-pouvoir. Dans ce pays, les philanthropes donnent non seulement aux arts, au ballet et à la musique, mais aussi à des causes. J'ai travaillé assez longtemps à Washington pour avoir vu des milliardaires faire des dons au Government Accountability Projets, ou GAP, et à d'autres grandes causes.
    Qu'est‑ce qui a fait évoluer la culture aux États-Unis? En 1986, Challenger a explosé en plein vol, incinérant sept personnes. Nous avons appris par la suite que des ingénieurs avaient déconseillé de lancer la navette, mais la sphère politique avait décidé de la lancer. Reagan voulait la lancer. Comment les gens ont-ils réagi? En inondant les boîtes de réception des membres du Congrès et des sénateurs de courriels outragés. C'est réellement au cours de cette période que la transformation s'est effectuée, car ce n'était plus correct d'ignorer les dénonciateurs. Les choses n'étaient pas parfaites, car le gouvernement adoptait des lois — rédigées en grande partie par M. Devine — pour créer des échappatoires immédiatement après.
    Un réel changement s'est toutefois opéré. Je l'ai constaté dans le cadre du GAP quand j'étais là‑bas. Il y a eu un certain nombre d'affaires, comme des médicaments qui tuent des gens, l'environnement et des centrales nucléaires qui empoisonnaient la population et qui ont été fermées. Qu'on soit d'accord ou non avec lui, M. Snowden a lancé un débat afin de déterminer si le gouvernement peut, sans en avoir le mandat et le droit, commencer à espionner les gens.
    Aujourd'hui, il est extrêmement risqué pour le gouvernement ou le secteur privé d'ignorer les dénonciateurs. C'est aussi un marché très lucratif maintenant en raison des nombreuses questions de responsabilité. Bien des gens intentent des poursuites en vertu de la False Claims Act des États-Unis et reçoivent des sommes substantielles. Soyons honnêtes. Les avocats acceptent maintenant de nombreux cas, car ils empochent des honoraires conditionnels dans l'aventure.
    La culture a changé parce que la population l'a exigé.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Bains, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de comparaître et d'avoir le courage de raconter de nouveau leur histoire et de poursuivre la lutte.
    J'interrogerai peut-être Mme Gualtieri. Plusieurs amendements apportés à la Loi éliminent des restrictions visant à prévenir les chevauchements avec d'autres mesures ou dispositions législatives, comme le paragraphe 19.1(4), qui stipule que l'intéressé ne peut « intenter de recours au titre de toute autre loi fédérale ou de toute convention collective » s'il dépose une plainte pour représailles.
    L'élimination de cette restriction entraînerait-elle un chevauchement important entre les mécanismes de recours?
    Non. Je donnerai une réponse simple à ce sujet, et Tom Devine vous expliquera ce qu'il en est. Tous les droits accordés en vertu d'une loi de protection des dénonciateurs devraient s'additionner. Autrement dit, ce devrait être une option pour le dénonciateur. Pourquoi appuieriez-vous une loi qui restreint des droits inhérents? Nos droits en cas de délit et les droits que nous accorde la Charte devraient être préservés.
    J'ai poursuivi le gouvernement. Savez-vous ce qu'il a fait après que j'ai remporté mon appel avec une décision unanime? Il n'a pas interjeté appel devant la Cour suprême. Il a plutôt glissé discrètement, dans un énorme projet de loi omnibus déposé en 2003, une disposition stipulant qu'un fonctionnaire n'a plus le droit d'intenter des poursuites. Il s'agissait de l'article 236 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique.
    Ce que je vous dis, c'est que dans une démocratie éclairée, les droits devraient s'additionner et ne pas s'exclure l'un l'autre. L'homme qui possède la plus longue expérience en rédaction de lois pour les dénonciateurs est Tom Devine, et il fera la lumière sur ce point.

  (1715)  

    Je suis impatient d'interroger M. Devine.
    J'aimerais également savoir quels problèmes cette élimination causerait.
    Aux États-Unis, où sont intentées la plupart des poursuites, cela n'a pas causé de problème pendant des décennies. On ne peut pas... Comment peut‑on trouver le temps de monter son dossier et d'entamer ensuite de multiples procédures? Cela ne fonctionne pas dans le monde réel. Les gens emprunteront la voie la plus efficace pour avoir une chance de l'emporter.
    Les gens ne vont tout simplement pas de l'avant. Du point de vue fiscal, ce ne serait pas faisable pour un dénonciateur. C'est quelque chose qui est proposé, mais ce n'est tout simplement pas appuyé par les données du monde réel.
    Je poserai une question à Mme Dion.
    Le projet de loi propose également d'ajouter les entrepreneurs à la définition de « fonctionnaire » dans la Loi. Cela ne pose‑t‑il pas un problème de division constitutionnelle des pouvoirs, puisque la plupart des entrepreneurs sont assujettis à la loi du travail provinciale? Pourriez-vous donner votre son de cloche?
    Je ne vois pas comment cela pourrait créer une division.
    Madame Gualtieri, peut-être pourriez-vous...
    Parler de la question des sphères de compétence?
    Oui, car le projet de loi ajoute les entrepreneurs à la définition de « fonctionnaire » dans la Loi. Cela pourrait entraîner une division constitutionnelle des pouvoirs, car les entrepreneurs sont principalement assujettis à la loi du travail provinciale.
    Nous devons manifestement régler des problèmes de sphères de compétences, car c'est une question constitutionnelle. Je pense qu'il faut comprendre que tout part d'en haut. Une fois que le premier ministre et son cabinet, puis son parti et le Parlement font savoir que le gouvernement assurera une solide protection des employés sous réglementation fédérale qui font une dénonciation, cela aura un effet de cascade.
    J'ai collaboré avec des provinces. Elles ont observé ce que faisait le gouvernement fédéral, car à titre de pionnières, elles cherchaient à savoir comment procéder. Le gouvernement fédéral a établi un très mauvais précédent et les provinces l'ont imité.
    Quand le gouvernement fédéral changera la donne et fera ce qu'il faut, je suis pas mal certaine que les provinces suivront le mouvement.
    Je crains que votre temps ne soit écoulé, monsieur Bains. Je vous remercie beaucoup.
    Madame Vignola, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Gualtieri, vous vouliez travailler dans un environnement qui était efficace, éthique et responsable envers les contribuables. J'ai compris de votre allocution que vous avez été harcelée. Vous êtes allée beaucoup plus haut pour dénoncer les abus dans le ministère pour lequel vous travailliez. Si j'ai bien compris, vous êtes allée jusqu'au ministre, qui était, à ce moment-là, le tout-puissant Lloyd Axworthy.
    Quelle a été la réponse et quelles ont été les conséquences?

  (1720)  

[Traduction]

    Je pense que c'est une question primordiale. Il y a beaucoup d'obséquiosité au sein du gouvernement et dans les institutions en général. Je pense que tout le monde devrait être traité de manière égale, tout en admettant qu'il faut faire preuve de déférence et de respect envers ses patrons, bien entendu.
    La question que vous posez est trop vaste pour que nous la réglions aujourd'hui, car elle soulève celle de la responsabilité ministérielle, qui s'effrite maintenant depuis des années au Canada. Il s'en écrit beaucoup à ce sujet, et je vous encourage à en discuter quand vous examinez le projet de loi sur la dénonciation.
    Avec M. Axworthy, c'était exaspérant. Il sillonnait le monde à titre de champion des droits de la personne, alors quand je me suis adressée à lui, j'étais certaine qu'il m'écouterait. Comme je l'ai indiqué, j'ai plutôt reçu très rapidement une lettre où il m'accusait de diffamation. Je l'ai donc poursuivi et il a été entraîné dans le processus. Cela remonte à 25 ans. J'espère qu'aujourd'hui, un ministre ne renverrait pas avec une telle impudence un employé qui se présenterait avec autant de preuves à l'appui.

[Français]

     En somme, vous avez été menacée par un ministre ou par le gouvernement.

