Les travaux des subsides

Les travaux des subsides permettent au gouvernement de demander au Parlement d’approuver les fonds requis pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations financières et de mettre en œuvre les programmes déjà approuvés par le Parlement. La Couronne, agissant sur l’avis des ministres responsables, transmet à la Chambre des communes les prévisions annuelles de dépenses du gouvernement, soit son « Budget des dépenses », pour étude et approbation. Seules les Communes ont le pouvoir d’accorder les « crédits » nécessaires pour combler les besoins du gouvernement. Tous les projets de loi d’ordre financier (ce qui inclut toutes les dépenses du gouvernement) doivent être présentés en premier à la Chambre des communes104. Une fois les crédits accordés, le gouvernement peut puiser dans le Trésor pour s’acquitter de ses obligations financières105.

Historique

La procédure relative aux travaux des subsides établie en 1867 est demeurée fondamentalement inchangée pendant le premier siècle suivant la Confédération. S’inspirant d’une ancienne règle de la Chambre des communes britannique106, les travaux des subsides étaient confiés à un comité plénier appelé comité des subsides107.

De la Confédération à 1968

Avant 1968, les travaux des subsides nécessitaient que la Chambre se constitue d’abord en comité des subsides pour ensuite y étudier le budget annuel des dépenses, c’est-à-dire les dépenses proposées par le gouvernement. Avant que le comité des subsides ne puisse entreprendre ses travaux, le ministre des Finances devait déposer le Budget des dépenses avec le message du gouverneur général signifiant la recommandation de la Couronne108. Le ministre proposait ensuite que le message et la recommandation soient renvoyés, avec le Budget des dépenses, au comité des subsides109.

Lorsque l’Ordre du jour prévoyait que la Chambre se forme en comité des subsides110, la motion « Que le Président quitte maintenant le fauteuil » était présentée à la Chambre111. Il s’agissait de la première étape des travaux des subsides ; les députés avaient alors l’occasion de débattre cette motion et de l’amender. Les règles relatives à la pertinence étaient assouplies et les députés avaient recours à des amendements pour soulever différentes questions et les débattre à la Chambre. De plus, l’opposition pouvait menacer de retarder l’examen des crédits pour obtenir des concessions de l’exécutif. Cette pratique de permettre toutes sortes d’amendements112, de même que la grande latitude accordée pour les débats et l’absence de limites de temps étaient des reliquats d’un ancien principe du gouvernement parlementaire qui voulait que la Couronne réponde aux griefs de la population avant que celle-ci ne lui accorde des crédits113.

Une fois que la Chambre avait adopté la motion portant que le Président quitte le fauteuil, elle se formait en comité des subsides. Chaque poste budgétaire était étudié sous forme de résolution ou de motion distincte proposant « qu’une certaine somme soit accordée à Sa Majesté pour […] ». Les amendements étaient permis et le débat n’était assujetti à aucune limite. Si elles étaient adoptées, les résolutions étaient renvoyées à la Chambre pour qu’elle les entérine. Les rapports du comité des subsides n’étaient habituellement pas reçus ou étudiés par la Chambre le même jour où ils étaient transmis, mais on ordonnait plutôt qu’ils soient reçus à une prochaine séance de la Chambre. Après avoir fait rapport, le comité demandait la permission « de siéger de nouveau », sans quoi le comité des subsides aurait cessé d’exister114.

Lorsqu’on donnait lecture de l’Ordre du jour portant qu’il soit fait rapport des résolutions adoptées en comité, une motion officielle portant première lecture de ces résolutions était proposée. Cette motion purement formelle ne faisait jamais l’objet d’un débat ou d’amendements. Si la Chambre y consentait, chaque résolution était lue séparément pour la deuxième fois, après quoi le Président la mettait aux voix. Tout amendement ou débat devait avoir trait directement à la résolution115.

Lorsque l’ensemble du Budget des dépenses avait franchi l’étape du comité des subsides, le ministre des Finances proposait une motion portant que la Chambre se forme en comité des voies et moyens pour étudier les résolutions officielles d’octroi de certaines sommes à prélever du Trésor116. Une fois de plus, chaque poste budgétaire était proposé sous forme de résolution distincte, puis étudié et enfin renvoyé à la Chambre après son adoption. Une fois que les résolutions avaient franchi l’étape de la deuxième lecture, elles constituaient le fondement d’un projet de loi de crédits qui visait à puiser les sommes voulues dans le Trésor pour financer les programmes et activités approuvés dans le Budget des dépenses. Il arrivait souvent que les projets de loi portant affectation de crédits étaient présentés et franchissaient deux étapes législatives ou plus au cours d’une même journée117. Après son adoption par la Chambre, le projet de loi de crédits était envoyé au Sénat où il devait franchir trois lectures avant d’être adopté et renvoyé à la Chambre.

Le débat sur la motion voulant « Que le Président quitte maintenant le fauteuil » faisait souvent en sorte que les crédits étaient étudiés à la toute fin de la session et souvent tard en soirée. Par conséquent, lorsque le Budget des dépenses était examiné en comité, cet examen avait tendance à être relativement court, ce qui provoquait fréquemment des plaintes concernant le manque d’efficacité de la surveillance parlementaire des dépenses gouvernementales118.

En 1913, le Règlement de la Chambre des communes était modifié : dorénavant, lorsque l’ordre du jour prévoyait que la Chambre se forme en comité des subsides le jeudi et le vendredi, la motion voulant « Que le Président quitte maintenant le fauteuil » serait adoptée d’office119. C’était la première fois qu’on limitait le droit des députés de présenter des griefs avant l’étude des besoins financiers du gouvernement. À la suite de ce changement, seulement 132 amendements à la motion ont été présentés de 1913 à 1955, alors que 271 l’avaient été entre 1867 et 1913. Cette nouvelle disposition constituait la première limitation réelle de la capacité de l’opposition de retarder l’examen des crédits, puisqu’elle garantissait au gouvernement que la Chambre pourrait se pencher au moins deux jours par semaine sur ses besoins financiers. Aucune autre modification n’a été apportée jusqu’en 1927120, année où la Chambre accepta de permettre un sous-amendement à la motion proposant que le Président quitte le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des subsides ou en comité des voies et moyens lorsque la motion était présentée un autre jour que le jeudi ou le vendredi121.

Des divergences d’opinions apparurent vite quant à la tribune à utiliser pour étudier le Budget des dépenses : un comité plénier ou un comité permanent122. En 1955, la Chambre acceptait de créer un Comité spécial des prévisions budgétaires123. Au départ, le Comité ne disposait pas du pouvoir d’assigner des témoins ni d’ordonner la production de documents et de dossiers ; des changements apportés au Règlement en 1958 allaient toutefois lui conférer les pouvoirs nécessaires124.

D’autres changements approuvés provisoirement en 1967 permirent aux comités permanents d’examiner le Budget des dépenses et limitèrent à quatre le nombre d’occasions au cours d’une session où la Chambre pourrait débattre de la motion proposant qu’elle se forme en comité des subsides ou en comité des voies et moyens125. Au cours de chaque session, un maximum de 30 jours devaient être consacrés aux travaux des subsides126.

Les travaux des subsides depuis 1968

En 1968, des changements ont été recommandés par le Comité spécial de la procédure. Le Comité estimait que les travaux des subsides étaient « parmi les choses qui prennent le plus de temps au Parlement canadien, qui donnent lieu à plus de répétitions et qui s’inspirent de méthodes archaïques ». Il était d’avis qu’ils ne permettaient pas un examen efficace des prévisions budgétaires, qu’ils ne fournissaient pas à la Chambre les moyens d’organiser un débat significatif sur des sujets prévus à l’avance, qu’ils ne permettaient pas au Parlement d’exercer un contrôle efficace sur les dépenses, non plus que d’assurer une décision rapide sur les projets de loi portant affectation de crédits. Le Comité estimait que la méthode qui avait été léguée par l’histoire ne tenait pas compte des réalités contemporaines du fonctionnement du gouvernement127. La Chambre convint de modifier substantiellement ses procédures financières128. Le comité des subsides et le comité des voies et moyens furent tous les deux abolis, et tous les Budgets des dépenses seraient transmis aux comités permanents avant d’être soumis à la Chambre. Les nouvelles règles prévoyaient que le Budget principal des dépenses serait déposé et renvoyé aux comités au plus tard le 1er mars de chaque année. Pour leur part, les comités devaient faire rapport ou seraient réputés avoir fait rapport au plus tard le 31 mai129.

La Chambre convint d’établir, au début de chaque session, un Ordre du jour permanent pour les travaux des subsides sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement130. Contrairement à l’ordre prévoyant que la Chambre se transforme en comité des subsides, qui était annulé une fois que le comité avait renvoyé le Budget des dépenses à la Chambre, l’ordre permanent demeure un élément des Ordres émanant du gouvernement qui peut être mis en délibération à tout moment selon le bon vouloir du gouvernement.

Les nouvelles règles divisèrent le calendrier parlementaire en trois périodes durant lesquelles 25 jours seraient consacrés aux travaux des subsides. Cinq jours désignés furent réservés à la période des subsides se terminant le 10 décembre, sept à la période se terminant le 26 mars et 13 autres à la période se terminant le 30 juin. Des motions de l’opposition ou de subsides ne pourraient être présentées que par des députés de l’opposition et pourraient porter sur toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada131.

