STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 décembre 1997

• 1116

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Je suis désolé du retard, mais un comité précédent s'est terminé tard.

La présente séance s'inscrit dans le cadre de l'étude de la culture canadienne que le comité a entreprise. Aujourd'hui, nous entendrons les hauts fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien, que nous avons invités à comparaître aujourd'hui.

Monsieur Wernick, avant de commencer votre exposé, il serait important d'informer les députés de la récente réorganisation de votre ministère. Quelle est votre place dans la nouvelle structure? En quoi consiste la réorganisation? Nous voulons avoir une idée précise de la nouvelle structure du ministère.

Je signale aussi aux députés et aux témoins que nous sommes en train de terminer le travail d'ordre général avant le congé de Noël. Nous aurons une autre réunion mardi, après quoi nous débuterons les tables rondes et les débats d'experts en février.

Je signale aux députés que le greffier et les attachés de recherche seront chargés d'élaborer un programme de travail que nous suivrons à partir du mois de février dans le cadre des débats d'experts et des tables rondes. Nous vous enverrons ce programme pendant le congé pour que vous l'examiniez; ainsi, à la rentrée de février, nous aurons une séance de travail pour en discuter et voir si vous l'adoptez ou non. Si vous avez des suggestions à faire sur le programme, n'hésitez pas à contacter le greffier ou moi-même pour que nous essayions d'en tenir compte.

Nous allons donc vous envoyer ce programme aussitôt que les attachés de recherche et le greffier l'auront rédigé. Cela dit, je souhaite la bienvenue à M. Wernick et à M. Peters.

Monsieur Wernick, à vous la parole.

[Français]

M. Michael Wernick (sous-ministre adjoint, Gestion stratégique, ministère du Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président

[Traduction]

En guise d'introduction, je vais répondre à votre première question sur la réorganisation du ministère.

La structure du ministère présentée dans certains documents qui ont été soumis au Parlement—notamment la partie III du Budget des dépenses principal et le rapport de rendement qui a été déposé il y a seulement quelques semaines—est essentiellement celle que nous mettons en place. Ainsi donc, il y a très peu de changements par rapport à ce qu'on vous a présenté ou ce que vous connaissez.

Il y avait un secteur du ministère—depuis sa création en 1993 jusqu'à la présente réorganisation—qu'on appelait Développement et patrimoine culturel. Il regroupait essentiellement quatre activités ou domaines de service sous l'autorité d'un sous-ministre adjoint. Un groupe était chargé de chacun de ces domaines: politique artistique, politique du patrimoine, industries culturelles et radiodiffusion. Dans le cadre de la réorganisation actuelle, on a divisé ce groupe en deux et créé deux postes de SMA là où il y en avait un seul auparavant.

• 1120

Je suis l'un des SMA du ministère. Je m'occupe normalement de la planification stratégique. J'essaye d'aider le sous-ministre et le ministre dans d'autres fonctions, telles que la communication, la planification, l'élaboration des politiques, etc. Actuellement, je suis intérimaire et je m'occupe du nouveau secteur qui sera appelé développement culturel,

[Français]

c'est-à-dire les deux groupes de l'industrie culturelle et de la radiodiffusion.

[Traduction]

Quant à mon collègue, M. Peters, il est directeur général de l'Institut canadien de conservation. À titre intérimaire, il s'occupe du nouveau secteur des arts et du patrimoine. Le sous-ministre et la Commission de la fonction publique s'efforcent actuellement de combler les deux postes de SMA à temps plein. Quand ce sera fait, nul ne sera plus content que Bill et moi-même, car nous mettons les bouchées doubles.

[Français]

Le président: Monsieur, est-ce que je peux vous demander si les deux nouvelles fonctions remplacent la fonction occupée auparavant par M. Rabinovitch?

M. Michael Wernick: Cette fonction a simplement été coupée en deux.

Le président: C'est donc ce que M. Rabinovitch faisait.

M. Michael Wernick: Oui, mais il n'y a pas vraiment de grands changements de structure. On a simplement pris un côté pour le gérer de façon plus intensive et on a fait la même chose avec l'autre côté. C'est tout.

Au sein de chaque secteur, on va peut-être penser à regrouper les gens pour rendre le travail plus efficace, mais on ne va pas ajouter de ressources. Pour l'instant, on va simplement réorganiser le travail pour faire avancer l'ordre du jour dont on veut discuter.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Doit-on comprendre que le travail de M. Rabinovitch est maintenant fait par deux personnes différentes et que M. Rabinovitch ne fait plus ce travail?

M. Michael Wernick: Tout à fait.

Le président: Monsieur, nous allons écouter votre présentation et les députés vous poseront ensuite des questions.

M. Michael Wernick: Absolument.

Le président: Il y a plusieurs questions sur la réorganisation.

M. Michael Wernick: D'accord. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je sais que le temps fait défaut, et je vais donc essayer de vous présenter mon exposé le plus rapidement possible.

[Français]

Merci pour l'invitation. Le ministère a suivi avec un grand intérêt vos délibérations et les présentations des témoins pendant les dernières semaines.

[Traduction]

Aujourd'hui, je vais vous présenter très rapidement les défis de la politique culturelle, qui intéressent le comité et certainement le ministère. J'espère que mon exposé donnera lieu à beaucoup de questions et de discussions.

Sur la première diapositive, nous présentons simplement les objectifs de la politique culturelle. La liste n'est pas exhaustive, et nous indiquons les principaux objectifs de la politique culturelle canadienne. Nous donnons aussi certaines caractéristiques du modèle canadien, qui nous différencient des autres pays et partenaires.

Nous poursuivons des objectifs stables et à long terme; il s'agit notamment d'assurer l'accès aux modes d'expression et aux espaces canadiens, de promouvoir la création d'un contenu canadien de qualité, de refléter la diversité canadienne, de protéger le patrimoine canadien en confiant aux générations futures ce que nous ont légué les générations passées, et d'apport une contribution importante à la croissance économique et à la prospérité du Canada.

La façon de procéder du Canada est différente de celle des autres pays. Nous avons un modèle singulier, qui revêt un grand intérêt pour notre pays. C'est un modèle fondé sur une grande liberté de choix des consommateurs quant à ce qu'ils veulent regarder, lire et voir, une grande liberté d'expression des créateurs et des artistes quant à ce qu'ils veulent exprimer. Il existe une grande variété d'outils d'intervention, qu'il s'agisse de mesures structurelles, de subventions fiscales et d'institutions publiques, et toute une diversité de partenariat entre les secteurs privé, public et parapublic et entre les paliers de gouvernement. En fait, il existe parfois des partenariats très compliqués dans ces domaines.

Il serait peut-être utile au comité de réfléchir sur les différents aspects du développement culturel. Certaines questions se rapportent davantage à la phase de la création, c'est-à-dire de la production de nouveaux produits ou expressions artistiques. D'autres questions se rapportent à la production, à l'accès au marché, au financement. Une fois que l'on a un produit, il se pose parfois des questions complexes concernant la distribution et l'accès aux personnes qui veulent le consommer, le voir, le lire ou le naviguer dans Internet. La promotion consiste à s'assurer que les Canadiens et les ressortissants d'autres pays sachent ce que nous faisons, et ensuite, il y a la conservation. Nous tâchons de conserver ce que nous avons de meilleur, de le protéger et de le rendre accessible aux Canadiens par le biais d'institutions du patrimoine ou des nouveaux moyens numériques, afin de le mettre à la disposition des générations futures.

• 1125

[Français]

Cette page-ci est simplement un résumé très bref des changements technologiques. Le message ici, c'est que nos politiques ont toujours eu à tenir compte des défis des nouvelles technologies. Dans les années 1920, on a eu la création d'un réseau de stations de radio; dans les années 1940, on a eu l'avènement de la télévision; dans les années 1960, on a eu celui du câble; dans les années 1980, on a eu le nouveau format de disque compact et le remplacement d'une grande partie du marché du cinéma par la vidéothèque, la location et la vente de cassettes; et en 1990, ce furent les satellites et les industries du multimédia.

[Traduction]

Tout cela pour dire que les secteurs des industries culturelles, des arts et du patrimoine ont été dès le début confrontés au changement technologique et que, dans une certaine mesure, le défi technologique n'est pas un phénomène nouveau. À mon avis, l'une des questions intéressantes sur lesquelles le comité et le ministère devraient se pencher est de savoir quelles sont les différences qualitatives et quantitatives des nouveaux changements technologiques par rapport aux changements que l'on a connus par le passé.

Le Canada n'est pas le seul pays confronté à ces changements technologiques—toutes les autres sociétés le sont—mais leur incidence sur notre pays est assez particulière. Nous avons une population relativement réduite mais dispersée sur un très vaste territoire, une vaste zone de radiodiffusion, ce qui suscite des défis particuliers. Les coûts de production au Canada sont semblables à ceux de n'importe quel autre pays. Le coût de production d'une heure de télévision, de film ou de production d'un CD-Rom est à peu près le même que dans d'autres pays, mais le produit ne peut pas être distribué dans un marché aussi vaste que celui des États-Unis, de l'Union européenne, ou même du Japon; par conséquent, le problème de rentabilité se pose avec plus d'acuité pour les producteurs canadiens.

Nous vivons tout près de la plus grande industrie du divertissement au monde, une industrie qui se rapproche beaucoup plus des Européens et des autres sociétés, mais nous la côtoyons depuis plus de 30 ou 40 ans.

[Français]

Évidemment, il y a eu des changements profonds dans la démographie et la diversité du Canada, que ce soit sur le plan linguistique, multiculturel ou urbain. Il y a eu plusieurs changements et tout ça touche le secteur culturel.

[Traduction]

À la page suivante, il y a un bref résumé dans lequel nous disons que les instruments de la politique culturelle canadienne ne sont pas statiques. Certains aiment dire qu'ils sont coincés dans le passé ou qu'on n'a pas examiné leur situation depuis longtemps, mais si vous regardez la liste, vous constaterez que même au cours des cinq ou six dernières années, comme bien des membres de ce comité le savent, il y a eu beaucoup d'enquêtes, d'études, de groupes de travail, de réactions, de politiques, et la création du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes. On essaye bien des choses et on avance à tâtons, et même si les objectifs fondamentaux que j'ai présentés dans la première diapositive demeurent assez stables, les instruments mêmes sont constamment examinés et scrutés.

