STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 15 mai 2000

• 1540

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte; bienvenue à tous.

Comme vous le savez, notre ordre du jour porte sur le projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 février 2000. Nous accueillons des représentants de deux organismes: M. Jason Clemens, directeur des études sur la fiscalité et les organismes à but non lucratif à l'Institut Fraser, et Mme Diane Watts, attachée de recherche auprès de l'organisme Vraies Femmes du Canada.

Soyez les bienvenus. Comme vous le savez, vous avez de cinq à 10 minutes pour faire votre exposé et ensuite, nous passerons aux questions et réponses.

Nous allons commencer par l'Institut Fraser.

Monsieur Clemens, soyez le bienvenu.

M. Jason Clemens (directeur des études sur la fiscalité et les organismes à but non lucratif, Institut Fraser): Merci. Je voudrais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité à lui parler du récent budget.

En préambule, je voudrais m'excuser pour le caractère sommaire de notre résumé, mais nous l'avons fait en quelques jours. Nous avons essayé d'étoffer le document d'information sur le budget et la réponse que nous avions déjà produite.

Lorsque nous avons analysé le budget, nous l'avons fait dans le contexte des défis économiques auxquels le pays doit actuellement faire face. À notre avis, ces défis sont au nombre de trois. Tout d'abord, il y a la stagnation des revenus, qu'on la mesure en fonction du PIB par personne ou du revenu disponible par personne. Deuxièmement, il y a des problèmes de productivité, notamment le rythme de nos gains de productivité par rapport à nos concurrents, notamment Américains. Enfin, il y a l'exode des cerveaux.

Notre analyse et nos commentaires sur le budget tournent autour de ces trois thèmes, à savoir l'exode des cerveaux, les niveaux de revenu et les niveaux de productivité.

À propos du budget, je voudrais tout d'abord féliciter le gouvernement sur plusieurs points. Le premier est l'indexation. Je pense que la plupart des analystes ont été surpris. C'est une décision importante. Je félicite chaleureusement le gouvernement. Du point de vue de l'efficacité économique et de l'équité, c'est ce qu'il fallait faire.

J'aimerais que ce changement s'étende au Régime des pensions du Canada. Je trouve préoccupant que les économies réalisées dans le Régime des pensions du Canada proviennent principalement du gel de l'exemption. En 1997, ont a désindexé le Régime des pensions du Canada, et à mon avis, c'était une erreur, mais je ne peux que féliciter le gouvernement d'avoir réindexé le régime d'impôt sur le revenu des particuliers.

Par ailleurs, je crois que le ton des réductions fiscales, en particulier pour les sociétés, l'élimination de la taxe de réduction du déficit, et la réduction dont bénéficient les revenus moyens, à la fois par le changement des seuils et le changement des taux, est accueilli favorablement et envoie un message non équivoque. Je félicite le gouvernement, ne serait-ce que parce qu'il signale que nous sommes sur la bonne voie.

Cela étant dit, il y a aussi un sujet très préoccupant... Je fais miens les commentaires de Bill Robson, de l'Institut C.D. Howe, qui a analysé le processus budgétaire sur cinq ans. Notre perspective, dans le résumé, porte sur une période de trois ans. Parmi les sujets qui nous préoccupent figure le financement en fin d'exercice, c'est-à-dire qu'à la fin de l'exercice fiscal, on dépense essentiellement toutes les recettes non inscrites au budget, les économies et les intérêts.

Lorsque nous avons préparé le résumé, nous avons notamment considéré le fait que les allégements fiscaux pour les contribuables à revenu moyen, auraient pu être pleinement accordés il y a trois ans si l'excédent budgétaire avait été consacré aux allégements fiscaux plutôt qu'à des initiatives de dépenses.

Ainsi, bien que le ton du budget mette résolument l'accent sur les allégements fiscaux, et qu'on y parle de la nécessité de réduire les impôts, on constate qu'au cours des trois derniers budgets, depuis l'exercice 1997-1998 jusqu'à maintenant, lorsqu'il reste des ressources financières en fin d'exercice qu'on pourrait consacrer à des allégements fiscaux, on les consacre de façon générale à des initiatives de dépenses. Je remarque aussi qu'en 1997-1998, une proportion de ce montant, soit environ 56 p. 100, a été consacrée à la réduction de la dette, ce que nous jugeons très positif.

Quant aux orientations à prendre, nous considérons que, compte tenu des problèmes économiques constatés, il faut mettre l'accent sur les allégements fiscaux. À notre avis, c'est la seule solution pour relever les trois défis économiques auxquels le pays se trouve confronté. Nous considérons que la réduction de la dette est importante, et j'insiste sur ce thème, car il doit grimper dans l'ordre des priorités des pouvoirs publics, mais je considère que la réduction de la dette n'a pas d'effet immédiat sur ces trois problèmes, contrairement aux allégements fiscaux.

Je joins donc ma voix à celles qui ont évoqué la nécessité d'accélérer la réduction de l'impôt sur le revenu de sociétés, en particulier à celle de Jack Mintz, de l'Institut C.D. Howe, et des autres, qui ont préconisé une réduction plus rapide de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Je trouve cependant très encourageant, pour dire le moins, que M. Martin et son gouvernement aient indiqué très clairement que les recettes supplémentaires seront consacrées à la réduction des impôts—c'est du moins l'indication qu'ils ont donnée. Mais pour reprendre les propos de M. Robson, ce qu'on a constaté au cours des trois dernières années, c'est plutôt une augmentation des dépenses en fin d'année qu'une véritable réduction des impôts.

J'ai énuméré rapidement un certain nombre de priorités d'action qui devraient rester au premier plan en ce qui concerne la réduction, la restructuration ou l'élimination de certains éléments du régime fiscal.

• 1545

Par ailleurs, dans le peu de temps qu'il me reste, je voudrais dire que le Canada est dans une situation particulièrement propice à la réforme de son régime fiscal. Je veux dire par là qu'il devrait s'inspirer de ce que Hall et Rabushka ont fait aux États-Unis, et Stein en a parlé, en matière d'impôt uniforme à assiette large appliqué à tous.

Je ne parle pas particulièrement de l'impôt à taux unique, comme celui qui a été mis en oeuvre en Alberta, mais plutôt d'un véritable impôt uniforme applicable à tous les types de revenu.

Je pense cependant que l'Alberta a montré la voie qui permet d'accéder à une réforme fiscale axée sur un impôt uniforme à large assiette, mais compte tenu de la situation financière du Canada, je pense que nous sommes en mesure d'envisager une réforme de la ponction fiscale, notamment de la façon d'obtenir le recettes nécessaires au financement des programmes.

En Colombie-Britannique, on a tendance à procéder de la façon inverse. On détermine d'abord le niveau de recettes fiscales qui a être atteint, puis on parle de la façon dont l'argent sera employé, au lieu de partir des programmes et des services que les autorités fédérales, provinciales ou municipales doivent assurer, et de s'efforcer ensuite d'aller chercher les recettes nécessaires de la façon la moins perturbatrice possible.

La plupart des économistes reconnaîtront, je crois, que les principes de réforme de Hall et Rabushka constituent la proposition de réforme fiscale la plus limpide du point de vue de l'efficacité et de la réalisation des objectifs de la ponction fiscale, comme l'équité verticale, l'équité horizontale, la simplicité, la neutralité, etc.

Cela étant dit, je suis prêt à répondre aux questions. Merci, encore une fois, de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Clemens.

Nous allons maintenant écouter Mme Watts.

Soyez la bienvenue.

Mme Diane Watts (attachée de recherche, VRAIES femmes du Canada): Merci beaucoup de nous avoir invitées à présenter notre point de vue devant le comité.

VRAIES femmes du Canada est un organisme non partisan de femmes indépendantes, qui s'est constitué à l'automne 1983. Nous venons de tous les milieux, de toutes les activités professionnelles et de tous les horizons socio-économiques. Certaines de nos membres travaillent à plein temps à l'extérieur, certaines travaillent chez elles, d'autres font les deux. Nous représentons un vaste éventail de la population féminine canadienne, des femmes qui, jusqu'à la formation de notre association, n'avaient pas de tribune leur permettant d'exprimer leurs points de vue.

L'un des objectifs de notre organisme est de réaffirmer que la famille est l'unité la plus importante de la société, puisque c'est elle qui assure le mieux l'épanouissement de ses membres; nous voulons aussi promouvoir l'égalité, le progrès et le bien-être des femmes, obtenir leur reconnaissance en tant que membres à part entière de la société, que ce soit dans la famille, en milieu de travail ou dans la vie communautaire; et à faire pression auprès du gouvernement pour obtenir des politiques sociales permettant à des femmes de s'occuper de leur foyer alors qu'autrement, elles seraient obligées de travailler à l'extérieur. Nous voulons donc élargir les choix pour les femmes de façon qu'elles puissent accorder la priorité à leur famille et s'en occuper.

Nous avons déjà eu l'occasion de nous prononcer sur le budget, et notre centre d'intérêt essentiel est la famille. Depuis l'avènement de la Charte, on a malheureusement déformé le sens du mot «égalité». Certains se sont efforcés d'imposer un système en vertu duquel le gouvernement considère qu'au sein de l'unité familiale, l'homme et la femme devraient être égaux dans leur capacité de gagner de l'argent. Tout est donc mis en oeuvre pour les couples qui font ce choix. La famille qui choisit différemment, celle par exemple, celle qui opte pour une seule source de revenu—est pénalisée d'avoir choisi cette option.

On fait souvent le rapprochement entre ce système et les conventions des Nations Unies, comme la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, et l'article 15 de la Charte. Nous considérons que c'est là une fausse notion d'égalité—vous avez un exemplaire de notre mémoire—et que les familles en font les frais.

Pour ce qui est du projet de loi C-32, je voudrais simplement parcourir notre mémoire avec vous. Nous sommes favorables à la proposition de modification de la Loi sur l'assurance-emploi qui augmenterait à 35 semaines la durée du congé parental. Nous approuvons aussi la proposition visant à faire passer à 50 semaines les prestations combinées du congé de maternité et du congé parental. Nous accordons la plus grande valeur au temps que les parents passent avec l'enfant, étant donné que nous mettons l'accent sur la famille, et nous considérons que c'est préférable pour le développement pendant la petite enfance.

Nous considérons que le foyer est préférable pour l'enfant, et non pas que les établissements professionnels de prise en charge des enfants soient supérieurs à la famille, contrairement à ce que prétendent ceux qui invoquent le «développement de la petite enfance».

• 1550

Nous remarquons, par ailleurs, la réduction du seuil d'accès aux prestations spéciales, qui passent de 700 à 600 heures d'emploi assurables. À notre avis, c'est une modeste amélioration, mais nous remarquons également qu'il y a quelques années, le seuil d'admissibilité était de 300 heures; c'est donc une différence appréciable pour les parents.

Depuis sa création en 1983, VRAIES femmes du Canada considère que les prestations d'emploi devraient être accordées aux travailleurs à temps partiel. Nombreuses sont les femmes qui travaillent à temps partiel pour compenser le fardeau fiscal qui pèse sur la famille, et c'est donc très souvent à elles que la mesure s'applique. Les femmes optent souvent pour un emploi à temps partiel parce que cela leur permet de passer plus de temps avec leur famille tout en obtenant un revenu qui les aide à faire face aux dépenses, notamment à la lourde facture fiscale.

