Indépendamment de
l’écart qui peut séparer nos points de vue et de la passion
avec laquelle nous tenons à certaines convictions que nos opposants
politiques ne partagent pas, la politesse est de mise à la Chambre des
communes. Cela signifie que chaque député a le droit de prendre la
parole et que chaque député peut raisonnablement espérer
être écouté, que les autres soient d’accord ou non
avec ce qu’il dit ou ce qu’il croit.
Président Gilbert Parent
(Debates, 16 mars 1998, p. 4902)
L
’un des principes fondamentaux de la
procédure parlementaire est que les délibérations de la
Chambre des communes se déroulent à la manière d’une
conversation libre et polie. Pour que les débats sur les questions de
politique publique aient ce caractère, la Chambre a adopté des
règles d’ordre et de décorum qui régissent la
conduite des députés les uns envers les autres ainsi
qu’à l’égard de l’institution dans son ensemble.
Les députés doivent se respecter les uns les autres, et respecter
les points de vue différents des leurs; le comportement et le langage
injurieux ou grossier ne sont pas tolérés. Ils doivent traduire
leurs émotions en paroles plutôt qu’en actes et exprimer
leurs opinions poliment et librement, sans craindre de punition ni de
représailles [1] .
La liberté de parole est l’un
des plus importants privilèges que possèdent les
députés [2].
Cette liberté est toutefois subordonnée à la
nécessité de maintenir l’ordre et le décorum
lorsqu’un débat se déroule. Par conséquent, le droit
de parole est tempéré par les règles écrites de la
Chambre qui, en général, imposent des limites quant à la
nature, au moment et à la durée des interventions ainsi
qu’aux personnes autorisées à les faire.
Le Président est chargé de
maintenir l’ordre à la Chambre en assurant le respect de ses
règles et
usages [3] .
Il
s’assure qu’on y observe les règles régissant la tenue
convenable, la citation et le dépôt de documents au cours
d’un débat, l’application de la convention relative aux
affaires en instance sub judice aux débats et aux questions
posées à la Chambre, et la politesse des remarques visant les deux
chambres du Parlement, les députés et les sénateurs, les
représentants de la Couronne, les juges et les cours. Il incombe en outre
au Président de s’assurer que les débats se déroulent
de façon disciplinée en réprimant le désordre
lorsqu’il survient soit sur le parquet de la Chambre soit dans les
tribunes, et en se prononçant sur les rappels au Règlement faits
par des députés. Ses pouvoirs disciplinaires garantissent que le
débat ne dévie pas de son objet et lui permettent d’expulser
les députés qui persistent à se conduire de manière
inconvenante. Cependant, même s’il appartient au Président de
maintenir la dignité et le décorum de la Chambre, les
députés eux-mêmes doivent assumer la responsabilité
de leur comportement et conduire leurs affaires de manière
convenable.
Le présent chapitre traite des
règles et usages relatifs aux débats à la Chambre et des
pouvoirs du Président de faire respecter l’ordre et le
décorum en cas d’infraction.
Attribution du droit de parole
À quelques exceptions près,
un député peut prendre la parole sur toute motion qui a
été présentée à la Chambre et qui peut faire
l’objet d’un
débat [4].
Dans
la gestion du débat relatif à une motion, le Président a la
responsabilité de déterminer l’ordre dans lequel les
députés se voient accorder la parole et d’appliquer les
règles du débat se rapportant à des questions comme la
règle d’une seule intervention sur une motion, le droit de
réplique et les interventions injustifiées.
Ordre de parole habituel
Le Règlement n’établit
pas d’ordre officiel pour l’attribution du droit de parole aux
députés; le Président s’en remet à cet
égard à l’usage et aux précédents de la
Chambre. Le Règlement autorise seulement celui-ci à donner la
parole au député qui la demande en se levant de son
siège [5] .
Le
député que le Président « aperçoit » le
premier obtient la parole. On parle communément, dans ce cas,
d’« attirer l’attention du Président ». Cette
expression, qui remonte aux premiers temps de la procédure
britannique [6] ,
s’est implantée dans la terminologie parlementaire. Les whips des
divers partis fournissent chacun au Président une liste de
députés qui souhaitent prendre la parole, mais celle-ci sert
seulement de guide [7] .
Par tradition, on donne souvent une certaine priorité de parole à
certains députés, comme les chefs de parti, les ministres lorsque
c’est à
propos [8]
et, souvent,
les porte-parole de l’opposition. Le Règlement accorde des droits
spéciaux à un nombre limité de députés, dont
le premier ministre et le chef de l’Opposition, mais ces droits ont
seulement trait à la durée de leurs
discours [9] .
Le
Président a toute latitude de donner la parole aux
députés [10] ,
mais il peut observer les dispositions non officielles éventuellement
prises [11] ,
ou encore
être lié par un ordre de la Chambre établissant un ordre de
parole
précis [12] .
Dans l’ordre de parole habituel,
après qu’une motion a été présentée
à la Chambre, le Président donne la parole au motionnaire en
premier. Si celui-ci choisit de ne pas intervenir, il est néanmoins
réputé avoir eu la parole; il est réputé avoir dit
« je propose » en faisant simplement un signe de tête, et
l’on considère qu’il est intervenu au cours du
débat [13] .
Le
député qui appuie une motion n’est pas tenu de prendre la
parole sur celle-ci à ce moment-là, mais il peut le faire plus
tard au cours du
débat [14].
Le Président
« aperçoit » ensuite les députés des
côtés opposés de la Chambre selon une rotation raisonnable,
en tenant compte du nombre de membres des divers partis reconnus qui
siègent à la
Chambre [15], du droit
de réplique [16]
et de la nature des travaux. Par exemple, au cours de la première ronde
du débat sur les Ordres émanant du gouvernement, le
Président donne la parole à un représentant du gouvernement
et à un député de chacun des partis d’opposition
reconnus s’ils se lèvent pour intervenir. Lors des rondes suivantes
du débat, il alterne entre les députés du gouvernement et
ceux de l’opposition. Par le passé, le Président a
donné la parole à des députés indépendants et
à des députés de partis non reconnus seulement après
que les députés des partis reconnus avaient participé au
débat proportionnellement à leur nombre à la
Chambre [17] .
Lors de
l’étude des Affaires émanant des députés, le
Président redouble de prudence lorsqu’il donne la parole aux
députés et s’assure que tous les partis et tous les groupes
représentés à la Chambre se font entendre et que tous les
points de vue sur la question soumise au débat sont exprimés. Les
jours réservés aux travaux des subsides, le Président peut
donner plus souvent la parole aux députés du parti qui parraine la
motion de
l’opposition [18].
Au cours de la période de questions
et d’observations de 10 minutes qui suit la plupart des
discours [19] ,
les
députés peuvent poser des questions au député qui
vient de terminer son discours, ou faire de brèves remarques sur ce
discours. Au moment de donner la parole aux députés, le
Président accorde alors la préférence à ceux qui
appartiennent à des partis autres que celui de l’orateur initial,
sans toutefois exclure les députés du parti de ce
dernier [20] .
Si la
période de questions et d’observations est interrompue par
d’autres travaux, lors de la reprise du débat sur la motion, cette
période se poursuit seulement si le député qui a
prononcé le discours initial est
présent [21] .
Comme aucun temps précis n’est réservé pour la
durée de chaque question ou observation, le Président
détermine parfois combien de députés souhaitent participer
à la période de questions et d’observations, puis
répartit le temps alloué à chaque intervention en
conséquence. Les députés qui se voient accorder la parole
au cours de la période de questions et d’observations n’ont
pas le droit de présenter des motions
dilatoires [22] ,
de
proposer des
amendements [23] ,
ou de
présenter des motions tendant à prolonger les heures de
séance [24] .
Motion portant qu’un député soit maintenant entendu
La décision du Président sur
la question de savoir qui a le droit de parole au cours d’un débat
peut être modifiée par la Chambre sur une motion portant
qu’un autre député « soit maintenant entendu ». La
décision prise sur cette motion règle immédiatement
l’ordre du débat.
Lorsque deux députés se
lèvent en même temps pour « attirer l’attention du
Président », celui-ci donne la parole à l’un
d’eux. En invoquant le Règlement, un autre député
peut proposer que le député qui ne s’est pas vu accorder la
parole
l’obtienne [25] .
La présentation de la motion portant « qu’un
député soit maintenant entendu » est une exception à la
règle selon laquelle une motion ne peut être proposée sur un
rappel au Règlement. Cette motion ne peut être
présentée si le député à qui le
Président a donné la parole en premier lieu a déjà
commencé à
parler [26] .
Si le
Président déclare la motion recevable, celle-ci est mise aux voix
aussitôt sans débat. Un vote par appel nominal peut avoir lieu. Si
la motion est adoptée, le député qui y est
désigné peut prendre la
parole [27] .
Si elle
est rejetée, le député qui avait obtenu la parole à
l’origine conserve son droit de
parole [28] .
Une
deuxième motion portant « qu’un député soit
maintenant entendu » peut seulement être présentée
après que celui qui a obtenu la parole a terminé son
discours [29] .
Il est
donc impossible de présenter une série de ces motions dans le but
d’empêcher un député particulier de prendre la parole.
De plus, la motion ne peut être présentée :
- si la Chambre n’est saisie d’aucune motion sujette à
débat [30] ;
- si personne ne s’est encore
vu donner la
parole [31] ;
- si le député
désigné dans la motion ne s’est pas levé à
l’origine pour demander la
parole [32] ;
- pour donner la parole à un
député dont le discours aurait pour effet de clore le
débat [33] ;
- au cours de la période de
questions et d’observations consécutive à un
discours [34] ;
- si la Chambre a adopté un
ordre précisant l’ordre des interventions au cours du
débat [35] .
Octroi de la parole lors du rappel d’un ordre
Un député dont le discours
est interrompu soit en vertu d’un article du Règlement ou
d’un ordre
spécial [36] ,
soit par l’adoption d’une motion d’ajournement du
débat, peut poursuivre son intervention jusqu’à
l’expiration du temps qui lui est alloué, lors de la reprise du
débat sur la motion. De même, si les travaux sont suspendus, le
député qui a la parole à ce moment-là conserve le
droit d’intervenir lors de la reprise des
travaux [37] .
Si ce
député n’est pas présent à la Chambre lorsque
celle-ci reprend le débat, il est réputé avoir perdu la
parole et avoir terminé son
intervention [38] .
Ce
principe s’applique également à la période de
questions et d’observations, à savoir que, si le
député qui a prononcé le discours n’est pas
présent au moment de la reprise du débat, la période de
questions et d’observations ne se poursuit pas, et un autre
député obtient la
parole [39] .
Conservation du droit de parole après une cérémonie de sanction royale
Si l’huissier du bâton noir se
présente à la Chambre muni d’un message du gouverneur
général convoquant celle-ci au Sénat pour une
cérémonie de sanction royale, les travaux de la Chambre sont
interrompus [40] .
Aucun
député ne se voit accorder la parole pour faire un rappel au
Règlement ou pour soulever une question de
privilège [41] .
À son retour du Sénat, la Chambre reprend ses travaux là
où elle les avait laissés, et la séance continue; le
député dont le discours a été interrompu par
l’arrivée de l’huissier du bâton noir obtient la parole
pour poursuivre son
discours [42] .
Octroi de la parole avant et après les votes
Une fois que le Président a mis une
question aux voix, aucun autre débat n’est permis. Ni les rappels
au Règlement ni les questions de privilège ne sont
admis [43] .
En fait,
les députés doivent rester assis jusqu’à
l’annonce du résultat du vote. Toutefois, il est arrivé que
des députés invoquent le Règlement après
l’annonce d’un vote par appel nominal pour expliquer pourquoi ils
s’étaient abstenus de
voter [44] ,
ou comment
ils auraient voté s’ils avaient été présents
à la Chambre lors de la mise aux
voix [45] ,
ou comment
ils souhaitaient voir leur vote inscrit lors de votes subséquents
auxquels on devait appliquer les
résultats [46] .