D'une façon générale, le secteur culturel canadien est un succès. Nous estimons que ce n'est pas l'effet du hasard, c'est le résultat de la volonté et de la politique publique du Canada. Les politiques culturelles canadiennes ont assuré la création d'un secteur culturel très dynamique.

[Français]

Des témoignages de réussite existent dans l'accomplissement artistique. Tout le monde connaît les grandes vedettes et les grands noms de l'expression culturelle canadienne, comme Atom Egoyan, Robert Lepage, Céline Dion et Michael Ondaatje. La liste est très longue et elle s'allonge chaque année.

[Traduction]

De plus en plus de Canadiens de toutes les couches sociales contribuent à l'accomplissement artistique. Il n'y a rien de médiocre dans l'expression culturelle canadienne. Celle-ci est appréciée non seulement au pays mais dans le monde entier.

La politique gouvernementale a suscité l'expansion des institutions culturelles au Canada. D'après tous les indicateurs, leur nombre s'est accru assez rapidement au cours des 20 dernières années environ. Qu'il s'agisse du nombre de théâtres, de musées, de compagnies de danse, de galeries d'art ou de producteurs de cinéma, il y a eu une expansion extraordinaire qui a touché tous les coins du pays.

• 1130

La diversité des choix offerts aux Canadiens a augmenté assez considérablement. Qu'il s'agisse du nombre de chaînes de télévision qu'ils peuvent zapper, du nombre de magazines qu'ils peuvent lire ou du genre de services qu'ils peuvent obtenir sur Internet, les Canadiens disposent d'un choix phénoménal en ce qui concerne le contenu canadien ou étranger.

Je pense qu'on reconnaît de plus en plus la contribution du secteur culturel au développement économique du Canada. Dans les industries culturelles, il existe bien des emplois de qualité. Des emplois de haute technologie. Des emplois destinés aux jeunes. Des emplois axés sur la connaissance. Les cas de réussite sont nombreux. La contribution à l'emploi, même pendant la période de récession au début des années 90, a été assez substantielle.

Mon message aujourd'hui est le suivant: même si les outils d'intervention ont évolué avec le temps, les objectifs fondamentaux que nous poursuivons demeurent relativement stables. Le défi auquel nous sommes confrontés actuellement est d'adapter les outils à une conjoncture qui évolue sans cesse. Je suis sûr que c'est une question qui intéresse le comité.

Deux des principaux défis dont vous discutez, et qui intéressent le ministère, sont le commerce international et la libéralisation des investissements

[Français]

et le défi des nouvelles technologies de l'information.

[Traduction]

Je sais que vous avez entendu mon collègue, M. Gero, du MAECI, la semaine dernière. Je ne m'éterniserai donc pas sur les questions relatives au commerce et à l'investissement à ce stade, mais nous pourrions certainement y revenir plus tard. Nous tenons à souligner que le Canada est effectivement un marché ouvert aux produits culturels étrangers, et vous pouvez voir des indicateurs de ce phénomène à l'écran. En raison de son ouverture et de la proximité de l'industrie américaine du divertissement, le Canada doit déployer des efforts considérables pour assurer une certaine place aux produits canadiens sur le marché canadien. Cela nécessite de la détermination et un effort supplémentaires en matière de politique gouvernementale.

Comme M. Gero vous l'a dit, la culture a fait l'objet d'un certain nombre d'accords relatifs au commerce et à l'investissement à ce jour. Je pense que vous avez examiné certaines dispositions du GATT et de l'ALENA, ainsi que les négociations en cours ou envisagées, notamment l'accord de l'OCDE sur l'investissement

[Français]

ou les négociations futures sur les services, l'investissement et les subsides.

Le défi pour le Canada est de veiller à ce que nos objectifs culturels continuent d'être complètement pris en considération durant ces négociations. Nous travaillons de façon très étroite avec le ministère du Commerce international et le ministère de l'Industrie pour nous en assurer.

[Traduction]

À mesure que les marchés se mondialisent et se libéralisent, d'excellentes possibilités d'exportation se matérialisent. En raison de la qualité de notre production et de la réceptivité des autres pays, nous avons une capacité phénoménale d'exporter les produits culturels canadiens. Les retombées économiques de cette exportation contribuent à renforcer la base de nos industries culturelles et à veiller à ce qu'elles continuent à s'épanouir.

Au cours des négociations commerciales, en adoptant de nouvelles règles—parfois de façon indirecte, car la discussion porte peut-être essentiellement sur les services ou l'investissement—nous tenons à garder une certaine marge de manoeuvre pour l'avenir afin de ne pas couler certaines pratiques dans le béton. Étant donné que nous devons constamment réinventer et réévaluer nos instruments de politique culturelle, nous voulons nous assurer que nous disposons d'un espace de croissance. L'avenir est assez difficile à prévoir, raison pour laquelle nous tenons à disposer d'une marge de manoeuvre pour l'innovation et pour de nouveaux outils d'intervention.

Pour ce qui est de la technologie, et je sais que vous en avez discuté avec Industrie Canada la semaine dernière, la caractéristique importante du nouveau changement technologique actuel, contrairement aux changements passés que j'ai décrits dans une diapositive tout à l'heure, est la convergence de services et de marchés relativement distincts. Quand les produits ont un format numérique, quand ils sont encodés en segments d'information, on peut les regrouper et les manipuler, et créer ainsi de nouveaux produits et de nouvelles combinaisons qui remettent en question les structures traditionnelles de l'industrie.

Il existe de nouvelles façons de faire les choses, comme on le voit essentiellement dans le multimédia. On peut prendre une séquence vidéo, une séquence musicale et un morceau de texte, et les combiner de plusieurs façons très intéressantes. Si cela vous intéresse, un bon exemple en est L'encyclopédie du Canada. C'est une combinaison très intéressante de ces formats sur un CD-ROM qui peut être mis à jour directement sur Internet.

• 1135

L'autre aspect des technologies numériques est qu'elles permettent plus d'interactivité. Au lieu de prendre simplement un magazine et de le lire, on peut visiter le site Web du magazine et participer à un groupe de discussion de façon beaucoup plus active. Il ne s'agit plus simplement d'une consommation passive; les nouvelles technologies sont beaucoup plus interactives.

Je résumerai donc en trois points les répercussions politiques des nouvelles technologies.

[Français]

Le premier défi, c'est la difficulté de réserver de la place pour le Canada,

[Traduction]

étant donné que le défi actuel consiste à donner aux Canadiens la possibilité de choisir leurs propres histoires, leurs propres produits, leur propre expression.

[Français]

C'est la difficulté de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, ce que ce comité connaît bien.

[Traduction]

La capacité de faire respecter les droits de propriété intellectuelle dans les nouveaux médias lorsque les images peuvent être affichées sur Internet, manipulées, affichées de nouveau sur Internet, diffusées dans le monde entier, recombinées et ainsi de suite, est très importante car la principale préoccupation des industries culturelles n'est pas de vendre ou d'acheter du plastique ou du carton, mais plutôt d'acheter et de vendre des droits sur des choses, c'est-à-dire le droit de produire, de vendre ou de commercialiser. Et si on ne peut pas faire respecter ces droits, cela risque de compromettre bien des fondements économiques de l'industrie. Ainsi donc, il s'agit certainement d'un défi très important pour l'avenir.

[Français]

L'autre aspect, c'est que les nouvelles technologies remettent en question les structures et les politiques traditionnelles de l'industrie.

[Traduction]

Et je pense qu'il s'agit là d'une autre question dont le comité est conscient. Le réseau Internet est un peu comme la radiodiffusion, les télécommunications, dans la mesure où l'on utilise la technologie des satellites pour produire des magazines, dans la mesure où l'on peut capter des stations radio sur Internet, et ainsi de suite. Les entreprises trouvent de nouveaux moyens de faire des affaires et de gagner de l'argent, et cela ne cadre certainement pas avec la législation et la réglementation actuelles; voilà donc quelques questions de politique gouvernementale dont le comité a certainement entendu parler et qu'il examinera à l'avenir.

Le défi des nouvelles technologies n'est pas de souhaiter qu'elles disparaissent, mais plutôt d'y adapter nos politiques culturelles.

[Français]

Le défi est d'assurer un accès équitable à ces nouvelles technologies.

[Traduction]

Il s'agit de donner aux Canadiens autant d'accès que possible à l'information numérique par le biais de l'infrastructure actuelle, des ordinateurs, de la télévision et du téléphone qu'ils ont déjà, et c'est un domaine où le Canada dispose déjà d'une avance énorme par rapport à d'autres pays. Nous sommes un pays très branché. Nous avons un accès quasi universel au téléphone, à la radio et à la télévision. L'accès au câble est extrêmement élevé d'après les normes. L'utilisation de l'ordinateur à domicile est très répandue. Le coût du service Internet au Canada est le plus faible parmi les pays de l'OCDE.

Nous partons donc avec une très solide base de technologies et de communications. Le défi sera d'accroître l'investissement pour favoriser la création de services et d'un contenu canadiens tout en veillant à ce que le cadre réglementaire ne soit pas une entrave mais bien un appui au cours de cette transition.

Dans la diapositive suivante, il ne s'agit plus tant des défis et des problèmes que des possibilités. Les nouvelles technologies ont un impact très positif dans bien des secteurs. Elles ont la possibilité de multiplier les choix à la disposition des Canadiens. Au fur et à mesure qu'il y a numérisation, compression et combinaison des deux, la télévision devient plus diversifiée, la radio également, et l'on peut compter sur toute une gamme de produits. L'accès en ligne offre toutes sortes de possibilités. Parce que le Canada est bien nanti du point de vue des nouvelles technologies, il peut certainement en profiter pour consolider sa capacité économique. À long terme, il y aura plus d'emplois dans l'économie du savoir et dans la création du contenu que dans la fabrication de tuyaux et de fils.

