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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 juin 1995

.0935

[Traduction]

Le président suppléant (M. Dromisky): La séance est ouverte. Merci à vous tous d'être là ce matin. Étant donné que nous siégeons en sous-comité, nous n'avons besoin que d'un petit nombre de députés pour avoir le quorum.

Conformément à l'ordre de renvoi du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, nous poursuivons notre enquête sur les conseillers en immigration.

Nous accueillons, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, Mme Laura Chapman, directrice générale de l'Élaboration des politiques et des programmes.

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Merci d'être là de si bonne humeur à une heure aussi matinale. C'est d'autant plus encourageant que c'est notre dernier jour ici. Les gens sont au bord de l'épuisement et très impatients d'en avoir fini avec tout ce processus pour pouvoir s'occuper de leurs autres obligations dans leurs circonscriptions.

Vous avez la parole, Laura. Avez-vous un mémoire à nous présenter?

Mme Laura Chapman (directrice générale, Élaboration des politiques et des programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Non.

Le président suppléant (M. Dromisky): Comme c'est notre habitude, nous entendrons d'abord vos remarques préliminaires, puis chaque parti aura un certain temps pour vous poser des questions. Merci de votre présence.

Mme Chapman: Mes remarques préliminaires ne seront pas très longues. Je passerai simplement en revue certaines des préoccupations qui ont été soulevées telles que je les conçois ainsi que certaines questions que vous voudrez peut-être approfondir.

Vous savez sans doute que le ministère s'intéresse à la question des conseillers en immigration depuis déjà une quinzaine d'années. J'ai l'impression que c'est depuis toujours. Cette question est de plus en plus préoccupante, et il sera très utile que le comité s'y intéresse et recommande au ministre des mesures bien concrètes.

Au ministère, nous avons examiné l'adoption de diverses mesures. Entre autres, nous envisageons, en partie à cause de certaines des questions et des préoccupations que vous avez soulevées, la possibilité d'instituer un régime fédéral d'attribution des licences. Nous doutons toutefois de l'efficacité d'un régime de ce genre, qui ne viserait en fait qu'un très faible pourcentage du nombre total de cas. La raison en est bien simple: aux termes de la Constitution, tout le régime général d'attribution de licences relève de la compétence provinciale. Comme nous ne pourrions attribuer des licences qu'en application de la Loi sur l'immigration, nous ne pourrions exercer notre compétence qu'aux cas soumis à un tribunal. D'après les données que je possède, ces cas ne représenteraient que 8 p. 100 environ de l'activité totale des conseillers. Nous craignons par conséquent que l'institution d'un régime d'attribution de licences pourrait exiger des ressources considérables sans toutefois s'attaquer aux racines du problème.

Nous avons également examiné la possibilité - un ministre antérieur a d'ailleurs écrit à ses homologues provinciaux pour le leur proposer - que l'intérêt des provinces dans ce dossier les inciterait à intervenir en ce sens. Il semble qu'aucune des provinces n'ait été très enthousiaste à l'idée de réglementer ce qui leur semblait être un domaine intéressant principalement le gouvernement fédéral.

Nous n'avons pas poursuivi la chose avec le Québec. Le ministre avait écrit au Québec tout comme aux autres provinces. Pour diverses raisons, nous n'avons à ma connaissance reçu aucune indication que cette province voudrait s'occuper du dossier. Cependant, comme c'est la seule province qui joue un rôle considérable dans le choix des immigrants et qui, par conséquent, a des contacts directs avec les clients avant leur arrivée au Canada, j'aurais cru que, de toutes les provinces, le Québec aurait été celle qui aurait voulu exercer un contrôle réglementaire. Jusqu'à maintenant, aucune des provinces n'a manifesté le moindre intérêt, malgré cette lettre qui leur avait été envoyée par un ministre antérieur.

Nous avons aussi envisagé la possibilité d'instituer un régime d'autoréglementation semblable à celui qui régit les juristes. Nous voudrions explorer davantage cette possibilité, puisqu'elle nous semble présenter beaucoup d'avantages. En tout cas, elle est tout à fait compatible avec l'effort général du gouvernement qui vise à réduire ses dépenses font en obtenant le meilleur rendement.

Nous aimerions donc explorer cette possibilité et nous serions très heureux, tout comme le ministre, j'en suis sûre, d'entendre les recommandations de votre comité sur la mise sur pied d'un régime quelconque d'autoréglementation, comme il vous a été proposé, si je ne m'abuse, dans certains des mémoires que vous avez reçus.

Quels pourraient être les critères de cette autoréglementation? Nous ne savons pas trop, mais nous avons quelques idées sur le sujet. Nous avons notamment songé à un code de conduite ou de déontologie, à un processus disciplinaire juste et efficace, à une caisse d'assurance contre les erreurs et les omissions et à des conditions d'adhésion non discriminatoires. Nous tenons à bien préciser qu'aucune restriction discriminatoire ou arbitraire ne devrait s'appliquer à ceux qui répondraient aux critères... un programme de formation et un mécanisme quelconque de liaison avec le gouvernement. Nous ne sommes pas vraiment entrés dans le détail des modalités de fonctionnement du régime qui pourrait être mis sur pied, mais c'est une des possibilités sur lesquelles le ministre voudrait être conseillé.

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M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Pourriez-vous me relire cette liste?

Mme Chapman: Nous avons notamment songé à un code de conduite ou de déontologie, à un processus disciplinaire juste et efficace, à une caisse d'assurance contre les erreurs et les omissions, à des conditions d'adhésion non-discriminatoires, à un programme de formation ou des critères d'admission et à un mécanisme de liaison avec le gouvernement qui nous permettrait de recevoir régulièrement des rapports sur l'application du processus.

M. Mayfield: Je vous remercie.

Mme Chapman: Il vaut peut-être mieux que je m'arrête là et que je réponde plutôt à vos questions.

Le président suppléant (M. Dromisky): Monsieur Mayfield, avez-vous d'autres questions?

M. Mayfield: Comme vous le savez bien, nous avons entendu parler d'histoires d'horreur concernant certains abus flagrants qui montrent qu'il faut absolument prévoir un contrôle réglementaire quelconque pour prévenir les abus de ce genre.

Vous nous avez dit que le gouvernement fédéral peut difficilement intervenir parce que l'attribution des licences relève exclusivement ou principalement des provinces. Je me demande si, au ministère vous avez songé à la façon dont les gouvernements provinciaux pourraient être amenés à collaborer à la mise sur pied d'un régime d'attribution de licences. Quels avantages ou inconvénients y aurait-il à ce que le ministère fédéral indique qu'il ne traiterait qu'avec les détenteurs d'une licence provinciale, de façon à ce que les conseillers exercent des pressions en vue de la mise sur pied d'un régime d'attribution de licences dans leurs provinces respectives?

Mme Chapman: C'est une proposition intéressante. À l'heure actuelle, nous ne pensons pas avoir beaucoup d'influence sur les provinces à cet égard. L'attribution de licences pourrait toutefois être négociée dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale sur l'immigration. Nous avons des ententes avec sept des dix provinces, et nous sommes en train de négocier des ententes avec les autres. Nous pourrions peut-être rouvrir les ententes existantes et chercher à négocier avec les provinces, mais il faudra absolument passer par la voie de la négociation, étant donné que, comme je l'ai indiqué, le gouvernement fédéral n'a guère d'influence. En tout cas, nous au Programme d'immigration n'avons guère d'influence, mais peut-être le gouvernement dans son ensemble... Je ne sais pas trop comment nous pourrions procéder.

Nous avons déjà cherché à aiguilloner les provinces en leur disant que nous songions à adopter un sytème comme celui dont vous parlez, en vertu duquel nous traiterions uniquement avec les détenteurs d'une licence provinciale, mais nous avons conclu qu'il en résulterait un manque d'équité. Si par exemple, la province de l'Ontario refusait tout simplement de chercher à réglementer ce secteur d'activité et décidait de ne pas instituer de régime d'attribution de licences, quiconque exerçant son activité dans cette province serait interdit d'accès.

À vrai dire, il y a beaucoup de conseillers très compétents qui font de l'excellent travail, de sorte que nous mettrions fin aux activités de bien des gens qui sont des acteurs très efficaces dans le domaine de l'immigration. Voilà une des raisons pour lesquelles nous hésitons à nous en remettre aux provinces quand elles ne manifestent aucun intérêt.

Si le Comité avait des propositions à nous faire sur la façon dont nous pourrions susciter l'intérêt des provinces ou exercer une certaine influence pour les encourager à prendre l'initiative à cet égard, nous serions très heureux de les entendre.

M. Mayfield: Le régime d'attribution de licences dont nous parlons ne s'appliquerait pas aux avocats, dont l'activité est déjà réglementée par l'Association du barreau, n'est-ce pas?

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Mme Chapman: Non, il ne s'appliquerait pas aux avocats. Nous continuerions à nous en remettre à l'Association du Barreau pour réglementer leurs activités.

M. Mayfield: D'après ce qu'on nous a dit, au Québec, ce sont des avocats qui s'occupent des demandes d'immigration dans 80 ou 85 p. 100 des cas environ. Le pourcentage est très élevé. Dans environ 5 p. 100 des cas seulement, si je me souviens bien, il s'agit de conseillers qui ne sont pas des avocats. Savez-vous si les chiffres sont à peu près les mêmes dans les autres provinces?

Mme Chapman: Je n'en suis pas certaine. J'ai l'impression que la situation est quelque peu différente au Québec. J'ai l'impression - et il ne s'agit bien que d'une impression - que ce ne serait pas nécessairement le cas en Ontario par exemple... que le pourcentage de conseillers y serait plus élevé. Comme nous n'avons pas de mécanismes d'enregistrement ni pour les avocats ni pour les conseillers, je ne pense pas que nous puissions vous fournir un chiffre dont nous pourrions être sûrs.

M. Mayfield: À quels problèmes vous heurteriez-vous si vous décidiez d'opter, comme vous le disiez tout à l'heure, pour un régime fédéral d'attribution de licences même s'il ne s'appliquait qu'à un petit nombre des intéressés? Vous avez dit, je crois, que seuls les conseillers s'occupant de cas qui iraient devant un tribunal seraient visés. N'est-ce pas?

Mme Chapman: Nous avons l'impression que c'est la seule façon dont nous pourrions intervenir de manière efficace... je n'ai pas encore lu d'avis juridique sur la question, je ne sais donc pas exactement quelles seraient les limites de notre intervention.

J'ai bien l'impression toutefois que le gouvernement australien, qui a opté pour la mise sur pied d'un régime fédéral d'attribution de licences, a constaté qu'il en découlait des frais considérables. Le gouvernement australien exige des droits d'enregistrement, mais ces droits ne suffisent pas à couvrir les dépenses, et la mise sur pied du nouveau régime a entraîné un accroissement de la demande de services gouvernementaux de la part des conseillers, ce qui contribue également à faire augmenter les coûts. Au bout du compte, le régime n'est guère rentable pour le gouvernement.

Par ailleurs, il convient de préciser que nous avons certaines réserves du fait que nous ne pourrions accepter d'attribuer une licence à un conseiller sans avoir d'abord fait des recherches considérables sur cette personne et sur ses activités. Ces recherches coûteraient cher. Il faudrait aussi évaluer les conséquences que des erreurs éventuelles pourraient avoir sur le gouvernement. Dans quelles mesures le gouvernement serait-il tenu responsable? Je ne sais pas si j'utilise le terme juridique juste. Mais dans quelles mesures le gouvernement pourrait-il être accusé d'avoir manqué à son obligation à cet égard? Nous n'avons pas encore reçu d'avis juridique à ce sujet, mais je crois qu'il faudrait réfléchir à tout cela.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Je suis heureux de vous revoir.

Mme Chapman: Moi de même.

M. Assadourian: Je tiens à vous dire qu'il y a quelques semaines - ou peut-être plus d'un mois - j'ai écrit au président du Collège Seneca pour lui demander d'envisager la possibilité d'offrir un cours à l'intention des conseillers. Il ne m'a pas encore répondu, mais dès que j'aurai une réponse par écrit, je vous en communiquerai le contenu. Il pourrait être utile pour le ministère de savoir ce que le secteur privé pense des préoccupations que nous avons. On pourrait peut-être nous proposer des solutions auxquelles nous n'arrivons pas à penser nous-mêmes en notre qualité de parlementaires ou de fonctionnaires.

Il pourrait s'agir, par exemple, d'un programme qui conduirait à l'obtention d'un diplôme ou d'un certificat parajuridique. Je n'ai donc pas encore reçu de réponse, mais dès que j'en aurai une, je vous la transmettrai.

J'ai déjà posé la question suivante à quelques reprises. Chaque fois, la personne m'a dit qu'elle n'était pas en mesure d'y répondre. Vous saurez sûrement répondre à ma question.

Mme Chapman: Je l'espère bien.

M. Assadourian: C'est ce que nous verrons dans quelques minutes.

Il y a quelques années, nous avions un arriéré d'au plus 500 immigrants et réfugiés, je crois, originaires pour la plupart du Portugal.

Mme Chapman: Il y avait effectivement un pourcentage important de personnes d'origine portugase.

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M. Assadourian: Le Canada a donc décidé de mettre en place un nouveau système pour accélérer le traitement des demandes. De nouvelles commandes ont été incorporées aux ordinateurs: vous signalez le numéro et, si vous voulez le service en anglais, vous appuyez sur le 1; si vous voulez le service en français, vous appuyez sur le 2, et ainsi de suite.

Le ministre nous dit maintenant que nous n'avons plus d'arriéré. Les honoraires des conseillers s'élèvent généralement... Pour un appel téléphonique, c'est 200$. Pour se rendre au service de l'immigration avec le client, c'est 500$ ou je ne sais trop combien.

Si nous revenions à l'ancien système, s'il était possible de parler directement à quelqu'un au lieu d'avoir à appuyer sur des boutons, se pourrait-il que les plus démunis, ceux-là même qui dépendent des conseillers, aillent eux-mêmes au bureau de l'immigration et demandent à la personne qui se trouverait derrière le comptoir: «Où en est ma demande? Qu'est-ce qui ne va pas?» La personne au comptoir lui dirait peut-être: «Voici, vous avez fait telle chose. Vous devez mettre un X ici.» Cela coûterait moins cher aux demandeurs et nous ferions ainsi disparaître bon nombre des conseillers qui se contentent d'exploiter ces gens. Pensez-vous que ce serait une possibilité?

Mme Chapman: Ce que vous proposez là est très intéressant. Malheureusement, nous savons que, même quand les contacts personnels étaient plus nombreux, les conseillers étaient très actifs. Je ne pense pas que nous éliminerions le problème ainsi. Il en coûterait très cher pour revenir au contact personnel. Depuis cinq ans, nous avons réussi à réduire de beaucoup le coût du programme d'immigration pour le contribuable. Si nous retournions au système des contacts personnels qui existait avant le nouveau système d'envoi par la poste, nous retournerions également aux longues files d'attente dont vous vous souviendrez - qui commençaient à se former dès deux heures du matin. Il y a, bien entendu, des gens qui sont prêts à faire la queue, mais il y en a bien d'autres qui ne le sont pas et qui, par conséquent, s'adressent à des conseillers. D'une certaine façon, le nouveau système d'envoi par la poste encourage peut-être les demandeurs à s'adresser à un conseiller, mais, les demandeurs pourraient aussi avoir besoin d'un conseiller même si nous revenions au contact personnel. En tout cas, les conseillers ne disparaîtraient pas du simple fait de revenir à l'ancien système et il en résulterait un accroissement très considérable des coûts.

