Protocole des interventions

Place assignée

Pour demander la parole et intervenir, un député doit être à la place qui lui est assignée et doit se lever79. Le Président peut toutefois exempter un député handicapé de ces conditions de façon permanente80. Autrement, le Président a fait des exceptions individuelles temporaires à ces deux conditions lorsqu’un député, par exemple, était incapable de se lever par suite d’une blessure ou d’une maladie81. Lorsque l’Occupant du fauteuil se lève, les députés debout doivent s’asseoir82. Lorsque la Chambre siège en comité plénier ou durant les délibérations tenues en vertu des articles 38(5) (Débat d’ajournement), 52 (Débats d’urgence) et 53.1 (Débats exploratoires) du Règlement, les députés peuvent se lever et prendre la parole à partir de n’importe quelle place83.

Observations adressées à la présidence

Tout député qui participe à un débat, que ce soit lors d’une séance de la Chambre ou en comité plénier, doit s’adresser à la présidence et non pas à la Chambre, à un ministre ou un député particulier, aux personnes présentes dans les tribunes, aux téléspectateurs ou à toute autre entité84. Comme l’un des principes de base de la procédure de la Chambre veut que ses délibérations se déroulent de façon respectueuse, les députés sont moins enclins à se lancer dans des échanges vifs et des attaques personnelles lorsque leurs observations sont adressées à la présidence plutôt qu’à un autre député. Si un député adresse des observations à un autre député et non au Président, il se fait rappeler à l’ordre et peut se faire demander de les reformuler85.

Tenue convenable

Aucun article du Règlement n’établit de norme vestimentaire à l’intention des députés qui participent à un débat86, mais les Présidents ont déclaré que, pour obtenir la parole à tout moment pendant les délibérations de la Chambre, les députés devaient se présenter en tenue de ville contemporaine87. La pratique actuelle veut que les députés de sexe masculin portent un veston, une chemise et une cravate. Les cols ecclésiastiques ont été permis, mais les lavallières et les tricots à col roulé ont été déclarés non convenables pour les députés de sexe masculin participant à un débat88. La présidence a déclaré que le port du kilt était permis à certaines occasions (par exemple le jour de la fête de Robert Burns)89. Les députés qui font partie des Forces armées ont été autorisés à porter leur uniforme à la Chambre90. Bien que ni les Journaux ni les Débats n’en fassent mention, un nouveau député avait revêtu un costume métis traditionnel à l’occasion de sa présentation à la Chambre en 2005 (dont un anorak blanc à capuchon brodé d’un emblème de phoque), sans que la présidence s’y oppose91.

Dans certaines circonstances, habituellement pour des raisons médicales, la présidence a accepté de relâcher les normes vestimentaires et permis, par exemple, à un député de sexe masculin qui avait un bras dans le plâtre de porter un chandail plutôt qu’un veston à la Chambre92.

Langue du débat

La Loi constitutionnelle de 1867 garantit que les députés peuvent s’adresser à la Chambre en français ou en anglais93. Étant donné le caractère bilingue de la Chambre et l’existence de services d’interprétation simultanée94, les députés ont rarement de la difficulté à exprimer leurs avis et à les faire comprendre à la Chambre. De plus, toutes les publications du Parlement, comme les Journaux, les Débats, le Feuilleton et Feuilleton des avis, sont imprimées dans les deux langues officielles.

On emploie parfois d’autres langues dans les débats, mais pas longuement95. La présidence a déjà invité les députés qui utilisent une langue autre que le français ou l’anglais à répéter leurs commentaires dans l’une des deux langues officielles afin de permettre une interprétation simultanée96. Comme l’a signalé le Président, toutefois, on pourrait éprouver de sérieuses difficultés à maintenir l’ordre et à tenir des comptes rendus exacts des travaux de la Chambre si l’on devait y employer dans une large mesure des langues autres que le français et l’anglais97. Des députés ont en outre utilisé le langage des signes pour faire une déclaration et pour poser une question au cours de la période des questions98.

Lecture de discours

Bien que le Règlement ne l’interdise pas officiellement, il était mal vu, il y a quelques dizaines d’années encore, de lire un texte écrit à l’avance pour s’adresser à la Chambre. Si on les décourageait de lire leur discours, une pratique découlant de l’usage britannique, c’était pour entretenir la vivacité du débat, qui dépend du fait que, dans leur discours, les intervenants successifs répliquent aux arguments des orateurs précédents99.

