Le processus électoral

La dissolution d’une législature met un terme à tous les travaux du Sénat et de la Chambre des communes et est suivie d’une élection générale. La date des élections générales est fixée conformément aux dispositions de la Loi électorale du Canada, qui prévoit la tenue d’une élection générale le troisième lundi d’octobre au cours de la quatrième année civile suivant le jour du scrutin de l’élection générale précédente, à moins que le gouverneur général juge opportun de tenir une élection générale à une autre date125.

Les procédures électorales ont évolué considérablement depuis 1867. La Loi constitutionnelle de 1867 disposait que les lois électorales en vigueur dans les provinces à l’époque s’appliqueraient à l’élection des députés jusqu’à ce que le Parlement édicte sa propre loi126. Ainsi, en 1867 et en 1872, le scrutin se déroula lors de jours différents selon l’endroit et sur une période de plusieurs semaines127. En 1867, l’élection générale se déroula à des dates différentes dans des circonscriptions différentes sur une période de six semaines. Durant l’élection suivante, tenue en 1872, le processus dura trois mois128. Qui plus est, à l’exception du Nouveau-Brunswick, où l’on avait adopté le scrutin secret dès 1855, le vote se faisait de vive voix129. En 1874, le Parlement édicta un texte de loi électorale énonçant que le vote devait avoir lieu le même jour dans toutes les circonscriptions électorales et par scrutin secret130. On y apporta diverses modifications administratives et procédurales au cours des décennies suivantes pour finalement adopter une nouvelle loi en 1920. Entre autres choses, la Loi des élections fédérales donnait naissance au Bureau du directeur général des élections, chargé de superviser le processus électoral131. En 1929, on modifia la Loi pour que le scrutin ait toujours lieu un lundi ou, si le lundi en question tombait un jour férié, le lendemain132. Il fallut attendre 1982 pour qu’on présente des dispositions législatives précisant la durée des élections ; la période électorale fut alors fixée à un minimum de 50 jours133, puis de nouveau raccourcie en 1993 à un minimum de 47 jours134. En 1996, on modifia la Loi électorale du Canada pour instaurer un registre permanent des électeurs, réduire à 36 jours l’intervalle minimum requis entre la délivrance des brefs d’élection et le jour de scrutin, échelonner le scrutin dans les six fuseaux horaires du Canada et maintenir les bureaux de vote ouverts pendant 12 heures dans chaque région135. En 2000, la Loi électorale du Canada a été révoquée et remplacée par une nouvelle loi avec le même titre modernisant l’organisation et la terminologie de la législation électorale136. De plus, la nouvelle loi révoquait la Loi sur les élections fédérales contestées, qui portait sur la contestation des résultats électoraux ; de nouvelles dispositions visant à résoudre ces différends ont été ajoutées à la Loi électorale du Canada. Ont également été révoquées la Loi relative aux enquêtes sur les manœuvres frauduleuses (1876) ainsi que la Loi sur la privation du droit de vote (1894)137. En 2007, on a de nouveau modifié la Loi électorale du Canada pour prescrire des élections à date fixe tous les quatre ans138. Enfin, en 2014, le Parlement adopta un projet de loi qui apporta un éventail de modifications à la Loi électorale du Canada et d’autres lois en conséquence139. Les modifications concernaient, entre autres, le Bureau du directeur général des élections du Canada, la préparation du vote, les procédures de vote, la communication avec les électeurs, le financement des campagnes électorales, l’application de la loi, les interdictions et le Bureau du commissaire aux élections fédérales140.

Délivrance du bref pour une élection générale

Le premier ministre lance le processus électoral en présentant au gouverneur général un instrument d’avis recommandant la dissolution de la législature. Une fois émise la proclamation portant dissolution de la législature, le premier ministre présente un décret au gouverneur général lui recommandant de délivrer les brefs d’élection. Le gouverneur en conseil émet ensuite une proclamation ordonnant la délivrance de brefs d’élection et fixant la date du scrutin de même que la date de retour des brefs141. L’émission de la proclamation marque le déclenchement de l’élection générale.

Au déclenchement d’une élection générale, le directeur général des élections délivre un bref d’élection à chaque directeur du scrutin142. Un bref est un ordre écrit officiel enjoignant le directeur du scrutin de chaque circonscription à tenir une élection pour élire un député. Le bref précise entre autres la date du scrutin et la date à laquelle doit être retourné au directeur général des élections le bref portant au verso le nom du candidat élu143. La date de délivrance du bref, le jour du scrutin et la date de retour du bref sont les mêmes dans chaque circonscription144 (voir la figure 4.2, « Le bref d’élection générale »).

Le directeur du scrutin veille à la conduite de l’élection dans la circonscription145. Le directeur général des élections nomme, par voie de concours, un directeur du scrutin pour chaque circonscription146. Le directeur général des élections détermine les compétences que doivent posséder les directeurs de scrutin ainsi que le processus de nomination. Il remet ensuite un rapport au Président, qui le dépose à son tour à la Chambre147. Le directeur de scrutin est nommé pour une période de 10 ans148.

