Les motions

Une motion est nécessaire pour présenter une proposition à la Chambre et obtenir une décision à son sujet4. Une motion est une proposition formulée par un député, en conformité avec certaines règles bien établies, tendant à ce que la Chambre fasse quelque chose ou ordonne que quelque chose se fasse, ou exprime une opinion à propos d’une affaire quelconque5. Une motion amorce une discussion et fournit la question sur laquelle devra se prononcer la Chambre6. C’est le processus que suit la Chambre pour ses travaux.

Plusieurs affaires peuvent être inscrites au Feuilleton afin d’être étudiées par la Chambre, mais une seule motion peut être débattue à la fois7. Une fois qu’une motion a été proposée à la Chambre par le Président, la Chambre en est officiellement saisie. La motion peut ensuite être débattue, modifiée, remplacée, adoptée, rejetée ou retirée8.

Une motion est adoptée si elle reçoit l’appui de la majorité des députés présents à la Chambre lorsqu’elle est mise aux voix. Une fois adoptées, toutes les motions se transforment en ordres ou résolutions de la Chambre. Par ses ordres, la Chambre approuve les projets de loi aux différentes étapes du processus législatif, régit ses délibérations ou transmet une instruction aux députés ou à ses hauts fonctionnaires, ou encore à ses comités. Une résolution de la Chambre exprime une opinion ou une intention9 ; elle n’exige pas la prise d’une mesure, pas plus qu’elle ne lie la Chambre. La Chambre s’est souvent penchée sur des résolutions afin d’appuyer une cause ou une position10.

Une motion doit être rédigée de manière à ce qu’elle « se transforme automatiquement en résolution […] ou en ordre11 » si elle est adoptée par la Chambre. Ainsi, une motion commence habituellement par le mot « Que ». On peut trouver des exemples de motions contenant des préambules, mais cette procédure n’est pas conforme à l’usage habituel12. Les motions adoptent habituellement la forme affirmative. Elles ne devraient pas renfermer de termes répréhensibles ou irrecevables. De plus, elles ne devraient avoir ni la nature de l’argumentation ni le style d’un discours13.

Les motions sujettes à débat et les motions non sujettes à débat

Avant 1913, les règles prévoyaient qu’un nombre limité d’affaires devaient être résolues sans débat ; toutefois, jusqu’alors, l’usage voulait que toute motion puisse faire l’objet d’un débat à moins qu’une règle ou une coutume parlementaire ne prescrive le contraire14. En 1913, le Règlement est modifié afin de préciser que toutes les motions doivent être résolues sans débat ni amendement, à moins d’être expressément reconnues comme sujettes à débat par le Règlement15. Le Règlement énumère donc les types de motions pouvant faire l’objet d’un débat et énonce que toutes les autres, sauf disposition contraire, sont résolues sans débat ni amendement16.

Parmi les motions pouvant faire l’objet d’un débat figurent généralement les suivantes :

  • les motions pour lesquelles un avis écrit est exigé ;
  • toute question inscrite à l’Ordre du jour, à l’exception de l’adoption (mais non de l’examen) d’une motion des voies et moyens ;
  • les motions étudiées durant les Affaires courantes, sous la rubrique « Motions » ;
  • les motions d’ajournement de la Chambre présentées afin de tenir un débat d’urgence.

En règle générale, toutes les questions sujettes à débat peuvent faire l’objet d’un amendement. Font notamment exception les motions d’ajournement de la Chambre pour tenir un débat d’urgence, renvoyer un projet de loi émanant du gouvernement à un comité avant la deuxième lecture, ainsi que la motion « Que cette question soit maintenant mise aux voix » (la « question préalable »).

