Les comptes du Canada

Le rôle financier de la Chambre des communes ne se termine pas avec le vote de crédits ou de mesures autorisant la création de recettes. La Chambre veille également à ce que les fonds fédéraux soient dépensés selon les montants et les fins autorisés par le Parlement495. Cette fonction de contrôle (souvent appelée « boucler la boucle ») est essentiellement assurée par le Comité permanent des comptes publics, qui examine les Comptes publics du Canada, ainsi que tous les rapports du vérificateur général du Canada, et qui fait rapport de ses constatations496.

Les Comptes publics du Canada

En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, le receveur général497 doit s’assurer que des comptes sont tenus pour chaque ministère et organisme du gouvernement. Ces comptes doivent indiquer toutes les dépenses effectuées au titre de chaque crédit, les recettes de l’État et les autres entrées et sorties de fonds du Trésor498, ainsi que les actifs, les passifs, les passifs éventuels de l’État et les réserves correspondantes qui sont jugées nécessaires à une présentation fidèle de la situation financière du Canada499. Les comptes de chaque ministère et organisme sont consolidés dans les comptes du Canada.

Chaque année, le président du Conseil du Trésor dépose un rapport détaillé des opérations financières de tous les ministères et organismes, qui s’intitule les « Comptes publics du Canada ». Le rapport doit être déposé500 au plus tard le 31 décembre suivant la fin de l’exercice visé par les comptes ou, si la Chambre ne siège pas, dans les 15 premiers jours de séance ultérieurs501. Par pure tradition, les Comptes publics sont adressés au gouverneur général.

La raison d’être des Comptes publics du Canada est de fournir au Parlement — et partant au public — l’information qui lui permettra de comprendre et d’évaluer la position financière et les activités du gouvernement. Deux principes constitutionnels sont à la base du système de comptabilité publique : tous les droits et recettes qui échoient au gouvernement forment le Trésor, et le solde de celui-ci, après diverses imputations préalables, est approprié par le Parlement du Canada pour les services publics502.

La forme et le contenu des Comptes publics sont la responsabilité du président du Conseil du Trésor503 et du ministre des Finances504. Les états financiers sont établis sous la direction commune du président du Conseil du Trésor, du ministre des Finances et du receveur général du Canada505. La loi dispose que les comptes doivent comporter, pour l’exercice visé, les états de toutes les opérations financières du gouvernement ; les états de toutes les dépenses et recettes ; les états des ressources et charges directes ou éventuelles du Canada ; l’avis du vérificateur général sur les comptes, conformément à la Loi sur le vérificateur général ; et tout compte et toute information que le président du Conseil du Trésor et le ministre des Finances jugent nécessaires à une présentation fidèle de la situation financière du Canada à la fin de l’exercice506.

Depuis 2004, les Comptes publics se divisent en trois volumes. Le Volume I renferme les états financiers du Canada sur lesquels le vérificateur général a exprimé une opinion et fourni ses observations ; une analyse des états financiers et une comparaison sur 10 exercices d’informations financières ; les analyses des revenus et des charges ainsi que des comptes d’actifs et de passifs ; et divers résumés de recettes, dépenses, prêts et investissements à l’échelle du gouvernement. Le Volume II donne le détail des opérations financières du gouvernement pour chaque portefeuille ministériel. Le Volume III fournit des informations et des analyses complémentaires, comme les états financiers des fonds renouvelables, des paiements de transfert et des frais de la dette publique507.

Jusqu’en 1993, le troisième volume des Comptes publics renfermait également des informations financières sur les sociétés d’État. Ce volume a été remplacé par le « Rapport annuel au Parlement : les sociétés d’État et les autres sociétés dans lesquelles le Canada détient des intérêts » ; il s’agit d’un rapport consolidé des activités et des opérations de toutes les sociétés d’État et de celles dans lesquelles le gouvernement du Canada a des intérêts508. Le rapport annuel était établi par le Secrétariat du Conseil du Trésor pour le président du Conseil du Trésor, qui le déposait à la Chambre509.