À l’occasion, des députés ont invoqué le
Règlement après un vote afin de solliciter le consentement unanime
de la Chambre pour modifier leur
vote [47] .
Toutefois,
un député ne doit pas faire un rappel au Règlement pour
commenter la façon dont un autre député a
voté [48] .
Une seule intervention sur une motion
Pour accélérer la conduite
des travaux de la Chambre, le Règlement prévoit qu’aucun
député ne peut intervenir deux fois au cours du débat sur
quelque motion que ce
soit [49] .
Si, par
inadvertance, un député demande la parole une seconde fois, le
Président l’interrompt et donne la parole à un autre
député [50] .
Une motion, un amendement et un
sous-amendement constituent trois questions distinctes et sont traités
comme tels aux fins de la règle d’une seule intervention par
question [51] .
Toutefois, un amendement n’est pas une question distincte avant que le
Président le présente à la Chambre. Par conséquent,
le député qui propose un amendement est réputé avoir
pris la parole non seulement sur l’amendement, mais aussi sur la motion
principale [52] .
De
même, le député qui propose un sous-amendement est
réputé être intervenu aussi sur l’amendement et ne
peut intervenir de nouveau, mais cela ne touche pas son droit de prendre la
parole sur la motion
principale [53] .
Après qu’un amendement (ou un sous-amendement) a été
proposé, appuyé et présenté à la Chambre,
tout député qui demande la parole intervient sur
l’amendement (ou le sous-amendement). Une fois qu’un amendement (ou
un sous-amendement) a été adopté ou rejeté, tout
député qui n’est pas encore intervenu sur la motion
principale (ou l’amendement) peut le faire. Une motion principale
modifiée n’est pas considérée comme une nouvelle
question; seuls les députés qui ne sont pas encore intervenus sur
la motion principale peuvent prendre la parole sur la motion
modifiée [54] .
Tout député qui demande la
parole pour présenter une motion sujette à débat doit
donner le nom d’un deuxième député qui appuie
officiellement celle-ci. Un ordre émanant du gouvernement doit être
présenté par un ministre, mais il peut être appuyé
par n’importe quel
député [55] .
Si le
motionnaire choisit de ne pas prendre la parole immédiatement après la
présentation de la motion à la Chambre, il perd son droit d’intervenir sur
celle-ci, sauf en réplique [56] .
L’appuyeur
peut se voir accorder le droit d’intervenir sur la motion plus tard au cours du
débat [57].
Si un
député présente une motion dans le cadre de son discours (par exemple, un
amendement ou une motion d’ajournement du débat), cela met automatiquement fin à
son discours [58] .
Un député qui
est déjà intervenu sur une question ne peut demander la parole de nouveau pour
proposer ou appuyer un amendement ou pour présenter une motion d’ajournement du
débat ou de la Chambre, mais il peut intervenir sur un amendement proposé par un
autre député [59] .
Si la Chambre
rejette une motion d’ajournement du débat, le motionnaire est réputé avoir
épuisé son droit de parole sur la question principale [60] .
Toutefois, si
la motion est adoptée, le motionnaire est autorisé à intervenir en premier lors
du prochain rappel de l’Ordre. S’il ne prend pas la parole à ce moment-là, il
perd l’occasion d’intervenir [61] .
De
temps à autre, la Chambre autorise par consentement unanime un député à
intervenir une seconde fois sur une motion [62] .
Le Règlement
prévoit en outre des exceptions à la règle d’une seule intervention par
question. Premièrement, bien que cela se produise rarement depuis
l’instauration, en 1982, de la période de questions et d’observations de 10
minutes [63] ,
un député peut
être autorisé à intervenir une seconde fois afin d’expliquer une partie
importante de son discours pouvant avoir été mal citée ou mal
interprétée [64] .
Le député doit
pour cela invoquer le Règlement et se borner à expliquer la citation ou
l’interprétation présumée erronée; il ne peut introduire aucun élément
nouveau [65] .
Deuxièmement,
le Règlement accorde en outre aux auteurs de certains genres de motions le droit
d’intervenir une seconde fois lorsqu’aucun autre député ne souhaite prendre la
parole [66] .
C’est ce qu’on
appelle le « droit de réplique ».
Le droit de réplique
Tout
député qui a présenté une motion de fond a le droit d’intervenir une seconde
fois pour clore le débat [67] .
La coutume
s’est établie d’accorder également ce droit au député qui propose la deuxième
lecture d’un projet de loi, mais il ne s’applique pas à ceux qui proposent des
amendements, la question préalable, des instructions destinées à un comité, ni
la troisième lecture d’un projet de loi [68] .
Le droit de
réplique fournit à l’auteur d’une motion de fond une occasion de réfuter les
critiques et arguments formulés à l’encontre de sa motion et a pour effet de
clore le débat. Afin qu’aucun député désireux de participer à un débat ne soit
empêché de le faire par l’exercice subit et non annoncé du droit de réplique, le
Président doit informer la Chambre que la réplique de l’auteur de la motion
initiale clôt le débat [69] .
Si un
député présente une motion au nom d’un autre député, un discours prononcé plus
tard par l’un ou l’autre clôt le débat [70] .
Toutefois, au
cours du débat sur la motion portant deuxième lecture d’un projet de loi émanant
du gouvernement, un secrétaire parlementaire ne peut clore le débat au nom du
ministre qui a présenté la motion qu’avec le consentement unanime de la
Chambre [71] .
Bien
que les ministres puissent exercer le droit de réplique [72] ,
habituellement
seuls les simples députés s’en prévalent. En effet, ce droit est inscrit dans
deux autres articles du Règlement qui ont trait aux affaires émanant des
députés. Le motionnaire d’une mesure d’initiative parlementaire ne pouvant faire
l’objet d’un vote a le droit de prendre la parole pour répliquer pendant au plus
cinq minutes à la fin du débat [73] .
Au cours de la
période réservée aux Affaires émanant des députés, lorsque le débat sur une
motion portant production de documents sous la rubrique « Avis de motions
(documents) » a duré une heure et demie au total, un ministre peut parler pendant
au plus cinq minutes, qu’il ait déjà pris la parole ou non, après quoi le
motionnaire peut clore le débat après avoir parlé pendant au plus cinq
minutes [74] .
Interventions
Lorsqu’un député prend la parole à la Chambre, aucun autre
député ne peut l’interrompre, sauf pour soulever une question de privilège qui
surgit soudainement ou pour faire un rappel au Règlement [75] .
Avant 1982 et
l’instauration de la période de questions et d’observations consécutive à la
plupart des discours [76] ,
si un député
souhaitait poser une question au cours d’un débat, il devait d’abord obtenir le
consentement de celui qui parlait [77] .
Le député qui
admettait l’interruption n’était pas tenu de répliquer, et il hésitait souvent à
le faire, car le temps ainsi employé était soustrait de son temps de
parole.
Protocole des interventions
Place assignée
Tout
député désireux de participer aux délibérations doit se lever à la place qui lui
est assignée pour demander la parole et pour intervenir [78] .
Il n’a été
fait exception à cette règle que rarement et dans des circonstances
exceptionnelles, par exemple lorsqu’un député était incapable de se lever par
suite d’une blessure ou d’une maladie [79] .
Lorsque le
Président se lève, le député doit s’asseoir [80] .
Les députés
sont incités à ne pas s’asseoir sur les bras de leurs fauteuils ou sur leurs
bureaux, le dos tourné à la Chambre. Lorsque celle-ci siège en comité plénier,
les députés peuvent se lever et prendre la parole à partir de n’importe quelle
place.
Observations adressées au Président
Tout
député qui participe à un débat doit s’adresser au Président, et non pas à la
Chambre, à un ministre ou un député particulier, aux personnes présentes dans
les tribunes, ni aux téléspectateurs. Comme l’un des principes de base de la
procédure de la Chambre veut que ses délibérations se déroulent à la manière
d’une conversation libre et polie [81] ,
les députés
sont moins enclins à se lancer dans des échanges vifs et directs et des attaques
personnelles lorsque leurs observations sont adressées au Président plutôt qu’à
un autre député. Si un député adresse des observations à un autre député et non
au Président, on le rappelle à l’ordre et on peut lui demander de les
reformuler [82] .
En comité
plénier, les députés doivent adresser leurs observations à la
présidence [83] .
Tenue convenable
Aucun
article du Règlement n’établit une norme vestimentaire à l’intention des députés
qui participent à un débat [84] ,
mais les
Présidents ont déclaré que la tradition et l’usage exigent que, pour obtenir la
parole au cours d’un débat, sur les rappels au Règlement ou pendant la Période
des questions, tous les députés, homme ou femme, se présentent à la Chambre en
tenue de ville contemporaine [85] .
L’usage et la
convention actuels veulent par conséquent que les députés de sexe masculin
portent un veston, une chemise et une cravate. Les cols de pasteur ont été
permis, mais les lavallières et les tricots à col roulé ont été déclarés non
convenables pour les députés de sexe masculin participant à un débat [86] .
Le Président a
même déclaré que le port du kilt est permis à certaines occasions (par exemple,
le jour de la fête de Robert Burns) [87] .
Les députés
qui font partie des Forces armées ont été autorisés à porter leur uniforme à la
Chambre [88] .
Dans
certaines circonstances, habituellement pour des raisons médicales, le Président
a accepté de relâcher les normes vestimentaires et permis, par exemple, à un
député de sexe masculin qui avait un bras dans le plâtre de porter un chandail
plutôt qu’un veston à la Chambre [89] .
Langue du débat
La Loi constitutionnelle de 1867 garantit que les députés
peuvent s’adresser à la Chambre en français ou en anglais [90] .
Vu le
caractère bilingue de la Chambre et l’existence de services d’interprétation
simultanée [91] ,
les députés
ont rarement de la difficulté à exprimer leurs avis et à les faire comprendre à
la Chambre. De plus, toutes les publications du Parlement, comme les Journaux, les Débats, le Feuilleton et Feuilleton des
Avis, sont imprimées dans les deux langues officielles.
On
emploie parfois d’autres langues dans les débats, mais pas longuement [92] ,
et les députés
qui le font fournissent quelquefois au rédacteur des Débats une traduction de leurs observations [93] .
Comme l’a
signalé le Président, toutefois, on pourrait éprouver de sérieuses difficultés à
maintenir l’ordre au cours des débats (et, par extension, à tenir des comptes
rendus exacts des travaux de la Chambre) si on devait y employer dans une large
mesure des langues autres que le français et l’anglais [94] .
Un député a en
outre utilisé un langage par signes pour faire une déclaration et pour poser une
question au cours de la Période des questions [95] .
Lecture de discours
Bien
que le Règlement ne l’interdise pas officiellement, l’usage veut que, lorsque
les députés s’adressent à la Chambre, ils ne lisent pas un texte écrit et
préparé à l’avance [96].
Ils peuvent
toutefois utiliser des notes de discours. Cette règle, qui découle de l’usage
britannique, a pour but d’entretenir la vivacité du débat, qui dépend du fait
que les intervenants successifs répliquent jusqu’à un certain point dans leur
discours aux arguments mis en avant par les orateurs précédents [97] .