Les nouvelles technologies offrent un grand potentiel quand il s'agit de consolider l'identité et la loyauté, de surmonter les obstacles de la géographie, de faire dialoguer les Canadiens entre eux suivant des modes nouveaux et emballants.

[Français]

Il faut aussi favoriser la création et la diffusion d'un contenu canadien.

[Traduction]

Mon collègue Bill pourra vous en parler mieux que moi. Au fur et à mesure qu'il y aura numérisation des collections du patrimoine, qu'elles seront présentées sous de nouvelles formes, qu'elles seront en ligne, il sera possible dans les régions rurales éloignées du pays, de regarder les collections de la banque d'oeuvres d'art ou d'un musée quelconque. Ces nouvelles technologies permettent donc un élargissement de l'accès.

• 1140

Nous pouvons nous développer à partir d'une infrastructure de communications qui, à la vérité, est l'une des meilleures au monde. Bien des pays, la France, l'Italie et l'Allemagne même, nous envieraient notre capacité sur le plan des de la numérisation des données de notre système de télécommunications.

Comme je l'ai dit, il y aura de nouveaux débouchés commerciaux. Nous avons déjà un créneau grâce à notre expérience et à nos succès. Comme vous le savez sans doute, le Canada se débrouille très bien dans le domaine du dessin animé et des émissions pour enfants. Nous sommes même en train d'accaparer une partie du secteur des arts du spectacle de Hollywood. Nous trouverons des débouchés grâce à la vente de produits directement sur les marchés étrangers, et nous pourrons récupérer au Canada le produit de cette vente.

En terminant, et afin que nous puissions passer rapidement aux questions, nous tenons à vous transmettre quelques messages importants pour la suite de vos délibérations.

Nous tenons à faire une distinction entre les objectifs globaux de la politique culturelle canadienne et les outils d'intervention. Nous pensons que les objectifs demeurent relativement stables et qu'ils sont encore tout à fait valables dans le contexte actuel. Le comité, j'en suis sûr, se penchera sur cet aspect-là et donnera son opinion mais au fur et à mesure que la technologie évoluera, de façons parfois difficiles à prévoir, il importera que la politique gouvernementale joue un rôle actif pour assurer la place au contenu canadien, pour que les Canadiens aient accès à leurs propres histoires et pour maintenir chez les Canadiens le sens de leur identité.

[Français]

Le Canada joue un rôle de leadership à l'échelle internationale et nous voulons continuer d'exercer ce rôle.

[Traduction]

Quand il s'agira pour le Canada de discuter de questions culturelles et sociales dans des tribunes commerciales ou autres, comme par exemple à l'UNESCO, au Conseil de l'Europe, à l'OEA, ou ailleurs, il faudra que le Canada fasse valoir son modèle unique de politique culturelle et, en fait, son avis que la politique culturelle est importante dans le cadre de la politique gouvernementale à l'aube du nouveau millénaire.

Vous pouvez donc constater, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, que le ministère tient à relever les défis que posent la libéralisation du commerce et les nouvelles technologies et que nous souhaitons travailler avec vous dans ce sens.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci.

J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Vous avez bien cerné les questions et je vous remercie de nous avoir donné copies de vos diapositives. Cela me permettra de m'y reporter plus tard.

J'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose. Je me reporte à la diapositive 10 où il est écrit: «Permettre aux particuliers d'avoir accès aux données numériques canadiennes à l'aide des ordinateurs/téléviseurs/téléphones qu'ils ont déjà chez eux».

Il semble que le comité ait du mal à faire la distinction entre le support et le message. À mon avis, la confusion ne cesse de s'accentuer. Il est vrai qu'il est important que les Canadiens aient la possibilité d'avoir accès à des données numérisées mais je me demande bien comment nous allons contrôler le contenu ou le message ainsi transmis.

Permettez-moi de vous donner un exemple tout simple: Joe Schlesinger, que l'on voyait quotidiennement autrefois sur le réseau CBC, aux informations. Il y a environ deux ans, si je me souviens bien, il s'est produit quelque chose dans l'ex-Tchécoslovaquie. Il s'est rendu là-bas pour faire un reportage et je trouve que cet exemple est tout à fait éloquent. En effet, nous avons là un journaliste canadien, qui travaille pour la télévision canadienne, et qui à cause de ses racines fait des reportages sur ce qui se passe en Tchécoslovaquie. On ne peut pas dire que ce soit le reflet du Canada.

Ce n'est pas une critique et comprenez-moi bien. Je trouve que cela illustre bien le cocasse d'une discussion sur la culture canadienne sans que nous disposions d'une définition de la culture canadienne.

À la diapositive 9, vous dites: «Les nouvelles technologies remettent en question les structures et les politiques traditionnelles de l'industrie.»

Et comment. Si je me reporte à la diapositive où vous énumérez toutes les études qui ont été faites, notamment tout ce qui a été fait depuis 1996, on constate que le ministère du Patrimoine a tout simplement rejeté du revers de la main l'étude sur Radio-Canada-Téléfilm et l'Office national du film. Pouf! Disparue. Quelques millions de dollars, et c'est fini. De nouveau, on essayait de passer à autre chose.

• 1145

Je ne dis pas qu'il faille jeter l'éponge. Pas du tout. Convenez-vous avec moi qu'il faut tout d'abord être beaucoup plus précis dans notre définition de ce qu'est la culture canadienne?

Une fois que nous aurons une définition, nous pourrons prendre des mesures, et voir comment elles se comparent au support, au message et comment tout cela peut être concilié. En fait, nous ne pouvons même pas entreprendre ce processus, tant que nous n'aurons pas défini ce dont nous parlons, cette chose éthérée appelée culture canadienne.

M. Michael Wernick: Je vais essayer de vous donner une réponse utile. Il appartient au comité de décider s'il s'agit là d'une avenue prometteuse. Quant à moi, je ne pense pas que cela soit très productif. Le terme «culture» est un de ces thèmes élastiques comme le terme «démocratie» ou droits de la personne, qui sont très subjectifs. Ces termes couvrent une vaste réalité.

Il y a des choses essentielles qui sont claires dans les arts, le patrimoine, la télévision, la radio, etc. Mais il y a d'autres définitions. En voici une que je trouve utile. C'est une définition toute personnelle. La culture est un processus permanent d'expression de notre identité.

Autrement dit, les racines se trouvent dans nos origines, et il y a un rapport avec notre expérience actuelle et notre situation dans le monde. Il y a un rapport aussi avec nos objectifs.

Mais c'est une chose perméable. Comme vous le savez, le gouvernement s'est penché sur cette question et il a essayé de configurer les institutions gouvernementales en conséquence.

Notre identité est très enracinée dans le territoire et l'environnement. Elle est enracinée dans les sports, qui jouent un rôle important là-dedans. Il y a par ailleurs les racines de ces Canadiens qui viennent d'ailleurs.

Dans l'exercice d'autres tâches, j'ai essayé de trouver une définition pratique. Le comité ne s'en tirera peut-être pas aisément. L'UNESCO utilise des définitions. Le Conseil de l'Europe en utilise aussi. Nous en utilisons à des fins législatives.

Si vous attendez d'avoir résolu la question de la définition avant de relever les défis de politique gouvernementale vous en aurez peut-être pour longtemps. Si nous pouvons vous aider dans cette entreprise, nous le ferons volontiers.

M. Jim Abbott: La liste, entre parenthèses, se trouve à la diapositive 4. Nous avons parlé du rapport Juneau, qui a été relégué aux oubliettes. En 1996, également, il y a eu l'énoncé de politique sur la convergence. En 1996, il y a eu le rapport du Groupe de travail sur l'industrie de l'enregistrement sonore et le Plan d'action du gouvernement concernant la société de l'information.

Voilà donc une liste de documents que d'autres gens que moi auraient tendance à considérer comme des projets que les bureaucrates se fabriquent eux-mêmes. Que penser?

Très respectueusement, je pense que tant que nous ne définirons pas ce dont nous parlons, nous ne pourrons pas savoir comment nous pourrons influencer «cela»? «Cela», ça peut vouloir tout dire.

M. Bill Peters (sous-ministre adjoint, Arts et patrimoine, ministère du Patrimoine canadien): Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques éléments à la réponse de M. Wernick. Prenons ce dont M. Abbott parlait au début, tout à l'heure, c'est-à-dire garantir l'accès et contrôler le contenu de cette question plutôt épineuse.

Je tiens à dire que le ministère a mis beaucoup l'accent sur la question du contenu en garantissant, comme M. Wernick l'a signalé dans son exposé, qu'il y ait assez de place et grâce à toute une gamme de mesures qui viennent appuyer le processus de création, si je peux le décrire ainsi.

C'est pluridimensionnel. Par exemple, à propos de nos institutions nationales, nous avons parlé de la numérisation des collections. Ainsi, il y a passablement de travail accompli pour que soit précisément disponible ce qui se trouve dans nos musées nationaux et dans nos principales archives, bibliothèques ou autres établissements. En outre, dans un autre domaine, nous appuyons les créateurs eux-mêmes, car ils sont la source même de ce que nous voulons mettre à la disposition des Canadiens à l'échelle du pays.

• 1150

Ainsi, le ministère accorde beaucoup d'importance au processus de création, et il se sert de ces énormes réservoirs qui sont à notre disposition par l'intermédiaire des institutions nationales que nous avons créées au fil des ans.

[Français]

Le président: Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais, dans un premier temps, m'assurer que je comprends bien l'organigramme du ministère qui nous a été remis avec le document. Je ne sais pas si vous l'avez devant vous, mais ça vient du rapport sur le rendement de 1997.

Il y aurait là trois divisions: le programme d'identité, le programme des services de gestion ministérielle et le programme de Parcs Canada. Ça va très bien pour les deux sous-ministres mentionnés sur le côté, mais j'ai une question concernant les trois sous-ministres mentionnés au centre. On les appelle sous-ministres adjoints au développement culturel et au patrimoine. Est-ce exact?

