Historique

On mentionne souvent que la possibilité pour les citoyens de présenter des pétitions au Parlement en vue du redressement d’un grief constitue un droit fondamental, ou un principe constitutionnel fondamental3, mais la Constitution écrite est en fait muette sur ce point. Ce droit est toutefois bien reconnu puisqu’il est fondé sur des précédents et une tradition établis il y a plusieurs siècles.

C’est au XIIIe siècle, sous Édouard Ier, qu’on a commencé à présenter des pétitions à la Couronne (et plus tard au Parlement) pour obtenir le redressement d’un tort. On avait ainsi recours à la prérogative de la Couronne, qui se situait au-dessus de la common law. Lorsque ces pétitions étaient jugées fondées, elles donnaient lieu à des lois d’intérêt privé dans le cas des individus et des groupes, et à des lois d’intérêt public dans le cas de la nation dans son ensemble.

Au Moyen Âge, avant que le Parlement ne prenne sa forme actuelle et alors que ses fonctions judiciaires et législatives n’étaient pas encore bien définies, les receveurs et vérificateurs des pétitions nommés par la Couronne parcouraient le pays pour entendre les plaintes de la population. Certaines questions étaient renvoyées aux tribunaux locaux par les vérificateurs, mais d’autres étaient jugées dignes d’être examinées par la haute cour du Parlement.

Lorsque le Parlement, un organe principalement judiciaire à l’époque, s’est transformé en un corps avant tout législatif et que ses fonctions judiciaires ont été reprises par les tribunaux, la nature des pétitions a changé. À la fin du XIVe siècle, les individus et sociétés qui adressaient des pétitions au Parlement ou à la Chambre des communes cherchaient à obtenir une « réparation » législative. À la même époque, les pétitions présentées par la Chambre des communes à la Couronne — qui revêtaient un caractère général et exprimaient des griefs nationaux — sont devenues fréquentes. Les premiers actes législatifs du Parlement anglais sont survenus lorsque les Communes ont adressé une pétition au roi pour qu’il modifie la loi (ce qui devait aboutir à la législation par projet de loi, lorsque les Communes, plus tard, se chargeraient de rédiger la loi souhaitée pour qu’elle puisse être ensuite acceptée ou rejetée — mais jamais modifiée — par la Couronne). C’est au XVIIe siècle qu’on a vu apparaître ce qu’on peut appeler aujourd’hui les pétitions « modernes », soit celles adressées au Parlement, rédigées d’une manière prescrite et traitant habituellement de griefs publics4.

Au Canada, les dispositions relatives aux pétitions (qui existaient depuis longtemps dans les assemblées législatives antérieures à la Confédération) ont toujours fait partie des règles écrites de la Chambre5. Les règles adoptées en 1867 ont été quelque peu étoffées en 1910, et elles ont ensuite été appliquées sans modification importante pendant 76 ans6. Toutefois, immédiatement après la Confédération, on a commencé à adopter toute une série de pratiques qui ont fini par former un ensemble de conditions de forme et de contenu qui, même si elles n’étaient pas incluses dans le Règlement, devaient quand même être respectées pour qu’une pétition soit reçue par la Chambre.

Au début et au milieu des années 1980, un regain d’intérêt pour les pétitions a eu pour effet que leur présentation accaparait une grande partie du temps de la Chambre, souvent au détriment d’autres travaux7. De plus, la présidence a dû parfois intervenir afin de statuer sur des questions de recevabilité ainsi que de présentation des pétitions8. Par conséquent, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le comité McGrath) formula plusieurs recommandations afin de clarifier les règles relatives aux pétitions, d’uniformiser leur présentation, de garantir leur recevabilité sur le plan du contenu et d’établir des lignes directrices quant à leur forme et aux signatures des pétitionnaires9. En 1986, la Chambre a apporté des modifications au Règlement pour donner suite à ces recommandations10.

