TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 avril 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): La séance est ouverte.
Nous accueillons aujourd'hui les représentants de la Commission nationale des libérations conditionnelles: le président, Willie Gibbs, la vice-présidente, Renée Collette, et Gertrude Lavigne, conseillère.
Monsieur Gibbs, je crois savoir que vous avez une allocution d'ouverture à présenter; il y aura ensuite une période de questions.
M. Willie Gibbs (président, Commission nationale des libérations conditionnelles): Oui, merci monsieur le président. Bon après-midi. Je suis heureux de me trouver aujourd'hui devant le comité et de poursuivre le processus de communication de renseignements et de reddition de comptes dont ces séances offrent l'occasion.
Mes observations seront assez brèves. Vous avez dernièrement reçu une abondante information sur la Commission nationale des libérations conditionnelles et la mise en liberté sous condition, y compris les rapports préparés en vue de l'examen de la LSCMLC et le rapport sur les plans et les priorités de la Commission. En outre, le solliciteur général, trois membres de la Commission et le commissaire du Service correctionnel du Canada se sont présentés devant vous. Toute cette information me dispense de longues observations, mais j'aimerais vous donner un aperçu des objectifs stratégiques de la Commission et de leur pertinence quant à la sécurité du public.
Le rapport sur les plans et les priorités de la Commission énumèrent, aux pages 7 et 8, trois objectifs stratégiques qui reflètent notre mission et l'appui que nous entendons apporter à un système correctionnel efficace.
• 1535
Le premier de ces objectifs exprime notre engagement envers la
qualité, c'est-à-dire notre résolution de prendre les décisions
aussi judicieuses que possible en choisissant pour commissaires des
personnes pleinement qualifiées et en leur offrant la meilleure
formation qui soit. Des mesures législatives et des politiques
pertinentes, des recherches bien ciblées et les leçons tirées des
vérifications de cas et des enquêtes jouent aussi un rôle important
dans l'amélioration de la qualité des décisions.
[Français]
Le deuxième objectif est celui de la transparence et de la reddition des comptes. La Commission doit être attentive aux besoins des victimes, répondre aux demandes des personnes souhaitant assister à ses audiences à titre d'observateurs et donner accès à ses décisions grâce au registre des décisions. L'information du public est aussi un élément important de la transparence et de l'imputabilité. Elle permet d'établir les faits et de dissiper les mythes qui contribuent à entretenir le scepticisme de la population à l'égard de la mise en liberté sous condition.
Le troisième objectif de la Commission est celui d'un accroissement constant de l'efficacité organisationnelle. Il s'agit de concevoir ou de remanier des systèmes qui permettent d'accroître la qualité des décisions rendues. Gardant toujours en vue la sécurité du public, la Commission s'efforce constamment de réduire les coûts, de simplifier les processus et d'éliminer la duplication dans son organisation ou entre elle et le Service correctionnel.
Ces objectifs généraux n'indiquent pas seulement la voie à suivre; ils tracent aussi un cadre pour la mesure de notre rendement. J'aimerais vous donner un bref aperçu des efforts accomplis par la Commission à cet égard. La qualité des décisions relatives à la mise en liberté sous condition est liée au professionnalisme des commissaires ainsi qu'à la formation et à la rétroaction qu'ils reçoivent.
[Traduction]
L'évaluation du rendement dans ces domaines est chose complexe. Cependant, le rapport du vérificateur général apporte certains éclaircissements. En décembre dernier, le vérificateur général a relevé ce qui suit:
Le rapport du vérificateur général mentionne que nous avons fait de réels progrès quant à notre capacité de prendre des décisions judicieuses. Concrètement, toutefois, l'évaluation de la qualité doit tenir compte des résultats des décisions de la Commission, c'est-à-dire de la manière dont les délinquants se comportent dans la collectivité après s'être vus accorder la libération conditionnelle. Vous avez, je crois, sous les yeux des statistiques auxquelles vous pourrez jeter un coup d'oeil.
Les données des quatre dernières années montrent que nous avons également réalisé des progrès à cet égard. Les taux élevés de réussites ont été enregistrés pour tous les types de mise en liberté. Ils ont été particulièrement élevés—et ils s'améliorent encore—en ce qui concerne la semi-liberté et la libération conditionnelle totale. Plus de 90 p. 100 des délinquants ainsi libérés ne récidivent pas pendant leur période de liberté conditionnelle.
[Français]
À mesure que les taux de réussite augmentent, les taux de récidive et le nombre d'infractions commises par des libérés conditionnels diminuent. Ainsi, le nombre de révocations de la libération conditionnelle, pour tous les types d'infractions, a diminué de 50 p. 100 entre l'année financière 1992-1993 et l'année 1996-1997, tandis que le nombre de révocations liées à des infractions avec violence diminuait d'environ 60 p. 100. Au cours de la même période, le nombre d'infractions avec violence commises par des délinquants en semi-liberté a baissé de plus de 70 p. 100, et le nombre d'infractions avec violence commises par des délinquants en libération conditionnelle totale, de 40 p. 100.
• 1540
Bien entendu, et je suis le premier à le reconnaître,
le succès de la libération conditionnelle ne peut pas
être attribué uniquement au travail de la Commission.
La préparation des cas est effectuée par le Service
correctionnel du Canada et celui-ci assure aussi la
surveillance des délinquants dans la collectivité, ce
qui est d'une
importance capitale. Les collectivités
elles-mêmes sont une source d'appui et d'aide pour les
délinquants. Enfin, naturellement, un comportement
responsable de la part des délinquants est la clé du
succès.
Cependant, les données récemment recueillies montrent que le processus d'octroi de la libération conditionnelle, selon lequel le Service correctionnel prépare le cas et la Commission évalue le risque et rend une décision, permet d'identifier efficacement les délinquants qui réussiront à se réinsérer dans la société. Continuer d'améliorer ce processus est la priorité absolue de la Commission.
[Traduction]
Nous savons que nous devons être persistants dans notre travail pour continuellement s'améliorer. Nous sommes sur la bonne voie. En fait, le nombre de cas où des actes graves de violence, y compris le meurtre, sont commis contre des personnes a notablement diminué ces dernières années, comme l'illustrent bien les statistiques qui vous ont été remises.
Cependant, il arrive que les choses tournent mal et que cela ait des conséquences tragiques pour les victimes et leurs familles. Les cas des délinquants Hector et Russell en sont des exemples.
Vous qui formez ce comité, vous vous inquiétez, tout comme l'ensemble des collectivités canadiennes, des actes de violence commis par des délinquants en liberté sous condition, et c'est à juste titre. Toutefois, grâce à la nomination de commissaires pleinement qualifiés, ayant une formation solide, en plus de politiques approfondies et précises, c'est notre intention de réduire ce nombre d'incidents à un minimum.
J'aimerais maintenant revenir brièvement à la question de la transparence et de la reddition de comptes.
Comme vous le savez, nous avons constamment affaire non seulement aux délinquants, mais aussi à des victimes, à des groupes communautaires et aux médias.
La Commission est approchée par des victimes plus de 6 000 fois par an. Il s'agit dans la plupart des cas de personnes ayant été victimes d'infractions avec violence. Lesdits contacts se font le plus souvent par téléphone ou par écrit, et visent à obtenir des renseignements d'ordre général ou encore la communication de décisions ou de la date de tenue d'audiences. Les commentaires des victimes montrent que la plupart sont satisfaites de l'information et de l'aide reçues de la Commission. Certaines ont toutefois exprimé le désir de recevoir davantage de renseignements. D'autres ont soulevé la question du rôle réservé aux victimes dans le processus de mise en liberté sous condition.
Par ailleurs, un millier de personnes assistent chaque année aux audiences de la Commission à titre d'observateurs et mille autres demandent à consulter le registre des décisions. Les victimes de crimes et les médias sont bien représentés dans ces groupes.
[Français]
Les observateurs aux audiences et les personnes ayant consulté le registre des décisions se sont dits satisfaits de l'information et de l'aide reçues, bien que certains aient exprimé des réserves quant aux conditions dans lesquelles les observateurs peuvent assister aux audiences.
Du point de vue de la Commission, les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition relatives aux observateurs et au registre des décisions se sont révélées très utiles pour faire mieux comprendre au public ce qu'est la mise en liberté sous condition et pour rendre plus exacte la représentation par les médias des décisions de la Commission.
• 1545
Afin de promouvoir une
meilleure compréhension du système de libération
conditionnelle de la part des divers médias, je
rencontre régulièrement des comités de rédaction ainsi
que des représentants des médias électroniques. Ces
rencontres se sont révélées d'excellentes occasions
de discuter des problèmes et de diffuser de
l'information sur le rôle positif de la mise en liberté
à l'égard de la sécurité du public.
