STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 avril 1998

• 1536

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour, monsieur le ministre. Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. J'ai cru comprendre que vous allez devoir partir un peu plus tôt que d'habitude cet après-midi.

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Je pourrai rester jusqu'à environ 17 h 15.

Le président: C'est parfait.

Vous savez comment nous fonctionnons. Nous allons vous laisser commencer par un bref exposé après quoi nous passerons à la période des questions.

M. Arthur Eggleton: Merci beaucoup.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je suis accompagné du vice-amiral Garnett, vice-chef d'état-major de la Défense, que la plupart d'entre vous, je crois, ont déjà eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises; je suis aussi accompagné du colonel Fenske, du Cabinet du Juge-avocat général. Lui-même et ses collaborateurs ont joué un rôle important dans la rédaction des modifications de la Loi sur la défense nationale dont vous êtes saisis.

Bonjour. Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser aux membres de ce comité au sujet du projet de loi C-25. Je me réjouis de pouvoir discuter avec vous d'un sujet qui est bénéfique pour les hommes et les femmes des Forces canadiennes.

Le projet de loi C-25 représente les modifications les plus exhaustives apportées à la Loi sur la défense nationale depuis son adoption. Même s'il porte sur une vaste gamme de dispositions de la Loi, le projet de loi concerne surtout la modernisation du système de justice et de police militaire. Il vise: premièrement, à définir clairement les rôles et les responsabilités des intervenants clés de la justice militaire; deuxièmement, à assurer une meilleure structure et une plus grande transparence dans les enquêtes et les mises en accusation; troisièmement, à moderniser les pouvoirs et les procédures des tribunaux militaires et, quatrièmement, à renforcer le processus de surveillance et d'examen.

J'espère que les membres du comité conviendront avec moi que, pour favoriser la discipline et un moral solide dans nos forces armées et pour assurer leur efficience, il est essentiel de disposer d'un Code de discipline militaire moderne qui reflète les valeurs canadiennes et qui réponde aux besoins uniques des militaires.

Cet après-midi j'aimerais aborder un certain nombre de préoccupations qui ont été exprimées durant le débat de deuxième lecture en Chambre. Elles concernaient, d'abord, la décision de ne pas inclure dans le projet de loi des dispositions relatives à l'inspecteur général, deuxièmement, l'indépendance et l'organisation du Juge-avocat général (JAG), des juges militaires et de la police militaire, et enfin, la réforme du processus de procès par voie sommaire.

Durant ce débat, certains députés ont suggéré que le gouvernement avait négligé la recommandation de la Commission d'enquête sur la Somalie quant à l'établissement d'un inspecteur général indépendant. Loin s'en faut, puisque le même gouvernement a étudié cette recommandation avec le même soin que toutes les autres.

• 1540

[Français]

Le gouvernement a accepté 83 p. 100 de ces recommandations, en totalité ou en partie.

[Traduction]

Même si nous ne sommes pas d'accord avec la recommandation concernant l'établissement d'un inspecteur général, nous en approuvons l'objectif sous-jacent, qui consiste à renforcer le contrôle—exercé par un organisme civil externe—du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. Même si nous sommes d'accord sur les buts à atteindre, nous ne partageons pas forcément la même opinion qu'à la façon d'y parvenir.

Afin d'atteindre cet objectif, nous avons adopté une stratégie à trois volets. Premièrement, nous nous sommes efforcés d'améliorer notre collaboration avec les organismes de contrôle existants, notamment le Bureau du Vérificateur général, le Bureau du Commissaire aux langues officielles et la Commission canadienne des droits de la personne. N'oublions pas la fonction de contrôle qui est la leur.

Deuxièmement, dans ce projet de loi et ailleurs, nous avons établi ou nous sommes sur le point d'établir, de nouveaux organismes spécialisés de surveillance, y compris un comité indépendant d'examen des griefs et une commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, qui seront chargés de s'occuper de domaines qui nous préoccupent. Nous allons prochainement nommer un ombudsman.

Troisièmement, nous avons augmenté substantiellement le nombre de rapports annuels et publics. Notre stratégie vise à établir des mécanismes d'examen plus spécialisés et adaptés à des domaines particuliers. Nous croyons que nos militaires seront ainsi mieux servis. C'est ainsi que l'ombudsman informera, conseillera et guidera tous les membres du personnel, militaires ou civils, qui ont besoin d'aide ou qui estiment avoir été traités injustement.

Le projet de loi C-25 prévoit aussi la création de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Cette commission sera indépendante et extérieure au ministère et aux Forces. Elle aura pour mandat de traiter les plaintes déposées par le public au sujet de la conduite des policiers militaires dans l'exercice de leurs fonctions. Elle sera aussi chargée de traiter les plaintes déposées par les membres de la police militaire en cas d'ingérence indue de membres des Forces.

Les mandats confiés aux nouveaux organismes de surveillance de ce genre leur permettront de compléter, plutôt que de concurrencer, le travail effectué par les organismes d'examen internes et externes déjà en place. Une fois que ces nouveaux organismes de surveillance et d'examen seront en place, il ne sera pas nécessaire d'avoir un inspecteur général.

Pour ce qui est du Juge-avocat général, on a suggéré, durant le débat, que le JAG était trop dépendant du chef d'état-major de la Défense, étant donné qu'il lui devait sa nomination.

Monsieur le président, il ne faut pas oublier que le JAG est nommé par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministère.

[Français]

De plus, en vertu du projet de loi C-25, c'est le Parlement qui déterminera les fonctions dont le JAG, qui devra rendre compte au ministre, devra s'acquitter.

[Traduction]

Nous croyons, monsieur le président, que nous avons fait le nécessaire pour assurer l'indépendance du JAG.

Durant le débat, on s'est aussi demandé s'il était nécessaire de confier le poste de JAG à un officier militaire. Or, l'exercice des fonctions du JAG exige une parfaite compréhension et appréciation de la structure de commandement des Forces canadiennes et des besoins uniques du système de justice militaire, ainsi qu'une certaine expérience des questions juridiques militaires. Les avantages de nommer un officier militaire au poste de JAG sont clairement illustrés par nos propres pratiques et traditions ainsi que par celles de nos alliés.

On a également prétendu, au cours du débat sur le projet de loi C-25, que le JAG pourrait nuire à l'intégrité et à l'indépendance du nouveau Directeur des poursuites militaires ou du Directeur du Service d'avocats de la défense. J'aimerais signaler que la structure mise en place en vertu du projet de loi C-25 permettra au JAG de transmettre des instructions générales au Directeur des poursuites militaires, par exemple, sur les politiques de mise en accusation et de divulgation, ainsi que des instructions spécifiques, dans des cas particuliers.

Je dois dire que cette structure prévue dans la loi ressemble beaucoup à celle utilisée de nos jours par les procureurs de la Couronne aux niveaux fédéral et provincial dans notre système canadien de justice civile. Cependant, contrairement à la plupart des juridictions canadiennes, le directeur est inamovible et, par la loi, il doit mettre à la disposition du public toute instruction générale reçue, ainsi que toute instruction spécifique dont la diffusion ne nuira pas à l'administration de la justice. Il s'agit donc d'une procédure tout à fait transparente qui reproduit ce qui existe déjà dans le système de justice civile.

• 1545

Dans le cas du directeur du Service d'avocats de la défense, le titulaire sera nommé par le ministre, et le JAG ne donnera que les instructions de politique générale, aucune n'étant liée à un cas particulier. Là encore, toutes ces instructions de politique générale seront mises à la disposition du public dans un régime de pleine transparence.

Monsieur le président, durant le débat de deuxième lecture, certains députés ont exprimé la crainte que le projet de loi C-25 n'accorde pas assez d'indépendance aux juges militaires et que leur carrière risque d'être compromise par leurs décisions judiciaires.

Ce n'est pas le cas. Le projet de loi C-25 prévoira la nomination des juges militaires pour une période fixe de cinq ans. Comme les autres juges fédéraux, ils seront nommés à titre inamovible par le gouverneur en conseil, ils ne pourront être révoqués pour un motif valable que sur la recommandation d'un comité d'enquête et ils auront la sécurité financière. Ils auront donc la même indépendance que les juges civils.

[Français]

Je suis convaincu que ces mesures assureront l'indépendance de nos juges militaires.

[Traduction]

J'aimerais aussi rappeler aux membres de ce comité que la pratique consistant à nommer des militaires en service ayant une formation en droit pour remplir la fonction de juge militaire a été avalisée tant par la Cour suprême du Canada que par le Groupe consultatif spécial dirigé par le juge en chef Dickson dont les recommandations sont reprises dans la loi.

Monsieur le président, durant le débat de deuxième lecture, certains députés ont également critiqué le projet de loi C-25 parce qu'il n'exigeait pas que la police militaire fasse rapport au Procureur général en cas d'infractions graves. Il ne s'agissait pas d'une recommandation formulée par le comité spécial dirigé par l'ex-juge en chef Dickson, mais d'une recommandation de la Commission d'enquête sur la Somalie.

Je ne suis pas d'accord avec cette critique. En effet, le gouvernement croit que l'indépendance requise sur le plan des enquêtes peut être réalisée dans le cadre de la structure militaire existante. Le Groupe consultatif spécial a formulé plusieurs recommandations précises en vue d'assurer l'indépendance du Service national d'enquête, qui est la branche opérationnelle de la police militaire. Nous avons mis ces recommandations en oeuvre et nous sommes même allés plus loin. Le projet de loi C-25 ajoute une autre dimension à l'indépendance et à la responsabilité professionnelle de la police militaire, grâce à l'établissement d'une commission externe d'examen des plaintes concernant la police militaire.

Une autre question importante a été soulevée pendant le débat. Il s'agit de la procédure de procès par voie sommaire et de l'application de la Charte canadienne des droits et libertés. On affirmait, dans le cas d'infractions disciplinaires punissables par une peine de détention, que les accusations devraient être entendues par un tribunal indépendant et impartial et que l'accusé devrait être représenté par un avocat.

Eh bien, monsieur le président, le procès sommaire est un instrument nécessaire tant pour le commandement que pour l'administration de la justice au sein des Forces canadiennes. Cette procédure a été restructurée en fonction de l'objet des procédures sommaires, de façon à assurer une justice rapide, mais équitable, en ce qui concerne les infractions d'ordre militaire mineures et de façon à contribuer au maintien de la discipline et de l'efficacité militaires, au Canada et à l'étranger, en temps de paix ou de conflit.

Par suite des demandes de réforme du système de procès sommaire, l'équité de la procédure a été considérablement améliorée. Plus particulièrement, une personne accusée aura le droit d'opter pour la cour martiale dans tous les cas, sauf si l'objet de l'accusation est l'une de cinq infractions militaires traditionnelles et que l'infraction est de nature mineure. D'ailleurs, la plupart des infractions en question sont de nature mineure.

Aucune personne mise en accusation ne sera passible d'une peine de détention lors d'un procès sommaire si elle n'a pas d'abord choisi ce type de procédure plutôt que la cour martiale. Il s'agit d'un choix tout à fait éclairé, puisque l'accusé reçoit toutes les informations pertinentes et a l'occasion de consulter un avocat sans frais, avant de choisir la procédure judiciaire.

• 1550

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, il y a presque 50 ans que la Loi sur la défense nationale a été adoptée comme première loi exhaustive. Nous savons tous que le monde a changé de façon radicale depuis cette époque, mais il n'en demeure pas moins vrai qu'il nous faut maintenir nos forces armées prêtes pour le combat, prêtes pour le maintien de la paix et, comme nous l'avons vu récemment à l'occasion de la tempête de verglas, prêtes pour prêter main-forte à la population en cas de catastrophe naturelle, et prêtes aussi pour les nombreuses autres missions pouvant leur être confiées.

Les modifications contenues dans le projet de loi C-25, y compris les modifications techniques que propose le gouvernement et dont je ne vous ai pas parlé, modernisent le système de justice militaire, en accroissent l'efficacité, l'efficience et la transparence. Elles permettent de mieux servir le personnel de nos forces armées, ces hommes et ces femmes qui remplissent un service de façon courageuse et dévouée, et elles leur permettront de s'acquitter des nombreuses fonctions qui leur incombent dans un régime de justice militaire ouvert et équitable.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Passons à la période des questions, en commençant par l'opposition officielle pour dix minutes.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président et merci à vous, monsieur le ministre, de vous être rendu à notre invitation; merci aussi au personnel militaire qui vous accompagne.