Les motions décidées sans débat ni amendement traitent surtout de l’ordre des affaires de la Chambre ou de la manière de les examiner plutôt que du sujet des affaires elles-mêmes. Elles comprennent, sans toutefois s’y limiter, les motions :

  • proposant que la Chambre s’ajourne ;
  • visant à passer à l’Ordre du jour ;
  • proposant que la Chambre passe à une autre affaire ;
  • proposant que le débat soit ajourné ;
  • proposant que l’étude de la question soit reportée à une date ultérieure17 ;
  • proposant de se réunir en comité plénier à la prochaine séance ;
  • portant qu’un député soit maintenant entendu ;
  • visant à poursuivre ou à prolonger une séance18.

Classification des motions

Il existe plusieurs méthodes pour classer les motions19. De façon générale, on peut les regrouper en motions autonomes et exigeant un avis, et en motions découlant d’une autre affaire ou motion et n’exigeant pas d’avis. Celles du premier groupe sont des motions de fond et celles du second sont soit des motions subsidiaires (ou auxiliaires), soit des motions privilégiées (voir la figure 12.1, « Classification des motions »).

Les motions de fond

Les motions de fond constituent des propositions indépendantes qui sont complètes en elles-mêmes et qui ne découlent pas ou ne dépendent pas d’une autre affaire dont la Chambre est déjà saisie. En tant qu’affaires autonomes à examiner et sur lesquelles se prononcer, les motions de fond sont utilisées pour obtenir une opinion ou une action de la Chambre. Elles peuvent être modifiées et elles doivent être rédigées de manière à permettre à la Chambre d’exprimer son accord ou son désaccord avec ce qui est proposé. Ces motions exigent normalement un préavis écrit avant de pouvoir être présentées à la Chambre. Elles comprennent par exemple les motions émanant des députés, les motions de l’opposition présentées lors des jours réservés aux travaux des subsides et les motions du gouvernement.

Figure 12.1 Classification des motions
Série de cases reliées par des lignes illustrant la classification des motions. D’un côté, il y a celles pour lesquelles un préavis est requis et qui sont indépendantes (comme les motions de fond) ; de l’autre, il y a celles pour lesquelles aucun préavis n’est requis et découlant d’une autre motion ou d’une autre procédure (comme les motions subsidiaires et privilégiées). Les motions privilégiées se divisent ensuite en amendements et en motions de remplacement (ce qui comprend la question préalable et les motions dilatoires).

Les motions subsidiaires

Les motions subsidiaires, aussi appelées motions auxiliaires, sont par nature procédurales, dépendantes d’un ordre déjà pris par la Chambre et utilisées pour faire progresser l’étude d’une question déjà soumise à la Chambre20. Ainsi, les motions de deuxième et de troisième lecture de projets de loi et les motions visant à renvoyer une question à un comité plénier ou à un autre comité sont des motions subsidiaires qui sont sujettes à débat et à amendement21. Comme les motions privilégiées, elles peuvent être présentées sans préavis22.

Les motions privilégiées

Une motion privilégiée (à ne pas confondre avec une motion résultant d’une question de privilège) diffère d’une motion de fond en ce sens qu’elle découle et est dépendante du sujet qui est débattu. Une motion privilégiée peut être présentée sans préavis lorsqu’une motion sujette à débat est à l’étude, la motion privilégiée ayant alors priorité sur la motion originale dans le débat. Les motions privilégiées peuvent être des motions d’amendement ou de remplacement. Ces deux types de motions cherchent à mettre de côté la question à l’étude et peuvent être présentées seulement lorsque cette question fait l’objet d’un débat.

Les amendements

Une motion d’amendement découle d’un débat et est proposée afin de modifier la motion originale pour la rendre plus acceptable à la Chambre ou encore afin d’offrir un nouveau texte susceptible de remplacer la proposition originale. Elle ne requiert aucun préavis23 et elle est présentée par écrit au Président24. On exige que la motion soit présentée par écrit afin de s’assurer que, si elle est jugée recevable, elle soit proposée à la Chambre dans les termes exacts utilisés par le motionnaire. On ne peut proposer d’amendement pendant la période de questions et d’observations prévue après chaque intervention des députés sur la motion principale. Une fois qu’un amendement a été présenté, appuyé et évalué quant à sa recevabilité, le Président le propose à la Chambre25. Le débat sur la motion principale est mis de côté et l’amendement est débattu jusqu’à ce qu’il soit tranché. Le débat reprend ensuite sur la motion principale (modifiée ou non) et sur d’autres amendements qui peuvent être proposés.

