La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …
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4. La Chambre des communes et les députés

Les sièges vacants

Normalement, un député siège pendant toute la durée d’une législature mais il arrive souvent que des sièges deviennent vacants. Une personne cesse d’être député quand :

  • elle meurt;
  • elle démissionne;
  • elle accepte une charge lucrative au service du gouvernement fédéral;
  • elle est élue député d’une assemblée législative provinciale;
  • son élection est déclarée nulle en vertu de la Loi sur les élections fédérales contestées;
  • la Chambre a adopté un ordre déclarant que le siège est vacant et a ordonné au Président d’enjoindre le directeur général des élections d’émettre un nouveau bref pour l’élection d’un nouveau député [341] .

Décès d’un député

Lorsqu’un député meurt en exercice, le Président est informé de la vacance par un député qui se lève de sa place pour annoncer le décès à la Chambre [342]  ou encore par deux députés qui lui adressent un avis par écrit [343] . Typiquement le Président fait savoir à la Chambre, en début de séance, qu’il a reçu avis d’une vacance dans la députation et qu’il a demandé au directeur général des élections d’émettre un bref pour l’élection d’un député afin de pourvoir à cette vacance [344] .

Si la présidence est vacante ou si le Président est absent, deux députés peuvent signaler la vacance au directeur général des élections, lequel est alors habilité à émettre un bref d’élection en vue de pourvoir à la vacance [345] .

Décès d’un député après une élection générale

Si, entre la tenue d’élections générales et le début de la première session d’une nouvelle législature, et avant l’élection d’un Président, une vacance survient dans la députation à la Chambre des communes en raison du décès d’un député, n’importe quel député peut informer par écrit le directeur général des élections de cette vacance [346]. Le directeur général des élections est alors habilité à émettre un bref pour l’élection d’un nouveau député pour pourvoir à cette vacance. Le premier jour de la première session de la législature, après l’élection d’un Président et le retour à la Chambre des députés allés entendre le discours du Trône au Sénat, le Président fait part à la Chambre des vacances de sièges [347] .

Démission d’un député

Un député peut annoncer son intention de démissionner en faisant une déclaration à la Chambre [348] . Dès que l’avis est publié dans les Journaux de la Chambre, le Président adresse au directeur général des élections l’ordre officiel d’émettre un bref d’élection en vue de pourvoir au remplacement du démissionnaire [349] . Tout député peut se démettre de ses fonctions en faisant parvenir au Président une déclaration écrite signée devant deux témoins. Le Président, sur réception de celle-ci, adresse au directeur général des élections l’ordre officiel d’émettre un bref d’élection en vue de pourvoir au remplacement du démissionnaire [350] .

Le député qui souhaite démissionner alors qu’il y a vacance du poste de Président ou que ce dernier est absent du Canada, peut faire parvenir à deux députés une déclaration signée de son intention de démissionner. La procédure reste la même lorsque l’intéressé est le Président [351] . Dès réception de la déclaration, les deux députés adressent au directeur général des élections l’ordre officiel d’émettre un bref d’élection en vue de l’élection d’un nouveau député [352] .

Quand un député remet sa démission, son siège est réputé vacant et il perd sa qualité de député [353] . Toutefois, il est interdit à un député de démissionner tant que son élection est contestée ou avant l’expiration du délai légal durant lequel elle peut l’être pour d’autres motifs que ceux de corruption [354] .

Acceptation d’émoluments ou d’une charge lucrative au service du gouvernement fédéral

Le mandat de député est incompatible avec l’acceptation ou l’exercice, au service du gouvernement fédéral, d’une charge à laquelle sont rattachés des avantages quelconques, pécuniaires ou en nature. Ainsi, le siège d’un député devient automatiquement vacant s’il accepte une nomination au Sénat, le poste de gouverneur général, la fonction de juge ou toute autre charge publique du genre [355] . L’incompatibilité ne s’étend pas aux députés qui occupent des postes de ministres ou qui sont nommés ministres au cours d’une session [356] . Un député fédéral élu député d’une assemblée législative provinciale doit démissionner [357] . Si un député accepte une charge quelconque entre la tenue d’élections générales mais avant l’ouverture de la législature, tout autre député peut faire savoir au directeur général des élections qu’il y a vacance. Le directeur général des élections peut alors émettre un bref d’élection pour pourvoir à cette vacance [358] .