La
tradition consistant à ne pas lire les discours existait lors de la
Confédération, mais la Chambre a adopté, en 1886, la résolution
suivante :
L’habitude de plus en plus fréquente, dans la Chambre des
Communes du Canada, de prononcer de longs discours, ayant le caractère de
volumineux essais, écrits et préparés avec soin, et de faire de longues
citations, souvent étrangères au sujet, [ce qui] est de nature à nuire à la
discussion légitime et appropriée des questions publiques, constitue une perte
de temps, prolonge d’une manière déraisonnable les sessions du Parlement, menace
d’entraîner l’abolition du rapport officiel des débats en augmentant leur volume
et leur coût, et tend à favoriser des débats oiseux et diffus plutôt qu’une
argumentation serrée ou concise; […] cette coutume forme un contraste frappant
avec la méthode suivie dans la Chambre des communes en Angleterre, et […]
dégoûte le public de l’étude approfondie et intelligente des délibérations du
Parlement [98] .
Malgré cette résolution, plusieurs Présidents ont dit
s’inquiéter, au cours des années, du fait que les députés ne prononçaient pas de
discours impromptus. Les tentatives faites pour appliquer cette règle ayant
échoué, un certain nombre de Présidents ont finalement fait des déclarations et
rendu des décisions à ce sujet [99] .
En 1956, le
Président Beaudoin a obtenu le consentement de la Chambre pour faire imprimer
dans les Journaux une déclaration sur la règle
relative à la lecture de discours. Il y examinait la règle établie par les
autorités en matière de procédure (May, Bourinot, Beauchesne et
divers Présidents) et l’usage suivi par la Chambre en vertu de cette règle. Il
résumait ensuite l’usage que l’on suit encore aujourd’hui, soit :
Le député qui prononce un discours à la Chambre peut
consulter des notes. Le premier ministre, les membres du Cabinet, le chef de
l’Opposition, les chefs d’autres partis, ou les députés qui parlent en leur nom,
peuvent donner lecture d’importants discours portant sur des questions de ligne
de conduite. Les nouveaux députés peuvent donner lecture de leur [premier]
discours. Les députés qui s’expriment dans une langue autre que leur langue
maternelle, les députés qui participent à des débats comportant des sujets
d’ordre technique ou à des débats sur l’Adresse en réponse au discours du Trône
et sur l’exposé budgétaire peuvent s’appuyer sur des notes complètes ou, s’ils
le désirent, donner lecture de leurs discours [100] .
Sauf
dans les cas les plus flagrants, les Présidents se sont montrés peu enclins à
insister pour que les députés s’abstiennent de lire un discours écrit d’avance
et ont préféré attendre qu’on attire l’attention sur la transgression au moyen
d’un rappel au Règlement, auquel cas ils déclarent régulièrement qu’il est
permis à un député de consulter des notes [101] .
Utilisation d’un lutrin
Les
députés ne sont pas autorisés à utiliser un lutrin lorsqu’ils prononcent un
discours à la Chambre; la seule exception à cette règle est faite pour le
ministre des Finances, lors de la présentation du Budget. Les Présidents ont
toutefois signalé qu’il est acceptable que les députés posent leurs notes sur
des livres [102] .
Citation de documents
Aucun
article du Règlement ne régit la citation de documents; la Chambre est guidée à
cet égard par l’usage et les précédents. De façon générale, l’usage admet qu’un
député cite des articles de journaux ou des extraits de livres ou d’autres
documents au cours d’un débat, et cette pratique n’est pas déclarée irrecevable
pourvu que les citations ainsi faites ne discréditent pas des délibérations
passées de la Chambre [103] ,
ne fassent pas
allusion à des choses dites par un député ni ne les commentent ou les
nient [104] ,
et qu’elles ne
soient pas formulées dans un langage qui serait déclaré inadmissible de la part
d’un député [105] .
Un
discours ne devrait pas consister en une longue citation ou en une série de
citations reliées au moyen de quelques phrases originales [106] .
Les députés ne
peuvent citer les « bleus » (version préliminaire non révisée du hansard) ni de la
correspondance quand il n’y a aucun moyen de vérifier l’authenticité de la
signature qui y figure [107] .
Ils peuvent
citer des extraits de correspondance d’origine privée à condition d’en nommer
l’expéditeur ou d’assumer la pleine responsabilité de leur contenu [108] .
Enfin, ils ne
peuvent citer d’extraits des délibérations d’un comité avant que celui-ci ait
fait rapport à la Chambre [109] .
Dépôt de documents et de discours
Tout
document cité par un ministre au cours d’un débat ou en réponse à une question
posée pendant la Période des questions doit être déposé [110] .
En effet, un
ministre n’est pas libre de lire une dépêche (message officiel sur les affaires
du gouvernement) ni un autre document officiel, non plus que d’en citer des
extraits, s’il n’est pas prêt à les déposer si cela peut être fait sans nuire à
l’intérêt public [111] .
Comme l’a
mentionné le Président Glen dans une décision rendue en 1941, « un honorable
député ne peut citer un passage d’une lettre s’il n’est pas prêt à en déposer le
texte sur le Bureau de la Chambre. La décision se fonde sur le principe que,
lorsque des renseignements sont communiqués à la Chambre, celle-ci a droit aux
mêmes renseignements que peut avoir l’honorable député qui cite le
document [112] ».
Il n’est pas
nécessaire de déposer un document public auquel un ministre fait allusion sans
le citer; seul le document qu’il cite doit être déposé [113] .
Si un ministre
cite une lettre d’origine privée dans un débat, celle-ci devient un document
public et doit être déposée sur demande [114] .
Le ministre
n’est cependant pas tenu de déposer les notes personnelles qu’il a consultées au
cours du débat ou pendant la Période des questions [115] .
Tous les
documents déposés à la Chambre par un ministre doivent l’être dans les deux
langues officielles [116] .
Selon
un usage de longue date à la Chambre, les simples députés ne peuvent déposer de
documents, officiels ou non [117] .
Le Président
Lamoureux a exprimé l’avis que, si les ministres doivent déposer les documents
officiels cités à l’appui d’un argument au cours d’un débat, cette règle n’a
jamais été interprétée comme s’appliquant aux documents, officiels ou non,
mentionnés par de simples députés. En 1974, lorsqu’un député a tenté d’obtenir
le consentement unanime de la Chambre pour déposer un document, le Président
Lamoureux a déclaré que « le Règlement ne prévoit aucune disposition qui
permettrait à un simple député de déposer ou de produire des documents d’une
manière ou d’une autre ». Le Président a conclu en donnant à entendre que les
députés « [pourraient] probablement les rendre publics par divers autres
moyens [118] ».
Toutefois,
depuis le milieu des années 1980, on permet parfois aux députés de déposer des
documents ou de la documentation auxquels ils peuvent s’être reportés dans leurs
discours ou pendant la Période des questions, avec le consentement unanime de la
Chambre [119] .
Ces documents
(qui sont souvent des copies de lettres ou d’annonces publicitaires) sont
habituellement déposés dans une seule langue [120] .
Les simples
députés placent parfois de la documentation sur le Bureau à l’intention de tous
les députés, mais cela n’est pas considéré comme un dépôt officiel [121] .
Pour
que les Débats constituent un compte rendu aussi
exact que possible de ce qui s’est dit à la Chambre, les députés ne sont pas
autorisés à déposer leurs discours pour les faire imprimer dans le
hansard [122] .
En de rares
occasions, un député a obtenu le consentement de la Chambre pour faire imprimer
de longues listes, statistiques ou données semblables dans les Débats en tant que partie intégrante d’un
discours [123] .
Il y a
également eu des cas où la Chambre a consenti à faire imprimer des documents ou
des échanges de correspondance sous forme d’annexe officielle des Débats pour l’information de la Chambre [124] .
Étalages, pièces et accessoires
Les
Présidents ont systématiquement déclaré irrecevables les étalages et les
manifestations de toutes sortes employés par des députés pour illustrer leurs
interventions ou pour souligner leurs positions. De même, les accessoires de
quelque sorte que ce soit, utilisés comme moyen de commenter silencieusement des
questions, ont toujours été jugés inacceptables à la Chambre. Les députés
peuvent avoir des notes en main, mais le Président les interrompra et les
réprimandera s’ils utilisent des papiers, des documents ou d’autres objets pour
illustrer leurs observations [125] .
L’exhibition
d’objets a également été déclarée inadmissible [126] .
Au cours du
débat sur le drapeau, en 1964, le Président a dû rappeler aux députés, à maintes
reprises, qu’il n’était pas permis d’exhiber des modèles de drapeaux en
concurrence [127] .
Les petits
drapeaux canadiens et les drapeaux de bureau n’ont pas été admis lorsqu’ils ont
été utilisés pour susciter du désordre à la Chambre dans le but d’interrompre le
discours d’un député [128] .
Les macarons
politiques et les épingles de revers ne sont pas considérés comme des pièces
exhibées tant qu’ils n’occasionnent pas de désordre [129] ,
mais le
Président a déjà interrompu un vote pour demander à certains députés d’enlever
des « accessoires » de leur revers de veston [130] .
Premier discours
La
tradition veut que la Chambre fasse certaines concessions ou politesses à un
député qui prononce son premier discours. À ces occasions, le Président peut
donner la parole à ce député plutôt qu’à d’autres qui se lèvent en même temps
que lui; ce privilège n’est cependant accordé que s’il est demandé au cours de
la législature suivant la première élection du député [131] .
Celui-ci est
autorisé à lire son discours [132]
et, par
courtoisie, on ne l’interrompt pas. Le Président lui accorde parfois du temps en
sus de celui qui lui est alloué par les règles pour terminer son
discours [133] .
Comme l’étude
de l’Adresse en réponse au discours du Trône constitue normalement le premier
débat important d’une nouvelle session, beaucoup de nouveaux députés en
profitent pour prononcer leur premier discours [134] .
Règles relatives à la substance des discours
Allusions aux députés
Pendant les débats, les députés ne doivent pas s’appeler
par leur nom; ils doivent plutôt désigner leurs collègues par leur titre, leur
poste ou le nom de leur circonscription pour éviter toute tendance à
personnaliser le débat [135] .
Il faut
désigner un ministre par le ministère qu’il dirige [136] .
D’ordinaire,
on appelle les chefs des deux principaux partis le très honorable premier
ministre et l’honorable chef de l’Opposition et on identifie les chefs d’autres
partis par leur parti [137] .
On désigne
également par le titre de très honorable les anciens premiers ministres qui
siègent à la Chambre et les autres députés à qui il a été conféré. On désigne
habituellement les secrétaires parlementaires, les leaders à la Chambre et les
whips des partis par la charge dont ils sont titulaires.
Le
Président ne saurait autoriser un député à en appeler un autre par son nom même
lorsqu’il cite un document comme un article de journal. Comme la présidence l’a
fait observer, « on ne peut pas faire indirectement ce qu’on ne peut pas faire
directement [138] ».
Il
est inacceptable de faire allusion à la présence ou à l’absence d’un député ou
d’un ministre à la Chambre [139] .
Le Président a
traditionnellement découragé les députés de faire remarquer l’absence d’un autre
député à la Chambre parce que « les députés doivent être à bien des endroits,
afin de bien remplir les devoirs de leur charge [140] ».
Les
remarques adressées directement à un autre député qui mettent en doute son
intégrité, son honnêteté ou sa réputation sont antiréglementaires [141] .
Un député sera
prié de retirer toute remarque injurieuse, allégation ou accusation
d’irrégularité dirigée contre un autre député [142] .
Le Président
n’est pas habilité à rendre des décisions au sujet de déclarations faites en
dehors de la Chambre des communes par un député contre un autre [143] .
Critiques de la Chambre et du Sénat
Les
remarques irrévérencieuses au sujet du Parlement, ou de la Chambre et du Sénat,
ne sont pas permises [144] .
Cette règle
protège également les députés et sénateurs. Dans les débats, on utilise
ordinairement les expressions « l’autre endroit » et « les membres de l’autre
endroit » pour désigner le Sénat et les sénateurs [145] .