Le projet de loi C-25 est très intéressant, notamment parce qu'il tient compte des recommandations du rapport de la Commission d'enquête sur la Somalie. Je me rappelle, en effet, que ce rapport contenait des recommandations bien précises au sujet du Juge-avocat général, de même que de l'inspecteur général.

Monsieur le ministre vous avez employé à plusieurs reprises le mot «ouverture» et exprimé la nécessité qu'il y a de se faire une bonne idée de ce qui se passe dans le domaine de la justice militaire, pas uniquement, je le précise, en ce qui concerne des observateurs extérieurs, mais bien en ce qui concerne l'ensemble des intéressés.

Comme cela fait déjà longtemps que cette question est dans l'air, on aurait pu s'attendre à ce que le MDN, et plus particulièrement la branche de la justice militaire, cherche à appliquer un véritable système, juste et équitable.

Parlons un peu du cas le plus récent dont il a été question dans les médias, celui du procès en cour martiale du colonel Reno Vanier. Il est scandaleux de constater qu'on lui a simplement infligé une peine légère et une rétrogradation, puisqu'on l'a condamné à une amende de 10 000 $ et qu'on l'a rétrogradé d'un cran. Pourtant, voilà un homme qui a commis une fraude, un acte criminel, qui est l'exemple même de ce qu'on ne devrait pas voir dans l'armée au nom des principes mêmes que vous avez énoncés, c'est-à-dire l'équité, la justice et la transparence.

Quand on s'entretient avec les hommes et les femmes du rang, on se rend compte que ces gens-là ont l'impression d'avoir affaire à un système de justice à deux vitesses, et qu'en fait les changements que vous avez apportés ne font rien pour atténuer leurs préoccupations.

De toute évidence, il faudrait disposer d'un bureau indépendant. Cependant, vous n'avez rien prévu de tel dans le projet de loi C-25, pas plus en ce qui concerne le Bureau de l'inspecteur général que de la mise sur pied de divisions chargées d'enquêter ou d'entreprendre des poursuites au sein des forces armées. Il semblerait donc que rien ne soit appelé à changer. Si vous ne vous attaquez pas à ce problème maintenant, les choses vont continuer comme avant.

• 1555

Il est évidence que le procès en cour martiale du colonel Vanier soulève un certain nombre de questions très importantes relativement aux fraudes commises au sein du ministère. Voici donc ma première question: Dans quelle mesure les fausses demandes de remboursement sont-elles répandues au ministère? Deuxièmement, pourriez-vous me dire si d'autres officiers ont été sanctionnés pour des infractions semblables? Je fais allusion, ici, au cas du commandant que vous avez rappelé de l'ex-Yougoslavie en 1995 pour le même motif. Combien d'autres officiers se sont rendus coupables de ce genre d'infraction?

M. Arthur Eggleton: Pour ce qui est du colonel Vanier, je vous rappelle que cette cause est encore sujette à appel. Je suis en train d'examiner ce cas et, comme la cause est encore dans les mains du système de justice militaire, je ne suis pas en mesure pour l'instant de le commenter.

Pour en revenir à ce que vous avez dit juste avant cela, ces modifications à la loi nous permettront effectivement d'appliquer une justice véritable. Nous sommes en train de moderniser la loi, de l'aligner sur le système de justice civile. Ce n'est pas un système de justice à deux vitesses, contre lequel je m'opposerais. Je veux être certain que tous les militaires, de tout grade, seront traités de façon efficace et je crois effectivement que c'est ce que nous permettront ces modifications que nous allons apporter à l'administration du système de justice militaire.

Quant à votre interrogatoire à l'aveuglette... vous vouliez savoir dans quelle mesure la fraude est généralisée. Je crois que les infractions de ce genre, qui se produisent dans un organisme comptant 100 000 employés... vous savez, vous allez vous retrouver avec des bons, des mauvais et le reste. Il demeure que la grande majorité des militaires sont des citoyens propres, dévoués, qui se consacrent au service du pays et des Canadiens et qui en sont fiers. Prenez bien soin, dans ce genre de questions à l'emporte pièce, à ne pas entacher le caractère des meilleurs militaires qui soient, tous grades confondus, dans les Forces canadiennes.

Il est évident que nous voulons nous attaquer à toutes les fraudes présumées dont nous avons vent ou à tout ce qui peut être contraire aux lois du pays, contraire aux lois militaires et au code de discipline militaire. Nous voulons éradiquer ce genre d'attitude, nous voulons effectivement nous y attaquer.

En aparté, vous avez fait allusion à l'indépendance de l'inspecteur général. Je ne sais combien de fois je devrai le répéter: nous avons couvert les fonctions, nous avons couvert les objectifs et nous avons également couvert la question du contrôle civil externe. S'agissant des objectifs, nous avons toute une série d'organismes officiels, dont l'ombudsman et le Comité d'examen des griefs, qui vont régulièrement produire des rapports publics. Toute cette information sera accessible aux députés.

Nous avons estimé que la méthode recommandée n'était pas la meilleure et nous en avons suggéré une autre pour parvenir au même objectif. Je le répète, il s'agit bien du même objectif. Voilà pourquoi nous soutenons avoir mis en place plusieurs choses qui ne fonctionnent pas trop mal, bien qu'il soit nécessaire d'appliquer un contrôle extérieur, ce que nous pouvons faire de la façon que nous recommandons plutôt que de faire table rase et de recommencer à zéro. Il peut sembler simpliste de créer un poste d'inspecteur général, mais voyez-vous, monsieur le président, nous couvrons ainsi un ensemble de fonctions nécessaires par une autre méthode.

M. Art Hanger: Pour en revenir à ma première question, y a-t-il eu d'autres cas de fraude dans l'armée qui font l'objet d'une enquête?

M. Arthur Eggleton: Je ne sais pas. Comme je vous l'ai dit, le MDN est une vaste organisation. Quant à vous dire s'il y a des cas faisant l'objet d'une enquête... Il y a toujours des enquêtes en cours. Mais je ne suis pas au courant de cas particuliers.

Vous allez à la pêche. Je vous affirme que nous réglerons ce genre de problèmes au fur et à mesure que nous les constaterons, de la façon prévue dans le système de justice militaire, un point c'est tout.

M. Art Hanger: Donc, vous n'êtes pas prêt à renseigner ce comité sur les autres enquêtes en cours. Pourtant, j'estime que ce serait important parce que nous savons tous très bien, ici, qu'il est essentiel que ce système soit transparent et que le système de justice militaire traite tous les grades de la même façon.

• 1600

On a entendu parler de certains cas de fraude, par les médias et par d'autres sources. Dans certains cas, il s'agit de rumeurs, mais quelques-unes d'entre elles peuvent être fondées. Encore une fois, si d'autres officiers sont reconnus coupables de fraude, ne faudrait-il pas exposer leur cas comme on l'a fait pour Vanier?

Encore une fois, pourquoi a-t-on traduit en cour l'officier commandant des Forces canadiennes en Yougoslavie, en 1995?

M. Arthur Eggleton: Si vous avez des allégations à formuler, allez-y. Nous les examinerons.

M. Art Hanger: Effectivement!

M. Arthur Eggleton: Quoi qu'il en soit, les cas soumis à la police militaire ou au service national d'enquête sont systématiquement examinés en détail. Ces cas sont portés devant la justice militaire, que ce soit dans le cadre d'une procédure sommaire ou d'un jugement en cour martiale—cela dépend—, exactement de la façon dont les choses se passent dans le civil.

M. Art Hanger: Un officier, Armand Roy, a été contraint de démissionner des Forces canadiennes. On l'a condamné à rembourser les 80 000 $ de réclamations frauduleuses qu'il avait faites au ministère. Mais il semble que ce ne soit pas tout: par exemple, il aurait généreusement utilisé la carte de téléphone du gouvernement dans les mois ayant suivi son départ du ministère. S'attend-on à ce qu'il rembourse cet argent au ministère?

M. Arthur Eggleton: En ce qui concerne les 80 000 $, je crois savoir qu'on les a récupérés, mais l'enquête se poursuit au sujet de l'utilisation des cartes de crédit.

Le président: Merci, monsieur Hanger.

[Français]

Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le ministre, je vous remercie de votre exposé. Je me demande pourquoi, selon la justice militaire, les infractions criminelles dont les militaires sont accusés ne sont pas soumises au processus prévu à la partie XIII du Code criminel canadien et pourquoi les déclarations sommaires de culpabilité ne sont pas traitées conformément à la partie XXIV du Code criminel canadien. Pourquoi a-t-on recours à une cour martiale pour une infraction criminelle sérieuse, un meurtre par exemple? De telles causes ne devraient-elles pas être portées devant les tribunaux canadiens réguliers, que ce soit la Cour fédérale d'appel ou même la Cour suprême du Canada? L'application de la justice aux militaires au Canada ne devrait-elle pas suivre le même cours que dans le cas des autres Canadiens?

Par exemple, la Cour suprême entend en dernier ressort les causes relatives à un litige en matière d'impôt sur le revenu, après qu'on ait épuisé tout autre recours devant les tribunaux de la Cour fédérale d'appel. Pourquoi a-t-on cette justice militaire en vase clos? Est-ce vraiment la meilleure solution?

[Traduction]

M. Arthur Eggleton: C'est exactement pour cela que nous avons un système de justice militaire séparé et que nous ne référons pas ces causes au système civil. C'est d'ailleurs une question sur laquelle se sont penchés plusieurs éminents juristes. Par exemple, le Groupe consultatif spécial dirigé par l'ex-juge en chef Dickson, a fortement recommandé qu'on maintienne un système de justice militaire séparé du système de justice civile.

Dans un jugement rendu par le juge en chef en 1992, la Cour suprême du Canada a réaffirmé la nécessité de disposer d'un système distinct de tribunaux militaires, à cause de la nature du travail dans les Forces canadiennes et dans les forces armées en général qui comporte un risque de blessures ou de mort. On place la plus grande importance sur la discipline et sur l'esprit de corps au sein des unités militaires parce que l'action d'un individu peut mettre en péril la vie ou la santé des autres membres de l'unité.

• 1605

Nous avons donc besoin d'un système qui soit juste et équitable, mais aussi qui réagisse promptement, parce que dans bien des cas, surtout quand l'infraction est mineure, il faut pouvoir sanctionner le coupable et le renvoyer à ses fonctions le plus rapidement possible.

De plus, le système doit être «portable». Il nous faut un système qui puisse fonctionner au Canada et à l'extérieur de nos frontières, où que nos troupes se trouvent, dans le cadre de missions de maintien de la paix à l'étranger. Notre armée est présente dans plusieurs pays dans le monde, en temps de paix mais aussi, bien sûr, en temps de guerre.

Donc ce système se justifie. Il doit pouvoir être appliqué rapidement par des gens ayant l'expérience de l'armée. Les juges qui sont des militaires peuvent le faire fonctionner de façon prompte et équitable, en tenant compte de la nature du travail militaire ainsi que de l'esprit de corps et de la discipline qui s'impose.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Monsieur le ministre, on a réduit nos effectifs militaires de 100 000 à 60 000, et nous avons entendu dire, lors de certains témoignages, que la taille de notre armée pourrait éventuellement être réduite à 45 000. L'armée aurait une structure pyramidale qui ne compterait qu'un petit nombre d'officiers très haut gradés à la tête et s'élargirait vers la base. Ne risquerons-nous pas de porter atteinte à l'apparence que justice doit être rendue, surtout lorsqu'on portera des accusations contre des gens qui sont à la tête de l'armée et qu'on demandera à des officiers au sommet de procéder à l'audition de leurs causes? C'est ce dont on a été témoins dans l'histoire Vanier et ça pourrait se reproduire ailleurs.

Je suis tout à fait d'accord sur les principes que vous avez énoncés en répondant à ma première question. Ça se justifie dans une clientèle ou dans un essaim important. Mais comme la taille de notre armée est de plus en plus réduite, l'interrelation qui existe entre les individus de la pyramide ne risque-t-elle pas de fausser nos principes de droit, ceux dont vous parliez il y a 30 secondes?

