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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 19 juin 1995

.1535

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, je vous souhaite de nouveau la bienvenue à notre dernière réunion publique sur le SRD. Comme vous le savez, nous avons dû suspendre nos délibérations la semaine dernière à cause de votes qui ont duré beaucoup plus longtemps que prévu à la Chambre des communes. Nous nous excusons des inconvénients que cela a pu vous causer, et nous vous sommes reconnaissants d'être revenus devant le comité.

Les membres du comité sont en train d'arriver les uns après les autres, mais nous n'avons besoin que de trois députés seulement pour entendre des témoins. Je crois que nos collègues arriveront sous peu. Soyez patients, ils ne tarderont pas.

Je dois vous mentionner une chose que je viens d'apprendre, et qui semble semer de la confusion, du moins dans mon esprit, ce qui n'est pas chose rare. J'ai eu l'occasion de lire un communiqué qui semble indiquer que le gouvernement a émis des décrets définitifs au CRTC, auxquels celui-ci devra répondre d'ici mercredi. Ce que j'ai du mal à comprendre, c'est que le calendrier auquel nous sommes soumis ressemble au carême, c'est-à-dire que nous avons 40 jours et 40 nuits pour compléter notre travail.

Mais est-ce que cette période inclut les jours de séance du Sénat, même si la Chambre ne siège pas? De toute façon, puisque je suis dans le noir, je propose que nous entendions nos témoins comme si de rien n'était en attendant d'être fixés. Je vous demande donc d'être patients entre temps.

Cela dit, nous accueillons deux groupes de témoins. Nous pouvons procéder d'une ou deux façons. Puisque vous travaillez tous deux dans le même domaine, je propose de commencer avecM. Bureau du groupe Astral. Ensuite, nous entendrons les remarques liminaires des représentants du groupe Allarcom, s'il y a lieu, pour finir avec une période de questions pour les deux groupes. Cette façon de procéder est plus efficace. Donc, je m'excuse de nouveau de ne pas vous avoir entendus la semaine passée, et pour la confusion qui règne au sujet de ce que nous venons d'apprendre.

J'invite donc M. Juneau à prendre la parole.

[Français]

Pardon, monsieur Bureau. Quelle horreur, quelle horreur! Excusez-moi, monsieur Bureau.

[Traduction]

M. André Bureau (vice-président, Astral Communications Inc.): Mesdames, messieurs, bonjour. Je m'appelle André Bureau. Je suis vice-président du conseil de Astral Communications Inc. et président et chef de la direction du Groupe de radiodiffusion Astral. Je suis accompagné de Lisa de Wilde, présidente de TMN Networks Inc. et de Viewer's Choice Canada, notre service de télévision à la carte dans l'Est. Je suis aussi accompagné de Chris Johnston, notre conseiller juridique. J'aimerais également vous présenter mes trois collègues de Allarcom Pay Television Limited : Grant Buchanan, vice-président, Affaires de l'entreprise; Ric Davies, vice-président, Programmation; et Luther Haave, vice-président et directeur général de Allarcom et président de Home Theatre.

.1540

Notre présentation sera conjointe, si vous le permettez, monsieur le président. Mais avant de commencer, j'aimerais demander à Chris Johnston de dire quelques mots au sujet du processus en cours.

M. Chris Johnston (conseiller juridique, Astral Communications Inc. and Allarcom Pay Television Limited): Merci, André. Bonjour monsieur le président et membres du comité.

Monsieur le président, comme vous l'avez mentionné, nous avons tous été surpris d'apprendre que, selon un communiqué de presse, le gouvernement a émis des décrets définitifs au CRTC, et demande que celui-ci lui envoie sa réponse d'ici mercredi, donc dans deux jours.

Monsieur le président, vous n'êtes pas sans savoir que nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter des deux décrets émis par le gouverneur en conseil à l'intention du CRTC au sujet de la diffusion par SRD. Le gouvernement a usé de pouvoirs extraordinaires en agissant de la sorte. C'est la première fois que le gouvernement a donné des directives au CRTC en matière d'orientation.

Il existe de sérieux doutes quant à la légalité et à la légitimité de ces mesures. Nous croyions que nous participions à un processus sérieux devant ce comité et le comité sénatorial, processus par lequel nous voulions vous exprimer notre point de vue - ainsi que l'ont fait et le feront d'autres parties intéressées - afin que nous puissions tous arriver à un terrain d'entente juridique et politique. D'après ce que nous savons, le comité sénatorial n'a pas encore produit de rapport. Nous savons pertinemment que vous n'avez pas encore déposé le vôtre. Vous n'avez pas encore entendu nos deux groupes, qui représentent les entreprises de télévision à la carte au Canada. Vous n'avez pas encore entendu le point de vue de la Guilde des réalisateurs, ni celui des autres représentants de l'industrie de la production. En dépit de cela, nous apprenons que...

Le président: Je vous préciserai que nous avons en fait reçu leur mémoire écrit, mais nous n'avons pas eu l'occasion de leur poser des questions. Nous leur avons demandé de revenir devant le comité mais ils ont dû refuser. Cela vous éclairera peut-être.

M. Johnston: Merci pour cette explication. Nous sommes quelque peu étonnés, car nous travaillons sur cette question depuis longtemps, nous avons préparé à fond nos mémoires et présentations orales - et nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait - mais maintenant, il semble évident que le gouvernement a simplement émis les décrets définitifs proposés sans prendre la peine d'attendre les rapports des deux comités permanents.

Je ne veux pas être cynique, monsieur le président, mais je me demandais pourquoi nous avions pris la peine de tenir cette audience publique dans la salle de comité des chemins de fer. Je crois en comprendre le sens maintenant. Nous allons revenir sur ce sujet un peu plus tard, mais j'aimerais d'abord donner la parole à M. Bureau.

Le président: Je viens d'apprendre quelque chose. D'après ce que je vois, le CRTC a reçu un projet de décret - et non un décret définitif. Il ne s'agit que d'une consultation habituelle de la part du ministère. Ce décret sera donc soumis à un examen final. Voilà comment j'interprète la situation. Le mot «définitif» serait donc inexact. Je crois comprendre que rien n'est encore final. Je ne sais pas pourquoi le CRTC a utilisé ce libellé, mais c'était peut-être une erreur.

M. Johnston: Monsieur le président, d'après ce que j'en comprends, la loi oblige le gouvernement à tenir des consultations avant d'émettre des décrets. Nous savons tous que ce processus est sujet à de grosses contraintes de temps. Si le communiqué parle de «projets de décrets définitifs du gouvernement», c'est assez évident. Je comprends votre point de vue, mais étant donné que le processus tire à sa fin, je me demande s'il ne s'agit pas vraiment d'un décret définitif.

Le président: Présumons que ce n'est pas le cas et continuons nos travaux.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le président, il me faut une explication. Quand devons-nous produire notre rapport sur la diffusion par SRD?

Le président: Je crois que le Parlement - donc la Chambre et le Sénat - a 40 jours pour examiner les décrets du gouvernement. Je croyais que cette période se terminerait vendredi. Mais l'idée des 40 jours n'est pas claire, car il ne s'agit pas seulement des jours de séance de la Chambre, mais également de ceux du Sénat. Les jours de séance du Sénat qui correspondent à une période d'ajournement de la Chambre sont comptés dans les 40 jours.

.1545

Je présumais que le vendredi 23 juin était le dernier des 40 jours. Mais il nous faut quand même une explication.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Notre collègue a souligné que le processus fait fi des témoins qu'il nous reste à entendre. Nos audiences sont inutiles si on a déjà pris des décisions qui ne tiennent pas compte des audiences publiques.

Le président: J'ai essayé d'expliquer que nous ne savons pas encore exactement de quoi il retourne. D'après ce que nous savons, le projet de décret n'est pas définitif, même si le mot «définitif» apparaît dans le communiqué. Je propose donc de continuer jusqu'à ce que la situation soit clarifiée.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Les mots me manquent pour dire à quel point il est frustrant que le travail de ce comité ait été interrompu à maintes reprises et ce, pour la même raison, et que notre travail ne semble pas être pris au sérieux, car on a créé d'autres comités pour étudier le même sujet.

Il existe d'autres comités qui ont produit toutes sortes de rapports sur la réorganisation de la SRC. Nous faisons donc face à un autre problème semblable, mais qui aura des répercussions à long terme encore plus importantes.

À titre de membres de ce comité, il est extrêmement frustrant de devoir composer constamment avec ces problèmes.

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Monsieur le président, je pense qu'on ajoute l'injure à l'insulte. D'ailleurs, votre adjoint a été obligé de se mettre au téléphone et, quand je lui ai demandé de me laisser le téléphone pour une urgence, il m'a dit qu'il téléphonait en votre nom. L'absence des libéraux en face de nous témoigne du fait que ces messieurs et dames étaient au courant de la situation et que nous, de l'Opposition, ne l'étions pas; vous, vous avez eu l'aimable gentillesse, en gentleman que vous êtes, de venir présider ce comité, mais je crois que nous sommes devant une situation on ne peut plus déplorable.

Le CRTC n'est pas à ce point un organisme irresponsable. Si un communiqué est émis par le CRTC, c'est qu'il y a matière à émettre un communiqué. Si ce communiqué existe, qu'on le dépose, s'il vous plaît. Je veux le voir de mes yeux, je veux le lire et je veux voir ce qui se passe. Pendant ce temps-là, on pourra suspendre la séance. Je vois Mme la secrétaire parlementaire au téléphone; j'espère qu'elle est en contact avec son ministère.

Merci, monsieur. Je voudrais qu'on ait le temps de voir. C'est dans les deux langues.

Voilà, monsieur le président: nous sommes en présence d'une commande directe. Selon mes renseignements, le Sénat devait remettre son rapport demain ou mercredi et nous, nous devions nous réunir après la fin des audiences, ce soir ou demain matin, pour déterminer ce que nous mettrions dans notre rapport, et voilà que le gouvernement a envoyé un décret sur commande, un projet définitif de décret, en consultation avec le CRTC, comme le paragraphe 7(6) de la loi l'y oblige.

Monsieur le président, je ne peux pas vous dire la déception que j'éprouve tellement le simulacre de démocratie a atteint son paroxysme. Je considère qu'on se paie la tête des contribuables et qu'on gaspille de l'argent. Ces comités, je les savais bidons, mais pas à ce point-là. Monsieur le président, je suis dépassée par les événements.

Le président: Monsieur de Savoye.

M. de Savoye (Portneuf): Monsieur le président, on se rappellera que le ministre de l'Industrie et le ministre du Patrimoine canadien ont conjointement émis des décrets...

Mme Tremblay: Le 28 avril.

M. de Savoye: ...il y a environ 40 jours, et on n'en est pas tout à fait certain.

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On se rappellera aussi qu'une note de service est venue de Power Corporation, avec un échéancier assez précis qui, je m'en doutais et je découvre que j'avais raison, nous amènerait à des échéances très serrées à la fin de la session. Bref, le processus me semble avoir été piégé.

Des gens sont venus témoigner ici de bonne foi. Nous avons siégé ici de bonne foi pour les écouter. Nous avons tenté de trouver à travers leurs témoignages des pistes qui pourraient bonifier la situation de la radio et de la télévision, d'un océan à l'autre. Nous sommes aujourd'hui...

Mme Tremblay: Voilà des figurants.

M. de Savoye: ...devant une situation de fait accompli ou à peu près.

Monsieur le président, est-ce que nous avons travaillé pour rien? Est-ce que les témoins sont venus ici témoigner pour rien? Est-ce que tout le jeu était organisé d'avance? Est-ce que Power Corporation avait arrangé les cartes et que maintenant nous n'avons rien d'autre à faire que de constater un résultat au sujet duquel nous ne pouvons rien?

Monsieur le président, je vous demande un éclairage. Vous présidez ce comité. Donnez-nous l'heure juste.

Le président: Comme tout le monde le sait, on est embarqués dans un nouveau processus. Les règles du jeu ne sont pas du tout claires. Faut-il que le Comité soumette un rapport, écrive une lettre, ne fasse rien? Cela n'est pas évident, non plus que cette question de 40 jours dont j'ai parlé plus tôt. Nous sommes maintenant en train d'essayer de clarifier la situation, grâce à la secrétaire parlementaire. Nous avons donc deux possibilités devant nous: nous pourrions suivre les conseils de Mme Tremblay et suspendre la séance jusqu'à ce qu'on sache ce qui se passe, ou nous pourrions commencer à entendre les témoins, parce qu'ils sont là depuis quelque temps, en attendant la réponse par l'intermédiaire de Mme la secrétaire parlementaire. Je suis entre vos mains.

Monsieur de Savoye.

M. de Savoye: Monsieur le président, vous nous avez dit tantôt que nous avons de l'information imparfaite, mais manifestement, il est possible que nous obtenions l'information exacte au cours des prochaines minutes. Dans combien de jours les 40 jours seront-ils échus? Nos travaux servent-ils à quelque chose ou sont-ils bidons? Demander aux témoins de témoigner sans avoir une réponse claire à ces questions, c'est faire insulte à leur intelligence. Je propose donc que les travaux soient suspendus pour quelques moments, jusqu'à ce que nous ayons l'information qui nous permettra de savoir si on travaille utilement ou pour rien.

Le président: J'aimerais savoir quand partent les avions des témoins. Si vous aviez assez de temps pour nous permettre de suspendre la séance afin de clarifier la situation, ça nous aiderait un peu.

[Traduction]

Madame Brown.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Merci, monsieur le président.

Je tiens à dire publiquement que l'arrogance du gouvernement me scandalise. Ce gouvernement fait fi du processus, de la procédure, des gens et du travail accompli en comité. Le communiqué de presse dit «tel que le gouvernement le lui demande». À mon avis, c'est assez évident. «Le CRTC lui présentera sa réponse au plus tard le mercredi 21 juin.»

C'est répréhensible. Le gouvernement semble prendre l'habitude d'afficher une attitude arrogante et paternaliste. C'est extrêmement frustrant. Vous avez pris la peine et le temps de vous organiser pour comparaître devant ce comité, pour finalement être confronté à un communiqué de presse comme celui-ci. C'est extrêmement arrogant, et je ne saurais vous dire toute ma frustration.

Je suis d'accord avec le Bloc québécois. On devrait suspendre la séance jusqu'à ce qu'on nous donne l'heure juste. C'est tout à fait ridicule.

Le président: Pendant notre discussion, la secrétaire parlementaire était au téléphone. J'ignore si elle peut nous aider à sortir de l'impasse. Avez-vous des nouvelles?