De plus, les nouvelles règles prévoyaient que, au cours de chaque période, l’opposition pouvait demander que jusqu’à deux de ces motions présentées lors d’un jour désigné fassent l’objet d’un vote et soient considérées comme des motions de « défiance » à l’endroit du gouvernement. Comme les conventions veulent que l’exécutif conserve la « confiance » de la Chambre, de nombreux intervenants se sont demandés pourquoi les motions de l’opposition votables devaient être appelées motions de « défiance »132. En mars 1975, le Règlement était provisoirement modifié afin que les votes sur les motions de l’opposition ne soient plus considérés d’office comme une question de confiance à l’endroit du gouvernement133. Les règles provisoires n’ont pas été renouvelées au début de la deuxième session et le concept de défiance a refait son apparition dans la version de 1977 du Règlement. De nouvelles modifications apportées au Règlement en juin 1985 supprimaient une fois de plus la disposition de « défiance » des règles régissant les motions de l’opposition134.

En février 1986, des changements étaient apportés pour permettre au chef de l’Opposition de demander le prolongement de l’étude en comité du Budget des dépenses d’un ministère ou organisme au-delà du délai du 31 mai, pour une période ne dépassant pas 10 jours de séance135. De plus, les nouvelles règles réservaient le dernier jour désigné de la période des subsides se terminant le 30 juin afin de débattre de la motion portant adoption du Budget principal des dépenses plutôt que de la motion habituelle de l’opposition, et permettaient le prolongement de la séance jusqu’à 22 heures. À compter du 8 juin 1987, les jours désignés ont été répartis différemment : ils sont passés à 6 jours au cours de la période des subsides se terminant le 10 décembre, à 9 jours au cours de la période se terminant le 26 mars et à 10 jours au cours de la période se terminant le 30 juin136.

En 1991, la date où cette période se termine a été ramenée au 23 juin et, à la suite d’une réduction du nombre de jours de séance dans l’année, le nombre total de jours désignés est passé de 25 à 20 sur l’ensemble d’une année137. De même, on a fait passer de quatre à trois le nombre maximal de motions pouvant faire l’objet d’un vote pour chacune des périodes des subsides138. Des changements ont également été apportés pour augmenter ou réduire le nombre de jours désignés au cours d’une période des subsides en fonction du nombre total de jours de séance de cette période139, pour limiter le nombre de jours désignés tombant un mercredi et un vendredi140 et pour autoriser les comités permanents à examiner, en même temps qu’ils examinent le budget de l’exercice financier en cours, les dépenses du prochain exercice financier des ministères et organismes dont ils sont responsables141.

En juin 1998, le nombre total de jours désignés est passé de 20 à 21, soit sept jours pour chacune des trois périodes des subsides, et le nombre maximal de motions pouvant faire l’objet d’un vote a été porté à 14, sans limite quant au nombre de motions pouvant faire l’objet d’un vote par période. En ce qui concerne le dernier jour désigné de juin, la Chambre débattrait dorénavant d’une motion de l’opposition jusqu’à 18 h 30 ce jour-là avant de passer à l’étude des prévisions budgétaires. Si la motion de l’opposition devait faire l’objet d’un vote, ce vote serait différé jusqu’à 22 heures142.

En octobre 2001, la Chambre a adopté d’importantes modifications au Règlement143. Premièrement, les Budgets des dépenses (principaux et supplémentaires) seraient désormais réputés renvoyés aux comités permanents compétents dès leur dépôt à la Chambre, au lieu de leur être renvoyés par l’entremise d’une motion pouvant faire l’objet d’un vote144. Ensuite, l’étude de certains crédits du Budget principal des dépenses pourrait se faire dans la Chambre même, réunie en comité plénier. Selon la nouvelle règle, le chef de l’Opposition, après consultation des chefs des autres partis de l’opposition, pourrait choisir, au plus tard le 1er mai, le Budget principal des dépenses d’au plus deux ministères ou organismes que le comité plénier examinerait pendant au plus cinq heures chacun. Cet examen aurait lieu après le débat d’ajournement de la journée choisie ou après les Affaires émanant des députés dans le cas d’un vendredi145.

Une troisième modification exigerait qu’on dépose l’avis écrit d’une motion de l’opposition au plus tard une heure avant l’ouverture de la séance le jour précédant le jour désigné. Après la prière, le Président devrait lire le texte de la motion à proposer le jour désigné et indiquer si la motion serait ou non mise aux voix146. Enfin, les amendements apportés aux motions de l’opposition pourraient être proposés, du moment qu’ils sont par ailleurs jugés recevables, uniquement avec le consentement de leur motionnaire147.

En mai 2002, la Chambre a révisé sa liste de comités permanents de façon à scinder le Comité des transports et des opérations gouvernementales en deux comités distincts148. Le nouveau Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires se voyait investi d’un mandat de vaste portée comprenant notamment l’étude de l’efficacité, de l’administration et du fonctionnement des ministères et organismes centraux du gouvernement ainsi que l’examen des plans opérationnels et de dépenses de ces derniers ; l’étude des budgets de programmes assumés par plus d’un ministère ou organisme ; l’analyse de l’efficacité et de l’administration des activités du gouvernement reliées à l’utilisation des nouvelles technologies ; et la revue du processus d’examen des crédits et celle relative à la forme et à la teneur des documents budgétaires produits par le gouvernement149. De plus, le Règlement conférait au Comité le pouvoir de modifier certains crédits budgétaires renvoyés pour étude à d’autres comités permanents, en coordination avec ces derniers150. Il s’agit notamment des crédits relatifs à des ministères et organismes centraux du gouvernement, à l’utilisation par le gouvernement des technologies naissantes en matière d’information et de communications ainsi qu’à certains postes opérationnels et de dépenses dans tous les ministères et agences.

En septembre 2003, la Chambre a adopté d’autres modifications au Règlement relatives aux travaux des subsides151. Premièrement, on a réduit de cinq à quatre heures la durée de l’examen, par le comité plénier, du Budget principal des dépenses des deux ministères ou organismes choisis152. Deuxièmement, on a fixé des limites de temps aux interventions ainsi qu’aux questions posées lors de cet examen. Les députés disposeraient chacun d’au plus 15 minutes, dont 10 pour participer au débat. Une fois qu’un député aurait la parole, il pourrait profiter de ses 15 minutes pour prononcer un discours et pour poser des questions au ministre de la Couronne ou au secrétaire parlementaire agissant au nom du ministre, en indiquant comment ses 15 minutes seraient réparties153. Enfin, on a ajouté des dispositions selon lesquelles un avis écrit d’une motion de l’opposition pourrait être donné au Greffier de la Chambre pendant l’ajournement de la Chambre, si le premier ou le deuxième jour de séance suivant cet ajournement était un jour désigné. L’avis pourrait être donné au plus tard le jeudi précédant le retour de la Chambre154.

En février 2005, dans le cadre d’une série de modifications au Règlement, la Chambre a convenu, du consentement unanime, de faire passer de sept à huit le nombre de jours réservés aux travaux des subsides au cours de la période se terminant le 23 juin, portant ainsi à 22 le nombre total de jours désignés155. La Chambre a ensuite fixé à 48 heures le délai de préavis pour les motions de l’opposition, plutôt qu’à une heure avant l’ouverture de la séance précédente156. Du même coup, toutes les motions de l’opposition sont devenues sujettes à une mise aux voix, plutôt que d’être limitées à un certain nombre pendant l’année, à moins que le parrain d’une telle motion ne l’ait désignée comme étant non votable157.

En juin 2017, la Chambre a convenu de modifier provisoirement l’article 81 du Règlement afin de reporter le dépôt du Budget principal des dépenses pour y inclure les postes budgétaires provenant de l’exposé budgétaire le plus récent. Ainsi, pour le reste de la 42e législature, l’échéance du dépôt est passée du 1er mars au 16 avril. Afin que les ministères et les organismes disposent d’un pouvoir de dépenser suffisant jusqu’à l’approbation du Budget principal des dépenses, un « Budget provisoire des dépenses » a également été instauré à titre provisoire. Ce Budget provisoire des dépenses sera déposé, réputé renvoyé à un ou des comités permanents et étudié pendant la période des subsides se terminant le 26 mars. Il sera basé sur une fraction du Budget des dépenses de l’année en cours, plutôt que sur une fraction du Budget principal des dépenses à venir158.

L’ordre permanent des travaux des subsides

Dans le discours du Trône, qui inaugure chaque nouvelle session du Parlement, le gouverneur général annonce habituellement aux députés qu’on leur demandera de voter les crédits (c’est-à-dire d’affecter les sommes) nécessaires pour financer les services et les dépenses approuvés par le Parlement159.