Certaines femmes prétendent que notre vision rabaisse les femmes, qu'elles devraient être les égales des hommes et gagner autant qu'eux, mais les femmes ont des choix à faire. Il y a une différence entre ce que gagnent les hommes et les femmes, mais contrairement à ce que prétendent certains, cette différence est fondée non pas sur la discrimination, mais sur les choix que font les femmes, en particulier lorsque les enfants sont jeunes et qu'elles décident de s'occuper de leurs familles et de leurs jeunes enfants. Même lorsque les enfants grandissent et deviennent adolescents, certaines familles font ce choix pour se distinguer des autres, pour ne pas céder à l'égalité obligatoire que certains organismes gouvernementaux voudraient imposer aux hommes et aux femmes. Nous ne sommes pas d'accord, et nous aimerions que l'on tienne compte des travailleurs à temps partiel.

Nous nous préoccupons aussi de la prestation maximale de 413 $ par semaine pour la formule combinée du congé de maternité et du congé parental. C'est un faible montant, que nous jugeons insuffisant pour les familles qui dépendent du revenu de la mère.

Le rapport de 1999 du Sous-comité des finances sur l'équité fiscale pour les familles a recommandé que les prestations combinées du congé de maternité et du congé parental soient portées à 70 p. 100 des revenus bruts. Notre organisme recommande également que l'on augmente les prestations pour les porter à 70 p. 100 des revenus bruts.

À long terme, les résultats d'une telle modification de la Loi sur l'assurance-emploi ne seront pas toujours favorables. Cette formule d'intervention au cas par cas sera utile à certaines familles, alors que certaines autres resteront à l'écart du programme. La prestation maximale de 413 $ par semaine va empêcher certaines femmes de profiter pleinement des 50 semaines de congé à cause des pressions financières qui en résulteront pour la famille. À cause de l'exigence des 600 heures, de nombreuses travailleuses n'auront pas droit à des prestations.

Nous craignons aussi que cette proposition ne s'applique pas aux familles à revenu unique, aux citoyens canadiens qui sont travailleurs autonomes et qui élèvent des enfants, non plus qu'aux étudiants.

Je passe à notre conclusion, car elle concerne tous ces éléments. À notre avis, le budget et les politiques fiscales du gouvernement libéral maintiennent la discrimination envers les familles à revenu unique, qui existe maintenant depuis des années.

Par exemple, une famille typique de quatre personnes dont deux salariés, avec un revenu total de 50 000 $ paiera 2 836 $ d'impôt fédéral en 2001. Une famille de quatre personnes avec un seul revenu, d'un montant total identique de 50 000 $, va payer deux fois plus d'impôt fédéral, soit 5 685 $. Nous exigeons que cette forme de discrimination de la politique fiscale cesse. Il faut rétablir l'équité du régime fiscal envers les familles.

Je voudrais vous rappeler que, dans certains de nos documents, nous signalons qu'en 1952, un homme marié pouvait déduire en moyenne un tiers, soit 33 p. 100 de son revenu, pour l'entretien de son épouse qui élevait les enfants à la maison. Cette déduction était accordée à titre de reconnaissance par la société de la contribution du mari et de la femme à l'effort d'épanouissement, de socialisation et d'éducation de la génération suivante.

Plus de 50 ans plus tard, en 1987, dans le cas d'un homme marié gagnant 35 000 $, la déduction était tombée à environ 11 p. 100. En 1991, 9 p. 100 seulement du revenu du mari pouvait être déduit en faveur de son épouse à la maison. Il y a donc eu un changement considérable en ce qui concerne le revenu familial et les choix que peuvent faire les Canadiens à propos de l'organisation de la vie familiale et des moyens de subsistance.

• 1555

Je voudrais aussi rappeler qu'à notre avis, une politique fiscale équitable pour les familles devrait concrétiser les propositions suivantes: tout d'abord, supprimer l'évaluation discriminatoire des revenus individuels des familles à revenu unique en imposant ces familles en fonction d'une déclaration conjointe des revenus. Nous jugeons qu'il est discriminatoire de calculer l'impôt sans tenir compte de l'unité familiale.

On le fait en ce qui concerne le rabais de TPS et le Régime de pensions du Canada. Nous aimerions qu'on applique la même formule à l'ensemble de l'unité familiale en matière fiscale.

Deuxièmement, il faudrait supprimer la déduction des frais de garderie, qui subventionne les familles à double revenu, généralement élevé, qui font appel à des garderies commerciales, et remplacer cette déduction par un crédit universel pour tous les enfants, indépendamment du niveau de revenu des parents ou de leur situation d'emploi.

Lorsque nous sommes intervenues le 12 mai 1999 devant le Sous-comité des finances, qui étudiait l'équité fiscale envers les familles avec enfants à charge, nous avons demandé au gouvernement de protéger la stabilité de la vie familiale. Nous estimions que l'État devait se fonder sur un certain nombre de principes.

Tout d'abord, tous les enfants canadiens sont égaux et devraient être considérés comme tels, dans le cas de la législation et de l'action des pouvoirs publics.

Deuxièmement, cette action devrait rester neutre et ne devrait exercer aucune discrimination fiscale envers les parents qui décident d'élever leurs enfants. C'est pourquoi nous préconisons un crédit d'impôt pour les enfants, indépendamment de la situation ou du niveau de revenu des parents.

Troisièmement, la politique fiscale devrait récompenser les épouses qui restent à la maison pour élever leurs enfants en leur accordant au moins l'équivalent de la déduction personnelle. Les ménagères à plein temps méritent d'être traitées de façon juste et équitable. L'épouse devrait donc obtenir une exemption égale à la déduction personnelle.

Nous sommes convaincues que l'avenir du pays dépend de la vitalité de la famille; celle-ci, en tant qu'unité de base de la société et fondement de la nation, devrait être un élément central dans l'élaboration des politiques, notamment en matière fiscale.

Pour en revenir aux autres caractéristiques du projet de loi, notamment en ce qui concerne le Régime d'aide financière pour les étudiants canadiens, évoqué dans la partie 3, nous recommandons au gouvernement de retarder d'un an le calcul de l'intérêt sur un prêt, de façon à aider les étudiants à trouver leur place dans la main-d'oeuvre active après l'obtention de leur diplôme.

Dans la partie 5, en ce qui concerne les mesures nécessaires que doit prendre le ministère dans la perception des recettes fiscales, nous aimerions rappeler le suicide de Debora Starr Stephan de Cardston, en Alberta, en 1994. Elle s'est suicidée afin que son mari puisse utiliser le produit de son assurance-vie pour acquitter un avis de cotisation d'impôt sur le revenu.

Nous estimons qu'aucun contribuable canadien ne devrait subir de harcèlement excessif de la part de Revenu Canada. Le gouvernement fédéral devrait nommer un ombudsman indépendant et établir un mécanisme d'appel pour protéger le contribuable.

L'histoire de cette famille est très triste. Je crois qu'ils ont 10 enfants et il semble que des pressions exagérées ont été exercées sur cette famille, ce qui a entraîné ce suicide. Je voulais vous le signaler.

Pour ce qui est de la partie 6, la proposition visant à rétablir la pleine indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers et l'augmentation proposée de la prestation fiscale pour enfants, sont des mesures qui à notre avis avantageront tous les Canadiens. Nous en remercions le gouvernement et nous le félicitons. Nous croyons que tout régime fiscal qui permet au contribuable de conserver son revenu gagné est un bon régime. Les recettes que le fisc prend aux citoyens, c'est du revenu gagné et nous estimons qu'il est important de s'en rendre compte. Quand le gouvernement laisse au contribuable son revenu gagné, il investit véritablement dans l'économie de la nation.

De façon générale, tel est notre avis, du point de vue de la famille: Des avantages pour la famille et un plus grand éventail de choix pour les hommes et les femmes qui pourront décider comment organiser leurs vies sans subir de pression injustifiée de la part du gouvernement, pour façonner leur famille selon... selon les pressions idéologiques qui peuvent être appliquées sur les familles par le gouvernement.

• 1600

Merci beaucoup.

Le président: Merci madame Watts.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Chacun aura 10 minutes.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci monsieur le président.

Je vous remercie tous les deux d'être venus aujourd'hui. J'ai d'abord quelques questions à poser à M. Clemens.

Vous avez dit que vous étiez en faveur de cette indexation. Mme Watts vient d'en dire autant. Êtes-vous préoccupé par le fait que depuis huit ou 10 ans, c'est-à-dire depuis que l'indexation a été supprimée, le niveau à partir duquel les gens sont imposés a été abaissé? Autrement dit, l'impôt à payer, en proportion du revenu total, n'a cessé d'augmenter. Il a été augmenté graduellement pour atteindre le niveau actuel et l'on peut supposer qu'il va désormais continuer de s'appliquer à ce niveau.

Vous n'avez rien dit quant au besoin ou à l'opportunité de calculer cette indexation rétroactivement jusqu'à la date à laquelle l'indexation avait été supprimée. Vous n'avez rien à dire là-dessus, ou bien est-ce un oubli?

M. Jason Clemens: Non, ce n'est pas un oubli. En fait, nous faisons remarquer dans notre mémoire que l'indexation n'est pas rétroactive à la date à laquelle le système a été désindexé. L'une des préoccupations...

S'il fallait choisir entre une refonte du régime et l'augmentation de l'exemption, dans le cadre d'un impôt uniforme, qui permettrait de porter l'exemption à 11 000 $ ou 12 000 $ par personne, je choisirais ce système, qui résulterait en une refonte du régime accordant une exemption beaucoup plus généreuse aux particuliers et donc à la famille, car l'impôt uniforme ne ferait aucune discrimination entre les familles à simple et double revenu. Je choisirais cette famille au lieu de continuer à faire du rapiéçage.

L'une de mes préoccupations au sujet de l'exemption, c'est la base de cette exemption. Par exemple, on pose toujours la question: «Pourquoi avoir fixé l'exemption à 7 131 $?»

Maintenant, je pense que nous devrions amorcer une réflexion sur l'instauration d'un exemption globale à la fois pour le Régime de pensions du Canada et l'impôt sur le revenu des particuliers en fonction de l'indice Sarlo des besoins essentiels, c'est-à-dire que pour des raisons d'équité financière, on exempterait un certain niveau de revenu, permettant aux particuliers de satisfaire à leurs besoins en logement, aliments, vêtements, etc. On fixerait l'exemption à ce niveau de revenu.

Je pense que tel devrait être le point de départ pour fixer l'exemption, mais je suis d'accord avec vous quant à l'importance de bien comprendre que l'exemption de base a été érodée avec le temps, depuis 1986, si ma mémoire est fidèle, date à laquelle il y a eu désindexation partielle.

Je suis donc d'accord avec vous là-dessus, mais je dirais que cela ferait partie des priorités en matière de réforme fiscale et de réduction d'impôt. J'irais beaucoup plus loin en direction d'un impôt uniforme à assiette large.

M. Ken Epp: D'accord.

Avez-vous des commentaires là-dessus, madame Watts?

Mme Diane Watts: De nos jours, des pressions énormes s'exercent sur la famille, ce qui ajoute au stress. Il y a notamment la lourde fiscalité et le ressentiment des Canadiens, c'est-à-dire qu'ils ont l'impression d'être toujours en train de payer une taxe ou une autre, mais ils se demandent bien où passe tout cet argent?