[Traduction]

     Oui. Il a très clairement fait comprendre que...
    Je crains que votre temps ne soit écoulé. Je suis désolé. Nous pourrons peut-être vous revenir lors du prochain tour.
    Monsieur Johns, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je laisserai la témoin clore rapidement son propos.
    Allez‑y.
    En effet, il m'accusait très clairement de diffamation. C'est un argument bien pratique à invoquer, mais au bout du compte, je pense que rien n'est aussi puissant que la vérité, aussi difficile soit-elle.
    Pouvez-vous expliquer brièvement le processus à suivre pour les dénonciateurs? Quels droits leur accorde la loi actuelle et leur octroierait le projet de loi C‑290? Devons-nous apporter d'autres améliorations pour être certains que le processus est équitable?
    C'est une excellente question parce que, pour pouvoir avoir gain de cause, on doit être en mesure de profiter du droit à l'application régulière de la loi. Autrement, vous êtes — je cherche l'expression — sur un terrain glissant... Les droits actuellement accordés par la loi sont gênants. C'est une atteinte à ce que le Canada a défendu tout au long de son histoire. Ce sont des droits essentiellement faibles et insipides.
    Cette loi s'attaque au problème. Elle les renforce. Elle élimine la notion de bonne foi. M. Bains — ou c'était peut-être M. Fergus — a soulevé la question de la bonne foi. C'est un argument qui a été rejeté il y a longtemps. Nous ne cherchons pas à entrer dans la tête des gens pour déterminer si les faits ou les preuves qu'ils avancent sont fondés ou non. Cette loi s'attaque de front à ce problème. Elle donne aussi la possibilité de porter directement appel devant le tribunal.
    J'ai des opinions bien arrêtées sur le tribunal. Je ne pense pas qu'il... Son bilan montre qu'il n'est pas efficace, et le Canada obtient de moins en moins de résultats avec les tribunaux.
    Je suis sans aucun doute un ardent défenseur, tout comme Tom Devine, du concept selon lequel on doit avoir accès à nos cours de justice.
    J'ai une brève question.
    J'ai demandé à Mme Dion ce que l'adoption du projet de loi C‑290 signifierait pour le Canada. Pouvez-vous dire à quoi la situation ressemblerait si nous ne réussissons pas à le faire adopter?
    Si nous ne réussissons pas à le faire adopter, ce sera un jour sombre. Ce sera une honte nationale, une honte internationale. Bien franchement, ce sera un échec de la part des parlementaires qui ne l'ont pas appuyé.
    Comment peut‑on ne pas appuyer la liberté d'expression professionnelle? Ce n'est pas crédible dans une démocratie fonctionnelle et libre.

  (1725)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Barrett, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui et de nous faire profiter de leur expertise et de leur expérience.
    Pouvez-vous me donner des exemples internationaux de pratiques exemplaires de protection des dénonciateurs? Je vais donner à chaque témoin l'occasion de répondre.
    Je pense que la meilleure façon de répondre — encore une fois, car le temps est sacré ici — serait pour nous de le faire par écrit. C'est ce que je fais pour des comités depuis 2004.
    M. Devine est vraiment le maître de ces pratiques exemplaires. De nombreux pays partout dans le monde les ont mises en œuvre. À l'heure actuelle, nous en avons une. Ce projet de loi en propose beaucoup d'autres. C'est donc une amélioration, mais, comme je le dis, il faut avoir une structure fondamentale. On peut mettre de l'essence, de l'huile et des sièges de grande qualité dans une auto, mais si les bases du véhicule, le châssis, sont rouillées, vous allez avoir des problèmes. Nous avons de véritables problèmes structuraux en ce qui a trait à l'endroit où on peut obtenir réparation.
    Nous allons vous fournir ces pratiques exemplaires. Je pense qu'elles vous feront beaucoup réfléchir à la prochaine étape à suivre en présentant un projet de loi.
    Avant de poser mes questions à Mme Dion... Quelle est la meilleure chose que nous pourrions faire en ce moment? Quelle est selon vous la chose la plus importante qui doit se produire maintenant?
    Vous devez appuyer ce projet de loi. Nous pouvons vous aider avec les amendements. Encore une fois, c'est limité, car un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut pas prévoir de dépenses, et c'est lié en grande partie aux dépenses, aux procédures de recours.
    Un dénonciateur qui sacrifie tout doit être en mesure d'obtenir réparation. C'est une question de dépenses. C'est le cas des frais juridiques. Le projet de loi doit être financé. C'est un excellent signal pour dire que c'est important. Il y a des recours pour lesquels nous allons vous aider, et nous allons essayer de vous fournir le plus grand nombre possible de pratiques exemplaires pouvant être mises en œuvre dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
    Merci beaucoup.
    Madame Dion, aimeriez-vous nous faire part de pratiques exemplaires...
    La plus importante est le projet de loi.
    ... concernant la meilleure façon de procéder pour nous?
    C'est très vague et vaste.

[Français]

     Je vais revenir sur la crédibilité des plaintes qui sont déposées. À mon avis, la première chose à faire serait de s'assurer qu'on donne suite aux plaintes et qu'on écoute les gens qui dénoncent ces situations. Je pense que le projet de loi C‑290 va offrir la protection dont on a besoin en matière d'anonymat et permettre que les choses se fassent sans problème pour les deux parties.
     Je pense qu'il faut donner suite aux plaintes et que chacune d'entre elles doit être écoutée et faire l'objet d'une enquête.

[Traduction]

    Je vois.
    Et vous, madame Gualtieri?
    Vous reste‑t‑il du temps?
    Dans l'affirmative...
    Il a 45 secondes.
    Le fardeau de la preuve est incontournable. La consigne du silence... Je suis désolée. J'aurais dû en parler.
    J'ai dû me soumettre à ce que l'avocat qui a plaidé pour moi — et il a énormément d'expérience dans le domaine — a qualifié de consigne du silence la plus draconienne qu'il ait vue. Vous ne pouvez pas donner de droits en vertu de cette loi pour ensuite, en même temps, réduire les gens au silence — c'est ce qui est fait au début dans le contexte de l'emploi et après la divulgation.

  (1730)  

    Parlez-vous d'ententes de non-divulgation...
    Il n'est pas seulement question des ententes de non-divulgation, monsieur Barrett. C'est aussi... Les ministères ont, essentiellement, des ordonnances imposant le secret à propos de ce qu'on peut et ne peut pas dire, ou de ce qu'on peut communiquer dans le milieu de travail. Ces ordonnances ne peuvent pas annuler les droits de dénonciation.
    C'est très utile.
    Merci beaucoup, madame Gualtieri, madame Dion.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Barrett, merci.
    Monsieur Jowhari, allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins d'être ici. Vous nous avez parlé de ce que vous avez vécu, et c'était effectivement difficile. Je vous remercie de la force dont vous avez fait preuve. Merci du service que vous rendez au pays.
    Je vais commencer par Mme Gualtieri.
    Vous avez dit qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi d'initiative ministérielle. Nous sommes tous déterminés à apporter le bon amendement. Je suis convaincu que nous allons collaborer pour apporter le bon amendement afin de gérer la portée de la mesure et certaines conséquences imprévues des recommandations. J'espère que nous allons renvoyer le texte à la Chambre et qu'il sera adopté.
    Vous avez mentionné que vous savez que ce projet de loi sera adopté à un moment donné. Fondamentalement, ce qui doit se produire, c'est un changement culturel et sociopolitique. C'est la première question que ma collègue, Mme Block, a abordée. C'est celle que j'aimerais approfondir un peu parce que je pense qu'un changement culturel et sociopolitique pourrait être quelque chose qui... Mon collègue, le député Barrett, a demandé ce que nous pouvons faire dans l'immédiat. C'est probablement une chose que nous pourrions examiner, en commençant très bientôt.
    Pouvez-vous nous aider à, si je puis dire, démystifier la question ou à la décortiquer et nous dire précisément ce qui doit changer?
    Je sais que vous avez parlé du rôle de la population et de la façon dont les gens ont été mobilisés aux États-Unis. Qu'en est‑il dans la structure gouvernementale? Que pourrait‑on faire?
    C'est une excellente question.
    J'ai joint la fonction publique en 1992. Ma sœur est également fonctionnaire, et d'autres membres de ma famille élargie l'ont été.
    Je pense qu'il y a un déclin dans la fonction publique depuis maintenant de nombreuses décennies. Le pouvoir se retrouvait de plus en plus au sein du Bureau du Conseil privé, entre les mains de personnes que nous appelions à l'époque des mandarins. On a étouffé ainsi les bons fonctionnaires travaillants.
    Dans mes propos aujourd'hui, je ne cherche aucunement à dénigrer les fonctionnaires, car la plupart d'entre eux font un bon travail. La question est la suivante: peuvent-ils faire un bon travail? Les gens ne peuvent pas dénoncer une situation lorsque les enjeux sont si importants. Comment peut‑on alors changer la culture?
    De manière générale, tout au long de l'histoire, la culture change lorsque les gens au sommet décident qu'ils ne vont pas tolérer les mauvais traitements observés dans la fonction publique. Je vous exhorte à consulter les sondages que le Conseil du Trésor a commencé à faire en 1998. Dans mon ministère, celui des affaires étrangères, le taux de harcèlement se situait à 25 %. Aucune entreprise privée ne pourrait fonctionner de cette façon. C'est important.
    Je crois que M. Fergus a soulevé la question. Quelqu'un a parlé de l'invalidité. Un grand nombre de fonctionnaires reçoivent des prestations d'invalidité de courte ou de longue durée. Ce qui n'est pas dit, en général, c'est que la fonction publique finance elle-même ces prestations. Ce n'est pas Sun Life, l'administrateur du régime. Non, ce sont les contribuables. Ils sont perdants lorsqu'il y a des actes répréhensibles. Ils sont perdants à cause de l'inefficacité du gouvernement, et ils le sont encore lorsque des gens reçoivent des prestations d'invalidité à long terme. Ce sont les contribuables qui les financent.
    La culture doit changer au moyen d'une révolution au sommet et en encourageant les gens à être créatifs, à participer et à apporter la meilleure contribution possible.
    Merci.
    Il me reste environ 40 secondes, et je vais vous les donner puisque vous avez dit que vous voulez parler du fardeau de la preuve.
    Allez‑y. Vous avez 45 secondes.