Pour terminer, permettez-moi de vous rappeler que l'année 1999 sera celle du centième anniversaire de la libération conditionnelle au Canada et celle du quarantième anniversaire de la création de la Commission nationale. Au cours des 100 dernières années, la libération conditionnelle a prouvé sa valeur en contribuant à la sécurité du public et en favorisant la réintégration graduelle des délinquants dans la société. Mais nous ne pouvons pas seulement nous contenter de nos réussites. L'amélioration du système sera un objectif essentiel des années à venir. Des stratégies générales visant à assurer l'efficacité du système correctionnel reposeront sur une bonne évaluation et une bonne gestion du risque.
[Traduction]
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Gibbs. Nous passons maintenant aux questions.
Monsieur Ramsay, vous avez huit minutes.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
Tant que les statistiques indiqueront que des innocents se font assassiner, violer et agresser par les délinquants que vous libérez sous condition, je ne vois pas comment on pourra convaincre la majorité des Canadiens de l'efficacité du système, surtout les familles des victimes et les victimes mêmes—celles qui survivent.
C'est la tâche qui nous attend, nous, les députés. Nous savons comment vous justifiez ces décisions: si ces contrevenants ne sont pas libérés sous condition, ils réintégreront la société sans le moindre espoir de réinsertion qu'offrent les maisons de transition et la liberté conditionnelle.
Un des facteurs qui contribuent à cette colère—ou peut-être devrais-je plutôt parler de découragement—, c'est le fait que personne ne veut assumer la responsabilité.
Quand Denise Fayant a été assassinée 24 heures après s'être retrouvée en compagnie de ceux qui constituaient une menace pour sa vie, comme le savaient pertinemment les autorités, rien ne s'est produit. Les autorités sont restées sur leur position. La police d'Edmonton a mené une enquête sur la possibilité de négligence criminelle, et a recommandé que des accusations en ce sens soient portées. Des procureurs de la couronne de niveau inférieur ont reconnu qu'il y avait des preuves prima facie de négligence. Les hauts fonctionnaires du ministère du Procureur général de la province ont refusé de porter des accusations. Personne n'a eu de compte à rendre.
M. Russell s'est vu accorder la libération conditionnelle totale, même si c'était un assassin. C'était un meurtrier. En moins d'un mois ou deux, il avait commis un autre meurtre.
Ce n'est pas que la société exige absolument son dû, seulement, elle aimerait que les fonctionnaires qui prennent ces décisions et dont les erreurs ont des conséquences horribles rendent des comptes.
• 1550
La question que j'aimerais vous poser est la suivante, et j'en
ai parlé en comité hier, lorsque nous avons accueilli M. Ingstrup.
Il y a quelques mois, lors d'un symposium international qui s'est
tenu à Kingston, nous avons entendu parler de régimes de libération
conditionnelle assez bons, qui jouissaient de l'appui de la
population ou, du moins, de la majorité. Ces régimes prévoyaient
que le libéré conditionnel s'engage à respecter des conditions très
clairement énoncées et que, à la moindre violation de ces
conditions, le délinquant soit immédiatement réincarcéré.
Nous avons souvent entendu parler de délinquants qui violent impunément les conditions de leur liberté conditionnelle. Ils sont censés ne pas aller dans des bars, ne pas boire d'alcool, ce genre de choses. Or, on les voit régulièrement dans des bars, sans que cela porte à conséquence. Nous croyons aussi savoir que les agents de libération conditionnelle ne peuvent rien faire. Ils ne peuvent que recevoir ces informations et les transmettre à leur supérieur, auquel il incombe de prendre une décision. Nos agents de la paix n'ont pas le pouvoir d'arrêter les délinquants qu'ils voient violer les conditions de leur liberté conditionnelle.
Une fois que la Commission a décidé de libérer un délinquant sous condition, si elle a mal jugé le danger que présente ce contrevenant pour la société, les innocents ne peuvent qu'espérer que l'agent des libérations conditionnelles sera suffisamment alerte pour signaler tout geste du libéré conditionnel qui pourrait indiquer qu'il est dangereux pour lui de vivre en société et que la Commission a commis une erreur.
Dans le cas de M. Russell, il a mis fin à sa relation avec une dame. Lorsqu'on examine le cas, on voit que c'était un signal d'alerte. Si l'agent de libération conditionnelle en avait tenu compte, Mme Turnbull n'aurait peut-être pas été assassinée.
Qu'en pensez-vous? Êtes-vous convaincu, monsieur Gibbs, que votre système de libération conditionnelle comporte les freins et les contrepoids nécessaires pour permettre la réincarcération rapide des libérés conditionnels dont le comportement indique qu'ils pourraient constituer une menace pour la société?
M. Willie Gibbs: Monsieur Ramsay, vous avez soulevé plusieurs questions, et je vais tenter de ne pas en oublier.
Vous avez d'abord parlé des victimes. Même si nos statistiques montrent que notre bilan s'améliore, lorsqu'il y a des victimes, c'est une tragédie, surtout s'il y a un meurtre. Nous sommes très sensibles à ces situations. Nous aimerions bien ne commettre aucune erreur de sorte que les délinquants que nous libérons sous condition ne commettent aucun crime, violent ou autre, mais malheureusement, ni notre système ni tout autre système, y compris celui de l'Utah auquel vous avez fait allusion, n'est parfait.
À ce sujet, vous constaterez d'après les statistiques que vous avez sous les yeux sur les délinquants qui se sont vus accuser d'un crime sérieux commis dans la collectivité, qu'il y a quatre ans, sur 16 meurtres commis par des délinquants en liberté sous condition, 12 ont été commis par des contrevenants en semi-liberté ou en libération conditionnelle. Un an plus tard, sur 15, sept étaient des délinquants en semi-liberté ou en libération conditionnelle. L'an dernier, sur dix, il y en avait quatre. Et pendant la dernière année financière, il y en a eu trois sur neuf. J'aimerais qu'on atteigne zéro, mais malheureusement, c'est un objectif extrêmement difficile à atteindre.
• 1555
En ce qui concerne les contrats de liberté conditionnelle de
l'État de l'Utah et d'autres dont vous avez parlé, lorsque nous
accordons la liberté sous condition, que ce soit la semi-liberté ou
la liberté ou la libération conditionnelle totale, nous imposons
diverses conditions courantes et, parfois, des conditions
spéciales. À notre avis, cela constitue une obligation que
contracte le délinquant au moment de sa libération. Nous pouvons
par exemple imposer sept ou huit conditions générales, telles que
l'endroit où doit vivre le délinquant, et des conditions spéciales,
telles que l'abstention de consommer des drogues ou de l'alcool et
de frayer avec des criminels; c'est le contrat que nous imposons.
Il pourrait le signer, mais cela figure au certificat de libération
conditionnelle. Nous estimons donc qu'il s'agit d'un contrat.
Lorsque le délinquant viole ces conditions, il viole le contrat.
Nous imposons des conditions sérieuses et nous nous attendons à ce que les mesures qui s'imposent soient prises. Nous nous attendons à ce que chaque libéré conditionnel soit bien supervisé. C'est la relation que nous entretenons avec le Service correctionnel du Canada.
Pour ce qui est d'arrêter les délinquants qui violent les conditions de leur liberté sous condition, cela incombe, d'une part, au Service correctionnel du Canada, aux surveillants de libération conditionnelle et, d'autre part, à la police qui est chargée d'exécuter le mandat de suspension. En général, cela fonctionne bien. Il y a parfois des problèmes de communication, mais c'est au SCC qu'incombe la supervision de ces cas.
Avez-vous soulevé d'autres questions auxquelles je n'ai pas répondu?
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Ramsay, c'est votre dernière question.
M. Jack Ramsay: D'accord. Merci.
Si le contrôle des libérés conditionnels était plus strict et efficace, ne croyez-vous pas qu'on pourrait réduire encore le nombre de ces malheureuses tragédies, telles que dans le cas de Russell où trois personnes ont dû venir aider cette dame pour s'assurer que Russell ne l'importunerait plus et mettrait bien fin à la relation? Pourquoi n'a-t-on pas réagi ainsi, sachant que cet homme avait déjà tué une femme?
C'est peut-être un cas exceptionnel, mais cela prouve bien ce que je dis. Il nous faut un mécanisme nous permettant, lorsque le comportement de ces délinquants indique qu'ils constituent peut-être un risque pour la société plus important qu'on ne le croyait, de les retirer de la collectivité assez rapidement pour sauver des vies et réduire le nombre de ces cas tragiques. Qu'en pensez-vous?
M. Willie Gibbs: J'appuie fermement notre politique selon laquelle, lorsque nous libérons un détenu, tous les délinquants purgeant une peine de prison à vie, ou presque tous, obtiennent d'abord une permission de sortir, puis la semi-liberté et, enfin, la libération conditionnelle totale. Celui dont vous parlez avait été en semi-liberté pendant deux ou trois ans, puis en liberté conditionnelle totale pendant quelques mois.