Nous sommes en train de mélanger deux problèmes. C'est sans doute de ma faute car je n'ai pas précisé dès le départ qu'il faut distinguer entre les conseillers malhonnêtes, dont M. Mayfield nous a parlé, et ceux qui exigent des honoraires excessifs, dont M. Assadourian nous a parlé. Il serait utile d'examiner les deux problèmes séparément.

Dans le cas de ceux qui exigent des honoraires excessifs, j'ai une idée à vous proposer, mais je ne sais pas si elle est réalisable. Il me semble que bon nombre des organismes avec lesquels nous traitons, les ONG, les fournisseurs de services et les autres, sont très bien renseignés. Si nous pouvions travailler avec eux pour essayer de trouver un moyen de tenir une liste à jour des honoraires exigés par divers conseillers, les conseillers auraient bien plus de mal à voler des clients qui auraient accès à cette information.

Ainsi, les demandeurs pourraient se renseigner par l'entremise de l'organisme d'aide aux Indo-Canadiens s'ils étaient d'origine indienne ou encore au Conseil canadien pour les réfugiés ou à quelqu'autre organisme pour obtenir la liste des conseillers et de leurs honoraires.

Je le répète, c'est simplement une idée que je vous soumets. Il me semble que le problème est en partie attribuable au manque d'information. Les gens s'en remettent à la première personne qu'ils rencontrent ou à quelqu'un qui parle leur langue ou encore à celui qui a aidé leur ami au lieu de chercher à bien se renseigner. Si nous pouvions trouver un moyen de disséminer cette information, je crois que nous pourrions peut-être contribuer à régler le problème de ceux qui exigent des honoraires excessifs.

Le cas des conseillers malhonnêtes constitue toutefois un problème distinct. Dans leurs cas, il devient plus important de pouvoir compter sur un régime disciplinaire ou un contrôle réglementaire quelconque. C'est pour régler le problème de ces conseillers malhonnêtes qu'il faut absolument établir un régime quelconque d'autoréglementation ou d'attribution de licences. Pour ce qui est des honoraires excessifs, je crois que nous pourrions régler ce problème de façon plus efficace par l'échange d'information entre membres d'une même communauté que par l'imposition d'un mécanisme de réglementation quelconque.

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M. Mayfield: Même si je n'y ai pas beaucoup réfléchi, votre idée d'autoréglementation me plaît.

Auparavant, par contre, j'aimerais vous poser quelques questions à propos des provinces. Elles semblent assez disposées à participer aux activités d'immigration et peut-être aussi à l'étude des cas de réfugiés mais moins à s'occuper des conseillers. Je comprends mal pourquoi.

Prenons le cas de ma province, la Colombie-Britannique. Elle vient de conclure une entente avec le gouvernement fédéral ou est sur le point de le faire. Est-ce que ces discussions ont porté sur l'octroi de licences aux conseillers?

Mme Chapman: Pas expressément. A la suite de nos discussions avec les provinces, dans nous saves que l'ensemble, elles s'intéressent à l'immigration et veulent en maximiser les avantages socio-économiques pour elles. Le sale boulot, par contre, les intéresse moins.

Elles le laissent volontiers au gouvernement fédéral. Pour être honnête, elles déclinent toutes nos invitations à participer aux activités d'application de la loi, que ce soit pour les questions pénales ou autres. Pour elles, c'est un travail difficile qui exige des moyens. La plupart des provinces, comme le gouvernement fédéral, sont en dans une situtation financière difficile et ne tiennent pas à assumer ce rôle qui n'a guère d'attraits.

M. Mayfield: Voyons les choses sous l'autre angle, celui du gouvernement fédéral. Je constate avec plaisir que vous êtes sensible à la question financière. Comme vous l'avez dit, c'est un tout nouveau domaine dans lequel nous pénétrons.

Ne pourrions-nous pas simplifier les choses? Pour moi, c'est simple.

Prenez le cas de ceux qui veulent devenir conseillers. Sans leur en enlever la possibilité, ne pourrait-on pas leur demander de signer une attestation du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration dans laquelle ils s'engageraient à demander des honoraires honnêtes et à faire preuve de probité? Ils pourraient peut-être arborer un symbole quelque part. Leurs noms figureraient sur une liste publique de conseillers agréés.

En cas de manquement, leur nom serait supprimé avec mention des motifs.

Une formule plus simple, comme celle-ci, pourrait-elle être efficace, selon vous, madame Chapman?

Mme Chapman: Je vois effectivement certains avantages à sa simplicité. Peut-être faudrait-il ajouter d'autres critères, comme une certaine formation, de l'expérience ou d'autres signes de compétence?

Il serait difficile pour le gouvernement fédéral de publier une liste de conseillers agréés sans critères de ce genre. Je n'écarte pas l'idée, mais il faudrait ajouter quelques critères à ceux que vous avez proposés.

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Il faudrait aussi un certain contrôle; une certaine application des règles. C'est pourquoi il faudrait y consacrer des moyens.

Considérons le programme dans son ensemble. Nos ressources sont actuellement affectées prioritairement au renvoi des criminels et autres indésirables. Je crains que la réaffectation de ces ressources au contrôle des conseillers pour les maintenir dans le droit chemin occasionnerait des dépenses. C'est la crainte que j'ai.

Si le comité estime que le ministre devrait explorer cette voie, nous pourrions essayer d'évaluer les coûts et les risques. Je voudrais surtout que l'on contrôle bien l'inscription et l'élimination des noms sur la liste. Ce serait difficile.

M. Mayfield: Je précise bien que ce ne sont pas des recommendations du comité; je ne fais qu'avancer des idées. Rien d'autre. C'est une idée qui vient de me traverser l'esprit. Je voulais le préciser à l'intention des membres du comité.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Pour reprendre ce que disait M. Mayfield, personne, je crois, ne songe à confier au gouvernement fédéral la tâche d'accorder des licences.

L'OPIC a proposé par exemple, d'agréer les conseillers pour certaines tâches précises s'ils appartenaient à une association professionelle reconnue ou s'il est établi qu'ils ont les compétences voulues ou sont sur le point de les acquérir. Ils formeraient donc une association qui fixerait le taux des honoraires pour se financer.

Ce serait à elle de vous convaincre, vous ou le ministre j'imagine, que le système d'agrément comporte des normes, des exigences, des mesures disciplinaires et un code de déontologie et peut-être même aussi une assurance.

L'OPIC estime aussi que dans cette hypothèse vous n'auriez à vous occuper que de 10 ou 20 p. 100 des cas, la minorité.

Pensez aussi aux immigrants qui vont voir quelqu'un pour remplir un formulaire. Même s'ils n'étaient pas tenus légalement de s'adresser à un conseiller agréé, s'il y avait un registre et un organisme d'agrément, les immigrants eux-mêmes adopteraient la formule. Au bout du compte, vous pourriez régler une bien plus grande partie du problème que vous n'auriez pu faire rien qu'à y réfléchir sur le papier.

Qu'en pensez-vous?

Mme Chapman: Cette idée nous plaît beaucoup. L'idée d'une association autoréglementée nous plaît pour les raisons suivantes.

Premièrement, nous sommes convaincus que la majorité de ceux qui se lancent dans cette profession sont honnêtes. La plupart de ceux qui se lancent dans une profession comme celle-là cherchent honnêtement à protéger les intérêts de leurs clients et ne demandent pas d'honoraires exhorbitants.

Cela ne nous intéresse pas du tout de suivre chaque cas et de contrôler tout le monde.

M. Knutson: Oui, il n'en est pas question.

Mme Chapman: Pour nous, ce n'est pas très sensé, quoique, comme M. Mayfield l'a dit, ce serait peut-être une bonne idée de trouver un modèle plus simple.

En revanche, la proposition de l'OPIC, que nous avons un peu étoffée, nous plaît. Cela ressemble beaucoup à quelque chose comme le barreau.

Ce n'est pas aussi «ritualisé» mais cela représente de nombreux avantages. C'est pourquoi cela nous intéresse.

.1010

J'ai dit tout à l'heure que s'il y avait un code de déontologie, des sanctions disciplinaires, etc., cela pourrait régler une bonne partie du problème. Comme vous l'avez dit, quand des immigrants sauront que les conseillers sont agréés, qu'ils ont des antécédents, je crois que les mauvais conseillers, ceux qui sont malhonnêtes ou qui demandent trop, perdront des clients. C'est la loi du marché qui prévaudra.

Il faudra procéder à des consultations pour s'assurer que, si nous nous engageons dans cette voie, nous aurons tous les contrôles nécessaires. J'ignore quel serait exactement le lien entre le gouvernement fédéral et les conseillers, quelle sorte de liaison il faudrait établir pour veiller à ce qu'ils respectent leurs engagements.

M. Knutson: Le Comité pourrait peut-être réexaminer la situation un an après sa création et assurer un suivi pendant quelque temps.

Mme Chapman: C'est une excellente suggestion. Nous serions favorables à l'idée que l'on pourrait en faire l'essai et que nous-mêmes et d'autres, notamment le Comité, puissions suivre le dossier et voir si la solution est efficace et a permis de régler le problème, partiellement ou totalement. Ce serait très bien.

M. Knutson: C'est avec vous qu'il faut communiquer?

Mme Chapman: Brian Grant est le directeur du Contrôle et de l'application de la loi chez nous et c'est la personne qui s'occupe de ces questions mais c'est moi qui suis responsable. Vous pouvez donc communiquer avec moi ou avec Brian.

M. Knutson: Entendu. C'est tout. Merci.

Le président suppléant (M. Dromisky): Monsieur Mayfield, avez-vous d'autres questions?

M. Mayfield: Oui, une ou deux de plus.

En ce qui me concerne, j'ai réfléchi à la situation au Canada. Mais il y a des conseillers qui travaillent au nom d'immigrants à l'étranger. Les problèmes resteraient-ils les mêmes si l'on agréait ou si l'on contrôlait les conseillers qui travaillent auprès de ceux qui veulent immigrer au Canada?

Mme Chapman: Il y a des différences importantes et, pour certains aspects, ce serait assez difficile. Je pense néanmoins qu'un organisme autoréglementé au Canada serait un bon point de départ. On pourrait ensuite voir s'il serait possible d'établir un équivalent à l'étranger. J'ignore comment cela pourrait fonctionner, mais les mêmes principes s'appliqueraient.

Avec le temps, les clients sauraient qu'une association professionnelle a accordé son agrément aux conseillers au Canada et que ceux-ci demanderaient des honoraires honnêtes et feraient preuve de probité. C'est une possibilité, mais l'agrément à l'étranger, pour moi, c'est une autre étape. Il est hors de question d'accorder un agrément à des gens à l'étranger. Là encore, il faudrait une autoréglementation.

M. Mayfield: Les fonctionnaires de l'immigration devraient pouvoir décider avec quels conseillers ils traitent à l'étranger, n'est-ce pas?

Mme Chapman: Nous avons obtenu un certain succès sur ce plan, mais un certain succès seulement.

Nous ne savons pas exactement quels sont nos droits sur ce point. Il faudra obtenir des éclaircissements.

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Il est évident que nous pourrions leur fermer l'accès à nos locaux mais je ne crois pas que l'on veuille aller aussi loin parce que cela représente des risques sur le plan des relations publiques. Une erreur de jugement par un agent ou un garde pourrait créer un scandale dans un pays avec lequel nous voulons avoir de bonnes relations.

Le président suppléant (M. Dromisky): Nous n'avons aucune autorité sur le transfert du savoir à l'étranger. Quiconque connaît bien nos formalités peut très bien offrir ce qu'il sait sur le marché.

Revenons où nous en étions. M. Assadourian voulait poser une question, je crois.

M. Assadourian: Il y quelques mois, quelqu'un est venu me voir dans mon bureau de circonscription et m'a montré l'annonce d'un conseiller qui se servait du symbole du drapeau canadien qui se trouve sur notre papier-entête: la feuille d'érable et le petit rectangle. L'annonce disait qu'il fait du bon travail, etc. Que faites-vous dans un cas comme celui-là, lorsque quelqu'un fait de la publicité à l'aide d'un symbole du gouvernement fédéral?

Mme Chapman: À l'heure actuelle, nous n'intervenons pas. Je ne suis pas certaine que nous puissions y faire quoi que ce soit. Il faudra que j'y réfléchisse, monsieur Assadourian.

M. Assadourian: Si moi je me servais....

Mme Chapman: Quelqu'un va essayer de vous épingler.

M. Assadourian: Pourquoi pas le gouvernement du Canada?

Mme Chapman: Des mesures sont sans doute prévues quelque part, j'imagine sous le régime du Programme de coordination de l'image de marque.

M. Assadourian: Quel programme?

Mme Chapman: Le Programme de coordination de l'image de marque, c'est celui qui....

M. Assadourian: Des accusations sont-elles portées?

Mme Chapman: Ce n'est pas l'immigration qui s'en chargerait, mais peut-être....

M. Assadourian: La GRC ne les poursuivrait pas pour avoir abusé du symbole du Canada?

Mme Chapman: Il existe peut-être un recours juridique dans le cadre du Programme de coordination de l'image de marque, mais je ne le connais et ce n'est pas quelque chose dont s'occupe l'immigration. Si une loi restreint l'emploi de ce symbole ou de ce logo, nous signalerons la chose aux autorités compétentes, mais à l'heure actuelle, j'ignore quels sont les mécanismes d'application de la loi pertinente. Je me ferai un plaisir de me renseigner et de communiquer avec vous.

M. Assadourian: Oui, je vous en prie, si vous le voulez bien.

Le président suppléant (M. Dromisky): Voulez-vous poser une question?

Mme Margaret Young (attachée de recherche du Comité): Si vous le voulez bien.

J'aimerais vous poser des questions sur d'autres solutions que les témoins ont proposées.

Plusieurs groupes et citoyens nous ont demandé de limiter aux seuls avocats les fonctions au tribunal. J'entends par là la représentation du client devant un arbitre ou d'un demandeur du statut de réfugié ou la présentation des appels devant la section d'appel. Que pensez-vous de cette idée?

Mme Chapman: Je comprends pourquoi des avocats pourraient faire cette proposition, mais d'après ce que je sais, ceux qui sont représentés par des conseillers sont tout aussi bien défendus que s'ils l'étaient par des avocats, en général. Il y a de bons avocats et il y en a de moins bons, tout comme il y a de bons conseillers et de moins bons. Dans l'ensemble, je dirais que la qualité est à peu près la même dans les deux groupes.

Je ne suis donc pas convaincue du bien-fondé de cette restriction. De fait, je dirais que la compuration devant le tribunal est l'étape qui se prête le moins aux malversations parce que c'est celle qui est la plus officielle et la plus encadrée, ce qui réduit les risques de malhonnêteté.

Mme Young: Comme il en a été question dans la première question qui vous a été posée, les avocats du Québec ont rappelé qu'il y a très peu de conseillers dans cette province. En effet, le gouvernement du Québec ne permet pas aux conseillers rémunérés de comparaître devant le Bureau de révision en immigration. Les services québécois ne traitent qu'avec des avocats ou des amis non rémunérés, des ONG, etc.

J'ai trouvé cela intéressant. Cela rejoint une suggestion faite par un autre groupe, à savoir que les CIC au Canada et les missions à l'étranger ne devraient traiter qu'avec des avocats, par exemple, ou des conseils non rémunérés.

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Je vais vous poser ma troisième question tout de suite et vous pourrez y répondre en même temps. Vous avez dit que vous n'avez obtenu qu'un certain succès lorsque vous avez essayé de limiter l'accès des lieux à l'étranger et j'aimerais savoir ce que vous avez essayé de faire et quel succès vous avez obtenu. Cette question est reliée à la précédente sur la façon de limiter l'accès à l'étranger. Pourquoi ne décidez-vous pas de ne traiter qu'avec des avocats, par exemple?