Mme Guarnieri (Mississauga-Est): Je comprends fort bien que les députés soient fâchés. Par contre, le gouvernement ne prendra aucune décision en dehors de la procédure normale, et le travail de ce comité demeure valable et pertinent.

La Loi sur la radiodiffusion oblige le gouvernement à consulter le CRTC avant d'émettre les décrets définitifs. L'avis est paru dans la Gazette du Canada, comme certains députés l'ont noté. Le gouvernement ne fait qu'étudier des options qui s'offrent à lui; c'est son droit. Il ne se passera rien tant que la procédure régulière n'aura pas été appliquée.

.1555

Étant donné que certains témoins, dont l'horaire avait été modifié, ont eu l'amabilité de revenir, je vous implore... Je tiens beaucoup à entendre l'exposé des témoins qui ont eu l'obligeance de revenir.

Nous pourrions peut-être poursuivre notre discussion quand ils auront terminé...

Le président: Il me semble que cela concorde avec ce que j'ai entendu dire et que cela ferait partie du processus normal en fin de négociation, mais qu'il ne s'agit pas des décrets définitifs, malgré le communiqué.

M. de Savoye: Monsieur le président, j'aime bien l'expression «procédure régulière». Je voudrais seulement savoir ce que l'on entend par là au juste. Quand est-ce que ce sera fini? Dans combien d'heures, dans combien de jours, après la réception de quels rapports, par qui? Que veut-on dire exactement?

Mme Guarnieri: Quand le délai de 40 jours sera écoulé; c'est cela, la procédure régulière.

M. de Savoye: Quand est-ce? Aujourd'hui? Demain? Après-demain?

Mme Guarnieri: Il suffit de compter le nombre de jours ouvrables à partir du jour où la directive a été lancée.

Ce n'est pas tous les jours que l'on émet des directives de ce genre. Il faut donc compter 40 jours de séance à partir du jour où elle a été lancée.

M. de Savoye: Je crains que ce soit aujourd'hui. Ai-je tort ou raison?

Mme Guarnieri: Vous avez tort. L'avis que le CRTC nous a envoyé concerne la demande de présentation des mémoires pour le 21 juin. Nos travaux ne se termineraient pas avant que les audiences prennent fin.

Le président: Je crois que ce sera le 21 juin au plus tôt, si l'on tient compte du Sénat, par exemple. Nous n'aurons certainement pas dépassé le délai de 40 jours aujourd'hui ni demain. Est-ce qu'on continue?

Mme Guarnieri: Je maintiens que nos témoins d'aujourd'hui ont des choses très intéressantes à dire. Je vous supplie de les écouter.

Le président: Je signale aux témoins que nous n'avons encore pris aucune décision au sujet de la recommandation que nous allons faire au gouvernement et que nous ne le ferons pas avant d'avoir entendu les derniers témoins.

Mme Guarnieri: Si je ne me trompe, nous devons avoir une réunion à huis clos demain matin pour établir un plan d'action.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Monsieur le président, serait-il antiréglementaire de demander quelle est la source du communiqué, que je n'ai pas encore vu de notre côté?

Le président: C'est le CRTC lui-même. Nous en ferons préparer des copies pour tout le monde.

Si vous voulez bien, monsieur de Savoye...

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le président, compte tenu de vos assurances, je suis disposé à poursuivre en présumant que les témoins apprécient ces assurances de la même façon que moi. Cependant, je désire noter que ce processus, qui compresse dans le temps des échéances sur un sujet extrêmement important, n'aide d'aucune façon nos témoins, l'industrie et les députés autour de cette table à faire un travail réfléchi. Nous sommes, comme on dit en bon français, «bulldozés».

Le président: Je comprends bien votre frustration, mais n'oubliez pas que nous étions aussi engagés dans un travail très sérieux, notamment sur la Société Radio-Canada. Avec tout le travail que nous avions à faire comme Comité, nous avons décidé de partager de cette façon-là. Nous avons largement consulté Mme Tremblay sur l'horaire de travail. Donc, une fois de plus, je vous fais part de nos regrets et j'invite M. Bureau à continuer son exposé.

M. Bureau: Monsieur le président, nous nous sommes déjà vus à deux reprises et je comprends très bien pourquoi nous n'avons pas pu être entendus la première fois.

.1600

Nous sommes venus ici parce que nous avions l'espoir de pouvoir faire valoir des points de vue qui étaient suffisamment sérieux pour qu'un comité qui a travaillé d'arrache-pied comme le vôtre depuis des mois sur d'autres sujets que celui-là, mais sur celui-là aussi, puisse comprendre quels sont les enjeux pour le système canadien de la radiodiffusion et aider le gouvernement à formuler, s'il le désire toujours, des directives qui soient d'une part légales, conformes aux prescriptions de la loi, et d'autre part, qui assurent que notre système de radiodiffusion canadien, qui constitue un succès à travers le monde, ne soit pas mis en péril. Nous sommes venus ici avec des documents que nous avons préparés et revus à plusieurs reprises et que nous sommes disposés à déposer devant vous.

[Traduction]

Toutefois, compte tenu des circonstances d'aujourd'hui, nous allons nous attacher plus particulièrement à quelques points que nous considérons d'une importance absolument capitale et dont nous tenons à vous faire part, s'il n'est pas trop tard pour les porter à votre attention. Nous ne voulons pas critiquer votre travail, croyez-nous. Comme vous, nous avons de vives préoccupations au sujet du processus et nous redoutons que nous pourrions trouver derrière tout ça.

Nous avons l'habitude de prendre le CRTC au sérieux, et lorsqu'il parle de «projets de décrets définitifs», en tant que détenteurs de licences qui connaissons bien le vocabulaire du CRTC, nous prenons cela au sérieux. Nous n'en faisons pas fi en nous disant que cela doit vouloir dire autre chose.

Par conséquent, notre présentation va porter principalement sur ces quelques points. J'invite sans plus tarder Lisa de Wilde, puis Grant Buchanan, à vous exposer ces questions d'importance vitale.

Mme Lisa de Wilde (présidente, TMN Networks Inc.): Merci beaucoup. Bonjour, monsieur le président et les membres du comité.

Comme mon collègue vient de le souligner, vos travaux sur cette question revêtent beaucoup d'importance pour nous. Nous travaillons dans le domaine de la radiodiffusion au Canada et, pour tout vous dire, nous sommes fiers de faire partie d'une industrie qui offre aux Canadiens des emplois sensationnels et des occasions formidables de se mettre en valeur non seulement sur la scène canadienne, mais aussi sur la scène internationale. À notre avis, il ne s'agit pas du genre de réalisation insignifiante que l'on peut rejeter du revers de la main. Nous allons donc continuer de croire en l'importance des travaux en cours et continuer de travailler fort, jusqu'à ce que nous soyons forcés d'admettre qu'il n'y a plus personne vers qui nous tourner.

Nous avons sacrifié le congé de Noël et des fins de semaine, parce que nous jugions important de vous communiquer clairement nos points de vue. Nous revoici donc, tentant de nouveau de mettre en termes plus simples des notions vaporeuses que l'on pourrait croire très ésotériques.

J'ai deux points à aborder. Premièrement, dans sa forme actuelle, la directive sur la télévision à la carte présente de sérieuses lacunes. Elle sous-estime gravement l'énorme risque qu'elle comporte en ce qui concerne l'acquisition de droits de programmation par les diffuseurs.

Si le projet de directive n'est pas modifié, les producteurs américains de programmation et les distributeurs américans vont gagner une chose qu'ils n'ont jamais réussi à obtenir et qu'ils convoitent depuis des années.

Par sa politique de télévision à la carte, le gouvernement va faire disparaître des services canadiens en détruisant par inadvertance la base économique de la télévision à la carte au Canada. On présume dans la directive qu'il suffit que des droits exclusifs ne puissent être achetés et que cela assurera une protection tout aussi efficace que celle que nous fournit notre bon vieux marché des droits de programmation distincts. Il s'agit d'un marché purement canadien qui protège les radiodiffuseurs canadiens depuis plus de 40 ans et qui leur a permis de contribuer au développement de ce qui est devenu aujourd'hui une industrie de production cinématographique et télévisuelle qui connaît beaucoup de succès. On n'assure pas, en prévoyant la non-exclusivité comme condition d'attribution d'une licence, le même niveau de protection qu'offre le maintien d'un marché des droits de programmation distinct. En réalité cela n'offre presque aucune protection.

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Le problème, c'est que personne ne semble reconnaître qu'il est important de se préoccuper des droits de programmation, alors qu'on a peut-être affaire à un cheval de Troie qui, une fois qu'on l'aura laissé entrer, détruira tout le système canadien.

Deuxièmement, j'aimerais parler de ce qui nous attend ensuite. Il faut examiner attentivement les incidences des droits de programmation. On ne peut pas se contenter de présumer que, dans les prochains processus d'attribution de licences du CRTC, les dispositions de non-exclusivité suffiront à protéger les radiodiffuseurs canadiens et, de ce fait, à préserver leur aptitude à acheter des droits de programmation canadiens.

On est en train de laisser cette question nous passer sous le nez, en se fondant sur des hypothèses erronées, formulées dans un rapport rédigé à la hâte. Nous tenons par conséquent à insister sur le fait que le CRTC devrait examiner cette question de près.

En terminant, jamais le Canada n'a été au bord d'un changement aussi profond et aussi risqué que celui que nous sommes sur le point de connaître. La politique canadienne de la radiodiffusion va littéralement être jetée par dessus bord. Si la directive gouvernementale empêche effectivement le Conseil, votre comité et le public canadien de comprendre ce que sont les droits de programmation et de débattre de cette question fondamentale, nous risquons fort de perdre non seulement la télévision payante, mais tout ce qui sous-tend notre système de radiodiffusion au Canada.

Je passe maintenant la parole à mon collègue, Grant Buchanan.

M. Grant Buchanan (vice-président, Affaires générales, Allarcom Pay Television Limited): Je vous propose de traiter de deux sujets, soit l'accès au service et l'inévitable réaction en chaîne. Je demanderai ensuite à Ric Davies de nous parler des lacunes fondamentales que présente la logique qui a sous-tendu d'abord le rapport du comité, puis ses recommandations. Enfin, Luther Haave abordera la question de la concurrence, ou plus précisément l'absence de concurrence à laquelle donnera lieu l'application du décret sur la télévision à la carte, comme on le propose également dans le décret sur le SRD.

L'accès est, bien sûr, l'une des pierres angulaires de la politique canadienne en matière de communications. Dans un marché aussi vaste que le marché canadien, la façon canadienne de faire consiste à attribuer des licences à un nombre limité de services canadiens, puis à leur garantir l'accès à tous les moyens de distribution disponibles. Cette mesure vise à leur permettre d'atteindre une masse critique suffisante pour produire la programmation et soutenir l'industrie canadienne de la production. Tel a été le pilier de la politique canadienne jusqu'à présent.

Or, cela ne sera plus le cas, à notre avis, si ces directives sont adoptées sans modification. De toute évidence, Power va présenter une demande pour avoir son propre service de télévision à la carte, le câble va faire de même et cela va faire boule de neige. Tous les services de distribution vont vouloir avoir leur propre service et vont commencer à établir des distinctions entre eux en fonction des services offerts plutôt que du prix, de l'emballage du produit, des capacités ou de quelque autre facteur.

Le gouvernement connaît très bien l'importance que revêt l'accès aux services de programmation canadiens. C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement a ordonné au CRTC de lui faire rapport d'ici le 31 juillet sur cette question fondamentale. Son message au CRTC est essentiellement le même que celui que nous vous communiquons, à savoir que nous devrions tous distribuer nos produits les uns les autres et pouvoir participer aux audiences.

Nous demandons tout simplement que cette politique reste en vigueur. Tous les services de programmation canadiens autorisés devraient être distribués par toutes les entreprises de distribution canadiennes. Ce n'est pourtant pas compliqué.

C'est d'autant plus important que Power DirecTv projette de devenir propriétaire de son propre service. Autrement dit, le simple fait que cette compagnie puisse interdire l'accès à un service autorisé du CRTC est déjà assez grave, sans qu'on aille en plus remplacer ce service par un service dont Power sera elle-même propriétaire. On entre alors dans toute la question de la distribution et du contenu, qui est également une pierre angulaire de la politique du CRTC et du gouvernement depuis nombre d'années.

Ce qui m'amène à parler du deuxième sujet que je voulais aborder, c'est-à-dire la réaction en chaîne. On s'est efforcé, dans tout ce processus, de faire comme s'il n'y avait que les entreprises de télévision à la carte. Il n'y a que nous aujourd'hui, mais nous pouvons vous assurer que d'autres viendront.

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Vous pouvez vous attendre à ce qu'il y ait une réaction en chaîne dans tout le système canadien de radiodiffusion, qui prendra naissance dans les services de télédistribution pour gagner ensuite la télé payante et la télé spécialisée, et enfin, les services courants. Tous seront touchés à cause des distinctions artificielles qui ont été créées entre les services de télévision à la carte et les autres services de programmation canadiens autorisés.

Ces arguments sont particulièrement peu convaincants pour nous, comme nous l'avons expliqué avec force détails dans les rapports que nous avons présentés, surtout celui du 2 juin à l'intention du ministre.

Soyez assurés que Mickey Kantor, Jack Valenti, les chaînes ESPN, USSB, HBO et Showtime, et tous ceux qui attendent impatiemment que la porte s'entrouvre ne les trouveront pas le moindrement convaincants.

Il ne sera pas possible de continuer à justifier dans la réglementation un traitement différent pour les services de télévision à la carte qui sont censés être distincts des services canadiens de télévision payante, spécialisés et autres. Il ne fait aucun doute que le contrôle du système canadien de radiodiffusion va nous échapper, tout comme cela s'est produit pour les centres de vidéos, les salles de cinéma et le reste. Et une fois que nous l'aurons perdu, nous ne pourrons le récupérer.

Ce n'est pas comme le Programme national de l'énergie ou le lancement du service de télévision payante au début des années 1980 par exemple, où les joueurs étaient principalement canadiens; en cas de problème, il aurait été possible de tous les réunir pour chercher une solution. Nous vivons maintenant à l'ère de l'ALÉNA. Il y a de forts intérêts américains chez nous et, une fois qu'ils ont le pied dans la porte, il est impossible de s'en défaire.

Comme je l'ai dit plus tôt, la logique qui sous-tend le rapport du comité présente malheureusement des failles.

Je demanderais maintenant à Rick Davies de nous en toucher un mot.