Je m'attends à ce qu'un cas comme celui-ci fasse l'objet d'une supervision intensive. Après tout, il s'agit d'un délinquant purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité qui sera en liberté conditionnelle pour le reste de sa vie. Pendant les premiers mois, peut-être même les premières années, de sa liberté sous condition, il devrait faire l'objet d'une surveillance étroite. C'est ce à quoi nous nous attendons. Mais cette supervision est assumée par le Service correctionnel du Canada. S'il y a des lacunes, c'est au commissaire, qui a témoigné hier, que vous devez en parler; c'est lui qui rendrait des comptes à ce sujet. Nous, nous sommes responsables des décisions de libérer des détenus, mais non pas de la surveillance des libérés conditionnels.
C'est ce à quoi nous nous attendons, car c'est un cas difficile et complexe. Après tout, il s'agit d'un meurtrier.
M. Jack Ramsay: J'aurai d'autres questions à vous poser. Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): M. Marceau, le député du Bloc québécois, vous présente ses excuses. Il a dû retourner à la Chambre pour prononcer un discours et espère être de retour sous peu.
Monsieur Peter MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins.
• 1600
Monsieur Gibbs, j'aimerais vous poser quelques brèves
questions pour faire suite à celles de M. Ramsay. Je crois que nous
comprenons tous que, lorsque la Commission nationale des
libérations conditionnelles impose des conditions à un délinquant
et exige des rapports spéciaux du SCC, vous et votre commission
vous vous attendez à ce que ces conditions soient respectées—vous
avez parlé de s'abstenir de consommer des drogues et de l'alcool et
de fréquenter des criminels, de subir un traitement, des conditions
de ce genre—et je présume que ces conditions sont acceptées par le
délinquant si la liberté sous condition est accordée. J'aimerais
revenir à la première question de M. Ramsay qui portait sur le
respect des conditions.
D'après les informations dont nous disposons sur les cas Hector et Russell et le cas Richardson dont on a parlé récemment, ces affaires ont des points en commun: premièrement, certaines conditions n'ont pas été respectées; deuxièmement, des meurtres ont été commis. Le travail et la crédibilité de la Commission doivent certainement en souffrir lorsque ceux qui sont chargés de surveiller ces délinquants ne parviennent pas à s'assurer que les conditions sont respectées.
Je vous pose ma question directement: comment pouvons-nous garantir que, sur le terrain, la compétence des surveillants chargés de s'assurer que les conditions sont respectées est améliorée? Comment pourrions-nous faire cela?
M. Willie Gibbs: Cela pourrait se faire par une bonne gestion ou supervision des surveillants de la liberté conditionnelle. Le SCC a diverses normes de supervision. Pour les cas ordinaires, on voit le libéré conditionnel chaque semaine pendant les trois ou six premiers mois, puis les visites se font toutes les deux semaines, et ensuite tous les mois, à mesure que le délinquant s'adapte à sa nouvelle vie.
Il faudrait exercer un bon contrôle de la qualité de la surveillance assurée par les agents de libération conditionnelle. On pourrait aussi—, j'ai moi-même travaillé dans ce domaine, il y a longtemps—choisir des cas au hasard de temps à autre, surtout des cas bien connus comme celui de Russell, et interroger l'agent sur l'évolution du dossier. J'estime que c'est la seule façon de faire.
M. Peter MacKay: J'en conclus de votre réponse que vous seriez peut-être en faveur de la modification des méthodes ou des lois dans le but d'instaurer une surveillance plus stricte—c'est-à-dire davantage de contacts, de plus grands efforts pour s'assurer que le délinquant respecte les conditions, davantage de vérifications auprès de la collectivité, des employeurs et des personnes avec lesquelles le libéré conditionnel est en contact direct. Est-ce bien le cas?
M. Willie Gibbs: Je n'irais pas jusqu'à dire que nous devrions en faire des dispositions législatives. Comme je l'ai dit, le SCC a déjà des normes de supervision dans la collectivité, c'est évident... et il faut que l'on respecte ces normes.
Vous avez aussi parlé des informations auxiliaires—vous savez, les contacts avec d'autres, l'employeur, le voisin, etc. C'est ce que nous appelons l'information auxiliaire. Nous tenons beaucoup à ce genre de renseignements, parce qu'on ne peut pas toujours croire les délinquants sur parole. Il faut quand même vérifier auprès des autres.
M. Peter MacKay: Très bien. En ce qui concerne le cas de Raymond Russell, pendant les discussions de la Commission qui se sont tenues le 9 juillet 1993, il a été révélé que M. Russell avait obtenu une permission de sortir sans escorte, notamment parce que, lorsqu'il était sorti sans escorte auparavant, il n'avait pas embarrassé la Commission, autrement dit, il n'avait pas apparemment violé les conditions de sa liberté. Est-ce là une norme ou un critère?
M. Willie Gibbs: Non, ce n'est pas... C'est peut-être dans la décision. Tenez-vous cette information de la décision qu'a rendue la Commission?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Willie Gibbs: D'accord. Vous en savez plus que moi sur le sujet, mais je présume que la Commission voulait dire que M. Russell avait respecté les conditions conformément auxquelles il avait obtenu la permission de sortir sans escorte et que cela l'avait satisfait, ou quelque chose de ce genre. La question n'est pas de savoir si les libérés conditionnels nous mettront dans l'embarras ou non. Ce n'est pas un critère.
M. Peter MacKay: En ce qui concerne la confiance du public et la reddition de comptes—pour en revenir aux remarques de M. Ramsay—, lorsque les choses tournent mal, comme dans les cas de Hector et Russell, lorsqu'un libéré conditionnel commet un meurtre ou un crime grave avec violence, nous savons qu'il existe un processus selon lequel la Commission et le SCC mènent ensemble une enquête ou ce que j'appellerais un auto-examen.
Voici ma question: Cela vous semble-t-il indiqué—que vous enquêtiez essentiellement sur vous-mêmes? Ne croyez-vous pas que cette enquête devrait être menée par un organe externe et impartial, indépendant de ces deux organismes, qui n'a aucun intérêt particulier? Ne croyez-vous pas que cela redonnerait confiance au public et permettrait une meilleure reddition de comptes?
M. Willie Gibbs: Mme Collette, la vice-présidente, est responsable, entre autres choses, des vérifications et enquêtes. Avant 1992 et l'adoption de la LSCLMC, le président de la Commission n'avait pas le pouvoir d'instituer des enquêtes; c'était jusqu'à il y a un peu plus de cinq ans. Je lui ai demandé d'examiner attentivement nos processus et la façon dont nous mettons sur pied des commissions d'enquête.
M. Peter MacKay: Je suis désolé de vous interrompre, mais vous avez dit qu'il y a cinq ans, ce pouvoir n'existait pas? Le président ne pouvait instituer d'enquête?
M. Willie Gibbs: C'est exact.
M. Peter MacKay: Mais vous le pouvez maintenant.
M. Willie Gibbs: Oui.
M. Peter MacKay: Je présume que le ministre pourrait aussi communiquer avec vous pour vous demander d'instituer une enquête—le solliciteur général.
M. Willie Gibbs: En fait, le ministre et la Commission sont indépendants l'un de l'autre. Je ne veux pas dire par là qu'il ne pourrait pas...
M. Peter MacKay: Mais si M. Scott vous téléphonait, sûrement...
M. Willie Gibbs: Bien sûr, il peut toujours me suggérer la tenue d'une enquête, mais il ne peut l'ordonner.
M. Peter MacKay: Il ne peut vous obliger à le faire.
M. Willie Gibbs: Non. Mais j'ai le pouvoir d'instituer des enquêtes, et j'ai donc demandé qu'on examine attentivement le processus. Essentiellement, je suis ouvert à toutes les suggestions qui amélioreraient le système. S'il était préférable que ces enquêtes soient menées en partie ou dans leur intégralité par des gens de l'extérieur de la Commission et du SCC... Pour notre part, nous n'avons rien à cacher. Cela ne signifie pas que nous ne commettons jamais d'erreur, mais nous n'avons rien à camoufler.
M. Peter MacKay: Mais en principe, monsieur, ne croyez-vous pas que cela ferait meilleure impression si ces examens étaient menés par un agent de l'extérieur de votre service?
M. Willie Gibbs: Fort probablement. Cela dit, si vous lisez les rapports sur les affaires Russell et Hector, vous constaterez que tous les faits ont été mis en lumière. Il aurait été difficile pour des gens de l'extérieur de faire un meilleur travail. Pour ce qui est de celui qui a signé le rapport, en effet, cela aurait peut-être fait meilleure impression... Le rapport aurait peut-être été plus crédible pour le public.