[Traduction]

M. Arthur Eggleton: Non, je ne le crois pas. Soit dit en passant, nous n'envisageons pas d'avoir plus de 60 000 hommes et femmes dans l'armée régulière. L'effectif des réserves primaires est d'un peu plus de 30 000 hommes et femmes, mais nous nous étions engagés, dans notre livre blanc, à en avoir environ 60 000. Peu importe que l'effectif soit de 60 000, de 80 000 ou de 100 000 hommes, les 60 000 personnes actuellement sous les drapeaux sont des soldats de la force régulière à temps plein. Ils ont droit au meilleur système de justice possible—un système juste et équitable—que permettront les amendements que nous proposons.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Croyez-vous, monsieur le ministre, que la justice qu'on connaît est bien administrée? Je ne veux pas parler du cas de M. Vanier, parce que selon vous, c'est encore en instance.

Parlons plutôt de la cause du caporal Purnelle, dont les délais d'appel sont passés. Croyez-vous que le caporal Purnelle a été traité de la même façon que des officiers supérieurs de l'armée canadienne? On ne parle pas ici des offenses les plus graves. Vous connaissez l'histoire du caporal Purnelle. Je pense que c'est une application de la fable de La Fontaine Les Animaux malades de la peste; on s'est rabattu sur l'âne parce qu'il était sans défense. C'est l'impression que les militaires ont actuellement. Pensez-vous que c'est là une belle image de la justice militaire?

[Traduction]

M. Arthur Eggleton: Nous pourrions toujours disséquer tous les cas que vous voulez, mais nous ne disposons pas des renseignements concernant les cas dont les tribunaux sont saisis ou encore ceux sur lesquels se penchent les commandants. Pour pouvoir porter un jugement, il faudrait commencer par évaluer tous ces renseignements.

Des mesures sont déjà prévues et d'autres sont envisagées dans les modifications, à l'instar de ce qui se passe dans le système de justice civile. Chaque cause constitue un cas d'espèce. Les tribunaux tiennent compte de tous les faits pour rendre des décisions et imposer des condamnations jugées appropriées. Je ne pense pas que nous allons faire avancer la réforme du système de justice militaire en passant notre temps à disséquer des causes individuelles et à imaginer quelles autres décisions auraient pu être prises dans ces cas là. Quant à moi, les amendements envisagés ont pour objet de renforcer et de moderniser le système et de le rendre plus juste et plus transparent.

• 1610

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Vous aurez remarqué que nous avons deux nouveaux venus: M. Richard Dupuis, commis parlementaire et M. David Getz, de la division du droit, à la Bibliothèque. Ces messieurs vont nous aider dans notre étude du projet de loi C-25.

Je donne à présent la parole à M. Bob Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président. Monsieur le ministre, je n'aime pas beaucoup que les dispositions de ce projet de loi suppriment du système de justice militaire les responsabilités judiciaires du ministre de la Défense nationale.

Si le ministre de la Défense nationale a traditionnellement rempli ce rôle quasi judiciaire, c'était en partie pour maintenir un système de freins et de contrepoids au sein de l'appareil de justice militaire. Je sais bien que cette réforme est l'une parmi tant d'autres entreprise pour asseoir l'indépendance du système judiciaire militaire; cependant, ce qui ressort de cette réforme m'inquiète un peu. J'en ai déjà parlé avec le colonel Fenske.

J'aimerais savoir ce que vous pensez personnellement de tout cela, monsieur le ministre. Êtes-vous mal à l'aise avec l'idée de devoir remplir le rôle de juge et de jury de dernier recours dans certains cas? Estimez-vous que ce rôle vous place en conflit d'intérêt?

M. Arthur Eggleton: Je réponds oui à vos deux questions. Je pense que c'est tout à fait le cas. Je ne suis pas à l'aise avec tout cela parce que ma fonction première est d'assurer l'administration et l'orientation des Forces canadiennes, et pas de me retrouver dans le carcan d'une fonction quasi-judiciaire.

Personnellement, j'estime que cela me place en conflit d'intérêt. J'estime qu'il y a des fois où j'aimerais agir au nom de ce que je crois être les intérêts supérieurs des Forces canadiennes mais où je dois passer sous les fourches caudines de telle ou telle cause qui m'empêchent de faire ce qui devrait peut-être être fait. À l'instar des savants juges qui ont siégé au comité consultatif spécial, j'estime que cette modification permettra cela.

Les membres de la Commission d'enquête sur la Somalie pensaient la même chose. C'est pour cela que j'ai fort bien accueilli leurs recommandations voulant que le ministre de la Défense nationale ne tienne qu'un rôle d'administration générale.

M. Bob Wood: Le projet de loi C-25 a pour objet d'aligner davantage le système de justice militaire sur le système de justice civile, surtout parce que l'actuel système date de la Seconde guerre mondiale et qu'il est en partie fondé sur la nécessité de disposer de sanctions disciplinaires plus strictes et d'une justice plus expéditive.

Comme nous n'envisageons pas un conflit de grande envergure dans un avenir prévisible, je comprends tout à fait qu'on veuille modifier le système pour l'aligner davantage sur le système de justice civile. Cependant, les Forces canadiennes constituent une organisation militaire susceptible d'être appelée à intervenir en temps de guerre. J'aimerais savoir si l'on s'est demandé en quoi les changements devant être apportés au projet de loi C-25 pourraient infléchir les exigences opérationnelles du temps de guerre. A-t-on pleinement envisagé ce cas de figure?

M. Arthur Eggleton: Oui. Je le répète, les membres du comité consultatif spécial ont une expérience des Forces canadiennes, en temps de paix et en temps de guerre, et ils comprennent parfaitement le nécessité de disposer d'un système valable dans les deux circonstances. Effectivement, ils y ont pensé.

M. Bob Wood: Les changements de fond en comble de ce projet de loi auront des répercussions sur tous les échelons de la hiérarchie militaire. Je crains tout particulièrement qu'on en arrive à imposer ces changements, sans une préparation appropriée, à des gens qui ont une mentalité particulière en matière de justice militaire. Force est de constater que les militaires des échelons inférieurs sont habitués au système actuel et que les officiers et les commandants sont, eux aussi, habitués aux pouvoirs qui leur sont conférés. Le projet de loi C-25 va bousculer tout ce système.

J'aimerais que vous me disiez comment vous percevez les étapes de la transition et de la mise en oeuvre de ces changements afin qu'il n'y ait pas de complications sur ce plan.

M. Arthur Eggleton: Nous allons bien sûr offrir des programmes de formation et d'adaptation.

Voulez-vous ajouter quelque chose, vice-amiral?

• 1615

Le vice-amiral Gary L. Garnett (vice-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Il y a deux aspects à cela. D'abord, nous avons déjà mis sur pied une équipe composée de hauts gradés—appartenant au Service national d'enquête, ainsi qu'au Service juridique et administratif—qui va de base en base, de quartier général en quartier général pour s'entretenir avec les gens des nouvelles fonctions de police militaire et du rôle des services d'enquête pour ce qui est de leur capacité d'enquêter de façon indépendante et de porter des accusations.

Cette équipe a sillonné le pays. Elle a déjà rempli la moitié de son mandat qui est de tenir une série d'exposés de deux heures suivis par des périodes de question. Cette présentation du processus a été fort bien accueillie.

Je vais céder la parole au colonel Fenske qui, je pense, va vous parler de la démarche d'information des officiers commandants.

Le colonel Allan F. Fenske (Cabinet du Juge-avocat général, ministère de la Défense nationale): Merci, amiral.

Je veux vous dire deux choses. D'abord, à la fin de novembre 1997, on a publié les règlements concernant les procès par voie sommaire. Comme la plupart d'entre vous le savent, les procès sommaires sont appliqués dans 90 p. 100 de nos mesures disciplinaires. Cette procédure a déjà fait l'objet de nombreux changements, et l'on est en train de former les gens à cet égard.

Deuxièmement, la commission et le groupe d'examen Dickson ont recommandé—bien que de différentes façons—qu'on assure davantage de formation en matière de responsabilités sur le plan de la justice militaire. C'est un travail colossal auquel on est en train de s'attaquer.

Par exemple, il est prévu que d'ici l'automne de cette année, nous aurons mis en place un processus de certification de procès par voie sommaire qui nous garantira que les gens chargés d'administrer ce processus disposent effectivement des outils nécessaires.

M. Bob Wood: J'aurais une autre brève question à poser. Je trouve qu'un des problèmes qui se posent, surtout dans le cadre du système de justice militaire, tient au pouvoir que les commandants ont sur leurs subalternes. Je sais que certains d'entre nous ont déjà été appelés à intervenir à cause de traitements imposés par des commandants, traitements jugés injustes ou trop durs.

Personnellement, je me réjouis de voir que le projet de loi C-25 réduit le pouvoir des commandants en matière de punitions que vous avez qualifiées de sommaires. Cependant, ils conservent des pouvoirs considérables, notamment la possibilité d'emprisonner un soldat pendant 30 jours ou de rétrograder d'un cran leurs subalternes.

Compte tenu des réformes exhaustives proposées dans le projet de loi C-25, pourquoi a-t-on jugé nécessaire de maintenir de tels pouvoirs considérables chez les officiers commandants?

M. Arthur Eggleton: Au contraire, ces amendements se trouveront à modifier les pouvoirs des commandants. Par exemple, un commandant ne pourra plus rendre un non-lieu. Un commandant ne pourra plus juger une cause dans laquelle un officier de la police militaire aura porté des accusations. Par ailleurs, le commandant devra obtenir un avis juridique avant de porter des accusations respectivement à une infraction ou encore avant d'entreprendre des procédures donnant lieu à des accusations par procès sommaire, pour toutes les infractions mineures.

Comme on peut le voir, on envisage certains changements sur ce plan. Dans le cas des crimes graves ou à caractère délicat, le SNE peut effectuer une enquête et porter des accusations, et le commandant ne peut les faire retirer. Ce sont là des changements d'envergure.

Il demeure cependant important que le commandant puisse prendre part à tout ce processus. Comme je le disais, l'une des raisons fondamentales pour laquelle il convient de disposer d'un système de justice spécifiquement militaire, tient au fait qu'il faut maintenir la discipline et l'esprit de corps au sein des unités. Et bien sûr, le commandant a un rôle très important à jouer dans tout cela.

Les officiers qui m'accompagnent veulent-ils rajouter quelque chose à ce que je viens de dire?

Col Allan Fenske: Une seule chose. Comme on semble suggérer, par cette question, qu'on ne limite pas suffisamment la compétence et les pouvoirs des commandants en matière de sanctions disciplinaires, je me permettrai de souligner deux ou trois choses.

D'abord, et on ne peut le constater à la lecture du projet de loi, les compétences en matière de procès sommaire ont été réduites à la suite de l'examen exhaustif effectué par le Groupe consultatif du juge en chef Dickson, pour s'assurer qu'on ne conserve que les compétences nécessaires à l'application des sanctions disciplinaires au niveau de l'unité, pour des infractions mineures, et non pour des accusations de meurtre ou des accusations n'ayant pas de rapport avec les missions des forces armées.

• 1620

Deuxièmement, les pouvoirs en matière d'imposition des peines ont été réexaminés en profondeur, tant par les militaires que par le groupe du juge en chef Dickson. Ces pouvoirs également ont été réduits.

Je pense plus particulièrement au pouvoir de détention, parce que la durée est maintenant limitée à 30 jours et qu'on a supprimé les effets à long terme de ce genre de mesure. Ce projet de loi stipule qu'on ne peut automatiquement rétrograder un militaire à un niveau pour lequel il devra se requalifier par la suite. La procédure est donc limitée à 30 jours de détention pendant lesquels l'individu touche une solde de simple soldat.

Cela s'explique par le fait que la détention se veut un instrument disciplinaire et pas une mesure pénale—autrement dit, elle a pour objet d'appliquer des mesures disciplinaires et pas des mesures au criminel. On peut donc dire, à cet égard, que beaucoup de choses ont changé au sein de l'institution militaire.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Axworthy.