Les allusions
aux débats et aux délibérations du Sénat sont déconseillées [146]
et il n’est pas
acceptable de mettre en doute l’intégrité, l’honnêteté ou la réputation d’un
sénateur [147] .
Cela « prévient
les disputes inutiles entre les membres de deux organismes distincts qui ne
peuvent pas se donner la répartie et protège contre la récrimination et les
propos injurieux en l’absence de l’autre partie [148] ».
Critiques de la présidence
Il
est interdit à quiconque, au cours d’un débat, de critiquer la conduite du
Président ou d’autres présidents de séance [149] .
Il est
inacceptable que l’intégrité et l’impartialité d’un président de séance soient
mises en doute et, si cela se produit, le Président interviendra et pourra
demander au député de se rétracter [150] .
Seule une
motion de fond dont avis écrit a été donné 48 heures à l’avance permet de
contester, de critiquer et de débattre les actes de la présidence [151] .
Les critiques
à l’encontre de la réputation ou des actes du Président ou d’autres présidents
de séance sont considérées comme des atteintes au privilège [152] .
Allusions au souverain, à la Famille Royale, au Gouverneur général et aux Magistrats
Il est interdit aux députés de parler
irrévérencieusement du souverain, de la famille royale, du gouverneur
général ou de la personne qui administre le gouvernement du Canada (en l’absence
du gouverneur général) [153] .
De même, une allusion à
l’une quelconque de ces personnes est interdite lorsqu’elle semble avoir
pour objet d’influencer les travaux de la Chambre [154] .
Comme May le
faisait observer : « On ne peut supposer à Sa Majesté une opinion
personnelle, à part celle de ses conseillers, et toute tentative d’utilisation
de son nom au cours d’un débat pour influencer le jugement du Parlement est
immédiatement réfrénée et censurée. Cette règle s’applique également
aux autres membres de la famille royale, mais elle n’est pas appliquée
rigoureusement lorsqu’un de ses membres a fait une déclaration publique sur
une question d’actualité dans la mesure où il s’est exprimé en des
termes corrects [155] ».
De tout temps, les
attaques personnelles et les blâmes dirigés contre les magistrats et les
tribunaux par des députés au cours d’un débat ont été considérés
comme une infraction au Règlement [156] .
Comme le Président
suppléant McClelland l’a expliqué à la Chambre, « […] une tradition de
longue date de la Chambre veut que l’on fasse preuve de prudence quand on
attaque des personnes ou des groupes, notamment au sein de la magistrature, ou
des personnes qui ne peuvent venir à la Chambre et [jouir du] même droit de
parole dont nous jouissons en toute impunité dans cette enceinte [157] ».
Même s’il est
permis de parler de la magistrature en général ou de critiquer une loi, il ne
convient pas de critiquer un juge en particulier ou de lui prêter des intentions
ni de critiquer la décision rendue par un juge conformément à la loi [158] .
Allusion par leur nom à des particuliers
Les
députés doivent s’abstenir de nommer par leur nom des personnes qui ne sont pas
parlementaires et qui ne jouissent donc pas de l’immunité parlementaire, sauf
lorsque des circonstances exceptionnelles l’exigent, dans l’intérêt national. Le
Président a jugé qu’il incombe aux députés de protéger les innocents, non
seulement contre les calomnies pures et simples, mais également contre toute
attaque directe ou indirecte et il a insisté sur le fait que les députés
devraient s’abstenir dans la mesure du possible de nommer par leur nom des gens
qui ne sont pas à la Chambre et qui ne peuvent donc pas répliquer et se
défendre [159] .
Allusion à des délibérations et à des dé antérieurs
Dans
le passé, on encourageait habituellement les députés à ne pas faire allusion aux
débats de la session en cours pour les empêcher de revenir sur un débat clos et
économiser le temps de la Chambre, à moins que leurs remarques n’aient rapport à
la question débattue [160] .
Aujourd’hui,
il arrive rarement, sinon jamais, que l’attention du Président soit attirée sur
des infractions à cette règle. De manière générale, les députés ne devraient pas
citer des déclarations faites par leurs collègues ou eux-mêmes pendant la
session en cours [161] ,
mais cette
règle ne s’applique pas aux allocutions à différentes étapes d’un projet de
loi [162] .
Une allusion
directe est permise, cependant, si un député désire se plaindre de ce qui a été
dit, rectifier une déformation des faits ou s’expliquer sur un fait
personnel [163] .
Les
députés ne peuvent pas se dresser contre ou critiquer une décision de la
Chambre [164] .
Cela découle
de la règle bien établie selon laquelle une question, lorsqu’elle a été mise aux
voix, ne peut pas être posée de nouveau, que la motion ait été adoptée ou
rejetée. De telles critiques n’ont pas leur place parce que le député est lié
par la décision de la majorité [165] .
Le Président
n’a jamais hésité à attirer l’attention sur les critiques au sujet des
votes [166] .
Toutefois, si
un député donne avis de son intention de proposer qu’un vote soit rescindé, la
Chambre peut reconsidérer une résolution ou un ordre antérieur [167] .
Propos non parlementaires
Les
délibérations de la Chambre sont fondées sur une longue tradition de respect de
l’intégrité de tous les députés. Par conséquent, l’utilisation de propos
injurieux, provocants ou menaçants à la Chambre est strictement interdite. Les
attaques personnelles, les insultes et les propos ou mots obscènes sont
antiréglementaires [168] .
Une accusation
directe ne peut être portée contre un député que par la voie d’une motion de
fond dont avis doit être donné [169] .
Si le
langage utilisé au cours d’un débat est douteux, le Président interviendra.
Néanmoins, tout député qui se sent blessé par une remarque ou une allégation
peut aussi porter immédiatement la question à l’attention du Président en
invoquant le Règlement. Il ne peut pas y avoir de rappels au Règlement durant
les Déclarations de députés ou la Période des questions [170] .
Néanmoins, le
Président peut intervenir sur-le-champ s’il estime que l’affaire est
suffisamment grave pour qu’il lui accorde son attention immédiate [171] .
Normalement,
la question est réglée à la fin de la Période des questions [172] .
Étant donné
que le Président doit prendre une décision en fonction du contexte dans lequel
le langage a été utilisé, le Règlement doit être invoqué le plus tôt possible
après que les propos ont été tenus [173] .
Si le
Président n’a pas entendu les propos prétendus non parlementaires ou s’il y a un
différend quant aux mots vraiment utilisés, la présidence peut laisser la
question de côté en attendant un examen du compte rendu des délibérations et, si
nécessaire, reporter sa décision à plus tard [174] .
Le Président a
également déclaré que si la présidence n’avait pas entendu l’expression ou le
mot injurieux et que si ces propos n’avaient pas été retranscrits dans les Débats, on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’elle
tranche [175] .
Lorsqu’il doit décider si des propos sont non
parlementaires, le Président tient compte du ton, de la manière et de
l’intention du député qui les a prononcés, de la personne à qui ils
s’adressaient, du degré de provocation et, ce qui est plus important, de la
question de savoir si oui ou non les remarques faites ont semé le désordre à la
Chambre [176] .
Ainsi, des
propos jugés non parlementaires un jour pourraient ne pas nécessairement l’être
le lendemain. La codification du langage non parlementaire s’est révélée
impossible, car c’est du contexte dans lequel les mots ou phrases sont utilisés
dont le Président doit tenir compte lorsqu’il décide s’ils devraient ou non être
retirés [177] .
Même si une
expression peut être considérée comme acceptable, selon le Président, il faut se
garder d’utiliser toute expression qui pourrait semer le désordre à la Chambre.
Les expressions qui sont considérées comme non parlementaires lorsqu’elles
s’appliquent à un député ne sont pas toujours considérées de la sorte
lorsqu’elles s’appliquent de manière générale ou à un parti [178] .
Si le
Président juge que des propos injurieux ou contraires à l’usage ont été
utilisés, il demandera au député qui les a tenus de les retirer. Celui-ci doit
se lever pour se rétracter sans équivoque. Les excuses du député sont acceptées
de bonne foi et l’affaire est dès lors considérée comme close [179] .
Toutefois, si
le député persiste dans son refus d’obéir au Président et de se rétracter, la
présidence peut refuser de lui accorder la parole jusqu’à ce qu’il ait retiré
ses propos [180]
ou peut le
« désigner par son nom » pour mépris de l’autorité de la présidence et lui
ordonner de se retirer de la Chambre pour le reste de la séance [181] .
En
1991, après que des propos non parlementaires eurent été tenus à plusieurs
reprises [182] ,
le
gouvernement présentait à la Chambre une motion se rapportant au décorum et à la
civilité. La motion a été débattue à trois reprises, mais n’a jamais été mise
aux voix [183] .
Répétitions et digressions
Les
règles relatives aux digressions et aux répétitions [184]
s’entrecroisent
et se renforcent mutuellement. La règle de la pertinence est nécessaire pour que
la Chambre puisse exercer son droit d’arriver à une décision et d’exclure du
débat toute discussion qui n’y contribue pas. La règle interdisant les
répétitions fait en sorte que lorsque tout ce qui se rapporte au débat a été
dit, la question est réglée une fois pour toutes, du moins pour la session en
cours. L’une ne saurait exister sans l’autre, car cela limiterait grandement la
capacité de la Chambre d’utiliser efficacement le temps réservé à ses
travaux.
Les
règles relatives aux digressions et aux répétitions sont quelque peu difficiles
à définir et à appliquer. Le Président peut invoquer la règle interdisant les
répétitions pour empêcher un député de reprendre des arguments déjà présentés au
cours du débat, que ce soit par d’autres députés ou par lui-même [185] .
Quant à la
règle de la pertinence, elle est utilisée pour empêcher un député de s’éloigner
de la question dont la Chambre ou un comité a été saisi. Il n’est pas toujours
possible de juger de la pertinence (ou du caractère répétitif) des remarques
d’un député avant qu’il ait fini de dire ce qu’il avait à dire [186] .
Dans la
pratique, le Président permet une certaine latitude — si les règles sont
appliquées trop rigoureusement, elles risquent d’écourter grandement le débat;
si elles sont appliquées trop librement et font perdre un temps précieux, elles
peuvent empêcher d’autres députés de participer au débat. Les circonstances,
l’humeur de la Chambre et l’importance relative du sujet à l’étude dicteront la
rigueur avec laquelle le Président interprétera ces règles.
Dans
l’exercice de son pouvoir d’application des règles se rapportant aux digressions
et aux répétitions, le Président peut rappeler un député à l’ordre et, si c’est
nécessaire, l’avertir qu’il risque de devoir mettre un terme à son discours. De
tels avertissements suffisent habituellement. Cependant, si le député persistait
à s’éloigner du sujet ou à répéter des choses déjà dites, le Président pourrait
donner la parole à un autre député ou, si aucun autre député ne souhaite prendre
la parole, mettre la question aux voix. Si le député faisait fi des instructions
ou directives du Président, ce dernier pourrait le « désigner par son
nom » [187] .
Historique
Nul
ne sait au juste quand la Chambre des communes britannique a adopté la pratique
consistant à restreindre les discours répétitifs ou hors de propos. Il
semblerait cependant qu’elle ait déjà été bien établie à la fin du seizième
siècle. Un manuel de procédure remontant à l’époque des parlements élizabéthains
énonce parmi les pouvoirs du Président celui de rappeler un député à l’ordre
lorsqu’il « intervient dans un débat sur un projet de loi et est hors de
propos [188] ».
Durant la
même période, le Président Popham demandait, au moment de son élection à la
présidence en 1580, que les députés « s’en tiennent au sujet […] et ne
consacrent pas trop de temps à des motions inutiles ou des arguments
superflus [189] ».