Figure 4.2 Le bref d’élection générale
Image du texte d’un bref d’élection générale.

Les brefs d’élection ne peuvent être adressés après le 36e jour précédant le jour du scrutin ni porter une date postérieure à ce jour, de sorte que la durée minimale d’une campagne électorale fédérale est de 36 jours149. Dans les quatre jours suivant la délivrance du bref (voir la figure 4.2, « Le bref d’élection générale »), le directeur du scrutin prépare un avis de convocation indiquant la date et l’heure limite pour recevoir les candidatures, la date du scrutin, la date et l’heure prévues de la validation des résultats ainsi que l’adresse du bureau du directeur du scrutin150 (voir la figure 4.3, « Avis de convocation »).

Figure 4.3 Avis de convocation
Image du texte d’un avis de convocation préparé par un directeur du scrutin.

Au plus tard à 14 heures le jour de clôture pour la réception des candidatures, c’est-à-dire le lundi 21e jour précédant le jour du scrutin151, chaque candidat doit avoir fait parvenir au directeur du scrutin un acte de candidature comprenant divers documents, dont des déclarations signées par le candidat indiquant qu’il se porte candidat et qu’il accepte l’investiture, une déclaration d’acceptation signée par l’agent officiel du candidat, une liste d’au moins 100 noms, adresses et signatures d’électeurs et résidant dans la circonscription qui endossent ladite candidature, l’endossement du parti, le cas échéant, ainsi qu’une déclaration d’acceptation signée par le vérificateur du candidat. Pour confirmer son intention de briguer les suffrages, le candidat doit aussi faire un dépôt de 1 000 $152. Les candidats ont jusqu’à 17 heures le jour de clôture pour la réception des candidatures pour se désister ou pour apporter des modifications à leurs nom, adresse ou profession dans leur acte de candidature153.

Lorsque, à 14 heures le 19e jour précédant le jour du scrutin, une seule candidature a été officiellement confirmée dans une circonscription, le directeur du scrutin doit présenter immédiatement au directeur général des élections son rapport attestant que le candidat est dûment élu pour la circonscription154.

Délivrance du bref pour une élection partielle

Quand, au cours d’une législature, une vacance survient dans la députation à la Chambre des communes, pour quelque raison que ce soit, le Président adresse un ordre officiel au directeur général des élections lui enjoignant de délivrer un bref d’élection pour pourvoir à cette vacance155. Le bref relatif à une élection partielle doit être délivré entre le 11e et le 180e jour suivant la réception, par le directeur général des élections, de l’ordre officiel de délivrance du bref156. Bien que la Loi sur le Parlement du Canada dispose que l’élection partielle doit être déclenchée dans les six mois à compter du jour où un siège devient vacant, il n’existe aucune date limite pour la tenue comme telle de l’élection partielle. La date de l’élection partielle est fixée par le gouverneur en conseil et doit se situer au moins 36 jours après la délivrance du bref157. Il peut y avoir plus d’une élection partielle le même jour.

Un bref ordonnant la tenue d’une élection partielle serait réputé remplacé et retiré si la législature devait être dissoute avant la date prévue de l’élection partielle158.

Retour du bref

Après la clôture des bureaux de vote, le jour du scrutin, les votes sont dénombrés dans chaque bureau par des scrutateurs en présence des greffiers de scrutin et, le cas échéant, des candidats ou de leurs représentants se trouvant sur place. En l’absence des candidats ou de leurs représentants, au moins deux électeurs doivent être sur place159. Les résultats sont inscrits sur des relevés officiels de scrutin, lesquels sont acheminés au directeur du scrutin pour validation160. Sur l’avis de convocation que délivre chacun des directeurs de scrutin sont indiquées l’heure et la date de validation des résultats ; la validation doit avoir lieu dans les sept jours suivant la date du scrutin161. Normalement, sans délai après le sixième jour après la validation des résultats, le directeur du scrutin doit remplir le formulaire au verso du bref afin de déclarer un candidat élu162. Le directeur du scrutin envoie le bref d’élection, de même qu’un rapport postélectoral et d’autres documents, au directeur général des élections163.

Le directeur du scrutin demande automatiquement qu’il y ait dépouillement judiciaire si l’avance du vainqueur représente moins d’un millième du total des votes exprimés164. Il peut aussi y avoir dépouillement judiciaire si, dans les quatre jours suivant la validation des résultats, un électeur en fait la requête auprès d’un juge pour cause de certaines irrégularités alléguées dans le dépouillement ; sa requête doit être accompagnée d’un affidavit souscrit par un témoin digne de foi165. Un juge procède au dépouillement judiciaire dans les quatre jours suivant la réception de la requête166. Il additionne alors les résultats figurant sur les relevés du scrutin préparés par les scrutateurs le soir des élections167.

Une fois le recomptage terminé, le juge prépare un certificat énonçant le nombre de votes obtenus par chaque candidat et le remet au directeur du scrutin168. Les résultats du recomptage sont sans appel. Le directeur du scrutin remplit le rapport d’élection du candidat ayant remporté la majorité des votes et achemine le bref au directeur général des élections169.