Parmi les premiers travaux qu’elle entreprend après le discours du Trône, la Chambre étudie donc une motion habituellement proposée par le ministre présidant le Conseil du Trésor : « Que la Chambre étudie les travaux des subsides à la prochaine séance160 ». En vertu d’un usage bien établi, la motion ne donne pas lieu à un débat et est habituellement adoptée à l’unanimité. Une fois adoptée, la motion devient un ordre de la Chambre prévoyant l’ajout des travaux des subsides au Feuilleton pour le reste de la session161. Ce processus entraîne l’établissement d’un ordre du jour permanent pour les travaux des subsides, ce qui permet au gouvernement de mettre à l’étude les subsides lors de toute séance, compte tenu des dispositions du Règlement.

Les travaux des subsides comprennent l’étude des motions :

  • portant adoption des crédits provisoires ;
  • portant adoption du Budget principal et d’un ou des Budgets supplémentaires des dépenses ;
  • visant à rétablir tout poste du Budget des dépenses ;
  • visant à présenter ou à adopter, à toutes les étapes, tout projet de loi ou projets de loi fondés sur le Budget des dépenses ;
  • proposées par l’opposition lors des jours désignés162.

Dans une même année civile, le Règlement réserve 22 jours aux travaux des subsides et ces travaux ont alors préséance sur toute autre affaire émanant du gouvernement163. Les travaux des subsides peuvent être divisés en deux étapes : l’étape des débats généraux et l’étape législative. L’étape des débats généraux a lieu lors de l’étude des motions de l’opposition proposées lors des jours désignés164. Durant l’étape législative, la Chambre se penche et vote sur les plans de dépenses annuels proposés par le gouvernement (les Budgets principal et supplémentaire des dépenses)165 et sur les projets de loi portant affectation de crédits nécessaires pour autoriser tous les prélèvements sur le Trésor.

L’étape des débats généraux

Les jours désignés

La mise de côté d’un nombre spécifié de jours de séance où l’opposition choisit le sujet du débat vient d’une tradition voulant que le Parlement n’accorde pas de crédits tant que l’opposition n’a pas eu l’occasion de démontrer pourquoi ces crédits devraient être refusés. Des 22 jours que la Chambre réserve aux travaux des subsides au cours de chaque cycle annuel des subsides, sept sont désignés durant la période se terminant le 10 décembre, sept durant la période se terminant le 26 mars et huit durant la période se terminant le 23 juin166. De ces 22 jours, au plus un cinquième peuvent tomber le mercredi et au plus un cinquième le vendredi (les jours de séance les plus courts de la semaine)167. Ces 22 jours sont appelés « jours désignés ». Lors de chacun d’eux, la Chambre débattra d’une motion de l’opposition168.

Le cycle normal des subsides peut être bouleversé par une période d’ajournement prolongé, ou encore une prorogation ou une dissolution de la législature. Le nombre de jours de l’opposition de chaque période peut alors être augmenté ou diminué169. Si le nombre de jours de séance d’une période des subsides est inférieur au nombre prescrit par le calendrier de la Chambre des communes, le nombre de jours désignés de cette période sera réduit proportionnellement au nombre de jours de séance où la Chambre n’a pas siégé. C’est le Président qui détermine alors le nombre de jours désignés que comptera cette période et qui l’annonce à la Chambre170. Inversement, si la Chambre siège plus de jours que le nombre prescrit, le nombre total de jours désignés sera augmenté d’un jour pour chaque période de cinq jours supplémentaires où la Chambre a siégé171. Ne figurent pas dans ce dernier calcul les jours où, conformément à l’article 28(4) du Règlement, la Chambre se réunit à la seule fin d’accorder la sanction royale à un projet de loi. La Chambre peut également décider que tout jour inutilisé parmi les six jours réservés au débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône ou les quatre jours réservés au débat sur le budget est ajouté au nombre de jours désignés de la période des subsides où ces débats étaient prévus172.

Si, au cours de la période des subsides se terminant le 23 juin, on propose l’adoption d’un Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice précédent, on réserve trois jours de séance supplémentaires au cours de cette période à l’étude d’une motion portant adoption de ce budget et à l’adoption à toutes les étapes du projet de loi portant affectation de crédits connexe173. Il est parfois arrivé que la Chambre consente à modifier la durée d’une période des subsides ou le nombre de jours désignés. Ainsi, la Chambre a déjà accepté de prolonger une période des subsides174, d’ajouter des jours désignés175, de combiner les jours désignés sur deux périodes176, de supprimer un jour désigné177 et de transférer des jours désignés inutilisés d’une période à la suivante178. Elle a également déjà accepté qu’un jour désigné d’une période des subsides soit réputé avoir été utilisé et qu’un jour supplémentaire soit ajouté à la période des subsides suivante179.

L’annonce d’un jour désigné

Le gouvernement désigne les jours réservés aux travaux des subsides. L’usage veut qu’un ministre, habituellement le leader du gouvernement à la Chambre, prenne la parole afin d’annoncer que tel ou tel jour de séance subséquent sera un jour désigné180 ; les jours désignés peuvent également être annoncés au cours de la « Déclaration du jeudi » sur les travaux parlementaires181 pour la semaine suivante. Au surplus, le leader du gouvernement à la Chambre peut adresser une lettre au Président afin d’annoncer qu’un jour subséquent sera un jour désigné182. Cependant, cette désignation ne lie pas le gouvernement et peut être révisée à n’importe quel moment, comme tout autre ordre du gouvernement183. L’annonce se fait de vive voix par un ministre, habituellement le leader du gouvernement à la Chambre, pendant une séance184 ou encore par l’entremise d’une lettre adressée au Président afin d’annoncer qu’un jour subséquent ne sera plus un jour désigné185. Si le gouvernement ne désigne pas le nombre prescrit de jours désignés, les jours restants de cette période seront désignés par défaut186. Lorsque la séance d’un jour désigné se termine avant que la Chambre n’ait passé à l’Ordre du jour, on considère que le jour désigné n’a pas été entrepris et que la séance ne compte donc pas dans les jours désignés pour l’étude d’une motion de l’opposition187. D’un autre côté, une fois que l’ordre relatif aux subsides a été mis en délibération, un jour désigné est réputé terminé si les délibérations sont par la suite interrompues188. Si, au cours d’un jour désigné donné, tous les travaux des subsides sont terminés, tout autre ordre émanant du gouvernement peut alors être appelé189.

Les motions de l’opposition

Les motions de l’opposition ont priorité sur toutes les motions des subsides du gouvernement les jours désignés190. Toutefois, lors du dernier jour désigné de la période se terminant le 23 juin, le Président interrompt les délibérations sur la motion de l’opposition au plus tard à 18 h 30 et met aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour disposer de la motion. Tout vote par appel nominal demandé est différé à la fin des travaux des subsides de la séance, mais au plus tard à 22 heures. Entre-temps, la Chambre entreprend l’étude d’une ou de plusieurs motions portant adoption du Budget principal des dépenses191.

Les députés de l’opposition peuvent proposer des motions pour débattre toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada192 ; autrement dit, elles peuvent exprimer une approbation ou une condamnation du gouvernement et de sa politique. Le Règlement donne énormément de latitude aux députés pour les motions de l’opposition présentées lors des jours consacrés à l’étude des subsides et, à moins que la motion ne soit nettement et indubitablement irrégulière (c’est-à-dire qu’on ne puisse réellement pas soutenir, du point de vue de la procédure, qu’elle est recevable), la présidence n’intervient pas193.

Toute motion portant adoption d’un rapport de comité permanent fondé sur les prévisions budgétaires peut également être étudiée sous la rubrique des travaux des subsides durant un jour désigné194. Cela vaut également pour toute motion portant adoption d’un rapport de comité permanent fondé sur les plans et priorités, pour les exercices financiers futurs, d’un ministère ou organisme gouvernemental195.

Avis requis

Un préavis écrit de 48 heures doit être donné d’une motion de l’opposition avant qu’elle puisse être débattue lors d’un jour désigné196. Cet avis doit être déposé avant 18 heures au cours d’une séance de la Chambre ou avant 14 heures le vendredi. L’avis entre en vigueur le jour de séance où il est donné et il est inscrit à la rubrique appropriée du Feuilleton des avis du jour suivant. L’affaire est transférée au Feuilleton le jour suivant sa publication dans le Feuilleton des avis197.

Un député peut donner avis d’une motion de l’opposition même si un jour désigné n’a pas encore été annoncé198. De plus, il ne suffit pas que le gouvernement décide de ne pas tenir un jour désigné prévu pour que la présidence fasse supprimer l’avis d’une motion de l’opposition du Feuilleton et Feuilleton des avis199. Cet avis peut demeurer au Feuilleton tant qu’on n’aura pas étudié la motion ou qu’elle n’aura pas été retirée par son parrain ou par le leader parlementaire de celui-ci. Seuls ces derniers peuvent demander le retrait de cet avis, et le consentement de la Chambre n’est pas requis pour ce faire200.