La tradition consistant à ne pas lire les discours existait lors de la Confédération, mais l’évolution de l’usage a amené la Chambre à adopter, en 1886, la résolution suivante :

Que l’habitude de plus en plus fréquente, dans la Chambre des Communes du Canada, de prononcer de longs discours, ayant le caractère de volumineux essais, écrits et préparés avec soin, et de faire de longues citations, souvent étrangères au sujet, est de nature à nuire à la discussion légitime et appropriée des questions publiques, constitue une perte de temps, prolonge d’une manière déraisonnable les sessions du Parlement, menace d’entraîner l’abolition du rapport officiel des débats en augmentant leur volume et leur coût, et tend à favoriser des débats oiseux et diffus plutôt qu’une argumentation serrée ou concise ; que cette coutume forme un contraste frappant avec la méthode suivie dans la Chambre des communes en Angleterre, et qu’elle dégoûte le public de l’étude approfondie et intelligente des délibérations du Parlement100.

Malgré cette résolution, l’habitude de lire des discours s’est maintenue et plusieurs Présidents ont cru bon d’y remédier, au cours des décennies suivantes, à l’aide de déclarations et de décisions visant à décourager la lecture de discours101. En 1956, le Président Beaudoin a obtenu le consentement de la Chambre pour faire imprimer dans les Journaux une déclaration dans laquelle il citait des autorités en matière de procédure (May, Bourinot, Beauchesne et divers Présidents) ainsi que l’usage suivi par la Chambre. Son résumé minutieux de la pratique établie demeure à ce jour une référence :

Le député qui prononce un discours à la Chambre peut consulter des notes. Le premier ministre, les membres du Cabinet, le chef de l’Opposition, les chefs d’autres partis, ou les députés qui parlent en leur nom, peuvent donner lecture d’importants discours portant sur des questions de ligne de conduite. Les nouveaux députés peuvent donner lecture de leur [premier] discours. Les députés qui s’expriment dans une langue autre que leur langue maternelle, les députés qui participent à des débats comportant des sujets d’ordre technique ou à des débats sur l’Adresse en réponse au discours du Trône et sur l’exposé budgétaire peuvent s’appuyer sur des notes complètes ou, s’ils le désirent, donner lecture de leurs discours102.

Les députés étant de plus en plus occupés, il n’est pas rare aujourd’hui de les voir se servir d’aide-mémoire et même de textes préparés. C’est pourquoi les Présidents se sont montrés peu enclins à insister pour que les députés s’abstiennent de lire un discours écrit d’avance. Lorsque des députés ont fait des rappels au Règlement à ce sujet, les Présidents ont habituellement déclaré qu’il était permis à un député de consulter des notes103.

Utilisation d’un lutrin

La tradition autorise le ministre des Finances à se servir d’un lutrin lors de la présentation du budget. Les autres députés n’en avaient pas le droit, bien que les Occupants du fauteuil ne se soient pas opposés à ce qu’ils posent leurs notes sur des livres. Puis, en 2003, la Chambre a adopté un rapport de comité recommandant de fournir, sur demande, des lutrins portatifs à tous les députés104.

Citation de documents

Aucun article du Règlement ne régit la citation de documents ; la Chambre se fie principalement à l’usage et aux précédents à cet égard. De façon générale, l’usage admet qu’un député cite des articles de journaux ou des extraits de livres ou d’autres documents au cours d’un débat, et cette pratique n’est pas déclarée irrecevable pourvu que les citations ainsi faites ne discréditent pas des délibérations passées de la Chambre105, ne fassent pas allusion à des choses dites par un député ni ne les commentent ou les nient106, et qu’elles ne soient pas formulées dans un langage qui serait déclaré inadmissible de la part d’un député107.

Un discours ne devrait pas consister en une longue citation ou en une série de citations uniquement reliées au moyen de quelques phrases originales108. Les députés ne peuvent citer les « bleus » (la version préliminaire non révisée des Débats) ni de la correspondance quand il n’y a aucun moyen de confirmer l’authenticité de la signature qui y figure109. Ils peuvent citer des extraits de correspondance d’origine privée à condition d’en nommer l’expéditeur ou d’assumer la pleine responsabilité de leur contenu110. Enfin, ils ne peuvent citer d’extraits des délibérations d’un comité avant que celui-ci ait fait rapport à la Chambre111.

Dépôt de documents et de discours

Tout document cité par un ministre au cours d’un débat ou en réponse à une question posée pendant la période des questions doit être déposé sur demande112. En effet, un ministre n’est pas libre de lire une dépêche (un message officiel sur les affaires du gouvernement) ni un autre document officiel, non plus que d’en citer des extraits, s’il n’est pas prêt à les déposer si cela peut être fait sans porter préjudice à l’intérêt public113. Comme l’a mentionné le Président Glen dans une décision rendue en 1941 :

[…] un honorable député ne peut citer un passage d’une lettre s’il n’est pas prêt à en déposer le texte sur le Bureau de la Chambre. La décision se fonde sur le principe que, lorsque des renseignements sont communiqués à la Chambre, celle-ci a droit aux mêmes renseignements que peut avoir l’honorable député qui cite le document114.

