Ouverture d’une législature et d’une session

Convocation du Parlement

L’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1867 autorise la convocation du Parlement : « Le gouverneur général convoquera, de temps à autre, la Chambre des Communes au nom de la reine, par instrument sous le grand sceau du Canada ».

Cet « instrument » prend la forme d’une série de proclamations du gouverneur général, faites sur la recommandation du premier ministre16 et publiées dans la Gazette du Canada. Le jour de la dissolution ou de la prorogation du Parlement, une proclamation fixe la date à laquelle le Parlement est convoqué17. Conformément au principe de la continuité du Parlement, selon lequel une session se termine en prenant des dispositions pour la suivante, la proclamation est émise à la fin de la session précédente. Une deuxième proclamation confirme ou modifie cette date et peut fixer l’heure à laquelle le Parlement est convoqué pour « l’expédition des affaires » (on pourra avancer ou repousser la date par la suite). On procède à une troisième proclamation si la deuxième n’avait pas annoncé l’heure à laquelle le Parlement était convoqué18.

Cérémonie d’ouverture d’une législature

L’ouverture d’une législature coïncide avec celle de sa première session. Deux procédures — l’assermentation des députés et l’élection du Président — distinguent cette cérémonie de l’ouverture des sessions suivantes.

Assermentation des députés

Après une élection générale, le Greffier de la Chambre reçoit du directeur général des élections les certificats d’élection des députés au fur et à mesure de leur disponibilité19. Avant de pouvoir prendre leur place à la Chambre, les députés élus doivent, selon la Loi constitutionnelle de 1867, prêter le serment d’allégeance20. S’ils préfèrent, ils peuvent cependant remplacer le serment d’allégeance par une affirmation solennelle21.

L’assermentation ou l’affirmation solennelle se fait devant le Greffier de la Chambre ou un commissaire désigné22. Les députés qui viennent d’être assermentés signent alors le registre d’assermentation, dont chaque page porte au haut le texte du serment ou de l’affirmation solennelle. De nos jours, il est de pratique courante d’assermenter les députés avant la journée d’ouverture, une fois que le Greffier a reçu du directeur général des élections les certificats d’élection23.

Élection du Président

L’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose que l’élection du Président est le premier point à l’ordre du jour lorsque les députés s’assemblent après une élection générale. Le Règlement précise le mode d’élection du Président24. Le jour fixé par proclamation pour l’ouverture d’une nouvelle législature, la sonnerie d’appel invite les députés à s’assembler dans la Chambre, où ils accueillent l’huissier du bâton noir25, qui lit un message sollicitant la présence immédiate des députés dans la salle du Sénat.

Les députés forment un cortège derrière le Greffier de la Chambre et se rendent au Sénat où un suppléant du gouverneur général26 est assis au pied du Trône ; le Président du Sénat s’adresse aux députés de la part du suppléant pour les informer que « […] Son Excellence le (la) Gouverneur(e) général(e) ne juge pas à propos de vous exposer les objets pour lesquels il (elle) a convoqué le présent Parlement du Canada, avant que la Chambre des communes ait choisi son Président, suivant la loi […]27 ». Il s’ensuit que le discours du Trône ne sera pas lu tant qu’un Président n’aura pas été élu. Les députés retournent alors à la Chambre et engagent le processus d’élection du Président.

Présentation du Président au gouverneur général

Après l’élection du Président28, à l’heure prévue pour assister à l’ouverture officielle de la législature par la lecture du discours du Trône29, la Chambre accueille à nouveau l’huissier du bâton noir, qui transmet le message du gouverneur général invitant la Chambre à se rendre au Sénat30. Un cortège se forme, l’huissier du bâton noir en tête, suivi du sergent d’armes (qui porte la masse), du Président, du Greffier et des députés. Arrivé à la barre du Sénat, le Président nouvellement élu monte sur une petite estrade, enlève son chapeau et reçoit les hommages du gouverneur général, assis sur le Trône31. Le Président s’adresse au gouverneur général selon une formule établie :

Qu’il plaise à Votre Excellence,

La Chambre des communes m’a élu Président, bien que je sois peu capable de remplir les devoirs importants qui me sont par là assignés. Si, dans l’exécution de ces devoirs, il m’arrive jamais de faire une erreur, je demande que la faute me soit imputée et non aux Communes, dont je suis le serviteur et qui, en vue de s’acquitter le mieux possible de leurs devoirs envers la Reine (le Roi) et le pays, réclament humblement, par ma voix, la reconnaissance de leurs droits et privilèges incontestables, notamment la liberté de parole dans leurs débats ainsi que l’accès auprès de la personne de Votre Excellence en tout temps convenable, et demandent que Votre Excellence veuille bien interpréter de la manière la plus favorable leurs délibérations32.