M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci beaucoup. Excusez-moi d'être arrivé en retard. J'ai eu la possibilité de prendre connaissance du mémoire du ministre pendant qu'on lui posait des questions. Je profite de cette occasion pour le remercier pour la collaboration qu'il m'a apportée lors de ma prise de fonctions de porte-parole des questions de défense, fonctions que je viens tout juste d'assumer. Tous les ministres ne sont pas aussi coopératifs que lui.

À propos du projet de loi C-25, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'être frappé par l'ampleur des changements apportés. Il est bien sûr normal que les partis de l'opposition, et parfois même des députés d'arrière banc, soutiennent qu'il faut aller plus loin.

Je pense cependant qu'il y a deux ou trois questions à ce sujet auxquelles le ministre doit nous répondre d'une façon un peu différente de ce qu'il l'a fait plus tôt. C'est une chose que d'affirmer que le ministre et les forces armées n'ont pas accepté les recommandations de la Commission d'enquête sur la Somalie relativement à la création d'un bureau d'inspection générale indépendant, mais c'en est une autre que de donner les raisons de ce refus. Je comprends tout à fait que dans une organisation aussi hiérarchisée que celle-ci, toutes ces questions soient extrêmement difficiles.

Je vais vous poser une question dans un instant, mais laissez-moi vous donner tout de suite mon impression: je crois que les gens ne sont pas certains que les choses pourront changer tant que l'on ne soumettra pas tout le processus à un examen externe.

Ma seule expérience de l'armée se ramène à cinq années, pas toutes brillantes, passées dans les cadets. Là, j'ai vu qu'un supérieur peut vous ordonner de faire des choses absolument stupides, et même quand on lui fait remarquer que c'est stupide, il faut tout de même exécuter les ordres.

Ce n'est pas un milieu très créatif pour se préparer à un conflit ou à n'importe quel type de mission susceptible d'être confiée aux forces armées. Personnellement, je trouve qu'il y aurait lieu de dénoncer beaucoup plus de choses.

Je vais donc demander au ministre pourquoi on ne prévoit pas une plus grande indépendance? Pourquoi ne pas avoir prévu un processus qui soit plus clairement soumis à un examen extérieur? Si nous voulons vraiment aller au fond des problèmes soulevés—problèmes qui sont sans doute mineurs en regard de l'ensemble des opérations—, pourquoi ne pas avoir prévu de protéger ceux et celles qui veulent tirer la sonnette d'alarme?

M. Arthur Eggleton: Comme je l'ai dit plus tôt, j'estime personnellement que nous avons couvert tous ces aspects; nous avons prévu un examen externe, de bien d'autres façons; par exemple, grâce à l'ombudsman. Celui-ci sera un civil ne relevant pas de la hiérarchie militaire et qui me soumettra un rapport destiné à être publié, à être déposé à ce comité et à être déposé au Parlement.

Le Comité des griefs, à qui incombera une partie de la fonction examen qui revenait jusque là au ministre, se penchera aussi sur tout cela, de l'extérieur, hors de la hiérarchie militaire, puisqu'il s'agira encore une fois d'un bureau indépendant, externe, composé d'un personnel civil qui sera chargé de publier des rapports.

La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, elle aussi, publiera des rapports et effectuera des examens externes.

À l'interne, le JAG et le CEMD devront également faire rapport. On se trouvera donc à examiner de très près ce qui va se passer.

• 1625

Comme je le disais, tout cela vise à améliorer le système actuel. Si ça ne devait pas fonctionner, nous pourrions toujours combiner toutes ces mesures de façon différente ou avoir recours à d'autres mesures pour parvenir au résultat visé, mais personnellement je crois que cela va fonctionner. Je crois que cela va nous permettre d'effectuer les examens externes dont nous avons besoin et je crois aussi que nous allons prouver qu'il est possible d'y parvenir grâce aux rapports qui seront produits et en faisant en sorte que le système actuel soit plus ouvert et davantage transparent.

Pour ce qui est de ceux et de celles qui tirent la sonnette d'alarme, je dirais que le personnel militaire est tenu de respecter le code de discipline, d'attirer l'attention de leurs supérieurs sur les aspects risquant d'avoir un effet négatif sur leur unité et sur eux-mêmes. Il est nécessaire de prévoir cela à cause des répercussions négatives que certaines choses pourraient avoir sur le personnel. Les subalternes ont donc le devoir de rendre compte et ils ne risquent pas d'encourir des sanctions disciplinaires pour cela. Je le répète, cela relève du code de discipline.

M. Chris Axworthy: Merci. Vous vous rendez compte, j'en suis certain, que les principaux intéressés par cette décision ne seront pas convaincus par votre explication. Il s'en trouvera toujours certains, et à juste titre je crois, qui aimeraient voir un peu plus d'indépendance dans tout cela.

Je vais vous poser une question à ce sujet qui, je l'espère, est pertinente. Nous nous rappelons tous le cas du sergent Kipling qui avait refusé une vaccination contre la maladie du charbon. Un grand nombre de gens très sérieux considèrent que cette vaccination a notamment contribué au Syndrome de la guerre du golfe et, d'après ce que je crois savoir, elle n'a d'ailleurs pas été complètement autorisée par le ministère. C'est ainsi que ce militaire qui a refusé ce vaccin qu'on voulait lui imposer est maintenant menacé d'être traduit devant la cour martiale. Monsieur le ministre, qu'auriez-vous fait si vous aviez été à la place du sergent Kipling?

M. Arthur Eggleton: Eh bien, je peux vous dire que j'ai moi-même été vacciné contre la maladie du charbon parce que je me suis rendu au Koweit pour y visiter nos troupes; jusqu'ici, je n'ai pas eu d'effets secondaires.

Vous comprendrez, je pense, que je ne peux m'étendre sur cette cause parce qu'elle est encore devant la justice militaire. Elle n'a pas encore été réglée et il est même possible que des accusations soient portées. D'ailleurs, je ne sais pas moi-même si des accusations ont déjà été portées et si l'enquête se poursuit.

Col Allan Fenske: Des accusations ont été portées.

M. Arthur Eggleton: Effectivement! Comme des accusations ont été portées, le système de justice militaire est encore saisi de cette cause et il serait tout à fait inapproprié que je la commente.

M. Chris Axworthy: Disons que pour le grand public, cela est indicatif d'un certain malaise. Personnellement, je n'aimerais pas qu'on m'impose une vaccination alors que je ne me trouverais même pas dans une zone de combat; le militaire en question était simplement en route vers une telle zone. Quant à moi, j'estime que c'est le genre de décisions pour lesquelles les gens ont des raisons de s'inquiéter et je serais beaucoup plus à l'aise s'il existait une démarche indépendante permettant de protéger les droits de ceux et de celles qui ne sont pas d'accord avec de telles décisions.

J'ai cru comprendre qu'un deuxième soldat, lui aussi, a refusé de se faire vacciner. Je me demande qu'est-ce qu'on peut craindre de soumettre à un examen indépendant la façon dont on en vient à prendre ce genre de décisions de justice militaire?

M. Arthur Eggleton: Sans entrer dans le détail de la cause dont vous parlez, je vous répète que notre proposition prévoit, par exemple, la mise sur pied d'un ombudsman; il y aura aussi un comité des griefs et il existe déjà un chef du Service d'examen. Les gens ont donc la possibilité de déposer des griefs ou de se plaindre et de faire en sorte que les cas les intéressant soient examinés par un organisme indépendant de la hiérarchie militaire. Cette possibilité est donc déjà envisagée dans ce que nous proposons et dans les réformes que nous avons commencé à entreprendre.

M. Chris Axworthy: Il a donc été accusé.

M. Arthur Eggleton: Oui, mais je viens de vous dire que je ne peux pas entrer dans les détails. Ce dossier est encore sub judice, je ne peux le commenter et je pense que vous le comprendrez. Ce principe de réserve est essentiel dans notre système de justice, qu'il s'agisse de justice militaire ou de justice civile, surtout que pour l'instant, en attendant que ces modifications soient adoptées, je suis encore appelé à participer au système de justice militaire à cause de mes fonctions quasi-judiciaires. Je ne suis donc pas en mesure de commenter cette affaire. Il m'est très difficile de vous parler de ce sujet sans empiéter sur cet autre domaine de compétence.

• 1630

Je me dois de vous préciser, à propos du règlement des plaintes en général, qu'en marge de l'ombudsman et du Comité des griefs nous pouvons compter sur des médecins militaires très compétents qui examinent chaque circonstance afin de déterminer si les vaccinations sont dans le meilleur intérêt de nos soldats.

Je me rappelle qu'en Chambre, des députés se sont dits inquiets qu'on n'administre pas suffisamment vite les vaccins contre la maladie du charbon. On craignait alors que Saddam Hussein ne lance toutes ses armes chimiques ou biologiques et que nos soldats ne soient pas protégés en conséquence.

Nous avons donc veillé à protéger nos troupes comme le désiraient, je crois, la Chambre des communes et la population canadienne. Des 400 soldats que nous avons envoyés là-bas, un seul...

Vous dites qu'il y a eu un second cas, mais je n'en suis pas certain. Y a-t-il un second cas?

La plupart de nos militaires ont accepté de se faire vacciner pour être protégés. En revanche, comme je vous le disais, je ne peux commenter ce cas en particulier ni vous parler de la façon dont il sera réglé, parce qu'il est encore dans les mains de la justice militaire.

Le président: Merci.

Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Je ne vais pas vous parler de la maladie du charbon.

Tout d'abord, monsieur le président, je vous prierais de m'excuser pour mon retard, mais j'ai dû aller féliciter un athlète de ma circonscription qui revient des Jeux olympiques avec une médaille d'or et une médaille d'argent.

Vous savez, nous nous intéressons surtout aux lendemains de la Commission d'enquête sur la Somalie et du rapport qu'elle a déposé. Une grande partie du projet de loi C-25 découle d'ailleurs de tout cela. Comme vous avez vous-même parlé du rapport du juge Dickson, je vais vous rappeler ce qu'il a déclaré après avoir déposé son rapport, en novembre dernier. Il a estimé que quelque chose allait foncièrement de travers parce que la population avait l'impression que l'armée était incompétente et qu'elle était dirigée par une hiérarchie inepte, pour ne pas dire corrompue. C'est une déclaration assez forte dans le sillage du rapport qu'il a produit. Mais avant d'aller plus loin, dites-nous ce que vous pensez de cela.

M. Arthur Eggleton: Il est toujours facile de citer quelqu'un. Vous pourriez très bien me citer et je pourrais faire la même chose en ce qui vous concerne. Il est toujours très facile de citer les gens hors contexte.

Personnellement, je me rappelle le discours qu'a prononcé le juge en chef Dickson après voir reçu le Prix Vimy du Congrès des associations de la Défense. Il a louangé notre armée. Il a louangé également le système de justice militaire.

Il a bien déclaré qu'il fallait modifier certaines choses et c'est précisément ce que nous faisons par le truchement du projet de loi C-25. Dans son rapport, il dit tenir en très haute opinion le système de justice militaire.

Je crois qu'il faut resituer ces remarques dans le bon contexte. Par exemple, il a également parlé de ce que d'autres personnes ont déclaré et il serait intéressant de savoir ce qu'il a dit après la remarque que vous venez de mentionner...

M. David Price: J'allais y venir...

M. Arthur Eggleton: ... parce qu'il ne condamnait certainement pas ni le système de justice militaire, ni les officiers des Forces canadiennes.

M. David Price: Certes pas, mais il a affirmé qu'il y avait beaucoup de choses à améliorer.

M. Arthur Eggleton: Effectivement, et c'est pour cela que nous avons adopté ces recommandations.

M. David Price: Je vais enchaîner sur ce dont M. Wood parlait, à propos des procès militaires sommaires. Il y a une chose qui chatouille mon parti: selon la Défense nationale, aucune formation officielle n'a été prévue pour les commandants. Or, c'était l'une des grandes recommandations formulées par le juge en chef Dickson. Il était question de soumettre les officiers à un processus d'agrément avant qu'ils puissent tenir des procès sommaires. Il n'est pas question de ce genre de formation dans le projet de loi.