Très souvent, les politiques des pouvoirs publics ne tiennent pas compte des besoins de la famille, c'est comme si la famille n'existait pas, on traite les gens comme s'ils étaient des entités indépendantes vivant chacun de leur côté. Nous savons, au contraire, que les gens vivent au sein de familles et qu'une foule de difficultés résultent de ce que nous jugeons une fiscalité excessive.

Il faut absolument opérer une vaste réforme. Pour l'instant, nous traitons de ce projet de loi, mais nous soutenons que les pressions sont de plus en plus fortes, que la fiscalité est de plus en plus lourde, et que ce sont les familles et la société qui en subissent les conséquences.

M. Ken Epp: Compte tenu de vos réponses à tous les deux, je m'étonne vraiment que vous n'ayez pas suggéré au comité que cette indexation devrait en fait être rétroactive, car cela aurait simplement rétabli proportionnellement le montant d'argent que l'on peut gagner avant de commencer à payer des impôts, à un niveau équivalent à celui d'il y a 10 ou douze ans.

Je trouve cela plutôt étonnant, mais j'accepte votre réponse. Ce n'est pas mon rôle d'intimider les témoins.

M. Jason Clemens: Je pourrais peut-être ajouter brièvement quelque chose.

Si nous devions établir des priorités, étant donné que nous avons un certain excédent budgétaire permettant de réduire les impôts, je serais absolument d'accord avec le professeur Mintz de l'Université de Toronto pour dire que la réforme et la réduction de l'impôt sur les sociétés nous en donnerait le plus pour notre argent, pour ainsi dire, pour un montant donné. Je pense donc que cela peut expliquer notre position.

• 1605

Si nous avions un montant limité de ressources, je préférerais réduire les dépenses et utiliser l'excédent et les compressions de dépenses pour financer de nouvelles baisses d'impôt. Mais je répète que, sur la liste des priorités, l'impôt sur les sociétés doit être numéro un, suivi d'une baisse de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Comme vous l'avez dit, il y a diverses manières de s'y prendre et je ne serais pas contre une réindexation du régime aux valeurs qui auraient été atteintes s'ils n'avait jamais été désindexé. Je pense que c'était seulement une question de priorités.

M. Ken Epp: D'accord.

Ma question suivante porte sur une expression que vous avez utilisée, «le financement en fin d'exercice», dans le domaine budgétaire. Je voudrais que vous nous en parliez un peu plus. En quoi cela vous préoccupe-t-il, et que faudrait-il faire pour y remédier?

M. Jason Clemens: Avec plaisir.

Comme vous pouvez le voir à la page 4, Joel Emes, économiste principal chargé de recherches à l'Institut, au département des études financières, a fait une analyse montrant la différence entre le budget de 1997-1998 et le budget actuel. Nous constatons qu'en 1997-1998, 44 p. 100 de l'excédent imprévu, c'est-à-dire les recettes dépassant les attentes, plus les économies au chapitre du service de la dette parce que les taux d'intérêt ont été plus bas que prévu, a été dépensé. L'année suivante, en 1998-1999, la totalité du surplus a été dépensé, comme c'est le cas dans le dernier budget.

Ce que nous craignons, c'est que si nous disons que les baisses d'impôt sont prioritaires, eh bien nous aurions pu faire il y a trois ans, une bonne partie de la réforme fiscale introduite dans le budget actuel. Nous donnons l'exemple de l'introduction il y a trois ans de toutes les mesures abaissant l'impôt pour les contribuables à revenu moyen. Le Canada serait très avancé dans une période de réduction des impôts.

Par conséquent, ce qui est préoccupant actuellement, c'est que dans les projections budgétaires, les initiatives fiscales l'emportent sur les initiatives en matière de dépenses. Cependant, comme Bill Robson de l'Institut C.D. Howe l'a fait remarquer, si les revenus continuent d'être supérieurs aux attentes, et si l'on conjugue cela aux économies réalisées au chapitre des intérêts, compte tenu des fonds dépensés, alors la situation fiscale que l'on prévoit—c'est-à-dire que les initiatives fiscales l'emportent sur les initiatives en matière de dépenses—ne correspondra plus à la réalité. En fait, nous aurons des dépenses de programme supérieures à celles qui figurent actuellement dans le budget.

Le deuxième élément qui devrait être prioritaire, c'est qu'au début de l'année, le gouvernement établit ses projections en matière de dépenses. À la fin de l'année, s'il y a un excédent qui n'était pas prévu, nous sommes d'avis que cet argent devrait être consacré à la réduction de la dette. Il semble que ce soit vraiment la meilleure solution, en cas de revenu inattendu attribuable à la prudence budgétaire, laquelle est importante à mon avis. Je félicite encore une fois le gouvernement d'avoir adopté une approche conservatrice et prudente dans l'élaboration de ses budgets. Ces recettes excédentaires doivent toutefois être considérées comme imprévues et doivent donc servir à réduire la dette.

M. Ken Epp: Par conséquent, quand le gouvernement a une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars, plus cette année une somme de 1,5 milliard de dollars... Comment l'appelle-t-on? Il y a un terme.

M. Jason Clemens: Le compte de prudence économique.

M. Ken Epp: Oui, la «prudence» économique. Enfin, c'est simplement une autre expression pour désigner une réserve pour éventualités; il s'agit bel et bien de la «réserve pour éventualités B».

Voudriez-vous que cet argent soit affecté spécifiquement à la réduction de la dette?

M. Jason Clemens: Je dirais que M. Martin l'a fait verbalement. Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on adopte un modèle semblable à celui de l'Alberta, en précisant explicitement que tout cet argent sera affecté à la réduction de la dette.

Le directeur général de l'Institut Fraser, M. Walker, a rédigé un document intéressant sur un système de remises en espèces consistant à antidater la remise pour garantir que l'on aura des recettes suffisantes au cours de la deuxième année. Donc, à la fin d'une période financière, si l'on n'a pas dépensé tout ce que l'on disait devoir dépenser, et si l'on a des recettes imprévues, on peut les rembourser sous forme de remises en espèces.

Maintenant, le gouvernement de l'Ontario a adopté une interprétation très approximative de ce modèle, mais c'est une autre façon de rembourser les recettes excédentaires. Ce qu'il faut éviter, c'est que cet argent soit dépensé. Je dirais que le fonds pour éventualités devrait être réservé explicitement à la réduction de la dette, de même que toutes recettes imprévues.

M. Ken Epp: Mon temps est presque écoulé et j'ai encore une question à poser à Mme Watts.

C'est au sujet de l'assurance-emploi. On a modifié la régime pour accorder aux mères 51 semaines d'admissibilité, au lieu de 26 semaines. On m'a fait remarquer que cela s'applique seulement à une mère qui a son premier enfant après une période d'emploi. Si elle en a un autre après cela, elle n'aura peut-être pas travaillé suffisamment pour être admissible, ce qui veut dire qu'il s'agit d'une aide aux familles très très limitée.

• 1610

Avez-vous songé à un meilleur modèle ou une meilleure façon d'aider les familles et les mères, en particulier au moyen de l'AE? Je suis d'avis, d'après les entretiens que j'ai eus avec des gens, que cette prestation est très limitée.

Mme Diane Watts: Oui, et je crains les retombées de cette mesure. C'est limité, comme vous le dites. Malheureusement, nous avons un système qui met beaucoup de pression sur les mères et sur le rôle particulier de la maternité. De lourdes pressions s'exercent sur la famille et bien des gens sont dans une situation très difficile.

Tout cela est attribuable à la fiscalité extraordinairement lourde qui force les gens à confier leurs enfants à des étrangers. Ils n'ont pas vraiment le choix, alors que dans une société civilisée, les parents devraient avoir le choix d'élever leurs enfants comme ils l'entendent. Ce sont vraiment les mères qui écopent.

Comme vous le dites, ce n'est pas suffisant si la mère... La situation est déjà assez difficile pour une mère qui travaille et qui veut s'occuper de ses enfants.

M. Ken Epp: D'accord, mais je...

Mme Diane Watts: Tout cela, c'est parce que l'on ne considère pas la famille comme une unité.

M. Ken Epp: Oui, mais vous n'avez pas offert de recommandations précises. Vous dites seulement, de façon générale, que c'est mieux qu'avant, mais que ce n'est toujours pas satisfaisant. Vous n'avez pas de suggestions précises à faire, sinon de réduire les taux d'imposition.

Mme Diane Watts: La recommandation que nous faisons depuis des années, c'est que le régime fiscal prenne en considération la famille toute entière.

M. Ken Epp: Oui.

Mon temps est écoulé, monsieur le président. Je pourrai peut-être poser d'autres questions au prochain tour, s'il reste du temps.

Le président: Bien sûr. Merci.

Monsieur Limoges, et ensuite M. Cullen.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci.

Premièrement, monsieur Clemens, vous avez fait allusion à la réforme du régime fiscal et vous avez notamment évoqué l'adoption d'un impôt uniforme à assiette large, ce qui a éveillé ma curiosité. Tout ce que j'ai lu et entendu au sujet de l'impôt uniforme—et il en a été beaucoup question dans les médias dernièrement—fait ressortir qu'un tel régime semble avantager injustement ceux qui se situent dans les tranches supérieures d'imposition.

Enfin, nous avons traditionnellement au Canada une mentalité de paiement par l'usager, si vous voulez... ou plutôt du paiement selon la capacité de payer, c'est-à-dire que ceux qui gagnent le plus devraient payer plus. Naturellement, ils paieraient plus si l'on avait un impôt uniforme, mais pas proportionnellement plus.

Compte tenu de cela, je me demande comment nous pourrions justifier d'adopter un impôt uniforme alors même que les gouvernements voudraient agir de manière avantageuse pour tous les contribuables, dans la mesure de nos moyens.

Je voudrais que vous nous disiez en quoi cela aiderait les familles; grâce à une exemption plus élevée, je suppose, mais dans le cas d'une famille à un seul revenu, cette exemption, applicable au conjoint qui ne gagne aucun revenu, ne sert pas à grand chose. En quoi cela aiderait-il une famille au même titre que le ferait, par exemple, le fait de prendre comme base le revenu total de la famille, comme l'a proposé Mme Watts?

M. Jason Clemens: Bien sûr.

Premièrement, je suis content de rencontrer un concitoyen de Windsor à Ottawa.

Votre question est stimulante et importante. Il faut tenir compote de plusieurs aspects. L'un des problèmes du régime fiscal canadien, c'est le taux marginal, en ce sens que nous avons des flèches aux deux extrémités du système, aux seuils de revenu inférieur et supérieur. Il y a une foule de données économiques qui montrent les effets néfastes des taux marginaux.

Maintenant, un impôt uniforme accompagné d'une exemption généreuse, disons par exemple de 11 000 $, instaure la progressivité. La proportion de votre revenu payé en impôt augmente à mesure que vous gagnez plus d'argent. Sauf qu'il n'y a qu'un seul seuil d'impôt marginal, à partir duquel on passe de zéro à un taux quelconque. Je pense que le taux des CA est de 17 p. 100. Selon les modèles et les simulations, nous envisageons un taux se situant quelque part entre 16 p. 100 et 22 p. 100.

On peut donc réaliser l'équité verticale, comme vous l'avez dit, c'est-à-dire que ceux qui gagnent plus paient plus, tout en éliminant en même temps les effets néfastes des taux d'imposition marginaux. Dans mon esprit, tout le monde est gagnant dans cette situation, si l'on peut se débarrasser des effets néfastes de l'impôt marginal tout en garantissant que, comme vous l'avez dit, ceux qui gagnent plus paient plus.

