Le processus législatif / Forme des projets de loi

Projets de loi omnibus : demande en vertu de l’article 69.1 du Règlement

Débats, p. 23342–23343

Contexte

Le 31 octobre 2018, Peter Julian (New Westminster—Burnaby) invoque le Règlement au sujet du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures[1]. Il soutient qu’il s’agit d’un projet de loi omnibus qui contient des mesures qui ne faisaient pas partie de la présentation d’origine du budget. Selon le député, ces dispositions devraient être mises aux voix séparément en vertu de l’article 69.1(1) du Règlement puisque, n’ayant pas été annoncées, elles ne sont pas exemptées en vertu de l’article 69.1(2). Le 5 novembre 2018, Kevin Lamoureux (secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes) explique que les dispositions mentionnées par M. Julian ont été annoncées dans les budgets de 2018 et de 2017. Il n’y a donc pas lieu qu’elles fassent l’objet de votes distincts[2].

Résolution

Le 6 novembre 2018, le Président rend sa décision. Il reconnaît qu’il y a un lien entre le budget de 2018 et certaines des dispositions mentionnées par M. Julian, et entre le budget de 2017 et les autres dispositions en cause. Cependant, il souligne que le projet de loi C-86 vise expressément à mettre en œuvre le budget de 2018 et considère que l’exception prévue à l’article 69.1(2) du Règlement ne s’étend pas aux budgets des années précédentes. En conséquence, le Président autorise la tenue d’un vote distinct sur les dispositions liées au budget de 2017.

Décision de la présidence

Le Président : Passons maintenant au rappel au Règlement. Le député m’a demandé de diviser les questions relatives au projet de loi conformément à l’article 69.1 du Règlement, qui porte sur les projets de loi omnibus. Il soutient que des mesures précises dans le projet de loi, soit les articles 461 et 462, qui portent sur la protection des travailleurs, et les articles 535 à 625, qui portent sur le chef de la conformité et de l’application, ne font pas partie des mesures annoncées dans le budget. Par conséquent, selon lui, ces articles devraient faire l’objet d’un vote distinct. Il a souligné qu’il y a probablement d’autres éléments dans le projet de loi qui ne sont pas liés au budget, mais qu’il n’avait pas eu l’occasion de réaliser un examen approfondi de ce projet de loi en raison du court délai.

Le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre a répondu en indiquant qu’il y avait bien un lien entre ces mesures et ce qui avait été promis dans le budget. Concernant les dispositions portant sur le chef de la conformité et de l’application, il a souligné que le gouvernement avait fait part de son intention de modifier et de moderniser le Code canadien du travail dans le budget de l’année dernière et que ces dispositions ont été élaborées en réponse à cet engagement.

L’article 69.1 du Règlement autorise le Président à diviser les questions sur toute motion tendant à la deuxième lecture et à la troisième lecture d’un projet de loi dans les cas où le projet de loi n’a aucun fil directeur ou porte sur des sujets qui n’ont rien en commun les uns avec les autres. Le paragraphe (2) de cet article prévoit une exception pour les projets de loi ayant comme objectif central la mise en œuvre d’un budget et qui empêche la division des questions si le projet de loi contient exclusivement des dispositions qui ont été annoncées dans l’exposé budgétaire ou qui étaient contenues dans les documents déposés lors de l’exposé budgétaire.

Le 8 novembre 2017, dans une décision concernant le projet de loi C-63 qui se trouve aux pages 15143 à 15145 des Débats, j’ai expliqué ce qui suit :

[…] selon mon interprétation, la disposition du Règlement en cause vise à permettre la division des questions qui n’ont rien à voir avec le budget, si l’on tient pour acquis que le reste du projet de loi a comme objectif la mise en œuvre du budget.

Par conséquent, la seule question ici consiste à déterminer si les dispositions mentionnées par l’honorable député ont un lien avec le budget présenté dans cette enceinte le 27 février. Si elles sont liées au budget, je ne les diviserai pas aux fins d’un vote distinct.

Comme je l’ai mentionné dans la décision de l’an dernier, il n’est pas toujours évident d’établir un tel lien. Le budget compte plus de 360 pages, ainsi que près de 80 pages de renseignements fiscaux supplémentaires. Certains engagements sont très précis et très ciblés, tandis que d’autres sont formulés en termes plus vagues. Une intention exprimée en termes généraux peut toutefois entraîner une série d’amendements législatifs détaillés et de nature technique. Par conséquent, la mise en œuvre d’une disposition énoncée en quelques phrases peut nécessiter des modifications législatives qui s’étendront sur plusieurs pages. C’est dans cette optique que j’ai examiné les dispositions mentionnées par l’honorable député de New Westminster—Burnaby.