M. Arthur Eggleton: Cela ne relève pas d'une mesure législative, mais plutôt d'un règlement et de la façon dont on administrera la loi, mais rassurez-vous nous allons offrir ce genre de formation.

Tout à l'heure, l'amiral et le colonel nous ont expliqué qu'on avait déjà apporté des changements en matière de formation. Peut-être pourraient-ils nous en dire un peu plus long.

M. David Price: J'aimerais beaucoup entendre ce qu'ils ont à en dire.

• 1635

Col Allan Fenske: Merci, monsieur.

Comme vous le disiez, j'ai précisé un peu plus tôt que le groupe du juge en chef Dickson de même que la Commission d'enquête sur la Somalie ont mentionné les pouvoirs dont sont investis les commandants qui n'ont pas nécessairement reçu la formation voulue. C'est ainsi qu'ils ont recommandé que nous mettions sur pied un programme de formation. C'est ce que nous avons fait et je peux vous dire que nous avons beaucoup de travail actuellement parce que, comme vous pouvez l'imaginer, il est très difficile de recenser tous les gens occupant des postes dans lesquels ils seront susceptibles d'administrer ou de présider des procès sommaires, pour déterminer quel genre de programme de formation il faudra leur faire suivre. Nous sommes en train d'y travailler et nous espérons—c'est du moins l'objectif que nous nous sommes fixé—pouvoir mettre ce genre de programme en place d'ici l'automne de cette année. À partir de ce moment-là, nous soumettrons les personnes nommées dans des postes de commandement où elles seront susceptibles de présider à la tenue de procès sommaires, à des programmes réguliers de formation conduisant à un agrément.

M. David Price: Ce sera donc une structure officielle.

Col Allan Fenske: Oui, monsieur.

M. David Price: C'est fort bien! J'aurais aimé le savoir.

Par ailleurs, en préparation de ces audiences sur le projet de loi C-25, je me suis entretenu avec Peter Desbarats, qui a siégé à la Commission d'enquête sur la Somalie. Je voulais l'inviter à comparaître devant le comité et il a accepté. J'aimerais savoir ce que le ministre pense de cela. Est-ce que sa comparution vous gênerait?

M. Arthur Eggleton: Pourquoi donc? Est-ce que cela changerait-il quoi que ce soit?

M. David Price: Cela pourrait changer les choses. Pour nous, du moins, ça pourrait changer les choses.

M. Arthur Eggleton: Il va venir faire la promotion de son livre ou quoi?

J'estime que votre comité devrait faire tout ce qu'il juge nécessaire pour obtenir l'information qu'il désire relativement à l'étude du projet de loi C-25. Cela étant, la comparution ou la non-comparution de M. Desbarats me laisse froid et je ne peux que simplement vous inviter à faire ce que vous jugez nécessaire de faire.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, le projet de loi C-25 fait davantage suite aux travaux du Groupe consultatif dirigé par l'ex-juge en chef Dickson qu'aux travaux de la Commission d'enquête sur la Somalie.

M. David Price:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Arthur Eggleton: C'est vrai pour la plupart des choses, mais les deux commissions ont des avis très différents sur certains points.

M. David Price: Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

Le président: Il vous reste deux minutes.

M. David Price: En fait, voici une des recommandations de la Commission:

Il ne semble pas que cette recommandation n'a pas été reprise dans le projet de loi, bien que plusieurs auraient aimé l'y voir.

M. Arthur Eggleton: Je vous ai déjà répondu, tout à l'heure, à propos de ceux et de celles qui tirent la sonnette, et comme je vous l'ai précisé il est de leur devoir de respecter le droit militaire et le code de discipline en rendant compte de certaines circonstances, sans craindre de représailles.

Étant donné que nos propositions, que nous sommes en train de mettre en oeuvre, ont pour objet de rendre le système davantage transparent, notamment grâce à l'ombudsman et au Comité des griefs, je crois que les gens estimant ne pas avoir été traités équitablement auront amplement l'occasion de se plaindre auprès de ces organes qui ne relèvent pas de la hiérarchie militaire.

Le président: Merci, monsieur Price.

Nous allons passer à notre série de cinq minutes en commençant par M. Benoit, qui sera suivi de M. Pratt, puis de M. Hart.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): M. Hanger aimerait d'abord poser une rapide question.

Le président: Très bien, mais cela vous sera retiré de vos cinq minutes.

M. Leon Benoit: Mais non, nous avons dix minutes au second tour.

M. Art Hanger: Monsieur le ministre, ma question touche à la qualité de la vie et plus précisément à la pénurie de tenues adéquates pour les soldats envoyés en Bosnie.

En réponse à une question que mon collègue Leon Benoit vous a posée le 18 février à ce sujet, vous avez déclaré que nous ne savions pas ce dont nous parlions, que c'était de l'histoire ancienne et que le problème avait été réglé. Cela remonte donc au 18 février.

• 1640

Or, j'ai ici un document daté du 3 mars dans lequel on indique très clairement que ce problème n'a pas été réglé et qu'il n'y a pas de tenues pour le troisième groupe devant partir pour la Bosnie. On indique même, dans ce document, qu'il n'y aura pas de tenues de combat avant la fin de l'année.

À l'évidence, on dirait que les tentatives destinées à habiller nos soldats aient fait long feu. Envisagez-vous de transformer nos soldats envoyés en Bosnie en sans-culottes?

Des voix: Ah, ah!

M. Arthur Eggleton: Je persiste et signe dans ce que j'ai déclaré le 18 février dernier: vous ne savez pas ce dont vous parlez.

Des voix: Ah, ah!

M. Arthur Eggleton: Il n'est pas prévu que les gens rendent ni que nous remettions à d'autres des vêtements de dessous.

Il n'est pas ici question d'habillement général. Nous disposons effectivement des tenues de combat spécialisées, des vestes et du reste, qui sont nécessaires à des troupes déployées sur ce théâtre d'opération. Là où j'étais, par exemple, la semaine dernière, c'est-à-dire au Koweit, les soldats portent certains vêtements et d'autres effets spéciaux, qui sont nécessaires sur place et qu'ils n'ont pas forcément à ramener avec eux.

J'ai l'impression que vous faites la confusion entre...

M. Leon Benoit: Non.

M. Arthur Eggleton: ... les vêtements généraux et les tenues de combat. Cela étant posé, nous éprouvons effectivement quelques difficultés que nous essayons par ailleurs de régler. Mais je préfère inviter le vice-chef d'état-major à vous en parler davantage.

M. Art Hanger: Monsieur le ministre, peut-être pourrais-je vous remettre le document.

M. Arthur Eggleton: Vous pouvez me remettre tous les documents que vous voudrez, mais...

Le président: J'ai l'impression que nous sommes en train de nous écarter du sujet. Nous devrions parler du projet de loi C-25. Pourriez-vous vous en tenir à cela?

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Oui. Sans vouloir vous contredire, monsieur le ministre, nous avons entendu très clairement à Petawawa, comme à d'autres bases auparavant, que ces soldats n'ont pas les tenues de combat qui conviennent, des pieds à la tête, et ils s'en inquiètent. Ils s'en inquiètent beaucoup parce qu'ils partent en mission dans quelques mois. Vous le prenez peut-être à la légère, mais c'est un problème grave.

M. Arthur Eggleton: Non, je ne le prends pas à la légère, Monsieur le président. Voulez-vous que je réponde?

M. Leon Benoit: Maintenant, en ce qui concerne ce projet de loi, monsieur le ministre... En passant, bon après-midi, monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous accueillir parmi nous.

En ce qui concerne ce projet de loi, je ne suis pas du tout convaincu, comme l'était ou semblait l'être M. Axworthy, que ce projet de loi aura vraiment des conséquences notables. Prenons quelques exemples.

Premièrement, les soldats nous ont indiqué clairement, lorsque nous sommes allés dans les diverses bases et à Petawawa pas plus tard que cette semaine, qu'ils s'inquiètent d'un régime de justice à deux vitesses chez les militaires. Ils l'ont indiqué on ne peut plus clairement. Ce qui est arrivé au lieutenant-général Roy les dérange. Dans ce cas, il a volé 70 000 $ et il avait une carte d'appel qu'il utilisait pour...

M. Arthur Eggleton: L'argent a été rendu.

M. Leon Benoit: Ah bon, on peut voler si on rembourse.

M. Arthur Eggleton: Non, je n'ai pas dit cela, mais je vous ai dit qu'il a remboursé cette somme.

M. Leon Benoit: Fantastique. Comment l'a-t-il remboursée? À même son indemnité de départ? Comment a-t-il rendu cet argent?

M. Arthur Eggleton: Je ne saurais vous dire.

M. Leon Benoit: Vous ne le savez pas?

M. Arthur Eggleton: Je ne saurais vous dire. Je ne sais pas.

M. Leon Benoit: J'aimerais bien savoir comment cette somme a été remboursée.

M. Arthur Eggleton: Mais elle a été remboursée. Il s'est acquitté de sa dette. Cela n'excuse pas son geste, j'en conviens.

M. Leon Benoit: Certainement pas. Et pourquoi lui a-t-on permis de garder sa carte après qu'il a été renvoyé?

M. Arthur Eggleton: On fait enquête là-dessus?

M. Leon Benoit: On fait enquête?

M. Arthur Eggleton: Oui.

M. Leon Benoit: Vous n'avez pas de réponses. Vous voyez, cela démontre...

M. Arthur Eggleton: Non. La police fait enquête. Ne comprenez-vous pas? M. Hanger devrait comprendre. Lorsque la police mène une enquête, il est évidemment impossible de répondre tant que l'enquête n'est pas terminée. Mais tout cela finira par sortir au grand jour.

M. Leon Benoit: Mais ce qui est devenu très clair, monsieur le ministre, c'est que le ministère ne vous a pas tenu au courant de la situation, pour cette question et pour d'autres. Cela s'applique au lieutenant-général Roy, au colonel Vanier... et les soldats s'inquiètent aussi de cela.

On ne vous a pas informé, voyez-vous, et cela démontre clairement, à mon avis, l'importance d'un inspecteur général indépendant. Il ne s'agit pas simplement de protéger les contribuables et le public, mais de vous protéger, vous le ministre, lorsque le ministère vous cache des choses, comme il l'a fait clairement dans certains dossiers.

Je pense que si nous avions un inspecteur général indépendant, le ministre ne changerait pas tous les ans. Je suis désolé pour vous, monsieur le ministre, je suis désolé qu'on vous cache des choses. Je suis désolé pour les ministres qui vous ont précédé et qui ont perdu leur poste parce que leur ministère ne leur disait pas tout. Ce pense que c'est inexcusable. Je voudrais que vous m'expliquiez comment ces modifications législatives vous aideront à vous protéger et, ce qui est plus important en réalité, comment elles protégeront les contribuables du pays contre ce type de comportement, le vol de leur argent.

• 1645

M. Arthur Eggleton: Je ne crois pas qu'on me cache des choses et j'ai répondu pour chacun de ces dossiers. Je sais où ils en sont, mais je sais aussi que la justice poursuit son cours. Les enquêtes sont en cours, et vous savez très bien...

M. Leon Benoit: Vous pouvez peut-être m'expliquer...

M. Arthur Eggleton: ... que je ne peux faire de commentaires...

M. Leon Benoit: ... pour en revenir au projet de loi, monsieur le ministre, comment cette loi empêchera-t-elle des situations comme celles qui se sont produites avec le lieutenant-général Roy et le colonel Vanier? Si vous pouvez me donner une explication, faites-le très lentement pour que je puisse comprendre, étape par étape. Le pouvez-vous? Si vous pouvez me donner une explication claire, qui a du bon sens, alors je conviendrai avec vous que ce projet de loi jouera un rôle utile.

M. Arthur Eggleton: Il traitera les militaires avec justice et équité dans un système de justice militaire qui sera mis à jour et qui, dans bien des cas...

M. Leon Benoit: Des détails, monsieur le ministre. Indiquez-moi les étapes, comment...

Le président: Monsieur Benoit, pouvez-vous le laisser répondre, parce que votre temps est presque écoulé.

M. Leon Benoit: C'est pour cela que j'insiste pour obtenir une réponse, monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois.