Le pouvoir de sélection du Président

Le Règlement ne précise pas la méthode à suivre pour répartir les jours désignés entre les divers partis de l’opposition quand celle-ci est formée de deux partis reconnus ou plus. Le gouvernement désigne les jours qui seront consacrés aux travaux des subsides, mais ce sont les partis de l’opposition qui déterminent entre eux quel parti présentera la motion201. Les jours désignés sont habituellement répartis entre les partis de l’opposition reconnus en fonction des sièges qu’ils détiennent à la Chambre. Il n’appartient pas à l’Opposition officielle de déterminer unilatéralement qui peut proposer une motion lors d’un jour désigné202. Des avis de plus d’une motion peuvent être donnés par un ou plusieurs partis de l’opposition203. Lorsque des avis de deux motions de l’opposition ou plus figurent au Feuilleton pour étude lors d’un jour désigné et que les partis de l’opposition ne s’entendent pas sur la motion à débattre, le Président doit déterminer la motion qui aura la priorité204. Lorsqu’il rend sa décision, le Président n’est pas obligé de donner les raisons de son choix. Cependant, la plupart des Présidents donnent généralement une brève explication de leur décision, qui se fonde habituellement, mais non nécessairement, sur la représentation des partis à la Chambre, le nombre de motions parrainées par les divers partis à ce jour, une certaine équité à l’égard des petits partis, la date de l’avis, le parrain de la motion, le sujet de celle-ci, son caractère votable ou non, et les ententes conclues par les partis au cours des dernières périodes des subsides205.

Toutes les motions peuvent faire l’objet d’un vote

Toutes les motions de l’opposition étudiées lors de jours désignés peuvent faire l’objet d’un vote, sauf si le parrain d’une telle motion avise le Greffier par écrit qu’il souhaite que celle-ci ne fasse pas l’objet d’une mise aux voix206. Il est déjà arrivé que des motions de l’opposition étudiées lors de jours désignés soient adoptées par la Chambre207.

Les délibérations sur une motion de l’opposition

Les délibérations sur les motions de l’opposition non votables se terminent à la fin du débat ou à l’expiration de la période réservée aux Ordres émanant du gouvernement208. Une motion peut toutefois être présentée afin de prolonger la séance au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien209. Si le débat sur la motion de l’opposition se termine avant la fin de la période prévue pour les Ordres émanant du gouvernement, la Chambre peut alors passer à l’étude des autres affaires relatives aux travaux des subsides (les motions de l’opposition ayant la priorité) et, par la suite, des autres ordres émanant du gouvernement210. Dans le cas des motions votables, le Président interrompra le débat 15 minutes avant l’expiration de la période prévue pour les Ordres émanant du gouvernement et mettra aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour disposer de la motion211.

Les jours réservés aux travaux des subsides, le whip en chef du gouvernement ou de l’Opposition peut différer un vote par appel nominal sur une motion de l’opposition faisant l’objet d’un vote, même si le Président a interrompu les délibérations et que la sonnerie d’appel doit retentir pendant 15 minutes au plus212. En outre, si la motion est parrainée par un député d’un parti reconnu autre que l’Opposition officielle, le vote par appel nominal peut aussi être différé à la demande du whip de ce parti213. Toutefois, on ne peut pas différer les votes par appel nominal sur des motions de l’opposition faisant l’objet d’un vote tenus le dernier jour désigné d’une période des subsides214. La seule exception s’applique au dernier jour des subsides de la période se terminant le 23 juin ; ce jour-là, le vote sur une motion de l’opposition est différé plus tard le même jour, une fois que la Chambre a examiné les motions portant adoption du Budget principal des dépenses215. Les votes par appel nominal sur des motions de l’opposition sont automatiquement différés d’un vendredi à un lundi si le vendredi n’est pas le dernier jour désigné de la période des subsides216.

Les délibérations sur une motion de l’opposition votable peuvent se poursuivre pendant plus d’un jour désigné217 ; habituellement, ces délibérations s’étendent sur deux jours de séance consécutifs lorsque ces deux jours ont été tous les deux choisis jours désignés218. La durée de ces délibérations doit être précisée dans l’avis relatif à ce ou ces jours désignés219.

Le parrain de la motion, qui est un député de l’opposition, prend la parole en premier lors d’un jour désigné. Aucun député ne peut intervenir pendant plus de 20 minutes ; une période de 10 minutes est également prévue après chaque intervention pour permettre aux autres députés de poser des questions et de formuler de brèves observations220. Il arrive souvent que deux députés du même parti conviennent de partager cette période de 20 minutes, chacun se voyant alors accorder une période de 10 minutes pour le débat et de cinq minutes pour les questions et observations221. Par ailleurs, chaque député n’a droit qu’à une seule intervention. Lors des jours désignés, le parti dont est membre le parrain de la motion peut obtenir la parole plus fréquemment que son importance relative à la Chambre ne le justifierait habituellement.

Seuls un amendement et un sous-amendement peuvent être présentés aux motions de l’opposition étudiées lors d’un jour désigné222. Les amendements visant à lancer un débat entièrement différent ne sont pas recevables223. Lorsqu’on attribue à un parti un jour désigné et qu’un sujet est proposé pour le débat au moyen d’une motion de l’opposition, ce jour ne devrait pas lui être retiré par le truchement d’un amendement224. La Chambre a consenti, malgré les règles, à autoriser des amendements qui avaient été jugés irrecevables par la présidence225. La Chambre a également consenti à ce qu’un amendement soit retiré de manière à ce qu’il puisse être remplacé par un autre226. Depuis 2001, il ne peut être proposé un amendement à une motion de l’opposition qu’avec le consentement du motionnaire, l’objectif étant d’empêcher les autres formations politiques de changer la teneur du débat (et l’éventuelle décision de la Chambre) lors d’une journée réservée à l’opposition227. Pour cette même raison, un sous-amendement ne pourrait être proposé à une motion de l’opposition sans le consentement du motionnaire.

L’étape législative

Le Budget principal des dépenses

Le Budget principal des dépenses fournit une ventilation, par ministère et par programme, des dépenses gouvernementales prévues pour l’exercice suivant. Ce budget prend la forme d’une série de crédits, ou de résolutions, qui résument les besoins financiers estimatifs d’une catégorie de dépenses particulière comme les dépenses de fonctionnement, les immobilisations ou les subventions228. Les crédits sont chiffrés en dollars, et ces montants totaux, une fois adoptés, devraient permettre de combler tous les besoins budgétaires d’un ministère ou organisme dans cette catégorie de dépenses, à l’exception des dépenses assumées en vertu d’autres autorisations législatives. Chaque poste budgétaire, ou crédit, comporte deux éléments essentiels : un montant et une destination (une description de l’utilisation qu’on fera de cette somme). Si le gouvernement souhaite modifier le montant ou la destination approuvés pour un crédit, il doit le faire au moyen d’un budget supplémentaire, d’une nouvelle loi ou d’une loi modificative.

Le Budget principal des dépenses est divisé en trois parties. La Partie I, le Plan de dépenses du gouvernement, donne un aperçu des dépenses totales que le gouvernement prévoit pour le nouvel exercice et résume les dépenses budgétaires et législatives de tous les ministères et organismes gouvernementaux pour la même période. Il comprend également une introduction qui explique les différents types de crédits229 et les autres éléments qui composent le Budget des dépenses, ainsi que tout changement apporté au contenu de ce document par rapport aux exercices précédents230. Dans la Partie II du Budget principal des dépenses, les dépenses sont décrites selon les ministères, les organismes et les programmes. Cette partie renferme aussi le libellé proposé des conditions qui s’appliquent aux pouvoirs de dépenser qu’on demande au Parlement d’accorder231. Cette information complète directement l’annexe de la loi portant affectation de crédits y afférent. Les postes législatifs sont ceux que le Parlement a approuvés précédemment par le truchement d’autres lois que la loi portant affectation de crédits (c’est-à-dire qu’ils visent des programmes qui bénéficient d’une autorisation permanente de dépenser et qui ne requièrent pas l’approbation de crédits annuels par le Parlement) et ils n’y sont inclus qu’à titre d’information232. Les Parties I et II sont imprimées dans un même volume pour former ce qu’on appelle le « Livre bleu », en raison de la couverture bleue sous laquelle le volume est imprimé233.

La forme et le contenu du Budget principal des dépenses n’ont été modifiés qu’à cinq reprises depuis la Confédération : en 1938, en 1970, en 1981, en 1997, et la dernière fois en 2013234. Chaque fois, ces réformes étaient entreprises afin d’améliorer la qualité et l’utilité des renseignements fournis aux parlementaires. En 1938, le ministre des Finances incluait pour la première fois dans le Budget des dépenses une ventilation des dépenses de fonctionnement des ministères par fonction235. Une plus grande précision a été atteinte en 1970 lorsque les dépenses des ministères ont été regroupées selon les programmes et activités. Un préambule explicatif clarifiant les termes techniques utilisés a été ajouté et le Livre bleu a été pour la première fois imprimé en un seul volume bilingue236.

Au fur et à mesure que les activités du gouvernement fédéral se diversifiaient et que les opérations gouvernementales se complexifiaient, il devenait de plus en plus difficile de rassembler toute l’information sur les dépenses gouvernementales en un seul document. En 1981, après une étude exhaustive du cadre de gestion et de responsabilisation financière du gouvernement fédéral, deux nouveaux documents ont fait leur apparition. L’ancien Livre bleu est devenu la Partie II, le Budget des dépenses, et de nouvelles Partie I et Partie III ont été ajoutées237. La Partie I fournissait un aperçu des dépenses du gouvernement fédéral de même que des renseignements sur les activités futures prévues qui ne pouvaient être inclus avec les crédits annuels et les dépenses législatives énoncés dans le Livre bleu. La Partie II énumérait toujours de manière détaillée les ressources dont les divers ministères et organismes avaient besoin pour l’exercice à venir. Enfin, la Partie III, le Plan de dépenses du ministère, constituait en fait une série de documents distincts fournissant chacun des renseignements supplémentaires sur les programmes et activités d’un seul ministère ou organisme. Ces premiers plans de dépense formant la Partie III ont été déposés avec le Budget principal des dépenses de 1982-1983238.