Tout comme le texte d’une motion principale, le texte d’un amendement peut lui aussi être modifié. Un sous-amendement est un amendement qu’on propose d’apporter à un amendement. Dans la plupart des cas, il n’y a pas de limite au nombre d’amendements qui peuvent être proposés ; toutefois, la Chambre ne peut étudier qu’un seul amendement ou sous-amendement à la fois26.

Un amendement doit porter sur la motion qu’il vise à modifier. Il ne doit pas déborder de son cadre, mais plutôt viser à en préciser le sens et l’objectif27. Un amendement devrait prendre la forme d’une motion visant à :

  • retrancher certains mots et à les remplacer par d’autres ;
  • retrancher certains mots ;
  • ajouter d’autres mots à la motion principale.

Un amendement devrait être rédigé de façon que, si la Chambre l’accepte, la motion principale soit intelligible et cohérente28.

Un amendement est irrecevable dans les cas suivants :

  • il ne se rapporte pas à la motion principale29 (c’est-à-dire qu’il porte sur une question étrangère à la motion principale, qu’il déborde du sujet de la motion30 ou qu’il introduit une nouvelle proposition qui devrait plutôt faire l’objet d’une motion de fond distincte avec préavis31) ;
  • il soulève une question à peu près identique à une autre question que la Chambre a tranchée au cours de la même session ou il contredit un amendement déjà adopté32 ;
  • il est complètement contraire à la motion principale ou il entraînerait le même résultat que le rejet de la motion principale33 ;
  • une partie de l’amendement est irrecevable34 ;
  • il provient du motionnaire de la motion principale35.

Lorsqu’un amendement est débattu, celui qui l’a proposé ne peut présenter un amendement à son propre amendement. Si le député souhaite modifier son amendement, il doit demander le consentement de la Chambre pour retirer l’amendement original et en proposer un nouveau36.

Les amendements visant certaines affaires sont sujets à d’autres restrictions. Par exemple, on ne peut proposer plus d’un amendement et d’un sous-amendement à une motion présentée à l’occasion du débat sur le budget ou à une motion présentée en vertu d’un Ordre du jour relatif à l’étude des travaux des subsides lors d’un jour désigné à cette fin. Dans ce dernier cas, l’amendement (ou le sous-amendement) ne peut être proposé qu’avec le consentement du motionnaire, comme c’est le cas avec les motions émanant des députés et les motions portant deuxième lecture de projets de loi émanant des députés37. En outre, une motion portant renvoi d’un projet de loi du gouvernement à un comité avant la deuxième lecture n’est pas sujette à amendement38.

Les sous-amendements

La plupart des règles régissant les amendements s’appliquent également aux sous-amendements. Un sous-amendement doit porter strictement sur l’amendement correspondant, et non pas déroger à son sens, et viser à modifier cet amendement, et non la question originale39. Un sous-amendement ne peut déborder du sujet de l’amendement, introduire de nouvelles questions étrangères à celui-ci ou différer de manière substantielle de l’amendement40. Un sous-amendement ne peut consister à éliminer tout le texte d’un amendement et, donc, à l’annuler ; le Président a déterminé qu’il faudrait dans ces cas que la Chambre rejette plutôt l’amendement41. Le débat sur le sous-amendement se limite aux mots ajoutés ou omis de la motion originale au moyen de l’amendement. Comme les sous-amendements ne peuvent être modifiés, un député souhaitant en modifier un en cours de débat doit attendre qu’il soit rejeté pour ensuite en présenter un nouveau.