• 1615

Je pense qu'il est par ailleurs essentiel de comprendre ce que les économistes appellent la mobilité des revenus, ou encore la dynamique des revenus. Nous faisons des travaux là-dessus, et nous allons publier d'ici un mois une étude dont je me ferai un plaisir de vous faire parvenir copie.

Ce dont il s'agit essentiellement, c'est que la dynamique des revenus fait en sorte que ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui font partie des mêmes déciles, par exemple le décile inférieur ou supérieur, car il y a fluidité, un mouvement des particuliers d'un groupe à l'autre.

L'exemple le plus simple est l'étudiant universitaire. Lorsque l'étudiant est à l'école, s'il gagne de l'argent, c'est au décile de revenu le plus faible. Une fois diplômé, selon la faculté, il gravit les échelons assez rapidement.

M. Rick Limoges: Leurs attitudes à propos des impôts changent également au cours de cette période.

M. Jason Clemens: En effet.

Pour ce qui est des données américaines, entre 1995 et 1996, 14 p. 100 des personnes participant à une étude avaient progressé d'un quintile. Si l'on divise l'ensemble de la population touchant des revenus en cinq tranches, 14 p. 100 avaient progressé.

Si l'on considère des périodes plus longues, les chiffres sont frappants. Par exemple, sur une période de cinq ans, 21 p. 100 de la population progresse d'au moins un quintile. D'autres données aux États-Unis montrent que sur une période 10 à 12 ans, il y en a environ 40 p. 100 qui progressent d'au moins un quintile. Cela dénote pas mal de fluidité.

Ce que je reconnais aussi, toutefois, c'est qu'il faut examiner davantage, à la fois au Canada et aux États-Unis, ces données pour voir ce que nous considérerions comme des faibles revenus «permanents» c'est-à-dire que, lorsqu'on envisage la dynamique et la fluidité des revenus, quels sont ceux qui ne voient pas leur revenu progresser. Lorsque nous aurons cette précision, il faudra alors en considérer les causes.

M. Rick Limoges: Il faudra, j'imagine, utiliser un genre d'exemption qui reconnaisse le seuil de pauvreté. Peut-être que les gens qui ne l'atteignent pas ne paieront rien.

M. Jason Clemens: Oui.

M. Rick Limoges: Ce niveau d'impôt uniforme devrait être fixé... à moins que vous fassiez aussi quelque chose, que je sais que vous recommandez, comme réduire aussi les dépenses. Mais il y a beaucoup de priorités concurrentes. La ligne conga n'en finit pas.

Nombre de ces mesures sont des politiques sociales très valables dont certaines, en fait, nous définissent en tant que Canadiens. Cela devient très difficile, dans ce cas, d'avoir un impôt uniforme s'il est tellement élevé qu'il reste trop lourd. Et d'une.

D'autre part, avec un impôt uniforme à large assise, supposez-vous aussi que toutes les formes de revenus puissent être traitées de la même façon? Comment envisagez-vous la question?

M. Jason Clemens: Tout d'abord, Hall et Rabushka s'efforcent de parvenir à l'équité horizontale, où toutes les sources de revenu sont imposées une fois, à un même taux. Je dirais que c'est en fait la meilleure solution. C'est la réforme fiscale que nous devrions viser. Malheureusement, nous ne disposons pas au Canada des données sur l'impôt sur le revenu des sociétés qui existent aux États-Unis, si bien que notre étude porte exclusivement sur l'impôt sur le revenu des particuliers.

M. Rick Limoges: Vous augmenteriez en fait le revenu tiré de dividendes et des gains en capital. Vous augmenteriez l'imposition relative de ces types de revenu plutôt que du revenu tiré de la productivité personnelle.

M. Jason Clemens: Pour la main-d'oeuvre, oui. Dans notre étude sur l'impôt sur le revenu à taux unique, nous n'examinons que le revenu du travail, ou plutôt c'est ce que nous examinons en particulier. Je conviens tout à fait avec vous qu'il faudrait examiner les faits sur l'imposition des gains en capital et des dividendes parce que dans une réforme visant un impôt uniforme à large assise, comme celle préconisée par Hall et Rabushka, ces revenus ne sont pas imposés au niveau des particuliers mais des entreprises.

Je conviens avec vous qu'il faut faire la distinction entre une réforme visant un impôt uniforme ou à large assise et une réforme d'imposition à taux unique comme on est en train de le faire en Alberta.

Je suis désolé, j'oublie la première partie de votre question?

M. Rick Limoges: Nous pourrions peut-être passer à un autre sujet. J'aimerais que vous me précisiez exactement ce que vous recommandez au sujet de cette réforme fiscale. Je suppose que vous êtes en train de dire qu'à votre avis le gouvernement ne devrait pas jouer un rôle important en se servant de la politique fiscale pour essayer d'encourager certaines situations ou initiatives au sein de l'économie, propices à certains comportements parmi les sociétés ou dans la population active, etc.

Dites-vous simplement qu'avec un impôt uniforme à large assise, nous n'intervenons pas et nous laissons le marché juger?

M. Jason Clemens: Pour ce qui est de l'impôt, je suis d'accord. J'estime que le rôle du régime fiscal devrait être de produire les recettes nécessaires pour financer les programmes et services avec le minimum de distorsion.

• 1620

Je dirais que le bilan de tous les gouvernements n'a pas été positif.

M. Rick Limoges: C'est difficile à mesurer.

M. Jason Clemens: Ma foi, cela n'a pas été positif pour ce qui est du choix des gagnants et des perdants. À mon avis, le marché choisit beaucoup mieux en ce qui concerne les entreprises.

M. Rick Limoges: Vous commencez à faire un peu de darwinisme.

M. Jason Clemens: Quelque chose dont je n'ai pas parlé dans le mémoire mais qui me préoccupe beaucoup, et depuis longtemps, c'est la quantité de subventions aux entreprises, ce que l'on appelle l'assistance publique aux entreprises. Je dirais que c'est un domaine à propos duquel 99 p. 100 des Canadiens seraient d'accord pour que l'on n'intervienne pas.

Nous estimons qu'il faut supprimer les subventions aux entreprises et aux sociétés d'État et utiliser cet argent pour réduire les impôts. Il y a d'autres organisations, d'autres économistes qui diraient...

M. Rick Limoges: Je ne sais pas combien il me reste de temps.

Comment pourriez-vous alors encourager la R-D?

M. Jason Clemens: Je crois que nous avons un régime de crédits d'impôt très favorable à la R-D, que l'on utilise le régime fiscal proactivement pour encourager la R-D et pourtant cela n'a pas donné des résultats très brillants. Un des gros problèmes est l'aspect rendement.

Il est certain que nous diminuons le coût de la R-D mais, sous l'angle du rendement, parce que nous avons une structure fiscale non compétitive en ce qui concerne les sociétés, nous n'obtenons pas le niveau voulu de R-D. Là encore, je dirais...

M. Rick Limoges: Mais pour ce qui est de la R-D, toute recherche effectuée ici peut être utilisée dans le monde entier. Cela n'explique pas tout, n'est-ce pas?

M. Jason Clemens: Non, mais ce que je dis, c'est que lorsque nous essayons d'expliquer pourquoi il ne se fait pas beaucoup de R-D au Canada, alors que nous avons un régime de crédits d'impôt très généreux, on peut se poser la question. Je crois qu'il y a de meilleures façons d'encourager la R-D, en adoptant un meilleur régime fiscal pour les sociétés, un régime qui, par exemple, enrichit les sociétés canadiennes.

M. Rick Limoges: Vous dites donc que, si ça va bien pour les entreprises, elles vont tout naturellement faire de la R-D?

M. Jason Clemens: Non... pas tout à fait, je crois que leur intérêt est de s'installer au Canada, de développer leurs entreprises au Canada et de faire du Canada leur centre d'accès au marché américain.

Une chose intéressante que l'on remarque souvent à Vancouver c'est que cette ville a très peu de sièges sociaux par rapport à Calgary. Si vous considérez la géographie, l'esthétique, etc., Vancouver—en toute déférence pour mes amis de Calgary—est mieux située.

M. Rick Limoges: Peut-être que les PDG n'aiment pas la pluie.

M. Jason Clemens: Ils doivent aimer beaucoup mieux la neige. Je pense qu'ils aiment jouer au golf et, s'ils aiment jouer au golf, ils préféreront certainement Vancouver.

Pour ce qui est des impôts, si on se dirige vers un système qui comporte moins de distorsion—et, là encore, il s'agit d'éliminer les échappatoires et les crédits d'impôt pour pouvoir réduire le taux général—c'est la façon de faire. Ce qui est également très important c'est de permettre aux législateurs et aux parlementaires de décider des programmes de dépenses. Sur le plan fiscal, cela veut dire, éliminer les distorsions et créer en fait un régime fiscal rentable.

M. Rick Limoges: Dans un autre ordre d'idées, quand vous avez parlé de remises en espèces, je crois vous avoir entendu dire qu'elles étaient préférables aux dépenses. Y voyez-vous là quelque chose de positif, que vous préconisez?

Il me semble que, quand on accorde une remise, tout ce que cela veut dire, en fin de compte, c'est qu'on n'a pas abaissé l'impôt sur le revenu, qu'on a tout simplement empoché l'argent et qu'on en remet peut-être une partie. C'est une mesure politique, qui ne s'attaque pas vraiment au problème d'une lourde fiscalité.

M. Jason Clemens: L'idée d'accorder des remises en espèces découle d'une préoccupation qu'on avait au ministère des Finances. On se disait: Si l'on abaisse les impôts cette année—la première année, mettons—on ne pourra pas percevoir assez de recettes la deuxième année. C'est ainsi qu'on a imaginé un système qui permet essentiellement de remonter dans le temps et d'antidater une réduction d'impôt. On accorde donc une remise pour la première année, et on réduit le taux à compter de la deuxième année, au lieu de le réduire dès la première année.

M. Rick Limoges: Très bien. Dites-vous donc qu'il vaut mieux accorder une remise que de réduire la dette?

M. Jason Clemens: Je le répète, le document sur les remises a été réalisé pour répondre à une question bien précise, à savoir: «Si c'est là ce qui vous préoccupe, voici une façon de réduire les impôts en observant le principe de la prudence.»

M. Rick Limoges: D'accord.

M. Jason Clemens: Ce qu'il faut faire à mon avis, je le répète, c'est de réserver les recettes inattendues au paiement de la dette, tout en continuant à réserver la provision pour éventualités à cette fin, et d'accélérer la mise en oeuvre du programme quinquennal que le gouvernement fédéral s'est fixé. Encore là, je félicite le gouvernement fédéral pour les objectifs qu'il entend réaliser grâce à ce programme—ils me paraissent tous logiques—mais je ferais en sorte d'en accélérer la réalisation.

M. Rick Limoges: Merci.

Le président: Merci, monsieur Limoges.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Clemens, vous parlez dans votre document de ce qu'on appelle l'exode des cerveaux, si je peux me permettre d'utiliser ce terme. Si l'Institut Fraser avait à pondérer les diverses raisons qui incitent certains Canadiens à s'en aller aux États-Unis, quelle importance relative accorderiez-vous aux revenus, qui y sont plus élevés, et à la plus grande diversité de l'économie qui offre des possibilités de carrière plus intéressantes par opposition aux taux d'imposition?