M. Michael Wernick: On a divisé un poste en deux.

Mme Suzanne Tremblay: Maintenant, il y a donc quatre sous-ministres au lieu de trois.

M. Michael Wernick: Pour le moment, il y en six au total, mais on va créer une agence des parcs. Parcs Canada va nous abandonner l'année prochaine, et nous allons donc réduire ce nombre à cinq.

Mme Suzanne Tremblay: Il y a une agence qui s'occupe de la citoyenneté et qui est au Secrétariat du multiculturalisme. C'est de ces deux-là que je parlais. Il y en avait trois pour le patrimoine canadien et un pour les parcs. Donc, vous allez en avoir quatre maintenant.

M. Michael Wernick: Pas exactement.

Le président: C'est pour expliquer que si on divise... Mais vous n'avez peut-être pas le tableau devant vous.

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que votre nom est mentionné dans le document? Donc, le poste de sous-ministre adjoint au développement culturel et au patrimoine est divisé en deux.

M. Michael Wernick: Le changement qu'il faut faire à ce tableau, c'est de diviser en deux le poste du sous-ministre adjoint au développement culturel et au patrimoine.

Mme Suzanne Tremblay: On y ajoute un sous-ministre adjoint?

M. Michael Wernick: Oui. Les quatre activités y sont décrites: un sous-ministre adjoint sera responsable des deux premières, la radiodiffusion et l'industrie culturelle, et l'autre sera responsable des deux suivantes, les arts et le patrimoine.

Mme Suzanne Tremblay: Parfait. Le reste est intact.

M. Michael Wernick: Oui, il n'y a pas de changement.

Mme Suzanne Tremblay: Parfait. Est-ce que vous êtes dans l'un des deux postes?

M. Michael Wernick: Dans le poste de gestion stratégique.

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que les deux sous-ministres sont nommés ici?

M. Michael Wernick: Non, pas encore.

Le président: Excusez-moi, monsieur Wernick. Vous faites l'intérim pour lequel des deux?

M. Michael Wernick: Radiodiffusion et industrie culturelle; c'est-à-dire que je m'occupe de ce secteur en attendant la nomination d'un sous-ministre adjoint permanent.

Le président: Qui s'occupe du deuxième secteur en attendant la nomination du sous-ministre?

M. Michael Wernick: M. Peters. On espère fortement qu'il y aura des nominations permanentes bientôt.

Le président: Merci.

Mme Suzanne Tremblay: J'ai bien ri au début quand j'ai vu les deux diapositives, parce qu'elles démontrent bien l'incompréhension en termes de langage. En effet, vous intitulez votre première diapositive «The Distinct Canadian Model» en anglais, et en français vous dites «Le modèle canadien unique». La société unique qu'on nous offre à Calgary serait donc la société distincte qu'on nous a offerte avant.

J'aimerais, si vous le voulez bien, prendre la page 7 intitulée «La libéralisation du commerce et de l'investissement». Je vais faire bien attention à tous les mots que j'utilise, mais je voudrais bien lire pour bien comprendre. J'ai quasiment l'impression, en lisant cela, qu'il s'agit de la libéralisation du commerce et de l'envahissement au lieu de l'investissement. Je vois le mot «envahissement» quand on parle de libéralisation.

• 1155

On dit ici que le long métrage étranger, c'est 95 p. 100 de nos affaires au Canada, et ensuite on dit que seulement 5 p. 100 des recettes dans le domaine du cinéma viennent de films canadiens et québécois.

Ensuite on parle de 87 p. 100 des recettes tirées des ventes au détail de l'industrie de l'enregistrement sonore qui proviennent de la vente de contenu étranger, ce qui veut dire que ce qui est canadien ne représente que 13 p. 100, etc.

Donc, il n'y a rien qui soit à 50 p. 100. Le plus qu'on produit, c'est 50 p. 100 du total des recettes versées par la vente au détail des revues au Canada, et on risque de se faire avoir avec la décision de l'OMC par rapport à la surtaxe qu'on avait mise sur les publicités dans les revues.

Dans quelle mesure pouvons-nous dire à l'heure actuelle que les traités qu'on a signés, l'ALE, l'ALENA, l'OMC, le GATT et alouette, ont vraiment réussi à protéger la culture canadienne?

M. Michael Wernick: Notre analyse, c'est que les exemptions obtenues avec l'ALENA et l'entente de l'OMC sont très fortes. C'est vraiment une exception que les Américains aient réussi à utiliser l'ancien traité du GATT pour attaquer nos mesures qui protègent l'industrie des revues.

Notre analyse—et c'est un jugement—, c'est qu'il n'y a pas d'autres secteurs ou industries qui sont aussi vulnérables à de telles mesures. Dans les négociations futures, on sera très vigilants, avec la coopération du ministère des Affaires étrangères, pour garder le même niveau de protection et de flexibilité.

Mme Suzanne Tremblay: On pourrait donc aller jusqu'à dire que dans la négociation qui est en cours avec l'OCDE à l'AMI, on veut être protégés et s'assurer que les autres traités combleront les trous. C'est ce que vous voulez dire? Le gouvernement est prêt à aller aussi loin que cela?

M. Michael Wernick: Je n'ai pas saisi la question.

Mme Suzanne Tremblay: À l'heure actuelle, vous me dites qu'on est bien protégés par l'ALENA et par l'OMC. Mais on s'est fait avoir au GATT. On a beau être bien protégés par l'ALENA et l'OMC, on s'est fait avoir au GATT.

On essaie de se protéger et de se surprotéger dans l'AMI, parce qu'on sait maintenant que l'ALE et l'OMC sont passés. Mais est-ce qu'on risque encore quelque chose? Est-il possible de rendre l'AMI assez étanche pour qu'on ne puisse plus nous avoir, même par l'intermédiaire du GATT? Est-ce qu'on est sûrs d'être protégés?

M. Michael Wernick: C'est un jugement que je laisse aux experts du Commerce international. Nous travaillons étroitement avec ces experts pour obtenir la flexibilité et la protection que l'on recherche. Notre analyse nous dit qu'il y a un lien très fort entre la propriété industrielle et l'aspect canadien.

Il y a plusieurs domaines, dans les industries culturelles, où il n'y a aucune restriction ou réglementation. Les étrangers sont libres de venir acheter ou établir des compagnies. Nous avons cependant établi certaines protections et nous voulons garder la protection et la flexibilité nécessaires pour nous permettre de décider nous-mêmes si nous voulons les garder ou les adapter aux besoins futurs afin de ne pas être forcés à changer de politique par les forces extérieures.

Ce devrait être une décision de ce comité et du Parlement du Canada.

Mme Suzanne Tremblay: Une toute petite dernière question. Vous indiquez à la page 2 que la politique culturelle canadienne s'occupe de création, de production, de distribution, de promotion et de sauvegarde.

En ce qui concerne le film, puisque 95 p. 100 de la production cinématographique est étrangère, pensez-vous qu'il y a quelque chose à faire pour qu'on s'en sorte? Puisque la distribution appartient aux Américains et que la production est à 95 p. 100 étrangère mais fortement aidée des Américains, est-ce qu'il y a quelque chose à faire pour qu'on arrive à s'en sortir?

Dans les périodes de grande fréquentation cinématographique, comme la période de Noël ou les vacances d'été, les jeunes Canadiens et Canadiennes et les jeunes Québécois et Québécoises qui vont au cinéma sont à 99 p. 100 sûrs de voir un film américain parce que les Américains sont à la fois producteurs et distributeurs. Les jeunes voient des films américains plutôt que des films canadiens ou québécois.

• 1200

Est-ce qu'on va arriver à renverser la vapeur? De ce côté-là, on aura beau faire toutes les politiques qu'on voudra, si ce que vous voyez est américain, on passe à côté.

M. Michael Wernick: Vous avez identifié exactement le noeud du défi pour l'industrie du film. En ce moment, nous travaillons fort pour produire une analyse, un document de discussion et des options pour la ministre Mme Copps, qui est très préoccupée par la question du film et du long métrage. Nous allons poursuivre ces questions l'année prochaine, avec l'aide du comité, je l'espère.

Je pense que les quatre volets seront utiles pour cette réflexion parce qu'en matière de création et de films de qualité, il n'y a pas de problèmes au Canada et au Québec. Il y a beaucoup de cinéastes qui produisent des choses de qualité. Même en termes de financement, on a des instruments comme Téléfilm ainsi que des instruments de promotion et de conservation.

Le noeud du problème pour l'industrie, c'est la distribution. Ce n'est pas simplement une question de cinéma, parce que le marché de location et vente de cassettes est deux fois plus important que les recettes des cinémas. Les films sont regardés dans les chambres d'hôtel, dans les avions, par satellite, à la télévision, etc. Les cinémas sont très, très importants en termes de publicité et de promotion pour créer le marché. Nous allons regarder l'ensemble de tout cela et nous assurer qu'au cinéma ou chez Blockbuster, il y ait des films de qualité disponibles pour les Canadiens.

Mme Suzanne Tremblay: Merci.

Le président: Monsieur Wernick, je voudrais que vous me donniez une précision parce que je ne suis pas très sûr d'avoir compris. Est-ce que vous avez dit que les magazines et les revues sont le secteur le plus vulnérable par rapport à l'OMC et aux instruments de commercialisation?

M. Michael Wernick: Justement, avec la décision de l'OMC, on a une période fixe de 15 mois pour mettre en oeuvre des mesures de remplacement ou laisser tomber notre mesure actuelle.

[Traduction]

Le président: Est-il vrai qu'actuellement nous faisons l'objet d'une nouvelle plainte à l'OMC de la part des Hollandais concernant la distribution de films?

M. Michael Wernick: Ce n'est pas au même stade. Il s'agit de la politique de distribution de films et son impact.

Une voix: Polygram.

M. Michel Wernick: Polygram est la société en cause. Il s'agit des politiques concernant la distribution de produits cinématographiques de non-propriétaires, c'est-à-dire les films qui ne sont pas tournés par la société mais qu'elle a acquis ou dans lesquels elle détient un intérêt.