Les Journaux de 1604 donnent à penser que la règle de la
pertinence a été adoptée cette année-là sur l’ordre de la Chambre et Hatsell l’a
définie en ces termes : « Que si un homme parle sans pertinence, ou qu’il est en
dehors du sujet, le Président peut l’interrompre conformément aux ordres de la
Chambre et décider, selon le bon plaisir de la Chambre, si elle continuera à
l’entendre [190] ».
Peu après, la
Chambre a également adopté une règle interdisant les répétitions [191] .
Les deux
règles étaient difficiles à appliquer, notamment celle de la pertinence qui
obligeait le Président à obtenir l’appui de la Chambre pour ordonner à un député
de s’en tenir au sujet du débat. Au dix-huitième siècle, les interventions des
Présidents étaient tellement rares qu’elles déplaisaient parfois fortement aux
députés. Même un personnage aussi formidable que le Président Arthur Onslow
n’arrivait pas à faire respecter la règle de sa propre autorité [192] .
Lorsque la Chambre des communes canadienne a adopté ses
règles en 1867, aucune allusion n’a été faite aux répétitions durant un débat et
la règle de la pertinence n’a été mentionnée que dans le contexte d’un ordre
général donné aux députés de « s’en tenir à la question débattue [193] ».
Mis à part le
fait qu’il pouvait conseiller à un député de s’en tenir au sujet, le Président
devait presque s’en remettre à la Chambre et à la bonne volonté des députés pour
faire respecter la règle.
Lors
d’une révision des règles en 1910, les pouvoirs du Président ont été accrus. La
présidence a été habilitée à signifier à un député de discontinuer son discours
si elle le jugeait hors de propos ou répétitif après avoir attiré l’attention de
la Chambre sur la question [194] .
Lorsqu’il a
proposé l’adoption de cette règle, le premier ministre Wilfrid Laurier a fait
observer que c’était « mot pour mot le texte du règlement de la Chambre des
communes d’Angleterre [195] ».
Il n’en était
pas moins vrai de la règle se rapportant à la pertinence des propos tenus en
comité plénier qui a été adoptée au même moment : « Les discours en Comité plénier
se rapportent rigoureusement au poste ou à la disposition à l’étude [196] ».
Lorsque les règles ont été révisées en 1927, le rôle du
Président a été davantage précisé. Au cas où un député refuserait d’obéir au
Président, un comité spécial de la procédure a conféré à ce dernier le pouvoir
de « désigner » le député récalcitrant par son nom ou, dans le cas d’un comité,
permis au président du comité de le dénoncer à la Chambre. Ces modifications ont
été adoptées par la Chambre sans amendement ni débat et sont demeurées
inchangées depuis [197] .
La règle interdisant les répétitions
La
règle interdisant les répétitions vise principalement à sauvegarder le droit de
la Chambre d’en arriver à une décision et à prévenir l’utilisation inefficace de
son temps. Même si le principe est clair et logique, il n’a pas été toujours
facile à appliquer [198] .
Le champ
d’application de cette règle confère une grande latitude au Président. La
présidence peut l’utiliser pour écourter un débat qui se prolonge en limitant
les interventions des députés aux remarques qui n’ont pas déjà été
faites [199] .
Dans le
contexte du processus législatif, cette dernière restriction s’applique aux
remarques des députés à la même étape uniquement de l’étude d’un projet de loi.
Les arguments présentés à une étape peuvent légitimement l’être de nouveau à une
autre. L’objet de la règle est de préserver le droit de la Chambre d’arriver à
une décision. La liberté de parole dont jouissent les députés ne s’étend pas au
droit de faire de nouveau valoir des arguments qui ont déjà été
entendus [200] .
Enfin, le Président s’est servi de la règle de diverses
autres façons pour aider la Chambre à utiliser efficacement le temps qui lui est
alloué. Des Présidents ont déclaré inadmissibles la lecture ennuyeuse de lettres
même pour appuyer un argument [201] ;
la
présentation durant la Période des questions d’une question semblable à une
autre qui avait déjà été posée le même jour [202] ;
et la
répétition de questions de privilège sur le même sujet [203] .
La règle de la pertinence
La
Chambre dispose maintenant de règles limitant la durée des discours, mais il fut
un temps où il y avait peu de restrictions et où il arrivait souvent que le
débat déborde le cadre du sujet à l’étude. En 1882, Bourinot a jugé nécessaire
d’ajouter le commentaire qui suit à son étude de la procédure
parlementaire :
Le respect des privilèges et de la dignité du Parlement
exige qu’il ne gaspille pas inutilement son temps en de vaines discussions; par
conséquent, tout député qui s’adresse à la Chambre devrait essayer de serrer le
plus près possible la question à l’étude [204] .
Ce
conseil vaut toujours aujourd’hui puisque la conduite des affaires de l’État est
beaucoup plus complexe et que le temps de la Chambre est limité. Donc, dès qu’un
député s’éloigne de la question dont la Chambre a été saisie, le Président
invoque la règle de la pertinence. Il l’a fait, dans bien des cas, en indiquant
à un député qui avait été rappelé à l’ordre quel était au juste le sujet et en
quoi ses remarques n’étaient pas pertinentes [205] .
En
particulier, durant la période des questions et observations de 10 minutes qui
suit la plupart des discours, si un député ne limite pas ses remarques aux
arguments avancés dans le discours, la présidence invoquera la règle de la
pertinence [206] .
Malgré tout,
les Présidents ont tendance à être conscients de la nécessité d’une certaine
souplesse dans l’application de la règle [207] .
Ils ont fermé
les yeux sur des allusions à d’autres questions au cours d’un débat si elles
étaient faites en passant et n’étaient pas le thème principal du
discours [208] .
La
règle de la pertinence s’applique non seulement au débat sur une motion
principale, mais aussi à tout amendement proposé à la motion principale [209] .
Si un
amendement est proposé à une motion, la règle de la pertinence veut que le débat
soit limité à cet amendement jusqu’à ce que la Chambre se soit
prononcée [210] .
Les arguments
jugés hors de propos au cours d’un débat sur une motion principale demeurent
hors de propos s’ils sont présentés sous la forme d’un amendement. Même si
l’amendement propose de remplacer tous les mots de la motion principale après
« que » et d’y substituer une proposition de rechange, le débat est limité à la
motion principale et à l’amendement; toutes les autres propositions de rechange
sont hors de propos [211] .
Lorsque la
Chambre s’est prononcée sur un amendement, il lui est alors possible de débattre
la motion principale en entier ou d’envisager un autre amendement.
La
question préalable a un caractère exceptionnel en ce qui concerne la règle de la
pertinence. « Que la question soit maintenant mise aux voix » ne gène en rien le
débat sur la motion initiale. Au contraire, les députés qui ont déjà participé
au débat peuvent de nouveau exprimer leur avis sur la motion, après que la
question préalable a été proposée [212].
Toutefois, il
faut prendre garde d’éviter les répétitions.
Projets de loi
La
pertinence du débat à une motion dont la Chambre a été saisie vaut notamment
pour l’examen des projets de loi aux différentes étapes qui précèdent leur
adoption. D’après la pratique qui a son origine à la Chambre des communes
britannique, « chacune de ces étapes a sa propre fonction particulière et,
jusqu’à un certain point, sa gamme plus ou moins limitée de débats [213] ».
Cette
fonction guide le Président et la Chambre dans l’application de la règle de la
pertinence. Ainsi, par exemple, l’étape de la deuxième lecture d’un projet de
loi se limite à la discussion de son principe tandis que l’étape du rapport ne
porte que sur les motions d’amendement à un projet de loi. En dépit des
nombreuses occasions offertes à la Chambre de discuter d’un projet de loi, la
portée du débat est censée être différente à chaque étape.
• Deuxième lecture
Au
cours du débat en deuxième lecture, on est souvent tenté d’étudier à fond les
articles d’un projet de loi au lieu d’examiner le principe du projet de loi. Un
tel débat contrevient à la règle de la pertinence. La plupart des interventions
du Président ont habituellement pour objet d’empêcher les députés de discuter de
dispositions du projet de loi plutôt que de son principe [214] .
Une décision
du Président à ce sujet est assez claire : « À l’étape de la deuxième lecture, il
ne convient pas de débattre des articles du [ projet de loi ] [215] ».
Lorsque la
Chambre songe à adopter un projet de loi modificative, la règle exige, en
deuxième lecture, que ce soit le principe du projet de loi même, et non celui de
la loi existante, qui constitue le sujet à l’étude [216] .
• L’étape de l’examen en comité
Le
renvoi d’un projet de loi à un comité prépare le terrain à une étude approfondie
de son contenu, article par article. Aujourd’hui, la plupart des projets de loi
sont renvoyés à des comités permanents pour être étudiés, mais, dans le passé,
l’examen des projets de loi était plus souvent confié à un comité plénier et
c’est dans cette enceinte plus nombreuse que la pratique régissant l’examen des
projets de loi s’est développée. Conformément au Règlement, les discours
prononcés en comité plénier doivent se rapporter rigoureusement au poste ou à la
disposition à l’étude [217] .
Les présidents
ont fréquemment cité cette règle et demandé que les députés l’observent [218] .
La même
pratique s’applique à l’étude des projets de loi par les comités permanents,
spéciaux ou législatifs.
Une
exception importante à la règle de la pertinence en comité est celle du débat
général qui est permis relativement à l’article 1, ou l’article qui suit
l’article sur le titre abrégé. Même si le Règlement ne contient aucune
disposition au sujet de cette pratique, elle est acceptée depuis au moins les
années 1930 [219] .
Au fil des
ans, les présidents se sont colletés avec les règles de débat se rapportant à
l’article 1 et ont établi certaines limites. Celles-ci incluent la proscription
de la répétition du débat en deuxième lecture et de l’anticipation de l’étude
article par article [220] .
En outre, le
débat général sur l’article 1 ne peut pas s’écarter de l’objet du projet de
loi [221] .
Une autre
limite surgit lorsqu’un amendement a été proposé à l’article 1. Pour reprendre
les propos d’un président qui a rendu une décision à ce sujet : « Une fois qu’un
amendement a été proposé, j’estime que la discussion devrait se limiter à cet
amendement jusqu’à ce que l’affaire ait été réglée, après quoi on peut formuler
à nouveau des observations d’ordre général [222] . »
Ce jugement a
été confirmé par la pratique et par une décision ultérieure [223] .
• L’étape du rapport
D’après Beauchesne, « l’étape du
rapport d’un projet de loi d’intérêt public est consacrée à la révision de ce
qui s’est fait en comité. Il s’agit d’une réédition, sous une forme moins libre,
de l’étude en comité, les règles applicables à la circonstance étant celles qui
régissent les délibérations de la Chambre, le Président étant au
fauteuil [224] ».
Les motions à
l’étape du rapport sont des amendements à des articles d’un projet de loi visant
à les modifier, à les supprimer ou à les rétablir. Pour éviter les répétitions
excessives, le Président a le pouvoir de choisir ou de combiner les
modifications proposées [225] .
Le Président
peut aussi contrôler les délibérations en utilisant la règle de la pertinence
telle qu’elle s’applique au débat sur les articles d’un projet de loi. Bien que
le débat à l’étape du rapport ressemble à celui de l’étape de l’examen en
comité, les députés n’ont pas toute latitude pour discuter d’un projet de loi
comme le veut la pratique à l’étape de l’étude en comité de l’article 1 [226] .
• Troisième lecture
Le
débat en troisième lecture consiste à revoir la mesure législative dans sa forme
définitive et est strictement confiné au contenu du projet de loi [227] .
Si un
amendement est proposé, le débat devrait porter sur cet amendement jusqu’à ce
que la Chambre se soit prononcée [228] .
Débats sur l’Adresse en réponse au discours du Trône et sur le Budget
Les
us et coutumes de la Chambre permettent que la règle de la pertinence soit
quelque peu relâchée au cours du débat sur la motion pour une Adresse en réponse
au discours du Trône. Le débat sur cette motion « constitue pour le simple député
l’une des occasions qui lui sont offertes de traiter librement des sujets de son
choix [229] ».