  (1735)  

    Le fardeau de la preuve est un concept très simple, vraiment.
    En général, dans une action en justice, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Les mesures législatives de protection des dénonciateurs transfèrent le fardeau. Dans ce cas‑ci, c'est le gouvernement qui devrait prouver qu'il n'a pas riposté parce que la personne a sonné l'alarme. Cela change tout. Cela donne au dénonciateur une chance de gagner. Sans le transfert du fardeau de la preuve, il n'y parviendra pas.
    C'est tout le temps que nous avions.
    Merci beaucoup de nous avoir consacré du temps, madame Gualtieri. C'est toujours un plaisir. Merci d'avoir parlé du transfert du fardeau de la preuve. Je sais d'après des études antérieures que cela a toujours été le principal problème à régler, alors merci beaucoup.
    Madame Dion, merci encore de nous avoir consacré du temps. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Chers collègues, nous allons suspendre quelques instants pendant que nous changeons de témoins.

  (1735)  


  (1740)  

    Chers collègues, reprenons.
    Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins qui, je dois dire, sont des amis de longue date du Comité. M. Bron et M. Hutton ont grandement contribué à notre dernière étude et à d'autres études sur les dénonciateurs.
    Messieurs, je vous souhaite un bon retour parmi nous. Je vous remercie sincèrement d'être ici aujourd'hui.
    Je crois comprendre que vous avez chacun une déclaration liminaire de cinq minutes à faire.
    Monsieur Hutton, allez‑y, s'il vous plaît.
    Je remercie le Comité de nous entendre. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
    Je dois avouer que je me sens très nerveux aujourd'hui. Ce n'est habituellement pas le cas, et je pense que c'est parce que les enjeux sont énormes. C'est une question très importante. Je pense que le Comité commence à s'en rendre compte. Nous avons entendu des témoignages formidables, et je veux essayer de poursuivre sur cette lancée.
    J'ai commencé à travailler dans ce domaine avant l'adoption de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, et j'étudie cette loi, je la surveille et je produis des rapports à ce sujet depuis maintenant 17 ans. J'ai dirigé un organisme de bienfaisance pour les dénonciateurs pendant six ans et j'ai géré une ligne d'aide. Plus de 400 dénonciateurs ont communiqué avec moi. Je me suis vite rendu compte d'une tendance très constante dans les représailles. L'expérience vécue par Luc Sabourin et Mme Dion tombe certainement dans cette catégorie. Vous ne devriez avoir aucun doute sur tout ce qu'ils vous ont dit, car ce sont des exemples typiques.
    De toute évidence, les représailles sont exercées par les malfaiteurs, qui sont habituellement impitoyables et déterminés à se protéger. Ils profitent toutefois de l'aide et de la complicité de la direction, qui estime que son premier devoir est de protéger les hauts dirigeants de l'organisation et leur réputation, et la réaction impulsive à la plupart des problèmes est donc tout simplement de tenter de les dissimuler.
    À partir du moment où un dénonciateur commence à remettre en question une situation, il est considéré comme une menace pour l'organisation, comme un fauteur de troubles qu'il faut remettre à sa place, et tous les efforts déployés visent à le détruire pour envoyer un message d'avertissement aux autres. Lorsqu'on ne protège pas les dénonciateurs, on ne se protège pas soi-même, car les malfaiteurs s'épanouissent, obtiennent plus de pouvoirs et causent plus de tort.
    Il y a deux exemples que M. Bron et moi-même connaissons très bien. Dans les deux cas, des gestionnaires incompétents ont bâclé un nouveau projet, mais ils ont réussi, en réduisant au silence les dénonciateurs, à dissimuler leurs propres erreurs pour donner l'impression de réussir. On a fini par leur donner de plus grandes responsabilités, qu'ils ont également bâclées, ce qui a donné lieu à des situations vraiment désastreuses. Je parle du système de paye Phénix et de la catastrophe ferroviaire à Lac-Mégantic. La trajectoire est quasi identique.
    Dans les deux cas, la dissimulation s'est poursuivie même après la catastrophe. Les organisations n'ont pas compris ce qui a mal tourné, et personne n'a eu de comptes à rendre. Par conséquent, les mesures correctives nécessaires n'ont toujours pas été prises. On continue d'avancer à tâtons, et nous continuons d'en payer le prix de diverses façons.
    Je pense que vous savez déjà que la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles est une mesure législative terriblement déficiente, mais vous ne vous rendez peut-être pas compte à quel point.
    Je l'ai étudiée, et les rapports que j'ai écrits, depuis 2012, ont permis de cerner plus de 40 problèmes. Il nous est impossible de tous les régler, mais nous pouvons intervenir de manière très précise pour que la loi fonctionne mieux. Des décennies d'expérience nous ont appris que la lutte contre la corruption avec l'aide de dénonciateurs nécessite un système de protection complet avec des composantes bien définies. C'est comme une auto — nous avons déjà entendu l'analogie — qui, au minimum, a besoin d'au moins cinq éléments: le moteur, la boîte de transmission, les roues, les freins et — qu'est‑ce que j'oublie — le volant. De quoi pouvons-nous nous passer? De rien. Si l'une ou l'autre de ces choses fait défaut, l'auto est immobilisée. Elle devient un morceau de métal inutile.
    De la même façon, nous avons établi cinq catégories dans nos critères. Elles décrivent les composantes importantes d'un système de dénonciation: la liberté de dénoncer sans faire face à toutes sortes d'obstacles et de pièges afin que les gens puissent sonner l'alarme; la protection contre les représailles à partir du moment où la personne se manifeste; et la réparation pour les représailles de sorte que, s'il y en a, on puisse obtenir réparation. Ce sont les trois choses nécessaires pour que le dénonciateur fasse son travail. La quatrième catégorie est la protection du public, ce qui nécessite des enquêtes rigoureuses, indépendantes et approfondies suivies d'une mesure corrective. La cinquième n'est peut-être pas aussi évidente. Il s'agit des mesures et de l'information qui permettent de voir que le système fonctionne. On n'a autrement aucun moyen de le surveiller ou de déterminer ce qui doit être amélioré, ce qui revient à avoir les mains liées.
    Ces cinq catégories doivent toutes fonctionner pour que le système fonctionne à son tour. Dans le cas de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, rien de tout cela ne fonctionne.