Dans le chapitre 6 de son Rapport annuel au Parlement de 1992, le vérificateur général traitait de la question des rapports ministériels. Il signalait qu’une bonne partie des activités financières du gouvernement n’était pas exprimée sous forme de dépenses et n’était donc pas incluse dans l’information transmise aux parlementaires pour l’étude et l’approbation des crédits239. De l’avis du vérificateur général, l’information transmise au Parlement devrait comprendre une description de la mission de l’organisation, de ses principaux secteurs d’activité, de sa structure, des instruments qu’elle utilise, des buts et des objectifs stratégiques qu’elle s’est fixés pour accomplir sa mission, et des résultats qu’elle a obtenus et qui montrent dans quelle mesure les objectifs ont été atteints240.

En 1997, la Chambre des communes a adopté une motion qui divisait en deux le document appelé autrefois la Partie III du Budget des dépenses. Au lieu de ce document, chaque ministère et organisme présenterait donc désormais un Rapport sur les plans et les priorités et un Rapport sur le rendement. Cette motion exigeait également que tous les ministères et organismes soumettent ces rapports, à titre de projet pilote pour l’exercice 1997-1998, à l’examen des comités compétents241. À compter de l’exercice suivant, les documents de la Partie III étaient remplacés en permanence par ces deux rapports, le premier devant être déposé au plus tard le 31 mars et le second, à l’automne.

Les Plans ministériels décrivent le mandat, la mission et l’objectif stratégique de chaque ministère et organisme (à l’exception des sociétés d’État). Ils fournissent des renseignements détaillés sur la structure de ses secteurs d’activité, sur les résultats escomptés et sur la stratégie de mesure du rendement ainsi que des renseignements sur les besoins en ressources connexes sur une période de trois ans242. Ces rapports sont déposés au Parlement par le président du Conseil du Trésor au nom des ministres responsables, en général peu après le Budget principal des dépenses, et, depuis le début de la 42e législature, ils sont alors réputés renvoyés aux comités permanents compétents243. Ceux-ci sont habilités à examiner les plans et priorités des ministères et organismes dont ils examinent le budget, pour les exercices financiers futurs, et à faire rapport à la Chambre244.

Les Rapports sur les résultats ministériels rendent compte des réalisations de chaque ministère et organisme, mesurées en fonction des résultats escomptés qui sont énoncés dans leurs Plans ministériels245. Ces documents, qui portent sur le dernier exercice financier achevé, sont déposés au Parlement par le président du Conseil du Trésor au nom des ministres responsables et sont considérés renvoyés aux comités permanents compétents246. Le Président dépose l’équivalent de la Partie III pour la Chambre des communes, qui comprend un plan stratégique et qui énonce les objectifs et engagements de l’Administration de la Chambre envers les députés pour une période définie, ainsi qu’un Rapport aux Canadiens annuel, qui résume les activités parlementaires des députés au cours de l’année et qui rend compte des réalisations et des engagements de l’Administration pour appuyer les députés et soutenir l’institution247.

Les modifications apportées en 2013 à la structure des votes du Budget des dépenses ont découlé d’une collaboration entre le gouvernement et divers comités de la Chambre des communes sur plusieurs années248. Les modifications avaient pour but d’améliorer les rapports destinés au Parlement par diverses réformes visant à offrir aux parlementaires une simplification et une meilleure intégration de l’information, en plus de s’assurer que celle-ci soit assortie d’une mise en contexte et d’analyses mieux étoffées249.

Le Budget principal des dépenses de l’exercice à venir doit être renvoyé aux comités permanents au plus tard le 1er mars de l’exercice en cours250. Le Budget des dépenses est présenté par un ministre, normalement le président du Conseil du Trésor, et est accompagné d’une recommandation du gouverneur général, que le Président lit à haute voix devant la Chambre251. Le Budget principal des dépenses est réputé renvoyé aux comités permanents compétents dès son dépôt252.

Les crédits provisoires

Comme l’exercice financier commence le 1er avril et que le cycle normal des subsides prévoit que la Chambre ne se prononcera sur le Budget principal des dépenses qu’en juin, le gouvernement devrait en théorie se retrouver sans fonds pendant cet intervalle de trois mois. La Chambre autorise donc une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses afin de combler les besoins des services publics du début du nouvel exercice jusqu’à la date d’adoption du projet de loi portant affectation de crédits fondé sur le Budget principal des dépenses de l’exercice. C’est cette avance qu’on appelle crédits provisoires, c’est-à-dire une autorisation de dépenser accordée au gouvernement en attendant l’approbation du Budget principal des dépenses253.

Le gouvernement doit donner un avis de 48 heures d’une motion précisant les sommes d’argent dont il aura besoin, exprimées en douzièmes des crédits qui doivent être adoptés dans le Budget principal des dépenses254. La plupart de ces sommes équivalent aux trois douzièmes du montant total, ce qui correspond à l’intervalle de trois mois entre le début de l’exercice et la date d’adoption définitive du Budget principal, mais le gouvernement peut demander davantage255. La motion sur les crédits provisoires est étudiée par la Chambre lors du dernier jour désigné de la période des subsides se terminant le 26 mars. L’adoption de la motion est suivie de l’étude et de l’adoption à toutes les étapes d’un projet de loi portant affectation de crédits fondé sur les crédits provisoires et autorisant les retraits prescrits du Trésor256. L’approbation des crédits provisoires ne signifie pas nécessairement que la Chambre approuve immédiatement les programmes auxquels ils s’appliquent dans le Budget principal des dépenses. Néanmoins, pendant l’étude du Budget principal des dépenses, ni la Chambre ni ses comités ne peuvent réduire un crédit à un montant moindre que celui qui a déjà été accordé dans les crédits provisoires.

Suivant des modifications provisoires apportées à l’article 81 du Règlement en juin 2017, et pour le reste de la 42e législature, les crédits provisoires sont remplacés par un Budget provisoire des dépenses qui sera traité de la même façon que les autres budgets des dépenses, y compris son renvoi à un comité. Le Budget provisoire des dépenses sera basé sur une fraction du Budget des dépenses de l’année en cours, plutôt que sur une fraction du Budget principal des dépenses à venir et sera déposé pendant la période des subsides se terminant le 26 mars, tandis que la motion portant adoption du Budget provisoire des dépenses sera étudiée par la Chambre le dernier jour désigné de cette période. L’adoption de la motion sera suivie de l’étude et de l’adoption à toutes les étapes du projet de loi de crédits correspondant257.

Le Budget supplémentaire des dépenses

Si les montants votés dans le Budget principal des dépenses se révèlent insuffisants, ou s’il faut voter de nouveaux fonds ou redistribuer des fonds entre les postes budgétaires déjà autorisés durant un exercice, le gouvernement peut demander au Parlement d’approuver des dépenses additionnelles ou des réaffectations, qu’il présente dans un Budget supplémentaire des dépenses. Le gouvernement peut déposer autant de Budgets supplémentaires qu’il le juge nécessaire au cours d’un exercice mais récemment, il s’en est tenu à deux ou trois demandes.

Le Budget supplémentaire des dépenses est déposé sous la même forme que la Partie II du Budget principal des dépenses. Cependant, au lieu d’être exprimé en crédits sommaires (c’est-à-dire où chaque crédit résume tous les déboursés prévus dans une catégorie donnée de dépenses), chaque crédit supplémentaire porte sur un programme ou une opération financière précis. Les renseignements fournis dans le Budget supplémentaire des dépenses sont annexés à la loi portant affectation de crédits afférente, qui autorise les retraits prescrits du Trésor.

Comme dans le cas du Budget principal, le Budget supplémentaire est habituellement présenté par le président du Conseil du Trésor et s’accompagne d’une recommandation du gouverneur général que le Président lit à haute voix à la Chambre258. Le Budget supplémentaire est réputé renvoyé aux comités permanents compétents dès son dépôt à la Chambre259. Le Budget supplémentaire doit faire l’objet d’un rapport à la Chambre ou est réputé avoir fait l’objet d’un rapport au plus tard trois jours de séance avant la dernière séance ou le dernier jour de séance désigné de la période des subsides au cours de laquelle il a été déposé260.

Dernier Budget supplémentaire des dépenses

Lorsque le dernier Budget supplémentaire des dépenses ne peut être adopté avant le 31 mars de l’exercice qu’il vise, le Règlement prévoit qu’on en demandera l’approbation au cours de la prochaine période des subsides, c’est-à-dire la première période des subsides de l’exercice subséquent. Dans ces cas, trois jours sont ajoutés à la période des subsides se terminant au plus tard le 23 juin pour étudier la motion portant adoption de ce dernier Budget supplémentaire de l’exercice précédent et adopter à toutes les étapes le projet de loi portant affectation de crédits y afférent261.