Au nom du gouverneur général, le Président du Sénat fait la réponse traditionnelle33 :

Monsieur le Président, Son Excellence le (la) Gouverneur(e) général(e) me charge de vous dire que, ayant pleine confiance dans le loyalisme et l’attachement de la Chambre des communes envers la personne et le Gouvernement de Sa Majesté, et ne doutant nullement que ses délibérations seront marquées au coin de la sagesse, de la modération et de la prudence, il (elle) lui accorde et en toutes occasions saura reconnaître ses privilèges constitutionnels. J’ai également ordre de vous assurer que les Communes auront, en toute occasion convenable, libre accès auprès de Son Excellence et que leurs délibérations, ainsi que vos paroles et vos actes seront toujours interprétés par lui (elle) de la manière la plus favorable34.

La revendication des privilèges par le Président au nom de la Chambre ne se produit qu’à l’ouverture de la législature, et n’est pas répétée lorsqu’un nouveau Président est élu en cours de législature35. Après la revendication des privilèges, la lecture du discours du Trône ouvre officiellement la session.

Ouverture d’une session

Tel qu’indiqué précédemment, l’assermentation des députés et l’élection du Président sont les caractéristiques distinctives de la convocation d’une nouvelle législature pour l’ouverture de sa première session ; il n’y a pas de telles cérémonies préliminaires à la Chambre lors des sessions subséquentes36. La lecture du discours du Trône marque l’ouverture d’une session, qu’il s’agisse de la première ou d’une session subséquente. À chaque fois, la Chambre se réunit en assemblée et, le Président installé dans le fauteuil, elle accueille l’huissier du bâton noir et se rend en temps opportun au Sénat pour la lecture du discours du Trône.

Ouverture par le souverain

Lorsque le souverain ouvre une session, comme en 1957 et en 1977, le message communiqué à la Chambre par l’huissier du bâton noir se lit ainsi : « Monsieur (Madame) le Président, la Reine (le Roi) ordonne à cette honorable assemblée de se rendre immédiatement auprès de Sa Majesté dans la salle de l’honorable Sénat37 ».

Ouverture par le gouverneur général

Lorsque le gouverneur général donne lecture du discours du Trône38, comme cela se fait d’habitude, l’huissier du bâton noir porte un message comme quoi Son Excellence le gouverneur général du Canada exprime le désir que les Communes se rendent immédiatement au Sénat39.

Ouverture par l’administrateur

En cas de décès, d’incapacité, de renvoi ou d’absence du pays du gouverneur général, le juge en chef du Canada exerce les pouvoirs de sa charge. Celui-ci devient alors l’administrateur du gouvernement du Canada40. Il est arrivé que l’administrateur lise le discours du Trône41. Le message transmis à la Chambre par l’huissier du bâton noir est alors le suivant : « Son Excellence l’Administrateur désire la présence immédiate de cette honorable Chambre dans la salle de séance de l’honorable Sénat42 ».

Discours du Trône et délibérations subséquentes à la Chambre

Le discours du Trône, avant lequel aucune des deux chambres ne peut amorcer ses travaux, expose les raisons pour lesquelles le Parlement a été convoqué43. Il marque la première fois, après une élection générale ou une prorogation, où les trois organes du Parlement — la Chambre des communes, le Sénat et le souverain ou son représentant — se trouvent réunis.

Le discours du Trône expose habituellement de façon assez détaillée les vues du gouvernement sur l’état du pays et donne une indication de son programme législatif. Après avoir entendu le discours, le Président et les députés retournent à la Chambre. S’il s’agit de la première session d’une nouvelle législature, le Président qui vient d’être élu aura prononcé la déclaration traditionnelle par laquelle il réclame au nom de la Chambre ses « droits et privilèges incontestables ». Le Président en fait rapport à la Chambre dès son retour du Sénat44, puis l’on passe à l’ordre du jour de la séance.

Voici les affaires que la Chambre règle habituellement le premier jour d’une session, présentées dans l’ordre où elles sont normalement abordées45. On remarquera qu’il se produit parfois des variations.

Motions et annonces habituelles de la journée d’ouverture

Projet de loi fictif (aussi appelé pro forma): Avant d’entreprendre l’examen du discours du Trône, la Chambre passe à la première lecture du projet de loi fictif C-1, Loi concernant la prestation de serments d’office 46. Habituellement déposé par le premier ministre, ce projet de loi n’est pas repris après la première lecture. Il a pour objet d’affirmer l’indépendance de la Chambre des communes et son droit de choisir ses propres affaires et de délibérer sans se préoccuper des raisons de sa convocation exposées dans le discours du Trône 47.

Rapport sur le discours du Trône: Le Président fait rapport à la Chambre sur le discours du Trône et l’informe que pour «éviter les erreurs» il en a obtenu le texte, qui est publié dans les Débats 48. Une motion est ensuite proposée, habituellement par le premier ministre, et adoptée en vue d’examiner le discours du Trône «plus tard dans la journée» ou à une date ultérieure; la motion est généralement adoptée sans débat ni amendement 49.

Nominations au Bureau de régie interne: Le Président peut annoncer à la Chambre le nom des députés nommés pour la durée de la législature au Bureau de régie interne, l’organisme chargé de toutes les questions de politique administrative et financière qui concernent la Chambre 50.