En 2012, le Parlement a adopté des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques qui ont eu pour effet de modifier les exigences de déclaration pour les sociétés d’État dans le but d’accroître l’accessibilité au public de renseignements de qualité et en temps opportun. Ce changement a eu pour effet d’éliminer l’exigence de dépôt du « Rapport annuel au Parlement sur les sociétés d’État et autres sociétés dans lesquelles le Canada détient des intérêts », et de faire attester le rapport par le vérificateur général du Canada. Le président du Conseil du Trésor rend désormais ces renseignements accessibles en ligne tous les trimestres.510 Chaque société d’État est toujours tenue de déposer un rapport annuel et de leur activités conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques511.

Le vérificateur général du Canada

Le vérificateur général du Canada est un haut fonctionnaire du Parlement, nommé par le gouverneur en conseil en vertu de la Loi sur le vérificateur général, pour vérifier les Comptes publics du Canada et enquêter sur les activités financières du gouvernement fédéral512. Il est nommé à titre inamovible pour un mandat de 10 ans, et le mandat n’est pas renouvelable513. Le poste a été créé par l’Acte des comptes publics de 1878514. Cette loi a été remplacée en 1886 et en 1931 par l’Acte du revenu consolidé et de l’audition515, qui a été remplacé à son tour par la Loi sur l’administration financière516 en 1951. À l’origine, le vérificateur général n’était responsable que de la vérification des dépenses, avant qu’elles ne soient faites (vérification avant paiement) et une fois qu’elles l’étaient (vérification après paiement). En 1977, le Parlement adopté l’actuelle Loi sur le vérificateur général, qui élargit le mandat du vérificateur général au-delà du simple contrôle de l’exactitude des états financiers du gouvernement, l’autorisant à vérifier si le gouvernement gère bien ses activités financières517.

En 2006, le Parlement adopté la Loi fédérale sur la responsabilité, qui confère au vérificateur général le pouvoir de soumettre à une vérification les bénéficiaires de fonds versés par le gouvernement fédéral518. Ainsi, le vérificateur général pourra vérifier les états financiers des bénéficiaires de la plupart des subventions et contributions fédérales pour établir s’ils se sont conformés aux obligations de l’accord de financement ; s’ils ont respecté les principes d’économie et d’efficience dans l’utilisation des fonds ; s’ils ont établi des procédures satisfaisantes pour évaluer l’efficacité de leurs activités et en faire rapport ; s’ils ont tenu régulièrement des comptes et les registres essentiels ; et s’ils ont pris en considération l’effet des fonds utilisés sur l’environnement.

En tant que vérificateur des Comptes publics du Canada, le vérificateur général examine les états financiers du gouvernement afin de s’assurer que l’information est présentée fidèlement, conformément aux conventions comptables énoncées, et de façon cohérente par rapport à l’année comptable précédente. La Loi sur la gestion des finances publiques519 établit des responsabilités additionnelles dans le cas d’examens spéciaux concernant les sociétés d’État. Le vérificateur général a le pouvoir d’entreprendre les examens et enquêtes qui lui paraissent nécessaires pour lui permettre de faire rapport comme il est prévu par la Loi sur le vérificateur général520.

Le Bureau du vérificateur général effectue trois types de vérifications : d’attestation, de conformité et de gestion au titre de l’optimisation des ressources. La vérification d’attestation a pour but de vérifier que le gouvernement tient les dossiers nécessaires et qu’il présente fidèlement sa situation financière globale521. La vérification de conformité examine si le gouvernement perçoit et dépense seulement les crédits autorisés par le Parlement et aux seules fins approuvées par celui-ci. Enfin, la vérification de gestion permet de déterminer si les programmes du gouvernement ont été gérés de manière à accorder toute l’importance voulue à l’économie, à l’efficience et aux effets sur l’environnement. Elle confirme aussi au Parlement que le gouvernement dispose des moyens voulus pour mesurer l’efficacité de ses programmes lorsqu’il est raisonnable et approprié de le faire522. Depuis 1995, il est aussi chargé de vérifier dans quelle mesure les activités des ministères atteignent les objectifs en matière d’environnement et de développement durable523.

Si cela ne fait pas entrave aux attributions principales du Bureau, le gouverneur en conseil peut demander au vérificateur général de faire enquête et rapport sur toute question liée aux affaires financières du Canada ou aux biens publics, ainsi que sur toute personne ou organisation qui a reçu ou sollicite l’aide financière du gouvernement524.