Résultat d’une élection contesté

Une vacance dans la députation à la Chambre peut se produire comme résultat d’une élection contestée. En effet, un candidat déclaré élu peut perdre son siège en raison d’une décision judiciaire déclarant nulle une élection contestée. En pareil cas, le Président fait part à la Chambre de la décision puis envoie un ordre officiel au directeur général des élections pour qu’il émette un nouveau bref d’élection [359] .

Expulsion

Il n’existe aucune disposition constitutionnelle ou législative permettant d’expulser un député régulièrement élu. Les dispositions législatives qui rendent un député inhabile à voter ou à siéger n’entraînent pas automatiquement la vacance de son siège [360] . Par ailleurs, un député inculpé d’une infraction criminelle ne perd pas du même coup sa qualité de député. En raison de ses privilèges parlementaires, la Chambre jouit du droit de trancher toute question touchant au droit de siéger des députés : elle a l’autorité de décider si un député doit être autorisé à siéger aux comités, à toucher un salaire ou même à conserver sa qualité de député [361] . Le pouvoir d’expulser un député tient de l’autorité traditionnelle qu’a la Chambre de décider si les députés sont habiles à siéger. Il n’est pas nécessaire qu’un député soit reconnu coupable d’une infraction criminelle pour être expulsé de la Chambre; en effet, la Chambre peut juger qu’un député s’est rendu coupable d’une conduite indigne d’un député. Même s’il est condamné pour un acte criminel, le député ne peut être privé de son siège que par une résolution formelle de la Chambre [362] . L’expulsion met fin au mandat du député : la Chambre déclare le siège vacant et ordonne au Président d’adresser un ordre officiel au directeur général des élections pour qu’il émette un nouveau bref d’élection [363] .

La question de savoir si un député est inhabile à siéger et à voter peut être posée sans avis préalable et elle a priorité sur toute autre affaire [364] . Chaque fois qu’un député a été reconnu coupable d’un acte criminel, la Chambre des communes s’est refusée à agir avant que n’aient été déposés tous les éléments de preuve nécessaires, à savoir les décisions des tribunaux condamnant le député et les jugements en appel confirmant la peine [365] . Tout député peut proposer que soit examinée la conduite d’un autre député, et celui dont la conduite est contestée peut faire une déclaration puis se retirer durant la discussion de la motion portant qu’il soit expulsé [366] .

Depuis la Confédération, quatre députés de la Chambre des communes ont été expulsés pour avoir commis de graves infractions [367]. Trois cas de condamnation étaient relatifs à des actes criminels : Louis Riel (Provencher), étant fugitif de la justice, fut expulsé une première fois en 1874 [368]  et de nouveau en 1875 [369] ; et Fred Rose (Cartier) fut expulsé en 1947 après avoir été reconnu coupable de complot aux termes de la Loi sur les secrets officiels [370] . En 1891, Thomas McGreevy (Québec-Ouest) fut expulsé après avoir été reconnu coupable d’outrage à l’autorité de la Chambre [371] .

L’expulsion ne crée aucune incapacité de servir de nouveau au Parlement à moins que les motifs justifiant l’expulsion ne rendent eux-mêmes le député inhabile à siéger et à voter à la Chambre (par exemple, condamnation pour acte illégal ou manœuvre électorale frauduleuse) [372] . D’ailleurs, à deux reprises, un député expulsé de la Chambre des communes a brigué de nouveau les suffrages : après sa première expulsion de la Chambre en avril 1874, Louis Riel fut réélu dans une élection partielle en septembre 1874; Thomas McGreevy fut réélu à la Chambre lors de l’élection partielle du 17 avril 1895 [373].


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