Les motions de remplacement

Une motion de remplacement est une motion présentée afin de remplacer la question à l’étude à la Chambre. Il existe deux types de motions de remplacement : la question préalable42 et plusieurs sous-types appelés motions dilatoires. Le texte d’un amendement dépend de la motion principale, mais le texte d’une motion de remplacement est déterminé au préalable et la motion est proposée dans le but d’empêcher la poursuite des discussions sur la question à l’étude par la Chambre.

Une motion de remplacement peut être présentée sans préavis quand une motion sujette à débat est étudiée par la Chambre. Le député souhaitant présenter une motion de remplacement peut le faire seulement après que le Président lui a accordé la parole dans le cours du débat. Une telle motion ne peut être présentée lorsque le député obtient la parole pour un rappel au Règlement ou durant une période réservée aux questions et observations43. À l’exception de la question préalable, les motions de remplacement ne sont pas sujettes à débat et ne peuvent s’appliquer les unes aux autres.

La question préalable

Lorsque le débat sur une motion prend fin (c’est-à-dire lorsqu’aucun député ne s’étant pas déjà exprimé ne souhaite prendre la parole ou que la Chambre a ordonné la fin du débat), la motion est mise aux voix par le Président, ce qui permet à la Chambre de se prononcer sur la proposition à l’étude. La mise aux voix suppose que la Chambre a fini de débattre la proposition et souhaite se prononcer. Normalement, ce processus est implicite, puisque le Président demande si la Chambre « est prête à se prononcer », mais on peut aussi demander à la Chambre de décider officiellement si la question devrait être mise aux voix ou non. Dans ce cas, il faut prendre une décision avant de se prononcer sur la motion principale. Pour ce faire, on propose « Que cette question soit maintenant mise aux voix », une motion appelée la question préalable44.

La motion proposant « Que cette question soit maintenant mise aux voix » a deux emplois :

  • remplacer une question qui fait l’objet d’un débat, puisque si elle est rejetée le Président se trouve dans l’impossibilité de mettre aux voix la motion principale à ce moment-là et la Chambre passe au prochain point à l’ordre du jour ;
  • limiter le débat, puisque, tant qu’elle n’est pas tranchée, elle exclut tout amendement à la question principale45. Si elle est adoptée, elle oblige la Chambre à se prononcer immédiatement sur la question principale46.

La question préalable a été peu utilisée depuis la Confédération. On ne relève que quatre cas au cours du XIXe siècle47. En 1913, un événement intéressant se produit relativement à la question préalable lorsque le gouvernement, cherchant un moyen de mettre un terme au long débat sur son projet de loi d’aide à la marine, présente une motion introduisant trois nouvelles dispositions du Règlement — dont la règle sur la clôture — et élimine ensuite toute possibilité d’amendement en proposant la question préalable immédiatement après48. Ces nouvelles règles furent adoptées après un débat acrimonieux qui dura plusieurs jours49, ce qui eut pour effet immédiat d’appliquer la règle de la clôture au débat sur le projet de loi d’aide à la marine50. À la fin des années 1920, et plus tard durant les années 1940 et au début des années 1950, la question préalable était utilisée assez régulièrement. Après une absence de près de 19 ans51, elle recommença à être utilisée fréquemment dans les années 1980 et 1990 et l’est encore régulièrement52.

La question préalable a été proposée pour de nombreuses motions de fond soumises à la Chambre. Ainsi, on y a déjà eu recours pour l’Adresse en réponse au discours du Trône53, pour diverses étapes d’un projet de loi54, pour des motions portant adoption de rapports de comités55, pour des motions d’instruction à des comités permanents56 et pour des motions parrainées par de simples députés57 et le gouvernement58.