  (1745)  

    Le défi est de faire en sorte que toutes ces catégories fonctionnent, et nous pouvons vous aider.
    Je vais demander à M. Hutton de prendre le relais.
    Merci, monsieur Hutton.
    Allez‑y, monsieur Bron.
     Bonjour à tous et merci de m'avoir invité à prendre la parole.
    J'étudie les mécanismes de la dénonciation depuis plus de 10 ans, mais il est tout aussi important de savoir que j'ai moi-même vécu une expérience en tant que dénonciateur en 2006. Ancien officier de marine, j'ai rejoint la fonction publique fédérale après les attentats du 11 septembre. J'ai rapidement gravi les échelons pour devenir chef de la réglementation en matière de sécurité des transports à Transports Canada. Après avoir été témoin de fautes graves, j'ai dénoncé la situation, croyant naïvement être protégé en cas de représailles. C'était avant l'entrée en vigueur de la LPFDAR, mais je ne pense pas que cette loi m'aurait protégé de toute façon.
    Suite à ma dénonciation, le ministère a déployé l'ensemble de ses ressources contre moi. J'ai été accusé à tort de violations de la sécurité et de harcèlement. Lorsqu'un collègue et moi-même nous sommes défendus en recourant à la procédure de règlement des griefs, un individu impliqué a eu connaissance de ma plainte. Il fut enrageant pour moi de subir alors autant d'abus de pouvoir avec la complicité des ressources humaines et du responsable de l'intégrité du ministère.
    Mes finances personnelles ont été ruinées par le coût de ce processus, ma santé mentale s'est détériorée — je souffrais déjà du syndrome de stress post-traumatique dû à mon service militaire —, et mon mariage a pris fin. Il m'a fallu six ans pour échapper à ce cauchemar. Malheureusement, mes efforts n'ont rien donné. Les individus et les pratiques que j'ai dénoncés sont restés en place, et c'est d'ailleurs ce même genre de conditions qui ont permis à la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic de se produire.
    L'un des rares aspects positifs de cette expérience est que j'ai eu l'occasion de rencontrer d'autres dénonciateurs. Les similitudes entre nos expériences ont éveillé ma curiosité et j'ai donc commencé à étudier le phénomène en profondeur. Ma thèse de doctorat a porté sur les régimes de dénonciation au Royaume-Uni, au Canada et en Australie. J'ai étudié la littérature sur le sujet et interrogé des dizaines de dénonciateurs, mais aussi des fonctionnaires, des juristes, des représentants syndicaux et des universitaires. Ces travaux m'ont permis de mieux comprendre comment les régimes de dénonciation sont censés fonctionner, comment ils fonctionnent concrètement, et ce qui crée l'écart entre les attentes et la réalité.
    Les cas de dénonciation se sont accumulés au point où nous pouvons désormais nous référer à une série de pratiques exemplaires. Au Centre for Free Expression, nous avons d'ailleurs élaboré notre propre document sur les pratiques exemplaires, en nous basant sur les normes internationales et sur nos propres expériences. En m'appuyant sur ce document, j'ai réalisé au cours de la dernière année cinq évaluations des lois provinciales en matière de dénonciation.
    Après avoir étudié minutieusement le projet de loi C‑290, j'en suis arrivé à la conclusion que la LPFDAR ne répond à aucune catégorie principale de nos critères. Comme l'a souligné M. Hutton, des lacunes majeures rendent cette loi inutile pour la quasi-totalité des dénonciateurs.
    Bien que le projet de loi C‑290 améliore considérablement la LPFDAR et constitue un excellent début, il ne suffit pas à rendre cette loi efficace, et il subsiste six lacunes majeures.
    Premièrement, de nombreux dénonciateurs qui croient être protégés par cette loi ne le seront pas s'ils ne prononcent pas les mots magiques, c'est‑à‑dire si leur divulgation n'est pas faite exactement de la bonne manière ou aux bonnes personnes.
    Deuxièmement, il n'existe toujours pas d'obligation de protéger activement le dénonciateur dès l'instant où il commence à s'exprimer. Les dénonciateurs s'exposent plutôt à des représailles qui peuvent durer des années avant d'être en mesure de demander une quelconque forme de réparation. À ce moment‑là, la majorité d'entre eux sont bafoués et abandonnent, et l'enjeu d'intérêt public est relégué aux oubliettes.
    Troisièmement, il n'existe pas de mesures provisoires pour protéger les dénonciateurs contre les représailles. Paradoxalement, les individus accusés de représailles bénéficient, eux, de plusieurs mesures provisoires de protection.
    Quatrièmement, le commissaire à l'intégrité ne dispose toujours pas de pouvoirs spéciaux pour enquêter sur les plaintes en matière de représailles, de sorte que les ministères ont le champ libre de faire de l'obstruction.
    Cinquièmement, les procédures visant à corriger les actes répréhensibles demeurent fondamentalement lacunaires, car il n'existe aucune norme en matière de compétence ni de délais à respecter dans le cadre des enquêtes. Les enquêtes ministérielles restent particulièrement vulnérables aux interférences.
    Sixièmement, bien que l'obligation de procéder à des évaluations quinquennales représente un pas dans la bonne direction, il n'est toujours pas possible de mesurer ou d'auditer les performances du régime de dénonciation.
    Pour conclure, alors que les dénonciateurs restent systématiquement désavantagés, les individus coupables d'actes répréhensibles continuent d'avoir le bénéfice du doute.
    Pour remédier aux lacunes de la LPFDAR, d'autres changements seront nécessaires. De manière générale, les prochaines révisions devront aborder la loi avec une mentalité différente. La protection des dénonciateurs doit être la priorité au lieu d'être reléguée au second plan comme c'est le cas actuellement. Les enquêtes doivent répondre à des normes de compétence et être menées à bien dans un délai raisonnable. Enfin, un dénonciateur doit être en mesure de réfuter les preuves fournies par les fonctionnaires impliqués dans un acte potentiellement répréhensible.
    Je conclurai par un point important qui semble parfois échapper aux personnes qui n'ont jamais eu à subir de représailles. Un régime de dénonciation efficace doit être conçu en ayant en tête le pire scénario possible. Il faut éviter de s'imaginer que les représailles pourront être limitées par des contrepoids structurels et juridiques, par le bon sens, ou même par la décence humaine. Le régime de dénonciation doit être conçu en partant de la prémisse que les individus impliqués pourraient ignorer de telles contraintes, surtout s'il s'agit de personnes influentes ayant commis des actes graves.
    Je vous remercie.

  (1750)  

     Je vous remercie, monsieur Bron.
    Madame Block, à vous la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins de s'être joints à nous aujourd'hui. Monsieur Bron, vous venez de livrer un excellent témoignage. J'ai consulté les documents qui nous ont été fournis et j'apprécie votre expertise par rapport à cet enjeu.
    Mercredi dernier, lorsque Mme Vignola a demandé à M. Sabourin s'il regrette d'avoir dénoncé des actes répréhensibles comme il l'a fait, il lui a répondu que si c'était à refaire, il aurait procédé d'une tout autre manière. En effet, il a déclaré qu'il avait l'impression d'avoir été abandonné par le système, et qu'il aurait dû se contenter d'envoyer une lettre de dénonciation aux médias.
     Nous voici aujourd'hui réunis pour discuter de cet enjeu, alors que, très récemment, les médias ont rapporté avoir reçu des renseignements du SCRS faisant état d'ingérence étrangère dans nos élections. Malheureusement, il semble que le premier ministre soit plus préoccupé à cerner l'identité du dénonciateur plutôt que par la nature même des allégations.
    Lors de son témoignage, de même que dans son mémoire, Mme Forward a indiqué que la législation seule ne suffit pas à protéger les dénonciateurs, et que la culture est tout aussi importante, sinon plus.
    En présence du groupe de témoins précédent, j'ai dit que j'étais familière avec le vieux dicton selon lequel la culture organisationnelle peut faire dérailler la meilleure stratégie. Je ne sais pas si la culture peut également faire dérailler la meilleure loi, mais j'aimerais que vous nous fassiez part de vos réflexions sur la manière d'opérer un changement de culture organisationnelle au sein de la fonction publique.
    Je peux répondre à cette question. À mon avis, nous devons commencer par modifier la loi. La séquence d'événements habituelle est la suivante: tel ou tel scandale survient, suscitant l'indignation générale dans la population, ce qui met une pression énorme sur les politiciens, ce qui mène ultimement à l'adoption d'une nouvelle loi. C'est ce que nous observons dans les autres pays. Au Canada par contre, nous ne manquons pas de scandales qui auraient dû susciter l'indignation, mais personne n'est descendu dans les rues, et aucun coupable de s'est retrouvé derrière les barreaux.
    Je peux vous assurer que si la loi est modifiée de manière à ce que certains auteurs de méfaits soient punis, cela marquera le début d'un changement de culture significatif dans l'ensemble de la fonction publique. La première sentence envers un individu reconnu coupable aura l'effet d'une bombe.
    Au Royaume-Uni, il n'y a pas si longtemps, le PDG de la banque Barclays a été condamné à verser une amende de plus de 600 millions de dollars. Le crime pour lequel il a été condamné n'était même pas l'acte répréhensible dont il était accusé, qui n'était pas considéré bien grave, mais plutôt d'avoir démasqué son dénonciateur. Ce PDG s'était donné beaucoup de mal pour débusquer le lanceur d'alertes, et vous comprenez qu'il essayait de lui nuire. Cette saga judiciaire envoie un signal fort qui pourrait inciter d'autres PDG à réfléchir à deux fois avant de s'en prendre à un dénonciateur.

