Monsieur le Président, je suis content d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi d'initiative parlementaire C-306, qui propose de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour accorder un crédit d'impôt sur les dépenses des particuliers pour le transport en commun.
D'après ce que je comprends de la mesure, les coûts admissibles engloberaient ceux de déplacements par autobus, métro, train de banlieue ou service de transport léger sur rail. Pour être admissibles au crédit d'impôt, les intéressés auraient à fournir comme pièces justificatives des reçus indiquant les montants payés pour utiliser un moyen de transport en commun admissible.
Permettez-moi de mettre tout d'abord l'accent sur le fait que le gouvernement favorise l'utilisation des transports en commun par un plus grand nombre de personnes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il est en effet prioritaire pour le gouvernement de relever le défi des changements climatiques, et l'utilisation accrue des transports en commun est certainement un moyen d'y arriver.
Cependant, nous, députés, sommes les gardiens des deniers publics et avons donc la responsabilité de faire en sorte que toute politique que nous établissons soit la meilleure façon de réaliser nos objectifs. Je suis d'accord avec l'esprit du projet de loi mais il est lacunaire, du fait que ses conséquences et ses effets n'ont pas été évalués. Nous ne devrions pas nous pencher sur des projets de loi lacunaires.
En ce qui a trait à l'idée d'un crédit d'impôt lié aux coûts des transports en commun, il faut tenir compte avec soin de l'efficacité et de l'équité d'une telle mesure avant de mettre aux voix ce projet de loi.
Permettez-moi d'expliquer certains problèmes que pose ce projet de loi. Je le répète, le projet de loi contient des failles et le processus de réflexion qui a mené à sa présentation a été déficient.
Les premières données montrent qu'un crédit d'impôt aurait une incidence limitée sur l'utilisation des transports en commun. Le projet pilote de laissez-passer pour les transports en commun du gouvernement fédéral a eu des résultats décevants : seulement 10 p. 100 des participants admissibles y ont participé et à peine plus de 5 p. 100 d'entre eux étaient des nouveaux utilisateurs. Ce projet pilote a donc attiré très peu de nouveaux utilisateurs des transports en commun, et ce, malgré un incitatif monétaire. Ce projet sera évalué cet automne; nous devrions au moins attendre l'analyse finale au lieu de rédiger et d'adopter des mesures législatives boiteuses.
Nous savons tous que le coût des transports en commun est un des nombreux facteurs qui influent sur le choix d'un moyen de transport. Il faut soupeser les coûts au regard d'autres facteurs, comme l'accessibilité, la commodité, le confort et les préférences personnelles.
Chaque jour, 10 000 personnes quittent la région du Niagara et St. Catharines pour se rendre travailler à Toronto et Hamilton et dans les environs. J'aimerais mieux disposer des fonds nécessaires pour prolonger le réseau GO jusqu'à Niagara Falls afin que les gens qui souhaiteraient utiliser ce service puissent en profiter. Je suis convaincu que ce serait fort profitable, si nous disposions de 240 à 300 millions de dollars par année.
De plus, pour qu'une telle mesure soit efficace, il faut tenir compte de son caractère équitable. Le projet de loi échoue également sur ce plan. En effet, cette mesure profiterait surtout aux résidants des grands centres urbains qui jouissent déjà de systèmes de transport en commun bien établis. Les personnes qui habitent dans de petites municipalités et au Canada rural, où des transports en commun accessibles et pratiques sont inexistants, ne profiteraient pas du tout de cette mesure. Seules trois des dix municipalités de la région du Niagara en profiteraient. Qu'en est-il des sept autres?
Ce projet de loi a besoin d'être appuyé par des recherches beaucoup plus poussées. La mesure proposée ne profiterait pas aux Canadiens qui utilisent déjà des moyens de transport plus sains sur le plan écologique, comme la marche ou la bicyclette. Les gens qui ont déménagé dans une région où ils peuvent aller travailler à pied ou à vélo seraient-ils admissibles aux crédits d'impôt? Ces gens participent à l'atteinte de nos objectifs environnementaux et ils réclameraient aussi l'allégement fiscal qu'ils méritent.