Mme Chapman: Ce serait possible. Nous n'avons toujours pas reçu d'avis juridique à cet effet, mais j'ai le sentiment que nous pouvons probablement limiter l'accès. La question que je me pose, c'est pourquoi? Pourquoi faudrait-il être représenté par un avocat?

Comme je l'ai dit, beaucoup de conseillers sont tout aussi efficaces, compétents et bien renseignés que quantité d'avocats. Leur interdire l'accès des lieux uniquement parce qu'ils sont conseillers me semble arbitraire et injustifié.

Pour ce qui est de ce que nous avons fait à l'étranger, dans certains cas, nous avons demandé qu'on ne laisse pas entrer certaines personnes dans nos locaux. Dans une large mesure, cette consigne a été respectée.

Par ailleurs, j'ai des réserves à propos de ce que l'on appelle ces conseils non rémunérés. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est la compétence. Je m'inquiète davantage du cas de celui qui se fait défendre par son frère, sa soeur ou un ami que du cas de la plupart des conseillers parce que la plupart d'entre eux, comme je l'ai dit, sont très bien renseignés. Je suis moins certaine dans le cas des conseils non rémunérés. Sans compter que rien ne garantit qu'ils ne sont effectivement pas rémunérés. Comment savoir si tel ou tel n'est pas rémunéré? Il n'y a aucun moyen de le savoir. Si je dis lors d'une enquête que telle personne est mon ami et que je ne le paie pas, vous n'avez aucune façon de savoir si je le paie ou non. Il faudra accepter la parole de la personne et je pense qu'au bout du compte, le risque de malversation est encore plus grand.

Le président suppléant (M. Dromisky): Je vous remercie beaucoup. De l'un ou de l'autre côté de la table, y a-t-il d'autres questions? Dans ce cas, je vous remercie beaucoup de votre exposé. Nous avons appris beaucoup. Malheureusement, tous les membres du comité n'étaient pas présents, mais nous avions au moins le quorum et il y aura le compte rendu. Il sera possible de communiquer l'information aux autres membres du Comité. Merci beaucoup, madame Chapman.

Mme Chapman: Merci beaucoup.

M. Assadourian: Je vous souhaite un bon été.

.1145

PAUSE

.1149

Le président: Je crois que nous pouvons commencer.

Je m'appelle Gar Knutson. Je suis le président du sous-comité. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Me Sauvé et à Me Goyette du Barreau du Québec, qui vont témoigner aujourd'hui sur la réglementation de l'industrie des experts-conseils.

Merci, messieurs, d'être venus. Je ne sais pas si vous avez déjà comparu devant un comité parlementaire, mais d'habitude, vous avez de 15 à 20 minutes pour votre exposé et ensuite nous passons à des tours de questions.

Nous essaierons de finir d'ici 45 minutes, mais nous pouvons aller jusqu'à midi si nécessaire. Nous pouvons dépasser l'heure prévue pour le fin de la séance, soit 13 heures. Ne vous sentez pas pressés parce que nous avons commencé en retard.

[Français]

Me Marc Sauvé (service de recherche et de législation, Barreau du Québec): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et messieurs les membres du Sous-comité.

D'abord, qu'il me soit permis de me présenter. Je m'appelle Marc Sauvé et je suis avocat au Service de la législation au Barreau du Québec.

Je suis accompagné d'un avocat spécialisé en droit d'immigration du secteur privé, Jean-François Goyette, qui pourra répondre d'une façon plus détaillée à certaines de vos questions concernant le droit de l'immigration et la tradition au Québec, ou la situation québécoise.

.1150

Sans plus tarder, je dois vous dire d'abord que le Barreau du Québec - si vous ne le savez pas, je vous l'apprends, mais cela m'étonnerait que vous ne le sachiez pas - est l'ordre professionnel qui régit les activités des avocats au Québec. Il y a plus de 16 000 avocats dans la province de Québec. C'est donc un ordre professionnel dont le mandat premier est la protection du public, notamment par le biais de la surveillance de l'exercice de la profession. C'est donc à la lumière de ce mandat de protection du public qu'il faut interpréter la démarche que nous faisons devant vous aujourd'hui.

Bien humblement, je dois toutefois vous dire qu'il ne s'agit pas d'une position arrêtée et analysée en détail du Barreau. C'est davantage une amorce de réflexion sur toute cette question des consultants en immigration et du rôle que les avocats doivent jouer pour bien protéger les droits des justiciables dans le processus d'immigration. Alors, sans plus tarder, je vais aborder les grandes lignes du mémoire du Barreau.

Depuis plusieurs années, de nombreux consultants ou conseillers agissent au Canada et à l'étranger comme intermédiaires entre les immigrants potentiels et diverses instances en matière d'immigration. Ces consultants sont appelés à préparer des dossiers et à représenter les intérêts des étrangers qui désirent acquérir le statut d'immigrant ou de citoyen. Souvent, ces consultants réclament de fortes sommes d'argent pour agir à ce titre ou pour procéder à des placements au pays.

Comme je l'ai mentionné tantôt, le Barreau du Québec a comme principal mandat de protéger le public et il est évidemment très préoccupé du fait que les consultants en immigration ne sont soumis à aucune règle obligatoire de déontologie et qu'ils n'offrent aucune garantie, notamment au chapitre de la formation et de l'assurance-responsabilité.

À ce sujet, je dois vous souligner un fait qui nous préoccupe. Il s'agit d'avocats qui pratiquent dans le domaine de l'immigration et qui, décidant de laisser tomber leur titre professionnel parce qu'ils estiment que cette appartenance à un ordre professionnel n'est pas très rentable et est, somme toute, plus contraignante qu'autre chose, continuent à faire exactement le même travail sans être réglementés. Nous pensons qu'il y a là un problème sur lequel il faut se pencher.

Plus souvent qu'autrement, les étrangers qui veulent acquérir le statut d'immigrant ne sont pas au courant des lois en vigueur au pays et de leur droit d'être assistés et représentés par un avocat. Je pense qu'il est utile de décrire dans les grandes lignes les activités de ces consultants en immigration et de jeter ensuite un coup d'oeil sur la législation professionnelle et le rôle des avocats.

La première rubrique est la nature du travail des consultants en immigration.

Dans son travail quotidien, le consultant en immigration est appelé à donner des avis ou à poser divers actes, notamment des opinions ou des avis concernant l'application de la Loi sur l'immigration à des cas spécifiques, des opinions concernant les conséquences juridiques d'une offre d'emploi, la rédaction de certains documents de nature juridique et des opinions concernant l'application des normes du travail ou des aspects fiscaux.

Par ailleurs, le consultant en immigration pourra représenter le justiciable devant diverses instances quasi judiciaires et pourra être appelé à gérer ou à placer d'importantes sommes d'argent. Il pourra faire tout cela sans aucune forme de contrôle ou d'encadrement. Pour le Barreau du Québec, il est clair que cette situation constitue un danger pour le public. On pense que le gouvernement fédéral devrait s'inspirer de l'expérience québécoise en ce qui a trait au rôle des avocats comme représentants dans le processus d'immigration.

Dans un premier temps, il y a une particularité dans la législation professionnelle au Québec. C'est qu'il y a un code des professions. Toutes les professions du Québec - on en compte 40 ou 41 - sont assujetties à cette loi cadre. Chacune des professions se voit aussi encadrée par une loi particulière. Dans le cas du Barreau, c'est la Loi sur le Barreau.

.1155

La Loi sur le Barreau, au paragraphe 128(1), prévoit que divers actes sont du ressort exclusif de l'avocat, notamment donner des consultations ou des avis d'ordre juridique et, sauf exception prévue par la Loi, plaider ou agir pour autrui devant tout tribunal. Le mot «tribunal» est défini dans la Loi sur le Barreau comme étant tout organisme qui siège dans le Québec et qui exerce une fonction judiciaire ou quasi judiciaire.

Ce qu'il faut comprendre ici, c'est le principe. Ce principe veut que ce soit un avocat qui ait le droit de représenter autrui devant le tribunal. Bien sûr, il y a des exceptions prévues par la Loi sur le Barreau: certains tribunaux administratifs, dont la Régie du logement, par exemple, et des instances en droit du travail, et il y a notamment le sous-alinéa 128(2)a)(7), lequel prévoit qu'il est possible pour un non-avocat de représenter autrui devant le Bureau de révision en immigration dans le cas prévu à l'article 31 de la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Si on jette un coup d'oeil à l'article 31 de la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, on se rend compte que cette possibilité de représenter autrui devant cet organisme quasi judiciaire est très circonscrite et très restreinte. C'est le législateur québécois qui a décidé cela, non pas pour faire un cadeau aux avocats, mais parce qu'il a jugé que cela était dans l'intérêt des justiciables. On dit à l'article 31:

C'est donc assez limité. C'est seulement dans le cas où la personne ne peut pas se présenter elle-même parce qu'elle ne se trouve pas au Québec.

En somme, l'article 31 permet à un non-membre de représenter autrui devant le Bureau de révision en immigration, mais à titre gratuit seulement.

De plus, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration exige en pratique que le représentant d'un demandeur soit membre du Barreau dans les diverses étapes administratives du dossier. Donc, sauf exception, les avocats jouissent d'un champ d'exercice exclusif en la matière.

Mais pourquoi ce champ d'exercice exclusif? C'est parce qu'il comporte des garanties. Et quelles sont ces garanties?

Premièrement, il y a la formation. Comme vous le savez, des études universitaires en droit sont nécessaires pour devenir avocat. Au Québec, il faut trois années d'université, une année à l'école du Barreau et un stage de six mois. Or, ces mêmes garanties de formation n'existent pas dans le cas des consultants en immigration.

Deuxièment, il y a la déontologie. Plusieurs membres de ce sous-comité sont probablement membres d'un barreau et sont donc soumis à un code de déontologie. Vous savez alors qu'en cas d'infraction, le syndic peut porter plainte au comité du syndic, et il peut s'ensuivre une radiation. Évidemment, ces règles ne s'appliquent pas pour les consultants.

Troisièmement, il y a l'assurance-responsabilité obligatoire. Au Québec, quelqu'un qui pratique doit souscrire à une assurance-responsabilité offrant une couverture d'un million de dollars. Encore une fois, cette garantie n'existe pas pour le public qui fait affaire avec des consultants. On sait aussi que plusieurs consultants offrent des services par le biais d'une société. Ils éludent ainsi leurs responsabilités personnelles, sans que la société soit pour autant assurée.

Quatrièmement, il y a le fonds d'indemnisation. Quand un client fait affaire avec un avocat et que celui-ci s'approprie illégalement son argent, le client peut recourir à la corporation professionnelle et réclamer du fonds d'indemnisation un montant n'excédant pas 50 000$. Là encore, cette garantie n'existe pas pour le public qui fait affaire avec un consultant en immigration.

.1200

Cinquièmement, il y a la conciliation et l'arbitrage. Là encore, il y a une réglementation. Si un client n'est pas content ou trouve que la facture que l'avocat lui a envoyée est trop élevée, il peut toujours s'adresser au bureau du syndic pour faire une conciliation et éventuellement demander l'arbitrage.

Sixièmement, il y a la comptabilité en fidéicommis. Il y a toute une série de règles à cet égard et si vous détenez des sommes pour autrui, vous y êtes assujetti.

En résumé, toute la réglementation qui est obligatoire pour les avocats ne l'est pas pour les consultants en immigration. Nous pensons donc que les avocats sont les professionnels les plus aptes à protéger adéquatement les droits substantifs et procéduraux des personnes.

Au Québec, seul l'avocat peut représenter autrui devant un tribunal, sauf exception prévue par la loi. Ce principe de représentation exclusive est généralement accepté par l'ensemble des tribunaux adminitratifs, dont le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. On pense que le gouvernement fédéral, dans sa réglementation ou dans sa législation, pourrait s'inspirer de l'expérience québécoise, en particulier de l'article 31 de la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, pour que la représentation par un non-avocat devant la Commission de l'immigration ne soit permise que dans certaines circonstances précises et limitées. On ne voit pas pourquoi le justiciable ou l'administré n'aurait pas droit aux mêmes garanties et à la même qualité de service, selon qu'il se trouve devant un organisme provincial ou selon qu'il se trouve devant un organisme fédéral.

Il nous fera plaisir de soumettre des commentaires et des observations plus détaillés lorsque la réglementation sera déposée et publiée dans la Gazette du Canada.

Je vous remercie beaucoup. Mon expert et moi sommes prêts à répondre à vos questions. Je ne suis pas expert en matière de droit de l'immigration, mais j'ai la chance d'être accompagné par quelqu'un qui s'y connaît et qui peut probablement vous brosser un tableau plus concret de cette réalité-là. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci. Monsieur Goyette.

Me Jean-François Goyette (Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Je veux simplement ajouter quelque chose. Ce ne sera pas très long.

Maître Sauvé a fait référence à la situation actuelle au Québec. Depuis l'entente Cullen-Couture, il existe au Québec une procédure qui prévoit que la sélection est la responsabilité québécoise, et dans l'exercice de cette responsabilité-là, le gouvernement du Québec a, dans sa Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, indiqué ses préférences concernant ses relations avec les avocats et les consultants.

Cela s'est fait à une certaine époque, et je pense qu'au moment où cela a été décidé, on a fait cela pour harmoniser ce tribunal avec tous les autres tribunaux administratifs du Québec qui ont, comme dans l'article 31 qui vous a été soumis, des dispositions relatives à la représentation par procureur et par personnes qui ne sont pas procureurs, qui ne sont pas des avocats.

Pour ma part, j'estime que le Québec a bénéficié de ces dispositions-là. Avec les années, le système québécois a permis une représentation qui assure l'intérêt du public, en particulier l'intérêt des personnes désireuses d'immigrer au Canada.

Il y a eu, lors de changements législatifs à la Loi sur l'immigration, l'alinéa 114(1)v) dont vous avez certainement entendu parler et qui prévoit que le gouvernement peut légiférer en matière de représentation, notamment devant les tribunaux administratifs.

.1205

Personnellement, je sais qu'il y a eu des développements concernant l'alinéa 114(1)v). Il y a eu, à un moment donné, une consultation sur un projet de règlement qui comportait certaines dispositions similaires à celles que l'on retrouve à l'article 31 de la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, mais je ne sais pas où on en est rendu dans cette consultation.

J'estime toutefois que le moment est opportun pour que le gouvernement apporte les correctifs qui s'imposent et que la représentation, à tout le moins la représentation devant les tribunaux administratifs, se fasse par un avocat membre du barreau de sa province.

C'est, à mon avis, un anachronisme qu'il n'y ait aucune disposition qui régisse la CISR à l'heure actuelle. La CISR est un tribunal administratif, soit, mais les personnes qui s'y retrouvent, que ce soit à la section du statut, à l'appel ou encore à l'arbitrage, doivent répondre à des questions qui vont affecter le reste de leur vie de façon peut-être plus importante que dans n'importe quel autre tribunal administratif. En effet, les questions de droit qui y sont soulevées sont complexes, la plupart du temps, et requièrent une attention soutenue ainsi qu'un bagage de connaissances important. J'estime pour ma part qu'il est primordial qu'on se penche sur le problème de la représentation devant la CISR.

Également, je pense que le ministère fédéral de l'Immigration devrait s'inspirer de l'expérience du Québec en matière de représentation et de mandat. Comme l'a souligné Me Sauvé, seuls les avocats qui sont membres du Barreau et qui pratiquent peuvent être mandataires ou représenter des clients ou des candidats à l'immigration auprès du ministère de l'Immigration. L'expérience a porté fruit. Cela fait maintenant partie de la culture et de l'environnement juridique du Québec. C'est un aspect important à considérer.