• 1625

M. Jason Clemens: Je dirais que tous ces facteurs sont très importants. C'est un peu comme la poule et l'oeuf—c'est-à-dire, pourquoi y a-t-il plus de diversité et plus de possibilités de carrière dans l'économie américaine?

La plus grande diversité et le taux de croissance plus élevé de l'économie américaine s'expliquent en partie en tout cas par le fait que la totalité du fardeau fiscal y est moins élevé. Je serais donc d'accord pour dire qu'il y a d'autres considérations qui entrent en ligne de compte, les possibilités étant certainement un facteur, notamment les possibilités d'avancement dans les sociétés et les entreprises, grandes et petites, aux États-Unis. La structure fiscale est aussi une considération, selon moi.

Je dirais que l'instauration d'un régime fiscal compétitif rapporterait en fait des avantages, en ce sens qu'il ralentirait l'exode des cerveaux, mais j'estime qu'il faudrait aussi d'autres mesures, comme une réforme du régime d'imposition du revenu des sociétés.

M. Roy Cullen: Le fait que l'économie américaine soit 10 fois plus importante que la nôtre, si bien que les possibilités y sont d'autant plus importantes manifestement, sans même parler de la créativité, de l'innovation et du dynamisme dont elle fait preuve, ne compterait pas vraiment pour grand chose à vos yeux, pas plus que ne compterait, vraiment je suppose, le fait que...

Ainsi, le secteur du cybercommerce et des technologies de l'information connaît une très forte croissance aux États-Unis à l'heure actuelle. La croissance est phénoménale. Vous estimez donc que cette croissance serait simplement attribuable à la fiscalité moins lourde des États-Unis?

M. Jason Clemens: Non, non, je ne dirais pas que c'est simplement... Enfin, je ne vais pas dire qu'il y a une seule variable qui explique la plus grande diversité de l'économie américaine. Ce que je dis, c'est qu'un des facteurs qui est de toute évidence à l'origine de l'exode des cerveaux et de la croissance de l'économie américaine, c'est le régime fiscal des États-Unis, mais je serais d'accord pour dire qu'il y a aussi d'autres facteurs.

Je crois que l'un des sujets de préoccupation pour l'avenir c'est que les entreprises, les particuliers et les industriels seront de plus en plus mobiles dans le contexte d'une économie ouverte. Autrement dit, pour servir le marché californien, il n'est pas nécessaire d'être en Californie. Il faut avoir un système de distribution, mais pour faire de la R-D dans le secteur manufacturier, et dans d'autres secteurs, il n'est pas nécessaire d'avoir pignon sur rue en Californie. Il y a donc d'autres facteurs qui jouent un rôle important dans le choix que font les entreprises de s'installer à tel endroit plutôt qu'à tel autre.

Une étude d'envergure est d'ailleurs en cours à l'Université de Calgary, où un groupe de professeurs cherchent à expliquer les motifs qui incitent les entreprises à choisir tel ou tel emplacement. L'hypothèse de départ est que les taux d'imposition des sociétés jouent un rôle important dans ces décisions.

Un autre facteur intéressant qui explique le choix de l'emplacement est le traitement fiscal des options d'achat d'actions et des gains en capital. Ce sont là deux autres explications possibles.

Je le répète, j'applaudis à l'initiative du gouvernement fédéral de modifier le traitement fiscal des options d'achat d'actions afin de le rendre plus compétitif par rapport au régime américain. Mail il y a d'autres mesures à prendre. Comme d'autres l'ont dit, je crois qu'il ne suffit pas que le Canada soit compétitif par rapport aux États-Unis. Nous devrions en fait avoir un avantage compétitif sur notre voisin du sud.

M. Roy Cullen: À ce propos, si vous aviez à décider des mesures à prendre maintenant, si vous aviez à choisir entre réduire l'impôt sur le revenu des sociétés et l'impôt sur le revenu des particuliers, que choisiriez-vous?

M. Jason Clemens: Je me rangerais du côté du professeur Mintz qui dit que c'est en réduisant l'impôt des sociétés qu'on en obtient le plus pour son argent, si on peut dire, mais j'estime qu'il serait largement possible de réduire l'impôt aussi bien des particuliers que des sociétés, surtout quand on tient compte de certains des profils de dépenses qui pourraient, à mon avis, être éliminés.

M. Roy Cullen: Cela m'amène à ma question suivante, celle des dépenses. Je n'oserais pas prétendre que toutes les dépenses du gouvernement fédéral sont faites à bon escient. C'est un appareil énorme, et certaines dépenses laissent à désirer, bien entendu.

J'essaie simplement de savoir s'il y a des dépenses que l'Institut Fraser considère comme valables. Je vous donne quelques exemples pêle-mêle—les investissements dans les infrastructures, dans les activités militaires et de la GRC, dans les des soins de santé et l'enseignement postsecondaire dans le cadre du TCSPS.

J'aimerais notamment savoir ce que l'Institut Fraser pense... Je sais que vous accordez beaucoup d'importance au marché. C'est très bien; moi aussi, j'aime bien le marché. Pour ce qui est toutefois d'investir dans une économie novatrice—recherche et développement, afin de fournir aux Canadiens les outils dont ils auront besoin—croyez-vous que le gouvernement ait lui aussi un rôle à jouer à cet égard, ou faut-il simplement s'en remettre au marché?

• 1630

M. Jason Clemens: Je vais commencer par répondre à la première question.

Si vous vous reportez à l'avant-dernière page, vous verrez que je parle d'une étude de Tanzi et Schuknecht du FMI et de la Banque mondiale. Cette étude présente à mon avis le résultat d'une recherche importante sur la taille optimale de l'État. La conclusion à laquelle arrivent les auteurs, de même que plusieurs autres, y compris Scully, c'est que la taille optimale varie selon l'État: quand la taille effective dépasse la taille optimale, le rendement va en décroissant—on dépense plus parce que l'appareil étatique est plus gros, mais on n'en retire pas vraiment grand-chose.

Il est très intéressant à mon avis que Michael Walker, le directeur exécutif, ait signalé que, dans certains cas, l'appareil gouvernemental est trop petit. Ainsi, le niveau des dépenses publiques à Hong Kong n'est pas assez élevé, si bien qu'on obtiendrait un rendement positif en augmentant la taille de l'État.

Je conviens avec vous que la plupart des domaines auxquels vous avez fait allusion, sont des principaux champs d'action gouvernementale: la protection des biens, la protection des personnes et le développement des infrastructures. Si nous considérons l'éducation et les soins de santé comme des biens publics, le financement de ces programmes...

En ma qualité de chercheur, et au nom de la plupart de mes collègues de l'Institut Fraser, j'insiste sur le fait que nous ne préconisons pas un retrait total du gouvernement. Ce que nous disons, c'est que le gouvernement doit effectuer des dépenses publiques suffisantes dans les secteurs où il y a des besoins.

À mon avis, les 7 milliards de dollars et plus qui sont consacrés aux programmes de développement régional, ainsi qu'aux subventions aux grandes sociétés et aux sociétés d'État, ne nous rapportent rien. Je veux dire que, pour notre société, nous ne tirons aucun avantage de ces dépenses. Il vaudrait mieux les supprimer et accorder des réductions d'impôt aux particuliers canadiens, aux familles et aux entreprises, pour permettre à ces personnes et aux organismes de dépenser cet argent.

M. Roy Cullen: Merci.

Madame Watts, vous avez parlé de la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants et vous proposez de reporter d'un an le calcul de l'intérêt sur ce prêt. Dans le budget de 1999, je pense, notre gouvernement a proposé des règles qui laisseront plus de latitude aux étudiants pour rembourser leurs prêts et également pour déduire l'intérêt payé.

Vous dites, si j'ai bien compris, que nous pourrions faire davantage. À votre avis, cette disposition précise qui prévoit le report d'un an du calcul de l'intérêt sur le prêt, aidera-t-elle vraiment les étudiants? Cela va-t-il suffire?

Mme Diane Watts: C'est une approche possible. Comme nous le disons dans notre mémoire, c'est une option. C'est une proposition qui pourra sans doute alléger certains problèmes.

Nous n'avons pas vraiment évalué en détail tout le programme. Nous voulions simplement faire cette proposition.

Le président: Est-ce que vous demandez 12 mois supplémentaires d'exemption des intérêts? En effet, nous accordons déjà 60 mois. Vous demandez un an de plus?

Mme Diane Watts: Dans notre mémoire, nous disons qu'il serait possible de reporter pendant une période d'un an le calcul de l'intérêt sur le prêt. Cela donnerait à l'étudiant le temps de trouver un emploi rémunéré.

Le président: Nous assumons déjà les intérêts pendant une période de 60 mois.

Mme Diane Watts: Vous dites que les étudiants ne payent aucun intérêt pendant 60 mois? Cela ne s'appliquerait donc pas dans ce cas.

Le président: En effet. Nous allons vérifier à nouveau, mais j'en suis convaincu.

M. Roy Cullen: C'est pourquoi cela n'est pas clair dans mon esprit non plus, car je savais que nous avions adopté certaines mesures pour les étudiants et relativement aux prêts étudiants.

M. Ken Epp: Permettez-moi d'ajouter mon grain de sel. Mon jeune assistant vient justement de vivre cette expérience, et il m'a dit qu'il a dû demander une exemption de paiement des intérêts tous les trois mois. C'était entièrement fonction de sa capacité de payer.

En d'autres termes, dès qu'il a obtenu un revenu, sa demande a été rejetée—ce qui est sans doute compréhensible. Il a désormais un bon emploi qu'il aime beaucoup.

M. Roy Cullen: Il a un bon patron, n'est-ce pas?

M. Ken Epp: Oui, il a un bon patron.

À mon avis, il faudrait que le gouvernement fédéral mette de l'ordre dans ses affaires pour que les étudiants ne croulent pas sous le poids de ces emprunts dès qu'ils obtiennent leur diplôme. C'est le problème essentiel, à mon sens.

• 1635

M. Roy Cullen: Je constate que le budget de 1998 prévoyait une somme supplémentaire de 1,5 milliard de dollars par an pour améliorer le régime des prêts aux étudiants, les bourses d'étude, les bourses du millénaire—bien sûr, c'était une autre mesure très importante—la recherche sur le perfectionnement continu, et des incitatifs en vue d'économiser pour les études supérieures des enfants, mais cela n'est pas aussi détaillé.

Nous examinerons cette recommandation en fonction des mesures qui ont déjà été prises pour voir s'il est possible de préciser certains éléments.

Le président: Merci.

Madame Leung, avez-vous une question à poser?

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Oui, merci, monsieur le président.

J'étais à une autre réunion et je m'excuse d'avoir manqué vos deux exposés. Toutefois, j'ai lu rapidement vos rapports.

Madame Watts, je comprends votre préoccupation du fait qu'il y a des taux d'imposition différents pour les familles à revenu unique et celles à double revenu. C'est très clair, à mon avis, et nous nous penchons également sur cette question.

J'aimerais un peu plus de précisions sur votre troisième proposition—à savoir récompenser grâce à des politiques fiscales les conjoints qui restent à la maison pour élever leurs enfants. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet?

Mme Diane Watts: Ce que nous proposons ici en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, c'est que la famille à revenu unique, à notre avis, devrait avoir une exemption de conjoint équivalente à l'exemption personnelle du soutien économique. Dans une famille à revenu double, il y a deux exemptions personnelles de base, des déductions personnelles, lorsqu'elles déclarent leur impôt sur le revenu.