  (1755)  

    Je vous remercie.
     J'ajoute que si l'on souhaite améliorer la culture organisationnelle au sommet de la fonction publique, il faut se pencher sur la question des incitatifs des hauts fonctionnaires. En effet, dans l'état actuel des choses, les hauts fonctionnaires sont principalement récompensés pour balayer les problèmes sous le tapis, et non pour les résoudre.
    Monsieur Bron, lors de votre évaluation du projet de loi C‑290, vous avez fait remarquer que les améliorations apportées pourraient agir comme un cheval de Troie, offrant aux dénonciateurs potentiels une protection illusoire.
    À mon avis, en tant que législateurs, il ne faudrait surtout pas donner ou avoir l'impression d'agir alors que ce n'est pas réellement le cas.
    Vous avez cerné cinq moyens d'améliorer l'efficacité de la protection offerte aux dénonciateurs. De quelle manière pouvons-nous améliorer dès maintenant ce projet de loi?
    Me demandez-vous de dresser une liste précise de corrections à apporter?
    J'aimerais vous entendre formuler deux recommandations. Nous avons besoin de recommandations pour nous assurer que ce projet de loi ne devienne pas un cheval de Troie.
     Nous entendons constamment deux recommandations fort simples de la part des experts: améliorer les dispositions du projet de loi, puis le faire adopter.
    Il est clair, à notre avis, que des changements significatifs doivent être apportés à ce projet de loi pour en améliorer les résultats. Nous avons quelques idées de changements qui peuvent être mis en place dans les limites des règles entourant un projet de loi d'initiative parlementaire, mais d'autres changements importants ne pourront malheureusement pas être abordés. Sans ces modifications, le régime de dénonciation ne pourra toujours pas fonctionner de manière adéquate.
     Ce que nous vous suggérons de faire, c'est de vous atteler à la tâche d'identifier ces critères, en sachant qu'ils ne seront pas inclus dans le projet de loi d'initiative parlementaire, mais que le Comité pourra également prendre en compte si vous le souhaitez, car vous aurez de nombreuses occasions de le faire. Vous allez entendre un témoignage très intéressant de la part de Tom Devine, qui nous a apporté un soutien considérable et nous a aidés à définir nos critères. Vous allez également entendre l'avis d'autres personnes qualifiées, comme Anna Myers. Ces témoins sont extraordinairement bien informés et pourront vous aider à cerner ce qui doit être fait.
    Je vous remercie.
    Madame Thompson, allez‑y pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue au Comité, monsieur Hutton. C'est un plaisir de vous revoir parmi nous.
    Monsieur Bron, je vous remercie pour votre déclaration d'ouverture. Je suis très touchée par ce que vous avez vécu, et désolée que vous ayez dû traverser pareille épreuve.
    Je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée d'aborder un projet de loi d'une telle importance, mais qui comporte certaines restrictions puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
    Je vous demanderais à tous les deux de bien vouloir répondre à cette question. À la lumière du travail que le Comité est en mesure d'accomplir, qu'aimeriez-vous qu'il propose pour améliorer l'impact de ce projet de loi sur les dénonciateurs? Monsieur Bron, à vous de commencer.
    Je ferai écho aux propos des autres témoins. Le renversement du fardeau de la preuve serait probablement la solution la plus facile et la plus importante, mais je crois aussi que le Comité pourrait changer la donne en modifiant la loi pour prévoir un examen quinquennal pour lequel on utiliserait de bonnes mesures de rendement, ce qui forcerait le gouvernement à continuer de s'améliorer. C'est la seule façon de s'assurer que la loi sur la dénonciation reste d'actualité et s'améliore au fil du temps, car elle sera toujours lacunaire.

  (1800)  

    Pourrais‑je dire une chose rapidement avant que vous ne répondiez à la question, monsieur Hutton?
    Monsieur Bron, vous venez de parler d'améliorations continues. Cet élément rejoint‑il ce que vous avez dit plus tôt sur les mesures et le suivi nécessaires dans le cadre des cinq étapes?
    Oui. On a déjà créé un modèle logique primitif et un cadre de rendement pour la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, ou LPFDAR, en 2008, mais cela a été rapidement abandonné.
    Il faut connaître les lacunes du système pour les combler. Or, on n'agit pas à cet égard. Personne ne recueille de données significatives.
    Je vous écoute, monsieur Hutton.
    De toute évidence, vous cherchez à obtenir des réponses nettement plus précises que générales, et je vais vous en donner quelques-unes.
    Nous avons déjà évoqué ce que nous appelons les « mesures de redressement provisoires » dans la loi. Nous avons d'abord pensé que ces mesures étaient prévues pour le lanceur d'alertes, mais en lisant la loi plus attentivement, nous avons réalisé qu'elles étaient en fait prévues pour les individus accusés d'avoir commis des actes répréhensibles. Ils sont entièrement protégés; personne ne peut les toucher pendant le processus. Cela dit, il n'y a rien d'équivalent de prévu pour le lanceur d'alertes.
    Nous vous recommanderions de remanier cette disposition quelque peu pour que toutes les parties puissent bénéficier de ces mesures: l'auteur présumé de l'acte répréhensible, le lanceur d'alertes et les auteurs présumés des représailles. Cela semble très simple. Je ne pense pas que cela coûtera de l'argent, et cela semble juste.
    Vous devriez également vous assurer que ces mesures seront appliquées de façon inconditionnelle et immédiate. Il faudrait agir dès la divulgation et non pas laisser cela à la discrétion du commissaire à l'intégrité, qui décidera de les appliquer ou non plus tard après les représailles. Je pense qu'il s'agit là d'une manière très simple de renverser la vapeur dans la loi, dont l'intention était différente.
    Je peux également vous faire une autre recommandation très précise. La capacité à rendre les choses publiques est souvent très limitée. Il y a un Australien, A.J. Brown, qui a fait d'excellentes recherches pendant des décennies dans ce domaine. Vous allez peut-être l'entendre.
    Il a examiné les lois des États d'Australie et ses recherches ont démontré que certaines des lois qui ne semblaient pas particulièrement bien rédigées donnaient en fait de très bons résultats. En tentant de comprendre pourquoi, son équipe a réalisé que cela était dû à un article précis inclus dans plusieurs d'entre elles. En gros, si le système d'enquête et de protection du lanceur d'alertes ne fonctionne pas, ce dernier peut rendre l'affaire publique. Voici comment ils ont défini la chose: si le processus est trop long ou si on dit au lanceur d'alertes qu'il n'y aura pas d'enquête ou que rien ne va se produire, alors il peut rendre l'affaire publique après un certain laps de temps.
    Cela renverse la vapeur en quelque sorte. La stratégie typique des agences qui sont censées protéger le lanceur d'alertes consiste à retarder les procédures, à ne rien faire, à le maintenir dans l'ignorance et à le rassurer en lui disant que les choses vont bon train alors qu'il ne se passera rien. Des dossiers sont restés dans le bureau du commissaire à l'intégrité pendant des années sans qu'on y prête attention.
    Une telle disposition permet de renvoyer la balle aux agences. En Australie, les agents responsables ont réalisé que leur pire cauchemar — la publicité — pourrait se produire s'ils ne se mettaient pas au travail pour régler le dossier. Ils n'ont pas à dépenser de l'argent qu'ils n'ont pas pour ce faire non plus.
    Merci.
    Monsieur Hutton, pensez-vous que la LPFDAR devrait être l'option de choix pour les lanceurs d'alertes souhaitant signaler des actes répréhensibles?
    Ils n'ont pas d'autre option à l'heure actuelle. Certains de nos témoins en 2017 ont suggéré de l'écarter complètement, parce qu'elle est tellement complexe, alambiquée et truffée de pièges. Cela dit, je n'ai pas entendu une telle proposition dans le débat actuel, alors je crois que nous n'avons pas d'autre choix que de tenter de combler ses lacunes.
    Merci.
    Si je peux revenir à vous un instant, monsieur Bron, vous avez parlé de l'importance d'assurer la sécurité des lanceurs d'alertes, si je ne m'abuse. Des témoins qui sont passés par ce processus nous ont raconté des choses fort troublantes. Le processus a complètement bouleversé sinon détruit leur vie et ils vivent encore avec les conséquences de leur dénonciation.
    Comment peut‑on assurer la sécurité des lanceurs d'alertes de façon réaliste dans le vrai monde, où ils sont souvent les seuls à parler et à amener la vérité aux instances de pouvoir?