M. Peter MacKay: La question qui se pose, c'est de savoir comment nous pouvons nous assurer que tout a été révélé.
M. Willie Gibbs: Pour notre part... Vous avez raison. Nous avons institué l'enquête et nous avons été satisfaits des résultats. Mais pour notre part, nous estimons que tout a été divulgué, mais rien ne nous garantit que tout l'a été.
M. Peter MacKay: J'ai une dernière question. Je sais que j'ai peu de temps, monsieur le président, et je vous remercie de me permettre cette dernière question.
Le document de consultation sur la LSCMLC que nous avons reçu indique que les délinquants qui ont obtenu une libération conditionnelle ont un taux plus élevé de récidive, c'est-à-dire, plus élevé que ceux qui purgent toute leur peine en prison. À la lumière de ces statistiques, seriez-vous, à titre de président, disposé à mettre fin à la politique de libération automatique pour les contrevenants dangereux dont les antécédents indiquent clairement qu'ils ne méritent pas d'être libérés avant d'avoir purgé toute leur peine?
M. Willie Gibbs: Vous avez dit que ceux qui avaient été libérés sous condition—je veux simplement des précisions—avaient tendance à récidiver plus souvent que ceux qui purgeaient leur peine en prison. Est-ce ce que vous avez dit?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Willie Gibbs: Des études ont montré le contraire—que bon nombre de ceux qui étaient incarcérés n'ont pas récidivé.
M. Peter MacKay: Je vous renvoie à la page 93 du document de consultation sur la LSCMLC. Vous avez peut-être raison, mais d'après mon interprétation du document, le taux de récidive de ceux qui ont été libérés sous condition est supérieur à celui des détenus qui purgent toute leur peine en prison.
M. Willie Gibbs: Vous parlez de libération d'office, et non pas de libération sous condition.
M. Peter MacKay: Oui.
M. Willie Gibbs: La libération d'office?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Willie Gibbs: D'accord. La libération d'office est une mise en liberté non discrétionnaire. La Commission nationale des libérations conditionnelles n'a rien à voir avec au moins 90, peut-être même 95 p. 100 de ces cas. Nous accordons la semi-liberté ou la liberté conditionnelle totale.
Nous ne participons qu'à 5 ou 6 p. 100 des cas, lorsque le Service correctionnel nous saisit de ces cas pour maintien en incarcération.
M. Peter MacKay: Excusez-moi, je veux être certain de vous suivre.
Le vice-président (M. John Maloney): Pourrions-nous revenir à vous tout à l'heure? Votre temps est écoulé depuis longtemps.
Monsieur Derek Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.
Je vous souhaite la bienvenue, à vous, monsieur Gibbs, et à vos collègues. J'ai examiné les statistiques que la Commission nationale des libérations conditionnelles a produites pour nous et le public. Je reconnais que la Commission a encore du pain sur la planche, mais je ne peux m'empêcher de remarquer qu'elle a réalisé de grands progrès au cours des dernières années, du point de vue statistique. Je reconnais que nous préférerions qu'aucun crime de violence ne soit perpétré par un libéré conditionnel, mais la fréquence de ces tragédies et les statistiques prouvent clairement qu'il y a eu amélioration.
Je vois un tableau de 1988 qui montre le nombre de délinquants ayant été accusés d'infractions graves dans la collectivité. C'est sur ce tableau-ci, et les tableaux qui l'accompagnent, et on voit qu'il y a eu des progrès dans tous les secteurs.
Notre comité a consacré beaucoup de temps à ce sujet à la fin des années 80 et au début des années 90, avant que je ne devienne député, et la Commission et le SCC ont, à mon sens, beaucoup progressé.
Mais avant que la Commission ne s'assoie sur ses lauriers, je ferai remarquer une chose. Je veux d'abord m'assurer que nous regardons le même tableau. C'est le tableau en trois parties.
M. Willie Gibbs: D'accord.
M. Derek Lee: Je regarde les deux tableaux du bas. En ce qui concerne la libération d'office, chaque tableau comporte un rang pour la libération d'office. Je ne vois toutefois pas d'amélioration à cet égard. Je crois savoir comment cela se fait, mais pourriez-vous nous en parler?
Dans presque tous les autres domaines, il y a eu amélioration au cours des cinq à dix dernières années, du moins, du point de vue de la sécurité publique. Toutefois, en matière de libération d'office, il n'y a pas eu de baisse notable de la récidive. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
M. Willie Gibbs: C'est la réponse que j'avais commencé à donner à M. MacKay. La libération d'office est une forme de mise en liberté obligatoire. De tous ceux qui arrivent à cette étape de leur peine, probablement 1 p. 100 ou 2 p. 100 n'ont pas comparu devant la Commission. La très grande majorité d'entre eux ont comparu devant la Commission et ont déjà obtenu une forme de liberté sous condition, des permissions de sortie, la semi-liberté ou la liberté conditionnelle totale, ou ont été jugés inaptes à être libérés, ou ont obtenu une forme de libération sous condition qui a malheureusement échoué. Il arrive parfois que ce soit des échecs à répétition.
• 1615
Il s'agit de détenus dont nous ne pouvons prendre le risque
qu'ils fassent la preuve de leur incapacité à vivre à l'extérieur
d'une prison ou qui ont eu la chance de le faire mais qui ont
échoué, parfois lamentablement. Il y a des délinquants de ce genre.
Il semble donc naturel que ce soit eux qui récidivent ou qui voient
les conditions de leur liberté révoquées beaucoup plus souvent que
les délinquants en semi-liberté ou en liberté conditionnelle
totale. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner.
M. Derek Lee: D'accord. Par conséquent, le taux de récidive n'est pas si reluisant et les statistiques sur le nombre et le genre d'infractions commises par les délinquants ayant obtenu la libération d'office ne sont pas si reluisantes. Il serait juste de dire que le problème, c'est la loi, que la Commission est forcée d'appliquer une procédure de libération de délinquants qui ne peuvent plus être détenus ou qui, de l'avis du SCC, ne devraient plus être détenus, et que la Commission est dans l'incapacité d'améliorer cette catégorie particulière, n'est-ce pas?
M. Willie Gibbs: En réponse à la dernière partie de votre question, je dirais que la Commission n'est pas dans l'incapacité d'apporter les améliorations, elle n'a tout simplement pas le pouvoir de le faire. Voyez-vous ce que je veux dire?
M. Derek Lee: Lorsqu'il y a libération d'office, vous vous retrouvez avec un produit que vous êtes dans l'incapacité d'améliorer.
M. Willie Gibbs: Sauf pour les cas de maintien en incarcération, nous n'intervenons que pour imposer des conditions spéciales, qu'il s'agisse de conditions d'abstention ou de la condition qui a été prévue dans la loi il y a 18 mois, je crois, la disposition sur la résidence. Nous avons maintenant le pouvoir d'exiger de certains libérés conditionnels qu'ils habitent dans une maison de transition. Pour le reste, nous intervenons très peu.
M. Derek Lee: Vous avez maintenant le pouvoir, mais les statistiques ne s'améliorent pas. Si j'examine les données brutes, je constate qu'il n'y a pas d'amélioration, mais plutôt une détérioration de la situation.
Je sais qu'il ne vous incombe pas d'établir l'orientation des lois, mais si je vous dis que le problème, c'est que la loi prévoit une libération d'office... À mon avis, c'est un problème ou se pourrait l'être, car ni le SCC, ni la Commission n'ont pu réaliser de progrès tangibles dans l'amélioration de la qualité du produit. Cela m'indique donc que, même si nous devrions réaliser des progrès à cet égard, nous ne le pouvons pas. Je vous demande pourquoi il en est ainsi, et vous me dites qu'il y a très peu que vous puissiez faire, sauf imposer certaines conditions à la libération.
M. Willie Gibbs: Ce printemps et cet été, nous discuterons de la loi; dans le cas de la libération d'office et de l'examen expéditif dont le ministre a parlé, la Commission nationale des libérations conditionnelles jouit d'une discrétion très limitée, tandis que dans le cas de la semi-liberté et de la liberté conditionnelle totale, nous avons pleine discrétion. Il faudrait peut-être en discuter en détail, parce qu'il y a des systèmes ailleurs dans le monde où la libération d'office se fait après l'accomplissement de deux tiers de la peine et d'autres ou cela se fait plus tard. Certains systèmes ne prévoient même pas de libération obligatoire ou d'office; toutes les libérations sont accordées par la commission des libérations conditionnelles. Dans d'autres pays encore, on fonctionne différemment. Cela mérite qu'on en discute.
M. Derek Lee: Tentez-vous d'établir si les délinquants ayant obtenu la libération d'office respectent le programme auquel ils doivent adhérer? Je présume que la libération d'office est accordée dans le cadre d'un régime ou d'un programme quelconque. Si tel est le cas, y a-t-il un contrôle de la conformité à ces programmes? Avez-vous des statistiques à ce sujet?