La modification la plus importante prévoyait la certification des pétitions par le greffier des pétitions avant leur présentation à la Chambre11. On établissait aussi diverses conditions — dont certaines n’avaient jamais été codifiées, mais qui étaient bien établies par l’usage et la pratique — qu’il fallait remplir pour que les pétitions soient jugées correctes quant à leur forme et à leur contenu (par exemple, les pétitions doivent comporter une requête priant de prendre certaines mesures, adopter un ton respectueux et porter des signatures originales). Des lignes directrices du Président mentionnaient ces conditions et d’autres pratiques établies concernant la présentation des pétitions durant les Affaires courantes12. Enfin, une nouvelle règle obligeait le gouvernement à répondre aux pétitions.

En 1987, plusieurs modifications ont été adoptées, en particulier une nouvelle disposition obligeant les signataires à indiquer leur adresse13. De plus, l’ordre et le nombre des rubriques inscrites sous les Affaires courantes ont été modifiés de sorte que la « Présentation de pétitions », auparavant la cinquième de neuf rubriques, est devenue la neuvième de dix14. En 1991, une autre modification est venue limiter à 15 minutes la période consacrée à la présentation des pétitions durant les Affaires courantes15. Une modification adoptée en 1994 stipulait que les pétitions originales devaient être transmises au gouvernement (Bureau du Conseil privé) et que les réponses du gouvernement pouvaient être déposées auprès du Greffier de la Chambre16.

En 2003, la Chambre a adopté une version simplifiée des exigences applicables aux pétitions, notamment à la demande de redressement17. La Chambre a modifié le libellé de l’article 36 du Règlement pour faire en sorte :

  • que la certification soit accordée aux pétitions même si elles sont adressées au gouvernement, à un ministre ou à un député ;
  • que le nombre minimum de 25 signatures avec adresse soit maintenu, mais qu’on ajoute des modalités visant la situation des personnes sans adresse fixe ;
  • que la certification soit accordée même si la requête complète ne figure pas sur chaque feuille, pourvu que le sujet de la requête y soit indiqué ;
  • que la certification soit accordée même lorsque les pétitions réclament l’engagement de fonds publics.

Permettre la certification des pétitions réclamant l’engagement de fonds publics était un changement important. Dans le passé, les pétitions demandant l’engagement de fonds publics et n’ayant pas fait l’objet d’une recommandation de la Couronne (recommandation royale) n’étaient pas reçues par la Chambre18. Il s’agit évidemment ici d’un principe fondamental : c’est la Couronne qui prend l’initiative d’engager des dépenses publiques19. Cependant, depuis 1869, afin de préserver le droit des citoyens de soumettre une pétition à la Chambre, on acceptait déjà les pétitions qui demandaient l’engagement de fonds publics de façon indirecte20. Il s’agissait donc d’assouplir la forme exigée pour ce type de pétition, dans le même esprit de faciliter la participation citoyenne.

Une autre modification importante adoptée provisoirement en 2003 voulait que toute absence de réponse de la part du gouvernement à l’expiration d’un délai de 45 jours fasse l’objet d’un renvoi d’office au comité permanent compétent21. La Chambre a jugé opportun de reconduire cette disposition à l’approche de la 38e élection générale, avant de la rendre permanente par la suite22.

La réforme de 2003 envisageait également l’élaboration d’un système de traitement des pétitions électroniques. La question a été explorée plus en profondeur en 2005, mais sans qu’il y soit donné suite23. Ce n’est qu’en 2014, avec l’adoption d’une motion à cet effet, que la Chambre s’engageait à nouveau sur la voie des pétitions électroniques24. En 2015, le Règlement a été modifié en vue de permettre la publication de pétitions électroniques sur le site Web de la Chambre des communes et pour que les députés puissent présenter de telles pétitions25. Les modifications sont entrées en vigueur au début de la 42e législature.

Par ailleurs, les modifications de 2015 ont rendu valides les signatures des citoyens canadiens résidant à l’étranger, plutôt que seulement celles d’individus qui demeurent au Canada. Enfin, les pétitions portant sur des affaires en instance judiciaire ont été rendues irrecevables.