M. Ric Davies (vice-président, programmation, Allarcom Pay Television Limited): Le rapport est fondé sur deux hypothèses de départ qui sont tout simplement erronées. Premièrement, on présume que la télévision à la carte est différente de toutes les autres formes de télévision et qu'elle s'assimile plutôt au club vidéo. Elle a déjà été qualifiée de club vidéo de l'espace.

Une telle hypothèse peut être considérée comme logique du point de vue des consommateurs, mais du point de vue de l'entreprise, on ne pourrait pas être plus loin de la vérité.

Prenons la vidéo domestique par exemple. Lorsqu'un distributeur de vidéo domestique achète une cassette, cette cassette lui appartient. Il peut la revendre, la louer, la garder, l'envoyer à son cousin en Australie, en Angleterre, n'importe où. En fait, le studio ne s'intéresse plus le moins du monde à ce qu'il advient de cette cassette, sauf en ce qui concerne bien sûr les lois sur le droit d'auteur.

Par contre, le distributeur de services de télévision payante n'achète rien. Il négocie une licence à l'égard de certains droits bien précis, pour un territoire précis et pour une période déterminée. En fait, dans tous nos contrats, il est parfaitement clair - c'est écrit noir sur blanc - que le distributeur ne détient aucun droit de propriété sur le produit, lequel demeure la propriété exclusive du studio.

Je tiens à souligner qu'il en va exactement de même pour la télévision payante. Les contrats sont identiques : un droit précis s'exerçant sur un territoire donné pour une période déterminée. Dans les deux cas, la marchandise est en consigne, comme l'a mentionné un témoin. Il n'y a aucune garantie; c'est le nombre de foyers qui captent le film qui fait la différence.

La deuxième hypothèse fondamentale erronée, à laquelle mon collègue de Toronto a fait allusion, est cette impression qu'en posant comme condition d'attribution de licence que l'exclusivité est interdite, on empêche la création de droits nord-américains. Il nous a été donné d'entendre beaucoup de pseudo-théories et d'arguments sur cette question depuis quelques mois.

Je témoigne aujourd'hui devant vous à titre de personne qui a passé toute sa vie adulte à négocier des droits de programmation au Canada. Laissez-moi vous dire que chercher à se prémunir contre les droits nord-américains en exigeant, comme condition d'attribution des licences, la non-exclusivité, c'est faire fausse route.

Voilà des dizaines d'années que nous nous démenons pour faire en sorte que le marché des droits canadiens reste distinct, du point de vue de la radiodiffusion. Ce secteur est sur le point de nous échapper complètement. La question qui se pose est de savoir ce que nous allons obtenir en retour.

M. Luther Haave (vice-président et directeur général, Allarcom Pay Television Limited): Si l'on en croit le rapport du comité sur la diffusion par SRD, nous allons risquer le fruit de 40 années d'efforts dans l'histoire de notre système de radiodiffusion pour accroître la concurrence dans le domaine de la télévision payante. Tout ce processus semble servir principalement à vendre l'illusion de la concurrence dans un segment du marché qui n'existe même pas encore, tout en éclipsant le souci plus important et bien réel des Canadiens qui veulent des services canadiens, rapides, efficaces et durables pour faire concurrence au monopole actuel de leurs fournisseurs ou le supplanter.

.1615

En fin de compte, la mise en oeuvre des ces décrets va surement faire grimper les prix que les consommateurs paient actuellement aux fournisseurs canadiens autorisés pour des films et autres émissions de télévision à la carte.

Quant à la concurrence, M. de Savoye avait parfaitement raison, la semaine dernière, quand il a fait observer, dans une question à l'intention du groupe représentant Power DirecTv, que la concurrence dans l'industrie de la télévision à la carte va mourir de sa belle mort le jour où le consommateur pourra décider s'il achète un appareil de SRD fabriqué par RCA, Thomson ou Sony.

En réponse à cette question, le représentant de Power DirecTv a fait une comparaison fort judicieuse, quoique incomplète. En effet, M. Bell a admis que la concurrence existait seulement au moment de l'achat du matériel et a comparé le choix que ferait alors le consommateur à celui qu'il fait tous les cinq ou dix ans au moment d'acheter une nouvelle automobile. Il a signalé que, pendant toute la durée utile du produit qu'il a acheté, il profite de l'avantage d'avoir pu choisir dans un environnement concurrentiel le modèle et les caractéristiques qu'il jugeait importants.

Fait ironique, Power DirecTv ne vend pas de matériel à ses clients. Ce n'est pas un détaillant de voitures non plus. Ce serait plutôt le carburant des voitures que Power DirecTv souhaite vendre.

L'analogie qu'il conviendrait de faire est de dire que Power DirecTv demande au gouvernement du Canada et au CRTC de modifier les règles afin de pouvoir créer un réseau de stations-service dont il aurait le monopole. C'est le seul endroit au pays où la personne qui achète ce qu'il conviendrait d'appeler une voiture fabriquée par Thomson ou par Sony pourrait faire le plein d'émissions d'information et de divertissement semaine après semaine et mois après mois. Si cela est possible, c'est parce que les nouvelles voitures numériques de General Motors, qui consomment le même carburant que toutes les autres voitures, auront été équipées exprès d'un bouchon de remplissage qui ne permettra au propriétaire de la voiture de ne faire le plein qu'aux stations-service de Power au Canada.

Avant la récente refonte de la politique canadienne de radiodiffusion, les entreprises qui se faisaient concurrence sur l'autoroute canadienne de l'information participaient activement à un processus d'établissement des normes applicables aux bouchons de remplissage de toutes ces nouvelles voitures numériques qui vont faire leur apparition sur notre autoroute de l'information dans les mois et les années à venir. Parmi eux, il y avait des radiodiffuseurs, l'industrie de la câblodistribution et des intérêts dans le domaine de la SRD.

Ce processus, auquel Power DirecTv n'a pas pris part, a été entrepris par SYRPOC, sous la direction d'Industrie Canada. Il était destiné à faire en sorte que des services de programmation canadiens disposent du système de distribution le plus économique possible et que les propriétaires canadiens de voitures numériques puissent à l'avenir faire le plein chez le fournisseur d'émissions de divertissement et d'information de leur choix. Cela n'est maintenant plus possible.

M. Bureau: Pour conclure, monsieur le président, nous vous laissons les documents que nous avions l'intention de vous présenter aujourd'hui et sur lesquels devait porter notre présentation orale, pour que vous puissiez y jeter un coup d'oeil et décider ce que vous voulez en faire.

Je voudrais souligner le fait que les compagnies que nous représentons ont une feuille de route. Nous ne sommes pas des mercenaires à la solde d'intérêts américains. Pourquoi nous serions-nous tant battus pour faire inclure des exemptions culturelles dans l'ALE, l'ALÉNA et dans l'accord du GATT, si nous étions prêts à offrir aux Américains ce dont ils rêvent depuis des années? Vous pouvez dire adieu à l'exemption touchant les produits culturels.

Dès l'instant où il sera permis de détenir des droits nord-américains sur un service canadien et que nous cesserons de défendre les intérêts des agents commerciaux canadiens, c'en sera fini de notre marché des droits canadiens distincts. Comment pensez-vous pouvoir enrayer l'effet d'entraînement après ça?

Nous ne saurions le tolérer; c'est pourquoi nous venons ici dans l'espoir de trouver une solution de dernière minute, et pour vous demander de bien vouloir vous pencher là-dessus. Il y a un certain nombre de questions tout à fait fondamentales à examiner. Si vous n'êtes pas tout à fait convaincus de l'importance critique de ces questions, surtout vu le peu de temps dont vous disposez pour les explorer, confiez au moins au CRTC le mandat de les approfondir avant qu'il ne prenne d'autres décisions à ce sujet. Merci.

.1620

Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Je dépose aussi officiellement nos deux documents.

Le président: Merci beaucoup, et permettez-moi de vous remercier également d'avoir fait un exposé aussi bien intégré pour les deux entités sociales. À mon avis, cela a été bien utile.

[Français]

Je propose que nous commençions par un premier tour de table d'une dizaine de minutes. Madame Tremblay.

Mme Tremblay: Je veux tout simplement préciser, monsieur le président, que j'accepte de rester à cette table parce que nos invités y sont; autrement, compte tenu des circonstances, il aurait valu la peine qu'on se retire de cette table. J'ai peu confiance dans le processus que nous menons, mais je vais essayer de le mener avec diligence.

Depuis que nous tenons ces audiences, depuis que nous entendons des groupes, depuis que je siège à la Chambre, chaque fois que j'en ai eu l'occasion, je me suis levée pour défendre la culture canadienne. Naturellement, nos amis libéraux trouvent parfois étrange qu'une souverainiste veuille défendre la culture canadienne, mais comme je l'ai souvent dit, en quittant le Canada, nous voulons un Canada debout, qui a une culture bien à lui, parce que nous ne voulons pas être les seuls à avoir une culture.

Selon les antécédents canadiens, il y a une culture québécoise perdue dans le monde de l'Amérique du Nord où il n'y aura plus que des Américains. Donc, nous tenons à ce que le Canada garde sa culture. Cela ne semble pas être le souci de certains Canadiens, qui semblent s'en balancer comme de l'an quarante. En tout cas, tant que nous serons ici, nous essaierons de la défendre.

À tous les groupes qui sont venus ici, j'ai dit mon appréhension, ma peur quant au décret, à savoir qu'il rendra vulnérable la culture canadienne. Je vois ici l'introduction d'un marché nord-américain de droits de diffusion qui détruira tout ce que possède l'industrie qu'on a collectivement bâtie et, ce qui est encore plus grave, il n'y aura pas de seconde chance.

Par cela, est-ce que vous voulez vraiment dire que le gros danger, c'est de permettre à Power DirecTv d'avoir accès aux satellites américains? Si on comprend bien ce qui nous a été expliqué, sur l'ensemble des 100 ou 120 canaux qu'elle offrirait, il y en aurait 20 ou 40 qui seraient canadiens et 80 qui seraient d'origine américaine. Donc, on serait déjà envahis par la culture américaine.

M. Bureau: Madame Tremblay, vous mettez le doigt sur un des problèmes fondamentaux que posent les deux directives qui sont devant le Parlement à l'heure actuelle.

Franchement, nous avons autre chose à faire que venir «brailler» pour avoir de la protection. Nous avons démontré, au cours des années antérieures, que nous étions capables de survivre dans bien des circontances difficiles.

La question de l'invasion des signaux américains au Canada n'est pas nouvelle. Elle existe depuis que nous avons un système de radiodiffusion. Dès que les signaux américains en ont été capables, ils ont envahi le Canada par ondes hertziennes. À ce moment-là, il n'y avait pas de câble et ils étaient chez nous, que ce soit à la radio ou à la télévision. Mais, à un moment donné, le Canada a décidé de se donner un système canadien de radiodiffusion distinctif.

À partir de ce moment-là, on a pris les moyens pour empêcher que ces choses-là arrivent, pour empêcher qu'on soit culturellement envahis par les productions américaines. C'est pour cela que, relativement aux systèmes de câble qui ont été mis en place, il y a déjà une trentaine ou une quarantaine d'années, on a mis en place des règles pour assurer que les radiodiffuseurs canadiens ne soient pas carrément dépouillés de leur droit de diffuser des émissions dont ils payaient les droits pour le marché canadien, pour qu'ils ne soient pas dépouillés par le fait que les ondes américaines arrivaient chez nous et pouvaient à tout le moins remplacer les auditoires par d'autres auditoires canadiens qui regarderaient des émissions américaines.

.1625

Donc, on livre une bataille depuis 30 ans pour protéger le marché canadien en tant que marché distinctif, pour protéger les droits de ceux qui achètent des produits et qui les diffusent au Canada. On n'a pas besoin de se raconter des histoires. On a tous besoin des émissions américaines pour faire vivre notre système canadien de radiodiffusion. Il n'y a pas de honte à ça. Il s'agit d'être assez intelligent pour savoir le faire correctement.

L'enjeu d'aujourd'hui, c'est que si les directives étaient approuvées telles qu'elles sont présentées, on serait aux prises avec une compagnie aux États-Unis qui s'appelle DirecTv et qui a des contrats avec tous les studios américains. Ces contrats-là, par coïncidence, sont exclusifs. USSB, qui est un autre service de direct-to-home, comme DirecTv, n'a pas le droit d'acheter ces films-là. On se dit: «Ah, bon! Dans la grande mer américaine, où la concurrence est tellement importante, ils se permettent ces choses-là.»

De plus, DirecTv a un marché potentiel de centaines de millions de dollars. On a un marché potentiel qui est infiniment plus petit. Peut-on sérieusement croire que le jour où Power DirecTv va avoir la permission de s'affilier avec DirecTv, rien ne sera changé dans ce qui se passe à l'heure actuelle et que nous, les détenteurs de droits d'émissions pour le marché canadien, allons pouvoir aller aux États-Unis et leur dire que nous leur proposons d'acheter leurs droits? Ils vont dire: «Écoutez, ils ont déjà été achetés par DirecTv.» Ils n'auront pas été achetés par Power, car Power est un agent de marketing. Ils auront été achetés par DirecTv pour le marché nord-américain. C'est tellement normal, tellement simple. Ajouter le Canada ne coûte rien. Ils vont faire ça et on va en être privés.

Supposons maintenant que les studios disent: «Non, ce n'est pas exclusif; malgré ce qui se passe au États-Unis, ce n'est pas exclusif au Canada.» Pensez-vous qu'on pouvoir concurrencer DirecTv pour acheter les droits canadiens des films alors qu'ils ont un pouvoir d'achat 20 fois plus gros que le nôtre? Qu'est-ce qui peut arriver à ce moment-là? Il peut arriver simplement que DirecTv soit prête à payer aux studios américains un prix plus élevé que celui qu'on peut offrir.

Est-ce qu'on est paranoïaques? Non, car ces gens le font présentement. Ils payent actuellement les studios américains plus que ce que nous, Canadiens, payons pour le même film. On ne rêve pas: cela se fait actuellement.

Qu'est-ce que nous ferons s'ils nous disent: «Si vous voulez les acheter, payez le même prix que les Américains»? Le jour où on payera le même prix que les Américains, on sortira du portrait. On n'est pas capables de fonctionner comme ça parce que chez nous, on utilise des satellites canadiens dont l'amortissement coûte x millions de dollars par année et on n'a pas autant d'abonnés potentiels.

Notre coût de transmission fait qu'on est absolument incapables de faire concurrence aux Américains pour acheter les droits. Pour eux, ça ne coûte rien. Le satellite couvre déjà le Canada. Il ne leur coûtera pas un cent de plus pour envahir le Canada. Quant à nous, nous devrons continuer à payer pour couvrir le marché Canadien. Nous sommes incapables de concurrencer.