Je pense aussi qu'une réglementation permettrait aux provinces de légiférer sur ces questions-là en fonction de leurs besoins propres. Elles pourraient instituer une corporation pour les consultants ou tout autre mode qu'elles jugeraient approprié. Ce genre de décision est de ressort provincial et je suis d'avis qu'il faut s'attacher très fortement à respecter les traditions et l'environnement juridiques des provinces. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Nunez, voulez-vous prendre la parole tout de suite ou attendre?

M. Nunez (Bourassa): Je pourrais intervenir maintenant, mais je ne sais pas si je vais répéter certaines questions.

Le président: Nous pouvons commencer par M. Mayfield et ensuite vous revenir.

M. Nunez: D'accord.

M. Mayfield: Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais m'excuser de ne pas avoir été là aussi tôt que prévu.

Le président: Ça va. Nous avons commencé en retard de toute façon.

.1210

M. Mayfield: J'aimerais vous remercier, messieurs, de votre exposé.

Si je vous comprends bien, seuls les avocats devraient représenter les candidats à l'immigration. Pourtant je me demande pourquoi vous insistez tant pour que ce soit des avocats alors que très souvent la consultation n'est pas de nature juridique. Il existe des consultants en immigration très compétents, qui ne sont pas avocats, et qui montrent parfaitement bien aux intéressés comment remplir une demande d'immigration, à qui s'adresser, et quels renseignements donner.

Je ne m'oppose pas à ce que ce soit un avocat; je n'ai rien contre l'expérience et les connaissances juridiques quand c'est nécessaire, et je ne nierai pas non plus le droit qu'aurait quelqu'un qui veut consulter un avocat de le faire. Mais je suis étonné de voir à quel point vous insistez pour que seuls des avocats puissent représenter des demandeurs du statut d'immigrant. Je me demande si des personnes qui ne sont pas avocates pourraient, à votre avis, aider ces gens à présenter une demande.

[Français]

Me Goyette: Avec votre permission, monsieur le député, si on est à ce point favorables à la représentation par avocat, c'est à cause d'un choix de société. Ce n'est pas seulement pour la question des consultants en immigration. Je connais des gens qui ne sont pas avocats et qui font un excellent travail pour aider des personnes qui veulent divorcer. Ils les conseillent sur des formalités qui, sans être de nature juridique, peuvent présenter des problèmes juridiques épineux.

Donc, vous avez peut-être tort de penser que nous voulons faire en sorte qu'il n'y ait personne d'autre que des avocats qui fassent des représentations. Il est clair que dans l'environnement juridique du Québec, la plupart des tribunaux administratifs permettent la représentation à titre gratuit. Dans ce contexte-là, le Barreau du Québec ne s'opposerait certainement à ce que des personnes, des amis ou des parents d'un candidat à l'immigration le représentent auprès du ministère de l'Immigration.

Maintenant, je n'ai pas de peine à croire qu'il y a des consultants en immigration qui sont tout à fait compétents dans leur travail, peut-être même plus que certains avocats. Mais comme il n'y a aucun encadrement pour ces personnes-là, la protection du public est en cause.

Je pense qu'il appartient aux provinces de voir à l'encadrement des consultants en immigration, par le biais d'une corporation ou autrement.

.1215

Nous ne sommes pas ici pour vous dire que nous sommes contre un encadrement ou contre une corporation de ces consultants. Je pense que tout le monde en voit la nécessité. Mais pour que le Barreau du Québec se prononce, il faudrait qu'il y ait, de la part de consultants en immigration au Québec, un désir ou un projet d'encadrement quelconque dont on puisse discuter sur la place publique.

Encore une fois, monsieur Mayfield, je tiens à préciser que nous ne demandons absolument pas l'exclusivité de représentation par les avocats. C'est faire fausse route que de penser que c'est dans cette voie que nous nous dirigeons.

[Traduction]

M. Mayfield: Mais sans rémunération ou compensation pour les consultants qui ne sont pas avocats; n'est-ce pas ce que vous proposez?

[Français]

Me Goyette: Cela fait déjà partie de l'environnement juridique des tribunaux administratifs au Québec. Il y a plusieurs tribunaux administratifs qui permettent ce genre de représentation.

[Traduction]

M. Mayfield: Si je peux vous interrompre, monsieur, avant que mon temps ne soit écoulé, il y a d'autres questions que j'aimerais soulever aussi. Notre président est très généreux, mais...

Il me semble que si vous êtes avocat vous pouvez représenter un demandeur du statut d'immigrant aujourd'hui et défendre un accusé de meurtre le lendemain, par exemple, dans la mesure où vous arrivez à faire entrer le client dans votre bureau et à le convaincre que vous lui offrez un service pour lequel il est disposé à payer.

Je me demande comment on peut établir des règles pour garantir la compétence de ceux qui se proposent pour représenter les requérants en immigration. Tout le monde sait que certains avocats acceptent de faire certaines choses pour lesquelles ils n'ont pas les qualifications nécessaires, même s'ils sont inscrits au barreau.

Sans vouloir en discuter, je ne pense pas que ce que vous proposez puisse régler toutes nos préoccupations. C'est vrai que les barreaux ont des mécanismes pour régler le cas de ceux qui manquent de scrupules. Heureusement, d'ailleurs. Moi je veux m'assurer que, dans le cas des consultants non juristes, on applique le même genre de mécanisme de contrôle, pour les obliger à justifier toute activité ou comportement répréhensible.

Il me semble qu'on cherche à encourager les gens qui s'intéressent surtout au bien-être du client - l'immigrant éventuel et le demandeur du statut de réfugié - et à leur passage rapide et sans obstacle par le processus sans qu'on profite d'eux.

Dans le cadre de ce que vous proposez, quelqu'un pourrait-il gagner sa vie en tant que consulant en immigration? Prenez le cas de quelqu'un, si vous voulez, qui a peut-être passé 20 ans au ministère, qui connaît son affaire et qui a décidé de faire ce travail dans une ambiance non bureaucratique. Pensez-vous qu'il y ait une place pour quelqu'un comme ça?

[Français]

Me Goyette: Je ne vois pas d'objection à discuter d'un encadrement pour les consultants en immigration. Je pars de la prémisse qu'il faut un encadrement car actuellement, il n'y en a pas. N'importe qui peut être consultant en immigration, n'importe qui et son voisin.

[Traduction]

M. Mayfield: Vous avez raison.

[Français]

Me Goyette: Or, à cause de notre système juridique, cette question d'encadrement relève des provinces. Si l'on veut en discuter, il faut qu'il y ait un projet. Il faut que les personnes concernées, les consultants, arrivent avec un projet, qu'elles demandent à être entendues et là il y aura une discussion.

.1220

Personnellement, je serais mal placé pour spéculer sur un projet de corporation. À ce stade-ci, je ne pense pas que le Barreau du Québec puisse prendre position sur un quelconque projet d'encadrement. Il faut que les consultants en immigration et les personnes que vous avez décrites comme étant capables de remplir un mandat de représentation auprès de l'immigration demandent à être reconnus au sein d'une organisation quelconque. Cela ne peut se faire que s'ils le désirent collectivement et en font la demande aux autorités compétentes.

Je voudrais ajouter une dernière chose, monsieur Mayfield, si vous me le permettez. Au sein de la corporation du Barreau du Québec, et je suis persuadé qu'il en est de même dans les corporations analogues du reste du Canada, on ne s'improvise pas plus avocat spécialisé dans les meurtres qu'avocat spécialisé en immigration.

Il y a des dispositions déontologiques très claires - Me Sauvé pourra vous en parler - qui invitent ou qui obligent un avocat à refuser un dossier qu'il est incapable de défendre à cause de sa complexité ou à cause de sa méconnaissance du droit. Je ne plaiderai jamais des causes de meurtre parce que je n'ai pas d'expérience en la matière. Si quelqu'un qui est accusé de meurtre venait me voir, je le référerais à quelqu'un spécialisé dans ce genre de cause. Si je n'agissais de la sorte, je pourrais faire l'objet de sanctions de la part de ma corporation. C'est la façon dont cela fonctionne.

[Traduction]

M. Mayfield: C'est précisément le genre de comportement scrupuleux qu'on cherche, ce que vous nous décrivez ici.

Je ne sais pas si j'ai épuisé le temps dont je disposais, monsieur le président.

Le président: Vous avez débordé de deux minutes.

M. Mayfield: Oh, j'ai pris deux minutes de plus. Voulez-vous que j'attende à la prochaine fois?

Le président: Oui.

M. Mayfield: D'accord. Cela me convient parfaitement. Je vous remercie beaucoup.

[Français]

M. Nunez: Excusez mon retard. C'est le dernier jour de session au Parlement et nous avons beaucoup de travail. Mais je tenais à être ici parce que l'opinion du Barreau du Québec nous intéresse au plus haut point.

Je ne sais pas si vous l'avez déjà fait dans votre exposé, mais j'aimerais vous demander d'expliquer la gravité de ce problème au Québec. Nous avons interrogé d'autres témoins qui nous disaient qu'au niveau de la CISR, 95 p. 100 des personnes étaient représentées par un avocat et que 5 p. 100 étaient, soit non représentées, soit représentées par des consultants.

Vous avez dit que le Barreau avait intenté des poursuites contre certains consultants. Qu'est-ce qui s'est passé dans le cas de ces poursuites? Pourriez-vous élaborer là-dessus également?

Me Sauvé: Absolument. Je peux répondre à cette question-là. D'abord, je dois vous dire qu'il n'y a pas un nombre spectaculaire de poursuites pour pratique illégale. J'ai vérifié au barreau le plus important, le barreau de Montréal - parce que le Barreau est divisé en sections, - et on parlait de quatre poursuites pour pratique illégale.

M. Nunez: Depuis quand?

Me Sauvé: Depuis trois ou quatre ans. C'étaient des poursuites contre des consultants qui jouaient à l'avocat, c'est-à-dire qui se présentaient comme avocats sur leurs cartes d'affaires ou qui s'affichaient comme étant des personnes autorisées à donner des opinions juridiques. En somme, il y a eu peu de poursuites proprement dites.

On peut peut-être rattacher cela au phénomène des paralegals. Je sais que cette question des techniciens juridiques ou des adjoints juridiques ou des paralegals est un phénomène important au Canada anglais, mais au Québec, il n'existe à peu près pas. Au Québec, vous ne verrez personne s'ouvrir un bureau privé pour offrir directement des services juridiques à la population sans être membre du Barreau ou sans être notaire. Vous ne verrez pas cela. Ce n'est pas dans les moeurs. Ce n'est pas dans la culture.

.1225

Évidemment, le Barreau suivrait cela de très près si cela se produisait. Mais ce phénomène existe au Canada anglais. Le Barreau de l'Ontario, par exemple, a eu à surveiller de près quelques centaines de personnes qui s'ouvraient des bureaux sans être avocats, sans être membres du Barreau et qui offraient des services juridiques.

Au Québec, ce phénomène n'existe pas. Cela ne veut pas dire que l'on doive dormir sur nos deux oreilles. On surveille cela d'assez près, parce qu'on considère que quelqu'un qui n'a pas la formation voulue et qui n'offre pas les garanties de déontologie constitue un risque potentiel pour le public.

M. Nunez: Est-ce qu'on pourrait aussi parler du fait que les immigrants ne se plaignent pas souvent? Ils ne portent probablement pas plainte souvent. Ils ne vont pas aller rencontrer le Barreau étant donné que vous...

Me Sauvé: C'est un élément. Si vous êtes déporté, vous n'êtes pas sur place, vous ne connaissez pas les lois et vous n'avez pas de contacts. Il vous est difficile, dans ces circonstances, de porter plainte. On m'a décrit la clientèle d'immigrants qui postulaient le statut d'immigrant comme étant une clientèle particulière et vulnérable, vulnérable parce qu'elle n'a pas de liens ici. Elle ne connaît pas nécessairement les us et les coutumes, les valeurs et tout cela. Pour plusieurs, il en va de leur intégrité physique et psychologique. Ils sont prêts à faire à peu près tout ce qui est imaginable pour obtenir ce statut. Donc, ils sont un peu livrés, poings et mains liés, aux consultants ou aux conseillers qui les reçoivent. C'est un phénomène qui est venu à mes oreilles, et je pense que c'est assez juste comme situation.

M. Nunez: Ce phénomène qui ne revêt pas une énorme gravité au Québec, comment l'envisagez-vous pour l'avenir?

Il y a, par exemple, beaucoup de coupures au niveau du ministère de l'Immigration et à tous les niveaux de l'administration publique fédérale, et les gens n'ont pas les renseignements dont ils ont besoin pour remplir un formulaire, pour obtenir des opinions, des conseils. Cela pourrait-il faire en sorte qu'ils aillent ailleurs?

Deuxièmement, ne pensez-vous pas que si l'aide juridique devient trop restrictive quant aux mandats juridiques, cela pourra avoir un impact sur les immigrants? Je ne sais pas si vous avez des renseignements concernant les tarifs exigés par la avocats et les consultants. Y a-t-il des études à ce sujet?

Me Goyette: Je m'excuse, je n'ai pas compris la question.

M. Nunez: La dernière? Partant de l'hypothèse qu'il en coûte plus cher d'aller voir un avocat que d'aller voir un consultant, qu'est-ce que les immigrants vont faire s'il y a moins de mandats d'aide juridique à l'avenir?

Me Goyette: Effectivement, la question va se poser. À l'heure actuelle, au Québec, la plupart des personnes qui ont besoin d'être représentées devant la CISR préfèrent consulter un avocat.

Si ce sont des personnes démunies, elles peuvent bénéficier de l'aide juridique. Mais dorénavant, à cause du nombre restreint de mandats, cela deviendra plus difficile. Et il est vrai qu'on va probablement se retrouver dans une situation où les personnes qui normalement auraient fait appel à l'aide juridique vont préférer aller voir un consultant en immigration qui ne fournit pas les garanties dont nous avons parlé antérieurement et qui offre des services de piètre qualité.

C'est un risque important et c'est un risque qui nous guette, surtout à l'heure où des coupures importantes sont à prévoir.

.1230

M. Nunez: Nous avons entendu beaucoup de témoins et la majorité d'entre eux demandaient qu'ils soient régis par une réglementation. Or, étant donné que la réglementation des professions est de juridiction provinciale, sauf pour ce qui est de la disposition qu'il y a dans la Loi sur l'immigration, ne voyez-vous pas là un problème constitutionnel?

Me Goyette: Je ne pense pas qu'il y ait de problème constitutionnel, car tous ceux qui sont venus ici s'entendaient pour dire que l'encadrement des professions était de ressort provincial.

[Traduction]

Le président: Permettez-moi d'intervenir sur cette question de la mise en relief du problème. Selon le témoignage du ministère, bien que l'Ontario, par exemple, ou les autres provinces veulent s'impliquer dans le dossier de l'immigration du point de vue de la politique sociale ou économique, elles ne veulent vraiment pas se salir les mains pour ce qui est de l'exécution de la loi, des déportations, ou de la réglementation des experts-conseils. Elles ne veulent pas s'occuper de ces questions-là. Ce n'est pas la Constitution comme telle qui pose problème. Le problème vient des experts-conseils bidons et notre problème - et je ne fais pas allusion au Québec - c'est qu'en général, les provinces ne veulent pas s'en occuper. Voilà où se situe le problème.

[Français]

Me Goyette: Je comprends très bien, monsieur le président, le contexte que vous décrivez.

Cependant, comme je viens de la province de Québec et que l'environnement juridique qui y prévaut est différent, la situation actuelle m'apparaît anachronique. Ce que j'attendrais d'une réforme au niveau de la Loi sur l'immigration, c'est qu'il y soit fait mention, de façon très claire, des responsabilités qui incombent aux provinces sur le plan de la réglementation des consultants. Je suis certain que le Québec saura alors y voir.

