Les conditions d’éligibilité à la Chambre

Sauf quelques exceptions, tout individu ayant qualité d’électeur peut se présenter comme candidat à des élections fédérales. Les critères d’éligibilité et d’inéligibilité des candidats à une élection se trouvent dans la Loi électorale du Canada93, la Loi sur le Parlement du Canada94 et la Loi constitutionnelle de 198295.

Historique

Les critères d’éligibilité à la Chambre des communes ont été révisés à maintes reprises et ont toujours été étroitement liés au droit de vote. Quand certaines classes de personnes étaient privées du droit de vote, elles étaient aussi inéligibles. La Loi constitutionnelle de 1867 stipulait que toutes les lois provinciales régissant l’éligibilité et l’inéligibilité des candidats aux élections provinciales continueraient de s’appliquer à l’élection des députés à la Chambre des communes jusqu’à ce que le Parlement édicte sa propre loi96. Même si la Loi constitutionnelle de 1867 stipulait, comme d’ailleurs les lois provinciales, que les électeurs devaient être de sexe masculin, sujets britanniques, propriétaires fonciers et âgés d’au moins 21 ans97, les critères d’éligibilité des candidats variaient d’une province à l’autre et il n’y avait pas non plus d’uniformité dans l’éligibilité des premiers députés élus à la Chambre des communes. En fait, les candidats n’étaient pas tenus de résider au pays et, jusqu’en 1873, certains députés siégèrent pendant plus d’une session à la fois à la Chambre des communes et dans les assemblées législatives de l’Ontario ou du Québec98. En 1874, le Parlement adopta sa propre loi gouvernant l’élection des députés. La Loi des élections fédérales (Acte concernant l’élection des membres de la Chambre des communes) abolit la qualification foncière exigée des candidats et déclara éligible tout sujet britannique, de naissance ou par naturalisation, de Grande-Bretagne, d’Irlande et du Canada ou de l’une de ses provinces99.

Les dispositions législatives sur l’éligibilité des candidats n’ont guère changé avant le début du XXe siècle. En 1919, les femmes obtinrent le droit de vote et le droit de se porter candidates à une élection100. En 1948, on modifia la Loi des élections fédérales pour exiger que les candidats soient résidents canadiens et aient qualité d’électeurs ; les modifications supprimèrent aussi toute incapacité de voter en raison de la race (sauf pour les Indiens inscrits), ce qui permit aux candidats d’origine orientale, et en particulier aux Canadiens japonais, de briguer les suffrages101. En 1950, on accorda aux Inuits le droit de voter et de se porter candidats à la Chambre des communes102 et, en 1955, la loi fut de nouveau révisée de façon à accorder le droit de vote à divers groupes religieux, et plus particulièrement aux doukhobors, qui en avaient été privés parce qu’ils étaient des objecteurs de conscience103. C’est en 1960 que les Autochtones obtinrent enfin le droit de vote et le droit de se porter candidats104. En 1970, l’âge requis pour voter et se porter candidat fut ramené à 18 ans105.

En plus des conditions d’inéligibilité fondées sur le droit de vote, certaines personnes n’étaient pas autorisées à se porter candidates du fait qu’elles étaient employées par le gouvernement ou liées à lui par un contrat. Cette condition d’inéligibilité reposait sur le principe de l’« indépendance du Parlement ». Selon le professeur Norman Ward : « Pour être fidèle à l’idéal démocratique, la représentation doit être indépendante de toute pression indésirable capable d’infléchir son jugement sur les questions d’intérêt public. Plus particulièrement, elle doit être distanciée de l’exécutif et, à tout le moins, n’espérer de lui aucun bénéfice pécuniaire direct106 ». En 1867, le Parlement du Canada réédicta donc une loi de 1857 de la Province du Canada, laquelle rendait inéligible à l’assemblée ou pour siéger ou voter toute personne qui avait accepté ou occupé « une charge, commission ou emploi au service du gouvernement du Canada, à la nomination de la Couronne, auquel un traitement annuel ou un honoraire, allocation, ou émolument au lieu d’un salaire annuel venant de la Couronne [était] attaché »107. Cette disposition rendait aussi inéligibles les députés nommés au Cabinet ; les ministres devaient renoncer à leur siège et se porter de nouveau candidats afin d’obtenir l’approbation de leurs commettants. Étaient également inéligibles les entrepreneurs gouvernementaux et les officiers de la marine et de la milice. En 1878, la loi fut modifiée afin de rendre éligibles les députés qui occupaient déjà un poste ministériel et pour rendre inéligibles les shérifs, conservateurs de titres de propriété, greffiers de la paix et procureurs de la Couronne des comtés108. En 1931, une modification apportée à la Loi du Sénat et de la Chambre des communes libéra les ministres nommés après une élection de l’obligation de se démettre de leur mandat pour tenter de se faire réélire109.