Par
conséquent, le débat a tendance à être très général et le Président ne fait
habituellement aucun effort pour appliquer la règle de la pertinence. Ce n’est
pas le cas, toutefois, lorsque la Chambre tient un débat sur le Budget. Les
remarques des députés doivent être pertinentes à la motion dont la Chambre a été
saisie. Il reste que l’énoncé de la motion (c’est-à-dire que la Chambre approuve
la politique budgétaire générale du gouvernement) est suffisamment vaste pour
assurer aux députés une grande latitude dans leurs propos sans transgresser le
principe de la règle [230] .
La convention relative aux affaires en instance sub judice
Au
cours d’un débat, des restrictions sont imposées à la liberté de parole des
députés qui ne peuvent faire allusion à des affaires en instance dans l’intérêt
de la justice et de l’équité. De telles affaires ne peuvent pas non plus faire
l’objet de motions ou de questions à la Chambre. Même s’il existe des précédents
qui peuvent guider la présidence, on n’a jamais tenté de codifier la pratique
connue sous le nom de « convention relative aux affaires en instance sub judice [231] ».
L’interprétation de cette convention est laissée au Président étant donné qu’il
n’existe aucune « règle » pour empêcher le Parlement de discuter d’une affaire en
instance sub judice, c’est-à-dire « en instance
devant un juge ou un tribunal ».
La
convention relative aux affaires en instance sub
judice est avant tout une restriction que la Chambre s’impose volontairement
pour protéger un accusé, ou une autre partie à des poursuites en justice ou à
une enquête judiciaire, de tout effet préjudiciable d’une discussion publique de
la question [232] .
La convention
existe également, comme le faisait observer le Président Fraser, pour « maintenir
la séparation et la bonne entente entre le législatif et le judiciaire [233] ».
Ainsi, la
perception et la réalité de l’indépendance du pouvoir judiciaire doivent être
jalousement protégées. Cependant, comme le Président Sauvé l’a expliqué, la
convention relative aux affaires en instance n’a jamais empêché la Chambre
d’étudier une affaire en cours d’instance lorsque cette affaire, considérée
comme une question de privilège fondée de prime abord, était vitale pour le pays
et pour la bonne marche de la Chambre [234] .
Il y
a des situations où l’application de la convention relative aux affaires en
instance sub judice n’a posé aucun problème. Elle a
été appliquée à des motions, des allusions au cours de débats, des questions et
des questions supplémentaires [235] .
Elle a aussi
été appliquée régulièrement dans des affaires criminelles. Cependant, la
convention ne s’applique pas aux projets de loi puisqu’on ne peut pas limiter le
droit du Parlement de légiférer [236] .
Si la
convention relative aux affaires en instance sub
judice devait s’appliquer aux projets de loi, tout le processus législatif
pourrait s’arrêter du simple fait du dépôt d’un bref ou de poursuites
judiciaires devant un tribunal ou l’autre au Canada.
Affaires au criminel et au civil
Aucune distinction n’a jamais été faite au Canada entre les
tribunaux criminels et les tribunaux civils aux fins de l’application de la
convention et elle s’est appliquée également à certains tribunaux autres que des
cours de justice. La convention relative aux affaires en instance sub judice est là pour garantir à chacun un juste
procès et empêcher toute influence indue qui pourrait préjudicier à une décision
judiciaire ou au rapport d’un tribunal d’enquête. En fait, de l’avis du Comité
spécial des droits et immunités des députés, « la question du préjudice se pose
surtout lorsqu’il s’agit de procès en diffamation devant un jury, au criminel et
au civil [237] ».
Dans
les affaires criminelles, les précédents ont consisté à ne pas faire allusion à
la cause avant qu’une décision n’ait été rendue et durant tout appel. On
s’attend des députés à ce qu’ils s’abstiennent de discuter des affaires qui sont
devant un tribunal criminel, non seulement pour protéger les personnes qui
subissent un procès et risquent d’en souffrir peu importe son issue, mais aussi
parce que le procès pourrait se trouver faussé par un débat à la
Chambre [238] .
Il a été
établi que la convention cesse de s’appliquer, en ce qui concerne les affaires
au criminel, lorsqu’un jugement a été rendu [239] .
Le Président a
confirmé qu’une affaire est de nouveau sub judice si
la décision rendue fait l’objet d’un appel [240] .
Les
précédents varient en ce qui concerne les affaires au civil. La convention a été
appliquée dans certains cas [241] ,
mais pas dans
d’autres [242] .
Toutefois, en
1976, le Président a jugé que rien ne devrait restreindre le droit d’un député
de poser des questions au sujet d’une affaire devant les tribunaux, notamment au
civil, à moins et jusqu’à ce que l’affaire passe en jugement [243] .
Bien qu’il n’y
ait pas de pratique établie dans le cas des affaires civiles, la présidence a en
de nombreuses occasions fait allusion à la nécessité de faire preuve de prudence
dans les allusions aux affaires en instance judiciaire, peu importe la nature du
tribunal [244] .
Cours d’archives et commissions royales
D’après les précédents, il est clair que l’application de
la convention est limitée aux tribunaux définis par la loi comme étant des cours
d’archives [245] .
(Une cour
d’archives est définie comme suit : « Une cour qui doit tenir un compte rendu de
ses délibérations et qui peut imposer une amende ou une peine d’emprisonnement.
Un tel compte rendu est digne de foi et ne peut pas être contesté [246] . »)
La
convention relative aux affaires en instance sub judice ne s’applique pas, cependant, aux questions renvoyées à des commissions
royales quoique la présidence ait fait une mise en garde contre les allusions
aux délibérations, témoignages ou constatations d’une commission royale avant
qu’elle n’ait présenté son rapport [247] .
Le rôle du Président
Étant
donné que la convention relative aux affaires en instance sub judice n’est pas codifiée et est d’application
volontaire, la compétence du Président dans de telles affaires est un peu
difficile à définir. Le pouvoir discrétionnaire du Président à l’égard des
affaires en instance sub judice découle de son rôle
de gardien de la liberté d’expression à la Chambre. Le Président a le devoir de
mettre en équilibre les droits de la Chambre et les droits et intérêts du
citoyen ordinaire qui subit un procès. En fait, le Président n’exerce son
pouvoir discrétionnaire que dans des cas exceptionnels où il est clair qu’en
agissant autrement, il léserait des intérêts particuliers. Le problème qui se
pose pour un Président tient à ce qu’il ne peut déterminer si un commentaire
aura une incidence quelconque avant que les observations aient été
faites.
Dans
son rapport, le Comité spécial des droits et immunités des députés a recommandé
que si la situation n’est pas claire, le Président accorde le bénéfice du doute
au député qui désire soulever une question à la Chambre et s’abstienne de se
servir de son pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l’application de la
convention [248] .
Le Comité a
conclu que sans vouloir remettre en question le pouvoir discrétionnaire de la
présidence, il n’en demeure pas moins que les députés de la Chambre devraient
eux-mêmes s’abstenir de toute déclaration [249] .
Un député qui
croit que le fait d’intervenir pourrait léser des intérêts particuliers, lors
d’un procès ou d’une enquête, devrait s’abstenir de toute déclaration. En outre,
tout député qui demande au Président d’empêcher une discussion pour motif de sub judice se verrait obligé de démontrer, à la
satisfaction du Président, l’existence d’une raison valable de croire qu’un
préjudice pourrait résulter de cette discussion [250] .
Le
Comité s’est dit d’avis également qu’au cours de la Période des questions, la
présidence devrait s’abstenir d’intervenir en ce qui a trait à l’application de
la convention, et qu’il incomberait plutôt au député qui pose la question ainsi
qu’au ministre à qui elle est adressée de faire preuve de discernement. Un
ministre est mieux placé que le Président pour juger si une question qui lui est
adressée concerne une affaire en instance sub
judice. Le ministre peut alors décider de lui-même si sa réponse peut léser
les intérêts d’une partie; auquel cas, il pourrait refuser de répondre, en se
prévalant de sa prérogative de répondre ou non à une question. D’après les
précédents, il semblerait que ce soit l’approche adoptée par la
présidence [251] .
Le Président
n’est intervenu que lorsqu’il croyait qu’il y avait manquement à la convention
relative aux affaires en instance sub
judice [252] .
Explications sur un fait personnel
La
présidence peut à l’occasion autoriser un député à donner des explications sur
un fait personnel même si la Chambre n’a été saisie d’aucune question. C’est ce
que les députés appellent communément « une question de privilège personnel » et
il s’agit d’une indulgence de la présidence à leur égard. Il n’y a aucun lien
avec la question de privilège et, comme un Président le faisait observer, « Je ne
m’appuie sur aucune autorité juridique, aucune règle de procédure ni aucun
précédent historique ou autre [253] ».
Par
conséquent, de telles occasions ne doivent pas donner lieu à un débat général et
les députés savent qu’ils doivent s’en tenir à l’essentiel [254] .
Lorsque la
présidence les y autorise, les députés peuvent notamment annoncer une
démission [255]
ou expliquer
des changements dans l’appartenance politique, des faits les touchant qui se
sont produits à l’extérieur de la Chambre ou des déclarations mal
interprétées [256] .
Les rappels au Règlement
Lorsqu’un député juge que les règles ou les coutumes de la
Chambre, en ce qui concerne par exemple la pertinence des interventions ou les
répétitions, les remarques non parlementaires ou le quorum, ont été
transgressées ou mal appliquées pendant une séance, il peut invoquer le
Règlement afin de porter la chose à l’attention de la présidence [257] .
Il peut le
faire à peu près à n’importe quel moment, à condition de formuler son objection
et de présenter brièvement ses arguments [258]
dès qu’il
constate l’irrégularité [259] .
Les rappels au
Règlement touchant les questions de procédure doivent être faits promptement,
avant que le débat n’en soit rendu à un stade où une telle intervention serait
déplacée. Comme ces rappels portent sur l’interprétation des règles de
procédure, il appartient au Président d’en déterminer le bien-fondé et de
résoudre la question qu’ils soulèvent [260] .
Il
est fréquent que des députés fassent des interventions de cette nature, mais les
véritables rappels au Règlement sont rares. En fait, les députés ont souvent
recours à cette manœuvre simplement pour tenter d’obtenir la parole et de
participer au débat en cours; dans les cas de ce genre, le Président ne leur
permet pas de poursuivre [261] .
Chaque rappel
au Règlement doit être réglé avant qu’il soit possible d’en faire un nouveau. En
outre, lorsqu’un député invoque le Règlement pendant l’examen d’une question de
privilège, le rappel au Règlement a préséance jusqu’à ce que le Président ait
déterminé s’il y a effectivement eu contravention à une règle et qu’il ait
tranché la question [262] .
Il est déjà
arrivé toutefois que le président refuse d’entendre une objection pendant
l’examen d’une question de privilège [263] .
Par ailleurs,
en cas de désordre sur le parquet ou dans les tribunes, la nécessité de rétablir
l’ordre obligerait là encore le Président à mettre temporairement de côté un
rappel au Règlement.
Les règles relatives aux rappels au règlement
N’importe quel député peut interrompre le député qui a la
parole pendant un débat et porter une irrégularité de procédure à l’attention de
la présidence dès qu’elle se produit; le député qui avait la parole doit alors
reprendre son siège jusqu’à ce que l’affaire ait été réglée d’une manière ou
d’une autre [264] .
Lorsqu’il
obtient la parole à son tour, le député qui a soulevé l’objection doit se
contenter d’indiquer sur quelle pratique ou quel article du Règlement porte son
intervention; autrement, le Président peut lui demander de le faire.