Vous avez une situation où deux familles gagnent chacune 50 000 $ par année, par exemple, et dans un cas, si vous avez un seul soutien de famille, vous aurez une déduction personnelle et une déduction inférieure pour le conjoint. Nous proposons que ces montants soient égaux, parce que la femme ou l'homme qui reste à la maison et qui s'occupe de la famille représente un avantage équivalent pour la famille et contribue aux soins de la famille et à la société.

Donc il y a discrimination lorsqu'il s'agit de travail effectué par celui qui touche le revenu et celui qui contribue d'une autre façon à la famille. Nous voulons une plus grande égalité à cet égard.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

J'ai une question pour M. Clemens.

Vous êtes de Vancouver, n'est-ce pas?

M. Jason Clemens: Oui.

Mme Sophia Leung: Nous recevons un grand nombre de vos rapports.

Une voix: Nous en recevons dans chaque province.

Mme Sophia Leung: Non, je le reconnais.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Êtes-vous de Vancouver, Sophia?

Mme Sophia Leung: Je pense qu'ils le savent.

M. Jason Clemens: Vous trouvez que c'est une bonne chose, n'est-ce pas de recevoir nos rapports?

Une voix: Je les trouve intéressants.

Mme Sophia Leung: Quoi qu'il en soit, j'ai une question à propos du commentaire que vous avez fait au sujet de la productivité. Vous avez indiqué que vos données remontent en fait à 1996. Cela se trouve à la page 3 de votre mémoire.

Je suis sûre qu'il existe différents moyens d'accroître et d'améliorer la productivité. Avez-vous des propositions concrètes à faire?

M. Jason Clemens: Je suis désolé, je n'ai pas bien compris la question.

Mme Sophia Leung: Vous avez critiqué la productivité du Canada en indiquant qu'elle était très faible, la plus faible parmi les pays du G-7. Pourriez-vous nous donner plus de précision sur la façon dont l'institut peut envisager...

M. Jason Clemens: Si j'ai inclus cette observation dans le mémoire c'était pour indiquer le contexte dans lequel nous envisageons le budget—à savoir remédier à certaines des difficultés économiques fondamentales que connaît le pays.

En ce qui concerne la productivité, une fois de plus, cela revient à la raison pour laquelle j'estime que la réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés, devrait être l'une des priorités. Lorsque vous examinez la productivité, un grand nombre de chercheurs conviennent que la restructuration du système d'impôt, sur le revenu des sociétés et la réduction de ce même impôt entraînera des gains au niveau de la productivité, ce serait donc, à mon avis, une option à envisager.

Une autre option concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, et je pense que certaines des mesures prévues par le dernier budget fédéral permettront d'amorcer un mouvement en ce sens, surtout en ce qui concerne les options d'achat d'actions, c'est-à-dire leur réserver le même traitement que celui en vigueur aux États-Unis.

Donc, en ce qui concerne la productivité, je crois que les mesures les plus efficaces devront être à incidence fiscale.

Mme Sophia Leung: Je vois.

• 1640

Vous avez fait un commentaire à propos de la migration et de l'exode des cerveaux. Bien entendu vous avez indiqué que cet exode se fait surtout vers les États-Unis, mais comme vous le savez sans doute, nous accueillons de nombreux travailleurs qualifiés d'outre-mer, de pays tels que l'Inde et la Chine, surtout dans le secteur de la haute technologie.

Avez-vous tenu compte de ce facteur? Parfois, d'après les renseignements dont je dispose, nous importons davantage de travailleurs que nous n'en exportons, si on peut dire.

M. Jason Clemens: Je vous renvoie à l'étude faite par DeVoretz, où il s'est penché sur cette situation—à savoir que les contribuables canadiens subventionnent la formation de nos futurs travailleurs que perd le Canada à cause de l'exode des cerveaux.

Je conviens avec vous que, dans une certaine mesure, nous importons des travailleurs qualifiés de certains autres pays. Cependant, selon DeVoretz, il s'agit quand même d'une perte nette lorsqu'on examine tous les coûts liés à l'investissement dans la formation postsecondaire de personnes qualifiées qui vont ensuite travailler à l'étranger.

Deuxièmement, je pense qu'il importe de se rendre compte que la plupart des données dont on parle, concernent la migration États-Unis-Canada. Elles n'incluent pas les pays vers lesquels peut se faire cet exode, en particulier le Royaume-Uni.

Un membre de l'Institut C.D. Howe, dont le nom m'échappe pour l'instant, s'est penché sur l'exode des scientifiques et des ingénieurs, et a mentionné en particulier l'Irlande et le Royaume-Uni. Ce sont les deux pays qui profitent de cet exode à l'heure actuelle. Cela s'explique je crois, du moins en partie, par les différences au niveau de l'impôt, surtout dans le cas de l'Irlande.

Mme Sophia Leung: Hier soir, j'ai rencontré une connaissance à bord d'un avion. Il est gestionnaire à Nortel, qui compte un important bureau à Beijing. Il m'a dit qu'on y forme régulièrement une douzaine de techniciens ou de spécialistes en haute technologie qui ont tous l'intention de venir au Canada.

Je tiens à ce que vous le sachiez. Il ne s'agit pas uniquement d'un mouvement unilatéral. C'est ce qu'on m'a dit aussi lors d'autres voyages. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que si vous utilisez des données isolées pour faire valoir votre argument, vous devriez aussi tenir compte d'autres données.

M. Jason Clemens: Je suis d'accord, mais je dirais que les données sur la migration vers les États-Unis, puisqu'il s'agit des données d'un chercheur, sont des données sûres. Dans son document, DeVoretz en fait signale qu'il s'agit d'une sous-estimation parce qu'il n'inclut pas les permis de travail temporaire délivrés en vertu de l'ALENA.

Je vous ai présenté ces données uniquement pour vous indiquer le contexte dans lequel nous envisageons l'exode des cerveaux. Je conviens avec vous qu'il faut faire plus de recherche afin de déterminer le nombre de personnes qui viennent travailler ici, mais je dirais que la plupart des gens qui examinent la question de l'exode des cerveaux, conviendraient qu'en fait nous perdons des travailleurs au profit des États-Unis.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Simplement pour enchaîner sur la question de l'exode des cerveaux, la mondialisation des marchés va entraîner un mouvement de la main-d'oeuvre. C'est un facteur dont nous devons tenir compte. La véritable question qui se pose, c'est comment crée-t-on au Canada un climat qui incite les gens à y rester, et qui attire un plus grand nombre de gens au Canada? Il importe peu que l'on perde une personne ou un millier de personnes? Si l'absence de débouchés est le problème, nous ne devrions même pas perdre une personne.

Je conviens avec vous que nous devons agir plus rapidement pour réduire les impôts. Il faut que la productivité devienne le principal enjeu. Mais je tiens à vous signaler que la question de la productivité est souvent considérée comme une question qui relève du—entre les guillemets—«gouvernement». En réalité, tous les gains de productivité sont réalisés à l'usine, si nous pouvons continuer à utiliser cette expression, ou dans les divers laboratoires et centres.

Essentiellement, en ce qui nous concerne, le gouvernement ne dispose que d'un nombre restreint de leviers pour accroître la productivité—des investissements en R et D, l'imposition, assurer la stabilité de l'environnement micro-économique—mais ensuite, il appartient vraiment aux employés des entreprises de faire preuve de créativité, d'esprit d'entreprise et d'améliorer la productivité ou d'apporter le type de changement en matière de productivité dont tout le monde parle.

Le débat sur la productivité est inquiétant en ce sens que beaucoup trop de gens—et j'ai d'ailleurs assisté à l'événement organisé par le Conseil canadien des chefs d'entreprises—comptent uniquement sur le gouvernement, et je pense que ce n'est qu'une solution partielle au problème.

Qu'en pensez-vous?

M. Jason Clemens: Je pense qu'il y a plusieurs aspects à examiner. Entre autres, reconnaître la fréquence avec laquelle revient la question de l'impôt.

• 1645

Par exemple, l'une des choses avec laquelle nous nous débattons en Colombie-Britannique à l'heure actuelle, c'est la taxe sur le matériel d'usine. Si l'employeur achète du matériel d'usine pour accroître la compétence et la productivité de ses employés, et augmente ainsi leurs salaires et accroît la productivité dans l'entreprise, il doit acquitter sur-le-champ une taxe sur cet équipement.

Ce genre de taxe était en vigueur en Alberta qui a d'ailleurs décidé de l'éliminer rapidement parce que c'était une taxe très inefficace. La province a constaté que, dès qu'elle a supprimé cette taxe, un plus grand nombre d'entreprises ont investi dans le matériel d'usine ce qui a rendu leurs travailleurs plus productifs, de sorte que la province a en fait empoché des recettes non seulement au niveau de l'impôt sur le revenu des sociétés mais aussi au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Le président: Êtes-vous en train de parler de l'impôt sur le capital?

M. Jason Clemens: L'impôt sur le capital, oui.

Donc, je pense qu'il est extrêmement important de comprendre qu'il y a la question de l'impôt sur le revenu des sociétés, et que cela a des conséquences négatives, et qu'il y a la question de l'impôt sur le revenu des particuliers, où par exemple, nous avons des taux marginaux d'imposition qui s'appliquent à un seuil de revenu beaucoup plus faible comparativement à ce qui existe aux États-Unis. Il y a aussi l'impôt applicable aux gains de capital. Donc, lorsque nous parlons de réduction d'impôts dans le cadre de la réforme fiscale, en fait, nous adoptons une approche très générale.

Je conviens jusqu'à un certain point que les moyens dont dispose le gouvernement sont restreints, mais je considère que l'impôt est un instrument de promotion ou de facilitation extrêmement efficace dont le gouvernement peut se servir.

J'aimerais reprendre l'excellente analogie utilisée par M. Walker, à savoir la fertilisation des champs. Le gouvernement a le pouvoir de créer un milieu beaucoup plus fertile pour l'activité commerciale, pour l'entrepreneuriat, pour l'innovation, et cela consiste à alléger complètement le fardeau fiscal, et deuxièmement, à rendre le système fiscal plus efficace en éliminant les distorsions.

Le président: Je cherche simplement à établir quels devraient être les rôles et les responsabilités du gouvernement et du secteur privé.

Par exemple, à cause de la faiblesse relative du dollar, qui est à 68 ou 69 c. de nombreuses entreprises estiment être productives, alors qu'en réalité elles se servent de la faiblesse du dollar comme avantage concurrentiel par rapport, disons, aux États-Unis, simplement pour vous donner un exemple.

Donc, lorsque vous examinez certains des investissements faits par les entreprises, ou l'absence d'investissement—en matière de formation, par exemple, ou en capitaux—il faut aussi dire que les entreprises canadiennes et le gouvernement ont une responsabilité pour ce qui est d'apporter des changements au niveau de la productivité. Je tiens à le souligner. Je ne crois pas que ce soit un débat unilatéral.

M. Jason Clemens: J'en conviens, mais je dirais que ce sont les instruments de l'entreprise—je veux dire qu'ils se situent, espérons-le dans un marché ouvert et discutable, où le rendement des entreprises fluctue sur ce marché—qui font essentiellement l'objet de ces pressions du marché. Donc ici encore, à notre avis, tant que le sol est fertile et propice à la concurrence, tant intérieur qu'internationale, il existe des pressions dans le système de marché, par le biais des marchés de capitaux, des marchés financiers et des marchés des produits, qui assureront ce genre de gains de productivité.