  (1805)  

    M. Hutton a déjà parlé d'une solution, à savoir les mesures de redressement temporaire. Il faudrait assurément pouvoir intervenir pour mettre fin à toute procédure disciplinaire. Il faudrait aussi disposer de voies de recours facilement accessibles et dissuasives pour les auteurs susceptibles de représailles. Bien sûr, il existe déjà des dispositions pour la confidentialité et les divulgations anonymes. Ces mesures seraient également utiles pour ceux qui se sentent trop en danger pour révéler leur identité.
    Voilà les trois éléments clés. Il serait également possible de prendre des mesures plus modestes, par exemple veiller à ce que le lanceur d'alertes ne soit pas victime de représailles.
    Merci beaucoup, madame Thompson.
    Mme Joanne Thompson: Merci.
    Le président: Vous disposez de six minutes, madame Vignola. Allez‑y, je vous prie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Hutton, j'ai une foule de questions qui me viennent à l'esprit. Vous avez parlé de l'Australie et du droit des divulgateurs de faire leurs divulgations publiquement, lorsque les délais sont trop longs. Y a-t-il des chiffres sur ces délais? Le cas échéant, quels sont-ils?

[Traduction]

    Il sera assurément possible d'obtenir des informations à ce sujet. A.J. Brown a publié toutes sortes de recherches au fil des ans, et c'est le genre d'information qui serait assez facile à trouver. Je ne saurais dire la date exacte de l'entrée en vigueur de ces dispositions, mais c'était assurément il y a quelques années, alors il serait possible de voir comment cela se passe. Je soulignerai simplement que ses recherches ont montré que ces dispositions fonctionnaient déjà dans un certain nombre d'États, et c'est pour cela qu'ils en ont instauré davantage par la suite.

[Français]

    D'accord, merci.
    Vous avez tous les deux parlé de Lac‑Mégantic. Je sais aussi qu'il y a aussi eu un déraillement à Prescott. Dans ce dernier cas, j'ai appris que quelqu'un avait sonné l'alarme et soulevé la possibilité qu'un déraillement survienne à cet endroit, mais qu'on ne l'avait pas écouté.
    Pourquoi n'écoute-t-on pas les « juniors » et n'en fait-on qu'à sa tête, pourquoi écrase-t-on ceux qui veulent améliorer le système? Qu'est-ce qui explique cette culture? Comment pourrait-on changer réellement cette culture, afin que des situations comme celles dont nous ont parlé M. Sabourin, Mme Dion, Mme Gualtieri et M. Bron ne surviennent plus jamais? Comment fait-on?

[Traduction]

    Je compare ce phénomène au cancer. J'ai décrit comment les auteurs d'actes répréhensibles s'en sortent au début de la discussion. Ils sont promus. Ils obtiennent plus de... Il s'agit typiquement de personnes incompétentes et malhonnêtes, qui ne pensent qu'à leurs propres intérêts et leur propre carrière.
    Le retrait de ces personnes enverrait un message clair, mais on ne le fait pas avec Transports Canada, par exemple, où des gestionnaires incompétents sont promus. Ils ne subissent pas de conséquences malgré les catastrophes. C'est la même chose avec le système de paie Phénix. Ceux qui ont créé ce désastre n'en subissent pas les conséquences. Il n'y a pas d'imputabilité, car on ne cherche pas à comprendre ce qui s'est passé.

[Français]

    Aujourd'hui, à quelques reprises, il a été fait mention du retrait de l'article sur la bonne foi ou les bonnes intentions.
    J'aimerais faire un test avec vous, messieurs Hutton ou Bron. Êtes-vous en mesure de déterminer pourquoi je soutiens le projet de loi C‑290 et les divulgateurs? Quelles sont mes intentions? Est-ce que je suis de bonne foi ou est-ce que je cherche la gloire?

[Traduction]

    Vous parlez de bonne foi. Ce sujet revient chaque fois que nous présentons ces lois à de nouvelles personnes. Certains craignent qu'on soit inondés d'accusations frivoles. Cela me donne l'image d'une foule qui se bousculerait et se battrait pour être à l'avant de la file pour la guillotine. Voilà ce que c'est. Personne ne se précipite vers le désastre professionnel. Même avec les lois les plus strictes en vigueur à l'étranger, les lanceurs d'alertes n'obtiennent réparation que dans un tiers des cas, ce qui signifie qu'ils perdront leur carrière de toute façon dans les deux tiers des cas. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'appétit pour cela.

  (1810)  

[Français]

    Actuellement, comme députée, suis-je de bonne foi en soutenant le projet de loi C‑290 ou est-ce que je cherche la gloire, peut-être même la vengeance? Êtes-vous capable de déterminer cela?

[Traduction]

    Je ne peux pas déterminer les motivations des députés. J'examine leurs actions, les faits. C'est ce que nous devrions tous faire.
    Si je puis me permettre...
    Je trouve toujours cette question un peu tendancieuse. On sous-entend que les lanceurs d'alertes posent problème, qu'il faut les gérer et ce n'est pas le cas. Comme l'a dit M. Hutton, peu nombreux sont ceux qui sont prêts à se jeter dans la gueule d'un lion.

[Français]

     Vous me rassurez.
    Je vais aussi vous rassurer: j'appuie le projet de loi C‑290, non parce que je suis une fautrice de troubles, mais bien parce que c'est la bonne chose à faire pour nos concitoyens et pour nos travailleurs. Toutefois, vous démontrez qu'il est impossible de savoir quelles sont les réelles intentions d'une personne dans une divulgation ou même dans l'appui d'un projet de loi.
    Merci, messieurs.

[Traduction]

    Merci, madame.
    Nous allons maintenant passer à M. Johns pendant six minutes. Allez‑y, je vous prie.
    Je vous remercie tous deux d'être ici, de votre travail important et de votre témoignage.
    Comment peut‑on évaluer l'efficacité et la rapidité de la réponse aux plaintes d'un système de dénonciation?
    Il faut commencer par comprendre les objectifs de la loi et les étapes à suivre pour accomplir ce qu'on veut accomplir. Une fois que l'on a une idée de la manière dont la loi est censée fonctionner, il faut élaborer une sorte de cadre de rendement. Il s'agit de déterminer ce qui est important dans la loi, comment elle aide les gens et si elle permet d'agir sans tarder. Il faut ensuite commencer à examiner des éléments tels que les indicateurs de rendement et recueillir les données nécessaires.
    Cela semble très théorique, mais ce qu'il faut savoir, c'est combien de temps il faudra pour enquêter sur chacun de ces cas. Le délai est‑il raisonnable? Mène‑t‑on l'enquête de façon satisfaisante? Les lanceurs d'alerte qui passent par le système sont-ils satisfaits de la manière dont ils sont traités et de la résolution à la fin du processus?
    C'est la même chose pour ceux qui sont accusés d'actes répréhensibles. On aimerait savoir ce sur quoi reposaient ces actes répréhensibles au début du programme et comprendre comment les choses ont évolué au fil du temps. Or, on ne pose pas ces questions à l'heure actuelle. N'importe qui au gouvernement peut simplement affirmer que la loi actuelle fonctionne bien, et il n'y a aucun moyen de les contredire.
    Il serait possible d'apporter des changements au projet de loi pour contourner ce problème. J'aimerais que vous me parliez de l'examen quinquennal dans ce même contexte et du rôle important du commissaire à l'intégrité. Pourquoi ce poste est‑il aussi essentiel?
    J'aimerais répondre à la question.
    Nous n'avons pas vraiment abordé le rôle du commissaire à l'intégrité, qui est essentiel dans ce système. La Loi est vraiment lacunaire. Le commissaire à l'intégrité a un certain nombre de pouvoirs. En fait, il dispose de tous les pouvoirs prévus dans la Loi sur les enquêtes. Or, la Loi ne donne pas vraiment de résultats parce que le commissaire à l'intégrité peut donner toutes sortes d'excuses pour expliquer son inaction, et c'est ce qu'on a vu à répétition. Je ne dis pas que ce ne sont pas de bonnes personnes, bien que je me demande à quoi Mme Ouimet pensait lorsqu'elle était en poste.
    Le problème, c'est que lorsque l'on nomme des personnes qui ont été élevées dans la bureaucratie et qui s'attendent à y retourner, on les place dans une terrible situation de conflit d'intérêts. S'ils commencent à faire preuve de favoritisme à l'égard du ministre, cela va complètement à l'encontre de l'éthique et des valeurs de la fonction publique, bref de la norme.
    Le commissaire à l'intégrité fait essentiellement partie de la bureaucratie. Il se comporte comme un bureaucrate...