Les crédits d’un dollar

Le Budget supplémentaire des dépenses comporte souvent ce qu’on appelle des « crédits d’un dollar », dont l’objet est de modifier la répartition actuelle des dépenses autorisées dans le Budget principal. Ces crédits d’un dollar ne visent pas à obtenir de nouveaux fonds ou des fonds supplémentaires, mais plutôt à affecter différemment des crédits déjà autorisés au sein d’un même ministère ou organisme. Comme ces crédits sont des postes budgétaires, on doit leur attribuer une valeur en dollars. Toutefois, comme on ne demande pas de nouveaux fonds, cette somme d’un dollar revêt uniquement une valeur symbolique. Les crédits d’un dollar peuvent être utilisés pour réaffecter des fonds d’un programme à un autre262, pour radier des créances263, pour modifier des garanties d’emprunt264, pour autoriser des subventions265, pour modifier une loi habilitante266 ou encore pour modifier des lois portant affectation de crédits antérieures267.

L’inclusion de crédits d’un dollar dans le Budget des dépenses ne peut servir à légiférer (c’est-à-dire à obtenir de nouvelles autorisations législatives qui auraient normalement exigé l’adoption d’une loi habilitante distincte dans le cadre du processus législatif habituel, en dehors de la procédure des subsides)268.

Avant 1968, les procédures relatives aux subsides donnaient amplement l’occasion à la Chambre de débattre des divers postes du Budget des dépenses. Les postes de nature législative (pratiquement toujours des crédits d’un dollar) étaient régulièrement inclus dans les lois portant affectation de crédits269. Toutefois, cette pratique n’était pas facilement acceptée par la Chambre et les députés remettaient en question la recevabilité de ces crédits270. Les changements apportés en 1968 aux règles régissant les subsides, qui entraînèrent l’abolition du comité des subsides et le renvoi du Budget des dépenses aux comités permanents pour étude détaillée, eurent pour effet de réduire de manière importante le temps que la Chambre consacrait à l’étude du Budget supplémentaire (où figurent la plupart des crédits d’un dollar). De plus, le Budget supplémentaire étant souvent déposé assez tard au cours de la période des subsides, cela laissait relativement peu de temps aux comités pour l’étudier. Par conséquent, peu de temps après les changements de 1968, le Président fut de plus en plus appelé à se prononcer sur la recevabilité des crédits d’un dollar271. Les décisions des Présidents de la Chambre à l’égard des crédits d’un dollar ont donc clarifié ce qui est acceptable ou non sur le plan de la procédure.

Les Présidents ont souvent souligné aux députés qu’ils devraient prendre l’initiative de porter à l’attention de la présidence toute irrégularité du Budget des dépenses sur le plan de la procédure272. Ils leur ont également demandé à de nombreuses reprises de soulever le plus tôt possible ces questions sur la recevabilité du Budget des dépenses de manière à ce que la présidence ait le temps de rendre une décision en lui accordant la considération nécessaire273.

La présidence a maintenu que les crédits ayant un objectif législatif direct et spécifique (les crédits visant clairement à modifier une loi) devraient être présentés à la Chambre au moyen d’un projet de loi modificatif274. Le Président Jerome a déclaré dans une décision ce qui suit :

[…] j’estime que le Parlement autorise le gouvernement à agir en adoptant des lois et lui alloue l’argent pour financer les programmes autorisés en adoptant une loi portant affectation de crédits. À mon avis, il ne faudrait donc pas qu’un crédit serve à obtenir une autorisation qui doit normalement faire l’objet d’une loi275.

Dans une décision subséquente, il a également déclaré :

[…] les travaux des subsides se déroulent strictement en fonction du but recherché, c’est-à-dire que le gouvernement prévoit les sommes dont il a besoin, puis la Chambre lui vote ces crédits […] les mesures législatives et les changements de fond d’ordre législatif ne sont pas censés faire partie des subsides, mais relèvent plutôt du processus législatif ordinaire qui comporte trois lectures, l’étape de l’étude en comité, et qui offrent, autrement dit, aux députés toutes les occasions voulues pour participer au débat et proposer des amendements276.

L’étude du Budget des dépenses en comité

Lorsque le Budget des dépenses est déposé à la Chambre, il est réputé renvoyé aux comités permanents pour étude277. Quand un comité décide de se pencher sur le Budget des dépenses, chaque poste budgétaire ou crédit est mis à l’étude, proposé et débattu sous forme de motion distincte. Un crédit peut être adopté (le poste budgétaire est approuvé), réduit278 (mais jamais au-dessous du montant approuvé sous forme de crédit provisoire) ou rejeté279 (le poste budgétaire n’est pas approuvé)280. Lorsqu’il entreprend l’étude d’un crédit, le comité lance le débat sur les dépenses de programmes auxquelles ce crédit s’applique. Les comités étudiant le budget peuvent convoquer des témoins ; ainsi, ils entendent habituellement le témoignage du ministre, de fonctionnaires du ministère ou de l’organisme concerné, ainsi que de citoyens ou groupes intéressés.

Normalement, l’étude du crédit 1 (généralement les dépenses de fonctionnement ou l’administration du ministère) du Budget principal des dépenses donne lieu à une vaste discussion. Les questions sur la politique du ministère sont habituellement posées au ministre responsable ; ce dernier peut toutefois renvoyer les questions plus techniques ou administratives aux fonctionnaires du ministère. Les présidents font normalement preuve d’une très grande souplesse quant à la nature des questions permises lors de ces travaux281.

Un comité ne peut majorer le montant d’un crédit, changer la destination d’une subvention ou modifier la destination ou l’objectif d’un crédit, puisque cela outrepasserait la recommandation royale et empiéterait sur les pouvoirs de la Couronne en matière d’initiative financière282. Un comité peut proposer de réduire un crédit d’un montant égal à celui prévu dans le Budget des dépenses pour un programme ou une activité auquel il s’oppose283. Les députés ne peuvent cependant pas proposer une motion visant à réduire un crédit de son montant total ; il faut simplement voter contre la motion d’adoption du crédit.

Les dépenses législatives sont autorisées de manière permanente par d’autres lois que la loi portant affectation de crédits et ne figurent dans le Budget des dépenses qu’à titre d’information284. Les motions ou recommandations concernant les dépenses législatives énumérées dans le Budget principal ne sont donc pas autorisées, mais les demandes d’information le sont. Les postes législatifs ne peuvent être modifiés que par une loi modificative.

Rapport à la Chambre

Les comités ne sont nullement tenus de faire rapport à la Chambre sur le Budget des dépenses ; toutefois, dans le cas du Budget principal des dépenses, les comités qui ne font pas rapport sont réputés l’avoir fait le 31 mai et, dans le cas d’un Budget supplémentaire des dépenses, ils sont réputés l’avoir fait le troisième jour de séance avant le dernier jour désigné ou le dernier jour de séance de la période des subsides285. Lorsqu’un comité choisit de faire rapport sur le Budget des dépenses, le président ou un membre du comité agissant en son nom se lève durant les Affaires courantes, lorsque le Président annonce la « Présentation de rapports de comités », afin de présenter le rapport.

Pour le Budget principal des dépenses, les règles prévoient une exception au délai du 31 mai. Le chef de l’Opposition peut, au plus tard le troisième jour de séance avant le 31 mai, donner avis d’une motion visant à prolonger l’étude en comité du Budget principal d’un ministère ou organisme précis286. La motion est réputée adoptée à l’appel des « Motions » durant les Affaires courantes, lors du dernier jour de séance avant le 31 mai, et le motionnaire n’est pas tenu d’être présent à la Chambre287. L’adoption de la motion permet au comité de poursuivre l’étude du Budget principal de ce ministère ou organisme et de retarder la présentation de son rapport d’une période pouvant atteindre 10 jours de séance, mais sans dépasser l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien du jour de séance précédant immédiatement le dernier jour désigné de la période des subsides288. Si le comité n’a pas fait rapport à ce moment-là, il est réputé l’avoir fait. Lorsque le comité choisit de faire rapport, le président ou un membre du comité agissant en son nom peut invoquer le Règlement n’importe quand avant le délai prévu et la Chambre reviendra immédiatement à la rubrique « Présentation de rapports de comités » pour recevoir le rapport289.

Le rapport d’un comité sur le Budget des dépenses doit correspondre, tant par sa forme que par son contenu, aux pouvoirs dont le comité a été investi290. Comme ce sont certains postes du Budget des dépenses qui ont été renvoyés au comité par la Chambre, ce sont également ces postes (tels qu’adoptés, réduits ou rejetés) qui doivent faire l’objet du rapport à la Chambre. Lorsqu’il présente d’autres recommandations de fond, le comité dépasse nettement les limites de son ordre de renvoi, qui visait strictement l’étude de certains postes du Budget des dépenses291. Le Président a exprimé de sérieuses réserves au sujet de l’inclusion de recommandations de fond dans des rapports de comité sur le Budget des dépenses292. Un comité permanent souhaitant formuler des recommandations de fond sur les postes du Budget des dépenses qu’il a étudiés peut le faire en vertu de son pouvoir permanent de mener des études et de faire rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l’administration et au fonctionnement des ministères ou organismes dont il a la charge293. Une motion portant adoption du rapport d’un comité sur le Budget des dépenses ne peut être examinée qu’un jour désigné pour les travaux des subsides294.