M. Willie Gibbs: Nous n'exerçons aucun contrôle régulier des délinquants ayant obtenu la libération conditionnelle ou la libération d'office. Ce n'est pas dans notre mandat. J'ai tenté de l'expliquer. Les seuls cas dont nous sommes saisis, sont les cas de violation des conditions ou de récidive, et la loi prévoit maintenant la réincarcération de tout récidiviste. Lorsqu'il y a eu violation des conditions de la liberté, nous devons déterminer si cette violation est suffisamment sérieuse pour justifier la révocation de la liberté conditionnelle. Pour le reste, nous ne faisons aucun contrôle de la surveillance qui est exercée après la libération d'office.
M. Derek Lee: Le SCC contrôle-t-il les libérés d'office?
M. Willie Gibbs: Oui, ces délinquants sont surveillés. Ils doivent parfois habiter dans une maison de transition et doivent alors respecter un couvre-feu et des règles plus strictes.
M. Derek Lee: Même après la libération d'office?
M. Willie Gibbs: Oh, oui. Lorsque nous imposons une condition de résidence à un libéré d'office, les mêmes règles s'appliquent à lui qu'à ceux qui sont en semi-liberté. Ces délinquants sont toutefois moins disposés à respecter ces règles, qu'on leur impose, alors que ceux qui sont en semi-liberté ont demandé cette forme de liberté surveillée. Avez-vous compris la nature du contrat que j'ai décrit tout à l'heure?
M. Derek Lee: Oui, je comprends. Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): John McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'attire votre attention sur le document de la Commission, plutôt mal intitulé «Taux de succès», qui nous donne ensuite des détails sur les échecs. C'est un titre plutôt étrange.
J'aimerais passer en revue avec vous les divers taux de récidive pour chaque catégorie figurant à ce tableau, en commençant par la semi-liberté, pour laquelle le taux de récidive était 6,8 p. 100 en 1993-1994, qui a ensuite connu une baisse radicale et est passé à 5,3 p. 100 en 1994-1995, pour ensuite descendre jusqu'à 3,54 p. 100. Pour la liberté conditionnelle totale, en 1993-1994, le taux de récidive était de 13,9 p. 100, a chuté jusqu'à 8,9 p. 100 et s'est plus ou moins stabilisé à ce niveau. Le taux de récidive pour les cas de liberté conditionnelle accordée par suite d'un examen expéditif, en 1993-1994, était plutôt élevé, 37 p. 100, puis il a chuté pour finalement descendre jusqu'à 11,1 p. 100. Le total pour la libération conditionnelle totale part de 15,3 p. 100 puis baisse graduellement jusqu'à 8,9 p. 100; le taux de récidive dans les cas de libération d'office est passé de 18,6 p. 100 à 10,4 p. 100.
La question générale que j'aurais à vous poser est la suivante: Est-ce le mieux que vous puissiez faire dans le système actuel?
M. Willie Gibbs: J'espère que non. Mais vous avez raison de souligner que les niveaux se sont stabilisés au cours des deux ou trois dernières années. J'espère qu'en améliorant l'évaluation du risque et la supervision, notre bilan s'améliorera. Mais n'oublions pas qu'il s'agit d'une clientèle plutôt difficile.
M. John McKay: Il ne fait aucun doute que ce ne sont pas des anges.
M. Willie Gibbs: Ce sont des détenus pour lesquels non seulement toutes les institutions ont échoué—la famille, l'église et l'école—mais aussi le système provincial où sont incarcérés ceux qui purgent des peines de moins de deux ans. Nous traitons de délinquants purgeant une peine fédérale, et ce, même si la Commission s'occupe de la libération conditionnelle dans sept provinces et, l'an prochain, le fera aussi dans trois territoires. Nous espérons nous améliorer, mais je ne crois pas que nous pourrons faire beaucoup mieux. Il faut être réaliste.
M. John McKay: Il y a une catégorie où il semble y avoir encore des progrès, celle de la libération conditionnelle totale accordée après un examen expéditif. Est-ce la catégorie pour laquelle vous avez le plus de discrétion?
M. Willie Gibbs: C'est celle où nous avons le moins de discrétion.
• 1625
Nous appelons cela l'examen expéditif. Lorsqu'un détenu purge
sa première peine de pénitencier pour un crime sans violence et n'a
pas d'antécédents de violence, en fonction des informations dont
nous disposons—et ce sont là les seuls critères dont nous
disposons—si, après examen du cas, nous sommes convaincus que ce
délinquant, pendant qu'il sera en liberté sous conditions—soit
habituellement pendant deux ans ou peut-être cinq ou six ans s'il
est en semi-liberté—ne commettra pas de crime avec violence, la
loi nous oblige à le mettre en liberté.
M. John McKay: C'est donc un peu ironique. La catégorie où vous avez le moins de discrétion est celle où vous connaissez le plus de succès.
M. Willie Gibbs: Non, je ne crois pas. Si vous examinez attentivement...
M. John McKay: Si on regarde la différence entre 1993 et aujourd'hui, c'est là où vous réussissez le mieux, mais c'est aussi la catégorie où il y a le plus d'échecs, pour ainsi dire.
M. Willie Gibbs: Je vous conseillerais d'oublier 1993, parce que les cas ont été si peu nombreux que ce 37 p. 100 ne signifie rien. Il est préférable de commencer l'année suivante. La loi a été adoptée cette année-là ou l'année précédente, alors je crois qu'il faut plutôt faire la différence entre 21 et 11.
M. John McKay: D'accord. C'est juste.
M. Willie Gibbs: Mais ces cas nous préoccupent grandement et, comme vous le savez, les grands trafiquants de drogue ne sont pas admissibles à l'examen expéditif. Le ministre en a parlé à sa dernière comparution devant votre comité.
M. John McKay: Auriez-vous des suggestions de modifications législatives pour cette catégorie de délinquants à faire à notre comité?
M. Willie Gibbs: D'abord, je crois que le ministre voudrait régler cette question très rapidement. Il serait bon qu'on examine, sinon tout le système d'examen expéditif, du moins certaines catégories de délinquants ou de peines pour lesquels on ne pourrait invoquer cette disposition.
M. John McKay: Tels que les trafiquants...
M. Willie Gibbs: Tels que les grands trafiquants de drogue. Vous savez, les tribunaux les condamnent à 15 ou 20 ans de prison, puis, trois ou quatre ans plus tard, nous devons appliquer le seul critère dont nous disposons, comme je viens de l'expliquer, et les relâcher dans la majorité des cas.
M. John McKay: Si vous pouviez isoler certaines infractions, vous pourriez faire des recommandations précises au ministre quant aux catégories où l'examen expéditif serait possible.
M. Willie Gibbs: Oui.
M. John McKay: D'accord. Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci.
M. Jack Ramsay: Peter MacKay doit partir. Si vous pouviez lui redonner la parole dès maintenant...
Le vice-président (M. John Maloney): Certainement.
Monsieur Peter MacKay.
M. Peter MacKay: Monsieur le président, lorsque des délinquants tels que Michael Hector et Raymond Russell et Richardson ont un problème avec le SCC ou ce qui se passe au sein du système... Vous savez, on leur coupe le câble ou ils ne peuvent obtenir un départ au terrain de golf. Nous avons appris hier qu'il y a un terrain de golf en Colombie-Britannique. C'est tout à fait choquant. Lorsque les délinquants ont un problème, ils savent vers qui se tourner. Ils peuvent faire appel à l'enquêteur correctionnel, l'organisme de défense des droits des détenus, financé par le gouvernement, indépendant du SCC.
Toutefois, les victimes et les familles des victimes n'ont pas de défenseur indépendant. Elles ne peuvent pas, comme vous l'avez vous-même indiqué, s'adresser à la Commission ou au SCC, qui sont néanmoins attentifs, nous ne le nions pas.
À titre de président de la CNLC, approuveriez-vous l'idée d'un commissaire des victimes, un peu comme l'enquêteur correctionnel? Ce serait un ombudsman indépendant qui pourrait enquêter, au nom des victimes, lorsqu'elles ont des préoccupations concernant les décisions de la Commission nationale des libérations conditionnelles ou du Service correctionnel du Canada. Accepteriez- vous ce concept, en principe?
M. Willie Gibbs: Je serais prêt à examiner cette possibilité. Je crois que les droits des victimes sont une priorité de la ministre de la Justice. Je crois même qu'elle a annoncé la création d'un bureau national à ce sujet. C'est un concept qui mérite qu'on s'y attarde, mais je dois avouer que je n'y ai pas longuement réfléchi jusqu'à tout récemment. C'est une possibilité qui mérite qu'on l'étudie.
M. Peter MacKay: Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais vous avez une longue expérience au sein du système et avez donc fait affaire avec des victimes; ne croyez-vous donc pas que notre système de justice a besoin d'un tel ombudsman? Je ne tente pas de vous piéger. Je veux simplement profiter de votre expérience et, si vous ne jugez pas cela nécessaire, que vous nous expliquiez pourquoi.