La société Polygram est très mécontente de la politique canadienne, quoiqu'elle s'y conforme. L'année dernière, quand elle s'est installée au Canada, elle s'est engagée à respecter la politique établie, mais elle a tempêté en Europe tant et si bien que le gouvernement britannique et le gouvernement hollandais ont décidé de poser quantité de questions.

Il y a eu un certain nombre d'échanges bilatéraux avec la société et les gouvernements européens, avec la bureaucratie européenne à Bruxelles. Mme Copps est allée à Bruxelles il y a quelques semaines et elle a discuté de cette question directement avec le commissaire à la culture et avec sir Leon Brittan, qui est le commissaire au commerce. Les Européens sont en train de décider s'ils vont poursuivre l'affaire ou non. Toutefois, il faudra franchir encore plusieurs étapes avant que soit formé un groupe spécial, dont on ne sait pas quelle sera la décision.

Le président: Autrement dit, les secteurs autres que le secteur des magazines sont mieux protégés que ce dernier par notre exemption?

M. Michael Wernick: Je pense qu'il y avait un élément de surprise dans la décision concernant les magazines car il a fallu qu'on remonte aux dispositions concernant les biens du traité de 1947 pour faire les calculs nécessaires. Je ne veux pas m'aventurer ici parce que je ne suis pas expert en droit commercial...

Le président: Je sais, je comprends.

M. Michael Wernick: ...mais il s'agit de la distinction entre un bien et un service.

[Français]

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci de votre présentation et merci aussi à Mme Tremblay d'avoir posé des questions qui me paraissent extrêmement pertinentes.

Je voudrais traiter de quelque chose de tout à fait différent. La composition démographique canadienne est en évolution, de telle sorte que l'on peut prévoir que la partie de la population âgée de 65 ans et plus sera de plus en plus large.

• 1205

Nous nous rendons compte, d'après votre acétate de tout à l'heure, que le multimédia est le véhicule qui est le plus à la mode, qui se développe le plus et dans lequel on performe le mieux.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'à partir du moment où les personnes âgées seront en plus grand nombre et deviendront une section plus importante de consommation de culture, et dans la mesure où le multimédia est finalement l'instrument qui est le moins à leur portée sur le plan culturel, il va falloir qu'on trouve des moyens ou des politiques pour essayer de combler un peu ce trou entre les deux?

Est-ce que ma question est claire?

M. Michael Wernick: Oui, je pense que j'ai saisi.

À cette étape de développement, il y a un écart entre l'industrie et le marché potentiel. Je pense que le marketing des services d'Internet et de multimédia sont vraiment axés sur les jeunes, mais comme vous l'avez dit, il y a une grande partie, une partie croissante du marché potentiel qui est composée de personnes du troisième âge. Ce sont des gens ayant certains intérêts et un peu de revenu disponible pour obtenir ces services.

D'après les derniers chiffres que j'ai vus—et c'est une chose qui change rapidement—, il y a 5 p. 100 de gens du troisième âge qui sont abonnés à Internet. C'est donc un grand marché potentiel. Je pense que l'industrie l'a compris et va faire des efforts pour se saisir de ce marché.

[Traduction]

Les entraves à un accès plus universel sont en partie technologiques... il s'agit de veiller à ce que les gens soient câblés ou aient accès grâce au téléphone ou au câble ou au satellite à ce genre de services. Il y a évidemment la question du revenu. Pour faire l'acquisition d'un ordinateur équipé d'un modem et pouvant offrir les graphiques et le son qui convient, il faut compter de 1 500 $ à 2 000 $, et c'est beaucoup d'argent pour bien des Canadiens.

Je pense que la troisième question est tout simplement la question des compétences, de l'intérêt et du savoir-faire. Il ne s'agit pas d'une affaire mettant en cause le multimédia ou Internet, où on peut dire «Bâtissez toujours, vous aurez des clients». Cela ne va pas ici. Il faut que les gens voient un intérêt dans la chose, qu'ils comprennent que cela va améliorer leur sort, et que c'est avantageux pour leurs enfants. Je pense que les gens de l'industrie vont réagir à cela, mais il faut aussi une orientation de la part du gouvernement. Je suis sûr que les membres du comité voudront se pencher là-dessus de même que les membres du Comité de l'industrie.

[Français]

Le président: Madame Bulte, madame St-Hilaire et monsieur Abbott.

[Traduction]

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais parler du contenu canadien. J'aimerais également que vous me disiez comment Patrimoine canadien travaille avec le CRTC, surtout dans le cadre des audiences actuelles où il est question du contenu canadien. Dans un article du Globe and Mail d'aujourd'hui, on dit que SOCAN a fait des démarches auprès du CRTC et qu'on demandait comment il fallait définir le contenu canadien.

En outre, il y a la question de l'espace. Devrions-nous contrôler, réglementer le moment où ce contenu canadien est diffusé?

J'aimerais que vous m'expliquiez donc comment Patrimoine canadien travaille avec le CRTC. Si je ne m'abuse, le CRTC relève du ministère de l'Industrie, mais Patrimoine canadien a une sorte de... Je vous remercie des explications que vous me donnerez.

M. Michael Wernick: Jusqu'à tout récemment, je ne m'étais pas beaucoup occupé de cette question mais je vais tenter de vous répondre. Le CRTC existe pour appliquer deux lois essentielles—la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications. Quant à nous, les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion nous intéressent au plus haut point car le ministre du Patrimoine est le ministre responsable. Le ministre de l'Industrie s'intéresse davantage aux dispositions de la Loi sur les télécommunications car il est responsable lui de cette loi-là.

Ainsi, on peut partager le mandat du CRTC au titre de ces deux lois mais au fur et à mesure que les technologies progressent, il y a un phénomène de convergence et de plus en plus de gens s'intéressent à la diffusion ou à la distribution. Voilà donc la question que le gouvernement a souhaité étudier en 1996 avec son énoncé de politique sur la convergence.

• 1210

Notre rôle quant aux questions de radiodiffusion de base est délicat. Le CRTC est un organisme de réglementation indépendant et nous ne voudrions pas nous immiscer dans le processus de délivrance des licences qui suppose des compromis qui sont au coeur même du rôle du Conseil.

Sur le plan de la politique gouvernementale, le gouvernement a choisi de créer un organisme indépendant pour entendre des points de vue parfois très divergents sur des questions très controversées. Qu'il s'agisse des diffuseurs ou des consommateurs, les membres du Conseil ont la compétence nécessaire pour les entendre et pour prendre les décisions.

Il est très rare, même si c'est possible, que ces décisions fassent l'objet d'un appel au Conseil des ministres. Le ministre peut être appelé à exprimer son opinion, c'est-à-dire maintenir une décision ou demander au Conseil de reprendre un dossier. Toutefois, cela est tout à fait exceptionnel.

Le ministre et le ministère se mettent un peu en retrait et s'occupent du développement à long terme du réseau de radiodiffusion. Ce n'est pas tous les ans que l'on modifie la Loi sur la radiodiffusion et la dernière fois c'était il y a environ 10 ans. Il faut donc se demander si les dispositions législatives sont encore valables, comment elles sont appliquées, etc.

Il faudrait contrôler et suivre de près des questions telles que l'accès aux services dans les deux langues officielles et la diversité. Il vous faudrait tenter de prévoir les progrès technologiques et leur incidence. Nous en traiterions au niveau de l'élaboration des politiques.

Les discussions se poursuivent avec le Conseil. Nous avons d'étroites relations de travail, mais nous devons être prudents et ne pas usurper le rôle réglementaire légitime que joue le Conseil.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais...

Mme Sarmite Bulte: En fait, ce que vous venez de me dire ne fait que m'alarmer davantage. Je sais que le CRTC est un organisme indépendant du gouvernement, mais si vous lisez le Globe and Mail d'aujourd'hui... je suis inquiète de voir que cet organisme indépendant—et non pas les politiciens ni le ministère—définira le contenu canadien et déterminera où on le trouvera. Ce sont là les préoccupations dont vous avez parlé aujourd'hui: le contenant et le contenu.

Il semble y avoir une grave lacune. C'est plutôt effrayant. Je ne crois pas que la solution soit d'en appeler au Cabinet. De toute façon, nous ne le pouvons pas. À mon avis, il y a une grave lacune.

J'ai une dernière question concernant l'Accord multilatéral sur l'investissement. J'ai siégé au sous-comité qui a examiné cette question. M. Dymond et moi avons parlé de ce qu'est la culture et du point de départ que représente l'ALENA pour la définition de la culture, l'exception, l'exemption ou la réserve pour la culture, le cas échéant. M. Dymond a dit qu'il poursuivait ses conversations avec les fonctionnaires. J'aimerais que vous me rassuriez et que vous me disiez que vous continuez à participer à ces discussions.

M. Michael Wernick: Je peux vous rassurer, car j'ai vu Bill trois fois au cours des deux dernières semaines. Nous nous rencontrons pour discuter précisément de ces enjeux-là. En dernière analyse, il suivra les instructions du Cabinet. La dernière joute dans le cadre de ces négociations se tiendra dans plusieurs mois, et nous collaborerons intensément d'ici là pour trouver le meilleur point de départ.

Vos travaux au sein de cet autre comité vous ont permis de constater qu'il y a un véritable bouillonnement d'idées. Nous devrons examiner cette question avec les yeux d'un avocat et nous demander quels seront les effets de l'ajout ou de la suppression d'un mot ici ou là.

Il est assez risqué de s'éloigner des définitions de l'ALENA. Les gens demanderont pourquoi les nouvelles définitions sont différentes et si cela a une incidence sur l'interprétation de l'ALENA. La proposition du gouvernement français a ses mérites, tout comme celle de SOCAN, et les autres. Tout ce que je peux vous garantir, c'est que nous suivons la situation de très près.

Mme Sarmite Bulte: Je ne crois pas que la proposition de SOCAN traite de la technologie ou du secteur multimédia. C'est ça qui m'inquiète.