Il n’est pas nécessaire de déposer un document public auquel un ministre fait allusion sans le citer115. Si un ministre cite une lettre d’origine privée dans un débat, celle-ci devient un document public et doit être déposée sur demande116. Le ministre n’est cependant pas tenu de déposer les notes personnelles ou d’information qu’il a consultées au cours du débat ou pendant la période des questions117. Bien que cela se fasse habituellement sous la rubrique « Dépôt de documents », un ministre a le loisir de déposer un document à tout moment sans avoir à demander le consentement118. Tous les documents déposés à la Chambre par un ministre doivent l’être dans les deux langues officielles119.

Selon un usage de longue date à la Chambre, les simples députés ne peuvent déposer de documents, officiels ou non120. Le Président Lamoureux a fait remarquer que si les ministres doivent, sur demande, déposer les documents officiels cités à l’appui d’un argument au cours d’un débat, cette règle n’a jamais été interprétée comme s’appliquant aux documents mentionnés par des simples députés. En 1974, lorsqu’un député a tenté d’obtenir le consentement unanime de la Chambre pour déposer un document, le Président Lamoureux a déclaré que « le Règlement ne prévoit aucune disposition qui permettrait à un simple député de déposer ou de produire des documents d’une manière ou d’une autre ». Le Président a conclu en donnant à entendre que les députés « [pourraient] probablement les rendre publics par divers autres moyens121 ». Toutefois, depuis le milieu des années 1980, du consentement unanime de la Chambre, on permet aux députés de déposer des documents ou de la documentation auxquels ils se sont reportés dans leurs discours ou pendant la période des questions122. Ces documents (qui sont souvent des copies de lettres ou d’annonces publicitaires) sont parfois déposés dans une seule langue123. Les simples députés placent parfois de la documentation sur le Bureau à l’intention de tous les députés, mais cela n’est pas considéré comme un dépôt officiel124.

Pour que les Débats constituent un compte rendu aussi exact que possible de ce qui s’est réellement dit à la Chambre, les députés ne sont pas autorisés à déposer leurs discours pour les faire imprimer dans les Débats125. Il est très rare qu’un député ait obtenu le consentement de la Chambre pour faire imprimer de longues listes, statistiques ou données semblables dans les Débats en tant que partie intégrante d’un discours126. Il y a également eu des cas où la Chambre, pour sa gouverne, a consenti à faire imprimer des documents ou des échanges de correspondance sous forme d’annexe officielle des Débats127.

Étalages, pièces et accessoires

Les Présidents ont systématiquement déclaré que les étalages et les manifestations de toutes sortes employés par des députés pour illustrer leurs interventions ou pour souligner leurs positions étaient irrecevables. De même, les accessoires de quelque sorte que ce soit ont toujours été jugés inacceptables à la Chambre128. Les députés peuvent avoir des notes en main, mais le Président les interrompra et les réprimandera s’ils utilisent des papiers, des documents ou d’autres objets pour illustrer leurs observations129. L’exhibition d’objets a également été déclarée inadmissible130. Au cours du « débat sur le drapeau », en 1964, le Président a dû rappeler aux députés, à maintes reprises, qu’il n’était pas permis d’exhiber des modèles de drapeaux en concurrence131. Les petits drapeaux canadiens et les drapeaux de bureau n’ont pas été admis132. Les épinglettes et macarons politiques ne sont pas considérés comme des pièces exhibées tant qu’ils n’occasionnent pas de désordre133, mais le Président a déjà interrompu un vote pour demander à certains députés d’enlever des « accessoires » de leur revers de veston134.

Premier discours

La tradition veut que la Chambre fasse certaines politesses à un député qui prononce son premier discours. À ces occasions, le Président peut donner la parole à ce député plutôt qu’à d’autres qui se lèvent en même temps que lui ; ce privilège n’est cependant accordé que s’il est demandé au cours de la législature suivant la première élection du député135. Celui-ci est autorisé à lire son discours136 et, par courtoisie, on ne l’interrompt pas137. La présidence lui accorde parfois du temps en sus de celui qui lui est alloué par les règles pour terminer son discours138. Comme l’étude de l’Adresse en réponse au discours du Trône constitue normalement le premier débat important d’une nouvelle session, beaucoup de nouveaux députés en profitent pour prononcer leur premier discours139.