Un comité peut également faire rapport sur les plans de dépenses et priorités futurs des ministères et organismes dont il examine le Budget principal des dépenses295. Ces rapports doivent toutefois être présentés à la Chambre au plus tard le dernier jour de séance de juin, comme le prévoit le calendrier de la Chambre des communes, et toute motion d’adoption ne peut être étudiée par la Chambre que durant un jour désigné296.

L’étude du Budget principal des dépenses en comité plénier

Depuis 2001, le Règlement prévoit l’étude de certains crédits du Budget principal des dépenses en comité plénier297. Cette disposition permet au chef de l’Opposition de choisir chaque année, après avoir consulté les chefs des autres partis de l’opposition, le Budget principal des dépenses d’au plus deux ministères ou organismes qui feront chacun l’objet d’un examen d’au plus quatre heures en comité plénier. Au plus tard le 1er mai, le chef de l’Opposition doit à cet égard donner un préavis de 48 heures d’une motion portant renvoi à un comité plénier de l’étude du Budget principal des ministères ou organismes choisis298 ; la motion est réputée adoptée à la fin de la période de préavis et l’étude des crédits en question est réputée retirée des comités permanents auxquels elle avait été confiée à l’origine299. Chaque examen a lieu le jour désigné par le gouvernement, mais au plus tard le 31 mai, à la suite du débat d’ajournement ou, s’il s’agit d’un vendredi, à la fin de la période prévue pour l’étude des Affaires émanant des députés300. Lorsque cet examen prend place après le débat d’ajournement, la motion d’ajournement est réputée retirée301.

Durant le débat, le président peut exercer une certaine discrétion et faire preuve de souplesse dans l’application des règles du comité plénier302. Aucun député n’a la parole pendant plus de 15 minutes à la fois, ce qui comprend au plus 10 minutes pour prononcer un discours. Ces 15 minutes peuvent servir à prononcer un discours et à poser des questions au ministre ou au secrétaire parlementaire agissant au nom du ministre. Quand la parole est accordée à un député, celui-ci doit indiquer à la présidence comment les 15 minutes seront réparties303. Les députés peuvent intervenir plus d’une fois durant le débat, ne sont pas tenus d’être à leur place pour se voir accorder le droit de parole et doivent obtenir le consentement unanime s’ils souhaitent partager leur temps de parole304.

À la conclusion du débat, le comité lève la réunion, il est réputé avoir été fait rapport des crédits étudiés et la Chambre s’ajourne au jour de séance suivant. Les décisions au sujet du Budget principal des dépenses sont encore prises lors du dernier jour désigné, selon les pratiques actuelles de la Chambre305.

Adoption du Budget des dépenses

Une fois qu’il a fait l’objet d’un rapport ou qu’il est réputé avoir fait l’objet d’un rapport par les comités permanents ou pléniers, le Budget des dépenses doit être adopté par la Chambre pour que le gouvernement puisse présenter le projet de loi portant affectation de crédits autorisant les retraits nécessaires du Trésor. Toutes les motions portant adoption du Budget des dépenses sont proposées lors du dernier jour désigné d’une période des subsides, une fois qu’on a terminé les délibérations sur une motion de l’opposition. Dans un cycle normal des subsides, les motions d’adoption sont étudiées de la manière suivante306 :

  • Le dernier jour désigné de la période des subsides se terminant le 10 décembre, une ou des motions portant adoption du Budget supplémentaire des dépenses sont étudiées si le gouvernement en a déposé durant la période307 ;
  • Le dernier jour désigné de la période des subsides se terminant le 26 mars, une ou des motions portant adoption du Budget supplémentaire des dépenses sont étudiées en premier, si le gouvernement en a déposé durant la période, puis la Chambre se penche sur une motion portant adoption des crédits provisoires pour le prochain exercice308 ;
  • Le dernier jour désigné de la période des subsides se terminant le 23 juin, une ou des motions portant adoption du Budget principal des dépenses sont examinées en premier, suivies par une ou des motions portant adoption du dernier Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice précédent et une ou des motions portant adoption du Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice en cours, si le gouvernement en a déposé durant la période309.

Une motion portant adoption du Budget principal ou supplémentaire des dépenses est une motion visant à faire adopter le Budget des dépenses sur lequel les comités permanents ou pléniers ont fait rapport ou sont réputés avoir fait rapport. Le gouvernement, habituellement par l’entremise du président du Conseil du Trésor, donnera un préavis écrit de 48 heures lorsqu’il souhaite présenter une ou plusieurs motions portant adoption du Budget des dépenses310. Si un comité a réduit ou rejeté un ou plusieurs crédits du Budget des dépenses, le gouvernement peut proposer leur rétablissement311. Un préavis écrit de 48 heures est aussi requis pour toutes les motions visant à rétablir des crédits réduits ou rejetés en comité312.

De plus, tout député peut donner avis de son intention de s’opposer à tout poste du Budget des dépenses soumis à la Chambre : ces postes sont ensuite désignés comme des crédits qui font l’objet d’opposition dans le Budget des dépenses. Le délai de préavis pour les postes qui font l’objet d’opposition est de 24 heures pour les périodes des subsides se terminant le 10 décembre et le 26 mars, et de 48 heures pour la période des subsides se terminant le 23 juin313. Les députés présentent de tels avis afin de s’opposer au montant total d’un crédit314 ou à une portion précise de ce montant315. Un avis d’opposition à un poste du Budget des dépenses ne constitue pas une motion316. Étant donné que le gouvernement peut proposer dans une même motion l’adoption de tous les crédits du Budget des dépenses317, l’avis d’opposition à un poste constitue en fait un moyen pour les députés de forcer le gouvernement à proposer une motion distincte pour l’adoption de chaque crédit qui fait l’objet d’opposition en partie ou en totalité318. Le texte de la motion générale d’adoption est alors modifié afin d’exclure ces crédits319. À deux occasions, des députés qui avaient signifié leur intention de s’opposer à des postes du budget ont choisi de ne pas y donner suite. C’est ainsi que les motions distinctes n’ont pas été mises aux voix et que les postes qui faisaient l’objet d’opposition ont été réintégrés dans la motion d’adoption générale320. À une autre occasion, la Chambre a ordonné, du consentement unanime, qu’un Budget supplémentaire des dépenses soit modifié et que les motions des subsides et le projet de loi portant affectation de crédits connexe soient modifiés en conséquence321.

Lors du dernier jour désigné de chaque période des subsides, une fois les délibérations sur la motion de l’opposition terminées, les motions visant à rétablir les crédits du Budget des dépenses sont étudiées en premier, puis les motions portant adoption de chacun des crédits pour lesquels un avis d’opposition a été donné, et enfin la motion portant adoption de l’ensemble des crédits qui ne font pas l’objet d’opposition322 ; la Chambre passe ensuite au projet de loi portant affectation de crédits fondé sur le Budget des dépenses. Pour ces travaux, la Chambre peut siéger au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien323.

En principe, toutes les motions peuvent être débattues et amendées324. Toutefois, dans la pratique, lors du dernier jour désigné de chacune des périodes des subsides se terminant le 10 décembre et le 26 mars, le débat sur la motion de l’opposition, qui a priorité sur toutes les motions des subsides du gouvernement, se poursuit toute la journée et est interrompu par le Président 15 minutes avant la fin de la période prévue pour les Ordres émanant du gouvernement. À ce moment-là, toutes les motions, en commençant par la motion de l’opposition, sont mises aux voix consécutivement, sans autre débat ni amendement325.

Lors du dernier jour désigné de la période des subsides se terminant le 23 juin, le Président interrompt les délibérations sur la motion de l’opposition à 18 h 30 à moins que la Chambre en ait terminé l’étude auparavant. Si la motion de l’opposition n’est pas une motion à mettre aux voix, les délibérations sur la motion se terminent à la fin du débat et la Chambre passe à l’étude de toute motion relative au Budget principal des dépenses326. Si la motion de l’opposition est une motion à mettre aux voix, le Président met aux voix sur-le-champ et sans autre débat ni amendement toute question nécessaire pour mettre un terme aux délibérations et tout vote par appel nominal demandé est différé d’office jusqu’à la fin de l’étude de toute motion relative au Budget principal des dépenses327. À 22 heures, le Président interrompt les délibérations, procède tout d’abord à tout vote différé nécessaire à l’expédition de la motion de l’opposition, s’il y a lieu, et ensuite met aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour disposer de toute motion portant adoption du Budget principal des dépenses328. Tout de suite après, le Président met aux voix successivement et sans débat toute question nécessaire à l’expédition des affaires relatives au dernier budget de l’exercice précédent ou à tout Budget supplémentaire, au rétablissement de tout crédit du dernier budget ou d’un Budget supplémentaire, ou à tout poste du dernier budget ou d’un Budget supplémentaire qui fait l’objet d’opposition329.