M. Michael Wernick: Je ne suis pas avocat, mais je sais que, parfois, plus le libellé est précis, plus ses effets sont restrictifs. Avec un libellé plus général, on peut parfois en arriver à une application plus large. Ce sont précisément le genre de sujets dont nous discuterons.

Mme Sarmite Bulte: Merci.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Tout d'abord, merci pour votre présentation. Dernièrement, nous avons reçu des gens d'Industrie Canada, qui n'ont pas beaucoup parlé de la Loi sur le droit d'auteur. Ils ont peut-être oublié de le faire. On parle beaucoup de multimédia et de nouvelles technologies. Une de mes préoccupations concerne les artistes et en particulier les auteurs-compositeurs. Je ne sais pas si votre ministère a pensé à définir une stratégie dans la Loi C-32. Je ne pense pas que les nouvelles technologies soient incluses et je ne sais pas où vous en êtes pour protéger les droits des artistes.

• 1215

M. Michael Wernick: La question couvre plusieurs aspects. En termes de droit d'auteur, on a trois projets et il y a un lien entre les trois. On n'a pas réussi à mettre en oeuvre à 100 p. 100 la Loi C-32. On est toujours en train de discuter des règlements avec Industrie Canada et avec les artistes et les producteurs. On espère voir la grande majorité de ces règlements entrer en vigueur à partir du 1er janvier. Il se peut que certains règlements doivent attendre un peu.

Comme vous le savez, il y a des traités internationaux auxquels le Canada doit prendre la décision d'adhérer ou non avant la fin de l'année ou dans le processus suivant la signature. Chacune de ces discussions nous amène rapidement aux questions liées à la nouvelle technologie. Je dois dire que nous sommes dans une phase de réflexion pour identifier les préoccupations. On espère lancer un processus de consultation très vaste et transparent pour raccorder toutes les idées et voir quelles sont les différences entre les nouvelles technologies et les formats numériques.

Ce sera difficile, et ça va soulever les mêmes conflits et les mêmes discussions qu'à la phase 2, mais il faut le faire parce que le monde bouge rapidement. Les Américains sont très en avance en termes de commerce électronique. Leur perspective est très commerciale. Ils ont promis, et ce sera difficile pour eux, de mettre en oeuvre des règles du jeu pour le marché électronique cette année. Cela va nous forcer à avancer et à accélérer notre réflexion. Ce sera un sujet d'étude pour le comité bientôt, j'espère.

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Je le répète, j'ai trouvé votre exposé très utile, surtout les diapositives... vous avez réussi à cristalliser et à présenter sur papier la position de votre ministère.

À la deuxième diapositive, on présente le modèle canadien qui est fondé sur la liberté de choix des consommateurs et la liberté d'expression des créateurs. À la diapositive 7, on dit que le Canada est l'un des marchés les plus libres du monde. On explique que les longs métrages étrangers génèrent 95 p. 100 de la totalité des recettes des cinémas canadiens, et on parle aussi de l'industrie de l'enregistrement sonore, de la télévision, des livres et des revues canadiennes.

Si nous estimons que le consommateur est roi, que le consommateur fait ses choix avec sa carte Visa, son argent comptant ou son chéquier... Les entreprises ne font pas des affaires pour perdre de l'argent. Elles font des affaires pour maximiser leurs profits. Prenons comme exemple la distribution des longs métrages. Si le distributeur est canadien, choisira-t-il de distribuer des films différents pour des raisons de nationalisme?

N'ai-je pas raison de dire que, si les recettes d'un film sont bonnes, n'importe quelle entreprise le gardera à l'écran afin de continuer à vendre des billets et à faire des profits? Il en va de même pour les autres produits culturels.

M. Michael Wernick: Le marché cinématographique n'est pas équitable. Le secteur du cinéma américain produit de 40 à 50 films par année. Le budget moyen de ces films est de 20 millions à 30 millions de dollars. Le budget de promotion et de mise en marché de ces films, qui est prévu avant même qu'on ait fini de les tourner, est de l'ordre de 5 millions de dollars. Pour les très grosses productions, le budget de mise en marché peut être de 10 millions, 15 millions ou même 20 millions de dollars.

En revanche, un producteur de films canadien se considère chanceux de trouver 4 ou 5 millions de dollars, en tout, pour la production, la distribution et la mise en marché.

Avec l'accès et l'autopublicité-intermédia que pratiquent les conglomérats américains du divertissement, ce sont souvent les mêmes entreprises qui sont propriétaires de réseaux de télévision, de magazines et d'entreprises de production cinématographique. Elles peuvent faire de la publicité intermédia; elles font la promotion de leurs vedettes dans leurs magazines, elles s'assurent qu'on parle de leurs films pendant leurs émissions de télé, etc. Elles jouissent d'un avantage économique énorme avant même que les deux films ne soient mis à l'affiche du même cinéplex de votre quartier. Voilà pourquoi la politique de distribution est si importante si nous voulons que le secteur cinématographique connaisse des succès à long terme.

• 1220

Je ne sais pas si cela répond à votre question. Ça signifie que la chaîne est importante; il ne suffit pas de susciter la production et de surveiller le contenu. Nous faisons déjà cela très bien. Nous produisons beaucoup d'émissions de télé, de films, de revues et de livres. Il reste maintenant à s'assurer que ces produits sont connus, car il a été prouvé que les Canadiens préfèrent les produits canadiens si on leur en offre. Il ne s'agit pas de fermer la porte aux produits étrangers, mais si on offre des produits canadiens, les gens ont tendance à les préférer car ils leur parlent d'eux-mêmes.

Les films canadiens sont donc désavantagés, mais nous réussissons bien en télévision, dans le secteur des magazines et des livres. Le défi qu'il faudra relever sera de soutenir la concurrence de la toute-puissante industrie cinématographique d'Hollywood. Les Italiens, les Français, les Hollandais, tous les pays qui produisent leurs propres films font face au même défi.

M. Jim Abbott: Voilà précisément où je voulais en venir. Je pose ma question une deuxième fois. Si les entreprises de distribution étaient canadiennes, s'attendrait-on à ce que ces entreprises, qui veulent faire des profits, prennent des décisions différentes des distributeurs américains, qui veulent aussi faire des profits? Autrement dit, ce sont les consommateurs qui choisissent. J'ose croire qu'on n'envisage pas d'imposer un pourcentage de contenu canadien aux films présentés au Canada. Ce n'est pas ce que nous envisageons, n'est-ce pas?

M. Michael Wernick: Pas que je sache. Vous soulevez précisément le genre de question dont traite Investissement Canada lorsqu'une entreprise veut ouvrir ses portes ou acheter une société canadienne. Elles prennent des engagements pour plusieurs années.

Vous demandez si le fait qu'une entreprise soit canadienne ou non a une incidence sur le contenu; cela est une question sur laquelle le comité voudra peut-être se pencher. Importe-t-il qu'une société soit étrangère ou canadienne? Et dans quelle mesure devrait-on permettre la propriété étrangère dans ces domaines?

Les secteurs bancaires et les services financiers, ainsi que le secteur des télécommunications et d'autres, font aussi face à cette question. Voilà pourquoi l'AMI sera si difficile à négocier. Vous ne pouvez tout simplement aller aux États-Unis y acheter une station de télé. Les Américains jugent qu'il importe, pour leur sécurité nationale et culturelle, de réglementer la propriété des stations de télé. Nous sommes du même avis, et nous ferons valoir ce point de vue lorsque viendra le temps de négocier.

Il n'y a en fait aucune réglementation sur le contenu ou la propriété dans la plupart des secteurs culturels. Nous ne réglementons pas le contenu de la plupart des produits de détail tels que les vidéos, les livres, les disques, les revues, les films, etc., sauf en ce qui concerne le libelle, la pornographie et ce genre de choses.

Il n'existe que quelques règles particulières relatives au contenu, et il s'agit habituellement de règles sur le linéaire. Dans bien des domaines, la propriété étrangère n'est nullement limitée. Ainsi, Blockbuster Video n'a eu aucun mal à s'installer au Canada. Très peu d'obstacles empêchent les détaillants du secteur de la musique de s'installer au Canada. De même, en matière de production cinématographique et de présentation de films, les sociétés américaines n'ont eu aucun mal à venir au Canada.

M. Jim Abbott: Voici où je veux en venir. Toujours en ce qui concerne le contenu, parlons plutôt de télévision pour un moment. Manifestement, This Hour Has 22 Minutes et The Royal Canadian Air Farce sont la quintessence même de ce qui est canadien. Ces émissions n'auraient aucun succès à l'extérieur du pays, même si elles jouissent d'une grande popularité au Canada. De même, les productions de Radio-Canada telles que Life and Times présentent un caractère distinctement canadien, car on y parle de gens comme Peter Lougheed, les soeurs Dale et d'autres.

Il y a aussi Due South, un classique, où le personnage canadien est caricatural, et Traders, une histoire universelle.

J'en reviens à ma première question. Comment pouvons-nous définir le contenu canadien? Comment déterminerons-nous si Due South ou Traders seront financés ou non, etc.? Comprenez-vous de quoi il s'agit? Sans définition précise de notre objectif, comment pouvons-nous atteindre cet objectif? Nous ne savons pas ce qu'il est.

• 1225

M. Michael Wernick: Vous avez soulevé plusieurs questions. Je ne sais si je pourrai y répondre, mais je vais tenter de le faire.

Permettez-moi de reprendre une de vos remarques. Parce que les émissions véritablement canadiennes présentent un intérêt limité pour les non-Canadiens, il y a des dilemmes économiques. Une émission telle que This Hour Has 22 Minutes, dont les blagues ne seraient pas comprises à l'extérieur du pays, ne peut s'adresser qu'à un marché de 30 millions de spectateurs et, même, plutôt de seulement 23 millions d'anglophones. Par conséquent, l'amortissement, la distribution du risque, se fait sur une base très étroite.