Les contribuables canadiens à bas revenus, comme ceux qui touchent de l'aide sociale, les sans-emploi, les aînés et les étudiants, représentent une importante proportion des usagers des transports en commun, mais ils ne profiteraient guère, voire pas du tout, du crédit, un grand nombre d'entre eux ne payant pas d'impôt du tout.
En outre, le projet de loi tel qu'il est maintenant libellé soulève d'autres préoccupations. Le projet de loi semble viser à accorder de l'aide pour les frais engagés au titre des transports en commun. Cependant, la définition des transports en commun qu'on trouve dans le projet de loi est très large. Cette définition pourrait s'appliquer à des coûts engagés à l'extérieur du Canada. J'ose croire que telle n'était pas l'intention du député.
Je voudrais vous donner quelques exemples pour illustrer mon propos. Par exemple, selon le libellé actuel du projet de loi, les contribuables pourraient demander un crédit pour les frais de transport engagés par eux lors de vacances ou pour leurs frais de transport par autobus d'une ville à l'autre. Ils pourraient demander aussi un crédit pour leurs frais de transport par autobus d'excursion. Je sais que telle n'était pas l'intention du député, mais le projet de loi nécessitera une bonne refonte.
On pourrait se retrouver dans la situation où les contribuables en général subventionneraient certains contribuables pour leurs frais de transport dans le métro de Londres, par exemple, lorsqu'ils étaient en vacances. Je sais que ce n'était pas le but visé, mais le projet de loi devra être profondément remanié. Est-ce l'intention du député que ce genre de dépenses soient couvertes? Je ne pense pas. C'est pourquoi le projet de loi doit être considérablement remanié.
Il faut se rappeler aussi que le gouvernement a pris un certain nombre d'initiatives qui contribuent à améliorer les transports en commun et à mieux protéger l'environnement. Parmi ces initiatives, on compte le soutien de l'infrastructure, un nouveau pacte pour les villes et notre plan relatif aux changements climatiques.
Depuis le milieu des années 1990, le gouvernement fédéral a investi 12 milliards de dollars dans les programmes d'infrastructures. Une partie de ces fonds sont investis dans divers projets de transport en commun, notamment l'aéroport de Richmond; les voies ferrées de Vancouver; le développement du réseau Go jusqu'à Niagara Falls, idéalement, un jour; le renouvellement des immobilisations de la Toronto Transit Commission et le rail léger à Ottawa.
Le ministre des Finances a également annoncé dans le budget de 2005 un engagement de plus de 5 milliards de dollars sur cinq ans au titre des infrastructures municipales écologiquement viables, y compris les transports en commun. Cela s'inscrit dans l'engagement pris par le gouvernement fédéral d'offrir une remise complète de la TPS et la portion fédérale des taxes de vente harmonisées aux municipalités. Cette mesure permettra de verser aux municipalités, notamment aux sept d'entre elles qui ont été oubliées dans la région du Niagara, environ 7 milliards de dollars de nouvelles ressources sur une période de 10 ans. Elles pourront utiliser cet argent et l'investir selon leurs priorités en matière de transport en commun.
Enfin, et ce qui est tout aussi important, le gouvernement fédéral prendra des mesures en matière de changement climatique grâce à un plan visant à respecter notre engagement envers Kyoto, un plan qui permettra d'orienter l'approche du gouvernement en matière de réduction des gaz à effet de serre. Le budget de 2005 prévoyait des investissements de plus de 4 milliards de dollars répartis sur les cinq prochaines années pour le financement d'initiatives clés de ce plan. Le résultat, c'est que les dépenses totales du fédéral à l'appui de mesures visant à régler le problème des changements climatiques ont augmenté à plus de 6 milliards de dollars depuis 1997. Le gouvernement s'est engagé à faire encore plus si ses ressources le lui permettent et à mesure que nous tirerons les leçons de nos investissements dans l'expérience internationale.
Je suis certain que tous les députés ici présents aujourd'hui conviendront comme moi que l'utilisation accrue des systèmes publics de transport en commun pourrait contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais il faut se demander si des allégements fiscaux au titre des frais du transport en commun seraient un moyen efficace d'atteindre cet objectif. Je pense que les députés conviendront que la réponse à cette question doit être un non ferme.
Je remercie la députée qui a proposé le débat de ce soir. C'est là le genre de débat qui rend la Chambre productive.