L’article 461 du projet de loi crée une nouvelle section dans le Code canadien du travail, soit la section VI.1 qui concerne les agences de placement temporaire. Les dispositions semblent traiter en grande partie de questions liées à l’équité salariale. À la page 46 du budget, il est écrit que la loi sur l’équité salariale « porterait sur des types d’emplois comme les emplois saisonniers, temporaires, à temps partiel et à temps plein ». Même si cette mesure ne se trouve ni dans la Loi sur l’équité salariale édictée par l’article 416 ni dans les mesures connexes retrouvées aux articles 417 à 440, il semble raisonnable de conclure qu’elle fait partie d’une série de dispositions qui concernent le principe du salaire égal pour travail égal et le principe du traitement équitable en milieu de travail, ce qui va dans le sens de l’objectif annoncé dans le budget.

L’article 462 modifie un titre qui concerne le congé lié à la maternité et divers congés dans le Code canadien du travail. Pendant longtemps, conformément à la pratique établie, les titres ne faisaient pas l’objet de modifications, car on estimait qu’ils ne faisaient pas partie des projets de loi. Or, au cours des dernières années, les articles ou les modifications qui modifient des titres sont devenus plus courants. En fait, le titre en question avait déjà été modifié par le projet de loi C-63.

Le changement actuel semble avoir pour but de regrouper une liste de différents types de congés sous un titre plus concis. Le secrétaire parlementaire a signalé qu’à la page 51 du budget, et je cite :

Le gouvernement propose […] de modifier le Code canadien du travail afin de veiller à ce que les travailleurs dans les industries sous réglementation fédérale bénéficient de la protection d’emploi dont ils ont besoin pendant qu’ils reçoivent des prestations parentales d’assurance-emploi.

Je suis prêt à accepter que la modification du titre découle, du moins en partie, de cet engagement.

Les articles 535 à 637 modifient le Code canadien du travail pour permettre à un ministre de désigner un chef de la conformité et de l’application et ils énoncent les pouvoirs et les responsabilités de cette personne. Certains de ces pouvoirs et certaines de ces responsabilités ont trait au harcèlement et à la violence en milieu de travail. À la page 272 du budget, il est écrit « en protégeant les employés sous réglementation fédérale du harcèlement et de la violence au travail », et une partie de ces mesures sont conformes à cet objectif. Cela dit, le principal argument avancé par le secrétaire parlementaire pour ne pas diviser ces dispositions est qu’elles remplissent un engagement pris dans le budget de 2017 visant à renforcer la conformité et les mécanismes d’application de la loi dans le Code du travail.

Le secrétaire parlementaire soutient que l’exception prévue dans le Règlement s’applique aux projets de loi qui ont pour objectif de mettre en œuvre un budget, laissant ainsi entendre qu’il ne doit pas nécessairement s’agir du budget de l’année en cours. J’estime que cet argument va un peu loin.

Le titre du projet de loi C-86 fait référence au « budget déposé au Parlement le 27 février 2018 ». Il est clair que l’objectif central du projet de loi est la mise en œuvre du budget de cette année, non de celui de l’an dernier. Je ne crois pas que le Règlement visait à établir une exception pour les dispositions des budgets précédents.

Si les engagements avaient été repris dans le budget de cette année, ce qui ne semble pas être le cas, j’aurais pu être enclin à accepter les arguments du secrétaire parlementaire. Pour cette raison, je suis disposé à permettre un vote distinct sur les dispositions contenues dans la sous-section B de la section 15 de la partie 4.

Par conséquent, comme un amendement motivé a été proposé, il y aura trois votes à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi. Le premier portera sur l’amendement motivé. Si cet amendement est rejeté, le deuxième vote portera sur toutes les dispositions concernant le chef de la conformité et de l’application prévu dans le Code canadien du travail, ce qui comprend les articles 535 à 625 du projet de loi. Le troisième vote, quant à lui, portera sur toutes les autres dispositions du projet de loi.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

Note de la rédaction

Immédiatement avant d’invoquer le Règlement, M. Julian a soulevé une question de privilège au sujet de la taille du même projet de loi, qui aurait empêché les parlementaires d’en faire un examen approprié. Le Président est d’avis que l’objection soulevée ne constitue pas, à première vue, un outrage à la Chambre. Il précise que les règles et les pratiques de la Chambre des communes ne traitent pas de la question de la taille maximale d’un projet de loi. Il ajoute qu’il en va de même pour les allégations relatives au temps limité accordé pour débattre d’un projet de loi donné. Le Président souligne que la question de savoir si une période de temps raisonnable a été allouée aux débats n’est pas une question à laquelle la présidence peut répondre. Il termine en disant que c’est la Chambre qui détient ce pouvoir et que, par conséquent, c’est elle qui doit continuer de décider à quel moment les projets de loi ont fait l’objet d’un examen suffisant. On trouvera la décision du 6 novembre 2018, à la page 145.

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[1] Débats, 31 octobre 2018, p. 23083–23084.

[2] Débats, 5 novembre 2018, p. 23274–23275.