Si vous produisez des émissions de télé américaines, vous avez un marché de 250 millions de téléspectateurs et vous avez accès à un marché international beaucoup plus vaste. Par conséquent, le secteur télévisuel américain peut prendre le risque de produire 120 émissions pilotes chaque année dans l'espoir de découvrir un Seinfeld ou un ER, même si le reste se retrouve à la poubelle. Le secteur canadien ne pourra jamais se permettre ce genre de chose.

En outre, les goûts des consommateurs sont imprévisibles. Au risque de me contredire, je dirai qu'il n'est pas certain que les émissions authentiquement canadiennes n'intéressent pas des étrangers. Dans certains cas, c'est le contraire. Il y en a plusieurs exemples; Anne... La maison aux pignons verts fascine les Japonais. D'autres émissions sont très populaires en Allemagne et en Italie, précisément en raison de leurs caractéristiques canadiennes. Les Européens sont fascinés par la culture autochtone, etc.

Nous, nous nous intéressons aux émissions dramatiques se déroulant dans l'Angleterre du XIXe siècle ou en France; il n'est donc pas facile de déterminer ce qui intéressera les gens, ce qui se vendra, ce qui signifie que c'est un domaine où le risque est toujours grand. Voilà pourquoi les mesures de soutien importent tant à ces secteurs.

L'une des plus belles réussites du fonds des câblodistributeurs—je sais que vous avez assisté à l'événement où ont été soulignés ses résultats—c'est qu'il a permis la production d'une gamme plus vaste d'émissions et davantage d'épisodes. Le risque est ainsi un peu mieux réparti. Toutes ces émissions ne seront pas des succès retentissants ici ou à l'étranger, mais il faut pouvoir en produire une gamme assez variée si on veut connaître certains succès, des succès qui donnent ensuite à l'entreprise en question la stabilité financière qui lui permet de continuer.

Le président: Monsieur Peters, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Bill Peters: Oui. M. Abbott a très bien défini la complexité de chacun des enjeux dont votre comité et, bien sûr, le ministère sont saisis, mais j'aimerais compléter la réponse de mon collègue.

Il nous faut, entre autres choses, définir quelles seront les mesures qui soutiendront le mieux le processus créatif lui-même. Il ne suffit pas de s'entendre sur une définition de la culture canadienne et du contenu canadien. Nous devons aussi élaborer des politiques visant précisément à appuyer les créateurs—ceux qui écrivent des livres, ceux qui réalisent des films ou ceux qui, de plus en plus, se lancent dans le multimédia avec l'évolution de la technologie.

Le ministère propose donc toute une gamme de politiques dans le but d'atteindre ces objectifs, ce qui représente une des pièces du casse-tête qu'a décrit M. Abbott.

Le président: Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je pense qu'il est important de voir que celui qui produit et distribue va distribuer d'abord son propre produit avant de distribuer celui des autres. Cela m'apparaît comme une évidence. J'ai déjà vu des films canadiens à succès qui n'étaient pas projetés alors qu'on nous projetait des navets américains parce que les propriétaires de la distribution étaient américains.

Mais ce n'est pas là l'objet de ma question. Ma question concerne les subventions. J'ai l'impression que depuis que le ministère, comme tous les autres ministères, a subi des coupures, il y a eu quelques changements dans les politiques de subvention. Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

• 1230

On va donner des subventions à des organismes professionnels parce que ce sont des professionnels. On soutient, par exemple, un, deux, trois ou quatre orchestres. On soutient une troupe de ballet ou autre chose. Mais on arrête de subventionner certains orchestres qui sont moins professionnels parce qu'ils n'ont pas un statut professionnel.

Quand j'ai fait partie pour la première fois du Comité du patrimoine canadien, certains groupes de la région de Toronto avaient perdu leur subvention parce qu'on avait changé les politiques.

Récemment, je suis allée à plusieurs salons du livre, où les éditeurs m'ont dit que la politique de subventions en faveur de l'édition était à revoir. Vous pourriez peut-être me le confirmer, mais il semblerait que plus le chiffre d'affaires est élevé, plus on subventionne la maison d'édition, ce qui laisse à penser aux maisons d'édition un peu plus petites qu'elles seront éventuellement bouffées parce qu'elles n'auront pas les moyens de subsister sur le marché.

Premièrement, est-ce que vous me confirmez que c'est plus ou moins la politique du ministère? Deuxièmement, pourquoi les organismes bien établis n'auraient-ils pas des subventions moins importantes, ce qui permettrait, dans une perspective d'ouverture et de concurrence, d'aider des orchestres naissants, par exemple?

Je ne voudrais pas qu'on arrête de subventionner l'Orchestre symphonique de Montréal, ou celui de Toronto ou celui de Winnipeg, mais je pense que les gens de l'Est du Québec, par exemple, n'ont pas tellement la chance d'écouter des orchestres. Ils n'iront jamais à Montréal et à Toronto. Ne serait-il pas possible de leur envoyer un peu de musique, même si ce n'est pas grand-chose? Si on donne 20 000 $ à un petit orchestre symphonique dans une région comme le Bas-du-Fleuve ou la Gaspésie, c'est beaucoup. Est-ce qu'on peut être éclairés là-dessus?

M. Michael Wernick: Je peux dire qu'il y a toute une gamme d'instruments de subventions dont les critères et les objectifs sont différents. S'il y a quelque chose de spécifique, on pourra peut-être revenir avec des précisions.

Certains programmes de subventions ont une vocation plus industrielle et académique; c'est-à-dire qu'ils servent à soutenir une industrie du secteur privé dans le domaine de film ou de l'édition. D'autres programmes sont conçus pour les secteurs bénévoles ou à but non lucratif, dans le domaine des arts, du patrimoine ou des musées.

Depuis longtemps, l'approche fédérale dans ce domaine est de dépolitiser le plus possible ces subventions et de créer un instrument dans le cadre du Conseil des arts pour recevoir les demandes et juger, grâce à un panel d'experts dans le domaine, des projets selon des critères plus artistiques. Évidemment, il n'y a pas assez d'argent pour accommoder tout le monde, et les décisions sont difficiles, que ce soit dans le domaine des orchestres ou dans celui de l'édition.

En ce qui concerne la vocation économique, il y a dans les industries culturelles le même problème que celui qui existe dans le domaine de l'aérospatiale ou d'autres industries. Est-ce qu'on devrait appuyer les compagnies très fortes ou bien est-ce qu'on devrait plutôt essayer de nourrir les petites et moyennes entreprises? Comme il n'y a jamais assez d'argent pour accommoder tout le monde, les décisions sont difficiles, et cela crée des trade-offs, comme on dit.

Mme Suzanne Tremblay: Dans le domaine de l'édition, on se rend très bien compte que si on arrive avec des mégamaisons d'édition et que s'il y en a par exemple deux au Québec et deux ou trois en Ontario, on finira par concentrer l'édition dans les mains de peu de personnes et on risquera dorénavant de ne publier que certains auteurs ou certains types de littérature.

• 1235

Par exemple, un poète trouvera difficilement une maison d'édition parce qu'il va peut-être vendre 500 exemplaires de son oeuvre dans toute sa carrière. Il y a un danger si on concentre les moyens d'expression entre les mains de quelques personnes seulement.

M. Michael Wernick: J'accepte tout à fait votre analyse. S'il y a des problèmes dans l'application de nos instruments, on peut revenir et poursuivre.

Mme Suzanne Tremblay: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Il faut revenir à ce que je disais tout à l'heure sur la distinction à faire entre le médium et le message. Je reviens à votre diapositive 7 où vous faites remarquer que 87 p. 100 de toutes les recettes tirées des ventes au détail par l'industrie de l'enregistrement sonore ont été générées par la vente de contenus étrangers.

Je sais que pendant les audiences du CRTC sur le contenu canadien, qui se tiennent actuellement à Hull, il y a eu une controverse sur le moment de diffusion des 30 p. 100 du contenu canadien. Néanmoins, si nous présumons que l'on diffuse 30 p. 100 de contenu canadien, mais que ce contenu canadien ne rapporte que 13 p. 100 de recettes tirées des ventes au détail, et si l'on tient compte du fait que la SOCAN demande qu'on diffuse 40 p. 100 de contenu canadien et que le secteur de l'enregistrement sonore en réclame 50 p. 100, il n'en reste pas moins que les radiodiffuseurs sont motivés par le profit lorsqu'ils prennent leurs décisions. Ils disent que si le contenu canadien attirait des auditeurs, ils diffuseraient du contenu canadien. Ces 30 p. 100 ne seraient pas un plafond, mais plutôt un seuil.

J'en viens à la réponse que vous avez faite à Mme Tremblay, je crois, sur l'idée de faire du contenu canadien un produit à valeur ajoutée.

Pour ma part, je ne suis pas certain... j'en reviens encore une fois à la diapositive 7. Vous dites que le Canada est l'un des marchés les plus libres au monde, que 95 p. 100 des films que nous diffusons sont étrangers, que 87 p. 100 des disques vendus sont étrangers, que 61 p. 100 des émissions de télévision ont un contenu étranger, que 60 p. 100 des livres vendus au Canada sont des livres étrangers et que 50 p. 100 des magazines vendus au détail au Canada sont étrangers. Les Canadiens font leurs choix, et je ne suis pas certain qu'un contenu canadien de plus haut calibre et de meilleure qualité n'entraînerait pas une augmentation de ces chiffres.

Autrement dit, 50 p. 100 des magazines vendus au détail au Canada en 1994-1995 étaient étrangers; peut-être que si nos magazines canadiens étaient de meilleure qualité et que si nous avions une masse critique, les Canadiens achèteraient davantage de revues canadiennes.

Je précise ma pensée: je ne crois pas que la réglementation du contenu soit la solution. Si nous encourageons les artistes canadiens à produire un bien ou un service plus attrayant, les consommateurs canadiens les préféreront aux autres.

M. Michael Wernick: Je vais tenter de répondre à deux ou trois choses que vous avez soulevées.

La situation des magazines ou de la télévision vous montre bien qu'il existe une chaîne reliant la création, la promotion, la distribution, et ainsi de suite. L'interaction entre les divers médias est très importante.