En
vertu du Règlement, un rappel au Règlement peut faire l’objet d’un bref débat si
le Président y consent [265] .
Cette règle,
déjà en vigueur à l’Assemblée législative de la Province du Canada, a été
maintenue au moment de la Confédération [266] .
De nombreux
députés croyaient d’ailleurs que la règle prévoyait la tenue d’un débat sur tout
rappel au Règlement avant que le Président ne rende sa décision. En fait, la
règle et la pratique ne concordaient pas avant 1906, l’année où la règle a été
modifiée dans le but de légitimer la coutume voulant que les rappels au
Règlement puissent faire l’objet d’un débat à la discrétion du
Président [267] .
Au début des
années 1980, les rappels au Règlement suscitaient des discussions de plus en
plus longues, et les occupants du fauteuil se sentaient obligés d’intervenir; il
est même arrivé qu’ils refusent d’accorder la parole à des députés qui
soulevaient une objection [268] .
Malgré les
pressions des députés, les Présidents successifs ont appliqué le Règlement avec
de plus en plus de rigueur et, tout en autorisant le débat sur certains rappels
au Règlement, ils en limitent considérablement la longueur. Par ailleurs,
lorsqu’un député invoque le Règlement pendant un discours, le Président décide
si l’intervention est incluse ou non dans le temps alloué pour cette étape du
débat [269] .
Il
existe de nombreuses exceptions à la règle selon laquelle le rappel au Règlement
doit se faire dès que l’irrégularité de procédure se produit. Par exemple, les
objections soulevées pendant le débat sur la motion d’ajournement sont examinées
le jour de séance suivant [270].
Les
rappels au Règlement qui se produisent pendant la Période des questions ou les
Déclarations de députés sont habituellement reportés à la fin de la Période des
questions [271] .
Entre la
Confédération et 1975, la coutume voulait que les rappels au Règlement soient
faits dès que se produisaient les irrégularités de procédure sur lesquelles ils
portaient, même pendant la Période des questions [272] .
La Chambre a
toutefois décidé en 1975, dans le cadre de la réforme touchant l’ordre de ses
travaux et le déroulement de la Période des questions, qu’il ne devait pas y
avoir de rappels au Règlement pendant cette période [273] .
La décision
prise par la Chambre à cet égard ne constituait qu’une entente provisoire, mais
les Présidents successifs en ont maintenu l’esprit, malgré l’opposition
véhémente des députés, même après que l’entente eut cessé d’être en vigueur en
octobre 1977, la Chambre n’ayant pas donné de statut permanent à certains ordres
de session. Le Président a continué malgré tout d’appliquer cette nouvelle
pratique [274] ,
qui a été
étendue en 1982 aux Déclarations de députés [275]
et a finalement
été codifiée dans le Règlement de 1986 [276] .
Si un député
invoque le Règlement pendant la Période des questions ou les Déclarations de
députés, le Président indique qu’il l’entendra après la Période des
questions [277] .
Toute
question faisant l’objet d’un rappel au Règlement doit en principe être portée à
l’attention du Président après les Affaires courantes (à 10 heures le mardi et
le jeudi, à 15 heures le lundi et le mercredi, et à midi le vendredi) [278]
quoique, de nos
jours, le Président invite généralement les députés à soulever ces questions
après la Période des questions.
Les
députés ne peuvent pas faire de commentaires à la Chambre ou participer au débat
en soulevant une question sous prétexte d’un rappel au Règlement [279] .
Ils ne peuvent
pas invoquer le Règlement pour proposer l’ajournement de la Chambre [280] ,
l’ajournement
du débat ou la prolongation d’une séance [281] ,
ou encore pour
passer à l’Ordre du jour [282] ,
et ils ne
peuvent pas le faire non plus pendant la vérification du quorum [283] .
Malgré la
règle voulant que les députés ne puissent pas avoir recours à ce moyen pour
proposer une motion de fond [284] ,
ils s’en
servent souvent pour demander le consentement unanime de la Chambre au dépôt
d’une motion de ce genre [285] .
Pendant les
Affaires courantes, il est arrivé que des députés soient autorisés à invoquer le
Règlement pour demander où en était rendue l’étude d’une question figurant au Feuilleton [286]
ou d’un avis de
motion portant production de documents [287] .
Il est déjà
arrivé également qu’ils invoquent le Règlement pour obtenir le consentement
unanime de la Chambre afin de prolonger la période réservée aux questions et
observations à la suite d’un discours [288]
ou de passer
aux Affaires émanant des députés avant l’heure prévue [289] .
Un
ministre peut invoquer le Règlement à n’importe quel moment d’une séance pour
déposer un avis de motion de voies et moyens, quoique le Président ait déjà
laissé entendre que ces avis devraient être déposés à la fin des Ordres émanant
du gouvernement, avant le début de l’heure réservée aux Affaires émanant des
députés, ou encore entre le moment où un député reprend son siège après une
intervention et celui où un autre obtient la parole pour poursuivre le
débat [290] .
Les ministres
peuvent également invoquer le Règlement à n’importe quelle étape du débat pour
donner préavis oral d’une motion d’attribution de temps [291]
ou de
clôture [292] .
Les
rappels au Règlement peuvent se faire une fois le débat terminé, soit avant,
soit après la tenue d’un vote, mais il est interdit d’interrompre le Président
lorsque celui-ci met la question aux voix [293] .
Il est déjà
arrivé que la présidence doive refuser d’entendre un rappel au Règlement, soit
parce qu’elle avait déjà convoqué les députés pour un vote, soit parce que le
résultat du vote n’avait pas encore été annoncé [294] .
Si un député
signale une infraction au Règlement pendant la tenue d’un vote, celui-ci est
mené à terme avant que le rappel au Règlement ne soit examiné [295] .
Les rappels au
Règlement se rattachant à un vote sont généralement faits immédiatement après
l’annonce du résultat de ce vote [296] .
Les décisions relatives aux rappels au règlement
Le
Président a pour fonction de maintenir l’ordre et le décorum, et de décider de
toutes les questions de procédure qui peuvent se poser [297] .
Il doit
immédiatement porter à l’attention de la Chambre toute irrégularité dans le
débat ou la procédure, sans attendre l’intervention d’un député. Il doit en
outre régler les questions d’ordre une fois qu’elles se sont posées, et non par
anticipation. Par ailleurs, même si elles sont présentées comme des rappels au
Règlement, le Président ne peut pas répondre aux questions hypothétiques
touchant la procédure, ni aux questions de nature juridique ou
constitutionnelle [298] .
Lorsqu’un député invoque le Règlement, le Président tente
de régler la question immédiatement. Cependant, il peut au besoin prendre
l’affaire en délibéré et revenir plus tard devant la Chambre pour rendre sa
décision officielle [299] .
En cas de
doute, il peut également autoriser la tenue d’un débat sur le rappel au
Règlement avant de rendre sa décision, mais il n’accepte alors que les
commentaires se rapportant strictement à la question soulevée [300] .
Lorsqu’il rend
sa décision, le Président indique l’article du Règlement ou l’autorité
applicable en l’espèce, ou cite tout simplement le numéro de l’article
pertinent [301] .
Cette décision
est sans appel et clôt la discussion [302] .
Les députés ne
peuvent pas invoquer le Règlement pour discuter d’une question dont le Président
a déjà dit qu’il ne s’agissait pas d’une question de privilège [303] ,
ou pour
soulever une objection en tant que question de privilège après que le Président
eut statué que la question ne pouvait pas faire l’objet d’un rappel au
Règlement [304] .
Les règles du décorum
Le
Président applique un certain nombre de règles et de traditions touchant le
décorum afin de veiller à ce que le débat se déroule de façon courtoise et
ordonnée. Les députés doivent être à leur place s’ils veulent prendre part aux
travaux de la Chambre et adresser leurs commentaires à la présidence [305] .
Pour éviter
toute interruption inutile quand un député a la parole, aucun autre député ne
peut passer entre le Président et lui [306] .
Les rappels au
Règlement sont les seules interruptions permises [307] .
Comme
rien ni personne ne doit s’interposer entre le Président et le symbole de son
autorité (la masse), les députés ne doivent pas passer entre le fauteuil de la
présidence et le Bureau, ni entre le fauteuil et la masse lorsque celle-ci est
retirée du Bureau par le sergent d’armes [308] .
Ils doivent en
outre s’asseoir lorsque l’occupant du fauteuil se lève [309] .
Lorsqu’ils
traversent le parquet de la Chambre ou qu’ils quittent leur place pour une autre
raison, ils doivent s’incliner devant le Président. À l’ajournement de la
Chambre, ils doivent en outre demeurer à leur place jusqu’à ce que le Président
ait quitté le fauteuil; dans la pratique, cependant, la plupart d’entre eux se
contentent de faire une pause, qu’ils soient debout ou assis, pendant que
celui-ci sort de la Chambre [310] .
Lorsqu’ils sont à la Chambre, les députés peuvent boire de
l’eau pour se désaltérer pendant les débats, mais ils n’ont pas le droit de
boire autre chose ni de manger [311] ,
et ils n’ont
jamais été autorisés à fumer. L’utilisation de téléphones cellulaires est
également interdite à la Chambre [312] .
Depuis 1994,
les députés sont autorisés à s’y servir d’ordinateurs portatifs, à condition que
cela ne cause pas de désordre et ne nuise pas au député qui a la
parole.
Le
Président ferme généralement les yeux sur les nombreuses interruptions mineures,
applaudissements [313], exclamations
d’approbation ou de désapprobation, chahut [314] ,
qui peuvent
ponctuer les discours, dans la mesure où l’ordre est maintenu [315] .
Il est
cependant déjà arrivé qu’il rappelle à l’ordre des députés qui sifflaient ou qui
chantaient pendant le discours d’un de leurs collègues [316] .
Le Président
met rapidement un frein aux interruptions excessives, surtout si le député qui a
la parole demande l’assistance de la présidence [317] .
Il tente
toujours de décourager les conversations privées à voix haute et invite les
auteurs de ces échanges verbaux à les poursuivre à l’extérieur de la
Chambre [318] .
Le décorum pendant les votes
Pendant la tenue d’un vote, aucun député n’est autorisé à
entrer dans la Chambre, à en sortir ou à la traverser, ni à faire du bruit ou à
troubler l’ordre, entre le moment où le Président met la question aux voix et
celui où le résultat du vote est annoncé [319] .
Les députés
doivent être à leur place s’ils veulent voter et doivent demeurer assis jusqu’à
l’annonce du résultat [320] .
Ceux qui
entrent à la Chambre pendant que la question est mise aux voix, ou après, ne
peuvent pas faire enregistrer leur vote [321] .
D’autre part,
comme c’est le cas à la Chambre pendant un vote par appel nominal, aucun député
ne peut entrer dans la Chambre pendant qu’un comité plénier tient un
vote [322].
Il y
a déjà eu un cas où le Président a interrompu la tenue d’un vote pour demander
au chef d’un parti d’opposition d’enlever un accessoire qui suscitait du
désordre à la Chambre [323] .
En outre, il a
déjà demandé à des députés debout dans l’allée centrale de regagner leur siège
ou de quitter la Chambre pour que celle-ci puisse procéder à un vote [324] .
Les pouvoirs du Président visant le maintien de l’ordre et le décorum
Le
Président doit veiller à ce que le débat soit conforme aux règles et aux
pratiques que la Chambre a adoptées pour se protéger des excès. Bien que la
Chambre soit maîtresse de ses travaux et que le Président n’en soit que le
serviteur, celui-ci dispose de vastes pouvoirs pour faire respecter les règles
du débat et pour maintenir l’ordre de manière à ce que la Chambre puisse
effectuer ses travaux dans l’harmonie. En fait, le Règlement prévoit
expressément que le Président doit maintenir l’ordre et le décorum, de même que
régler les questions d’ordre [325] .