  (1815)  

    Je crois que les chiffres parlent d'eux-mêmes en ce qui concerne les condamnations.
    Nous avons entendu certaines préoccupations à propos du projet de loi — vous les avez entendues ici — et de l'élargissement des protections prévues pour les employés, y compris les employés contractuels, et plus particulièrement des enjeux de compétence liés aux sous-traitants, qui sont régis par le provincial.
    Monsieur Bron, vous nous avez un peu parlé de ce que vous avez fait par le passé et de votre expérience de travail avec les provinces et d'autres pays. Pourriez-vous revenir sur certaines de ces préoccupations? Méritent-elles qu'on s'y attarde, oui ou non?
    Certaines provinces canadiennes offrent déjà une protection aux employés contractuels qui soulèvent des préoccupations qui concordent avec ce qui se trouve dans le projet de loi C‑290.
    La meilleure pratique consiste à protéger toute personne, tout travailleur qui fait part de ses préoccupations. Nous avons entendu des préoccupations concernant les questions de compétence, mais à mon avis, il s'agit là d'un faux-fuyant. On tente de réglementer le comportement des fonctionnaires fédéraux. Ce sont eux qui exercent les représailles. Ils sont probablement au cœur de tous les actes répréhensibles divulgués.
    Il y a également des préoccupations quant à la liberté de choix des lanceurs d'alerte. Peuvent-ils signaler un acte répréhensible au supérieur de leur choix? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Une dénonciation peut mal tourner entre autres lorsqu'un enquêteur énergique ou celui qui reçoit la dénonciation insiste pour faire avancer le dossier pour le lanceur d'alertes. La direction pourrait ne pas apprécier et prendre des mesures contre cette personne pour tenter de la faire taire. Voilà pourquoi il faut également tenir compte des personnes autour du lanceur d'alertes, parce que ceux qui exercent des représailles peuvent faire pression sur de multiples personnes à la fois.
    On parle du devoir de protéger.
    Pourrais‑je ajouter quelque chose?
    M. Gord Johns: Oui, allez‑y.
    M. David Hutton: Il est important de donner plusieurs choix aux lanceurs d'alertes quant à la façon de procéder.
    Il se pourrait tout d'abord qu'ils ne soient pas entièrement au courant de toutes les règles. On ne voudrait pas qu'ils perdent leur protection simplement parce qu'ils n'ont pas lu les règles assez attentivement. De plus, ils risquent fortement leur carrière. Ils doivent pouvoir aller là où ils pensent avoir une chance d'être entendus. Dans certains cas, ils savent pertinemment qu'ils ne peuvent pas s'engager dans certaines voies. Ils ont besoin d'options. Ils ne doivent pas être contraints, par exemple, de signaler un acte répréhensible à ceux qui pourraient être les auteurs dudit acte. Ce serait une mauvaise idée.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Allez‑y, monsieur Barrett, et ce sera ensuite le tour de M. Fergus.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd'hui.
    J'aimerais revenir à votre échange avec M. Johns au sujet de la nomination du commissaire à l'éthique. Quelle solution proposeriez-vous pour le choix et la nomination du titulaire de ce poste? Dans quel bassin devrions-nous chercher? Quelles exigences le gouvernement devrait‑il respecter en ce qui a trait au processus de nomination?
    Par le passé, lorsque les commissaires donnaient de mauvaises nouvelles au gouvernement, celui‑ci omettait de pourvoir les postes. C'est ce qui est arrivé avec le poste d'ombudsman des victimes, qui est demeuré vacant pendant plus d'un an. C'était la même chose pour le poste d'ombudsman des vétérans. La possibilité, pour un gouvernement qui pourrait être gêné par un processus, de tout simplement éviter de pourvoir le poste et de suspendre le processus pourrait encourager un mauvais comportement de sa part.
    Que proposeriez-vous pour remédier à cette situation?
    Vous décrivez bien le problème. Il faut que le gouvernement ait les mains liées, dans une certaine mesure. On parle de la nomination d'un agent du Parlement. Les deux partis et les deux chambres participent au processus; en théorie, il est possible de s'opposer à certaines nominations. Ce n'est jamais arrivé. C'est peut-être parce que les partis de l'opposition ne jugent pas cet enjeu suffisamment important pour le faire.
    Il faut que la loi prévoie que le titulaire de ce poste soit une personne indépendante, et ne vienne pas de la fonction publique. C'est le type de personne qui avait été nommée à la toute première agence de dénonciation, à titre d'agent de l'intégrité de la fonction publique. Ce poste précédait celui du commissaire à l'intégrité du secteur public, et il relevait uniquement d'une politique et non de la loi. Le titulaire du poste était M. Keyserlingk. Il a fait un excellent travail malgré un pouvoir très restreint. Il a notamment milité avec succès pour un meilleur régime, qui serait inscrit dans la loi.
    Au moment de son départ, il a eu une discussion avec le Bureau du Conseil privé — tout cela est documenté — et a fait valoir l'importance de nommer une personne en dehors de la fonction publique pour les raisons dont nous venons de discuter. Selon M. Keyserlingk, le BCP a convenu de procéder ainsi. Il a demandé à plusieurs personnes, qu'il jugeait être de bons candidats, de présenter leur candidature. Ces personnes n'ont même pas été consultées. Leur candidature n'a même pas été prise en compte. Il a transmis une lettre sur le sujet au Comité. Elle se trouve quelque part au dossier.
    Il faut revenir à ce que recommandait M. Keyserlingk. Il faut nommer des personnes qui sont aptes, sur le plan de la crédibilité, d'assurer un rôle d'application de la loi au sein du gouvernement et de tenir des enquêtes rigoureuses sur les allégations d'inconduite qui pourraient avoir lieu à tous les niveaux.

  (1820)  

    Ce qui est intéressant, lorsqu'on pense aux agents du Parlement — et aux rôles qui ont été créés —, c'est que le gouvernement, par l'entremise des nominations du gouverneur en conseil, a le dernier mot. Parfois, les deux seuls choix qui s'offrent au Parlement sont d'accepter la recommandation du gouvernement ou de ne pas pourvoir le poste.
    J'aimerais attirer votre attention sur le poste de commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, qui est actuellement vacant. Les exigences associées à ce poste sont très strictes; il faut notamment avoir été juge à la cour fédérale. La Loi sur les juges établit leur salaire. Le nouveau commissaire à l'éthique gagnera 40 % moins qu'un juge. Ainsi, dans le but de constituer un bassin de candidats, on dit aux juges: « Si vous occupez ce poste, votre salaire baissera de 40 %, mais nous vous assurons que nous prenons ce travail très au sérieux. »
    Il y a diverses façons de nuire au processus de nomination; je prends donc bonne note de votre suggestion et je vais lire les documents auxquels vous avez fait référence. Je suis désolé de ne pas avoir plus de temps.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Barrett.
    Monsieur Fergus, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins pour leurs commentaires. Je tiens à les rassurer: nous tentons de trouver une façon de veiller à ce que... Il faut que la loi sur la protection des dénonciateurs soit mise à jour. Il faut apporter des changements, et nous sommes en train de le faire, notamment par l'entremise du projet de loi C‑290.
    À cette fin, je me tourne vers vous, messieurs, pour nous aider à améliorer la loi et à trouver des solutions dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire et selon les limites qui nous sont imposées. Ce pourrait être une première étape vers un projet de loi émanant du gouvernement qui permettrait d'améliorer la loi. Néanmoins, nous devons profiter de l'occasion qui se présente à nous.
    Monsieur Hutton, vous avez parlé du commissaire à l’intégrité du secteur public et de son prédécesseur, l'agent de l’intégrité de la fonction publique. Je m'intéresse à cette notion. Le projet de loi d'initiative parlementaire vise notamment la création d'un organisme intermédiaire ou la transformation du rôle du tribunal. Il s'agirait d'une sorte d'escale entre le Commissariat à l'intégrité du secteur public et un système de tribunal fédéral, qui s'avère très coûteux, si le dénonciateur choisit d'emprunter cette voie, ce qui est de son droit.
    Est‑ce que la création de ce tribunal intermédiaire minimiserait le rôle du Commissariat, à votre avis? Est‑ce que cela signifierait que le gouvernement serait tenu d'offrir des services juridiques aux personnes accusées d'actes répréhensibles afin de leur permettre de se défendre?