Quand on parle de cette obsession de la concurrence qu'on essaye de nous vendre à l'heure actuelle, en oubliant malheureusement les objectifs culturels qui sont dans la Loi sur la radiodiffusion, on ne s'arrête pas à penser à ce que ça va représenter et à ce que ça va coûter.

Quand nous vous disons que c'est dangereux parce que nous ne serons pas capables de payer ces droits-là, cela veut dire, à toutes fins utiles, qu'exclusivité ou pas, on ne sera plus là: il n'y aura plus de service canadien. Il va y avoir un agent de marketing pour un service américain. Quand on sera disparus, DirecTv va peut-être trouver qu'il n'a pas besoin de son agent de marketing, mais ce sera fait.

Comment allez-vous ensuite pouvoir dire aux Canadiens que vous leur enlevez le service parce que ces gens ont manqué à leur parole?

.1630

Cela serait ridicule de penser que c'est une solution de rechange.

On vous dit: Ne pensez pas à Astral ou à Allarcom, pensez au système. Le jour où vous le permettrez pour la télévision à la carte, les mêmes studios offriront aussi la télévision payante. Comment fera-t-on pour dire comme disent les trois sages : «La télévision à la carte, c'est tellement différent. Non, ça ne peut pas s'appliquer!» Voyons donc! C'est une farce!

Je m'excuse si je m'emporte, madame Tremblay, mais cela fait quelques années qu'on...

Mme Tremblay: J'ai bien aimé votre explication.

Le président: Cette explication a été fantastique, mais elle a duré dix minutes. Pouvez-vous attendre le tour suivant, monsieur de Savoye?

[Traduction]

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): J'aimerais vous remercier d'avoir accepté d'assister à notre séance aujourd'hui. Je suis tout à fait d'accord pour dire que le processus actuel pose un problème, mais ce problème existe depuis toujours non seulement au sein de ce comité, mais au sein du ministère du Patrimoine, et notamment depuis le projet de loi C-53.

Je tiens également à vous dire que je crois fermement en l'intérêt de la concurrence. Dans mon optique, c'est le marché et les consommateurs qui décident de l'orientation du marché; il faut évidemment prévoir des choix. Mais en même temps, le système dans son ensemble dépend d'une technologie qui s'est beaucoup perfectionnée. Malheureusement, ce qui reste au Canada, ce sont des règlements qui sont tellement dépassés qu'ils ne valent plus rien.

Cela dit, je voudrais en revenir à une observation que vous avez faite au sujet de la possibilité qu'on cesse de pouvoir exercer le moindre contrôle sur notre système de radiodiffusion. S'il est vrai que ce sont les consommateurs qui vont décider en fin de compte de l'orientation du marché, même si je suis en faveur de la concurrence, je ne suis pas nécessairement pessimiste: je ne crois pas que les Canadiens vont rejeter du jour au lendemain tout ce qui leur a été offert au Canada par le truchement de notre système de radiodiffusion, qu'on parle de la télévision ou de la radio. Je ne suis pas du tout convaincue que les Canadiens vont abandonner leur culture et tout ce que notre système canadien a de positif. En même temps, j'estime que nous n'avons pas suffisamment mis à l'essai les possibilités que présente le marché à l'heure actuelle.

Malheureusement, notre cadre de réglementation était à ce point lourd que nous n'avons pas pu progresser avec la technologie. De plus, il y a eu des cas d'ingérence et de travail en coulisse, et c'est la raison pour laquelle nous avons maintenant à régler ce problème du CRTC et des décrets du gouvernement.

J'aimerais donc connaître votre réaction à ma position, c'est-à-dire la nécessité d'avoir de la concurrence et de créer un marché sain, et ma conviction que les Canadiens vont continuer de vouloir obtenir des émissions canadiennes, si ces dernières sont des émissions de qualité élevée qui suscitent leur intérêt. Je pense que nous devons faire l'effort de refidéliser cette partie de l'auditoire canadien que nous avons perdue au profit des Amériains. En ce qui me concerne, c'est tout à fait clair. J'aimerais donc entendre votre réaction à ces quelques observations.

M. Bureau: Quand on parle des risques, le vrai problème n'est pas que les détenteurs actuels de licences ne veulent pas avoir de concurrents et veulent simplement protéger leur territoire en disant: «Si nous devons concurrencer des sociétés américaines, nous allons disparaître. C'est terrible! Vous n'allez pas nous faire ça? Nous sommes des gens bien intentionnés». Là n'est pas la question. Le fait est que pour l'intant, on appuie l'illusion de la concurrence.

Selon nous, il ne faut pas croire que dès que nous entérinerons le concept des droits nord-américains, les Canadiens cesseront de soutenir les entrepreneurs canadiens qui leur offrent quelque chose qui les intéresse. Le problème, c'est que les entrepreneurs canadiens n'auront pas accès à une proportion très importante de ce qui est offert. Ils ne pourrront donc plus soutenir leur propres services et les Canadiens cesseront de s'y intéresser. C'est normal parce que les émissions de bonne qualité qui viennent des États-Unis ne seront alors plus offertes par les services canadiens. Nous finirons par détruire l'esprit d'entreprise canadien qui fait partie du réseau compliqué qui s'est construit au fil des ans et par permettre à quelqu'un qui a de l'aide des États-Unis de le reprendre à son compte.

.1635

Ce n'est pas que les Canadiens cesseront d'y donner leur appui, mais les services canadiens n'auront pas cet ingrédient et ils seront par conséquent de moins en moins attrayants et auront de moins en moins d'appuis. On ne pourra pas reprocher aux Canadiens de changer dans ce cas-là. Si l'on veut de la concurrence, il faut établir des règles du jeu équitables. Pour le moment, nous ne pouvons tout simplement pas faire concurrence à DirecTv; c'est impossible.

Ce n'est donc pas parce l'on ne se bat pas avec suffisamment d'ardeur. Nous disparaîtrons, un point c'est tout et il n'y aura pas de concurrence.

J'ai quelque chose à ajouter et croyez bien que je n'essaie pas de vous empêcher de poser d'autres questions; je tente seulement de m'assurer que nous nous comprenons bien à ce sujet. Par ailleurs, comme l'a dit M. Haave, lorsqu'on a choisi une technique comme celle de DirecTv, on ne peut plus changer, parce qu'on a investi un millier de dollars et que l'on ne tient pas à changer de système du jour au lendemain.

On n'a pas le même genre de choix que dans le cas de Unitel et Bell. Dans ce cas-là, il est très simple de changer de compagnie. Cela ne coûte rien de passer de l'une à l'autre, c'est du moins ce qu'elles prétendent.

Ce n'est pas la même chose dans ce cas-ci. Quand on a acheté cette antenne parabolique, on est coincé avec. On a investi un millier de dollars. Personne ne s'attend à ce que vous disiez peu après que vous avez le choix et que vous en achèterez une autre pour pouvoir capter les chaînes d'Expressvu parce que vous avez fait une erreur en achetant celle de DirecTv.

Par conséquent, le concept de concurrence est bien plus important qu'il ne paraît. Il ne faut pas se laisser prendre au piège et prétendre qu'on agit pour favoriser la concurrence parce qu'en fin de compte, toute concurrence disparaîtra et en même temps certains éléments qui essaient de continuer à faire valoir les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

M. Buchanan: J'ai quelque chose à ajouter aux propos de M. Bureau. Si je comprends bien, vous habitez Calgary où il y a un aéroport et quatre vols directs vers Ottawa par jour. Nous habitons Edmonton où nous profitons des bienfaits de la concurrence et où nous avons un vol direct par jour vers Ottawa.

À notre avis, en matière de concurrence, il faut faire preuve d'une extrême prudence quand on veut greffer quelque chose qui a des implications culturelles et il faut s'assurer qu'il y a réellement des avantages. En l'occurrence, nous avons démontré clairement dans nos mémoires que nous ne pensons pas que ce sera le cas. Il existe un problème d'équipement qui a été signalé à maintes reprises et également un problème de programmes. Pourquoi nos tarifs actuels pour les films à la carte sont-ils inférieurs à ceux que pratiquent DirecTv aux États-Unis, alors que nous avons le monopole? Est-ce là ce qu'on appelle les avantages de la concurrence?

Je ne comprends pas pourquoi on s'attend à ce que le prix des films à la carte baisse quand les gens seront coincés avec un appareillage qui coûte 1 500$. Premièrement, il commence déjà à augmenter. Si l'on y tient, je suis bien d'accord, mais on ne propose pas un modèle comportant par exemple deux ou trois services de télévision à la carte qui se font concurrence sur un seul réseau de distribution, pas du tout. Chaque entreprise veut son système à la carte et son réseau de distribution.

Cela ne marche pas du côté des films proprement dits. On ne diffusera jamais sur un réseau de 80 chaînes un film que l'on ne peut pas voir sur un réseau de 20 ou de 10 chaînes, par exemple. Le film passera seulement un peu plus souvent, un point c'est tout. La question que nous nous posons depuis le début de cette histoire est la suivante: cette possibilité vaut-elle la peine que l'on se déleste du réseau canadien de radiotélédiffusion? Non.

J'ai terminé.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Merci.

.1640

Votre frustration n'a d'égale que la mienne. Quand les choses ont-elles commencé à s'éclaircir au cours de toutes les discussions qui ont eu lieu à la Chambre des communes au sujet des services de radiodiffusion directe à domicile et de télévision à la carte, alors que la procédure était plutôt boîteuse? Y a-t-il des intervenants qui ont eu recours à des méthodes douteuses?

Pour ce qui est de l'égalité, on n'a jamais dit ouvertement à la Chambre ce qui se passait en réalité. J'apprécie ces commentaires, car ils sont très judicieux et ils méritent d'être consignés au compte rendu.

Il y a un autre sujet que je voudrais aborder, celui de la distribution. Vous nous avez montré un article où vous parlez de fusion du marché américain et canadien dans ce domaine. Je vois que cela a un certain rapport avec la discussion et je voudrais par conséquent que vous nous donniez des explications plus précises à ce sujet.

C'est que je me renseigne et que je tiens à ce que l'on note quelles seront les incidences de cette décision sur notre réseau de télédiffusion si nous ne sommes pas en mesure de faire face à la concurrence et que le Canada se fait engloutir dans le réseau de distribution américain. Cela concerne la distribution des films dans le monde entier.

M. Bureau: Avant que l'on réponde, je tiens à rappeler à toutes les personnes ici présentes qu'il y aura une certaine concurrence entre les sociétés de télédistribution canadiennes et Expressvu.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Oui.

M. Bureau: Par conséquent, ce n'est pas comme s'il ne devait pas y avoir de concurrence ni comme s'il existait un monopole quelconque. Il y aura bel et bien de la concurrence.

Mme de Wilde: Dans l'article que nous avons glissé dans la série de documents que nous avons remis à la greffière, il est question d'une série spéciale de films qui ont été rassemblés à l'occasion du centenaire de la création du cinéma. En bref, je signalerai que toute une série de pays aussi différents que la Nouvelle-Zélande ou l'Angleterre ont participé à la préparation de cette série, mais pas le Canada, car pour les producteurs américains, notre pays fait partie de leur marché intérieur. Nous avons donc perdu notre place.

Cela ne devrait pas arriver, car il existe un cinéma canadien assez important. Cela se produit à cause de l'organisation du marché des droits sur les émissions.

Par contre, nous avons notre propre réseau de radiodiffusion qui est composé de stations de télévision, de réseaux spécialisés et de services de télévision payante et de télévision à la carte, qui dessert tout le pays. Cela montre que lorsqu'on crée un marché unique, on perd quelque chose d'important.

M. McKinnon: Je suis un membre officiel du comité. J'ai écouté tous les exposés. Si l'on vous doit des excuses pour ne pas être parvenus à entendre vos témoignages plus tôt, je suis prêt à les faire. Nous avons toutefois eu beaucoup de difficultés et de complications au cours des derniers jours.

Dans quelle mesure tenez-vous à ce que l'on maintienne l'organisme de réglementation dans votre secteur? C'est ma première question. Je voudrais que quelqu'un essaie d'y répondre.

M. Bureau: Je suis évidemment légèrement partial. Je tiens à vous le signaler tout de suite pour que vous puissiez en tenir compte.

À part cela, il suffit d'observer ce qui s'est passé dans tous les autres secteurs culturels qui ne sont pas réglementés, où personne ne s'occupe des objectifs culturels. L'industrie du disque a disparu. Il en est de même en ce qui concerne les livres, les films projetés en salle et les magasins de location de vidéos. Que reste-t-il? Une seule chose: le réseau de radiodiffusion canadien. C'est notre dernier bastion.

Que se passerait-il si l'on vous demandait si vous voulez que l'on disparaisse et si l'on faisait la même chose dans le domaine du cinéma? Eh bien, 97 p. 100 des films projetés sur nos écrans seraient des films américains. Pas 60 p. 100 ni 40 p. 100, mais 97 p. 100. C'est ce qui arriverait en l'absence de toute réglementation.

.1645

Nous avons confié la responsabilité dans ce domaine au bureau de la concurrence. Il a dit que deux grosses entreprises américaines - mais ce n'est pas cela qui importe en l'occurrence - peuvent s'installer ici, pour autant qu'il y ait une certaine concurrence. Cela signifie qu'elles ne peuvent pas acheter plus de quatre studios chacune. Elles se feront concurrence. C'est bien. C'est même formidable. C'est tout à fait conforme à l'esprit et aux objectifs de la Loi sur la concurrence.

Nous, les Canadiens, avons toutefois oublié un autre aspect. On se dit qu'il faut éviter à tout prix d'imiter le terrible exemple qui nous crève les yeux, dont nous ne pouvons pas nier la présence.

C'est ce qui se passe quand il n'existe pas d'organismes de réglementation. Vous ne l'aimez peut-être pas. Je sais ce que c'est. Il y a même des gens ici qui m'en ont voulu. Tant pis.

En tout cas, si l'on abandonne ce secteur, c'est fini.

M. Buchanan: J'ai un petit commentaire à faire. À mesure que nous progressons sur la voie de l'autoroute de l'information - et cela se fait de plus en plus vite et à une échelle de plus en plus grande - , les autorités chargées de la réglementation auront des questions différentes à régler. Elles ne seront pas les mêmes. Cela ne se passera pas de la même façon.