Le projet de loi portant affectation de crédits

Une fois entérinée, la motion portant adoption du Budget des dépenses ou des crédits provisoires devient un ordre de la Chambre de présenter un ou plusieurs projets de loi portant affectation de crédits pour donner suite à l’autorisation de dépenser (montants et destinations) que la Chambre a approuvée330. Cette mesure législative vise à autoriser le gouvernement à puiser dans le Trésor des montants pouvant atteindre mais non dépasser les sommes précisées dans le Budget des dépenses pour poursuivre les objectifs spécifiés dans les crédits331.

Les projets de loi portant affectation de crédits doivent être fondés sur le Budget des dépenses ou les crédits provisoires adoptés par la Chambre332. Ils portent tous le titre suivant : Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars (année)333. Ils commencent par un préambule qui cite à la fois le message du gouverneur général recommandant le Budget des dépenses à la Chambre, et l’objet du Budget des dépenses, qui est de « couvrir certaines dépenses de l’administration publique fédérale [pour un exercice donné] auxquelles il n’est pas pourvu par ailleurs ». La présidence a déjà averti les députés qu’une loi de crédits n’accorde des pouvoirs que pour un seul exercice et ne convient donc pas pour les dépenses qui doivent se poursuivre pendant une période de temps plus longue ou indéfiniment334. À une occasion, le Président Parent a exprimé de sérieuses réserves au sujet de la mention de deux exercices financiers dans le titre intégral d’un projet de loi de crédits335. Il a parlé d’une mention « à la fois inutile et trompeuse ». Bien qu’une loi distincte puisse autoriser un organisme gouvernemental à reporter la portion non dépensée d’un crédit d’un exercice financier à la fin de l’exercice suivant, le crédit est et doit être accordé pour un seul exercice et ne doit pas être qualifié de crédit pluriannuel336.

Les destinations et les montants attribués à chaque poste de dépenses ou crédit sont précisés dans les annexes du projet de loi. Il s’agit en fait des conditions régissant l’engagement des dépenses. Ces annexes présentent les crédits des divers ministères et organismes classés par ordre alphabétique français ou anglais, selon la version du projet de loi337.

Les projets de loi portant affectation de crédits sont étudiés le dernier jour désigné de chaque période des subsides, à la fin de la journée, après que le Président a interrompu les délibérations sur la motion de l’opposition ou sur le Budget principal des dépenses, selon le cas, afin que la Chambre puisse franchir toutes les autres étapes pour terminer les travaux des subsides pour cette période. La Chambre doit alors se prononcer sur toutes les motions relatives au Budget des dépenses, aux crédits provisoires et aux projets de loi de crédits sans autre débat ni amendement338. Comme tous les projets de loi ne sont imprimés et distribués qu’après la première lecture, les députés ne devraient normalement prendre connaissance du contenu des projets de loi de crédits qu’à la toute fin de la journée, au moment où les délibérations s’accélèrent à la Chambre. Pour éviter ce problème, on a pris l’habitude au cours des dernières années de permettre la distribution aux députés de l’ébauche de ces projets de loi dès le début des travaux des subsides de ce jour-là. La Chambre donne toujours son consentement pour cette mesure spéciale339.

Comme tous les projets de loi d’intérêt public, les projets de loi portant affectation de crédits sont lus une deuxième fois, étudiés en comité et lus une troisième fois avant d’être transmis au Sénat340. Étant donné que la motion portant adoption du Budget des dépenses ou des crédits provisoires devient ensuite un ordre de la Chambre de présenter un projet de loi de crédits, la première lecture s’effectue sur-le-champ, sans que le projet de loi doive être présenté, et une motion est proposée afin qu’il soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier341.

En théorie, un projet de loi portant affectation de crédits peut faire l’objet d’un débat et donc d’amendements une fois la première lecture terminée, mais il franchit habituellement toutes les autres étapes sans débat ni amendement, lors du dernier jour désigné342. Toutefois, s’il reste du temps pour ce débat ce jour-là et qu’un débat est entrepris à l’étape de la deuxième ou de la troisième lecture, les discours sont limités à 20 minutes et sont suivis par une période de questions et d’observations d’au plus 10 minutes343. En comité plénier, le projet de loi est étudié article par article et il en est ensuite fait rapport à la Chambre344. C’est habituellement à l’étape de l’étude en comité plénier qu’un député de l’opposition demande au président du Conseil du Trésor de lui fournir des garanties que le projet de loi de crédits est dans la forme habituelle345. Les projets de loi dont un comité plénier a fait rapport sont immédiatement étudiés à l’étape du rapport et adoptés sans débat ni amendement346. Une fois que le projet de loi a été lu une troisième fois, il est envoyé au Sénat où il doit franchir trois autres lectures avant de recevoir la sanction royale et devenir loi.

Normalement, les projets de loi adoptés dans les deux chambres du Parlement sont conservés par le Greffier des Parlements (Greffier du Sénat) jusqu’à ce que le gouverneur général (ou son suppléant) leur donne la sanction royale. Toutefois, étant donné que l’autorisation des crédits est une prérogative de la Chambre des communes, les projets de loi portant affectation de crédits sont toujours retournés à la Chambre pour que le Président les apporte au Sénat afin qu’ils reçoivent la sanction royale. Lors d’une cérémonie traditionnelle, le Président, agissant à titre de porte-parole de la Chambre, se rend avec des députés à la barre du Sénat et s’adresse au représentant de la Couronne dans les termes suivants :

Qu’il plaise à Votre Excellence (Honneur347) : Les Communes du Canada ont voté certains subsides nécessaires pour permettre au gouvernement de faire face aux dépenses publiques. Au nom des Communes, je présente à Votre Excellence (Honneur) le projet de loi suivant : (titre), Que je prie humblement Votre Excellence (Honneur) de sanctionner.

Le Président présente le projet de loi au Greffier du Sénat qui en lit le titre à haute voix et le gouverneur général (ou son suppléant) donne son consentement d’un signe de la tête. La sanction royale est ensuite prononcée par le Greffier du Sénat dans les termes suivants :

Au nom de Sa Majesté, Son Excellence le (la) gouverneur(e) général(e) (l’honorable suppléant du (de la) gouverneur(e) général(e)) remercie ses loyaux sujets, accepte leur bienveillance et sanctionne ce projet de loi.

Les Journaux de la Chambre des communes publient l’adresse du Président et la réponse du représentant de la Couronne signifiant la sanction royale, de même que le titre du projet de loi348.

En l’absence d’une cérémonie traditionnelle, le Président fait publier dans les Journaux le message concernant l’octroi de la sanction royale par déclaration écrite à un ou des projets de loi portant affectation de crédits349.

Les dérogations au cycle des subsides

De temps à autre, les circonstances peuvent exiger qu’on déroge aux processus et cycle habituels. Par exemple, à la suite d’un ajournement imprévu, d’une prorogation ou d’une dissolution de la législature, il peut arriver que le Budget principal des dépenses ne soit pas déposé et renvoyé aux comités permanents avant la date limite du 1er mars, ou que les crédits provisoires ou le Budget principal des dépenses ne soient pas adoptés avant la date limite du 23 juin. Dans ces cas, les dispositions du Règlement relatives aux travaux des subsides (comme celles sur l’échéancier pour le dépôt du Budget des dépenses, son renvoi aux comités permanents, son retour à la Chambre, les motions d’adoption et les projets de loi portant affectation de crédits) ne s’appliquent plus.

On peut remédier à ces situations en suspendant temporairement les dispositions pertinentes du Règlement. Une entente peut être conclue entre le gouvernement et les partis d’opposition afin de terminer les travaux des subsides le plus rapidement possible. Habituellement, il faut adopter un ordre spécial350 qui, selon le cas, peut traiter des aspects suivants : la durée de la période des subsides351 ; le nombre de jours désignés dans la période des subsides352 ; la fréquence et la répartition des jours des subsides353 ; la période de préavis relative aux motions de l’opposition, aux motions portant adoption des crédits provisoires, du Budget principal des dépenses et d’un Budget supplémentaire des dépenses, aux motions visant à rétablir tout poste du budget ainsi qu’aux avis d’opposition à tout poste du budget354 ; le renvoi aux comités du Budget principal ou supplémentaire des dépenses et la date des rapports355 ; la date d’adoption du Budget des dépenses356 ; et le temps alloué pour le débat sur le projet de loi portant affectation de crédits357.

Si le gouvernement juge qu’il y a urgence et qu’il ne peut attendre la fin de la période des subsides, il peut se servir du temps de la Chambre mis à sa propre disposition pour étudier le budget des dépenses. Le Règlement prévoit un mécanisme spécifique permettant qu’une motion portant adoption du Budget des dépenses et du projet de loi portant affectation de crédits connexe soit présentée à l’étape des Ordres émanant du gouvernement et non lors des jours désignés pour les travaux des subsides358. La motion d’adoption et le projet de loi sont alors traités comme tout autre ordre émanant du gouvernement et peuvent donc faire l’objet d’un débat. Ce débat n’est assujetti à aucune limite et les jours utilisés à cette fin ne sont pas considérés comme des jours désignés et ne peuvent être déduits du nombre de jours désignés pour les travaux des subsides359. Mis à part ces deux exceptions, les règles régissant l’étude des crédits sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement sont identiques à celles qui s’appliquent aux délibérations lors d’un jour désigné360.