Venant du Québec, je trouve désolant que cette question ne puisse pas être réglée parce que d'autres provinces ne veulent pas être responsables de la réglementation. Cela m'apparaît une faible excuse pour ne pas régler le problème.

M. Nunez: J'ai eu des conversations avec des gens du Maroc, du Portugal et d'autres pays où le même problème existe, et ils se demandaient ce que le Canada pourrait faire car il n'a pas juridiction dans les pays étrangers; il n'a qu'un contact avec ces consultants par l'entremise de ses ambassades. Donc, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour solutionner le problème?

Me Goyette: Actuellement, rien. Il n'y a absolument rien qu'on puisse faire pour poursuivre un consultant en immigration à l'étranger, surtout si en plus, il a pris la précaution de former une compagnie.

Ce que je peux vous dire, cependant, c'est qu'un membre du Barreau qui ferait quelque chose de contraire à l'éthique et à la déontologie pourrait faire face à des sanctions assez importantes et pourrait même être radié.

.1235

Il est important de savoir que si un avocat commet un acte préjudiciable à la déontologie et à l'éthique, l'ordre professionnel peut le convoquer et lui imposer des mesures disciplinaires, où qu'il soit dans le monde. Me Sauvé pourra vous le confirmer. C'est une protection importante pour le public.

[Traduction]

M. Nunez: Merci. Thank you.

Le président: Il faut que je vois à quelle heure mettre fin à cette discussion. Le facteur principal est l'heure à laquelle vous devez partir. À quelle heure devez-vous nus quitter?

M. Nunez: À 13 heures.

Le président: Le comité peut rester plus tard, mais nous devrions alors passer à l'Association du barreau canadien. Si vous désirez rester comme observateur, je vous prie de le faire.

M. Loney (Edmonton-Nord): Monsieur le président, j'ai une brève question que j'aimerais poser aux deux témoins. Pourriez-vous dire au comité si vous avez rencontré dans votre expérience personnelle des cas d'experts-conseils en immigration qui ont fait un travail ou fourni des conseils qui étaient, à votre avis, incompétents, excessivement chers ou frauduleux? Pourriez-vous nous expliquer quelles en ont été les conséquences pour le client?

[Français]

Me Goyette: Je pense qu'à peu près tous les avocats en immigration que je connais ont vu dans leurs bureaux des clients qui, soit avaient été dépossédés de leur argent, soit avaient reçu de mauvais conseils.

Il y a, à ce sujet, beaucoup d'histoires d'horreur. Je connais des gens qui ont déboursé jusqu'à 10 000$ à Montréal. Ils ont fait affaire avec une compagnie pour des demandes de résidence permanente et rien n'a été fait dans le délai requis. Il s'est avéré que la compagnie n'existait que sur papier.

J'ai été témoin d'un cas où des consultants n'ont pas fait les démarches nécessaires pour présenter des demandes de parrainage. Vous savez qu'à une certaine époque, on pouvait parrainer les enfants même s'ils étaient âgés de plus de 19 ans. Il y a trois ans, ça a changé. On a ramené l'âge à 19 ans. Or, tous les avocats étaient au courant que ce changement était imminent et qu'il y aurait un moratoire de fixé. Donc, il fallait présenter les demandes de parrainage d'enfants le plus tôt possible.

C'était un cas de réunification de famille et ces personnes-là avaient payé des sommes fabuleuses. La situation était déchirante. Je savais que si le parrainage était refusé, ces personnes-là seraient séparées et il me serait à peu près impossible de les faire venir au Canada. J'ai essayé d'expliquer au ministère de l'Immigration ce qui s'était passé, mais en vain. Ce fut un cas dramatique à cause de l'incompétence de consultants.

Chaque fois que j'ai été témoin de cas de ce genre, j'ai recommandé à la personne d'intenter des poursuites contre le consultant en immigration. Mais pour cela, il faut que la personne le veuille; il faut qu'elle se sente suffisamment en confiance. Or, c'est difficile car son statut n'est pas réglé et elle se voit obligée de débourser des sommes supplémentaires.

Par contre, quand il s'agit d'un avocat qui a commis des erreurs, je peux soit l'appeler, soit appeler le syndic du Barreau.

.1240

Au Québec, lorsque le syndic se mêle de questions professionnelles, les avocats ont tendance à réagir assez vite.

[Traduction]

Le président: Pour être juste envers le prochain groupe, je vous demanderais de conclure.

Me Goyette: Merci.

Le président: Merci beaucoup. Excusez-nous de devoir vous hâter.

Permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association du barreau canadien. Je m'excuse du changement d'heure. Je peux rester jusqu'à 14h15, alors le comité pourra continuer ses délibérations... même si d'autres doivent partir... en fait, c'est le recherchiste qui est la personne la plus importante à l'audition de témoins. C'est elle qui doit trouver un consensus là-dedans. Vos propos seront inscrits.

[Français]

Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du barreau canadien): Merci, monsieur le président. L'Association du barreau canadien est une association nationale regroupant plus de 35 000 juristes, soit des avocats, des avocates, des notaires, des professeurs de droit, des étudiants en droit et des juges de toutes les parties du Canada.

[Traduction]

Je suis accompagnée aujourd'hui de quatre membres de notre section nationale du droit de l'immigration. Dora Lam est présidente de la section nationale et elle est associée au cabinet d'avocats German, Fong, Albus et Lam de Calgary. Elizabeth Bryson est présidente de la section du droit de l'immigration, division de la Colombie-Britannique, et elle est associée au cabinet Larson, Bryson, Boulton de Vancouver. Richard Kurlund est vice-président de la section du droit de l'immigration pour la division du Québec et rédacteur en chef de Lexbase, une publication mensuelle qui résume les causes d'immigration entendues par la Cour fédérale du Canada. Robin Seligman est deuxième vice-présidente de la section du droit de l'immigration pour la division de l'Ontario. Elle a son propre cabinet à Toronto et est spécialiste accréditée en matière d'immigration par le Barreau du Haut-Canada.

Ensemble, ces quatre membres reflètent bien ce qui se passe dans ce pays. Ils apportent une expérience collective depuis 30 ans dans tous les aspects du droit en immigration.

Un des objectifs principaux de l'Association du barreau canadien consiste à améliorer le droit de même que l'administration de la justice. Nos propos, aujourd'hui, s'inscriront dans ce contexte et nous espérons que le comité les trouvera utiles à ses délibérations.

[Français]

Vous avez reçu notre mémoire et nous avons aussi fourni au greffier des documents connexes pour donner des renseignements supplémentaires aux personnes qui vont écrire votre rapport.

[Traduction]

Mme Dora Lam (présidente, section nationale du droit de l'immigration, Association du barreau canadien): Monsieur le président, membres du sous-comité, au nom du comité exécutif de la section nationale, ainsi que des présidents des divisions de la Colombie-Britannique, du nord et du sud de l'Alberta, du Manitoba, du Québec, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de venir vous parler cet après-midi.

.1245

Notre section nationale englobe toutes les provinces et tous les avocats pratiquant le droit de l'immigration au sein d'une même province.

Aujourd'hui, je vais passer outre à notre déclaration liminaire pour insister sur le fait que nous avons deux recommandations à formuler. Notre première recommandation serait d'interdire de façon absolue aux personnes qui ne sont pas avocats de fournir des conseils et des services en matière d'immigration. Les demandes d'immigration mettent en cause l'avenir des demandeurs et une ordonnance de renvoi comporte de graves conséquences pour la personne intéressée.

Actuellement, n'importe qui peut s'ériger en expert-conseil en immigration. Il faut protéger le public. C'est gênant pour le gouvernement ainsi que pour le peuple canadien lorsque des immigrants en puissance deviennent victimes d'experts-conseils en immigration. Plus tard, nous vous donnerons des exemples de causes véritables pour appuyer ce que nous avançons.

Le président: Si cela peut vous aider, nous sommes bien au courant de ces cas.

Mme Lam: D'accord.

Nous recommandons également que les barreaux provinciaux resserrent leur loi contre la pratique illégale du droit par des personnes qui ne sont pas avocats et que le gouvernement fédéral prenne un rôle proactif dans l'éducation des éventuels immigrants pour les empêcher d'être victimes de ces présumés experts-conseils en immigration.

Ce n'est pas vrai que vous pouvez venir au Canada et devenir assisté social. Plus tard, Robin vous donnera l'exemple d'un conseiller en immigration qui encourage les gens à venir au Canada comme réfugiés et à devenir des assistés sociaux. Il s'agit d'une fraude envers le système de bien-être social du Canada.

Toutefois, nous vous avons préparé une solution de rechange. Il s'agit de modifier l'alinéa 114(1)v) de la Loi sur l'immigration afin de l'étendre à d'autres genres de conseils en matière d'immigration concernant les demandes d'immigration et de redéfinir le mot «conseiller» dans la Loi sur l'immigration pour que l'on comprenne un membre en règle d'un barreau provincial et un membre accrédité en règle selon une loi provinciale gouvernant l'accréditation des experts-conseils en immigration.

Nous recommandons que les experts-conseils en immigration présentent une proposition pour établir un - un seul, et pas plus - organisme structuré et autoréglementé semblable à ce que l'on retrouve dans la loi dite Real Estate Agents' Act de l'Alberta dont j'ai fourni copie au recherchiste.

Cette association d'experts-conseils en immigration exercerait son autorité sur tous les experts-conseils dans ce domaine qui pratiquent dans une province donnée. L'association prescrirait des exigences en matière d'admission, dont l'expérience et le niveau de scolarité, et respecterait ainsi certaines normes de compétence en matière d'immigration.

Cette association devrait également fournir un fonds d'assurance et de compensation, un code de déontologie et un mécanisme de règlement des plaintes, puis elle devrait établir les contraventions, les pénalités et les frais d'accréditation ou frais spéciaux pour financer ce fonds. C'est important, car tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux font face à des restrictions budgétaires actuellement, et je ne crois pas que les ressources soient disponibles pour aider les experts-conseils en immigration à établir cet organisme auto-administré.

Tout comme le Barreau de chaque province, nous payons un prélèvement chaque année. Nous contribuons également à un fonds d'assurance. Nous n'avons besoin d'aucun financement de la part du gouvernement.

Même le système d'aide juridique est financé par le Barreau et s'appelle la Fondation du droit.

Notre présentation d'aujourd'hui est divisée en six parties, et je ne vais pas vous expliquer tout cela, car vous le verrez dans notre document. Je vais céder la parole à Elizabeth, qui va nous parler des mesures prises contre un conseiller en immigration par la Law society of British Columbia.

Mme Elizabeth Bryson (présidente, Section du droit de l'immigration, division de la Colombie-Britannique, Association du barreau canadien): Monsieur le président, membres du comité, cette cause est brièvement décrite dans notre mémoire, qui vous a été fourni, et les plaidoyers dans cette cause sont également présentés dans notre mémoire supplémentaire.

.1250

La Law Society of British Columbia a intenté des poursuites contre un conseiller en immigration qui aurait pratiqué le droit de l'immigration pendant de nombreuses années en Colombie-Britannique. Le Barreau de la province estime que c'est une cause type en Colombie-Britannique. Ce conseiller a été choisi pour ces poursuites parce qu'il avait eu une conduite sans scrupules et illégale à répétition.

La conduite décrite dans le plaidoyer a été de conseiller aux demandeurs du statut de réfugié de présenter des demandes factices. À maintes reprises, il a dit à ses clients que s'ils ne suivaient pas son conseil de présenter des demandes factices, ils ne réussiraient pas. Il demande des honoraires très élevés et, parfois, il ne fournit aucun service. Il s'affiche comme avocat et laisse entendre à tous ses clients que c'est sa profession, alors que ce ne l'est pas. Il a obtenu un diplôme en droit en Inde, mais il n'est membre d'aucun barreau au Canada. Lorsqu'on lui pose la question directement, toujours selon le plaidoyer, et qu'on lui demande s'il est avocat au Canada, il répond qu'il est en fait avocat.

Le président: Nous sommes bien au courant des histoires d'horreur qui circulent. Je veux donner le temps à M. Nunez de poser des questions.

Mme Bryson: Très bien. Je dirai tout simplement que la loi en Colombie-Britannique est différente de celle qu'on retrouve ailleurs au Canada et qu'elle est probablement la plus sévère au Canada pour ce qui est de l'interdiction de pratiquer le droit aux personnes qui ne sont pas membres du barreau ou accrédités pour l'être. C'est pourquoi le barreau provincial a pu obtenir une injonction contre une autre personne qui pratiquait le droit sans autorisation et le barreau croit donc qu'il a d'excellents arguments pour interdire à ceux et celles qui ne sont pas avocats de pratiquer le droit.

Le président: D'accord.

Mme Bryson: Évidemment, cela s'applique à la réglementation des conseillers en immigration au Canada et à la question de savoir si l'on peut stipuler que les provinces ont compétence dans ce domaine sur leur territoire.

Le président: Avez-vous autre chose à ajouter avant que je...? Nous pourrions peut-être en revenir à votre présentation.

Mme Bryson: Nous pouvons y revenir.

Le président: Monsieur Nunez. Après tout cela, vous allez nous dire que vous n'avez pas de questions, n'est-ce pas?

[Français]

M. Nunez: D'abord, merci pour votre exposé et aussi pour votre mémoire que je vais lire avec attention pendant mes vacances. Vous exercez une grande influence sur les discussions de notre Comité. On lit vos document avec beaucoup d'attention.

Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de panorama général sur la gravité du problème des consultants au Canada. Est-ce que quelqu'un parmi vous a des chiffres pour le Canada? Combien de consultants y a-t-il?

Quelqu'un de l'OPIC de l'Ontario est venu nous dire qu'ils étaient prêts à s'autoréglementer. Il nous a dit aussi qu'il y avait des avocats dans leur association et qu'ils avaient un code de déontologie.

Donc, est-ce que quelqu'un pourrait nous donner un aperçu général de la situation, soit le nombre de consultants au Canada, le nombre d'avocats qui font partie de ces associations, le nombre de consultants qui proviennent de communautés ethniques, le nombre de consultants qui sont d'anciens fonctionnaires et d'anciens députés?

Me Richard Kurland (vice-président, Section du droit de l'immigration, Division du Québec, Association du barreau canadien): Il me fait plaisir de vous répondre, monsieur Nunez.

J'ai contacté la GRC pour résoudre cette question-là.

[Traduction]

Puisque j'ai pris contact avec la GRC à Montréal, j'aimerais exprimer ici ma reconnaissance envers la section de l'immigration et des passeports située au Québec. Québec a le nombre le plus élevé de conseillers en immigration - entre 175 et 200, selon la GRC. Aucune province n'a plus de conseillers en immigration.

Toujours selon la GRC, le problème qui se pose, lorsqu'on essaie de les dénombrer, c'est qu'il s'agit d'une population extrêmement variable. Elle s'étend tant au niveau national qu'international. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a tenté à plusieurs reprises de fixer avec précision le nombre annuel des demandes de statut d'immigrant qui, selon ses systèmes de base de données, est de 1,1 million.

.1255

De 1 à 2 p. 100 des requérants sont représentés par des avocats. Malheureusement, on ignore le nombre des conseillers, pour la simple raison qu'ils demeurent discrètement à l'arrière-plan et qu'il n'existe pas de système permettant d'en établir le nombre exact. Tout ce que nous avons pu faire, c'est de nous tourner vers le ministère et des responsables de l'application de la loi.

[Français]

M. Nunez: La réponse est excellente. Vous savez probablement ce qui a été fait à l'étranger. Comment a-t-on solutionné ce problème en Australie, aux États-Unis ou dans d'autres pays?

[Traduction]

Mme Lam: Je crois comprendre qu'en Corée il y a des conseillers en immigration qui obtiennent une licence du gouvernement. Donc, si vous êtes avocat au Canada, vous ne pouvez pas fournir de conseil en immigration ou vous occuper de questions d'immigration en Corée. Vous devez être titulaire d'une licence du gouvernement. Mais Elizabeth va vous expliquer comment le système américain fonctionne.