Les rapports du vérificateur général

Chaque année, le vérificateur général doit remettre un rapport à la Chambre des communes dans lequel il porte à son attention les cas où il a constaté que :

  • les comptes n’ont pas été tenus d’une manière régulière ou qu’il n’a pas été correctement rendu compte des deniers publics ;
  • les procédures comptables appliquées ont été insuffisantes pour assurer un contrôle efficace du recouvrement et de la dépense des deniers publics ;
  • des sommes ont été dépensées sans souci d’économie ou d’efficience ou à d’autres fins que celles approuvées par le Parlement ;
  • des procédures adéquates pour mesurer et faire rapport de l’efficacité des programmes n’ont pas été mises en place ;
  • des dépenses ont été effectuées sans égard aux questions liées à l’environnement et au développement durable525.

La Loi sur le vérificateur général dispose que le rapport annuel doit être remis au Président de la Chambre des communes au plus tard le 31 décembre de l’année à laquelle il se rapporte et que, dès réception du rapport, le Président le dépose sans délai. Si la Chambre ne siège pas, le rapport est déposé dans les 15 jours de séance qui suivent sa réception526. À la demande du vérificateur général, le Président a souvent accepté de déposer le rapport à une heure précise527. Une fois déposé, le rapport est automatiquement renvoyé au Comité permanent des comptes publics528. Avant le dépôt du rapport à la Chambre, le vérificateur général donne habituellement une séance d’information, à huis clos, sur le contenu du rapport aux membres du Comité des comptes publics. En outre, le président du Comité invite habituellement les députés à une séance d’information à huis clos529, qui leur permet d’examiner le rapport qui sera déposé plus tard ce jour-là et d’obtenir des explications des responsables. Normalement, il se tient aussi un huis clos semblable pour les médias.

La Loi a été révisée en 1994 pour autoriser le vérificateur général à présenter jusqu’à trois rapports par année en sus de son rapport annuel, de tout rapport spécial sur une affaire très importante ou urgente ou de tout rapport spécial sur le financement du Bureau du vérificateur général530. Avant le dépôt d’un rapport supplémentaire, le Président doit être informé par écrit du sujet du rapport, et le rapport lui-même est remis au Président le 30e jour suivant le préavis ou à l’expiration d’un délai plus long, indiqué dans l’avis531. Le Président doit déposer le rapport sans délai ou, si la Chambre ne siège pas, dans les 15 jours de séance suivant la réception du rapport.

Depuis l’entrée en vigueur des dispositions de 1994, le rapport annuel du vérificateur général est déposé à la Chambre des communes en plusieurs volumes. Le premier volume est habituellement déposé à l’hiver et fait le suivi des progrès réalisés par le gouvernement en réponse aux recommandations formulées dans des rapports de vérification de gestion précédents. Le deuxième est déposé au printemps et le dernier, à l’automne532. Depuis 2010, l’usage veut qu’on dépose deux volumes, l’un au printemps et l’autre à l’automne533. Chaque volume renferme des rapports, numérotés individuellement534, présentant les résultats des diverses vérifications de gestion (autrefois appelées vérifications d’optimisation des ressources) des ministères et organismes. À côté de certains rapports du vérificateur général, on peut trouver aussi des rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable535.

Le Comité permanent des comptes publics

Aux termes du Règlement, tous les rapports du vérificateur général, ainsi que les Comptes publics du Canada, sont automatiquement renvoyés au Comité permanent des comptes publics dès qu’ils sont déposés à la Chambre536. Depuis 1987, le Comité est également chargé de l’examen du budget annuel du Bureau du vérificateur général.

Depuis 1958, le Comité est présidé par un député de l’Opposition officielle, alors que les membres reflètent proportionnellement les divers partis reconnus à la Chambre537. Le Comité a comme fonctions principales de s’assurer que les deniers publics sont dépensés aux fins approuvées par le Parlement et que de saines méthodes de gestion sont appliquées dans les prévisions, les contrats et l’administration en général. Le Comité ne s’interroge pas sur le bien-fondé de la politique du gouvernement, mais il se préoccupe plutôt des aspects économiques et efficaces de son administration. Le Comité fait régulièrement part de ses constatations à la Chambre. Ses rapports renferment habituellement des conclusions et des recommandations sur des questions visant l’amélioration des méthodes et contrôles financiers et de gestion des ministères, des organismes et des sociétés d’État538.