M. Arthur Eggleton: Toutes les lois et les punitions qui les accompagnent exercent un effet de dissuasion. Dans le cas du système de justice militaire, un grand nombre de punitions sont beaucoup plus sévères que dans le système civil, simplement parce qu'il faut maintenir la discipline, le moral des troupes et...

M. Leon Benoit: Mais ma question, monsieur le ministre? J'ai droit à une réponse à cette question.

M. Arthur Eggleton: Je suis en train de répondre. Vous ne comprenez pas la réponse que je vous donne. Je suis désolé, je vais me résoudre à parler plus lentement.

Ce que je dis—je suis désolé, je ne voulais pas être irrévérencieux—c'est que ce système intervient lorsque quelqu'un ne se conforme pas aux règles. Premièrement, on espère qu'il exerce un effet de dissuasion et incite à respecter les règles. Pour la plupart des militaires, ce n'est pas un problème, parce qu'ils comprennent le système. Ils s'engagent dans les forces armées parce qu'ils veulent servir leur pays et bien le faire, alors ils respectent les règles.

Les cas de fraude dans les forces armées sont minimes par rapport à la taille des Forces et tout le bon travail qu'effectuent les militaires. Ne l'oublions pas.

Lorsque les soldats ne se conforment pas aux règles, le système est là pour veiller à ce qu'on prenne les mesures qui s'imposent, et le projet de loi vise à s'assurer que les mesures sont justes et équitables. C'est un système conforme aux valeurs canadiennes, qui tient compte de la Charte des droits et libertés et du système de justice civile du pays.

M. Leon Benoit: Monsieur le ministre...

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président. Je présume que nous aurons droit à la même indulgence que celle dont M. Benoit vient de profiter et que le président ne regardera pas trop sa montre.

Ma question, monsieur le ministre, touche à l'abolition de la peine de mort dans la Loi sur la défense nationale. C'est une mesure que j'appuie très fortement. D'après votre connaissance de la loi et de celles qui existent chez nos alliés, les États-Unis et le Royaume-Uni, par exemple, je me demande si nous sommes en harmonie avec ces pays en abolissant la peine de mort dans le système de justice militaire.

M. Arthur Eggleton: Je viens de poser la question au sujet de certains alliés. En règle générale, je dirais que nous sommes sur la même longueur d'ondes, mais ce n'est pas le cas pour tous. Il peut vous donner des précisions.

Col Allan Fenske: Je ne peux pas vous citer toutes les références ici, mais nous les avons toutes.

Essentiellement, les États-Unis imposent encore la peine de mort, mais un grand nombre d'alliés de l'OTAN et des pays du G7 avec lesquels nous sommes alignés, ont aboli la peine de mort dans leur système de justice pénale. Je pense qu'on peut affirmer qu'en général en abolissant la peine de mort, nous nous joindrons à une vaste majorité et une majorité croissante de pays de même mentalité que nous.

M. Arthur Eggleton: J'ajouterais que nous n'avons jamais imposé la peine de mort en vertu de la disposition de la Loi sur la défense nationale à cet effet qui a été adoptée il y a 50 ans. La dernière fois que la peine de mort a été imposée, c'était durant la Deuxième Guerre mondiale, et ce n'est arrivé qu'une fois. Elle a été imposée dans un nombre assez important de cas durant la Première Guerre mondiale, mais nous estimons qu'elle n'est pas nécessaire dans le système de justice militaire. Elle remplacerait l'emprisonnement à vie dans certains cas très graves si elle était imposée, mais encore une fois, nous pensons que nous nous alignons ainsi sur le système civil—la peine de mort a été abolie en 1976—et il conviendrait de prendre cette mesure actuellement.

• 1650

M. David Pratt: L'autre question que je veux vous poser touche aux erreurs judiciaires. Depuis quelques années, nous avons vu des erreurs assez importantes, des condamnations injustifiées et dans certains cas, des personnes qui ont croupi en prison parce que le système judiciaire les a laissé tomber.

Je me demande si vous appréhendez la perte de certains des pouvoirs dont vous jouissez actuellement en vertu de la loi et qui permettent une intervention ministérielle en cas d'erreur judiciaire, lorsque de nouvelles preuves devraient provoquer une réévaluation très rapide ou d'autres types de mesures judiciaires qui accéléreraient le processus. Craignez-vous que le processus qui sera mis en place ne soit pas aussi souple que le pouvoir discrétionnaire du ministre dans ce genre de circonstances?

M. Arthur Eggleton: Je crois que le processus offrira la souplesse et les mesures de protection dont nous avons besoin. Il n'y a pas de système parfait. Le système civil et certains cas d'injustice que nous avons constatés dans le système de justice de notre pays en témoignent. Je ne prétends pas que le système militaire sera plus parfait que le système civil et je ne crois pas non plus qu'il sera plus difficile de régler les problèmes comme il convient. Mais je ne vois aucune objection à ne jouer aucun rôle dans ce système.

J'aimerais que le colonel Fenske explique un peu comment ce système contribue à nous assurer que, dans la mesure du possible, étant donné que la perfection n'est pas de ce monde, justice est rendue par des appels et d'autres recours qui permettent un examen des nouveaux renseignements ou de tout autre nouvel élément de preuve.

Col Allan Fenske: Merci, monsieur le ministre. Je ne ferai qu'une ou deux brèves observations.

Premièrement, il y a un système d'appel complet, mais il n'est pas très connu. Nous avons des tribunaux militaires spécialisés de première instance. Les appels à partir de ce niveau sont portés à la Cour d'appel de la cour martiale, formée de juges fédéraux du système civil. On peut aussi inclure des juges des cours supérieures du pays. Le processus d'appel va jusqu'à la Cour suprême du Canada. L'accès à la Cour suprême est peut-être un peu plus libéral que dans le régime de justice pénale civile, mais c'est une question d'opinion.

Deuxièmement, même si ce projet de loi réduit nettement la capacité du ministre et des autorités militaires de réviser les verdicts de la cour martiale et de régler administrativement ces questions, il maintient encore, par exemple, le droit de demander une révision lorsque de nouvelles preuves sont découvertes. Vous trouverez l'article 249.16 proposé une disposition qui constitue une sorte de mélange entre la disposition actuelle et ce qui est prévu dans le système de justice pénal canadien. Alors, je crois que le projet de loi prévoit le genre de recours auxquels vous vous attendez.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Pratt. Monsieur Hart.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci beaucoup. C'est agréable de vous revoir, monsieur le ministre, amiral Garnett et colonel Fenske. Nous sommes ravis de vous accueillir.

Si c'est acceptable, j'aimerais vous poser quelques questions. J'en ai trois ou quatre. Je vais les poser en même temps et vous pourrez ensuite y répondre.

Premièrement, j'aimerais revenir à la déclaration du ministre. Je sais que vous nous avez donné une indication des questions qui ont été soulevées en deuxième lecture et qui nous préoccupaient, mais je dois vous avouer que je ne suis pas encore convaincu, monsieur le ministre.

Je fais remarquer également que, même si vous affirmez que 83 p. 100 des recommandations de la Commission d'enquête sur la Somalie ont été prises en considération dans le projet de loi C-25, le gouvernement a mis fin à cette enquête avant que les travaux ne soient terminés. Le mandat que vous avez donné à la Commission n'a pas été réalisé en entier, par conséquent, vous êtes bien généreux quand vous parlez de 83 p. 100.

Le projet de loi C-25 est un projet de loi très important. Il faisait cruellement défaut, alors je vous félicite pour ce que vous tentez de faire. Mais je pense encore que ce projet de loi soulève peut-être des problèmes constitutionnels et je demanderais au ministre s'il a songé à en saisir la Cour suprême du Canada avant de le déposer à la Chambre.

• 1655

Je pose la question parce qu'il est arrivé très souvent que des projets de loi du gouvernement finissent par être contestés à la Cour suprême, qui renverse une décision des instances inférieures. Je me demande s'il y a une possibilité d'en tenir compte.

Personne ne met en doute, je crois, la nécessité d'obéir aux ordres légitimes. C'est au coeur d'une organisation militaire efficace. Aucun historien au pays ne contestera la nécessité d'une discipline sans faille dans le contexte militaire. Donc, c'est très important.

Je pense que l'autre aspect est le fait que le personnel militaire subalterne des Forces armées canadiennes doit aussi avoir confiance dans la justice militaire et je crois que cette confiance fait défaut. Elle fait défaut depuis plusieurs années, et je ne suis pas convaincu que le projet de loi C-25 corrigera la situation.

J'aimerais maintenant passer aux articles 9 et 10 du projet de loi. Le paragraphe 9(1) du projet de loi stipule que le gouverneur en conseil nomme un officier pour remplir les fonctions de juge-avocat général. Si cette disposition est adoptée, aucun avocat civil ne pourra être nommé à ce poste.

J'aimerais poser la question suivante au ministre. Étant donné la récente recommandation de la Commission d'enquête sur la Somalie de remplacer le JAG par une institution indépendante qui jouerait un rôle judiciaire et consultatif distinct, pourquoi n'a-t-il pas tenu compte de cette recommandation et écarté la possibilité qu'un juriste civil puisse être nommé JAG?

Deuxièmement, l'article 9.1 proposé élargit les fonctions du conseiller juridique du JAG pour inclure le gouverneur général. Cela me paraît des plus curieux. Nous savons tous que le gouverneur général est le commandant en chef des Forces canadiennes, mais il ne joue pas vraiment un rôle administratif dans les opérations des Forces canadiennes. En réalité, la prestation de conseils juridiques par un avocat militaire à un chef d'État dans une démocratie est inhabituelle, voire bizarre, à mon avis, et contraire à nos traditions constitutionnelles. Pourquoi le gouverneur général a-t-il été inclus, vu qu'il ne joue aucun rôle réel dans le processus décisionnaire des Forces canadiennes?

Ma dernière question—selon le temps qui restera, je pourrais continuer pendant encore un moment—touche à l'article 9.4 proposé, qui stipule que le JAG détient au moins le grade de brigadier-général.

Monsieur le ministre, je m'interroge sur la sagesse de cette disposition. Vu le déclin des effectifs des Forces canadiennes, pourquoi diable faudrait-il que le juge-avocat général détienne un grade supérieur à celui de colonel? Cela m'inquiète et je ne pense pas que nous ayons besoin d'un général à ce poste.

En terminant, pour quelqu'un qui, comme moi, a dix ans d'expérience militaire—ce n'est pas beaucoup mais j'en suis fier—j'aimerais avoir l'assurance du gouvernement que nous ne verrons pas se produire à nouveau ce à quoi la Cour d'appel a fait allusion quand elle a renversé le verdict dans l'affaire relative au commander Marsaw. Dans son arrêt qui rejetait la condamnation, la Cour d'appel a fait six observations.

La première était qu'il existait un préjugé en ce qui concerne la composition de la cour martiale et les avocats de la poursuite et de la défense, qui provenaient tous du cabinet du JAG.

Deuxièmement, des preuves de moralité et des ouï-dire ont été acceptés, ce qui est contraire à la common law.

Troisièmement, un contre-interrogatoire abusif du lieutenant-commander Marsaw par le procureur a été permis.

Quatrièmement, des insultes et des questions irrégulières du procureur ont été permises.

Cinquièmement, la plaidoirie du procureur était susceptible d'influencer indûment le jury et irrégulière.

Sixièmement, le juge présidant n'a pas indiqué au tribunal de ne pas tenir compte de ces remarques.

Cela en dit long sur le processus d'appel dans le système de justice militaire et j'aimerais avoir l'assurance du ministre que cela ne se reproduira plus jamais.

Le président: Monsieur le ministre, vous avez environ une minute pour répondre.

M. Arthur Eggleton: Oh, mon Dieu.

Premièrement, en réponse à cette question, vous essayez probablement de faire valoir que vous n'êtes pas convaincu par la proposition relative à l'inspecteur général, même si vous ne l'avez pas indiqué clairement. Je fais remarquer qu'un examen des modifications que nous proposons maintenant est prévu dans cinq ans. Alors je pense que ce que nous proposerons fonctionnera, que les buts et les objectifs seront atteints, mais un examen dans cinq ans nous donnera certainement la possibilité de le confirmer.