Mme Bryson: Le gouvernement américain a adopté un règlement aux termes duquel quiconque veut faire une déclaration écrite ou orale concernant une question d'immigration ou désire comparaître devant un tribunal, administratif ou autre, doit se faire inscrire auprès du gouvernement fédéral. La trousse de documentation contient une formule appelée la G-28. Le représentant d'un membre du public doit être un avocat habilité à pratiquer ou un représentant autorisé d'un groupe de la fonction publique sans but lucratif, d'une oeuvre de charité ou d'un organisme religieux. Cette personne doit indiquer ses titres de compétence pour devenir un représentant accrédité de ce type de groupe.

Le représentant d'un membre du public peut également être une personne de bonnes moeurs, tel qu'un ministre du culte - c'est-à-dire quelqu'un qui s'intéresse au bien-être de cette personne.

Nous pensons que ce système devrait être utilisé pour les demandes présentées au Canada, qu'elles soient écrites ou orales, ou pour les demandes soumises à un tribunal administratif ou à une cour de justice au Canada, et que le demandeur doit divulguer le nom de la personne ou de l'organisme qui le représente ou lui fournit des conseils juridiques.

Si cette personne n'appartient pas à un organisme autorisé - c'est-à-dire au barreau ou au groupe des experts-conseils en immigration réglementé - la demande ne sera pas prise en considération par Citoyenneté et Immigration. En procédant ainsi, nous suivrions le modèle américain.

[Français]

M. Nunez: Que pensez-vous des organismes de défense des immigrants et des réfugiés qui parfois donnent des conseils ou des opinions ou qui parfois représentent les demandeurs? Eux, ils ne font pas d'argent directement. Est-ce que vous avez une opinion différente concernant les autres consultants?

[Traduction]

Me Kurland: Au Québec, notre système autorise la représentation gratuite des partis devant les services d'immigration et mon expérience, comme membre de la section québécoise du Barreau canadien, m'a appris que toutes les ONG importantes fonctionnant sur le territoire de la province bénéficiaient des conseils d'un avocat. Donc, le système autorise non seulement la prestation d'une aide gratuite, mais le Barreau apporte aussi une aide juridique aux ONG les plus importantes.

[Français]

M. Nunez: Quelqu'un a mentionné qu'il y avait eu des poursuites contre certains consultants.

.1300

Est-ce qu'il y a eu des poursuites également contre des avocats spécialisés en droit de l'immigration et pour quelles raisons?

[Traduction]

Mme Lam: Au cours de la semaine passée, j'ai fait des recherches approfondies à la bibliothèque publique où j'ai trouvé des coupures de presse concernant des avocats tels que Angie Codina et Constance Makatsu de Toronto. Toutes deux ont été radiées du barreau pour avoir conseillé à leurs clients d'enfreindre la Loi sur l'immigration. La radiation est la sanction ultime que peut prendre le barreau. Il est interdit à une personne radiée de pratiquer.

Le président: Cette personne peut cependant travailler comme consultant.

M. Nunez: Oui.

Mme Lam: C'est pourquoi je recommande que, s'il existe un organisme autoréglementé de conseillers en immigration, les conditions d'appartenance à celui-ci devraient être fixées de manière très précise. Par exemple, j'aimerais que ce soient des citoyens canadiens ou des immigrants reçus. Il y aurait ainsi plus de chances qu'ils agissent dans l'intérêt du Canada. Il serait exclu qu'un avocat de l'Inde qui n'a jamais mis les pieds au Canada devienne membre de ces organismes provinciaux tout en étant conseiller en immigration à New Delhi. Il serait naturellement aussi obligatoire d'avoir un casier judiciaire vierge. À la rigueur, ce pourrait être un avocat radié à condition que cela se soit produit bien des années plus tôt et qu'il ait passé un examen écrit d'accréditation. Que cette radiation soit due à la négligence, à l'incompétence, ou à ses moeurs, sa moralité devrait faire l'objet d'une lettre de référence.

Me Kurland: Permettez-moi d'ajouter, en ce qui concerne l'opposition à la réponse donnée à la question de M. Nunez, que de nombreux anciens employés du ministère de la Citoyenneté et de l'immigration se retrouvent conseillers en immigration à cause des coupures d'effectifs.

Il convient de signaler que beaucoup de ces employés qui ne servent que dans des centres d'immigration du Canada locaux ou à la section du service intérieur connaissent fort mal, ou pas du tout, les règlements et les directives appliquées par les agents de délivrance de visas en poste hors du Canada. Un contrôle est donc nécessaire.

Mme Robin Seligman (seconde vice-présidente, Section du droit de l'immigration, Direction de l'Ontario, Association du barreau canadien): Je tiens à dire que beaucoup de personnes viennent me voir et qu'elles commencent toujours par me dire qu'elles ont parlé à un conseiller qui leur a déclaré qu'il avait des contacts internes ou qu'il travaillait autrefois au gouvernement. Cela arrive presque chaque semaine. Cela sous-entend qu'il est particulièrement bien placé pour intervenir, qu'il connait les rouages et qu'il a les contacts. Il y a manifestement là un conflit et le genre de réputation de telles personnes ne peut que nuire au gouvernement.

Je confirme donc que je pense qu'il faut un règlement ou une période d'attente pendant laquelle ces personnes ne pourront pas agir comme conseillers.

M. Nunez: Je suis obligé de m'en aller, car nous avons un caucus spécial.

Le président: ...pour planifier votre stratégie pour le dernier jour.

Supposons, pour le plaisir d'en discuter, qu'en dehors du Québec, les provinces aient répugné à intervenir. Supposons, toujours pour le plaisir, qu'en Ontario par exemple, Mike Harris a d'autres priorités et ne va rien faire dans ce domaine. Voilà l'hypothèse. Comment voudriez-vous que nous résolvions le problème qui est probablement aussi sérieux à Toronto qu'il l'est à Vancouver?

Mme Lam: Ayant lu certains des mémoires soumis à ce comité et parlé à d'autres représentants gouvernementaux, je crois que la raison pour laquelle l'Ontario, la Saskatchewan ou le Nouveau-Brunswick hésitent beaucoup à assumer un rôle de réglementation des conseillers en immigration est le manque de ressources. Ces provinces veulent que le gouvernement fédéral assume les coûts car il s'agit de l'administration d'une loi fédérale, la Loi sur l'immigration du Canada.

Si les conseillers en immigration sont rémunérés ou s'ils veulent être reconnus par le ministère, il faut qu'ils soumettent une proposition...

.1305

Le président: C'est ce qu'ils ont fait. Ils nous ont soumis une proposition.

Mme Lam: Bien. Il faut que leur proposition soit approuvée par le gouvernement fédéral. Il faudrait alors modifier le libellé de l'alinéa 114(1)v) pour que la définition de conseiller soit celle d'un conseiller dûment autorisé en vertu d'une loi provinciale.

Le président: Mais il n'existe pas de telle loi en Ontario.

Mme Lam: Je le sais. Mais il faudrait alors qu'ils soumettent une proposition au gouvernement provincial.

Le président: Je me souviens que lorsque j'étais à la faculté de droit, un professeur nous avait présenté une situation hypothétique et que j'avais modifié celle-ci pour répondre à sa question. Il m'avais alors dit: vous n'avez pas répondu à ma question hypothétique qui est - faisons une supposition - que les provinces ne feront rien.

Mme Lam: Dans ce cas, le conseiller en immigration ne peut pas s'occuper de questions d'immigration.

Le président: Nous devrions alors les écarter complètement.

Mme Lam: Il appartiendrait alors au groupe de lobbying d'intervenir auprès de la province et de lui dire que cela ne lui coûtera rien, qu'il disposera de suffisamment d'argent et de moyens et qu'il désignera un surintendant.

Je viens de l'Alberta. J'ai déjà vécu deux lois. La première est la Real Estate Agents Licensing Act de l'Alberta qui prévoit un examen d'entrée, un régime d'assurance et un mécanisme de griefs. Lorsque quelqu'un est suspendu, son service est repris par une personne nommée par le surintendant.

En ce moment même, une question se pose en ce qui concerne les conseillers en immigration: lorsqu'ils déclarent qu'ils vont prendre leur retaite, qu'advient-il de leurs dossiers? Ou lorsqu'ils sont inculpés par la GRC... Tous les clients vont se retrouver abandonnés à eux-mêmes.

De même, dans notre Loi sur la Société du barreau, lorsqu'une personne est malade, décède, fait faillite, ou est radiée, un autre avocat compétent est désigné pour s'occuper de sa pratique dans l'intérim.

Le président: Et si nous... C'est bien l'alinéa 114(1)v) que vous avez mentionné?

Mme Lam: Oui.

Le président: Si nous remplacions «représenté par un avocat titulaire d'une autorisation délivrée par les autorités habilitées ou par la province» par «et dans les cas où la province n'a pas donné cette autorisation, approuvée par le gouvernement fédéral qui approuverait ensuite l'organisation de conseillers en immigration professionnels», à condition qu'ils satisfassent à ces critères et qu'ils aient la discipline et la formation appropriées. Cela marcherait-il?

Mme Lam: Je ne pense pas qu'un système à deux niveaux est économique. C'est tout l'un ou tout l'autre. Je suis certain que si ces gens-là exercent suffisamment de pression, ils parviendront à leurs fins.

Revenons au modèle de l'Alberta. Nous avons également une autre loi qui est fondée sur la Real Estate Agent's Licensing Act; je l'ai jointe à ces documents. C'est la Licensing of Trades and Businesses Act. Ils n'ont même pas besoin de... Nous avons rédigé le texte de loi. Il leur suffit de préparer des règlements pour en faire partie.

Un entrepreneur de pompes funèbres...

Le président: Je le sais. Nous avons une opnion différente des bonnes dispositions des provinces à l'égard de l'accréditation des conseillers en immigration.

Mme Lam: C'est une question d'argent.

Le président: Je ne sais pas, car les conseillers en immigration qui ont comparu devant nous nous ont dit: «C'est une option gratuite. Nous assumerons tous les frais; tout ce que vous avez à faire, c'est de nous donner votre autorisation, la loi et les règlements nécessaires.» Ils reconnaissent que cela ne résoudrait le problème qu'en partie puisque le gouvernement fédéral ne peut accorder de licences que pour les comparutions devant la CISR, entre autres. Mais ils croient que s'ils obtiennent cette autorisation, les immigrants l'accepteront et feront appel aux conseillers titulaires d'une licence, même s'il s'agit simplement de les aider à remplir un formulaire ou quelque chose qui n'est pas nécessairement couvert par cette licence sur le plan légal. À leur avis, cela permettrait de régler l'essentiel du problème.

Mme Lam: Je crois qu'un point nous échappe. Les modifications à l'alinéa 114(1)v) que nous demandons ne sont pas uniquement destinées à élargir les conditions de comparution devant le tribunal et les appels, mais aussi la prestation de conseils relatifs à des questions d'immigration et le traitement des demandes d'immigration. Nous ajoutons qu'il est alors possible de faire appel à un conseiller en immigration autorisé par la loi provinciale.

Le président: Bien, mais restons-en à ma supposition: les provinces refusent d'agir. Tenons-nous-en là. Que vous soyez d'accord ou non, si vous avez raison, tout va bien. Les provinces interviennent pour régler le problème, et c'est parfait. Je suis content, tous les autres sont contents et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est content, lui aussi.

.1310

Tout cela est bien beau, mais voyons l'autre éventualité. Nous avons la preuve, et ils ont adopté... Il y a longtemps qu'on connaît le problème. Les membres de l'Association du barreau canadien ont témoigné à titre individuel et nous ont dit qu'il était scandaleux que des gens comme vous s'occupent de ces questions.

Un rapport a été présenté à l'époque où Lloyd Axworthy était le ministre responsable; il s'agit du rapport Ianni en Ontario. Il y a une foule de gens qui, depuis des années, ne cessent de répéter: «Nous avons un comité qui veut agir, un ministre qui veut agir, et un ministère qui veut agir, lui aussi».

Ma question est la suivante: si nous voulions pousser à la limite - en supposant que les provinces vont demeurer à l'écart et n'ont pas d'objection particulière à ce que nous intervenions - nous pouvons vérifier que... Encore une fois, je ne parle pas du Québec.

Mme Lam: Bien. Quelqu'un pourrait-il répondre à la question constitutionnelle?

Me Kurland: Sur le plan pratique, toujours en dehors de la perspective québécoise, la question clé est de savoir si cela marchera.

Le président: C'est exact.

Me Kurland: Franchement, cela marchera à moins qu'un individu n'essaie d'attaquer le système si c'est dans son intérêt. Quel intérêt personnel pourrait-il avoir à le faire?

Le président: Qu'entendez-vous par «cela»?

Me Kurland: L'accréditation de l'OPIC comme représentant pour les demandes d'immigration faites hors du Canada ou pour les demandes faites au Canada. Si les provinces n'agissent pas comme l'a fait le Québec, c'est leur problème.

Qui serait touché si une OPIC obtenait une licence fédérale? Si vous n'êtes pas membre de l'OPIC, aurez-vous accès aux mêmes services qui sont offerts par le ministère? Voilà le contexte, et il ne me faudra pas plus de 30 secondes pour m'expliquer.

Le président: Ne craignez rien, nous avons le temps.

Me Kurland: Décider d'abandonner au secteur privé le secteur information du système d'immigration est une décision stratégique pour le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Cela coûte moins cher de ne pas avoir des employés du gouvernement chargés de suivre les dossiers de leurs clients avec ceux-ci.

On est sur le point de mettre en service une technologie de l'information qui permettra, grâce à des mots de passe, d'avoir accès à des bases de données concernant des informations sur le contenu des dossiers. L'objectif est non seulement de permettre à l'intéressé d'accéder à son dossier électronique, mais d'avoir également un intermédiaire entre le ministère et l'individu.

L'avantage est que si, par exemple, cet intermédiaire est un membre de l'OPIC, le ministère peut exercer un contrôle grâce à son système de mot de passe. Sur le plan stratégique, voilà l'objectif de ce système opérationnel. L'avantage est que vous pouvez augmenter la productivité du ministère dossier par dossier; cela coûte moins cher.

Cela résout-il les problèmes de contrôle? Pas à 100 p. 100. Mais si le membre de l'OPIC comment une erreur de gestion, l'OPIC elle-même peut s'attaquer à lui ou le ministère peut supprimer le mot de passe. C'est cela, le sujet de notre discussion.

Pour assurer la protection du public, il faut savoir ce que sont les critères de cette nouvelle organisation. La solution pratique proposée par le barreau, et par toutes les associations provinciales au Canada, je crois, est d'utiliser un avocat engagé par une entreprise de conseils en immigration pour qu'il exerce un contrôle. Si cette entreprise commet une faute, l'avocat est convoqué devant le comité chargé de l'éthique.

Le président: Eh bien, je crois que...

Me Kurland: Cela dit, ce n'est pas ce qui va se passer. Cela marchera-t-il sur le plan pratique? La réponse est que bien sûr, cela marchera...

Le président: Les avocats de l'Ontario n'ont pas proposé... Vous voulez dire que les conseillers continueront à travailler tant que ce sera sous la supervision d'un avocat.

Me Kurland: De la même façon qu'une infirmière travaille sous les ordres d'un médecin. Les médecins établissent le diagnostic et les infirmières exécutent leurs instructions.

Le président: Nous avons entendu Frank Marrocco et l'OPIC, et ils n'ont pas recommandé cela. Mendel Green non plus; Matas, non plus; il est bien de Montréal, n'est-ce pas?