En 1992, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, la commission Lortie, recommanda que l’on retire de la Loi électorale du Canada la disposition visant l’inéligibilité des titulaires d’une charge rétribuée, puisque les fonctionnaires et les titulaires d’une charge publique ont le droit de demander un congé pour solliciter une investiture ou un siège110. La personne occupant un poste dont le titulaire est nommé par la Couronne cesserait d’occuper ce poste dès son élection à la Chambre des communes afin d’éviter tout conflit d’intérêts. La commission Lortie recommanda aussi de supprimer le critère rendant inéligible un candidat lié par contrat au gouvernement, puisqu’une personne ainsi élue serait tenue de rendre ses rapports contractuels avec le gouvernement conformes aux règles parlementaires applicables aux députés. En 1993, ces recommandations furent incluses dans un projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada, qui fut déposé et subséquemment adopté111.

Éligibilité

Comme le prescrit la Charte canadienne des droits et libertés, « tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales112 ». Ainsi, à part quelques exceptions, tout citoyen canadien âgé d’au moins 18 ans le jour du scrutin et qui a qualité d’électeur peut être candidat à l’élection113. Un candidat doit résider au Canada, mais pas nécessairement dans la circonscription où il brigue les suffrages114, et n’a pas à être soutenu par un parti politique enregistré. Enfin, il est interdit de briguer les suffrages dans plus d’une circonscription à la fois115.

La Loi électorale du Canada précise aussi les conditions d’inéligibilité. Toute personne détenue dans un établissement correctionnel est inéligible116. Est aussi inéligible toute personne qui occupe la charge de shérif, de greffier de la paix ou de procureur de la Couronne dans une province117. Les juges nommés par le gouvernement fédéral, à l’exception des juges de la citoyenneté, et les fonctionnaires électoraux sont inéligibles118. Les membres des assemblées législatives provinciales et territoriales ne peuvent être candidats aux élections fédérales119. En outre, toute personne qui s’était portée candidate à une élection précédente mais qui avait omis de remettre les documents électoraux requis au directeur général des élections n’est pas autorisée à briguer les suffrages120.

En vertu de la Loi électorale du Canada, toute personne reconnue coupable de manœuvre frauduleuse, et notamment d’avoir voté plus d’une fois, entravé l’action d’un fonctionnaire des élections ou usé de moyens de corruption, ne peut se porter candidate à une élection pendant les sept années qui suivent la date où elle a été déclarée coupable121. Toute personne reconnue coupable d’une infraction constituant un acte illégal en vertu de la Loi électorale du Canada, et notamment d’avoir dépassé le plafond des dépenses d’élection, entravé le processus électoral ou fait un faux serment, ne peut non plus se porter candidate pendant les cinq années qui suivent la date où elle a été déclarée coupable122.

Les sénateurs doivent renoncer à leur siège s’ils souhaitent se faire élire à la Chambre ; de même, si un député accepte une nomination au Sénat123, au bureau du gouverneur général, à titre de juge et à n’importe quelle autre charge publique qui fait en sorte que cette personne ne pourrait plus être élue ni siéger ou voter à la Chambre des communes, son siège sera déclaré vacant124.