  (1825)  

    Vous soulevez plusieurs bons points.
    Le système actuel est complètement isolé du monde réel. Il n'y a aucun accès aux tribunaux et aucun accès aux renseignements associés aux actes répréhensibles, par exemple. Ils disparaissent pour toujours, et le tribunal est foncièrement défectueux.
    Nous avons dit dès le départ qu'il fallait un accès aux tribunaux — les tribunaux réguliers — et aux règles habituelles relatives aux juges, entre autres. Cette proposition a été refusée. Cet accès doit être possible. Je souligne que le contrôle judiciaire représente la seule façon de contester une décision du tribunal ou de la Commission. Si je ne me trompe pas, je crois que toutes les décisions du commissaire à l'intégrité qui ont fait l'objet d'une contestation ont été excoriées dans le cadre des contrôles judiciaires, sans pour autant donner lieu à un recours, puisqu'un contrôle judiciaire ne permet pas de remplacer une décision. C'est un grave problème dans la loi.
    Même s'il s'agit d'un processus difficile et coûteux, il faut garantir l'accès à un tribunal approprié pour veiller à ce que le travail soit bien fait et à ce qu'une décision puisse être renversée si elle dénature la loi pour nuire aux dénonciateurs, alors que ce ne devrait pas être le cas.
    Est‑ce que vous recommanderiez donc, pour le projet de loi C‑290, de ne pas orienter les gens vers un contrôle judiciaire, mais bien vers le système judiciaire traditionnel?
    Je ne suis pas contre le contrôle judiciaire. Je dis qu'il faut garantir l'accès aux tribunaux.
    Je dirais aussi qu'il est complètement absurde qu'un dénonciateur doive passer par le tribunal sans aucune forme de soutien. Il peut bénéficier du soutien financier de son syndicat, s'il est chanceux. Toutefois, de l'autre côté, il y a habituellement une équipe d'avocats payés par le gouvernement pour représenter ceux qui sont accusés d'actes répréhensibles. Les chances ne sont pas du tout du côté des dénonciateurs; c'est la réalité à l'heure actuelle.
    C'est très intéressant. Vous demandez donc que l'on uniformise les règles du jeu afin que tous aient accès à une représentation juridique.
    Nous n'avons malheureusement plus de temps.
    Oh, je suis vraiment désolé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Mme Vignola puis M. Johns, qui disposeront chacun de deux minutes et demie. J'aurai ensuite besoin de 20 secondes pour aborder les travaux du Comité.
    Allez‑y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hutton, j'aimerais poser deux courtes questions, parmi les nombreuses qu'il me reste.
    À votre avis, selon vos connaissances, est-il légal d'interdire à un citoyen de faire valoir ses droits en cour?

[Traduction]

    Cela ne devrait jamais l'être.

[Français]

    Merci.
    Si un employeur du secteur privé harcelait, menaçait ou intimidait des employés, qu'arriverait-il à cet employeur?

[Traduction]

    Je crois que cela dépend de la direction. Les organisations qui sont bien gérées n'ont aucune tolérance pour ce genre de comportement, parce que le harcèlement est un signe d'incompétence. C'est une forme de gestion contrôlante qui démontre que...
    Ce n'est pas une question de laxisme. Il n'est pas question d'impolitesse. Lorsqu'une personne a recours au harcèlement pour gérer ses employés, c'est parce qu'elle est incompétente et qu'elle ne pourra pas livrer la marchandise. C'est ainsi que certaines personnes agissent dans de telles situations.

[Français]

    Tout à l'heure, vous parliez de renverser le fardeau de la preuve. Pourquoi est-ce si important de le faire?

[Traduction]

    Permettez-moi de vous raconter une histoire à ce sujet, rapidement.
    Nous savons depuis le début des années 1980 qu'il faut renverser le fardeau de la preuve. Lors de la première tentative en ce sens aux États-Unis, des 2 000 dénonciateurs qui sont passés par ce système, seulement quatre ont eu gain de cause. Les chances étaient donc de 1 sur 500. Elles n'étaient pas bonnes. La deuxième tentative de rédaction de la loi intégrait l'idée du fardeau de la preuve inversé. Elle a donné lieu à une grande amélioration. La situation n'est toujours pas facile pour les dénonciateurs. Même avec les meilleurs avocats, à ce jour, seulement 30 % ont gain de cause.
    Notre loi ne prévoit pas l'inversion du fardeau de la preuve. Plus de 20 ans plus tard, le Sénat a fait une tentative en ce sens, en présentant 16 amendements fondés sur nos témoignages... Des concepts qui vous sont très familiers aujourd'hui, notamment l'inversion du fardeau de la preuve. Ils ont été rejetés.
    Nous sommes dans le noir depuis que le projet de loi a été rédigé. C'est une insulte pour les dénonciateurs. On leur dit: « Nous allons vous avoir, et voici toutes les façons dont nous allons le faire. »

  (1830)  

    Merci.

[Français]

    Merci de votre travail et de votre présence. Nous vous en sommes très reconnaissants.

[Traduction]

    Merci, madame Vignola.
    Monsieur Johns, vous avez la parole.
    Certaines personnes s'inquiètent du caractère incomplet de la définition de l'obligation de prestation de soutien, et de la possibilité que cela compromette les dispositions en matière de confidentialité. Quelle devrait être, selon vous, la définition de cette obligation? Comment la définition actuelle pourrait-elle compromettre l'anonymat des dénonciateurs?
    Je crois que ces questions portent sur des éléments changeants. Nous pourrions vous transmettre une réponse écrite à presque toutes vos questions.
    Je dirais simplement qu'il s'agit d'une réalité dans d'autres administrations. Nous savons comment les choses se passent ailleurs. Ce n'est même pas très difficile. Vous devriez vous adresser aux intervenants des autres administrations; ils pourraient vous en parler en détail.
    Croyez-vous que l'ajout de l'abus de pouvoir et de l'ingérence politique à titre de catégories d'actes répréhensibles soit une bonne chose? Est‑ce que ces catégories sont associées à certains enjeux? Est‑ce qu'elles pourraient être mieux définies?
    Je crois que les gens devraient pouvoir dénoncer tout ce qu'ils jugent répréhensible. Si le service 911 fonctionnait de la même façon que la loi, on ne vous demanderait pas de quoi vous avez besoin. On vous demanderait de dire quel article de la loi a été enfreint, de présenter des preuves et si vous souhaitez que l'autre personne passe l'alcotest.
    C'est ainsi que les choses fonctionnent, mais on devrait pouvoir dénoncer une situation que l'on juge inappropriée, sans devoir désigner la loi qui y est associée. Quelque chose ne va pas; j'en suis témoin; voilà ce que j'ai vu; je n'ai pas toute l'information. Il est de votre responsabilité d'enquêter et de déterminer ce qui s'est réellement passé. Vous devez trouver les autres preuves et déterminer si je me suis trompé ou non.
    Il me reste 30 secondes. Je vais vous les céder. Voulez-vous ajouter quelque chose pour conclure?
    Il est important que le Comité prenne ses responsabilités. Je crois qu'il le fera. Je crois que le projet de loi sera adopté. Je crois que, malgré les meilleurs efforts, il ne changera pas la trajectoire de manière importante, en raison des limites associées aux projets de loi d'initiative parlementaire. Je crois que vous devriez trouver des façons d'établir très clairement les autres mesures qui doivent être prises et ne pas attendre la mise sur pied du groupe de travail, qui pourrait prendre encore quelques années.
    Nous avons passé 17 années sans qu'aucune amélioration soit apportée à la loi. Elle ne sert à rien. C'est une insulte pour les Canadiens. Nous devons régler ce problème; aidez-nous à le faire.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Ceux qui nous regardent à la maison — et je sais qu'ils sont des millions — comprendront maintenant pourquoi je dis que M. Hutton et M. Bron sont des amis du Comité.
    Je vous remercie sincèrement pour vos témoignages et votre travail. Merci de nous avoir accordé votre temps. Vous pouvez partir. Je dois aborder un autre sujet avec mes collègues, très rapidement. Je n'ai besoin que de 30 secondes. Encore une fois, merci, messieurs.
    Chers collègues, avant que nous mettions fin à la séance, j'ai besoin que nous approuvions les budgets révisés pour les voyages associés à notre étude sur la construction navale, qui ont été reportés à maintes reprises. La greffière a eu la gentillesse de vous les transmettre. Nous devons d'abord approuver le budget associé aux déplacements dans l'Est.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Nous devons maintenant adopter le budget associé aux déplacements dans l'Ouest.
    Des députés: D'accord.
    Le président: S'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons mettre fin à la séance.
    Merci beaucoup. La séance est levée.
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