Je crois qu'il faut éviter d'alimenter le mécontentement actuel de la population au sujet de certains produits qui lui ont été vendus alors que le conseil les empêche de capter des centaines de signaux ou de chaînes - il s'agissait en fait de belles promesses en l'air - pour s'intéresser à ce qu'ils feront en fin de compte. Il y a toute une série de questions qui se posent, notamment en ce qui concerne la protection de la vie privée, la violence et les droits d'auteur. Il y a aura des problèmes gigantestques à régler au cours de la prochaine décennie dans le contexte de l'inforoute.

Je dirais qu'il est prématuré de dire d'emblée que l'on pourrait se passer d'organismes de réglemenation. Je reconnais que celui-ci est peut-être en butte à certaines critiques pour le moment, mais quand les choses se seront calmées, nous verrons qu'il aura un rôle très important à jouer au cours des années à venir.

M. Haave: Je tiens à signaler que s'il n'en existait pas, que si les télédiffuseurs canadiens pouvaient décider de s'affilier à ABC, à NBC ou à CBS, c'est ce qu'ils feraient parce que c'est ce qui leur permettrait de gagner de l'argent. Ils pourraient se contenter tout simplement de diffuser des émissions étrangères et être directement affiliés à ces réseaux.

C'est grâce aux règlements qui les obligent à investir dans la création d'émissions d'affaires publiques que les gens regardent W5, par exemple, au lieu de devoir se contenter tout le temps de regarder des émissions américaines comme 20/20.

Si les règlements disparaissent, je me demande même comment les membres de comités comme celui-ci pourront se faire entendre dans leurs circonscriptions. Tout cela pourrait s'effondrer et tout notre réseau deviendrait un conduit pour les émissions étrangères.

M. McKinnon: On a déjà parlé de concurrence et on pourrait peut-être approfondir un peu le sujet. D'une manière générale - et j'insiste là-dessus - du point de vue du consommateur, la concurrence favorisera le développement de l'infrastructure ou de l'équipement nécessaire pour obtenir un service plus efficace à moindre prix. Je tiens moi aussi à ce que le consommateur obtienne la meilleure qualité et le meilleur choix pour le meilleur prix.

Que deviendrons-nous cependant si nous perdons notre identité culturelle? J'ai l'impression que c'est votre principal souci. Comment résoudriez-vous ce dilemme si vous étiez à notre place ou à leur place?

.1650

M. Bureau: Je vais essayer de répondre à votre question et j'espère que mes collègues donneront des précisions supplémentaires.

Premièrement, il y aura de la concurrence entre le télédistributeur et les services de télédiffusion directe à domicile. Par conséquent, 87 p. 100 des Canadiens, ceux qui ont déjà accès au service de télédistribution, pourront faire un choix.

Deuxièmement, nous n'avons rien contre la concurrence. Nous estimons toutefois qu'il faut s'assurer qu'elle soit équitable, réelle et viable et qu'il ne s'agisse pas d'un semblant de concurrence. Voyons comment cela peut se faire dans un marché comme le marché canadien. Il ne faut pas donner aux Américains l'occasion de venir ici et de détruire ce que nous avons.

Nous n'avons rien contre la concurrence. Nous essayons toutefois de vous faire comprendre qu'il faut étudier la question avant de réaliser des projets qui risquent de la détruire.

Vous nous demandez ce que nous ferions si nous étions à votre place. Je vous dirais bien franchement que si l'on était 40 jours plus tôt ou 33, ou 27 parce que l'on a toujours eu une façon spéciale de calculer à Ottawa, et par conséquent, je ne suis pas étonné que l'on n'arrive pas à s'entendre sur le nombre de jours écoulés...

M. McKinnon: Je ne compte pas de la même façon.

Le président: Je me permets d'interrompre pour signaler que, d'après notre attaché de recherche qui a communiqué avec les services juridiques du ministère de l'Industrie, l'échéance de 40 jours - on se croirait en plein contexte biblique - tombe le 23 juin, c'est-à-dire vendredi. C'est ce que j'ai toujours pensé.

M. Bureau: Nous sommes en train d'examiner une question très importante. Certaines personnes vous ont dit de ne pas vous en faire au sujet de la clause d'exclusivité parce que l'on avait réglé le problème. Nous tenons à vous dire que ce n'est pas vrai. Cela ne suffit pas pour résoudre le problème. Il est bien plus profond et ce sera beaucoup plus difficile que cela. J'ai expliqué il y a quelques minutes ce qui se passera et pourquoi la non-exclusivité ne résoudra pas le problème.

Il conviendrait peut-être de prolonger le délai, à notre avis. Nous avons malheureusement une échéance très stricte à respecter. Si vous n'êtes pas entièrement satisfait, adressez-vous à un organisme qui a de l'expérience, qui a les moyens d'écouter tout le monde et qui soit capable de trouver des témoins, par exemple.

Demandez-lui de s'arranger pour que nous ne perdions pas notre marché distinct en ce qui concerne les droits. Il serait peut-être très utile que vous donniez au moins l'occasion à cet organisme d'examiner la question et de donner à tout le monde la possibilité de témoigner et d'exposer ses opinions.

Mme de Wilde: Nous estimons que la direction ne devrait pas empêcher le conseil d'examiner la question des droits liés aux émissions, lorsqu'il s'agit d'octroyer un permis. Ne fermez pas la porte. Voilà la recommandation que nous avons à vous faire.

Le président: Merci. D'après ma liste, nous sommes encore deux à vouloir poser des questions: M. de Savoye et moi-même.

[Français]

M. de Savoye: J'ai plusieurs questions à poser, mais la dernière question devrait en principe les chapeauter toutes. On est devant les morceaux d'un casse-tête. Les témoins sont venus tour à tour nous présenter des morceaux, je les ai étendus devant moi et j'essaie de les assembler. Il y a un morceau qui me manque encore, qui va peut-être réussir à rattacher tout cela.

Premièrement, pourquoi Power DirecTv exige-t-elle d'utiliser un satellite américain, alors qu'Expressvu peut se contenter d'un satellite canadien? Ou encore, pourquoi Power DirecTv ne concurrence-t-elle pas sur le même terrain qu'Expressvu? Pourquoi lui faut-il une patinoire de dimension différente?

.1655

Pourquoi le rapport des trois sages se résume-t-il à une étude de procédures et d'accord de licences, sans aucune recommandation sur la compatibilité des protocoles de transmission, ce qui est pourtant la seule garantie d'une concurrence avantageuse pour le consommateur? Pourquoi le rapport des trois sages recommande-t-il des critères de licences qui ouvrent la porte toute grande à la culture américaine, sans aucune étude d'impact sur la culture canadienne?

On ne construirait pas un poste d'essence sans vérifier si cela ne pourrait pas avoir des impacts écologiques! On ferait des audiences publiques de longue durée. Ici, c'est la culture canadienne, d'un océan à l'autre, qui est en cause, et on n'a que 40 jours. C'est une vraie traversée du désert.

Pourquoi le ministre de l'Industrie nous répète-t-il que les décrets vont assurer une saine compétition, alors qu'il est maintenant évident que ça ne sera pas la situation, qu'au contraire, ça va enclencher une domination américaine?

Pourquoi Power Corporation a-t-elle établi pour le Conseil privé le chemin critique, the critical path, de la mise en vigeur des décrets? Et pourquoi le gouvernement est-il en train de l'appliquer à la lettre, ce chemin critique? L'échéancier du CRTC, eu égard aux décrets, est le 23 juin, le jour même où on ajourne la session pour le reste de l'été. Pourquoi les décrets bousculent-ils les règles habituelles du jeu?

Il y a beaucoup de morceaux au puzzle. Pourquoi les délais très courts ne permettent-ils pas d'approfondir ces questions? Où est l'intérêt du public, l'intérêt du consommateur? Où est l'intérêt de notre industrie culturelle?

Mon dernier morceau, c'est celui qui me manque. Je suis convaincu que vous pouvez éclairer ma lanterne. De combien de dollars est l'enjeu? De combien d'argent parle-t-on?

Mme Tremblay: On parle de combien de milliards?

Le président: Voilà une des petites questions de M. De Savoye. Comme d'habitude, sa question a duré trois minutes et 20 secondes. C'est une belle question avec beaucoup de possibilités. Allez-y.

M. Bureau: Je vais essayer de répondre de façon succincte à chacune des neufs questions que j'ai prises en note, mais j'espère que mes collègues se sentiront à l'aise pour ajouter.

Premièrement, pourquoi Power DirecTv s'est-elle associée aux États-Unis alors qu'Expressvu peut le faire?

Ces gens sont subventionnés à 100 p. 100 parce qu'ils n'ont pas un cent à payer en distribution. La distribution est déjà payée aux États-Unis par le satellite qui couvre déjà le Canada. Cela fait une sacrée différence. Nous étions prêts, nous, Canadiens, à faire les choses différemment, à payer comme on l'a toujours fait, avec l'idée que nous allions faire de l'argent avec ça éventuellement. C'est seulement parce que ces gens veulent le faire plus vite.

Pourquoi le rapport des trois sages ne parle-t-il pas des normes? Ils en parlent, mais ils en parlent dans un paragraphe et ils les mettent de côté. Ils ne font pas de recommandations à cet égard.

Pourquoi les critères de licences ouvrent-ils la porte à la culture canadienne? Parce que ça correspondait à la demande de Power DirecTv.

Pourquoi l'industrie prône-t-elle tellement la concurrence? On ne peut pas leur en faire le reproche. Ce sont ces gens qui ont la responsabilité d'appliquer la Loi sur la concurrence. C'est une de leurs préoccupations, un de leurs mandats. Je ne vois pas d'objection à ça, mais je dis: N'oubliez pas l'autre. On a aussi une loi qui s'appelle la Loi sur la radiodiffusion qu'un autre ministre et un autre ministère ont la responsabilité de défendre et qui contient, elle, des obligations culturelles. Il faut essayer de concilier les deux. Dans le cas présent, on a oublié un objectif et on a retenu l'autre comme étant le seul objectif à suivre.

M. de Savoye: N'est-il pas vrai qu'on n'aura pas une concurrence, mais une dominance?

M. Bureau: On n'aura pas de concurrence; elle va disparaître au bout de quatre mois.

On arrive à la dernière question. Vous avez parlé de l'enjeu. On va y venir.

Pourquoi est-on en train de suivre à la lettre le critical path établi par Power DirecTv? Je ne peux pas répondre à cette question. Je peux me la poser, mais je ne peux pas y répondre.

Pourquoi les délais sont-ils aussi courts? Moi aussi, je me le demande. On est en train de faire une étude d'un sujet important pour notre système, pour notre identité culturelle au Canada. Pourquoi est-ce qu'on est bousculés tout à coup? Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qu'il y a de si urgent? Est-ce qu'il y a une échéance dans les contrats entre Power et DirecTv? Qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'il faut arriver avant Noël pour vendre nos soucoupes?

.1700

Où est l'intérêt du public? Premièrement, il va y avoir un service de télévision en direct, au même prix que ce qu'on pourrait avoir aux États-Unis. Il va y avoir de la concurrence entre le câble et la télé en direct. Où est le problème? Il va y en avoir un! Alors, pourquoi essaie-t-on de prétendre que l'un des deux qui vont offrir le service sera beaucoup plus apte à répondre aux besoins du public? Le public va l'avoir, la concurrence. Il va avoir les mêmes émissions, mais l'un des deux va pouvoir annuler l'autre. Ils vont pouvoir annuler le «canadien» et le «canadien» fait partie d'un système très complexe qui est composé de petits blocs.

Vous parliez de vos morceaux de puzzle. Je vais vous parler des blocs du système canadien de la radiodiffusion. Tous les blocs se tiennent ensemble. Si on se met à en faire sauter un en prétendant qu'il n'est pas important, vous allez voir ce qui va arriver: les autres vont tomber, eux aussi.

Quel est l'enjeu en termes de dollars? Ce n'est pas en termes de dollars que je le calcule. En termes de dollars, ce n'est pas seulement la télé à la carte qui compte. C'est beaucoup plus que cela. C'est tout le système canadien de radiodiffusion qui va s'effriter graduellement le jour où on va avoir permis cette entrée en jeu.

Ce sont des centaines de millions de dollars. Le secteur canadien de la radiodiffusion et du cinéma, à l'heure actuelle, contribue au produit intérieur brut 7 milliards de dollars, ce qui n'est pas peu! On ne parle pas de 150 employés. On parle d'un important système canadien.

M. de Savoye: On est en train, comme on dit en bon français, de «flipper» le 10c. sur 7 milliards de dollars.

M. Bureau: Je vais aller plus loin. On envie les États-Unis parce qu'ils sont devenus les plus gros exportateurs de produits d'entertainment au monde, ce qui comprend le cinéma, la télévision et ainsi de suite. Actuellement, on est les deuxièmes: on exporte déjà pour 132 millions de dollars de nos produits à travers le monde et on voudrait mettre cela en danger? Mais c'est un secteur de croissance extraordinaire! On a une infrastructure de production indépendante comme il n'en existe pas à travers le monde, sauf aux États-Unis, et on voudrait mettre ça en péril?

Juste au point de vue économique - oublions l'aspect culturel comme d'autres l'ont fait - , on serait fou de faire ça! Tous les autres pays du monde nous regardent et disent: Eux, ils sont organisés, ils savent comment faire, ils ont réussi malgré la présence des Américains et ça marche! Exporter pour 132 millions de dollars par année, il faut le faire! Notre système fonctionne. Pourquoi est-ce qu'on le laisserait aller? L'enjeu est très large, au point de vue culturel et au point de vue économique.

L'apport des secteurs canadiens de la radiodiffusion et du cinéma au PIB, au Canada, s'élève annuellement à près de 7 milliards de dollars.

[Traduction]

M. Buchanan: Si vous me permettez, je voudrais faire une observation liée à la question que vous avez soulevée au sujet de la pertinence du CRTC et à la question posée par M. de Savoye. Nous vous exhortons aujourd'hui à permettre au CRTC d'examiner en profondeur cette question lorsque les audiences d'octroi de licences vont commencer.

Nous trouvons très inquiétant l'approche «minimaliste» prônée par Power DirecTv pour l'octroi des licences, où il suffit de se présenter, d'affirmer qu'on est canadien et de respecter certains critères minimaux pour obtenir une licence. Pour nous, ce n'est pas ainsi que doit fonctionner le système. Encore une fois, nous avons insisté là-dessus dans notre exposé oral, dont nous vous avons remis une copie. Nous vous invitons par conséquent à l'étudier plus en profondeur, et notamment les pages 4 et 5, quand vous en aurez le temps.