M. Willie Gibbs: Je vous répondrai ainsi. Je crois que nous devrions examiner toute mesure qui permettrait d'atténuer les souffrances des victimes et de rendre le système de justice pénale plus juste. Dans nos discussions sur la LSCMLC et plus particulièrement sur la disposition qui traite des victimes, nous allons nous demander s'il ne serait pas possible d'améliorer nos processus et nos audiences... À l'heure actuelle, les victimes peuvent nous remettre une déclaration écrite et peuvent être présentes, mais elles ne peuvent faire de déclaration orale. Nous sommes disposés à examiner cette possibilité.
Cela ne se fera pas du jour au lendemain. N'oublions pas que notre organisme n'est pas un organisme judiciaire. Nous ne sommes même pas un organisme quasi judiciaire, nous sommes un tribunal administratif. Nous ne voulons pas créer un système d'opposition. Nous sommes un organisme d'enquête et nous voulons continuer de l'être. Cela dit, toutes les audiences sont présidées par un commissaire, et nous sommes ouverts à ce genre d'amélioration.
M. Peter MacKay: Vous dites envisager la possibilité d'une participation accrue des victimes au processus de la Commission, et cela m'encourage. Cela m'encourage beaucoup. Je suis désolé de devoir partir. Vous nous avez répondu avec franchise et nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé.
M. Willie Gibbs: Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Ramsay.
M. Jack Ramsay: Merci, monsieur le président.
John McKay a parlé de la possibilité de faire mieux. Un pourcentage moindre de libérés conditionnels ont commis des infractions l'an dernier, même s'il y en a quand même eu 188. Comment se fait-il que leur nombre baisse? C'est que les commissaires sont plus sages et plus prudents dans leurs choix, ou qu'il y a moins de demandes, ou que les agents de libération conditionnelle surveillent mieux les délinquants en liberté sous condition, sont plus sensibles aux signaux d'alerte et y réagissent sans délai.
Le nombre de demandes de libération conditionnelle qui ont été rejetées a-t-il augmenté pendant cette période? Je vois ici qu'il y a eu une baisse radicale du nombre de meurtres, de 16 à 9. Si nous revenons à 1993-1994, 240 crimes ont été commis, alors qu'en 1997-1998, il y en a eu 188. C'est une diminution remarquable. Comment l'avez-vous réalisée? Est-ce parce que la Commission rejette davantage de demandes de libération conditionnelle? Moins de demandes sont-elles présentées? Les commissaires font-ils un meilleur tri? S'ils font un meilleur tri, cela signifie qu'ils rejettent les demandes qu'ils considèrent inacceptables. Avez-vous ces informations?
M. Willie Gibbs: Oui. Premièrement, la loi de 1992 a grandement resserré le système. La loi met davantage l'accent sur les principes de la protection du public et de l'information requise, principes qui figurent au premier plan de la loi.
• 1635
De plus, on a décidé que, dorénavant, il faudrait faire une
demande pour obtenir la semi-liberté. Auparavant, la Commission
examinait automatiquement tous ceux qui étaient admissibles à la
semi-liberté. On avait donc tendance à en accorder davantage, même
si, en rétrospective, on peut voir qu'il y avait davantage de
succès que d'échecs et que ces succès menaient ensuite à une
libération conditionnelle totale. Il y avait donc davantage de
libérés conditionnels.
Depuis trois ou quatre ans, il y en a moins. Toutes ces statistiques sont ici, dans notre rapport de rendement. Il y a moins de détenus qui demandent la semi-liberté; leur nombre a baissé de près de moitié. Cela signifie que certains délinquants se récusent. Nous sommes donc saisis des meilleures candidatures pour la semi-liberté et, plus tard, pour la liberté conditionnelle totale.
Nous avons parlé de rejet tout à l'heure. Bien que le nombre d'examens ait baissé considérablement et que le taux d'octroi ait diminué un peu il y a trois ans, au cours des deux dernières années, celui-ci a augmenté. Le taux d'octroi de la semi-liberté est de 71 p. 100. Il y a trois ans, le taux d'octroi de la libération conditionnelle totale était de 34 p. 100, l'an dernier, de 40 p. 100 et, cette année, il est de 42 p. 100. Nous ne rejetons donc pas davantage de demandes, au contraire. Les candidats sont mieux préparés et ont suivi de meilleurs programmes. La formation en matière de gestion de risque que nous donnons aux commissaires et au personnel clé de la Commission... les agents de libération conditionnelle du SCC, du ministère et de l'extérieur, suivent la même formation. Nous sommes sur la même longueur d'onde.
Oui, nos commissaires sont plus compétents. Je l'ai déjà dit au comité à maintes reprises. Les critères, les compétences que nous attendons des commissaires, l'expérience, l'ouverture, le processus de sélection, la formation que nous leur donnons... compte tenu de tout cela et, bien sûr, du rôle que joue le SCC dans la supervision et la préparation des cas, il n'est pas étonnant que nous ayons de meilleurs résultats.
M. Jack Ramsay: Je crois savoir que dans certains cas, dont je ne veux pas donner les noms, des infractions ont été commises et on a intenté des poursuites contre la Commission. Est-ce vrai?
M. Willie Gibbs: Oui.
M. Jack Ramsay: Est-ce que cela n'incite pas les commissaires à être peut-être un peu plus prudents ou à hésiter à accorder la libération conditionnelle?
M. Willie Gibbs: Peut-être dans le cas de certains commissaires, dans le cas des commissaires qui ont participé directement aux cas ou aux enquêtes qui ont mené à des poursuites... Nous avons fait l'objet de poursuites judiciaires, mais nous menons aussi des enquêtes additionnelles lorsque des crimes tragiques avec violence ont été commis par des libérés conditionnels.
• 1640
Ils sont peut-être parfois un peu hésitants, mais nous tentons
toujours... Comme je l'ai expliqué au comité lorsque nous avons
discuté des affaires Hector et Russell, tous les commissaires sont
informés de toutes les constatations et recommandations contenues
dans les rapports d'enquête. Pendant leur formation, tous les trois
ou quatre mois, on discute en détail de ces constatations et
recommandations afin que les commissaires en tirent des leçons.
Nous ne le faisons pas pour les effrayer. Nous espérons seulement
les aider ainsi à prendre de meilleures décisions.
M. Jack Ramsay: J'aimerais donner suite à cette question, mais je suis prêt à y revenir plus tard.
Le vice-président (M. John Maloney): Personne d'en face n'a indiqué vouloir prendre la parole, alors, poursuivez.
M. Jack Ramsay: Nous venons d'aborder la question de la responsabilité des commissaires. Si les commissaires n'ont pas de compte à rendre pour les erreurs qu'ils font et qui ont des conséquences aussi graves que le meurtre et le viol, il n'y a pas cette «prise de conscience», si j'ose dire, qu'il y a chez nous tous, qui sommes responsables de nos actes. J'aimerais savoir quels comptes rendent les commissaires, à part les regrets bien sincères qu'ils peuvent ressentir pour avoir négligé quelque chose ou fait une erreur. Le système prévoit-il des mécanismes de reddition de comptes dans les cas où les commissaires font des erreurs, des mécanismes autres que les poursuites judiciaires intentées par les parents des victimes, une mesure plutôt radicale?
M. Willie Gibbs: Il y a reddition de comptes, et je peux vous en donner quelques exemples. Si un commissaire participe à une décision aux conséquences très tragiques, il devra répondre aux questions du comité d'enquête. Ce comité d'enquête interrogera ce commissaire en détail sur la façon dont le commissaire a examiné le dossier avant l'audience.
Il y a parfois plusieurs commissaires qui sont partie à une décision. Si vous vous souvenez, dans certains cas, il y a eu plusieurs comités. Tous ces commissaires sont interrogés même s'ils ne siègent plus à la Commission. Nous les appelons et les interrogeons. C'est un mécanisme qui existe, et les commissaires doivent prouver qu'ils ont suivi toutes les procédures et fait ce qu'on attendait d'eux.
Chaque année, le rendement des commissaires est évalué. Nous évaluons tous les commissaires. Nous examinons comment ils ont effectué leur travail, s'ils ont examiné les dossiers avec soin, s'ils ont posé les bonnes questions, s'ils ont bien présidé les audiences et bien expliqué, par écrit, leur décision. Dans notre registre des décisions, on trouve non seulement la justification d'une libération, mais aussi la justification du refus d'accorder une libération. Toutes les décisions doivent être motivées.
La loi comporte une disposition sur les mesures disciplinaires qu'on peut imposer lorsqu'une personne fait preuve d'un comportement répréhensible ou n'exécute pas les fonctions de son poste. Nous avons donc différentes façons de demander des comptes aux commissaires.