La question préalable ne peut être proposée par le parrain de la motion principale, pas plus que par un député qui obtient la parole sur un rappel au Règlement. Elle ne peut être proposée que par un député qui obtient la parole dans le cours normal d’un débat. La question préalable est une motion de remplacement sujette à débat qui est étudiée en priorité lorsqu’elle est proposée au cours d’un débat59. Les mêmes limites de temps qui s’appliquent aux discours et aux questions et observations durant le débat sur la motion principale s’appliquent au débat sur la question préalable. Cette dernière ne peut être proposée lorsqu’un amendement à la motion principale est à l’étude, mais elle peut l’être une fois que la Chambre a terminé l’étude de l’amendement et que le débat reprend sur la motion principale, modifiée ou non60. La question préalable peut faire l’objet d’un débat, mais non d’un amendement61. De plus, elle ne peut être retirée qu’avec le consentement unanime de la Chambre62. La question préalable ne peut être proposée en comité plénier ni pendant une séance d’un comité de la Chambre63.

Une caractéristique unique de la question préalable est qu’elle ne fait rien pour gêner le débat sur la motion originale64. Ce qui est pertinent à l’égard de la question préalable est également pertinent à l’égard de la motion originale. Néanmoins, une fois que la question préalable a été proposée, c’est une nouvelle question qui est soumise à la Chambre et les députés peuvent participer au débat même s’ils ont déjà pris la parole sur la motion principale ou sur tout amendement qui a été mis aux voix65. Comme la question préalable ne constitue pas une motion de fond, le motionnaire ne bénéficie pas d’un droit de réplique66.

Le débat sur la question préalable peut être remplacé par une motion d’ajournement du débat, une motion d’ajournement de la Chambre ou une motion proposant de passer à l’Ordre du jour67 ; toutefois, ces motions ne sont pas recevables une fois que la Chambre a adopté la motion sur la question préalable68. Si le débat sur la question préalable est ajourné ou interrompu par l’ajournement de la Chambre ou autrement, le débat sur la question préalable et sur la motion originale cesse et ces deux affaires demeurent inscrites au Feuilleton69. Dans certains de ces cas, la motion principale et la question préalable ont été de nouveau soumises à la Chambre et mises aux voix ; dans d’autres cas, il n’y a pas eu d’autre débat ou décision et les motions sont devenues caduques à la fin de la session70.

Lorsque le débat sur la motion présentant la question préalable est terminé, la question est mise aux voix71. Lorsqu’un vote par appel nominal a été tenu sur la question préalable, les députés qui l’ont proposée ont voté en faveur de celle-ci, ont voté contre ou n’ont pas voté du tout72. Si la question préalable est adoptée, la présidence met immédiatement aux voix la motion principale sans autre débat ni amendement73. Si elle est rejetée74, la Chambre décidant que la question ne soit pas maintenant mise aux voix, le Président est tenu de ne pas mettre aux voix la question sur la motion principale à ce moment-là ; une fois la motion principale remplacée, la Chambre passe à la prochaine affaire à l’ordre du jour et la motion principale est rayée du Feuilleton.

Un vote par appel nominal sur la question préalable peut être différé75. Toutefois, quand un vote différé est tenu sur la question préalable et que la motion est adoptée, la motion principale est mise aux voix immédiatement et ce vote ne peut être de nouveau différé, à l’exception du vendredi, sauf sur ordre spécial ou sur l’ordre du whip en chef du gouvernement, avec l’accord des whips de tous les autres partis reconnus76.

Les motions dilatoires

Les motions dilatoires sont des motions de remplacement destinées à différer provisoirement ou indéfiniment l’étude de la question originale. On y a souvent recours dans le but exprès de retarder les travaux de la Chambre, mais aussi pour en accélérer le déroulement. Ainsi, les motions dilatoires sont utilisées tant par le gouvernement que par l’opposition.

Les motions dilatoires peuvent être présentées uniquement par un député auquel la présidence a accordé la parole dans le cours d’un débat et non sur un rappel au Règlement77. Les motions dilatoires comprennent les motions visant78 :

  • à passer à l’Ordre du jour ;
  • à passer à une autre affaire ;
  • à reporter l’étude d’une question à une date ultérieure ;
  • à ajourner le débat ;
  • à ajourner la Chambre79.