Ordre des subsides: Le Règlement exige qu’au début de chaque session la Chambre établisse, par voie de motion, un ordre du jour permanent pour l’étude des travaux des subsides 51. Cela donne suite au passage habituel du discours du Trône par lequel les députés sont informés qu’ils auront également «à voter les crédits nécessaires pour financer les services et les dépenses autorisés par le Parlement 52». La motion «Que la Chambre étudie les travaux des subsides à la prochaine séance» est proposée par le président du Conseil du Trésor. Selon une pratique bien établie, la motion n’est pas sujette à débat et est adoptée sans dissidence. Une fois la motion adoptée, un ordre permanent d’examen des subsides est inscrit au Feuilleton sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement et toute motion des subsides sur laquelle la Chambre doit se pencher pendant la session apparaîtra sous cette rubrique au Feuilleton 53.

Constitution du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre: Le jour d’ouverture de la première session de chaque législature, les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre sont nommés et chargés d’agir comme comité de sélection de tous les comités permanents et comités mixtes permanents 54. Cela se fait le plus souvent au moyen d’une motion proposée sans préavis par un ministre, habituellement le leader du gouvernement à la Chambre, et que la Chambre adopte 55.

Élection des autres présidents de séance: Au début d’une législature, le président des comités pléniers (qui, une fois élu à ce poste, devient également Vice-président de la Chambre) est choisi pour la durée de la législature 56. Après consultation des chefs de chacun des partis officiellement reconnus, le Président annonce à la Chambre le nom d’un député qu’il estime être qualifié pour la fonction de président des comités pléniers 57. Une fois que le nom d’un député a été annoncé, une motion le faisant élire est réputée avoir été présentée et appuyée, puis mise aux voix immédiatement sans débat ni amendement. Le Vice-président adjoint de la Chambre et vice-président des comités pléniers et le Vice-président adjoint de la Chambre et vice-président adjoint des comités pléniers sont aussi choisis de cette manière pour la durée de la session en cours, plutôt que pour la durée de la législature 58. Depuis le début de cette pratique, en 2004, ce type de motion a toujours été adopté sans dissidence 59.

À l’occasion, d’autres affaires ont été abordées le jour d’ouverture60. Le Président est informé, lorsque le cas se présente, qu’un député a abandonné son siège à la Chambre. Lorsque cela se produit avant l’ouverture de la session (qu’il s’agisse de la première session d’une législature ou d’une session ultérieure), le Président en informe la Chambre au cours des délibérations de la journée61. Il est aussi arrivé que des députés élus lors d’élections partielles avant l’ouverture d’une session fassent leur entrée à la Chambre le premier jour d’une nouvelle session62.

Sessions spéciales

Un petit nombre de sessions (voir la figure 8.1, « Sessions désignées comme “spéciales” dans les Journaux ou les Débats de la Chambre des communes ») ont été qualifiées de « spéciales » dans les Débats ou Journaux de la Chambre des communes. Du point de vue de la procédure, une session dite spéciale ne diffère en rien d’une autre session. Les éléments d’ouverture et de clôture requis sont les mêmes. Si la session spéciale est la première d’une législature (comme cela s’est produit en 1930), la Chambre doit d’abord élire un Président.

On remarquera que les sessions spéciales ont été de courte durée. Elles ont aussi eu quelques caractéristiques en commun :

  • Le Parlement a été convoqué dans un but précis, lequel constituait le thème principal de ce qui a été dans chaque cas un discours du Trône relativement bref63 ;
  • Les cinq sessions « spéciales » ont eu lieu à une époque où d’une manière générale les sessions étaient plus courtes et alternaient à un rythme assez prévisible avec les intersessions ; elles ont toutes été convoquées à la fin de l’été ou à l’automne, à des moments de l’année où la Chambre ne siégeait pas d’habitude ;
  • À chacune des sessions spéciales, la Chambre a approuvé la suspension temporaire de certains articles du Règlement afin d’accélérer ses travaux64.

D’autres sessions de courte durée, bien que non désignées officiellement comme « spéciales » dans les Débats ou les Journaux de la Chambre des communes, tendent à partager les mêmes caractéristiques65.

Figure 8.1 Sessions désignées comme « spéciales » dans les Journaux ou les Débats de la Chambre des communes

Législature, session

Jour d’ouverture

Dernier jour de séance

Nombre de jours de séance

Objet précis

12-4

1914-08-18

1914-08-22

5

Déclenchement de la Première Guerre mondiale

17-1

1930-09-08

1930-09-22

12

Conditions économiques exceptionnelles

18-5

1939-09-07

1939-09-13

6

Déclenchement de la Seconde Guerre mondiale

21-3

1950-08-29

1951-01-29

17

Perturbation du transport ferroviaire et guerre de Corée

22-4

1956-11-26

1957-01-18

5

Hostilités au Moyen-Orient et événements en Hongrie