Cela ne signifie pas que s'ils rendent une décision aux conséquences tragiques... Peut-être qu'à ce moment-là, compte tenu des informations dont ils disposaient, c'était la bonne décision à prendre. S'il y a eu erreur, à moins qu'ils refusent d'en tirer des leçons et ainsi de se perfectionner, je ne crois pas que cette erreur devrait mener au congédiement.
M. Jack Ramsay: Ma question ne portait pas sur le congédiement. Je me demandais seulement quels mécanismes de reddition de comptes vous avez. Si le congédiement ne fait pas partie de ces mécanismes, j'en conclus que c'est que vous hésitez à y recourir. Je comprends aussi que les commissaires soient dans une situation délicate.
Nous avons accueilli, devant notre comité, trois commissaires; j'ai lu leur curriculum vitae et j'ai constaté qu'aucun d'entre eux n'avait suivi de cours de clairvoyance, alors que c'est presque une condition préalable pour ce poste.
• 1645
Pour en revenir à vos statistiques, il y a essentiellement
trois domaines où vous pourriez encore réduire ces nombres, comme
l'a dit John McKay, où vous pourriez faire plus, si vous amélioriez
la responsabilité et les devoirs de l'agent des libérations
conditionnelles. À cet égard, je veux vous demander plus
précisément pourquoi vous n'approuvez pas l'idée d'accorder aux
agents de police le pouvoir d'arrêter les libérés conditionnels qui
violent les conditions de leur liberté. Pourquoi ne pas aider les
agents des libérations conditionnelles et prendre toutes les
mesures nécessaires pour que ces délinquants soient remis aux
autorités? N'approuveriez-vous pas cela? Dans la négative,
pourriez-vous nous dire s'il y a suffisamment d'agents des
libérations conditionnelles pour assurer une surveillance étroite
des libérés conditionnels, au besoin? C'est le seul domaine où vous
pourriez faire plus.
M. Willie Gibbs: J'ai quitté le SCC il y a quatre ans. Certaines des questions que vous posez ne relèvent pas de moi; toutefois, je peux quand même y répondre. Vous avez accueilli hier Ole Ingstrup; ces questions relèvent de sa compétence.
M. Jack Ramsay: Ole a tant parlé que nous n'avons pas eu le temps de lui poser nos questions, sauf le respect que je lui dois.
Le vice-président (M. John Maloney): M. Gibbs a accepté de répondre à vos questions du mieux qu'il le peut, même si elles ne sont pas de sa compétence. Peut-être pourrions-nous lui laisser la parole.
M. Willie Gibbs: D'abord, vous avez certainement remarqué dans nos statistiques que les révocations pour motifs techniques ont augmenté de façon importante au cours des dernières années. Ça signifie que les violations des conditions sont signalées régulièrement. Les statistiques le montrent. D'une certaine façon, nous prévenons ainsi des crimes, puisque ces libérés conditionnels ne pourront plus commettre de crimes.
Lorsque la Commission impose des conditions, elle s'attend à ce qu'elles soient respectées. Lorsque les conditions sont violées, elle impose des sanctions. Lorsqu'il y a suspension, exécution de mandats et ainsi de suite, nous nous attendons à ce que le SCC et la police fassent leur travail. Je ne serais pas contre l'idée de conférer ce pouvoir à la police. J'estime que toutes les façons de s'assurer que le libéré conditionnel respecte... Je suis prêt à examiner toute amélioration possible.
M. Jack Ramsay: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Ramsay.
Monsieur Derek Lee.
M. Derek Lee: Monsieur Gibbs, vous avez dit qu'une intervention rapide lors de la violation des conditions de la liberté sous surveillance permet de prévenir les crimes. Comme l'a fait remarquer M. Ramsay, nous avons récemment interrogé trois nouveaux commissaires, et j'ai alors soulevé cette question. Je la soulève de nouveau maintenant. C'est un peu injuste comme question, mais je voulais voir s'ils avaient la bonne attitude. Je suis certain que vous avez la bonne attitude.
La Commission des libérations conditionnelles n'a pas à recommander une révocation; il lui suffit de révoquer purement et simplement la libération conditionnelle. Prenons le cas d'un délinquant censé être sous la supervision de notre système correctionnel, mais dont la libération conditionnelle a été révoquée et qui court les rues à quelque part. Pouvez-vous dire ce qu'il arrive précisément lorsque la Commission des libérations conditionnelles révoque la libération conditionnelle et qu'il n'y a pas moyen de savoir où se trouve le méchant?
M. Willie Gibbs: D'abord, je crois que vous confondez la violation des conditions de la libération conditionnelle et la révocation de cette dernière. D'habitude, lorsqu'il y a révocation, le détenu est déjà derrière la barreaux. Notre conseillère juridique peut peut-être...
Mme Gertrude Lavigne (conseillère juridique, Commission nationale des libérations conditionnelles): Dans certains cas, ils sont derrière les barreaux, mais pas toujours. S'il y a révocation directe...
M. Willie Gibbs: Oui, il peut y avoir révocation directe.
M. Derek Lee: Mais ce dont je parle, c'est lorsqu'il est porté à l'attention de la Commission des libérations conditionnelles qu'un délinquant en liberté vient tout juste d'agresser son concierge et de voler une voiture.
M. Willie Gibbs: Je vois. On parle ici de révocation automatique, puisque les accusations sont pendantes, notamment.
Le mandat de suspension et de révocation est alors fourni à la police par le personnel du service des libérations conditionnelles, c'est-à-dire par le surveillant des libérations conditionnelles.
M. Derek Lee: Ce sont des gens du Service correctionnel, n'est-ce pas?
M. Willie Gibbs: En effet, du Service correctionnel. J'ose espérer que la police agira alors très rapidement, sur les conseils du Service correctionnel.
M. Derek Lee: C'est justement ce qui me préoccupe: vous l'espérez, je l'espère moi-même et nous l'espérons tous. Mais je voudrais savoir ce qui arrive vraiment. Si j'ai bien compris, il n'y a qu'un petit bout de papier qui se déplace par télécopie du point A au point B. La Commission n'a personne qui soit officiellement habilité à appréhender le délinquant, voire à se mettre à sa recherche. Le Service correctionnel peut peut-être le faire, mais il n'envoie jamais ses représentants en équipe, n'est- ce pas? En tout cas, s'il le fait, vous ne le savez pas.
M. Willie Gibbs: C'est toujours possible, car j'ai déjà vu des agents des libérations conditionnelles faire eux-mêmes des arrestations.
M. Derek Lee: Les agents des libérations conditionnelles sont habilités à faire des arrestations?
M. Willie Gibbs: En effet, puisqu'ils sont des agents de la paix.
M. Derek Lee: Bien.
M. Willie Gibbs: En fait, il existe dans la région de Toronto—d'où vous venez, je cris, monsieur Lee—un programme appelé ROP qui permet à la police et aux agents de libérations conditionnelles de travailler en équipe, précisément dans le but que vous avez mentionné.
M. Derek Lee: Dans ce cas-là, qu'arrive-t-il à l'extérieur de Toronto? Je connais le programme ROP, mais je ne sais pas s'il existe ailleurs au Canada.
L'entité qui est censée au Canada avoir sous sa garde ou sous sa surveillance le délinquant ne fait qu'émettre un bout de papier. Je sais bien qu'on ne peut rien faire de plus à la Commission, mais il me semble qu'il y ait une lacune à combler à quelque part, puisque le délinquant qui n'est pas privé de sa liberté, et dont la libération a été révoquée, peut se déplacer à volonté, puisqu'il n'est suivi que d'un bout de papier et que le Service correctionnel ainsi que la Commission ne font qu'attendre de voir si le corps constabulaire local leur donnera un coup de main si jamais l'individu se trouve sur son chemin. Or, la police locale est mandée de toutes parts pour régler les cas de vol, d'entrée par effraction, d'accidents de voiture et de disputes familiales. Tout ce qui se passe, c'est un petit bout de papier qui est transmis par télécopie ou via le système de communication. C'est tout. Avez-vous déjà ressenti cette frustration, celle de savoir qu'un méchant individu mis en liberté par la Commission se promène sans que personne ne le pourchasse?
M. Willie Gibbs: Nous préférerions évidemment que personne ne soit illégalement en liberté, mais il faudrait auparavant préciser les rôles que peuvent jouer différentes gens dans notre société. Je reviens tout juste d'une conférence internationale regroupant des autorités des libérations conditionnelles, au cours de laquelle quelques États ont expliqué le rôle de leurs agents de libérations conditionnelles. Dans un de ces États, dont j'ai oublié le nom, tous les agents de libérations conditionnelles et Les agents de probation portent des armes de poing. Ils font beaucoup plus qu'effectuer de simples arrestations. Je ne crois pas que nous souhaitions au Canada commencer à... Dès lors qu'un mandat de révocation ou de suspension est émis contre un délinquant en liberté, cela revient à dire que ce dernier est en cavale. Il faut donc être prêt à l'arrêter selon les règles, ce qui est le rôle de la police et non pas de l'agent de libérations conditionnelles.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Lee.