Pour nous, c'est totalement inadmissible. Nous sommes d'accord avec vous pour dire qu'on doit accorder au CRTC un accès inconditionnel aux documents pour lui permettre d'analyser l'incidence du concept des droits nord-américain et l'incidence notamment sur les autres intervenants, non seulement au sein du secteur, mais partout au Canada. Comme nous vous l'avons dit tout à l'heure, il y a nécessairement un effet de percolation. Il est donc essentiel de tenir également compte des effets économiques et culturels.

Il ne devrait pas suffire de se présenter, de prouver qu'on est une firme constituée en société au Canada et qu'on va remplir la condition relative au 5 p. 100 des recettes, et voilà. Je pense que le conseil est capable de faire beaucoup plus pour le système de radiodiffusion canadien, et ce dernier mérite beaucoup plus.

Le président: Si vous me permettez, je voudrais intervenir pour vous poser quelques questions.

M. McTeague m'a demandé de commencer par celle ci: dans certains cas, je crains qu'on se mette un peu dans l'embarras en vous posant des questions très fondamentales, mais à titre d'information, pourriez-vous nous dire si vos services, c'est-à-dire ceux d'Astral et d'Allarcom, ont besoin de satellites pour assurer la liaison avec les systèmes de câblodistribution? Comment votre système fonctionne-t-il sur le plan technique?

.1705

Une seule réponse suffira pour vous deux, si c'est la même que vous avez à donner.

M. Bureau: Pour dire les choses simplement, la réponse est oui.

Le président: Comment cela fonctionne-t-il?

M. Bureau: En passant, cela fonctionne très bien.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Bien. Il s'agit d'un satellite canadien, je présume?

M. Bureau: Bien sûr, comment pourrait-il en être autrement?

Le président: Alors, comment vous y prenez-vous?

M. Bureau: Nous utilisons des satellites pour distribuer nos services. De fait, nous utilisons même la compression vidéonumérique. C'est nous qui avons été la première entreprise nord-américaine à utiliser la compression vidéonumérique et cela fait plus d'un an que nous y avons recours pour distribuer nos services de télévision payante.

Nous utilisons toutes les nouvelles technologies. Nous sommes parmi les meilleurs clients de Télésat Canada, car à l'avenir, nos services existants occuperont une part de plus en plus grande de la capacité de cette entreprise.

Le président: Donc, essentiellement, ce que vous faites tous les deux à partir de vos installations de tête de ligne respective, c'est d'envoyer le signal au satellite et ensuite d'arroser les divers canaux distributeurs qui le redistribuent. C'est bien cela?

M. Bureau: Oui, et dans quelques mois il y aura un service de radiodiffusion directe, ce qui signifie que nos services seront également envoyés en liaison montante. Les signaux seront envoyés au satellite en question et pourront être captés dans tous les foyers canadiens grâce aux satellites superpuissants.

Le président: Permettez-moi maintenant de passer à la question suivante, qui est une de celles que je veux poser.

Un des mots favoris de ce comité est «adressables» ou «capacité d'adressage». Nous adorons ce mot. Je remarque qu'à la page 3 de l'exposé d'Astral, on peut lire qu'au Canada, les réseaux de câble atteignent 8 millions de foyers, dont 650 000 «adressables». Est-ce que cela signifie que vos services peuvent être captés dans 650 000 ou dans 8 millions de foyers, ou que le chiffre se situe quelque part entre ces deux-là?

M. Bureau: Les services de télévision à la carte?

Le président: Oui.

M. Bureau: Mme de Wilde va répondre à cette question.

Mme de Wilde: Lorsqu'on parle de capacité d'adressage, cela signifie siplement que le câblodistributeur, à partir de ses installations, peut désembrouiller le signal de programmation que vous et moi recevons chez nous. C'est une forme d'interactivité plus perfectionnée entre votre câblodistributeur et vous. Les 8 millions de foyers sont tous des foyers câblés; parmi eux, il y a ceux où l'on trouve les fameuses boîtes sur le dessus du poste de télévison.

Le président: Entre les deux entreprises que vous représentez, qui se partagent en quelque sorte la moitié nord du continent, combien de foyers peuvent disposer de votre service?

Mme de Wilde: Entre nous deux, environ 650 000.

Le président: Je vois. C'est donc sur cette échelle que vous opérez actuellement?

Mme de Wilde: Exactement.

Le président: Et avec les changements qui se profilent à l'horizon, vous allez opérer sur une plus grande échelle?

Mme de Wilde: Oui, car le marché du SRD aura en réalité pour effet d'ajouter un nouveau canal de distribution qui nous permettra d'envoyer notre signal dans les foyers; par conséquent, pour nous, c'est un nouveau marché qui ouvre des perspectives assez intéressantes.

M. Haave: Les câblodistributeurs vont également adopter la compression vidéonumérique et installer une version numérique des boîtes que l'on place au-dessus de la télévision, et nous espérons que cela va augmenter de façon spectaculaire le pourcentage des foyers câblés qui seront adressables et qui pourront capter nos services.

Je pense que vous êtes d'accord avec cela, Lisa.

Le président: Combien, et dans combien de temps, en gros?

Mme de Wilde: Ce sont les intéressés qui pourraient vous répondre, mais je pense que le plus tôt sera le mieux.

Le président: Vous espérez qu'il y en aura beaucoup?

Je pense que c'est M. Bureau qui faisait remarquer que 97 p. 100 des films que les Canadiens vont voir au cinéma sont essentiellement américains. Il se peut que vous vouliez répondre à cette question l'un après l'autre ou donner un chiffre global. Des revenus que vous tirez des services de télévision à la carte offerts dans les 650 000 foyers qui peuvent les capter, quel est le pourcentage provenant de produits canadiens?

C'est la première question. Pourquoi ne pas commencer avec cela?

M. Haave: En ce qui concerne Home Theater, je dirais que les revenus que nous tirons actuellement des films canadiens offerts à la carte se situent autour de 5 p. 100 du total de nos revenus.

Ce qui est intéressant, c'est que nous sommes tenus, en vertu des conditions de licence imposées par le conseil, d'investir une part significative de l'argent que nous gagnons sur la vente de films non seulement canadiens mais également américains, dans la création d'une programmation canadienne plus abondante. Telle est l'alchimie du processus de réglementation dans ce pays.

Lorsqu'on consomme des programmes américains au Canada, c'est par le biais d'une entreprise de distribution qui est obligée, par l'entité chargée de réglementer le secteur, de consacrer une partie des bénéfices réalisés sur la vente de programmation étrangère à la stimulation d'objectifs culturels canadiens.

.1710

Le président: Mais le chiffre à retenir est 5 p. 100.

M. Haave: C'est exact.

Le président: Quel est le chiffre à retenir en ce qui vous concerne?

M. Haave: On parle du revenu.

Mme de Wilde: Comme ça, je dirais que c'est plus près de 10 p. 100, mais en plus de cela, chaque année depuis que la licence nous a été octroyée, nous avons investi 1 million de dollars supplémentaire dans la production de nouveaux films canadiens sous forme de participation au capital.

Je pense qu'il faut aussi inclure cela dans la toile de fond. Il s'agit d'un service dont les revenus bruts s'élèvent à 8 millions de dollars et, par conséquent, à l'heure actuelle, c'est une activité de très petite envergure. Ce point est important car il s'agit d'un nouveau service.

M. Buchanan: J'allais justement ajouter que c'est un domaine qui a de l'avenir. Je ne pense pas qu'il y ait dans cette salle ou ailleurs qui que ce soit qui ne soit pas persuadé que la télévision à la carte est le service le plus prometteur. Il est important d'occuper le terrain, de se faire une place à la base et d'attendre que cela se développe. Une des conditions qui nous sont maintenant imposées, c'est que 30 p. 100 de nos revenus soient réinvestis dans la programmation canadienne. Cela pourrait représenter un chiffre énorme, dès que nous aurons réglé le problème technologique qui se pose actuellement avec les câblodistributeurs.

À mon avis, se concentrer sur un chiffre absolu aujourd'hui, ce n'est pas la bonne façon de procéder. L'important, c'est l'avenir, pas le passé.

Le président: Pour revenir un peu sur le passé, quel est le pourcentage de vos revenus actuels que vous tirez des films réservés aux adultes?

M. Bureau: Des films réservés aux adultes?

Le président: C'est l'expression polie que l'on emploie pour désigner ces films.

M. Davies: En ce qui concerne notre service, je peux vous répondre très rapidement; c'est zéro.

Le président: Vous ne passez pas de films réservés aux adultes?

M. Davies: À l'heure actuelle, nous ne passons pas de films réservés aux adultes dans l'ouest canadien.

Le président: Et Astral?

Mme de Wilde: Je dois admettre que dans l'Est, nous en passons. Disons que c'est à cause de différences culturelles.

M. de Savoye: À quel service êtes-vous abonné?

Le président: J'habite dans l'Est; je n'ai pas le choix.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Excusez-moi, quel pourcentage cela représente-t-il?

Mme de Wilde: De fait, nous ne calculons pas le pourcentage. Cela fait partie de notre activité commerciale.

Le président: Pourriez-vous nous donner une idée, en gros?

Mme de Wilde: Non. Mon expérience m'a appris que donner des chiffres, en gros, vous attire généralement des ennuis.

Le président: Pensez-vous qu'en faisant un petit effort vous pourriez nous trouver la réponse?

Mme de Wilde: Bien sûr, si cela vous intéresse.

Le président: Oui, je suis curieux, c'est tout.

Mme de Wilde: Voudriez-vous une ventilation par films canadiens et non canadiens?

Le président: Eh bien, je ne sais pas... C'est une question très intéressante. Existe-t-il donc au Canada une industrie du film réservé aux adultes?

Mme de Wilde: Mais oui, mais oui. C'est incroyable ce que l'on peut apprendre, n'est-ce pas?

Mme Tremblay: Je suis surprise que vous ne vous en soyez pas rendu compte en vous promenant dans Ottawa.

Le président: Certes, je ne sais pas si ce sont nos amis qui offrent ce genre de produits.

Merci beaucoup. Je ne sais si les gens qui sont autour de la table ont quelques dernières questions à poser pour obtenir des précisions.

Comme je l'ai dit, juste pour faire le point, d'après ce que je sais, la période de 40 jours se termine le 23 juin. Le processus de consultations...

Oh mon Dieu, nous avons fait revenir la Guilde des réalisateurs et je les ai complètement oubliés. Pardonnez-moi.

Permettez-moi de remercier ce groupe de témoins et de dire que nous pensons encore jouer un rôle actif dans le processus. À notre avis, les consultations mentionnées dans l'avis du CRTC sont préliminaires et nous avons l'intention d'exercer notre influence en ce qui concerne le résultat final. Par conséquent, merci d'être venus et de nous avoir accordé votre aide.

Nous allons faire une pause de quelques minutes pendant que les témoins suivants s'installent.

.1713

PAUSE

.1724

Le président: Je compte quatre députés dans la salle, moi compris. Le simple fait que je ne les vois pas assis à la table ne me décourage pas le moins du monde. Je sais qu'après le coup de gong, les gens vont, comme par miracle, se joindre à moi.

.1725

Nous accueillons à nouveau Peter Grant. Nous lui demandons encore une fois de faire preuve d'indulgence car, comme nous l'avons dit au groupe qui l'a précédé, les affaires du Parlement nous ont retenus la semaine dernière contre toute attente, ce qui nous a empêchés de...

[Français]

Oui, madame Tremblay.

Mme Tremblay: J'aimerais invoquer le Règlement, monsieur le président. Expressvu vient de nous remettre une lettre et j'aimerais qu'elle soit consignée au procès-verbal, parce que le détail est assez important. Quand on tombe à 21,5 millions de dollars...

Le président: Est-ce que vous voulez lire la lettre?

Mme Tremblay: Est-ce qu'on peut la lire?

Le président: Oui, si vous le voulez. Allez-y.

M. de Savoye: C'est signé

[Traduction]

Chris Frank, vice-président, Affaires gouvernementales et questions de réglementation d'Expressvu, et je traduis:

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir transmettre cette lettre à ceux de vos collègues qui siègent au comité.

[Français]

Le président: Merci bien.

[Traduction]

Je pense que cela va maintenant faire partie du procès-verbal.

[Français]

Il faut que ce soit distribué à tous les membres du Comité.

[Traduction]

Revenons à M. Grant qui a vraiment une patience d'ange. Étant donné toutes les informations que nous avons dû absorber récemment, je pense qu'il serait utile que vous nous rappeliez les points saillants de votre exposé. Je sais que vous avez déjà comparu, mais notre mémoire n'est peut-être pas aussi bonne qu'elle l'était.

M. Peter Grant (conseiller juridique, Guilde canadienne des réalisateurs): Merci, monsieur le président. Comme vous le savez, c'est à titre de conseiller juridique de la Guilde canadienne des réalisateurs que j'ai participé à ce projet. M. King et moi-même avons comparu devant vous la semaine dernière, en compagnie de Louise Baillargeon et de Suzanne D'Amours qui représentaient l'APFTQ. C'étaient deux des sept organismes qui présentaient un mémoire commun.

J'ai aidé la Guilde canadienne des réalisateurs à préparer ce mémoire et c'est la raison pour laquelle M. King m'a demandé de venir aujourd'hui répondre à toute autre question que vous voudrez bien nous poser.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans les détails.

Le président: Un bref résumé suffira.

.1730

M. Grant: Dans l'exposé, on soulève cinq ou six points essentiels. Le premier a trait au problème que l'on aurait à se concentrer uniquement sur la question de l'exclusivité. Là-dessus, nous faisons plus ou moins cause commune avec M. Bureau qui m'a précédé, lorsqu'il se déclare préoccupé par le fait que cette question n'est pas traitée de façon adéquate dans le rapport du groupe de travail.

Une des autres questions majeures soulevées dans l'exposé commun des groupes culturels porte sur le problème de la politique inhérente au fait de permettre à une entreprise de distribution par SRD d'être propriétaire d'un service de télévision à la carte, qu'elle exploite sans qu'elle soit obligée de donner accès à tous les services canadiens de programmation titulaires d'une licence.

De notre point de vue, la politique publique accorde aux entreprises de distribution un rôle important de gardien des services culturels. Assurer que tous les gardiens sont tenus de diffuser au moins tous les services canadiens titulaires d'une licence est un des fondements déterminants de la politique publique.

Trois autres points ont été soulevés. Premièrement, les groupes culturels qui ont participé à l'élaboration du mémoire n'ont pas jugé nécessaire de casser immédiatement l'ordonnance d'exemption. Ils préfèrent attendre que l'on mène à bien le processus d'octroi de licence, car de leur point de vue, il est tout aussi important de contrôler le marché gris. Il est de la première importance de lancer à court terme un service de radiodiffusion directe canadien et légal.