• 1700

Je reviens à votre question sur l'aval constitutionnel. Les modifications reposent sur une vaste expérience pratique, aussi bien dans les tribunaux civils que dans les tribunaux militaires, et nous n'avons pas vraiment d'hésitation à les proposer. Comme je l'ai déjà indiqué, la pertinence d'une justice militaire distincte est une question qui a déjà été posée à la Cour suprême et une décision a été rendue en 1992, de sorte qu'il y a, selon moi, de nombreux précédents nous permettent de faire ces propositions.

Je conviens avec vous que la confiance dans le système est importante. Cette confiance est nécessaire non seulement pour les modifications, mais aussi pour l'application du système et je pense que le temps prouvera que ce système sera équitable.

Vous avez indiqué que la Commission d'enquête sur la Somalie ne recommandait pas le maintien du JAG. Là encore, je rappelle ce qu'a fait le comité consultatif spécial dirigé par un ancien juge. Dans la plupart des pays, chez nos alliés, une longue tradition veut qu'il existe ce qu'on appelle le juge-avocat général, et même si nous donnons suite en grande partie aux recommandations de la Commission d'enquête sur la Somalie en ce qui concerne la séparation et l'indépendance, nous avons maintenu le titre de JAG.

Quant au gouverneur général, il est effectivement commandant en chef mais il exerce ses fonctions par l'entremise du gouverneur en conseil, ce qui signifie notamment le Cabinet et le ministre de la Défense nationale. Pourquoi le rang de brigadier-général? Eh bien, le JAG doit pouvoir conseiller le ministre directement, le chef d'état-major de la défense, le sous-ministre. Nous pensons qu'il devrait s'agir d'un haut gradé, pour montrer l'importance du poste. J'ajouterais que le rang n'est pas lié à la chaîne de commandement. Il est établi par le Parlement, par le poste qui serait créé par suite de cette modification. Cette disposition me paraît donc justifiée.

Toutes les critiques que vous citez dans l'affaire Marsaw... On peut citer tellement de choses. C'est pour cela que les causes sont portées en appel, aussi bien dans le système de justice militaire que dans celui de la justice civile. Ces critiques sont parfois une question d'opinion, elles sont parfois fondées, mais peu importe, et elles sont citées dans de nombreuses causes, jour après jour, année après année, dans notre pays. Il faut les prendre au sérieux, c'est évident, et nous les prenons au sérieux. Des changements sont apportés pour en tenir compte. C'est pour cette raison que nous avons un système d'appel. De toute évidence, les cours d'appel ne sont pas d'accord avec certaines décisions rendues en première instance.

Dans l'affaire Marsaw, on est parvenu à un règlement qui satisfaisait les Forces canadiennes et le ministère ainsi que M. Marsaw.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: Monsieur le ministre, est-ce que vous avez l'intention d'adopter un code de procédure pénale à la suite des modifications que propose le projet de loi C-25?

Col Allan Fenske: Les procédures qui s'appliquent aux tribunaux de service ou aux tribunaux militaires sont décrites dans la loi, y compris dans les règlements qu'on a rédigés à la suite de l'article 12 de la loi. Ainsi, dans les Queen's Regulations and Orders, vous retrouverez toutes les procédures pour les cours martiales et les procès sommaires.

M. Ghislain Lebel: Par exemple, y retrouve-t-on les procédures relatives à l'admission d'une preuve, au ouï-dire, etc.?

Col Allan Fenske: Oui. Un article de la loi prévoit nous donner le pouvoir de faire des règlements de preuve. Il y a des règlements de preuve militaire qui sont publiés et qui s'appliquent à toutes les cours martiales.

• 1705

M. Ghislain Lebel: On voit qu'il y a une cour d'appel martiale, mais on ne semble pas évoquer la question d'une renvoi à la Cour suprême du Canada. Est-ce que ce serait le cheminement?

Col Allan Fenske: Le projet de loi C-25 ne traite pas vraiment de la question de la Cour d'appel des cours martiales, ni de la Cour suprême. On ne propose en effet pas beaucoup de changements aux articles qui s'appliquent aux appels. Certains articles de la loi traitent du droit d'appel à la Cour d'appel des cours martiales et à la Cour suprême. Tout est là, et les deux cours, évidemment, établissent elles-mêmes leurs propres règles et procédures.

M. Ghislain Lebel: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Richardson.

[Traduction]

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci, Monsieur le président.

J'aimerais revenir sur un sujet abordé par le colonel Fenske, afin d'aider le comité à comprendre le programme de préparation des membres qui siègent au sein de comités, c'est-à-dire ceux qui rendront des décisions et ceux qui appuient les comités.

Pouvez-vous nous donner des explications? Cette formation sera-t-elle intégrée à la formation des officiers, depuis les cadets jusqu'aux lieutenants-colonels, au Collège d'état-major des Forces canadiennes, par exemple? S'agira-t-il d'un aspect qui fera partie intégrante de cette formation ou d'une formation ponctuelle?

Col Allan Fenske: C'est très compliqué, monsieur, parce que, selon nos procédures, il y a des procès sommaires que peuvent juger des commandants supérieurs qui sont des officiers supérieurs, généralement des officiers du rang de général ou encore certains colonels désignés pour remplir certaines fonctions particulières.

Deuxièmement, il y a des procès sommaires jugés par des commandants. Troisièmement, il y a des procès sommaires jugés par des officiers de rang inférieur au sein d'une unité et à qui des pouvoirs ont été délégués à cet effet.

Il y a donc un régime à trois échelons et donc une grande diversité en ce qui concerne le rang des officiers qui recevraient ces pouvoirs et cette formation.

La meilleure réponse que je peux vous donner, à brûle-pourpoint, c'est qu'il est prévu qu'aucun officier ne pourra assumer une fonction de commandement où sera appelé à juger des procès sommaires—ce pourrait être, par exemple, un commandant adjoint d'un bataillon d'infanterie ou un commandant—sans avoir d'abord reçu une formation.

Les détails de cette formation ne sont pas encore connus, mais en gros, il s'agira probablement d'un programme intensif de deux jours au cours duquel les officiers étudieront les procédures et la théorie et subiront un examen quelconque à la fin.

Vam Gary Garnett: Permettez-moi d'apporter d'autres précisions.

Le président: Oui, vice-amiral Garnett.

Vam Gary Garnett: Je pense que la question de M. Richardson portait sur ce qu'on pourrait appeler le facteur expérience. Je peux peut-être vous décrire un peu la formation dans la marine, que je connais un peu mieux que les deux autres forces. Mais il est évident que pour un cadet de la marine affecté au HMCS Venture, l'un des cours dans le cadre de la formation de base des cadets touche aux procès sommaires.

Dès sa première affectation à bord d'un navire, un officier subalterne exerce des fonctions d'officier divisionnaire. Il doit observer les procès sommaires jugés par un commandant ou l'officier délégué, et exercer les fonctions ce que qu'on appelle un officier adjoint ou un adjoint à un officier adjoint.

Au palier suivant, celui de sous-officier d'un navire après avoir reçu une formation plus poussée à terre, on devient d'abord officier divisionnaire chargé notamment d'aider les membres de sa division dans ce système de justice au niveau le plus bas.

Quand on devient officier divisionnaire, on a acquis au moins dix ans d'expérience et deux ou trois paliers de formation, si vous voulez, grâce à l'expérience ainsi acquise.

• 1710

Ce que nous ajoutons, c'est une espèce de formation officielle en plus du facteur expérience pour ceux qui doivent rendre une décision dans un procès sommaire. Il y a donc à la fois une vaste expérience et un processus de formation officiel par suite du rapport Dickson et du rapport du ministre Young au premier ministre.

M. John Richardson: Merci beaucoup.

Dans la même veine, l'une des questions qui soulèvent des inquiétudes, aussi bien dans les programmes de justice civile que dans ceux qui se rapportent aux tribunaux militaires, est qu'il devrait exister des lignes directrices concernant les peines à imposer aux auteurs d'actes criminels. On fixerait aussi les peines minimales et maximales et les juges pourraient imposer des peines à l'intérieur de ces limites. Cela permettrait d'éviter des peines trop légères ou trop sévères. Il y aurait une espèce d'uniformisation qui ferait que les actes criminels semblables donneraient lieu à des peines semblables—à moins que des circonstances atténuantes n'entrent en jeu pour justifier qu'on sorte des limites établies.

Vam Gary Garnett: Je suis convaincu que le colonel Fenske aimerait vous répondre du point de vue du droit, mais du point de vue du leadership, l'un des principaux changements apportés au processus de la cour martiale par le projet de loi C-25 est que la cour martiale ne détermine plus la peine. C'est le juge-avocat qui détermine la peine. Et cela répond peut-être...

M. John Richardson: Les peines seraient donc plus uniformes parce qu'elles seraient déterminées par la même personne.

Vam Gary Garnett: Ou alors, dans le système des procès sommaires, elles sont toutes révisées par le niveau supérieur—et je ne prétends pas que le commandement exercerait une influence, mais évidemment, cette visibilité accrue aurait tendance à dissiper vos craintes.

Le colonel Fenske me dira peut-être que je viens de me mettre les pieds dans les plats.

Col Allan Fenske: Non, pas du tout, monsieur. Le manque d'uniformité des peines est certainement l'un des facteurs en faveur de la détermination des peines au niveau judiciaire. Quand on procède ainsi, ceux qui déterminent les peines le font plus souvent et j'ajouterais que, contrairement à ce qui se passe actuellement, ils doivent justifier leurs décisions. Les comités n'ont pas à se justifier. Il est donc un peu plus difficile d'interjeter appel, de s'attaquer aux problèmes de fond et d'appliquer à des cas individuels la jurisprudence et l'orientation que vous avez évoquées.

Le président: Merci.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je le répète, nous sommes allés d'une base à l'autre et nous avons entendu le même son de cloche partout. J'ai reçu des appels de membres des Forces qui exprimaient leur inquiétude. Ils sont absolument convaincus qu'il y a actuellement un système de justice à deux vitesses. Je vous demande simplement de m'expliquer comment le nouveau système empêchera ce genre de situations—et vous n'en signalez aucune en particulier—un deuxième lieutenant-général Roy ou un deuxième colonel Vanier.

Monsieur le ministre, comme vous l'avez indiqué au début de votre déclaration, ce sont les employés du ministère qui ont rédigé ce projet de loi et si vous ne pouvez pas expliquer comment ce projet de loi permettra d'éviter que ce genre de situation se reproduise, j'apprécierais que vos fonctionnaires me donnent une explication.

M. Arthur Eggleton: Ce qu'on a mentionné il y a un instant en est un exemple et je conviens avec vous que nous ne voulons pas d'un système qui est perçu comme un système à deux vitesses ou qui fonctionne à deux vitesses. Nous voulons que tout le monde soit traité avec justice et équité, et je crois que c'est ce qui arrivera dans ce système. Je crois aussi que les modifications le renforceront.

Ainsi, nous avons expliqué il y a un instant que les peines en cour martiale seront déterminées non pas par la cour mais par le juge militaire. Cette façon de procéder permettra—pour répondre à une question posée par un collègue—d'uniformiser davantage les principes de la détermination des peines et c'est ce que veulent les militaires. Ils veulent des mécanismes qui permettront de croire que la détermination des peines est impartiale. Nous pensons pouvoir y parvenir par cette modification.

• 1715

M. Leon Benoit: Mais comment cela empêchera-t-il une situation comme celle du lieutenant-général Roy?

M. Arthur Eggleton: Vous m'avez dit que vous ne vouliez pas parler de cas particuliers.

M. Leon Benoit: Vous pouvez prendre un autre exemple. J'aimerais bien entendre ce que vous en pensez.

M. Arthur Eggleton: Non, comme je l'ai déjà indiqué, il ne sert à rien de disséquer le passé. Il y a toujours une foule de renseignements concernant chaque cas. Si vous voulez disséquer un cas, alors vous devez nous présenter tous les fait pour que nous puissions comprendre les motifs de la décision rendue.

Je vous parle ici d'un système qui, grâce à ces améliorations, grâce à cette modernisation, servira mieux les militaires de nos forces armées.