Le Règlement indique que les motions dilatoires sont recevables « lorsqu’une question fait l’objet d’un débat80 » ; toutefois, de telles motions ont aussi été présentées lorsqu’aucune question ne faisait l’objet d’un débat durant les Affaires courantes81. La présidence a jugé recevables des motions proposant que la Chambre passe au point suivant des Affaires courantes82, et que la Chambre passe à l’Ordre du jour83. Toutefois, une motion proposant de passer à un point des Affaires courantes autre que le point suivant a été jugée irrecevable parce que la Chambre devait procéder à l’étude des Affaires courantes point par point, dans l’ordre habituel84. Contrairement à la question préalable, les motions dilatoires peuvent être proposées lors d’un débat sur un amendement à une motion85.

Lorsqu’une motion dilatoire est présentée et appuyée, le texte de celle-ci doit être transmis à la présidence par écrit86. Les motions dilatoires n’exigent pas de préavis, ne sont pas sujettes à débat ou à amendement, et sont mises aux voix immédiatement par la présidence lorsqu’elles sont jugées recevables. Jusqu’en 1913, les motions dilatoires étaient sujettes à débat et l’étude de la question à remplacer était retardée par ce débat et par la décision à prendre sur la motion dilatoire87. Aujourd’hui, lorsqu’une motion dilatoire est présentée, un vote par appel nominal est habituellement demandé et la sonnerie d’appel se fait entendre pendant un maximum de 30 minutes pour convoquer les députés, ce qui retarde le débat sur les autres affaires à l’étude à la Chambre. Lorsqu’une motion d’ajournement de la Chambre est adoptée, le temps qu’il reste au jour de séance est également perdu.

Bien qu’elle soit classée dans les motions dilatoires, une motion proposant qu’on passe à l’Ordre du jour ou qu’on passe à une autre affaire est souvent utilisée par le gouvernement durant les Affaires courantes afin de contrer des tactiques dilatoires ou d’accélérer les travaux de la Chambre. L’adoption d’une motion proposant qu’on passe à l’Ordre du jour entraîne le remplacement de l’affaire à l’étude à la Chambre et force celle-ci à passer immédiatement à l’Ordre du jour, en écartant toute autre affaire prévue dans les travaux du jour88.

Les motions proposant de passer à l’Ordre du jour

La motion « Que la Chambre passe maintenant à l’Ordre du jour » peut être présentée par un député avant l’appel de l’Ordre du jour ; toutefois, une fois que la Chambre a atteint cette étape, proposer la motion serait superflu89. La présidence a déjà jugé qu’une motion proposant de passer à l’Ordre du jour était recevable durant les Affaires courantes90, période où elle a majoritairement été proposée dans les dernières années91. Si la motion est adoptée durant les Affaires courantes, l’affaire alors à l’étude (et toutes les autres affaires inscrites sous les Affaires courantes) et les demandes de débats d’urgence sont remplacées et reportées à la prochaine séance, et la Chambre passe immédiatement à l’Ordre du jour92. On ne peut faire de rappel au Règlement une fois que le Président a mis la motion aux voix93. De plus, si une motion est débattue lorsque la motion proposant de passer à l’Ordre du jour est présentée et adoptée, cette première motion est rayée du Feuilleton. Si la motion proposant de passer à l’Ordre du jour est rejetée, la Chambre poursuit ses travaux là où elle les avait interrompus quand la motion a été proposée. Dans le passé, cette motion a été présentée tant par le gouvernement que par l’opposition, comme tactique dilatoire ou comme moyen de contrer des tactiques dilatoires94.

Les motions proposant de passer à une autre affaire

L’adoption de la motion « Que la Chambre passe à (une autre affaire) » entraîne le remplacement de la question alors à l’étude à la Chambre. Les députés entreprennent immédiatement l’étude de l’autre affaire mentionnée dans la motion. Si cette motion est rejetée, le débat sur la motion principale ou la question à l’étude se poursuit.