Mais je ne voudrais pas sous-estimer le pouvoir du gouvernement de rendre vraiment ce sol fertile, surtout en allégeant le fardeau fiscal.

Le président: Oui, cela ne fait aucun doute. Le comité a réclamé, à maintes reprises, la diminution de l'impôt sur le capital.

Je céderai maintenant la parole à Mme Redman, qui sera suivie de M. Szabo, puis ce sera M. Epp pour le dernier tour.

Mme Karen Redman: Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à m'excuser d'être arrivée en retard.

Depuis que je suis arrivée, monsieur Clemens, vous avez fait certaines déclarations avec lesquelles je suis d'accord. Vous avez parlé des recommandations mûrement réfléchies du rapport Mintz, et je suis d'accord avec vous; je pense qu'il vaut la peine qu'on en tienne compte. Mais en réponse à la question de M. Limoges, vous avez parlé de des entreprises ultra-subventionnées.

Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par là?

M. Jason Clemens: La liste est longue. Il y a le portefeuille des subventions des sociétés d'État. Un autre portefeuille au sein de l'industrie serait le subventionnement de certaines entreprises par le biais du subventionnement direct de l'entreprise ou de la promotion d'emplois dans l'entreprise au moyen de subventions.

D'après les derniers chiffres que nous avons recensés totalisaient environ 7 milliards de dollars pour l'exercice financier 2000, si ma mémoire est exacte, qui représentait sous une forme ou une autre une subvention directe à l'entreprise, soit par l'intermédiaire des sociétés d'État ou ces ministères.

Ce sont les types de programmes dont j'ai parlé.

Mme Karen Redman: Je vous remercie de cette précision. Je sais que sous le chapitre intitulé «Federal Budgets: Predilection with Spending», (Budgets fédéraux: Propension à dépenser), vous mentionnez Développement des ressources humaines Canada. Je suppose que ce sont certains des programmes auxquels vous faites allusion.

Je souligne que dans ma circonscription en particulier, je sais qu'une grande partie de ces subventions ont servi à embaucher, à temps partiel ou à temps plein, des personnes handicapées. Je me demande, si on laisse libre cours aux forces du marché, si ces Canadiens parviendront non seulement à s'épanouir sur le plan personnel mais aussi à contribuer à leur collectivité et à l'avenir du Canada comme ils le méritent. J'estime que le gouvernement doit les y aider.

• 1650

M. Jason Clemens: Brièvement, je dirais que si le marché n'a pas réussi à engager ces personnes parce qu'elles n'ont pas les compétences nécessaires, je n'aurais pas forcément d'objection à ce que, marginalement, le gouvernement participe à ce type de programme de perfectionnement professionnel. Le problème, c'est que le gros de ces fonds n'est pas vraiment—je veux dire que ce n'est pas la forme qu'ils prennent.

Je pense que l'un des aspects sur lequel on se méprend à propos des initiatives de création d'emplois en général, c'est que nous avons tendance à nous concentrer sur un seul élément du grand livre. Ici nous avons un montant donné qui a servi à la promotion d'emploi et nous avons, pendant une courte période, créé un nombre donné d'emplois. Le problème, c'est que ces fonds ont été soutirés à des particuliers ayant une famille ou à des entreprises qui auraient utilisé ces recettes, ou ce revenu disponible, pour acheter des produits et services qui auraient effectivement créé de l'emploi dans ces secteurs.

Donc, je dirais que, dans un cas, il s'agit d'une mesure de développement durable où les particuliers et les entreprises prennent des décisions à propos des produits et des services dont ils ont besoin. Les produits et les services pour lesquels la demande est forte entraîneront le développement de nouveaux producteurs et de nouveaux secteurs. Ceux pour lesquels la demande est faible feront l'objet de ce que Joseph Schumpeter qualifie de «destruction créatrice».

Le problème d'un programme de subventions, c'est qu'il ne prévoit pas ce genre de mécanismes. Herb Grubel, par exemple, a très bien fait ressortir que si nous parlons de création d'emplois, nous devons parler de création nette d'emplois et du fait que cet argent vient de quelque part.

En ce qui concerne DRHC, que vous avez mentionné, nous n'avons examiné que le budget de DRHC, nous n'avons pas examiné les transferts. Nous ne parlons que du 3 milliards de dollars qui se trouvent dans le portefeuille de DRHC, et non du budget du portefeuille dans sa totalité.

Mme Karen Redman: J'aurais une autre observation personnelle. Je sais que les programmes d'emploi des jeunes—et je ne sais pas si cela relèverait de l'approche générale que vous utilisez en ce qui concerne ces programmes—ont joué un rôle très important dans ma collectivité en mettant fin à ce cercle vicieux selon lequel si vous n'avez pas d'expérience, vous ne pouvez pas obtenir d'emploi, et vous ne pouvez pas obtenir d'emploi si vous n'avez pas d'expérience.

Il faut que l'on en tienne compte aussi dans l'équation. Il n'y a pas que les chiffres. Les jeunes parviennent à obtenir des emplois à temps plein, parce qu'ils ont pu acquérir une expérience de travail grâce à une initiative que notre collectivité, ma collectivité, a jugé être prioritaire pour eux.

M. Jason Clemens: Oui. La question alors que je vous poserais, c'est qui est le mieux placé pour décider qui devrait dispenser ces aptitudes professionnelles? Je dirais qu'en donnant aux employeurs la liberté, grâce à la discipline du marché,... Par exemple, je peux vous raconter des anecdotes à propos de ma ville natale, et la ville natale de Mme Leung, et vous dire que ces entreprises créeront des aptitudes durables pour ces personnes, pour ces étudiants qui arrivent sur le marché du travail.

Lorsque nous parlons de programmes de création d'emplois, je pense que nous devons parler du nombre net et non pas simplement du nombre brut d'emplois créés. Nous avons également fait une étude sur le chômage chez les jeunes qui révèle qu'en fait, le chômage chez les jeunes est loin d'être le problème que l'on décrit, si l'on envisage le taux historique de chômage chez les jeunes.

Je répéterai qu'à mon avis le programme de création d'emplois n'a pas apporté d'avantages nets à cause du facteur d'extraction et des coûts qui s'y rattachent.

Mme Karen Redman: Monsieur le président, j'aimerais prendre connaissance de l'étude, si nous ne l'avons pas déjà, qui en parle.

M. Jason Clemens: Si ma mémoire est bonne, elle a pour titre «Le chômage chez les jeunes», et son auteur est Marc Law. Elle est disponible sur notre site Web. En fait, toutes nos études sont disponibles, gratuitement, sur le site Web. Je me ferai un plaisir de vous en envoyer une copie originale.

Mme Karen Redman: Je vous remercie.

Le président: Qui a dit qu'il n'y avait rien de gratuit dans la vie?

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie.

Je tiens à remercier les VRAIES femmes de comparaître devant nous car je suis plus ou moins leur travail. Je connais un peu leurs antécédents. Cette organisation a manifesté une attitude très positive pour les questions intéressant les enfants et la famille. Elle fait un excellent travail. J'ai participé au sous-comité chargé d'étudier l'imposition de la famille, et j'ai trouvé l'expérience intéressante car elle a permis au moins de déterminer certains faits.

Un aspect que j'ai trouvé intéressant, et qui revient sans cesse sur le tapis, concerne la différence entre les montants de l'exemption personnelle de base et de l'exemption de conjoint, diffèrent.

Vous avez qualifié cela de discriminatoire. Mais ce que vous avez omis de mentionner c'est que lorsqu'on réclame une exemption pour conjoint, on peut déclarer un certain montant de revenu. En fait, en 1999, on pouvait gagner 606 $ sans réduire le montant de l'exemption pour conjoint. C'est un avantage dont ne dispose pas un membre de la population active rémunéré. Donc cela représente un avantage.

• 1655

J'ai fait quelques calculs rapides. Je pense qu'en 1999 l'exemption personnelle de base était de 7 131 $ et que celle du conjoint était de 6 055 $. La différence est de 1 076 $, et le taux de base de crédit non remboursable est de 17 p. 100. Donc il s'agit d'une différence de 182 $... Mais la capacité de gagner 606 $, sans payer d'impôt, même au taux d'imposition le plus bas, c'est-à-dire le taux combiné des impôts fédéral et provincial, équivaudrait à 25 p. 100. Donc, c'est pratiquement la totalité.

Proposeriez-vous qu'on modifie, par exemple, le montant non imposable de 606 $ afin qu'il devienne imposable et que les montants soient équivalents?

Mme Diane Watts: Ce qui nous préoccupe, c'est l'inégalité qui existe depuis de nombreuses années. Si nous nous dirigeons vers l'égalité d'une façon ou d'une autre, nous en sommes heureuses, mais il importe de reconnaître le rôle du conjoint sans revenu d'emploi, qui deviendrait ainsi probablement plus visible.

M. Paul Szabo: Oui, à première vue, mais j'ai fait de rapides calculs et en fait, si le montant de 606 $ était un revenu exonéré—c'est-à-dire que vous pourriez gagner jusqu'à concurrence de ce montant sans réduire le montant que le conjoint qui lui, fait partie de la population active rémunéré, peut réclamer pour vous—vous vous trouveriez en fait à payer plus d'impôt si on égalisait ces montants. Ce faisant, vous vous retrouveriez dans une situation pire qu'avant.

C'est une question que vous voudrez peut-être examiner ou demander à vos collaboratrices de le faire.

Mme Diane Watts: Oui, merci beaucoup.

M. Paul Szabo: L'autre aspect dont il faut tenir compte, c'est que si deux personnes font partie de la population active rémunérées, il y a de toute évidence des coûts qui se rattachent à l'emploi même s'il s'agit tout simplement des frais de déplacement quotidiens des salariés. Ce ne sont pas des coûts engagés par le conjoint pour lequel l'autre conjoint réclame un montant. Donc, sur le plan économique, si vous teniez vraiment à procéder ainsi, il risquerait d'y avoir un léger déséquilibre.

Quoi qu'il en soit, je comprends vos arguments. Je pense que la perspective que l'on adopte, vous avez tout à fait raison, est importante.

Monsieur Clemens, je voulais vous poser une question à propos de l'exode des cerveaux. J'ai assisté à une réunion plus tôt aujourd'hui avec un ancien président de l'Institut canadien des comptables agréés. Il m'a dit quelque chose d'assez intéressant. Peut-être que le Fraser Institute a des données là-dessus.

Il m'a indiqué qu'en fait comparativement au Canada, les États-Unis ont beaucoup plus investi, proportionnellement, compte tenu de la taille de leur économie, dans le secteur de la haute technologie, dans le secteur du logiciel et du développement technologique. Il s'agit du secteur qui connaît la croissance la plus rapide, soit un taux de croissance composé de 12 p. 100 par année. Il ne fait aucun doute que ce secteur offre un plus grand nombre de débouchés, ce qui explique sans doute l'exode des cerveaux.