• 1655
J'aimerais poser à M. Gibbs quelques questions d'ordre
administratif.
Êtes-vous au courant des problèmes d'informatique que nous nous attendons avoir au tournant de l'an 2000, c'est-à-dire des difficultés qu'il y a de modifier tous nos systèmes informatiques en vue du nouveau millénaire? Savez-vous que les ordinateurs et les données logiciels sont en péril si on ne prend pas certaines mesures?
M. Willie Gibbs: Notre directeur de la Gestion organisationnelle, M. Marc Seguin, est ici avec moi, et je lui demanderais de répondre, si vous le permettez, car il s'y connaît beaucoup mieux que moi.
Le vice-président (M. John Maloney): Dites-moi si le problème du tournant de l'an 2000 touchera les ordinateurs de la Commission?
M. Marc Seguin (directeur, Gestion organisationnelle, Commission nationale des délibérations conditionnelles): Bonjour à tous.
La Commission travaille au sein du Comité de l'an 2000 avec toutes les autres agences qui relèvent du solliciteur général. Les systèmes informatisés de la Commission sont intégrés en grande partie à ceux de Service correctionnel Canada.
Notre système informatisé le plus important, et dont nous vous avons parlé, le système de gestion des détenus, est pour une grande part sous la tutelle du Service correctionnel. Tous les autres systèmes de bureautique que nous avons sur place, et tous les autres systèmes plus modestes, ont été examinés, et il ne semble pas qu'il y ait de difficulté en vue pour l'an 2000.
Le vice-président (M. John Maloney): Donc, vous pensez avoir tout bien en main, n'est-ce pas?
M. Marc Seguin: En effet.
Le vice-président (M. John Maloney): Pour ce qui est de l'Office national des libérations conditionnelles.
M. Marc Seguin: Oui.
Le vice-président (M. John Maloney): Y a-t-il d'autres questions qui se rapporteraient à la mienne? Monsieur Ramsay.
M. Jack Ramsay: Les ministères ou agences avec lesquels vous faites affaire peuvent-ils dire la même chose?
M. Marc Seguin: Je ne puis évidemment pas me prononcer au nom des autres agences et des autres ministères, et je ne peux parler librement qu'au nom de la Commission. Tout ce que je sais, je l'ai appris lors des séances du comité que nous avons formé avec tous les organismes relevant du solliciteur général.
Vous savez qu'il y a des organismes plus importants, comme le Service correctionnel et la GRC, qui ont leur propre... On en a beaucoup parlé, mais je ne suis pas en mesure de me faire leur porte-parole. Mais je puis vous dire que la Commission des libérations est en très bonne posture, par rapport à ce qui se fait dans certains des plus grands organismes.
M. Jack Ramsay: Y a-t-il des interfaces entre vos systèmes et ceux des autres organismes?
M. Marc Seguin: Oui.
M. Jack Ramsay: Êtes-vous sûr de pouvoir maintenir cette interface avec elles après l'an 2000, ou au tournant de l'an 2000? Autrement dit, comme je vous l'avais demandé au début, même si vous semblez être en bonne posture, qu'en est-il des organismes avec lesquels vos systèmes connectent? Seront-ils maintenus en bon état de façon que vous puissiez continuer l'interface avec eux et continuer à faire votre travail?
M. Marc Seguin: Les systèmes informatisés avec lesquels nous avons une interface, c'est-à-dire les systèmes des organismes de services communs et ceux des organismes centraux, sont en bonne posture. Pour ce qui est de particularités des autres systèmes et de la façon dont ceux-ci font interface, je ne suis malheureusement pas en mesure de me prononcer.
M. Jack Ramsay: Non, mais je me demandais...
M. Marc Seguin: Nos systèmes à nous sont en bonne posture, et je parle de ceux qui font interface avec les systèmes des autres organismes. Que je sache, nous n'aurons aucune difficulté à traiter avec les services gouvernementaux comme le Conseil du Trésor ou d'autres grands organismes.
M. Jack Ramsay: Ces derniers sont donc eux aussi en bonne posture.
M. Marc Seguin: Je ne puis me prononcer là-dessus, malheureusement.
Le vice-président (M. John Maloney): Dans ce cas, nous écrirons aux autres organismes pour leur demander ce qu'il en est.
M. Jack Ramsay: Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Discepola, vous avez une question?
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib): Oui.
J'avais l'impression que le Système de gestion des détenus était un vieux système, plutôt archaïque, car il remonte à plusieurs années. A-t-il été changé de fond en comble ou simplement modifié pour répondre aux exigences de l'an 2000?
M. Marc Seguin: Le Système de gestion des détenus était là avant moi. Il remonte à 1992, ce qui est relativement vieux lorsque l'on parle de technologie informatisée, mais on parle tout de même d'un système dont la technologie et les logiciels sont relativement bien connus. Nous avons beaucoup de programmeurs, et beaucoup d'autres aussi qui sont au Service correctionnel, qui se sont penchés sur le problème, qui est énorme, j'en conviens.
Je ne peux évidemment pas me prononcer pour le Service correctionnel, mais je sais que l'on y a un excellent plan pour faire face aux problèmes de l'an 2000.
M. Nick Discepola: Je voudrais interroger M. Gibbs sur le taux de récidive.
Le taux de récidive que vous nous avez donné représente le nombre de délinquants qui sont sous votre surveillance, n'est-ce pas?
M. Willie Gibbs: En effet.
M. Nick Discepola: Pouvez-vous nous dire quel est le taux de récidive lorsque les sentences sont complètement purgées, y compris lorsque les détenus sont renvoyés aux institutions provinciales?
M. Willie Gibbs: Vous trouverez cela à la page 21 de notre Rapport de rendement de l'année dernière intitulé «Améliorer le compte rendu au Parlement: Rapport de rendement». Nous publierons d'ici l'automne, ou à la fin de l'été, un autre rapport comme celui-ci. Vous trouvez les chiffres à la page 21. Je vous laisse volontiers cet exemplaire-ci.
M. Nick Discepola: Comment se compare la récidive en général par rapport au taux de récidive lorsque les détenus sont sous votre surveillance?
M. Willie Gibbs: Si vous remontez à 1986-1987, il y a une douzaine d'années, on constate qu'après l'expiration du mandat, c'est-à-dire à la fin de la libération conditionnelle, le taux de récidive était de 13 p. 100, alors qu'il baissait à 11 p. 100 pour l'année suivante.
Les chiffres me semblent plus exacts pour les cinq ou six premières années, c'est-à-dire les premières de cette période. À l'exception des condamnés à perpétuité, la plupart des détenus avaient sans doute terminé leur libération conditionnelle. Plus récemment, on constate qu'il en reste toujours beaucoup qui sont en libération conditionnelle. Voilà pourquoi ils sont si peu nombreux, c'est-à-dire 3 à 5 p. 100, ce qui est très faible.
M. Nick Discepola: Vous dites que les chiffres les plus exacts sont ceux des années 1990 à 1993, par exemple?
M. Willie Gibbs: En effet. Je dirais de 1986 à 1991 ou 1992.
M. Nick Discepola: C'est quand même relativement élevé.
M. Willie Gibbs: Relativement faible, j'oserais dire.
M. Nick Discepola: Mais si je regarde le taux de récidive chez les détenus qui sont toujours sous la garde du Service correctionnel, les taux sont de 4, 8 ou 11 p. 100, selon la catégorie.
M. Willie Gibbs: C'est pour une période plus courte. De plus, ces gens ne sont plus sous notre surveillance, puisque leur mandat a expiré.
M. Nick Discepola: Quel serait le taux de récidive si nous devions laisser tous les détenus purger complètement leur sentence?
M. Willie Gibbs: Je n'ose me prononcer, mais j'imagine que l'on parlerait de 50 à 60 p. 100 de récidive de façon générale.
M. Nick Discepola: Donc, faute d'un autre système ou d'un système meilleur, il vaut mieux pour nous maintenir le système actuel et l'améliorer, plutôt que...
M. Willie Gibbs: Exactement. N'oublions pas que nous avons quelque 1 100 condamnés à perpétuité qui sont en libération conditionnelle. Il y en a aussi 2 400 à 2 500 qui sont toujours derrière les barreaux, en plus des 1 100 qui sont en libération conditionnelle. Ceux-là ne sont inclus dans aucune de nos statistiques.
C'est parce qu'ils doivent malheureusement mourir, si j'ose dire, avant que nous puissions confirmer qu'ils n'ont pas récidivé.
M. Nick Discepola: Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci.
Merci aux témoins d'avoir répondu avec tant de franchise à toutes nos questions. Au revoir.
La séance est levée.