Si le recomptage donne lieu à une égalité des voix entre deux candidats, le directeur général des élections informe le Président qu’aucun candidat n’a été déclaré élu et une nouvelle élection devra être tenue dans la circonscription concernée170.

Le directeur général des élections doit faire publier le nom de chacun des candidats élus dans la Gazette du Canada171. En outre, il doit publier un rapport sur les résultats officiels du scrutin de chaque section de vote sans délai après une élection générale et dans les 90 jours suivant le retour du bref d’une élection partielle172. De plus, il fournit au Président de la Chambre des communes un rapport sur la tenue d’une élection générale dans les 90 jours suivant la date prévue pour le retour des brefs et, dans le cas d’une élection partielle, dans les 90 jours suivant la fin de l’année civile où s’est tenue l’élection partielle173.

Le directeur général des élections remet au Greffier de la Chambre la liste attestée des députés élus à la Chambre des communes. Le Greffier dépose cette liste à la Chambre des communes au début de la première session de la nouvelle législature et la fait paraître dans les Journaux174.

Les agents officiels de tous les candidats doivent remettre au directeur général des élections un rapport concernant la campagne électorale dans les quatre mois suivant le jour du scrutin175. Un député élu qui ne remettrait pas son rapport ou qui n’apporterait pas les corrections ou révisions demandées par le directeur général des élections dans le délai prescrit, ou pendant toute prolongation autorisée, ne pourrait ni siéger ni voter à la Chambre tant qu’il ne l’aurait pas remis ou apporté lesdites corrections176.

Élections contestées

Les résultats d’une élection peuvent être contestés s’il y a allégation que des irrégularités, de la fraude, de la corruption ou des pratiques illégales ont eu un effet sur les résultats du scrutin dans une circonscription en particulier, ou si quelqu’un a des raisons de croire qu’un candidat élu ne rencontrait pas les critères d’éligibilité pour se porter candidat177.

Avant la Confédération, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Province du Canada suivaient l’exemple du Parlement britannique pour régler les affaires électorales de leurs propres assemblées législatives. Après la Confédération, entre 1867 et 1873, le Président de la Chambre des communes nommait régulièrement six députés au Comité général des élections afin qu’ils statuent sur les élections contestées178. Ce comité a régulièrement tranché des cas de manœuvres frauduleuses ou illégales et ses décisions étaient habituellement perçues comme étant motivées par des considérations partisanes plutôt que par la preuve de l’existence de manœuvres frauduleuses. D’ailleurs, il est arrivé une seule fois qu’il annule une élection179. En 1873, la Chambre transféra aux tribunaux provinciaux la compétence exclusive pour juger de toute question touchant à l’élection des députés180. Tout candidat ou toute personne ayant qualité d’électeur qui désirait contester les résultats d’une élection pouvait déposer une requête en contestation d’élection auprès du tribunal provincial ou territorial compétent pour instruire une telle requête en vertu de la Loi sur les élections fédérales contestées. Les requêtes étaient instruites, sans jury, par deux juges d’une cour supérieure de la province dans laquelle s’était déroulée l’élection contestée. Les juges pouvaient déclarer élu un autre candidat que celui déclaré élu par le directeur du scrutin, annuler l’élection ou rejeter la requête (c’est-à-dire confirmer les résultats originaux). L’instauration du scrutin secret, la tenue des élections simultanément dans tout le pays et la promulgation de nouvelles lois électorales ont fait diminuer graduellement le nombre d’élections contestées181. Depuis 1949, cinq élections seulement ont été annulées, dans tous les cas pour cause de votes donnés illégalement182. En 2000, la Loi sur les élections fédérales contestées a été révoquée et des dispositions modernes sur la contestation d’élections ont été ajoutées à la Loi électorale du Canada183.

Aujourd’hui encore, toute personne habile à voter dans la circonscription concernée ou tout candidat de cette circonscription peut déposer une requête en contestation d’élection auprès d’un juge d’un tribunal provincial ou territorial désigné ou de la cour fédérale184. Si la contestation a pour motif des irrégularités, une fraude, de la corruption ou des pratiques illégales dans la tenue du vote, la requête doit être présentée dans les trente jours suivant la date de la publication dans la Gazette du Canada du résultat de l’élection contestée ou, si elle est postérieure, la date à laquelle le requérant a appris, ou aurait dû savoir, que les irrégularité, fraude, manœuvre frauduleuse ou acte illégal allégués ont été commis185. Le juge qui entendra la requête pourra la rejeter si rien ne corrobore les allégations du demandeur ou annuler l’élection si les allégations sont fondées186.

Le tribunal fait parvenir une copie de sa décision au Président, qui sera également informé si un appel est interjeté. S’il n’y a pas d’appel, le Président communique la décision à la Chambre187. Un appel peut être interjeté à la Cour suprême du Canada dans les huit jours suivant la décision. La Cour doit statuer sans délai sur la question et faire connaître sa décision au Président, qui la communique à la Chambre188. Si l’élection est déclarée nulle, le Président adresse au directeur général des élections l’ordre officiel de délivrer un bref d’élection189.