Il l’autorise
également à rappeler un député à l’ordre si celui-ci persiste à répéter un
argument déjà présenté au cours du débat ou à s’éloigner du sujet dont la
Chambre a été saisie [326] .
Le
maintien de l’ordre et du décorum fait partie des fonctions du Président depuis
1867, mais cette tâche n’a jamais été aussi difficile que pendant les premières
années de la Confédération. Les Présidents de l’époque devaient régulièrement
faire face à des comportements grossiers et désordonnés, auxquels ils étaient
souvent incapables de mettre fin. Les députés qui lançaient du papier [327] ,
des
livres [328]
ou d’autres
missiles, y compris des pétards dans un cas [329] ,
qui imitaient
des chats [330]
ou qui
faisaient de la musique [331]
et des bruits
de toutes sortes faisaient de la Chambre un endroit plutôt tumultueux [332] .
La Chambre est
devenue beaucoup plus calme et plus austère au début du vingtième siècle,
quoique le Président en ait presque perdu le contrôle au moment du débat sur le
projet de loi relatif aux forces navales, en 1913 [333] .
Par la suite,
les épisodes de turbulence ont été peu fréquents, et la plupart se sont produits
dans des cas où le gouvernement cherchait à imposer la clôture des
débats [334] .
Sauf en 1956,
à l’occasion du débat sur le pipeline, le Président n’a guère eu de mal à
préserver l’ordre à la Chambre durant cette période [335] .
Par la suite,
la succession de gouvernements minoritaires pendant les années 1960 et les
débuts de la télédiffusion des séances à la fin des années 1970 ont toutefois
entraîné d’autres difficultés. Les Présidents Jerome, Sauvé, Francis et Bosley
ont tous eu à sanctionner de nombreux écarts de langage et d’autres manquements
à l’ordre et au décorum [336] .
Et, pendant
les années 1990, les Présidents Fraser et Parent ont tous deux été appelés à
régler un certain nombre de cas d’indiscipline [337] .
Les
conventions acceptées relativement aux comportements parlementaires et au
respect de l’autorité de la présidence suffisent normalement à garantir le
maintien de l’ordre et du décorum pendant les débats et les autres travaux de la
Chambre. Cependant, en cas de manquement aux règles du débat [338] ,
le Président
intervient directement pour avertir le député fautif ou la Chambre en général,
et pour rappeler à l’ordre le député dont le comportement perturbe la
séance [339] .
Il fait
généralement ses déclarations sur les manquements à l’ordre ou au décorum dès
qu’ils se produisent, avant toute discussion.
Il
est rare que des députés défient l’autorité du Président ou prennent le risque
d’encourir ses sanctions disciplinaires. Toutefois, si un député conteste
l’autorité de la présidence en refusant de tenir compte d’un rappel à l’ordre du
Président, de retirer des paroles non parlementaires, de mettre fin à des propos
non pertinents ou répétitifs, ou de cesser d’interrompre le député qui a la
parole, le Président a un certain nombre d’options à sa disposition. Il peut
accorder la parole à un autre député [340]
ou refuser de
l’accorder au député fautif jusqu’à ce que celui-ci ait retiré ses paroles
offensantes et présenté ses excuses [341] .
En dernier
recours, il peut désigner le député par son nom; c’est la sanction la plus
lourde qu’il puisse imposer.
La désignation d’un député par son nom
Le
député qui persiste à défier l’autorité de la présidence peut faire l’objet
d’une mesure disciplinaire qui consiste à le désigner par son nom. S’il refuse
de se plier aux injonctions du Président lorsque celui-ci lui demande de se
conformer aux règles et pratiques de la Chambre, le Président peut le désigner
par son nom, plutôt que par son titre ou par le nom de sa circonscription comme
le veut l’usage, et lui ordonner de se retirer de la Chambre pour le reste de la
journée de séance [342] .
Le Président
peut aussi laisser à la Chambre le soin de prendre les mesures disciplinaires
supplémentaires de son choix. Dans un cas comme dans l’autre, la désignation
d’un député par son nom est une mesure cœrcitive de dernier ressort.
Historique
Jusqu’en 1927, la pratique britannique à ce chapitre
s’appliquait déjà à l’Assemblée législative de la Province du Canada, avant la
Confédération, et à la Chambre des communes par la suite [343] .
Bien que la
mesure ait été appliquée à quelques reprises avant la Confédération [344] ,
la chose ne
s’est produite qu’une fois entre 1867 et 1927. En 1913, le Président Sproule,
qui avait pris le fauteuil pour mettre fin au désordre qui régnait en comité
plénier, a invoqué une règle britannique et désigné M. Clark (Red Deer) par son
nom parce qu’il avait « méconnu l’autorité [du Président] et violé délibérément
les règles parlementaires [345] ».
Le député
ainsi désigné par son nom a présenté ses excuses, la Chambre a jugé ses
explications satisfaisantes, et aucune motion n’a été proposée en vue de sa
suspension [346] .
Il y a certes
eu des moments, pendant les 46 ans d’intervalle entre la Confédération et
l’incident de 1913, puis entre 1914 et 1927, où le Président aurait été justifié
de recourir à cette pratique contre des députés qui refusaient de tenir compte
de ses rappels à l’ordre, mais il ne l’a pas fait [347] .
Lorsque cette sanction a été inscrite officiellement dans
le Règlement, en 1927 [348] ,
la disposition
à cet égard stipulait simplement que le Président était autorisé à désigner par
son nom un député qui persistait à s’éloigner du sujet de la discussion ou à
répéter des choses déjà dites [349] ;
le Règlement
ne faisait aucune allusion à la possibilité de désigner par son nom un député
qui refusait de retirer des propos non parlementaires ou de se soumettre à
l’autorité de la présidence. Il ne précisait pas non plus la procédure à suivre
après la désignation d’un député [350] .
Ce n’est que
15 ans plus tard, en 1942, que le nouveau Règlement a été invoqué une première
fois pour désigner un député par son nom. Après que le Président Glen eut
désigné M. Lacombe (Laval–Deux Montagnes), le ministre des Finances a
immédiatement déposé une motion visant sa suspension, motion qui a été adoptée
par une confortable majorité [351] .
C’est ainsi
que s’est implantée graduellement la pratique selon laquelle un ministre,
habituellement le leader du gouvernement à la Chambre, dépose une motion visant
à suspendre un député qui vient d’être désigné par son nom, généralement pour le
reste de la journée de séance. D’autres députés ont été désignés par leur nom en
1944 (à deux reprises), 1956, 1961, 1962 (à deux reprises également) et
1964 [352] .
La
fréquence des cas de ce genre s’est accrue considérablement à partir de 1978,
après l’arrivée de la télévision à la Chambre [353] .
Et, fait plus
important encore que l’augmentation du nombre de ces incidents, la Chambre
semblait de moins en moins encline à adopter à l’unanimité la motion subséquente
visant la suspension du député fautif. Cette situation plaçait le Président dans
une position potentiellement vulnérable en ce sens que, une fois le député
désigné par son nom, il incombait ensuite à un ministre (habituellement le
leader du gouvernement à la Chambre) de proposer une motion visant à le
suspendre; comme cette motion pouvait être mise aux voix, elle pouvait
nécessairement être rejetée. Ainsi, l’autorité du Président dépendait dans
chaque cas du bon vouloir du gouvernement, qui devait proposer la motion, et de
l’appui subséquent de la Chambre, qui pouvait ou non l’adopter [354] .
En
1985, devant l’augmentation constante du nombre d’incidents de cette nature, le
Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le Comité McGrath)
s’est demandé « s’il faudrait préciser et renforcer les pouvoirs disciplinaires
de la présidence [355] ».
Le Comité a
recommandé dans son rapport final que le Président soit « habilité à ordonner à
un député de se retirer de la Chambre pour le reste de la séance [et que ] la
procédure relative au rappel à l’ordre et à la désignation d’un député [soit]
consignée au Règlement [356] ».
En février
1986, le gouvernement a proposé des modifications au Règlement qui allaient
au-delà de cette recommandation du comité et incluaient des mesures permettant
au Président, lorsqu’il devait ordonner à un député de se retirer de la Chambre
plus d’une fois au cours de la même session, de le suspendre durant cinq jours
sans avoir besoin d’une motion [357] .
Pendant le
débat sur la motion relative à l’adoption de ces nouvelles dispositions, les
députés étaient tout à fait d’accord pour accorder au Président le pouvoir
d’ordonner la suspension d’un député pour la durée d’une séance, mais ils se
sont montrés très réticents à l’idée d’étendre davantage ce pouvoir, préférant
laisser les sanctions subséquentes à la discrétion de la Chambre
elle-même [358] .
En février
1986, la Chambre a accepté certains amendements aux modifications proposées, et
le nouveau Règlement est entré en vigueur le même mois [359] .
Les
changements adoptés laissaient tel quel l’article qui existait à l’égard de
cette pratique depuis 1927 [360] ,
mais y
ajoutaient un nouvel article autorisant le Président à ordonner la suspension
d’un député jusqu’à la fin de la séance [361] .
Bien que la
pratique de la désignation suivie d’une motion pouvant faire l’objet d’un vote
et portant sur la suspension du député fautif pour une période d’une durée
déterminée n’ait pas été appliquée depuis octobre 1985 [362] ,
elle demeure à
la disposition du Président et de la Chambre.
La procédure de désignation
En
règle générale, le Président demande à un député qui a transgressé les règles du
décorum de retirer les paroles offensantes ou de s’excuser sans réserve. Si le
député hésite ou refuse d’obtempérer, le Président répète habituellement sa
demande, souvent en avertissant le fautif qu’il sera désigné par son nom s’il
persiste dans cette attitude. Ces échanges peuvent se poursuivre plus longtemps,
selon le bon vouloir du Président, mais s’il est clair que le député ne
reviendra pas sur sa position, le Président le désigne par son nom et lui
ordonne de se retirer pour le reste de la journée de séance. Lorsqu’il désigne
ainsi un député, le Président lui dit :
(Nom du député), je dois vous nommer pour ne pas avoir
respecté l’autorité de la présidence et je vous ordonne de vous retirer de la
Chambre pour le reste de la séance d’aujourd’hui.
Dans
certaines circonstances, après avoir désigné un député par son nom, mais avant
de lui ordonner de se retirer de la Chambre, le Président peut aussi laisser la
Chambre décider des sanctions disciplinaires à lui imposer. Cette option exige
une motion, habituellement proposée par le leader du gouvernement à la Chambre,
visant à retirer temporairement du service de la Chambre, pour une période
déterminée, le député qui a été désigné par son nom. Cette motion ne peut ni
faire l’objet d’un débat, ni être modifiée. Elle entraîne une peine plus lourde
que le simple retrait de la Chambre pour la journée puisque cette suspension
interdit au député non seulement de se présenter à la Chambre, mais également de
participer aux travaux des comités, et qu’elle peut se prolonger au-delà de la
fin de la journée de séance. En outre, les avis inscrits au nom d’un député qui
est sous le coup d’une suspension sont rayés du Feuilleton de chaque jour tant que dure la
suspension [363] .
Le Président
peut également ordonner au sergent d’armes de prendre les moyens nécessaires
pour emmener un député qui refuse de quitter la Chambre après en avoir reçu
l’ordre [364] .
Pendant un débat en comité plénier, le président des
comités pléniers peut signaler au Président de la Chambre la conduite d’un
député qui refuse de tenir compte de ses avertissements et de mettre fin à un
comportement non parlementaire. Il peut le faire de sa propre initiative, sans
avoir besoin d’une motion du comité [365] .
Le Président
s’occupe alors de l’affaire comme si l’incident s’était produit à la
Chambre [366] .