Me Kurland: Du Manitoba.

Le président: Excusez-moi. Et qui d'autre? Waldman, Lorne Waldman?

Me Kurland: De Toronto.

Le président: Il n'a pas recommandé cela, n'est-ce pas?

.1315

Mme Lam: Robin a quelque chose à dire.

Mme Seligman: Je voulais simplement ajouter que la position est manifestement en faveur de l'interdiction, sachant que ce n'est pas nécessairement la solution populaire. Si on adopte cette solution, j'espère qu'il y aura un règlement. C'est indispensable.

Le problème est que le public souffre terriblement des exactions de ces conseillers. Des gens viennent me voir presque tous les jours pour me dire qu'ils se sont fait escroquer par un conseiller. Ils me parlent des problèmes qu'ils ont connus, des années et de l'argent qu'ils ont gaspillés. Alors qu'ils réunissaient toutes les conditions pour présenter une demande normale outre-mer, ils ont passé cinq à sept années comme réfugiés et assistés sociaux parce qu'on ne leur avait pas dit qu'ils avaient le droit d'obtenir un permis de travail. On leur avait dit qu'ils n'avaient pas le droit de travailler et qu'ils pouvaient impunément continuer à bénéficier du bien-être social.

Il faut qu'il y ait une norme minimum; il faut qu'il y ait la norme que le public mérite.

Le président: Nous comprenons. Nous avons examiné la question.

Ce qui est frustrant c'est que nous voulons présenter trois options au ministre. Si les provinces coopèrent, voici ce que vous devriez faire. Si certaines, seulement, coopèrent, voilà ce que vous devriez faire. Si l'Ontario ne coopère pas - et il représente, je crois, de 40 à 60 p. 100 des problèmes - voilà ce que devrait être la réaction du gouvernement fédéral. Le problème ne sera pas entièrement résolu, mais nous aurons au moins vigoureusement essayé de le régler aux termesde la loi.

À tort ou à raison, le sous-ministre a déclaré que les provinces ne tiennent pas particulièrement à s'occuper de cette question. Peut-être a-t-il tort et il faudrait s'en assurer, mais supposons qu'il ait raison, au moins en Ontario. Que feriez-vous si vous étiez ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration?

Tout le monde comprend ce que sont les normes, la discipline, et l'assurance, qu'il s'agisse de la chambre immobilière ou des ordres d'avocats. Nous sommes déjà bien avancés dans cette discussion mais jusqu'où pouvons-nous aller?

Mme Bryson: Je crois que vous parlez là d'un problème réel et concret qui ne peut être examiné que dans le contexte de ses répercussions constitutionnelles. Je crois que la question que vous posez est de savoir si le gouvernement fédéral peut essayer de réglementer les conseillers en immigration et ce que serait alors la réaction des diverses provinces.

Le président: Je suggère également que le gouvernement fédéral prenne quelques risques et aille jusqu'au bout. Quant à la limite elle-même, des gens raisonnables peuvent avoir des avis différents là-dessus.

Quelqu'un a dit en passant que nous parlons là de la Loi sur l'immigration et qu'en dépit du fait que l'autorisation des organismes professionnels relève des provinces, il y a un certain chevauchement. Je crois qu'il va falloir, à un moment ou à un autre, que la Cour suprême étudie cela.

Il y a 20 ans que j'ai quitté la faculté de droit; je ne sais pas comment les choses ont évolué depuis. Je ne suis certainement pas un expert. Je sais que lorsqu'il s'agit de décider jusqu'où on devrait aller, certaines personnes assises à cette table ont leur petite idée là-dessus. Je voudrais bien la connaître.

Mme Bryson: Au cours de mes entretiens avec l'avocat concernant la position de la Colombie-Britannique, qui est fondé sur la Legal Profession Act de cette province, il est apparu que si les autorités fédérales décidaient de réglementer les conseillers en immigration, cela serait vigoureusement contesté. La loi de la Colombie-Britannique est en fait très précise et interdit la pratique du droit par quiconque ne satisfait pas aux dispositions de la Legal Profession Act, à moins qu'il ne s'agisse d'un avocat ou qu'il agisse sans intentions lucratives.

Le président: Pourtant vous avez des conseillers en Colombie-Britannique.

Mme Bryson: En effet.

Le président: Qui travaillent légalement?

Mme Bryson: Non, ils ne sont pas autorisés à pratiquer le droit.

Le président: Non, mais ils sont autorisés à aider les gens à remplir des formulaires et...

Mme Bryson: Non. Voyez-vous, notre définition de la pratique du droit inclut la rédaction de tout document et la prestation de conseils juridiques. L'avocat de l'ordre estime en effet que remplir un formulaire est moins simple que cela ne paraît au premier abord; cela consiste en effet à fournir un conseil juridique, car pour pouvoir le remplir, il faut analyser la loi elle-même.

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On pourrait comparer cela à la secrétaire d'un cabinet d'avocats qui remplit depuis 10 ans des forumulaires d'actes de transfert. Cette personne n'applique pas vraiment la loi; elle aide simplement à remplir le formulaire mais demeure sous la supervision d'un avocat. C'est la même chose que de dire que la personne peut remplir des formulaires. Vous devez le faire conformément aux dispositions de la Loi et du règlement sur l'immigration, qui sont très complexes, et à la politique d'ensemble dans ce domaine.

À notre avis, toute mesure prise pour aider un membre du public est une façon de pratiquer le droit.

Le président: Donc la Colombie-Britannique a sa solution.

Mme Bryson: Interdire à quiconque n'est pas avocat de pratiquer. Je crois que c'est la difficulté à laquelle le gouvernement fédéral se heurterait s'il essayait d'imposer un règlement national global.

Le président: Depuis 15 jours, nous travaillons jusqu'à une heure du matin et vous me pardonnerez d'avoir l'esprit un peu lent. Tous les conseillers de Colombie-Britannique qui ne sont pas avocats agissent donc illégalement.

Mme Bryson: Oui. Ils pratiquent illégalement le droit.

Le président: Donc, s'il y a un problème en Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral peut déclarer en toute conscience, que ce n'est pas sa faute.

Mme Bryson: La question se pose cependant de savoir si le gouvernement fédéral a l'autorité d'imposer un règlement aux praticiens de la Colombie-Britannique. Cela susciterait des contestations.

Le président: À tort ou à raison, nous partons du principe que les avocats font du bon travail et ne sont pas la cause du problème. Cela fait partie des discussions. Nous n'avons aucune intention de nous attaquer aux avocats.

Mais s'il y a des centaines de milliers de personnes en Colombie-Britannique qui exploitent les immigrants, Sergio Marchi peut-il se permettre de dormir sur ses deux oreilles et de dire qu'il n'a pas à intervenir puisque la Colombie-Britannique a déjà pris les mesures appropriées et qu'il lui appartient d'appliquer sa propre loi. Autrement dit, ce n'est pas nos affaires.

Mme Bryson: C'est une position qui pourrait être prise par le ministre.

En Colombie-Britannique, il y a actuellement sept ou huit conseillers auxquels l'Association professionelle des avocats a demandé de cesser de pratiquer illégalement le droit. On vient de leur écrire il y a quelques jours. Si ces personnes n'acceptent pas de renoncer par écrit à ces activités, l'association prendra des mesures et demandera des injonctions contre eux.

Elle en a déjà obtenu contre un certain nombre d'organisations qui pratiquent le droit sans autorisation. Nous avons inclus les statistiques dans notre mémoire. Ces injonctions ont été obtenues contre des notaires publics dont les activités dépassaient le cadre de la Loi sur les notaires, contre des agents immobiliers qui fournissent des conseils aux immigrants et contre certains professionels des questions fiscales qui fournissent des conseils non autorisés.

En résumé, oui, la position de la Colombie-Britannique est tout à fait claire, et M. Marchi pourrait s'appuyer sur le fait que nous prenons des mesures dans les limites de la Loi sur l'immigration et que nous continuerons à le faire.

Le président: Cela va donc résoudre le problème, autant qu'il peut humainement l'être.

Mme Bryson: Oui. N'oubliez pas cependant qu'il y a des centaines de conseillers en immigration et que pour revenir à la question de la protection du public, des gens continueront à être exploités tant que l'on n'aura pas pris de mesures contre ces conseillers sans éthique.

Le président: Mais ce n'est pas à Ottawa de le faire.

Mme Bryson: Non.

Me Kurland: Il appartient cependant à Ottawa de s'occuper de l'application extra-territoriale de la politique proposée, ce qui devrait figurer dans toute modification de la loi. En vertu de l'entente signée, la province serait ainsi autorisée à appliquer sa loi provinciale à l'extérieur du territoire en retour, si la disposition existe aussi dans la loi fédérale.

Le président: Voulez-vous dire par là que quelqu'un de Hong Kong devrait être membre du barreau de la Colombie-Britannique?

Me Kurland: Je veux dire que cette personne devrait satisfaire à la définition d'«avocat» selon la Loi sur l'immigration canadienne pour avoir accès aux services canadiens au haut-commissariat de Hong Kong.

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Mme Lam: Je vous signale que dans le mémoire, je présente un aperçu de la Loi sur la profession d'avocat de la Colombie-Britannique, comme vient de l'expliquer Mme Bryson, ainsi que des lois de l'Alberta et de l'Ontario. Les critères varient selon les provinces.

Par exemple, en Ontario, tant que vous ne vous faites pas passer pour avocat, vous avez le droit de travailler comme conseiller en immigration. Je ne crois pas qu'il y ait d'affaires en cours en Ontario. Robin pourrait peut-être nous apporter des éclaircissements à ce sujet, mais les règles de pratique du droit varient d'une province à l'autre. La modification proposée à votre article 114 serait donc acceptable, sauf en Colombie-Britannique.

Le président: Je me couche peut-être très tard, mais je suis encore assez réveillé pour avoir entendu la personne assise à l'arrière de la salle dire que le Québec est tout à fait capable de résoudre le problème tout seul; et voici maintenant que j'entends dire que la Colombie-Britannique est tout à fait en mesure d'en faire autant. L'Ontario veut-il intervenir?

Mme Seligman: Je crois que l'Ontario avait des lacunes dans ce domaine. C'est probablement une des provinces où il y a le plus d'abus, car c'est là que se rendent le plus grand nombre d'immigrants.

Le barreau n'a guère été efficace lorsqu'il s'est agi d'appliquer le règlement et de poursuvre ces personnes. Ces gens-là utilisent constamment comme entête, «spécialiste en droit de l'immigration» et LLB à côté de leur nom. Cela ne signifie pas que vous vous présentez comme avocat ou avoué. Le barreau n'intervient donc pas, même s'il sait que ces gens-là disent à leurs clients qu'ils sont vraiment des avocats. Ils ne leur disent pas nécessairement où ils ont obtenu leur titre, ni quels sont leurs antécédents, mais ils s'arrangent indiscutablement pour donner l'impression à des interlocuteurs naïfs qu'ils ont les compétences requises et qu'ils sont avocats.

Malheureusement, ces clients ont presque toujours peur. Beaucoup d'entre eux sont entrés illégalement au Canada et sont trop timides pour régulariser leur situation. Le barreau leur demande alors de constituer un groupe qui témoignera contre ces conseillers. C'est là le problème. Tout le monde en connaît l'existence, mais il est difficile de convaincre le barreau d'engager les fonds et les ressources nécessaires quand il n'est même pas possible d'amener les gens à reconnaître que telle ou telle chose leur est arrivé. C'est une situation très fréquente.

Le président: C'est bien la raison pour laquelle nous sommes ici.

Mme Seligman: Je tenais également à faire une autre remarque. M. Kurland parlait du traitment par le gouvernement fédéral des problèmes qui se posent outre-mer. Pas plus tard qu'hier j'ai reçu d'Israël des documents qu'un homme d'affaires à qui j'avais parlé... Il s'agit d'annonces en langue russe publiées en Israël à l'intention de la récente collectivité russe qui a obtenu le statut d'immigrant en Israel.

Ces annonces les encouragent à venir au Canada pour 1 000$ à peu près, ce qui est apparemment bon marché, afin d'y bénéficier de l'assistance sociale. Mon correspondant s'efforce de leur dire que ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder et qu'il faut présenter une demande en bonne et due forme. Mais on lui répond, pourquoi dépenser plus d'argent quand il suffit de prendre l'avion, de dépenser 1 000$ et de devenir un assisté social? Apparemment, il y a des prospectus qui circulent dans lesquels on leur explique comment exploiter le système.

Cet effort de promotion se fait dans beaucoup d'autres pays, et pas seulement en Israël.

Une solution pratique et très simple consisterait, pour le gouvernement du Canada, à adopter une attitude proactive et à promouvoir la diffusion des resneignements appropriés dans ces pays. Placez une annonce dans le journal pour expliquer ce qu'est un réfugié au sens de la convention et donnez-en la définition; voilà le genre de mesure simple qui ne coûterait pas tellement cher et qui, dans l'intervalle, permettrait de mettre fin à la diffusion d'informations erronées qui risquent de provoquer l'arrivée au Canada de milliers de personnes qui pensent qu'il soit légitime de venir ici et de bénéficier de l'assistance sociale.

C'est d'ailleurs aussi une question très importante sur le plan financier.

Le président: En effet, et la raison pour laquelle je hoche ainsi la tête, c'est que vous n'êtes pas la première personne à nous le dire.

Mme Seligman: Il y a longtemps que j'en entends parler, mais le hasard a voulu que ces documents arrivent par la poste. Il s'agit de nombreuses annonces dans divers journaux russes encourageant les lecteurs à venir profiter de l'assistance sociale au Canada.

Le président: Revenons à mon point principal...

Mme Seligman: Il faut que les provinces fassent quelque chose, ou que quelqu'un finance cela. Il faut le faire. Je ne vois pas que l'on puisse se contenter de répondre au public que nous ne voulons pas nous en occuper, que cela coûte trop cher. N'oublions pas non plus que cette passivité crée aussi un problème économique. Par contre, si vous empêchez ces gens-là d'abuser du système, vous réaliserez des économies.

Le président: Supposons que l'Ontario ne fasse rien. Que feriez-vous?

Mme Seligman: Je serais heureuse de voir le gouvernement fédéral faire quelque chose. C'est mieux que rien.

Le président: Jusqu'à quel point? Dans quelle limite? Vous avez le Québec derrière vous et la Colombie-Britannique à votre gauche.

Mme Seligman: Il faut que vous les réglementiez d'une manière ou d'une autre pour qu'ils respectent des normes d'éthique. Apparemment, l'OPIC demande simplement à ceux qui veulent en devenir membre de remplir une formule de demande et de payer un droit d'inscription. Ce n'est pas suffisant.

Le président: Ce n'est pas ce qu'elle nous dit.

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Mme Seligman: Je n'ai pas le formulaire de demande, mais c'est ce qu'on m'a dit. Je me trompe peut-être, mais je ne pense pas que les normes soient très rigoureuses. Je pense qu'il n'y a aucune exigence sur le plan de la formation. Les employés ne sont pas obligés d'avoir fait des études de droit. Bon nombre d'entre eux n'ont aucune formation juridique ni ne connaissent le droit de l'immigration, et il faudrait donc qu'il y ait des exigences sur le plan de la formation.

Le président: Connaissez-vous Frank Marrocco?

Mme Seligman: J'ai rencontré son partenaire, Goslett.

M. Marrocco est un homme respecté qui, je pense, travaille comme conseiller, mais c'est un avocat. Je ne dirai rien qui risque de le discréditer, mais il ne représente pas la norme; ces conseillers ne lui arrivent pas à la cheville. Si c'était le cas, nous ne serions pas ici.

Le président: Il se pourrait que je vous demande de revenir ici, en sa compagnie, et nous verrions ce qui se passerait.