Lorsque la Chambre étudie les Ordres émanant du gouvernement, une motion proposant de passer à un autre ordre émanant du gouvernement n’est pas recevable si elle est présentée par un simple député, puisqu’il appartient au gouvernement de déterminer l’ordre dans lequel il mettra en délibération ses ordres95. Il est arrivé une fois qu’une motion soit présentée durant l’étude des Ordres émanant du gouvernement afin de proposer que la Chambre passe à l’étude d’une affaire émanant des députés. Le Président a alors déterminé que la Chambre pouvait passer d’un point à un autre à l’intérieur de la même rubrique, mais qu’une motion proposant de passer d’une rubrique (les Ordres émanant du gouvernement dans le cas en question) à une autre du Feuilleton (dans ce cas-ci, les Affaires émanant des députés) équivalait à suspendre le cours normal des travaux de la Chambre et constituait donc une motion de fond qui ne pouvait être présentée qu’après la transmission d’un avis en bonne et due forme96.

On a déjà interprété qu’une motion proposant de passer à une autre affaire permettait à la Chambre de passer d’une rubrique ou d’un point des Affaires courantes à la suivante ou au suivant, même s’il se peut qu’il n’y ait aucune motion de fond à l’étude à la Chambre97. On n’a plus recours à cette motion pour les points inscrits ailleurs que sous les Affaires courantes, puisque l’ordre des affaires étudiées durant les périodes réservées aux Ordres émanant du gouvernement et aux Affaires émanant des députés est maintenant régi par diverses dispositions du Règlement. La Chambre a plutôt tendance à exiger le consentement unanime des députés lorsqu’elle souhaite s’écarter de l’ordre des travaux prévu dans le Règlement.

La motion d’ajournement du débat

Le but d’une motion d’ajournement du débat est de mettre temporairement de côté l’étude d’une motion. On peut y avoir recours comme tactique dilatoire ou pour la gestion des travaux de la Chambre. Si la Chambre adopte la motion « Que le débat soit maintenant ajourné », le débat sur la motion originale cesse alors et la Chambre passe au prochain point à l’ordre du jour. Toutefois, la motion originale n’est pas rayée du Feuilleton, elle demeure à l’ordre du jour et elle peut être remise en délibération à la prochaine séance. Ainsi, l’adoption d’une motion d’ajournement du débat a pour effet de reporter tout autre débat qui aurait pu être tenu sur une motion ce jour-là98. Si la motion d’ajournement du débat est rejetée, le débat sur la motion originale se poursuit.

Une motion d’ajournement du débat est recevable lorsqu’elle est présentée par un député auquel le Président a donné la parole dans le cadre d’un débat sur une question à l’étude à la Chambre99. Elle ne peut être présentée durant les Affaires courantes, sauf au cours du débat sur les motions proposées sous la rubrique « Motions ». Le motionnaire de la motion débattue ne peut pas proposer d’ajourner le débat, puisque cela reviendrait à proposer deux motions simultanément100. En outre, les autres restrictions qui s’appliquent aux motions d’ajournement de la Chambre s’appliquent également aux motions d’ajournement du débat101.

La motion d’ajournement de la Chambre

Le Règlement prévoit que la Chambre s’ajourne chaque jour à une heure précise102. Toutefois, un député peut présenter une motion proposant « Que la Chambre s’ajourne maintenant » à un autre moment durant la séance. Si la motion est adoptée, la Chambre s’ajourne immédiatement jusqu’à la séance suivante. Sauf s’il s’agit d’une affaire émanant d’un député non votable ou d’une motion portant adoption d’un rapport de comité, la motion étudiée par la Chambre à ce moment-là n’est pas rayée du Feuilleton, mais y reste simplement inscrite en vue de la séance suivante, où on pourra alors en reprendre l’étude103.