Les deux derniers point soulevés dans le mémoire concernent le contenu canadien et la distribution. Tout d'abord, on fait remarquer que le groupe de travail a sous-estimé la contribution au contenu canadien que pourraient faire aussi bien les entreprises de distribution que les services de télévision à la carte dans le cadre d'un système de radiodiffusion directe.

Enfin, le mémoire se termine sur un point soulevé dans de nombreux autres mémoires: il est important d'exiger que les services de télévision à la carte utilisent des distributeurs appartenant à des intérêts canadiens pour acquérir des films qui ne sont pas produits par des studios.

Voici, monsieur le président, un résumé des points clés soulevés dans cet exposé conjoint. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci pour ce résumé admirablement clair et succinct de votre document. Je vous remercie de nous l'avoir présenté à nouveau.

[Français]

Mme Tremblay: Monsieur, merci d'être revenu devant nous. Excusez-nous pour tout ce brouhaha.

Il y a plusieurs groupes qui sont venus devant nous - et vous êtes du nombre - et qui nous ont parlé d'une inquiétude certaine par rapport à l'avenir culturel du Canada si on allait de l'avant avec les décrets tels qu'ils étaient libellés.

Quand vous parlez d'exclusivité, parlez-vous des droits de diffusion négociés de façon exclusive?

[Traduction]

M. Grant: Sur la question de l'exclusivité, le groupe de travail souligne dans son rapport qu'aucun service de télévision payante distribué par radiodiffusion directe ne devrait pouvoir acquérir ces films ou d'autres programmes sur une base exclusive, car ainsi, ces mêmes films et programmes pourraient être acquis par des services de télévision payante concurrents. Comme nous l'avons dit, c'est un pas dans la bonne direction, mais nous ne pensons pas que cela soit suffisant pour assurer un cadre de compétition équitable.

[Français]

Mme Tremblay: Un groupe qui est venu devant nous, l'ADISQ, nous a présenté sur de magnifiques tableaux une vision assez apocalyptique de ce que pourrait devenir la culture canadienne si on allait de l'avant avec cela. Qu'est-ce que vous pensez, de votre côté, du pourcentage de la production? Je sais que vous en parlez dans votre document. Au fait, 5 p. 100, est-ce assez comme contribution au fonds canadien? Je crois avoir vu 24 p. 100. Est-ce possible?

Maintenant, comment instaureriez-vous ce système-là dans un certain laps de temps? Vous comprendrez qu'on ne peut pas leur demander de nous donner 24 p. 100 de leurs profits. Comment voyez-vous cela dans votre perspective?

[Traduction]

M. Grant: Il y a deux pourcentages à prendre en considération. Tout d'abord, il y a celui qui s'applique au commerce de détail du service de radiodiffusion directe, c'est-à-dire au niveau de la distribution. Le groupe de travail a suggéré que cela devrait se situer à au moins 5 p. 100. Du point de vue des groupes culturels, cela devrait être au moins 10 p. 100.

.1735

C'est une opinion qu'a récemment appuyée le groupe d'experts qui étaient chargés de l'étude des services de programmation parallèle et qui a également recommandé dans son rapport que 10 p. 100 des revenus bruts des entreprises de distribution, y compris les câblodistributeurs et les services de radiodiffusion directe, soient consacrés à financer les dépenses au titre du contenu canadien.

Ensuite, il y a la vente en gros, c'est-à-dire la télévision à la carte et tous les autres services titulaires d'une licence. À l'heure actuelle, tous ces services sont tenus par le CRTC à contribuer à ces dépenses. Dans le cas de Home Theater, c'est 30 p. 100 de leur revenu net. Ils parlent de revenu brut, mais il s'agit du revenu brut qu'ils reçoivent, c'est-à-dire une fois déduites les ventes au détail effectuées par le câble.

Il est vrai que dans la licence de Viewer's Choice, on trouve 5 p. 100, ce qui est présumément le chiffre fixé par le groupe de travail. De fait, si l'on examine de plus près le modèle appliqué par Viewer's Choice, on peut voir que si l'on tient compte de la contribution annuelle de 1 million de dollars qu'ils se sont engagés à verser, par rapport à leur revenu brut, le pourcentage s'établit à beaucoup plus que 5 p. 100 au niveau des ventes en gros, c'est-à-dire au stade où s'effectuent le conditionnement et la programmation du service.

En toute franchise, nous n'avons pas pu fixer de chiffre précis. Dans notre mémoire, nous disons que cela devrait se situer entre 20 et 30 p. 100.

[Français]

Mme Tremblay: Maintenant, si j'ai bien compris, vous proposez pour l'instant de ne pas remettre en cause l'exemption qui a été donnée à Expressvu. Si on décide que tout le monde doit avoir une licence, les gens pourront se lancer en affaires et aller chercher leur licence en cours de route et, si jamais ils ne satisfont pas aux conditions, on fermera l'entreprise. Est-ce que je vous ai bien interprété? C'est un peu cela, votre proposition?

[Traduction]

M. Grant: Ce que nous proposons, c'est que l'entité légale visée par l'ordonnance d'exemption actuelle devrait être autorisée à ouvrir ses portes. Éventuellement, elle devrait être tenue d'obtenir une licence. Tous les groupes culturels sont d'avis que l'octroi de licence est le moyen de réglementation que l'on devrait privilégier.

Une fois que ces licences ont été obtenues ou que le processus est terminé et que des licences finales ont été octroyées, à ce moment-là, on pourrait casser l'ordonnance d'exemption. Entre temps, grâce à une mesure transitoire, on permettrait provisoirement à une entité légale canadienne de mettre un frein à l'expansion du marché gris.

[Français]

Mme Tremblay: À propos de ce fameux marché gris, pensez-vous que le seul fait de lancer la compagnie Expressvu va mettre fin au marché gris? Les gens qui ont le marché gris présentement ne peuvent pas utiliser la technologie d'Expressvu, ni celle de Power DirecTv. Ils ont été malheureusement floués. Ils ont acheté une technologie et, dès que les autres vont entrer en fonction, ce sera mis dans le noir.

Est-ce que le marché gris est si important que cela, selon vous? Comment peut-on vraiment espérer y mettre fin? Cela m'apparaît douteux.

[Traduction]

M. Grant: J'ai acquis quelque expérience en examinant un certain nombre d'autres scénarios à propos du marché gris. J'ai toujours estimé que s'il existe un service de rechange légal et abordable, cela permet d'éviter tous les problèmes que l'on a avec des exploitants à la sauvette dont le commerce peut à tout moment faire l'objet d'une descente de police et qui utilisent une fausse adresse et un numéro de téléphone caché.

Dès que l'on offrira une solution de rechange légale, si cela ne met pas fin une fois pour toutes au marché gris, cela fera au moins cesser concrètement l'expansion de cette activité car les gens choisiront l'option légale, étant donné que les services de radiodiffusion directe fournis par un exploitant légal seront tout aussi abordables, sinon plus.

Par exemple, à l'heure actuelle, en ce qui concerne la télévision à la carte, j'ai parlé à certains câblodistributeurs du Nouveau-Brunswick où l'on pratique la distribution du service de DirecTv en provenance du Maine par l'intermédiaire d'une tierce partie. Pour sauver les apparences, ils utilisent un numéro de téléphone et une adresse aux États-Unis.

Ils ne peuvent pas commander les films normalement en branchant leurs lignes car cela révélerait leur numéro de téléphone. Ils utilisent à la place un numéro 800 pour prendre les commandes une par une. Il y a des frais de 2$ américains pour cela. Si l'on y ajoute la location des films en dollars américains, un film à la carte fourni par DirecTv sur le marché gris coûte environ 7,99$ ou 8,99$ canadiens.

.1740

Si Expressvu ou une autre entité légale offrait à la carte des films pour 3,99$ canadiens, je pense que l'intérêt pour le marché gris se dissiperait très rapidement. Autrement dit, il y a définitivement un avantage à avoir un système efficace de distribution d'équipement légal où il y a bel et bien quelqu'un à qui vous pouvez vous adresser - quelqu'un qui a un statut bien défini, qui possède une licence, qui est responsable.

Je pense que pour les consommateurs, cela fait une grande différence. Nous espérons que c'est cela qui va se passer, mais nous estimons que la situation qui existe actuellement, où le marché gris a les coudées franches parce qu'il n'existe pas de service numérique canadien de radiodiffusion directe, n'est pas acceptable par la communauté culturelle; en effet, bien évidemment, aucune des soucoupes vendues sur le marché gris n'apporte une contribution financière à la communauté culturelle canadienne et, de fait, sert également à distribuer des programmes dont les droits n'ont pas été acquis par des Canadiens.

[Français]

Mme Tremblay: Merci beaucoup.

M. de Savoye: J'ai lu dans votre mémoire toutes ces choses que vous nous avez résumées. Votre guilde comprend 1 500 membres et 29 catégories, et vos membres viennent de tous les secteurs de la production, de la conception, du montage de films et d'émissions de télévision au Canada. C'est une grosse industrie. Vous nous dites qu'avec l'avènement du système que propose Power DirecTv, les Américains vont rapidement envahir le domaine et éventuellement, les emplois qui sont reliés à la culture canadienne, mais qui sont aussi reliés à l'économie canadienne, vont disparaître. Est-ce bien ce que vous nous dites?

[Traduction]

M. Grant: Ce qu'il est difficile d'évaluer, c'est ce que certains appelleraient la pente savonneuse. Bien des emplois qui sont occupés par des réalisateurs ou d'autres membres de la communauté des créateurs ne sont pas liés uniquement à la production de films de long métrage mais également à ce qui se fait dans le secteur de la télévision.

Cela comprend la production de séries dramatiques pour la télévision. C'est un domaine de l'industrie où l'on a pu constater des progrès extraordinaires notamment au cours des 10 dernières années. Il est difficile de dire si cela va être menacé au cas où l'on permettrait à un système basé aux États-Unis de s'installer ici.

Le groupe de travail a laissé entendre que la télévision à la carte et les services de programmation étaient peut-être de nature différente. C'est quelque chose qui m'inquiète beaucoup et je ne suis pas d'accord avec cette façon d'envisager les choses. Je pense que les deux systèmes sont très semblables. Par conséquent, il me semblerait difficile que le gouvernement puisse faire une distinction et dire que dans le cas de la télévision à la carte, on va permettre à ce système de distribution nord-américain de faire une demande s'il le souhaite.

Il faut toutefois reconnaître que le groupe de travail a cherché à imposer des normes minimales en ce qui concerne les investissements dans la production canadienne. À mon avis, le problème réside dans le fait que le groupe de travail n'a pas réussi à démontrer que le modèle qu'il préconise aboutit à des investissements canadiens aussi importants que celui dans le cadre duquel des exploitants fournissent en gros un service unique.

Il est sûr que cela poserait un problème en ce qui concerne l'appui que peut accorder aux longs métrages la télévision à la carte. Pour savoir si cela ferait baisser la contribution du système canadien à la programmation télévisée en général, il faudrait voir si l'on peut garantir en quelque sorte l'étanchéité du modèle ou si, comme certains collègues l'ont dit très clairement, des pressions s'exerceront pour l'assouplir. Par exemple, on chercherait à obtenir l'autorisation d'offrir d'autres services de programmation réguliers à travers l'Amérique du Nord, ce qui menacerait gravement le niveau de l'emploi dans le secteur au Canada.

M. de Savoye: À votre avis, y a-t-il place au Canada pour deux entreprises du type d'Expressvu - Expressvu tel que nous le connaissons et une autre entreprise qui utiliserait un satellite canadien?

.1745

M. Grant: Est-ce au niveau de la distribution ou à celui du grossiste de la télévision à la carte?

M. de Savoye: Les deux.

M. Grant: Au niveau de la distribution, les organismes qui ont participé au mémoire ne sont pas nécessairement contre la concurrence. Ils veulent bien se laisser persuader qu'il pourrait y avoir concurrence au niveau de la distribution, c'est-à-dire celui des détaillants. Tout d'abord, il y aurait inévitablement concurrence entre le câble et le SRD. Les organismes que je représente n'y voient pas de problème. Il s'agit de savoir si l'on pourrait avoir deux entreprises de distribution par SRD ou plus a niveau de la distribution. Le problème pour nous, c'est que nous n'avons pas vu de plan stratégique de la part d'Expressvu ni de la part de Power DirecTv, et on ne peut pas espérer voir leurs plans stratégiques détaillés à moins que ces entreprises ne soient obligées de produire une demande de licence. Nous avons donc décidé de suspendre nos critiques et de rester au-dessus de la mêlée jusqu'à ce que nous puissions voir les demandes mêmes de licence adressées au CRTC et le volume de contenu canadien prévu dans les plans stratégiques sous le régime du monopole ou sous le régime de la concurrence.

[Français]

Mme Tremblay: Quand M. Ritchie est venu témoigner devant nous, il a dit qu'on pourrait laisser aller autant d'entreprises qu'on le voudrait. Je sais que dans d'autres domaines, on a laissé aller des compagnies. Il y en avait sept à un certain moment, mais elles ont toutes fait faillite. Ne pensez-vous pas que, dans un domaine comme celui du satellite, on pourrait être plus prudent, étant donné ce qu'il en coûte pour s'équiper? Si vous vous êtes équipé de technologie très chère et que vous faites partie d'une companie qui fait faillite, vous n'êtes guère avancé.

[Traduction]

M. Grant: C'est un sujet de préoccupation, et cela revêt un intérêt particulier quand on pense qu'on pourrait avoir deux systèmes de distribution par SRD dotés de technologie incompatible et non tenus d'offrir tous les services canadiens de télévision à la carte titulaires d'une licence, et qu'une seule des technologies finirait par l'emporter. Le marché décidera qui, de Beta ou de VHS, l'emportera sur l'autre, mais si l'on a décrété qu'on ne peut obtenir qu'un service canadien de télévision à la carte autorisé au moyen de la technologie Beta et un autre par l'autre système, en choisissant la technologie, on se trouve également à choisir - ce qui me paraît regrettable - entre l'un ou l'autre des grossistes. Ils s'occupent uniquement de programmation, pas de vendre de l'équipement.