M. Leon Benoit: J'ai l'impression que vous ne m'avez donné aucune explication à ce sujet aujourd'hui.

Ces messieurs pourraient peut-être...

M. Arthur Eggleton: Je ne vois pas ce que nous pouvons ajouter. Nous essayons de vous aider.

M. Leon Benoit: Franchement, si le projet de loi ne va pas plus loin que cela...

M. Arthur Eggleton: Oh, non...

M. Leon Benoit: ... et s'il n'ira pas plus loin que cela pour empêcher des incidents et régler ensuite les incidents comme ceux que je vous ai indiqués, alors pourquoi perdons-nous notre temps?

M. Arthur Eggleton: Je le répète, ces modifications apportent des améliorations. Elles apportent des améliorations administratives et réglementaires à la justice militaire. C'est l'objectif que nous visons.

Col Allan Fenske: Je ne peux pas parler de cas particuliers, mais je peux vous parler d'une approche systémique afin qu'il n'y ait pas deux poids deux mesures. En justice pénale, que ce soit dans le système civil ou dans le système militaire, il y a toujours des gens qui ne sont pas d'accord avec une décision en particulier, mais je crois qu'il faut s'assurer que le système est le plus transparent possible, afin d'éviter le plus grand nombre de conflits possible et que celui qui conduit une instance, par exemple, est celui qui prend la décision ultime.

Le projet de loi apporte donc plusieurs améliorations. Elles semblent un peu dispersées, mais elles forment un tout cohérent.

Premièrement, un commandant...

Le président: Colonel, puis-je vous interrompre une minute?

Je sais que vous devez quitter, monsieur le ministre, pour assister à une autre réunion. Je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner.

M. Arthur Eggleton: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Colonel Fenske.

Col Allan Fenske: Monsieur Benoit, si vous regardez du début à la fin, vous constaterez que plusieurs modifications sont apportées au processus pour qu'il y ait dans ce processus des sphères—si vous me permettez cette analogie ou cette métaphore—qui se heurtent sans se substituer l'une à l'autre. C'est lorsqu'elles se heurtent qu'elles sont censées donner les bons résultats.

M. Leon Benoit: Dans cette veine, qui est responsable de la poursuite, au bout du compte? Qui est responsable de la défense dans le nouveau régime proposé?

Col Allan Fenske: J'y venais, monsieur Benoit. Permettez-moi de retourner en arrière pour donner quelques explications.

Premièrement, un commandant a encore le pouvoir de rendre une ordonnance de non-lieu et il exerce encore un contrôle important sur l'enquête relative à une accusation. Il en a évidemment été question dans le rapport Dickson et à la Commission d'enquête sur la Somalie. Les nouvelles modifications réduisent la compétence du commandant. Voilà la première précision.

Deuxièmement, on établit un service national d'enquête. Je dis que les nouveaux amendements établissent ce service, mais en réalité, ils confirment ce qui existe déjà.

M. Leon Benoit: À qui ce service national d'enquête doit-il rendre des comptes?

Col Allan Fenske: Au capitaine de la gendarmerie militaire des Forces canadiennes, qui relève directement du vice-chef d'état-major de la défense, ici présent, et qui voudra peut-être intervenir.

M. Leon Benoit: À qui le procureur devra-t-il rendre des comptes, finalement?

Col Allan Fenske: Le procureur rend des comptes au JAG et au ministre.

M. Leon Benoit: Et l'avocat de la défense?

• 1720

Col Allan Fenske: L'avocat de la défense rend des comptes à son client, en réalité.

Le projet de loi crée le poste d'avocat de la défense afin que ce dernier ne reçoive que des instructions générales du JAG. Il travaille au sein du JAG mais dans un cadre semblable aux programmes provinciaux et fédéraux d'aide juridique. Cet avocat ne reçoit jamais d'instructions spécifiques. La relation entre l'avocat et le client n'est jamais interrompue.

M. Leon Benoit: Le 3 février 1997, lorsqu'il a comparu devant le Comité consultatif spécial de la défense, le juge-avocat général actuel, le brigadier-général Pitzul, a recommandé que le procureur général puisse intervenir directement dans la poursuite lorsqu'il a raison de croire que le bureau du JAG ne s'en occupe pas correctement.

Vous voyez, cela sépare jusqu'à un certain point—dans une mesure raisonnable, je crois—le pouvoir ultime exercé sur le procureur et l'avocat de la défense, et c'est quelque chose qui fait défaut dans le projet de loi.

L'autre aspect est que... vous avez déclaré que vous voulez l'indépendance. Vous avez fait cette observation lorsque vous avez commencé à répondre à ma question. Mais si vous voulez l'indépendance, un inspecteur général indépendant est la seule solution possible.

Col Allan Fenske: Monsieur, je ne suis pas ici pour me disputer avec vous. J'aurais été ravi de vous expliquer ce que nous essayons de mettre sur pied et pourquoi, mais je ne peux discuter de l'inspecteur général.

M. Leon Benoit: D'accord, mais même du point de vue de l'indépendance et compte tenu du fait que le procureur et l'avocat de la défense relèveront en fin de compte de personnes différentes, comme l'a proposé le juge-avocat général actuel... Le procureur devrait relever du procureur général. Cela donne une certaine indépendance. Cela permet de séparer les deux fonctions et, franchement, je pense qu'il en résulte un système de justice permettant davantage d'avoir confiance qu'il ne s'agit pas d'un système à deux vitesses.

Col Allan Fenske: Je dirais simplement que ces modifications visent à ce qu'il n'y ait pas ce que vous ne cessez d'appeler un système à deux vitesses. La Loi sur la défense nationale actuelle ne dit pas qu'il faut traiter les officiers différemment.

M. Leon Benoit: Non, mais cela arrive souvent.

Col Allan Fenske: C'est une question d'administration, et plusieurs mesures que j'allais vous indiquer ont été prises pour que l'administration fasse l'objet d'un plus grand contrôle et soit plus structurée.

Avant la mise sur pied du service national d'enquête, les commandants opérationnels et les commandants exerçaient un grand contrôle sur les priorités des enquêtes sur les affaires graves ainsi que sur les ressources consacrées à ces enquêtes. C'était naturel à l'époque, mais nous avons constaté que ce n'allait pas sans causer des problèmes.

Par suite du rapport du juge Dickson, nous avons apporté quelques changements. Nous avons éloigné le service national d'enquête de la chaîne de commandement opérationnel. Autrement dit, si vous êtes à Halifax, par exemple, le commandeur local ne contrôle pas le service d'enquête national.

Je suis convaincu que le vice-chef d'état-major de la défense serait ravi de vous donner des précisions sur le cadre de responsabilité qui a été établi entre lui-même et le capitaine de la gendarmerie militaire. Nous avons mis le service d'enquête à l'écart et établi un lien hiérarchique direct avec l'échelon le plus élevé, au-dessus des commandants opérationnels.

M. Leon Benoit: C'est ce que je disais. En vertu de ces nouvelles dispositions, le vice-chef est responsable de la poursuite. Est-ce que...?

Col Allan Fenske: Non

M. Leon Benoit: Non, excusez-moi. J'aurais intérêt à m'assurer que tout est clair.

Dans le régime proposé, il y a une certaine séparation en ce qui concerne la défense, mais au bout du compte, le cabinet du JAG, l'avocat de la défense et le procureur...

• 1725

Col Allan Fenske: Je pense qu'on peut affirmer que le projet de loi crée une fonction d'enquête séparée, sans chevauchement, qui relève au bout du compte du vice-chef d'état-major de la défense. Il y a une fonction de poursuite séparée, qui relève directement d'un directeur des poursuites militaires. Ce directeur est un officier indépendant, qui aura un mandat et qui ne pourra être révoqué que par une commission d'enquête et à condition que la révocation soit motivée.

M. Leon Benoit: Un officier indépendant de quel rang?

Col Allan Fenske: Le rang n'est pas précisé...

M. Leon Benoit: Ah bon, il n'est pas précisé. D'accord.

Col Allan Fenske: ... mais cet officier exerce ses fonctions sous la supervision générale du JAG. Le JAG peut lui donner des instructions générales ou spécifiques. Il importe de le souligner.

Puis-je terminer? Ce ne sera pas long.

Le président: Oui.

Col Allan Fenske: En vertu du projet de loi, le directeur des poursuites militaires doit rendre ces instructions accessibles au public, sauf lorsqu'il estime, dans le cas des instructions spécifiques, que cela pourrait nuire à l'administration de la justice. Autrement dit, la décision quant à ce qu'il faut faire des instructions incombe à la personne qui conduit l'instance. Nous pensons avoir créé ainsi des tampons importants et des sphères distinctes.

M. Leon Benoit: C'est l'argument que j'allais invoquer au sujet de la séparation de ces responsabilités. Il y a un petit groupe de personnes aux échelons les plus élevés de la hiérarchie militaire. Toutes celles que vous venez de mentionner—les procureurs, les enquêteurs, les avocats de la défense—feront partie de ce petit groupe de personnes qui se connaissent très bien. Pour ce qui est des impressions, cela pose certainement des difficultés chez les militaires qui ne croient tout simplement pas qu'un haut gradé faisant partie de ce groupe sera traité de la même façon qu'un officier subalterne. C'est ce que j'essayais de faire valoir. J'aimerais que vous m'expliquiez comment les changements apportés vont vraiment améliorer la situation.

Col Allan Fenske: Nous vous avons donné la réponse sur le fond. En principe, les fonctions sont séparées, et des mesures de rendement réelles sont prévues dans la loi. Vous pouvez les voir dans le projet de loi. Voilà ma première réponse.

Vous avez indiqué que tout le monde se connaît. Personne n'est obligé de demander à un avocat militaire de le défendre. Je dirais que, dans mon cas, quand je faisais mon stage et que je travaillais en Nouvelle-Écosse, je connaissais tout le monde. Tout le monde me connaissait. Je ne suis pas convaincu que cela nous mène bien loin, monsieur.

J'espère que c'est une réponse complète, mais je me demande si le vice-amiral souhaite ajouter quelque chose. On dirait que non.

[Français]

Le président: D'accord.

Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: Colonel, dans les procès civils, le procureur de la Couronne est complètement indépendant de la poursuite, du juge et du bureau d'avocats de la poursuite. Dans l'appareil militaire, ce sont tous des amis, tous des chums. Comment l'accusé peut-il se sentir en sécurité lorsque son défenseur n'a pas plus d'intérêt à gagner qu'à perdre? Il est dans son même environnement d'amis et de chums; ils vont au mess des officiers ensemble le soir et prennent un petit verre. Ce sont des chums. Comment l'accusé se sent-il? Ce principe fondamental de notre justice civile, qu'on retrouve au moins au pénal au Canada, n'existe-t-il pas dans l'armée?

Col Allan Fenske: Je dirai premièrement que tout le monde n'est pas chum. Deuxièmement, en cour, tout particulièrement, tout le monde n'est pas chum. Troisièmement, dans n'importe quel ville au Canada, vous trouverez des avocats de la défense et des avocats de la poursuite qui se connaissent très bien.

M. Ghislain Lebel: Oui, mais au bout, ils ne partagent pas la facture.

Col Allan Fenske: J'en conviens, mais on ne partage pas la facture non plus.

M. Ghislain Lebel: Eh bien, on n'a pas intérêt à gagner. L'avocat de la défense n'est pas payé par l'accusé, mais par l'armée.

Col Allan Fenske: Il est payé par l'armée et...

M. Ghislain Lebel: Tout comme l'avocat de la poursuite qui est, lui aussi, payé par l'armée. On n'a pas intérêt à gagner. Si on gagne, c'est tant mieux. Si on perd, ce n'est pas pire. On est quand même payé.

• 1730

Col Allan Fenske: En Ontario et en Nouvelle-Écosse, l'avocat de la poursuite est payé par la province, tout comme l'avocat de la défense qui travaille pour l'aide juridique. Au fond, ce n'est pas une question de savoir qui va payer.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Je vous remercie tous les deux d'être venus témoigner cet après-midi.

[Français]

Nous ferons probablement encore appel à vos compétences. Merci beaucoup.

La séance est levée.