Me Kurland: Avez-vous examiné d'autres avenues, comme l'argent?

Le président: Ils s'intéressent à l'argent.

Me Kurland: Précisément. Il y a un rapport nécessaire entre le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, les services d'établissement et la province de l'Ontario, à l'échelle provinciale et municipale. Et si M. Marchi décidait de lier le transfert de fonds ou le soutien aux services provinciaux destinés aux nouveaux immigrants en Ontario, à l'imposition de certaines règles à leurs conseillers locaux, les choses iraient beaucoup mieux et nous n'en serions pas là.

Le président: Oui. C'est ce que je proposerai à M. Marchi et à M. Harder pour voir ce qu'ils en pensent.

Mme Bryson: Étant donné que l'alinéa 114(1)v) autorise le gouverneur en conseil à établir des règlements, mais qu'il n'existe pas de règlements, a-t-on bien précisé que les conseillers en immigration ne sont pas autorisés à pratiquer le droit et que c'est là le statu quo?

Le président: Ils ne sont pas autorisés à pratiquer le droit, c'est vrai.

Mme Bryson: Exactement. Je voulais savoir si cela était clair.

Le président: Il est clair qu'ils ne sont pas autorisés à pratiquer le droit.

Me Kurland: Nous avons une autre ressource. Je pense au budget annuel de 4 millions de dollars qui est affecté à la section de la stratégie de la communication au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Une partie de ces fonds pourrait sûrement servir à organiser une campagne médiatique pour attirer l'attention sur la province de l'Ontario et ses responsabilités dans ce domaine.

Le président: Oui. Je peux vous dire ce que j'en pense en tant que député de l'arrière-ban. Les compétences ou les relations provinciales-fédérales ne sont pas une chose dont on peut discuter séparément. Il se pourrait que quelqu'un dise, par exemple, que nous ne voulons pas montrer l'Ontario du doigt parce que nous avons besoin d'une entente sur la TPS.

Mme Lam: J'ai quelque chose à dire au sujet de l'OPIC. C'est peut-être un bon début, mais ce n'est qu'une organisation bénévole qui n'est pas dotée d'un mécanisme de sanction. J'ai lu la transcription où il est dit qu'un membre qui avait exigé trop d'argent et à qui on avait demandé de rembourser les deux tiers de cette somme avait quitté l'association. Il n'en continue pas moins de pratiquer le droit de l'immigration. Il n'y a donc pas de sanction.

Le président: Oui. C'est parce que l'association nous dit qu'il lui faudrait une certaine autorité, mais je crois que vous avez dit vous-même que le gouvernement fédéral ne peut rien y faire, qu'il faudrait qu'elle s'adresse à la province.

Mme Lam: Parce que c'est là qu'elle exerce son activité.

Mme Bryson: Chaque province a des organismes de réglementation profesionnelle qui réglementent la pratique du droit, et le nombre des avocats qui sont membres de l'Association du barreau canadien s'élève, je pense, à 37 000.

D'après la transcription de l'exposé de l'OPIC, il semblerait qu'elle compte une centaine de membres qui s'y sont joints volontairement. Pourtant, nous savons qu'il y a plusieurs autres centaines de personnes qui ont jugé bon de ne pas être sous la férule de cette organisation, ce qui m'amène à poser la question suivante: étant donné qu'il existe déjà un processus de réglementation, pourquoi imposer des règlements supplémentaires à des avocats qui font déjà l'objet d'une réglementation? Si une personne souhaite pratiquer le droit, pourquoi ne se fait-elle accréditer dans la province où elle souhaite exercer sa profession?

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Le président: J'ai l'impression que nous tournons en rond. Pour pratiquer le droit, il faut être avocat. C'est vrai n'importe où au Canada. La province ou le Barreau du Haut-Canada - je ne sais trop - interprète vraisemblablement ce que veut dire pratiquer le droit. C'est leur affaire. Ce n'est pas à moi, comme député fédéral, d'aller dire au Barreau du Haut-Canada qu'il devrait revoir ce que fait tel ou tel conseiller. C'est au Barreau du Haut-Canada de le faire. S'il omet de le faire, un problème se pose. Nous n'avons aucune autorité sur le gouvernement fédéral. Nous n'en avons certainement aucune sur le Barreau du Haut-Canada. Il suit les conseils de la province ou de ses membres.

M. Marchi a peut-être une certaine influence sur les provinces, mais il n'en a aucune sur le Barreau du Haut-Canada, du moins à ce que je sache. Oui, ils...

Mme Bryson: Si vous me le permettez, je tiens à préciser, toujours dans le cas de la Colombie-Britannique, puisque c'est la province que je connais le mieux, que les notaires sont autorisés à pratiquer le droit dans des limites bien définies, par exemple à rédiger des testaments simples, qui ne comportent pas de fiducies. Ils sont autorisés à dresser des actes de transport, à attester des documents et à dresser des protêts.

Cela s'explique historiquement par le fait qu'il y a 100 ans, il y avait très peu d'avocats en Colombie-Britannique. Pour que le public ait un accès limité à des domaines précis du droit, les notaires ont été autorisés à le pratiquer. Il y a une limite au nombre des notaires. Ces derniers ont présenté une proposition qui a été rejetée par la province de la Colombie-Britannique.

Historiquement, d'autres représentants, aux États-Unis par exemple, ont été autorisés à intervenir devant les tribunaux parce qu'il s'agissait d'organisations à but non lucratif ou d'amis qui avaient à coeur les intérêts de la personne concernée. Dans le cas des conseillers en immigration qui souhaitent pratiquer le droit, faudrait-il tenir compte de ces considérations, des considérations historiques, lorsqu'on songe à une réglementation?

L'une des personnes dont j'ai relu le témoignage a indiqué qu'il n'y a pas suffisamment d'avocats. C'est la raison pour laquelle il y a des ajournements à la Commission de l'immigration et du Statut de réfugié. Notre expérience dans la province de la Colombie-Britannique nous permet de dire que ce n'est pas là la raison des ajournements. La raison, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de ressources à la Commission de l'immigration et du Statut de réfugié pour entendre toutes les causes en temps opportun. Les avocats cherchent constamment à faire entendre leurs causes plus rapidement. Il y a beaucoup d'avocats qui pratiquent. Près de 250 avocats et organismes se spécialisant dans l'immigration sont inscrits à notre Barreau.

Me Kurland: Essayez de penser comme un politicien; cela aidera la présidence. Supposons...

Le président: Comme un gouverneur, pas comme un politicien. Vous ne voulez pas penser comme un politicien.

Me Kurland: ...supposons que M. Marchi fasse quelque chose au sujet du dossier d'un conseiller en immigration et qu'il propose une loi...réaction positive du public. Si cette loi est annulée pour des raisons constitutionnelles, la balle sera carrément lancée dans le camp de la province de l'Ontario.

Le président: Oui.

Me Kurland: Il aurait donc tout intérêt à le faire. J'aurais une seule chose à ajouter dans le contexte actuel: communiquer avec l'ABC pour nous assurer que l'affaire, si affaire il y a, conteste que la loi émane de l'Ontario plutôt que d'ailleurs.

Le président: Je ne sais pas au juste comment nous pourrions manipuler...

Me Kurland: Ces choses se font, à découvert et en secret.

Le président: Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais laisser notre attachée de recherche vous poser quelques questions.

Mme Young: Je suis très intriguée par ce qui se passe en Colombie-Britannique. En fait, être conseiller en immigration, c'est pratiquer le droit, ce que seuls les avocats sont autorisés à faire. Je voulais revenir sur certaines des chose que vous avez mentionnées... de toute évidence, il y a eu des développements et votre Barreau ne fait que commencer à prendre certaines mesures.

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Vous avez mentionné un cas en particulier. Vous avez dit que le conseiller en question était diplômé en droit de l'Inde, mais pas du Canada, et qu'il prétendait être avocat et en fait, se publicisait comme tel.

Il est clair pour moi que cette personne ne devrait pas être autorisée à pratiquer au Canada. Je pense que vous n'auriez aucune difficulté à prouver, à condition d'avoir tous les éléments de preuve en mains, que cette personne n'est pas autorisée à pratiquer le droit.

Vous avez dit aussi qu'une injonction avait été rendue dans le cas de sept ou huit conseillers. Y avait-il dans un cas ou dans l'autre...? Il devait y avoir parmi ces gens au moins une personne qui était un conseiller scrupuleux, qui donnait des conseils, remplissait des formulaires et contre qui aucune plainte n'avait été déposée, qui avait peut-être présenté des demandes de parrainage à la section des appels ou s'était occupé de cas de réfugiés, ce qui ne vous aide pas nécessairement à prouver qu'être conseiller en immigration équivaut à pratiquer le droit sans autorisation. Que pouvez-vous nous dire au sujet de ces sept ou huit cas?

Mme Bryson: Donnez-moi une minute.

Je suis en train de relire la lettre que l'avocat du Barreau de la Colombie-Britannique m'a envoyée le 20 juin 1995. Ces cas y sont résumés. Le barreau avait reçu des plaintes, en général à propos d'annonces publicitaires de conseillers en immigration qui prétendaient pouvoir s'occuper d'appels en matière d'immigration et d'adoption d'enfants.

Le comité de la pratique non autorisée du droit du barreau a jugé que ces gens étaient prêts à pratiquer le droit sans y être autorisés. En outre, ils faisaient état de leur compétence d'avocats en Inde et offraient leurs services pour régler des problèmes juridiques selon le droit indien. Ceux qui se proposent de donner des conseils sur des lois d'un autre pays doivent être inscrits dans la province de la Colombie-Britannique, et ces gens-là ne l'étaient pas.

Le barreau leur a écrit pour leur dire qu'ils ne pouvaient pas faire valoir des diplômes obtenus en Inde ou offrir de donner des conseils sur des lois étrangères à moins d'être accrédités comme conseillers juridiques étrangers selon les règles du barreau. On leur a demandé de signer des documents dans lesquels il s'engagaient à cesser de pratiquer le droit sans y être autorisés.

Statistiquement, jusqu'à ce jour, il n'y a eu qu'une seule ordonnance sur consentement dans le secteur de l'immigration et qu'une seule injonction. Je n'ai pas les résumés de ces cas avec moi, mais, si vous le voulez, je pourrais les obtenir pour vous. Je ne peux donc pas vous dire dans quelle mesure on peut de pratique non autorisée.

Mme Young: Tout ce que je peux dire, c'est que cela reste à prouver étant donné que plusieurs de ces personnes prétendaient être des spécialistes juridiques, à l'étranger, et que votre barreau a des règlements particuliers à ce sujet. Je le répète, cela ne veut pas dire pour autant qu'un conseiller en immigration pratique nécessairement le droit sans y être autorisé. J'ai mes doutes là-dessus. Cette question ne me semble pas réglée pour le moment. Certains autres cas pourraient peut-être mieux nous éclairer.

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Mme Bryson: Nous avons pour principe que la pratique du droit de l'Immigration par quelqu'un qui n'est pas avocat équivaut à la pratique non autorisée du droit. Le barreau a choisi de prendre des mesures contre ceux qui de toute évidence enfreignent les lois qui régissent les avocats ou qui se livrent à des pratiques malhonnêtes ou douteuses qui vont créer des précédents.

Le barreau commence tout juste à intervenir dans ces cas, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas tellement d'exemples à vous donner.

Le président: Nous allons essayer de terminer nos travaux en novembre. Madame Seligman, la section du droit de l'immigration de la division de l'Ontario pourrait peut-être... en supposant que Mike Harris ne fasse rien. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, votre position en Colombie-Britannique est claire - à bas les conseillers, peu importe qu'il s'agisse d'anciens fonctionnaires du ministère qui font du bon travail ou de quelqu'un qui ne travaille pas sous la supervision d'un avocat. Ai-je bien compris?

Mme Seligman: Ce serait là notre position, à moins que ne soient adoptés des règlements qui autoriseraient les conseillers en immigration, notamment, à pratiquer le droit.

Le président: Par le gouvernement provincial?

Mme Seligman: Oui, par le gouvernement provincial.

Le président: C'est donc là la réponse de la Colombie-Britannique. Est-ce aussi celle du Québec?

Me Kurland: Nous sommes membres du même barreau et la réponse serait la même pour la section du Québec.

Mme Lam: Quant à l'Alberta, je pense qu'elle a toujours voulu avoir une entente fédérale-provinciale sur l'immigration, et cela pourrait en faire partie. Nous avons déjà un mécanisme de réglementation des entreprises et nous pourrions envisager d'englober les conseillers en immigration parmi les entreprises qui exercent leurs activités dans la province. Il pourraient être régis par la loi à laquelle toute les entreprises sont soumises.

Mme Thomson: Monsieur le président, je tiens à préciser que même si les divers membres de la Section du droit de l'immigration de l'Association du barreau canadien ont la compétence voulue pour interpréter la loi telle qu'elle existe dans leurs provinces respectives, ils ne représentent pas, bien entendu, l'organisme de réglementation de leur province.

Le président: Je comprends cela.

Mme Thomson: Pour les fins du compte rendu, vous avez entendu le témoignage du Barreau du Québec, et je crois savoir que vous avez invité d'autres membres, d'autres barreaux à comparaître devant vous. Je voudrais qu'il soit clair que c'est au Barreau du Haut-Canada de vous exposer sa position, position qui ne devrait pas être assimilée à celle de l'Association du barreau canadien.

Le président: Nous allons citer certains de ses membres à comparaître.

Mme Thomson: Allez-y.

Mme Seligman: Je tiens aussi à ajouter que rien de tout cela ne touchera ceux qui, à l'étranger, n'ont aucun scrupule et qui... de sorte que vous allez continuer à avoir des gens qui causent énormément de dommages et qui projettent une image très négative du gouvernement du Canada et de la population canadienne... ce qui est important.

Le président: Vous n'avez aucune objection à ce que nous indiquions aux membres du conseil du barreau que vous nous avez dit que nous pouvions les citer à comparaître?

Mme Lam: J'ai une chose à ajouter. Il est difficile d'intenter des poursuites contre un conseiller en immigration après coup, parce que la plupart du temps, le plaignant ne se trouve pas au Canada, à moins d'avoir réussi à y entrer, et que cela est très coûteux. C'est pourquoi il n'arrive pas très souvent que des poursuites au civil soient intentées au Canada contre ces conseillers en immigration par des clients qui n'ont pas obtenu le statut d'immigrant.

Je peux vous donner l'exemple d'une jeune étudiante de 24 ans à qui on avait demandé d'investir 100 000$ canadiens pour devenir entrepreneur à Edmonton. C'était en 1993 et nous sommes en 1995, et elle n'a toujours pas le statut d'immigrante. Elle doit retourner à Hong Kong et elle n'a pas pu recouvrer son argent. J'ai écrit une lettre de demande au conseiller qui s'est occupé de son cas et j'ai aussi fouillé dans le registre... mais c'est une société fictive. Même si une action est intentée et qu'elle obtient gain de cause, rien ne dit qu'elle va rentrer dans son argent. Donc, des poursuites au civil après coup ne donnent pas d'aussi bons résultats qu'une approche proactive de la part du gouvernement.

Le président: De certains gouvernements, mais pas de celui-ci apparemment.

Mme Lam: C'est exact. Je pense qu'il doit y avoir une collaboration entre le fédéral et les gouvernements provinciaux.

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Le président: Nous allons demeurer en contact et communiquer de nouveau avec vous à l'automne peut-être. De toute évidence, il ne semble pas encore y avoir de correspondance entre ce que vous recommandez, ce que l'OPIC a recommandé et ce que le ministère semble....

Je vous remercie infiniment d'être venus nous rencontrer, et je m'excuse encore une fois du fait que la séance a commencé en retard. J'espère que vous avez trouvé l'expérience utile.

La séance est levée.

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