Le privilège parlementaire / Droits des députés

Procédure relative aux questions de privilège : débat sur une motion de privilège; question remplacée et rayée du Feuilleton; question fondée de prime abord

Débats, p. 10450–10451.

Contexte

Le 7 avril 2017, John Nater (Perth—Wellington) soulève une question de privilège alléguant que l’adoption d’une motion visant à passer à l’ordre du jour, pendant le débat sur une question de privilège débattue le 6 avril 2017, avait créé un dangereux précédent. M. Nater juge que, bien que la procédure suivie était conforme au Règlement, les privilèges des députés ont été brimés, car ils n’ont pas pu se prononcer sur le fond de la question de privilège qui était à l’étude au moment où la motion visant à passer à l’ordre du jour a été adoptée. Il demande au Président de relancer le débat sur la question de privilège initiale en statuant que la question concernant la libre circulation des députés dans la Cité parlementaire demeure encore, de prime abord, matière à question de privilège. Kevin Lamoureux (secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes) soutient aussi que la procédure suivie le 6 avril 2017 est conforme, que le Règlement a été respecté et qu’il ne s’agit pas d’une question de privilège. D’autres députés interviennent aussi sur la question, après quoi le vice-président adjoint (Anthony Rota) prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 11 avril 2017. Il confirme que, sur le plan de la procédure, la motion visant à passer à l’ordre du jour, proposée et adoptée le 6 avril 2017, est recevable pendant le débat sur une question de privilège. Selon lui, deux questions sont devant la Chambre, soit de savoir si une question de privilège remplacée et rayée du Feuilleton, comme celle du 6 avril 2017, peut être relancée et, le cas échéant, comment une telle question peut être soulevée dans le respect des règles de procédure. Le Président explique que bien que la Chambre se retrouve devant une situation sans précédent, la procédure permet la reprise d’une question de privilège qui a été remplacée. Il en déduit qu’une des façons de le faire est de soulever à nouveau la question de privilège initiale. Ainsi, le Président conclut à nouveau que, dans le cas de la question de privilège de Lisa Raitt (Milton) portant sur la libre circulation des députés dans la Cité parlementaire, il y avait, de prime abord, matière à question de privilège et il invite M. Nater à proposer sa motion.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 7 avril 2017 par l’honorable député de Perth—Wellington afin que soit relancée la question de privilège débattue le 6 avril 2017, laquelle avait été remplacée par suite de l’adoption d’une motion visant à passer à l’ordre du jour.

Je remercie le député de Perth—Wellington d’avoir soulevé la question à la Chambre, ainsi que le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes, la leader à la Chambre de l’opposition officielle et les députés de Beloeil—Chambly, de Lanark—Frontenac—Kingston, de Sarnia—Lambton, de Banff—Airdrie, de Calgary Signal Hill et de York—Simcoe de leurs interventions sur cette importante question et cette situation sans précédent.

Dans ses observations, le député de Perth—Wellington a reconnu que, d’un point de vue purement procédural, la motion visant à passer à l’ordre du jour proposée pendant le débat sur une question de privilège à la Chambre est recevable. Le député de Perth—Wellington et le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre s’entendent sur ce point. La présidence est aussi d’avis que la motion, telle qu’elle a été proposée, était recevable, et bon nombre d’autorités étayent cette conclusion.

Les observations du député de Perth—Wellington portaient plutôt sur la question de savoir si pareille question de privilège peut ensuite être relancée et sur la manière d’y parvenir. Il a fait remarquer que d’autres types de motions, telles les motions d’instruction à un comité ou les motions d’adoption d’un rapport de comité, peuvent de nouveau faire l’objet de débats malgré l’adoption d’une motion visant à passer à l’ordre du jour. À son avis, le fait de permettre qu’une telle motion mette définitivement un terme aux délibérations sur une question si importante, soit une question de privilège, créerait un dangereux précédent. Il a demandé à la présidence de relancer le débat sur la question de privilège en concluant de nouveau qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège en ce qui a trait à l’affaire portant sur la libre circulation des députés dans la Cité parlementaire, laquelle avait été initialement soulevée par la députée de Milton.

La présidence est donc appelée à trancher deux questions : tout d’abord, est-il possible, suivant la procédure, de relancer une question de privilège qui a été remplacée, puis, dans l’affirmative, comment pourrait-on s’y prendre dans le respect des règles de procédure?