En ce qui concerne les revues, le chiffre que nous vous avons donné illustre, à mon avis, une belle réussite. Le nombre de magazines offerts aux Canadiens est passé d'une poignée dans les années 60 à 1 400. Certains de ces magazines ont un très faible tirage et sont hautement spécialisés, mais 1 400 magazines reflétant chacun un aspect de la réalité canadienne sont offerts aux Canadiens. Certains ne sont peut-être vendus que dans la région continentale sud de la Colombie-Britannique ou à Montréal, n'intéressent peut-être qu'une profession ou un groupe particulier, mais ils existent.

• 1240

Personne ne va obliger un détaillant à vendre telle et telle revue. Si vous vous rendez dans un marchand de tabac du centre Rideau, vous pourrez acheter toutes les revues que vous voulez. Personne ne dit à quelque Canadien que ce soit quelles revues il peut recevoir. Si vous voulez vous abonner à une revue allemande ou américaine, vous pouvez le faire.

En ce sens, le contenu n'est pas réglementé. Ce qu'on conteste toutefois ce sont des mesures structurelles précises qui ont été conçues pour favoriser la croissance et l'épanouissement de cette industrie et pour lui permettre de trouver son marché. Elle est semblable aux autres industries, et je suis sûr qu'on peut toujours discuter de ce genre de mesures, à savoir si des instruments publics doivent encourager certaines industries pendant leur période de démarrage.

Pour ce qui est de l'enregistrement sonore, l'argument veut que les règles de contenu s'appliquant à la radio permettent aux compagnies et aux producteurs de disques de s'enraciner et aux artistes d'être entendus pour se créer un public. Ces moyens ont d'ailleurs servi de tremplin à des artistes dont la carrière est très bien lancée aujourd'hui, qu'il s'agisse de Bryan Adams, de k.d. lang ou de Céline Dion.

[Français]

et il y a d'autres artistes francophones que je pourrais mentionner.

[Traduction]

Selon cet argument, en l'absence de règles relatives au contenu pendant les années 60 et 70, le poids économique de l'industrie américaine et sa force de commercialisation auraient imposé les artistes américains sur les ondes à l'exclusion de tous les autres. Or on se façonne et on forme son goût grâce à ce qu'on entend.

Nous avons obtenu du succès en réservant de l'espace pour des chaînes vidéo comme MuchMusic et Musique Plus. C'est ainsi que les enfants canadiens voient des artistes canadiens un peu plus grâce à ces mesures, et cela permet d'attirer un public, et l'industrie pourra voler de ses propres ailes.

Le fait que le CRTC tienne des audiences publiques sur les règles de contenu s'appliquant à la radio démontre bien ce que je disais lorsque j'ai présenté mon deuxième et mon troisième transparents, c'est-à-dire qu'on examine les instruments dont nous disposons de temps à autre. Si alors le CRTC arrive à la conclusion qu'il y a lieu d'établir d'autres quotas, il se prononce en ce sens. On réexamine constamment ce genre de règles.

M. Jim Abbott: Mais lors d'autres réunions, j'ai parlé de l'anomalie que constitue le cas de Bryan Adams. Vous venez de mentionner cet artiste. Nous avons établi certaines règles et maintenant, parce qu'il lui manque quelques points par rapport aux règles, cet artiste canadien cesse du jour au lendemain d'être considéré comme un artiste canadien. Ne trouvez-vous pas que ces règlements sont parfois un peu bizarres?

M. Michael Wernick: Il y aura toujours des cas tangents quel que soit le système de réglementation qu'on adopte. De toute façon, on les réexamine de temps en temps. Le CRTC se penche sur ces règlements. Nous allons donc revoir l'application des règles relatives au contenu en ce qui concerne l'accès au fonds destiné aux câblodistributeurs afin de voir s'il y a lieu de les renouveler et ainsi de suite. Il y a donc un processus d'examen de prévu.

Le fait que certains artistes seront en mesure de prendre leur essor dans le marché américain et européen et de gagner beaucoup d'argent est merveilleux en soi. Nous n'y voyons aucune objection. Le rôle d'un organisme public de réglementation intervient davantage à l'étape embryonnaire d'une carrière, lors de son démarrage, après quoi les artistes et les compagnies peuvent se tenir debout seuls. De toute façon, le comité peut se faire sa propre idée la-dessus, vous n'avez pas besoin de la mienne.

M. Jim Abbott: Merci.

Le président: Avant de terminer, monsieur Wernick, j'aimerais vous poser deux questions.

L'autre jour, nous avons entendu le témoignage du professeur Sauvageau qui était coprésident de la commission Caplan-Sauvageau. Je vois qu'on ne l'a pas mentionné ici et je pense que ce serait une bonne chose que de le faire.

On a posé le même genre de questions qu'aujourd'hui au professeur Sauvageau. Si j'ai bien compris ce qu'il nous répondait, à son avis, la culture n'est pas monolithique. Il estime qu'il y a deux systèmes de valeurs au sein du monde culturel. L'un est celui des forces du marché, axé sur le commerce, tandis que l'autre s'enracine dans le service public. Or c'est cette valeur de service public dont nous discutons principalement ici car le contenu commercial n'a pas besoin de soutien. Les grandes sociétés vont s'épanouir tandis que d'autres entreprises s'effondreront, mais la valeur de service public elle...

Il a comparé cela à un petit producteur d'émissions de télévision ou de films au Québec, ou même en Ontario. Il raconte une histoire communautaire. S'il veut élargir son potentiel commercial, alors il doit raconter une histoire qui ne sera pas aussi étroitement associée à la collectivité mais qui sera plus acceptable à d'autres auditoires à l'extérieur du milieu.

• 1245

Ne croyez-vous pas que le ministère du Patrimoine canadien a pour rôle de vraiment promouvoir la vocation de service public qu'a le système?

M. Michael Wernick: J'estime que le rôle du ministère ou des organismes parapublics—puisque l'essentiel de la prestation de service et de l'interaction se fait par l'entremise d'organismes sans lien de dépendance—qu'il s'agisse...

Le président: Non, je comprends cela. Je veux parler de l'ensemble.

M. Michael Wernick: En ce qui a trait à la vocation de service public, si cela peut vous être utile, je la diviserais en trois catégories. Le comité voudra se faire sa propre idée du poids relatif de chaque catégorie.

Depuis longtemps au Canada, le gouvernement a joué un rôle actif de création. Il y a eu des institutions publiques dont la SRC, le Musée des Beaux-Arts du Canada, l'Office national du film. Ces institutions existent toujours. Le mandat et leur budget ont changé, mais elles ont un rôle à jouer dans la création d'oeuvres culturelles destinées aux Canadiens.

Le gouvernement est aussi un bailleur de fonds et un mécène en raison des programmes de subvention et des autres mesures de soutien. Ensuite il y a Téléfilm Canada, les divers programmes de soutien pour l'industrie de l'enregistrement sonore, le secteur de l'édition, etc. Nous devons toujours décider de la répartition des budgets et déterminer si les fonds sont utilisés de façon optimale. Dans ce cas, c'est un créateur du secteur privé ou un orchestre sans but lucratif ou encore un musée qui crée. Le gouvernement assume une version moderne du rôle ancien de mécène.

Le troisième rôle, le moins évident, en est un de facilitation. Il y a des lois et des règles qui encadrent le secteur culturel, que ce soit le volet artistique ou encore le volet industriel. Il y a des taxes, et des régimes relatifs à la télédiffusion et aux droits d'auteur.

Comme je l'ai dit, il s'agit essentiellement de la vente et de l'achat de droits. Le gouvernement peut intervenir pour faire en sorte que les uns et les autres soient assujettis aux mêmes règles.

Le vrai problème, et M. Abbott en a parlé à quelques reprises, c'est que la culture est une chose insaisissable. À certains égards, elle est précise et locale, à d'autres elle est très universelle. La meilleure culture est universelle mais sa forme peut être tout à fait locale. Cela vaut pour le produit canadien mais c'est tout aussi vrai du meilleur contenu culturel de tous les pays du monde.

Le président: Merci, monsieur Wernick. La séance a été fructueuse pour nous tous. Je vous remercie sincèrement d'être venu nous rencontrer.

Avant de lever la séance, j'aimerais revenir à la question de M. Rabinovitch. Il avait été question du détachement d'un fonctionnaire de votre ministère qui viendrait prêter main-forte à nos attachés de recherche et agir comme agent de liaison avec le ministère tout au long de l'étude que nous effectuerons dans les quelques mois à venir.

Pouvez-vous vous occuper de cela? Pouvez-vous me faire savoir ou faire savoir au greffier si c'est possible?

M. Michael Wernick: Si j'ai bien compris, vous ferez le point la semaine prochaine sur vos futurs travaux. Je me ferai un plaisir d'essayer de voir avec le greffier comment nous pouvons vous être utiles.

Le président: D'accord. Merci. Merci à tous d'être venus. Nous vous en sommes reconnaissants.

J'aimerais avant de lever la séance faire part au comité d'une lettre que j'ai reçue. Cela prendra deux secondes. Je vais vous la lire.

J'ai reçu une lettre du sénateur Joyal qui vient d'être nommé au Sénat:

[Français]

[Traduction]

J'ai vérifié auprès du greffier avant de vous lire cette lettre et il m'a dit que dans le passé, ceux qui voulaient siéger comme observateurs pouvaient le faire. Je sais qu'au comité de l'environnement, quand nous avions un député du Nouveau Parti démocratique et que les membres réguliers du comité avaient fini de poser leurs questions, s'il restait du temps, avec le consentement des autres, nous lui permettions même de poser une question de temps à autre.

• 1250

Je vous pose donc la question de savoir si cela vous convient ou si vous préférez y réfléchir avant de me donner votre réponse. À vous d'en décider. Ce serait bien de lui donner une réponse, maintenant qu'il m'a écrit pour me faire cette requête.

M. Jim Abbott: Je pourrai vous faire connaître ma décision. Je vous le ferai savoir avant demain soir.

Le président: D'accord. Merci.

La séance est levée.