Les motions d’ajournement sont appelées des motions dilatoires lorsqu’elles sont utilisées pour remplacer la question à l’étude et retarder les travaux de la Chambre104. Cependant, les motions d’ajournement ne sont pas considérées comme des motions dilatoires quand elles sont utilisées par le gouvernement pour gérer le déroulement des travaux de la Chambre. Une motion d’ajournement de la Chambre peut être proposée par le gouvernement simplement pour mettre fin à une séance105. Ainsi, le gouvernement a déjà eu recours à cette motion afin d’ajourner tard dans la séance avant l’heure prévue de l’ajournement, plutôt que de devoir entreprendre l’étude d’une autre affaire106 ou pour ajourner en raison de circonstances extraordinaires107. Une motion d’ajournement de la Chambre n’est pas sujette à débat. La Chambre a néanmoins utilisé cette motion, avec le consentement unanime des députés ou en vertu d’un ordre spécial, pour pouvoir débattre d’une question jugée importante, mais pas nécessairement liée à une affaire à l’étude à la Chambre108. De plus, la motion d’ajournement de la Chambre est sujette à débat lorsqu’elle est utilisée pour tenir un débat d’urgence109 ou, à la fin d’une séance, pour le débat d’ajournement110.

Une motion d’ajournement de la Chambre est recevable lorsqu’elle est présentée par un député auquel le Président a accordé la parole dans le cadre d’un débat sur une motion à l’étude à la Chambre111 ou dans le cadre de l’étude d’un point inscrit sous les Affaires courantes112. Une motion d’ajournement de la Chambre n’est pas recevable si elle est assortie de conditions (par exemple si elle prévoit une heure précise d’ajournement) puisque ces conditions la transforment en une motion de fond qui ne peut être présentée sans préavis113. De plus, une motion d’ajournement de la Chambre ne peut être présentée dans les circonstances suivantes :

  • durant les Déclarations de députés ou la période des questions114 ;
  • durant la période de questions et d’observations suivant un discours115 ;
  • sur un rappel au Règlement116 ;
  • par un député présentant une motion dans le cadre d’un débat (le même député ne peut présenter deux motions en même temps) ;
  • durant l’élection du Président117 ;
  • durant les débats d’urgence ou le débat d’ajournement, puisque la Chambre est alors déjà en train d’étudier une motion d’ajournement118 ;
  • lors du dernier jour désigné d’une période des subsides119 ;
  • durant un débat sur une motion soumise à la clôture120 ;
  • lorsqu’un ordre permanent ou spécial de la Chambre prévoit la fin des délibérations sur une affaire à l’étude à la Chambre121, sauf lorsque la motion d’ajournement est présentée par un ministre122 ;
  • durant les délibérations sur une motion proposée par un ministre relativement à une affaire que le gouvernement juge urgente123.

Si une motion d’ajournement est rejetée, une deuxième motion semblable ne peut être présentée que si la Chambre a, dans l’intervalle, procédé à une autre opération ou étudié une autre affaire124. Les députés peuvent présenter à plusieurs reprises et tour à tour les motions d’ajournement du débat et d’ajournement de la Chambre, puisque ces motions ne produisent pas le même effet et sont considérées comme une « autre opération125 ».

La motion portant qu’un député soit maintenant entendu

Bien qu’il ne s’agisse pas à strictement parler d’une motion dilatoire, la motion « Qu’un député soit maintenant entendu » peut servir de tactique dilatoire126. Toutefois, contrairement à une motion dilatoire, si cette motion est adoptée, elle n’a pas pour effet de remplacer la question originale ; elle permet uniquement de déterminer quel sera le prochain intervenant sur la motion à l’étude. Une telle motion ne peut être proposée que dans le cadre d’un recours au Règlement et est utilisée en combinaison avec des motions dilatoires127.

Lorsque deux députés demandent simultanément la parole, le Président l’accorde à l’un d’entre eux. Un autre député peut invoquer le Règlement avant que le député ayant obtenu la parole n’intervienne afin de proposer que l’autre député « soit maintenant entendu ». Si le Président juge la motion recevable, la question est mise aux voix sur-le-champ sans débat128. Si la motion est adoptée, le député désigné dans la motion peut se prononcer sur la motion originale ; par contre, si la motion est rejetée, le député qui a obtenu la parole le premier conserve son droit de parole129.