Lorsqu’une motion visant à passer à l’ordre du jour est adoptée pendant qu’une motion d’instruction ou une motion d’adoption d’un rapport d’un comité est débattue à la Chambre, la motion est également rayée du Feuilleton. Cependant, les députés qui souhaitent relancer le débat sur cette motion peuvent de nouveau donner un préavis de 48 heures, puis proposer la motion à la Chambre. Comme le député de Perth—Wellington l’a déclaré à juste titre, et je cite : « Autrement dit, le député est de retour à la case départ et il peut entreprendre de nouveau la même procédure, conformément aux modalités habituelles pour ce type de motion. »

Ces arguments sont convaincants et, en conséquence, la présidence doit conclure que la procédure permet la reprise des débats sur une question de privilège qui a été ainsi remplacée.

Après avoir répondu à la première question par l’affirmative, la présidence doit maintenant déterminer la marche à suivre. Le député de Perth—Wellington et d’autres de ses collègues soutiennent que la bonne méthode serait que la question soit de nouveau soulevée à la Chambre et que le Président décide encore une fois de lui donner priorité.

À la suite de ce qui s’est produit le 6 avril, la présidence croit qu’il existe quelques autres manières de relancer la question de privilège. La députée de Milton, ou tout autre député d’ailleurs, pourrait reprendre la question en publiant un avis écrit dans le Feuilleton des avis. Comme le prévoit l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, à la page 154, une telle motion, si elle n’est pas parrainée par un ministre, et je cite :

sera inscrite au Feuilleton dans la liste des affaires émanant des députés qui ne font pas partie de l’ordre de priorité après le délai d’avis de 48 heures.

L’affaire pourrait également être portée à l’attention de la Chambre dans le cadre d’une motion de l’opposition.

Malgré cela, la Chambre se trouve dans une situation sans précédent. La présidence ne peut trouver aucun précédent où une question de privilège a été remplacée par suite de l’adoption d’une motion visant à passer à l’ordre du jour. En même temps, le Président a le devoir de préserver les droits et privilèges fondamentaux de la Chambre et de ses députés. C’est pourquoi, lorsque des questions de privilège sont soulevées, il doit déterminer si, de prime abord, elles méritent dès lors d’être examinées en priorité.

Si la question de privilège remplacée était proposée à nouveau dans le cadre d’une journée de l’opposition, en toute vraisemblance, la présidence ne s’opposerait pas à la motion, à moins qu’elle ne la juge entachée d’un vice pour une raison ou une autre.

Si la question de privilège remplacée était proposée dans le Feuilleton des avis, elle pourrait également faire l’objet de débats, conformément à la procédure applicable aux affaires d’initiative ministérielle ou parlementaire, selon le cas. Cependant, comme il est dit dans l’O’Brien et Bosc, à la page 154, le député au nom duquel l’affaire est inscrite dispose d’un autre moyen, c’est-à-dire qu’il peut :

[…] décider de demander que la motion soit débattue en priorité (par exemple si de nouveaux faits surviennent). Il doit alors tenter de convaincre le Président que la question sur laquelle porte la motion devrait être considérée de prime abord comme une question de privilège.

C’est en quelque sorte une troisième façon de relancer une question de privilège et, en fait, c’est exactement la méthode que préconise le député de Perth—Wellington.

Étant donné qu’il s’agit d’une situation sans précédent, et vu le poids de la jurisprudence en matière procédurale, la présidence est portée à conclure qu’il existe des motifs justifiant que la question de privilège remplacée le 6 avril soit relancée de la façon proposée par le député de Perth—Wellington. En conséquence, je ne répéterai pas la décision que j’ai rendue le 6 avril dans l’affaire de l’accès entravé à la Cité parlementaire, mais je conclus à nouveau qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.

J’invite maintenant le député de Perth—Wellington à proposer la motion appropriée.

Post-scriptum

M. Nater propose que la question de privilège initiale concernant la libre circulation des députés dans la Cité parlementaire, soulevée initialement le 22 mars 2017 par Lisa Raitt (Milton), soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. La motion principale, ainsi qu’un amendement et un sous-amendement visant à donner à cette question priorité sur tous les autres travaux du Comité et à exiger un rapport avant le 19 juin 2017, est adoptée. Comme l’indique le libellé de la motion adoptée par la Chambre, le 34e rapport du Comité, présenté à la Chambre le 19 juin 2017, porte sur la question de la libre circulation des députés dans la Cité parlementaire plutôt que sur la façon de relancer une question de privilège qui a été remplacée[2].

Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d'assistance. Si vous avez besoin d'aide pour consulter les documents qu'ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.

[1] Débats, 7 avril 2017, p. 10309–10316 ; p. 10332–10342.

[2] 34e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le 19 juin 2017 (Journaux, p. 1991).