Le Règlement

Le Règlement est constitué des règles écrites qui régissent les travaux de la Chambre32. Ces règles permanentes ne cessent pas d’être valides à la fin d’une session ou d’une législature ; elles demeurent en vigueur jusqu’à ce que la Chambre elle-même décide de les suspendre, de les modifier ou de les abroger. À l’heure actuelle, il y a plus de 150 articles du Règlement, chacun constituant un ordre permanent de la Chambre pour la conduite de ses travaux. Le Règlement traite de différents sujets, entre autres les détails du processus législatif, le rôle du Président, la nature du calendrier de la Chambre ainsi que les règles qui régissent l’activité des comités et les Affaires émanant des députés. Lorsqu’elle adopte officiellement ces règles permanentes, la Chambre déclare qu’elles font partie du Règlement. La Chambre publie périodiquement ce dernier pour la gouverne et l’usage de tous les députés. Elle le met également à jour et le rend accessible en format électronique sur le site Web de la Chambre des communes.

Lorsque la Chambre des communes se réunit pour la première fois en 1867, les règles qu’elle adopta correspondaient dans une large mesure à celles de l’Assemblée législative de la Province du Canada, elle-même créée en 184033. L’Assemblée législative de la Province du Canada obtint son règlement des Assemblées du Haut-Canada et du Bas-Canada, créées en 1791, mais la grande majorité des articles émanaient de la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada34. Parmi les nombreux articles adoptés par la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada dans les premières années de son existence, notamment en 179335, plus de 35 n’ont subi pratiquement aucune modification et sont encore en vigueur aujourd’hui à la Chambre des communes, comme le sont 31 autres articles antérieurs à la Confédération36.

Depuis 1867, on a apporté d’innombrables modifications au Règlement37. De nouveaux articles ont été adoptés alors que d’autres ont été modifiés en profondeur ou supprimés, ce qui a changé, à l’occasion, la numérotation de façon substantielle. En outre, au fil du temps, on a adapté les interprétations données aux anciennes règles pour tenir compte du contexte moderne38. Dans certains cas, l’adoption d’un nouvel article a pour simple objet de codifier un usage de longue date de la Chambre39 ou de rendre permanent un ordre provisoire, sessionnel ou spécial. À d’autres moments, on a modifié ou ajouté un article par suite d’une situation particulière40 ou d’un événement ayant convaincu la Chambre de la nécessité d’éviter sa répétition41.

Compte tenu de l’importance que la Chambre attache à l’examen du Règlement, un débat doit avoir lieu entre le 60e et le 90e jour de séance de chaque législature sur la motion suivante : « Que la Chambre prenne en considération le Règlement et la procédure de la Chambre et de ses comités42 ». À la conclusion du débat, l’affaire est réputée renvoyée en permanence au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre43. En outre, le mandat permanent du Comité44 comprend « la revue du Règlement ainsi que de la procédure et des pratiques de la Chambre et de ses comités et la présentation de rapports à ce sujet45 ». Le Comité peut recommander des modifications au Règlement en vertu de son mandat permanent ou d’un ordre de renvoi précis46.

À certaines occasions, on a établi un comité spécial chargé de proposer des modifications au Règlement et de soumettre ses recommandations à la Chambre. En règle générale, ces recommandations sont présentées à la Chambre sous forme de rapport et sont parfois débattues dans le cadre d’une motion portant adoption du rapport. Parfois, on s’est servi du contenu du rapport comme point de départ pour de nouvelles discussions sur certaines modifications47.

Bien que la Chambre dispose de divers moyens pour revoir le Règlement, il est possible de le modifier seulement à la suite d’une décision de sa part. Une telle décision est prise à la suite d’un vaste consensus qui donne lieu à un vote unanime ou quasi unanime, ou par un simple vote majoritaire sur une motion proposée par n’importe quel député48. Ces motions sont généralement proposées sous forme de motions portant adoption des rapports de comité49.

Depuis 1867, des propositions controversées ont aussi entraîné de longs débats, et le gouvernement a utilisé sa majorité pour modifier le Règlement50. Toutefois, à de nombreuses occasions, les modifications à la procédure résultent d’un vaste consensus parmi les députés de tous les partis et sont adoptées rapidement sans débat51.

Outre le Règlement, la Chambre peut adopter d’autres règles écrites pour des périodes limitées. Entre autres, les articles provisoires du Règlement sont valides pour une période déterminée qui peut différer de la durée d’une législature ou d’une session52. Ils peuvent être adoptés à titre expérimental53, prolongés à titre provisoire, retirés ou transformés en articles permanents54. La Chambre peut aussi adopter des ordres sessionnels, qui sont à caractère temporaire et qui demeurent en vigueur uniquement pour le reste de la session en cours55. Bien entendu, ils peuvent être renouvelés d’une session à l’autre et certains finissent par devenir des articles du Règlement56.

En plus du Règlement, des articles provisoires du Règlement et des ordres sessionnels, qui forment l’ensemble des règles écrites, la Chambre peut adopter des ordres spéciaux. Fréquemment utilisés pour la conduite des travaux de la Chambre, les ordres spéciaux suspendent temporairement le Règlement « écrit ». Étant donné qu’ils concernent habituellement les travaux de la Chambre et sont souvent proposés sans avis, après consultation, on les adopte fréquemment sans débat, du consentement unanime. Ils peuvent s’appliquer à une seule occasion ou pour une période dont on précise la durée57. Avec le temps, certains ordres spéciaux sont devenus des articles du Règlement58.

Certains articles du Règlement permettent explicitement à la Chambre de suspendre l’application d’autres articles59. De plus, il arrive fréquemment que la Chambre décide, du consentement unanime des députés présents, de mettre de côté ses règles afin d’aborder une affaire d’une façon qui autrement serait incompatible avec le Règlement60. Par exemple, elle procède de la sorte lorsqu’elle veut qu’un projet de loi franchisse plus d’une étape en une séance, une procédure qui autrement contreviendrait aux règles établies61. Par ailleurs, la Chambre peut adopter un ordre spécial qui remplace et annule un ordre spécial adopté auparavant62. Le Règlement prévoit également que la Chambre puisse aller de l’avant dans certaines situations clairement définies où le consentement unanime a été refusé, mais où la très grande majorité des députés sont d’accord pour mettre en œuvre la mesure envisagée63.

Enfin, deux annexes au Règlement régissent la conduite des députés : l’Annexe I, Code régissant les conflits d’intérêts des députés, et l’Annexe II, Code de conduite pour les députés : harcèlement sexuel64. L’application de ces codes peut, dans des situations clairement définies, amener le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ou la Chambre elle-même à se pencher sur des incidents de conflits d’intérêts ou de harcèlement sexuel65.

Étant donné que le Règlement a comme but premier de réglementer la conduite des affaires de la Chambre des communes et des députés, il est vu comme un exercice du privilège parlementaire de la Chambre de réglementer ses propres affaires internes66. Toutefois, la Loi constitutionnelle de 1867 impose des limites ou prévoit certaines procédures que doit respecter le Règlement, par exemple sur le quorum, l’élection du Président et l’enregistrement des votes67. Si la Chambre devait négliger de se conformer aux dispositions constitutionnelles, les tribunaux pourraient déclarer ses affaires inopérantes. D’un autre côté, en ce qui concerne les dispositions législatives, la Chambre s’efforce de veiller à ce que son Règlement et ses pratiques soient conformes aux lois tout en conservant la compétence exclusive de déterminer si les dispositions d’une loi s’appliquent à ses délibérations68.