D'après notre perspective de créateurs, nous voulons que tous les services canadiens de programmation titulaires de licence au niveau de gros soient offerts par tous les distributeurs autorisés, de sorte que leur sécurité à venir ne soit pas tributaire des choix de technologie au niveau du détaillant. Les consommateurs devraient avoir le choix à cet égard, car on voudra capter les émissions de la chaîne TSN par le truchement d'Expressvu, par le câble, par une antenne collective ou par SDM. Il y aura plusieurs moyens de les capter. Tous ces systèmes de distribution devraient offrir les émissions de TSN, de même que celles de la chaîne YTV et de tout autre système titulaire d'une licence, de sorte que ces services ne seront pas compromis parce que l'un ou l'autre de ces principaux gardiens auront décidé de les exclure.

Mme Guarnieri: Monsieur Grant, je tiens moi aussi à vous remercier d'avoir bien voulu trouver le temps de vous présenter devant nous aujourd'hui malgré votre horaire chargé.

J'ai une question découlant dans une certaine mesure d'autres questions qu'on vous a déjà posées. À la page 10 de votre mémoire, vous recommandez de modifier le paragraphe 4b) du décret d'instructions relatives aux entreprises de distribution par SRD pour lui substituer ce qui suit:

Je voudrais que vous expliquiez l'importance que vous attachez à la dernière partie de cette citation, pas la partie soulignée, mais celle qui dit «pour veiller à ce que personne ne soit autorisé à exploiter une entreprise de distribution par SRD autrement que par une licence».

.1750

M. Grant: Cette phrase est bien sûr tirée de la version initiale des instructions. Son importance tient au fait qu'elle consigne dans les directives l'idée maîtresse de la politique, à savoir qu'une entreprise de distribution par SRD devrait être titulaire d'une licence et non faire l'objet d'un décret d'exemption.

Les organismes qui ont présenté conjointement le mémoire reconnaissent tous volontiers qu'il serait préférable d'avoir un régime d'octroi de licences plutôt que de régler le problème au moyen d'un décret d'exemption. La seule modification que nous proposons en l'occurrence consiste donc à permettre au décret d'exemption de s'appliquer pendant la période de transition.

Mme Guarnieri: Vous dites qu'il serait préférable d'avoir un contrat de licence; pourriez-vous expliquer les avantages que vous y voyez?

M. Grant: Le point fondamental, c'est que dans le cadre d'un régime d'octroi de licences, on a également la divulgation complète des plans stratégiques et des propositions, et la possibilité pour le CRTC de modifier, au fil des années, les conditions du contrat de licence en fonction de l'évolution des circonstances. Il s'agit d'un élément très important de la politique culturelle canadienne. Beaucoup de nos exigences en matière de contenu canadien, surtout au niveau de la programmation et du réseau, sont imposées au moyen des conditions du contrat de licence. Comme il est souvent très difficile d'établir les bonnes conditions du premier coup, l'organisme chargé d'octroyer les licences doit pouvoir obliger les titulaires à produire de temps à autre des demandes de renouvellement de licence et pouvoir rajuster les chiffres afin d'accroître les exigences en conséquence lorsque les titulaires sont davantage en mesure de soutenir le contenu canadien.

D'après toutes ces perspectives, il nous semble qu'un régime d'octroi de licences est préférable à long terme.

Le président: Je voudrais poser une ou deux questions avant une dernière question de la part d'un représentant du Bloc.

J'ai remarqué que vous craigniez que les services de distribution par SRD qu'on propose d'autoriser ne soient pas tenus d'offrir tous les services de télévision à la carte titulaires d'une licence au Canada. Cela différerait cependant sûrement du système actuel de câblodiffusion, où les câblodistributeurs n'offrent pas à la fois la programmation d'Astral et celle d'Allarcom; ils offrent l'une ou l'autre. Il s'agit de deux monopoles exploitant leur propre territoire. Il me paraît donc un peu illogique de découvrir soudainement la concurrence dans un médium alors qu'elle semble être refusée dans un autre, à moins que je n'aie pas bien compris.

M. Grant: Oui, monsieur le président, je pense qu'il y a une chose qui vous a échappé.

Le président: Cela arrive souvent.

M. Grant: Si vous lisez attentivement, vous verrez que nous disons «dans la région visée par une licence». Nous ne voulons donc pas dire...

Le président: Vous maintiendriez donc la situation de monopole.

M. Grant: C'est exact.

Si l'on doit passer à une situation de concurrence au niveau du grossiste de la télévision à la carte - et je le répète, les milieux culturels sont circonspects à cet égard, car ils ne se sont pas prononcés ni d'un côté ni de l'autre dans ce mémoire. Ils estiment cependant que ces questions peuvent le mieux se régler sur la base des plans stratégiques exposés lors d'une audience du CRTC. On pourra très bien voir octroyer avec le temps des licences de distribution de services de télévision à la carte concurrentielle.

Je serais cependant porté à croire qu'on verra probablement évoluer le marché des services de télévision à la carte vers une concurrence non pas directe, mais plutôt axée sur des créneaux. On pourrait donc avoir des services de télévision à la carte qui se concentreraient sur les films commerciaux sortis récemment. Il y aurait ensuite place pour un service de télévision à la carte qui se concentrerait sur une programmation multimédia éducative et interactive. On pourrait en avoir un qui se spécialiserait dans les émissions pour enfants, un projet que TV Ontario met actuellement à l'essai conjointement avec Viewer's Choice.

On pourrait donc concevoir que les services évoluent dans cette direction, et on peut alors comprendre pourquoi il serait important que toutes les entreprises de distribution diffusent les émissions de chacun de ces titulaires de licence de télévision à la carte, car les émissions ne seraient pas toutes identiques sur chacune de ces chaînes et on veut que les Canadiens puissent avoir le choix entre toutes. Comme les émissions sont adressables, les consommateurs n'ont pas à les capter toutes, mais ils devraient avoir la possibilité de le faire.

Le président: Une chose que je ne pense pas avoir trouvée dans votre mémoire, mais, encore une fois, j'aurai peut-être mal lu, c'est un des arguments que Power DirecTv a fait valoir la semaine dernière quand il a évoqué la possibilité d'exporter des produits culturels canadiens aux États-Unis. J'aurais pensé que si cela pouvait se faire de façon relativement abondante, ça pourrait être intéressant pour les divers organismes que vous représentez. Qu'en pensez-vous?

.1755

M. Grant: Vous me trouverez peut-être cynique, monsieur le président, mais les organismes que je représente n'y ont pas vu grand-chose de substantiel. En ce qui a trait aux systèmes transactionnels de télévision à la carte, pour que l'accessibilité au système américain de distribution ait une véritable incidence sur les recettes, il faudrait qu'on y consacre un budget de commercialisation et qu'on se préoccupe de l'aménagement des horaires.

Il faut se rappeler que, pour un système américain de télédiffusion de films à la carte, le gros des recettes du système transactionnel va aux films qui ont bénéficié d'une grande publicité, qui s'appuient sur un énorme budget de mise en marché et qui sont normalement sortis dans les cinémas. C'est compréhensible dans ce système.

Il y a sans doute quelques avantages à lancer des films canadiens dans ce système. Certains téléspectateurs voudront peut-être en voir un ou deux, mais ils n'auront probablement jamais entendu parler de la plupart des titres. À moins que ces films aient bénéficié d'une mise en marché ou d'une sortie commerciale en salles, il est difficile d'imaginer que les avantages seront ausi positifs que prévu.

Le président: Voici ma dernière question. Vous avez eu l'occasion d'entendre les deux témoins précédents, les représentants d'Allarcom et d'Astral. Est-ce que votre conception des problèmes auxquels nous sommes confrontés diffère sensiblement ou de façon marquée de la leur? Divergez-vous d'opinion sur quoi que ce soit, ou votre position est-elle fondamentalement similaire?

M. Grant: Comme je n'ai pas lu le mémoire qu'ils ont adressé au gouvernement, je ne suis pas en mesure de le dire.

Le président: Pouvez-vous faire des observations sur ce que vous avez entendu cet après-midi?

M. Grant: Il y avait de nombreux éléments avec lesquels les milieux culturels seraient d'accord, monsieur le président. Je ne veux pas laisser entendre que mes collègues d'Astral ou d'Allarcom sont d'un autre avis, mais je pense que les milieux culturels sont peut-être un petit peu mieux préparés à accepter la concurrence dans ces secteurs et à laisser le CRTC tenir des audiences marquées au coin de la concurrence.

Nous continuons cependant de nous préoccuper tout autant des implications à long terme de la possibilité d'une nord-américanisation des droits. Nous partageons entièrement les craintes exprimées à cet égard.

Le président: Étant donné que vous avec un avion à prendre à 19 heures, je vais maintenant laisser à M. de Savoye le soin de poser la dernière question.

[Français]

Monsieur de Savoye.

M. de Savoye: Vous êtes représentant d'une guilde de gens qui travaillent sur le contenu. Vous n'avez donc pas d'intérêt particulier pour la diffusion.

Je vais vous demander une opinion que je présume être neutre, en ce sens que si je demandais la même opinion à Expressvu ou à Power DirecTv, je saurais qu'elles ont un intérêt particulier,

[Traduction]

car ils sont directement intéressés, contrairement à vous.

Voici ma question. Nous savons que la formule proposée par Power DirecTv présente un certain nombre d'inconvénients. Abstraction faite des bénéfices que cette entreprise compte réaliser, son arrivée sur le marché canadien présente-t-elle des avantages pour le public en général, pour les consommateurs ou pour la vie culturelle canadienne?

M. Grant: Au nom de la Guilde des réalisateurs, j'ai rencontré les représentants de Power DirecTv. Je dois dire que le principal avantage tient bien sûr à ce qu'elle rapatrierait le marché gris. Elle a proposé de diffuser sur son système, à l'intention des Canadiens, uniquement les services de télévision qui sont titulaires d'une licence ou autorisés au Canada.

Il s'agit indiscutablement d'un progrès important. Là où nous trouvons à redire, c'est qu'elle englobe dans ces services autorisés son propre service de télévision à la carte. Nous préférerions voir évaluer la proposition uniquement lorsque le CRTC examinera la question de savoir s'il est dans l'intérêt public d'autoriser l'intégration verticale.

Je dois dire que l'idée de faire exploiter la technologie de Power DirecTv de manière à ce qu'elle rapatrie les antennes paraboliques en en limitant la réception aux services canadiens titulaires d'une licence et autorisés constitue évidemment un grand avantage.

.1800

M. de Savoye: Je voudrais approfondir un peu plus cette question de marché gris. À l'heure actuelle, Power DirecTv exerce ses activités aux États-Unis; cette entreprise diffuse ses signaux sur une zone s'étendant depuis la Terre de Feu jusqu'au pôle Nord, et tous ceux qui ont la boîte noire pour décoder ses signaux peuvent les recevoir ici au Canada. C'est ce que nous appelons le marché gris.

Power DirecTv n'est pas le seul joueur aux États-Unis. Il y en aura un certain nombre d'autres. Il y en a déjà quelques-uns à l'heure actuelle et il en apparaîtra d'autres dans les années à venir.

N'importe qui au Canada pourra capter ces signaux, faisant grossir davantage un marché gris sur lequel Power DirecTv n'a aucun contrôle. Fondamentalement, nous ne réglons pas le problème du marché gris en demandant à Power DirecTv de négocier avec un joueur aux États-unis l'interception de ces signaux.

Au lieu de passer par une entreprise canadienne pour demander à une entreprise américaine de pas nous transformer en un marché gris, je suggérerais de procéder de gouvernement à gouvernement pour conclure un accord bilatéral ayant pour effet de bloquer à la source la réceptivité des boîtes noires à l'extérieur des États-Unis. Il s'agirait bien sûr d'un accord de réciprocité.

Que penseriez-vous de cette solution?

M. Grant: Ce que vous venez de dire à propos de la multiplicité des entreprises exploitant des services de distribution par SRD à partir des États-Unis est juste. Quel que soit l'arrangement auquel on puisse en arriver avec un exploitant, cela ne changera pas la possibilité de croissance d'un marché gris avec les autres.

Ce qui aura une incidence sur la croissance éventuelle du marché gris, c'est l'accessibilité à un service canadien à bon marché de distribution par SRD offrant une bonne gamme de services: en fait, tous les services canadiens et les services américains figurant sur la liste de services autorisés.

Je vais vous dire pourquoi cette formule me plaît, et je pourrais peut-être terminer la séance avec cet exemple, monsieur le président.

J'ai agi récemment comme avocat auprès de l'entreprise canadienne qui a obtenu la licence de câblodistribution pour les Bahamas. Chose intéressante, elle était en concurrence avec de nombreux câblodistributeurs américains. Or, elle l'a obtenue parce qu'elle était la seule qui était disposée à assurer ce service dans toutes les petites îles. Elle a proposé comme modèle la formule qu'elle avait utilisée pour raccorder les systèmes à Terre-Neuve.

Le chef de l'entreprise s'est rendu sur place et a constaté que la moitié des foyers aux Bahamas étaient équipés d'une antenne parabolique. Ces antennes étaient toutes illégales. Leurs propriétaires sont tous branchés sur Miami et utilisent tous des adresses frauduleuses, bien sûr, car personne n'a les droits pour les Bahamas.

Le câblodistributeur se demandait quel part du marché il pourrait espérer obtenir s'il installait le câble aux Bahamas, étant donné toutes ces antennes paraboliques qu'on y trouvait. Il a évalué modestement à 60 p. 100 le niveau de pénétration qui pourrait se révéler rentable.

Il s'est lancé dans cette entreprise juste avant Noël. Il a maintenant installé le câble dans environ le tiers de l'île principale, et je puis vous dire que le niveau de pénétration atteint 95 p. 100 des foyers. Les gens sont heureux de se débarrasser de leur antenne de marché gris s'ils peuvent trouver quelque chose de légal.

Le câblodistributeur offre un abonnement de 30$ US pour une gamme de 48 signaux. Ils ont tous été légalement acquis et organisés, et il paie les droits pour tous ces signaux. C'est ce qu'on doit attendre d'un bon système.

Je suis heureux de pouvoir dire que le marché gris est en voie de disparition là-bas.

Il est difficile de savoir si l'analogie est parfaitement applicable au Canada, mais si on peut avoir accès à un service canadien à bon marché de distribution par SRD au moyen d'antennes paraboliques et si on n'a pas à donner de fausses adresses et de faux numéros de téléphone, je pense bien qu'un système analogue pourrait s'appliquer au Canada.

Le président: Vous diriez que la situation s'est maintenant améliorée aux Bahamas.

M. Grant: Oui.

Le président: Sur cette note, avant que la situation ne se détériore davantage, je mets fin à la séance en vous remerciant d'être revenu.

La séance est levée.

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