Cela en réponse aux commentaires d’un représentant du ministère de la Justice. Mes amendements ne nous privent pas de notre capacité de geler des actifs. Ils obligent à passer par les tribunaux pour le faire.
Je voudrais revenir à l'étude des professeurs Forcese et Roach. Et d’abord, à la question des autres démocraties. Je suis sûr que les deux professeurs n’apprécieraient pas les citations sélectives, mais le format de notre exercice se prête mal aux longs raisonnements que la complexité de ce genre de dossier pourrait nous inspirer. Au moment où nous écrivons, 54 groupes figurent sur la dernière liste. Soit dit en passant, on apprend sur le site Web de la Sécurité publique combien de personnes figurent sur cette liste. Nous ne voulons pas faire la même chose pour la liste d’interdiction de vol. C’est un débat qui s’est terminé ce soir.
L'étude dit que la liste est « plus longue que celle de certaines autres démocraties — notamment l’Australie et le Royaume-Uni. La majorité des groupes énumérés sont des groupes terroristes islamistes, mais la liste comprend aussi [d’autres groupes] ».
Elle les énumère, puis poursuit:
En raison de la formule de définition de l’article 83.01, il y a deux sortes de groupes terroristes dans le droit pénal canadien, soit un groupe identifié et inscrit comme tel par l’exécutif en vertu de l’alinéa b); et un groupe qui n’est pas sur la liste, mais qui répond à la définition fonctionnelle de l’alinéa a), selon l'évaluation qu'en donne en dernière instance un tribunal...
C’est un processus que mes amendements maintiendraient évidemment. Il est précisé entre parenthèses, « habituellement lorsqu’une personne est poursuivie pour sa conduite à l’égard de ce groupe ».
La plupart du temps, lorsqu’une personne commet un acte terroriste, les accusations de terrorisme ne sont même pas portées parce que les actes odieux qu’elle a déjà commis fournissent suffisamment de matériel au tribunal pour que la poursuite puisse aller de l’avant.
L'étude poursuit en disant que les inscriptions de l’alinéa b) se sont révélées pour la plupart non pertinentes. Jusqu’à tout récemment, presque toutes les mesures prises en droit pénal canadien concernaient des groupes visés à l’alinéa a), c’est-à-dire des groupes reconnus comme tels par un tribunal. On peut aussi y lire:
Les commentateurs juridiques ont objecté que, eu égard aux exigences de la Charte, il ne suffirait pas dans un procès criminel d'alléguer qu'une personne figure sur une liste établie par l'exécutif en vertu de l’alinéa b) pour prouver l'existence d'une infraction criminelle.
Je m’excuse, je lirais plus vite, mais j’essaie de ne pas oublier les interprètes. On peut lire plus loin:
L’argument, c’est que l’alinéa b) substitue un processus fermé d’inscription par le pouvoir exécutif à la preuve hors de tout doute raisonnable sur la base de preuves publiques qu’un groupe allégué a pour objet ou activité de faciliter ou de mener une activité terroriste. Que l’argument relatif à la Charte n’ait pas encore été tranché par un tribunal peut être dû au fait que le pouvoir exécutif ne recourt guère à ces mécanismes d’inscription dans les poursuites en matière de terrorisme au Canada.
Monsieur le président, je voudrais passer à — excusez-moi, je me perds dans mes propres notes. Pour poursuivre sur la question du financement du terrorisme. L'étude disait, en son temps:
À ce jour, seulement six des 26 affaires criminelles réglées au Canada concernaient des entités inscrites par le gouvernement (c’est-à-dire un groupe visé à l’alinéa b)). La seule déclaration de culpabilité en matière de financement d’activités terroristes au Canada concernait un don de l’accusé aux Tigres tamouls (inscrits sur la liste). La modeste peine de six mois en l’espèce peut refléter le fait que l’accusé qui n'avait pas exprimé de remords n’avait envoyé que 3 000 $ à ce qu’il croyait être une cause justifiée, mais elle semble également nuancer sinon remettre en question la décision initiale de proscription de l'exécutif.
La note de bas de page ajoute:
L’un d’entre nous a déjà laissé entendre que la légèreté de la peine dans ce cas et dans des cas de financement semblables en Australie « démontre que l’interdiction des groupes terroristes simplifie une situation complexe où tant les gouvernements que les organisations comme les Tigres tamouls ont violé les droits de la personne ».
Je pense que la discussion sur la situation en Inde, notamment, nous a montré qu’il peut y avoir des problèmes des deux côtés de ces débats. C’est ce que disait Ken Roach dans son article intitulé « The 9/11 Effect: Comparative Counter-Terrorism », publié en 2011.
Je remercie le Comité pour sa grande indulgence. J’ai senti le besoin de consigner de nouveau une partie de cela au procès-verbal, sachant, en tant que spécialiste en sciences politiques, que deux professeurs n’apprécieraient probablement pas la lecture sélective d’un document très long et compliqué. J’espère que les membres du Comité prendront le temps de le lire. J’espère qu’ils ont déjà eu le temps de le lire. Je crois que l’appui à mes amendements dépend du travail condensé dans des études comme celle-ci.
Je dirai, en conclusion, que je suis toujours ouvert à l’étude des moyens d’assurer une meilleure sécurité publique. Comme nous l’avons vu, notamment dans le débat sur le retour des combattants du groupe État islamique, tout le monde est d’accord, quiconque commettrait des actes odieux doit être derrière les barreaux, mais au bout du compte, nous devons reconnaître que nous avons un État de droit et que nous avons la Charte des droits et libertés. Si nous voulons maximiser notre succès, il y a des questions compliquées à ce sujet, et celle-ci en est une.