Mais il a aussi dit que même si nous éliminions complètement les impôts sur le revenu au Canada, nous ne serions pas compétitifs au niveau du traitement net, car les salaires versés aux États-Unis dans ces cas-là sont beaucoup plus élevés qu'au Canada. Je crois que c'est le président de Nortel, M. Roth, qui a donné l'exemple d'un étudiant de première année en génie qui entre dans la population active. Il a dit qu'il payait probablement 30 ou 40 p. 100 de plus ces mêmes personnes avec les mêmes qualifications, essentiellement parce que la demande et les ouvertures étaient beaucoup plus importantes aux États-Unis qu'au Canada.

Dans cette hypothèse, à savoir que malgré toutes les mesures fiscales que l'on pourra prendre, on ne pourra pas rééquilibrer ces situations, que devrions-nous faire, d'après l'Institut Fraser?

M. Jason Clemens: En tant que chercheur, je vous répondrai que je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Ce que je trouve frappant, c'est que si vous prenez par exemple 1975, le PIB par habitant était alors le même au Canada et aux États-Unis. Il est tombé si je ne me trompe, à 70 p. 100. Je crois que nous avons les chiffres ici, d'ailleurs. En moyenne donc, à l'époque, le revenu des Canadiens—ah oui, il est de 61 p. 100—était au même niveau que celui des Américains. Dans l'ensemble, nous étions concurrentiels.

Ce que vous demandez, c'est si nous sommes quand même compétitifs malgré ce décalage. À mon avis, nous pouvons l'être, mais le fardeau fiscal est un des problèmes que nous avons.

Par exemple, les seuils pour les revenus élevés sont bien inférieurs, sont beaucoup plus bas que les seuils pour les revenus élevés aux États-Unis. Mais étant donné la fluidité des marchés, notamment du marché nord-américain, où il n'est pas nécessaire de s'installer dans une région pour y exercer une activité, je dirais que ces possibilités peuvent et devraient d'ailleurs se présenter au Canada.

• 1700

Prenons l'exemple de Vancouver, et il y a là peut-être un peu de parti pris chez moi parce que je viens de Vancouver. Vancouver devrait être l'un des centres économiques non seulement du Canada mais de toute l'Amérique du Nord étant donné son ouverture sur la côte Ouest et sur l'Asie. En fait, je dirais que la politique économique néfaste, appliquée au niveau provincial depuis neuf ans a en fait entraver l'essor d'une ville pleine de dynamisme.

Je trouve absurde par exemple que Vancouver soit la cinquième ville du Canada pour le nombre de sièges sociaux d'entreprises alors que Calgary est au deuxième rang, alors que c'est Vancouver qui a le meilleur emplacement géographique. Nous avons accès à un bassin de travailleurs plus vaste et à une population active plus éduquée si l'on se réfère aux niveaux d'études. Je crois qu'on sous-estime l'effet d'un abaissement du fardeau fiscal et les conséquences d'une telle initiative sur l'innovation et l'esprit d'entreprise.

En termes très simplistes sur le plan économique, si le prix de quelque chose est plus élevé, vous allez en avoir moins, et par conséquent si l'on fixe le prix de choses comme l'innovation, l'esprit d'entreprise et le succès à un niveau plus élevé qu'aux États-Unis—et je sais bien que c'est une vision très simpliste—je pense qu'on a... Je pense que cela explique partiellement la situation.

Donc, je ne suis pas vraiment d'accord avec votre hypothèse.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Madame Watts.

Mme Diane Watts: Vous avez l'air de dire qu'il y a égalité entre la famille à revenu unique et la famille à double revenu, mais dans le cas des familles qui ont de jeunes enfants en garderie commerciale, la famille à revenu double peut réclamer la déduction pour frais de garderie qui est, dans une certaine mesure, subventionnée par la famille à revenu unique. On ne reconnaît pas la situation de la famille à revenu unique dans cette déduction pour garde d'enfants.

Cela coûte cher de garder les enfants à la maison. Cela coûte cher à la mère ou au père, au deuxième conjoint, de travailler, mais cela coûte cher aussi de rester à la maison pour s'occuper des enfants et de payer toutes les activités que cela comporte. Si l'on subventionne ces activités, dans le cas des familles à double revenu, cela veut dire que ces activités sont subventionnées par la famille à revenu unique, qui ne profite pas...

M. Paul Szabo: Autrement dit, qu'on ait un travail rémunéré ou pas, quand on élève des enfants, il y a toujours des frais, mais on subventionne uniquement ceux qui ont travail rémunéré et non pas ceux qui travaillent sans rémunération.

Mme Diane Watts: Exactement.

M. Paul Szabo: Si vous lisez le rapport du sous-comité, vous constaterez, ce qui est absolument renversant, que moins de 25 p. 100 des familles qui pourraient déduire des frais de garde d'enfants le font. En 1997, la déduction moyenne réclamée était de 2 500 $, quel que soit le nombre des enfants.

Autrement dit, il doit y avoir un très grand nombre de cas où la garde des enfants est payée de la main à la main, sans que ces frais soient déclarés. L'idée que les gens utilisent cet avantage fiscal considérable est tout simplement fausse. En fait, s'ils ne réclament pas cet avantage fiscal, c'est parce que très souvent les choses se font en douce.

Mme Diane Watts: Il y a également d'autres possibilités. Les parents font appel à des membres de leurs familles, à des amis, ils prennent des dispositions autres que la garde réglementée et commerciale. Ce sont des possibilités pour les familles, et plus il y a d'options de ce genre, mieux cela vaut pour les familles.

M. Paul Szabo: Je suis d'accord avec vous.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci.

Monsieur Clemens, vous dites que le revenu par habitant des Canadiens est bien inférieur à celui des Américains. Est-ce que ce sont des dollars constants? Est-ce que vous convertissez les dollars américains?

M. Jason Clemens: Oui.

M. Ken Epp: Autrement dit, si les chiffres que vous donnez à la page un sont différents, c'est simplement à cause de la valeur relative de notre dollar.

M. Jason Clemens: Non, nous avons comparé le pouvoir d'achat. C'est ce que nous avons fait dans tout le rapport. Nous n'utilisons pas la valeur nominale, car si c'était le cas,... Il ne s'agit pas de la valeur nominale.

M. Ken Epp: S'il s'agissait de la valeur nominale, ce serait bien pire, n'est-ce pas.

M. Jason Clemens: Effectivement, infiniment plus catastrophique. Si je me souviens bien, en ce qui concerne le pouvoir d'achat nominal, la comparaison...

Le président: Quatre-vingt deux pour cent.

M. Jason Clemens: J'allais dire 88, mais 82...

Excusez-moi, je peux vous obtenir ce chiffre, mais dans tout le document, c'est le pouvoir d'achat que nous comparons. Tout cela est en dollars réels, et par conséquent ajustés pour tenir compte de l'inflation.

M. Ken Epp: D'accord.

J'ai une question au sujet des REER. Avez-vous une opinion en ce qui concerne le maximum d'investissement étranger dans les REER?

M. Jason Clemens: En ce qui concerne les REER, il y a deux éléments; pour commencer, il y a environ deux ans, j'ai fait une étude sur la règle du contenu étranger. À mon avis, cette règle du contenu étranger, c'est-à-dire en ce qui concerne la propriété, devrait être éliminée. Le maximum est actuellement fixé à 25 p. 100, il doit passer à 30 p. 100 sous peu, mais à mon avis, il devrait être éliminé. Plusieurs études ont été effectuées par divers organismes qui ont examiné la règle du contenu étranger.

• 1705

Ce qui est tout aussi important, si vous permettez de m'arrêter un instant sur le régime des REER, c'est que lorsqu'on examine ce qu'il en coûte d'augmenter les impôts, on constate qu'un des moyens les plus efficaces d'augmenter les impôts est d'augmenter les taxes à la consommation. Je ne parle pas des taxes de vente, mais les taxes à la consommation. Ce qui est intéressant dans le système canadien, c'est que dans le cas d'environ 88 à 90 p. 100 des contribuables, il est possible de passer très rapidement à une taxe à la consommation à cause, justement, du régime des REER. En effet, il y a tellement de Canadiens qui économisent presque exclusivement par le biais des REER, qu'on pourrait mettre en place sans grande efficacité un système d'imposition uniforme qui permette des déductions sur les REER, ce qui nous rapprocherait en fait d'une taxe à la consommation.

Aux États-Unis, à l'heure actuelle, on discute d'une taxe de vente nationale, ce qui constituerait une réforme majeure. Grâce à notre régime des REER, qui est déjà en place, il serait facile d'inclure dans notre système d'imposition sur le revenu une taxe basée sur la consommation.

Quant à la règle du contenu étranger, nous recommandons qu'elle soit éliminée.

M. Ken Epp: Avez-vous des études sur l'exode des capitaux?

M. Jason Clemens: Oui. En même temps que nous avons étudié la règle du contenu étranger, nous nous sommes penchés sur un certain nombre d'études effectuées au Royaume-Uni, en Australie, au Japon et aux États-Unis. En fait, dans tous ces pays, lorsqu'on a éliminé les restrictions sur les investissements étrangers, on s'est aperçu que la balance penchait plus fort du côté des capitaux en provenance de l'étranger.

Cela s'explique du fait que cette décision indique aux investisseurs étrangers que tel pays ou telle région n'a plus besoin de protéger ses capitaux, que ses compagnies, ses entrepreneurs, tout son secteur commercial, est suffisamment efficace pour se passer de protection. On a donc pu constater une arrivée de capitaux étrangers et cela a plus que compensé l'exode des capitaux.

D'autre part, en ce qui concerne la règle du contenu étranger, il est possible d'y échapper totalement en utilisant des instruments dérivés et des fonds «clones». Autrement dit, cette règle n'existe plus vraiment. Le problème, c'est que ces instruments, les dérivés ou les clones, coûtent plus cher qu'une autre solution.

Bref, les Canadiens qui veulent diversifier leur portefeuille doivent en payer le prix. L'élimination de cette règle serait donc positive.

M. Ken Epp: Et si l'on supprimait totalement cette restriction, que se produirait-il? Est-ce qu'on a cherché à déterminer si cela augmenterait en fait le montant que les Canadiens investissent dans un REER, ce qui réduirait d'autant les recettes du gouvernement canadien?

M. Jason Clemens: Pour commencer, le régime des REER devrait être considéré comme un report d'impôt, car il ne s'agit pas d'éliminer un impôt, mais bien de le reporter à une date ultérieure.

Les études que nous avons consultées dans le cadre de notre propre étude montrent que l'investisseur moyen investirait environ 30 p. 100 dans des biens étrangers, et le reste, soit 70 p. 100 au Canada. Nous n'avons pas examiné les conséquences, nous n'avons pas cherché à savoir si on éliminait cette règle si cela ferait augmenter l'épargne. Ce qui est certain, c'est que le taux de rendement à long terme pour l'investisseur moyen augmenterait car il pourrait diversifier son portefeuille.

Il y aurait donc une augmentation de richesse pour l'investisseur moyen, à cause des possibilités de diversification que cela lui donnerait.

M. Ken Epp: D'accord.

Pour terminer, avez-vous fait des études, en avez-vous consulté d'autres, sur les conséquences d'une réduction des taux d'imposition sur les recettes du gouvernement? Vous ne cessez de répéter que nous devrions réduire le taux d'imposition, vous parlez d'un impôt uniforme, et j'aimerais bien savoir si le Fraser Institute possède des documents solides sur les effets d'un impôt uniforme.

D'autre part, avez-vous des données solides, ou du moins des données théoriques sérieuses, sur les effets de ces réductions d'impôt sur les recettes du gouvernement.

M. Jason Clemens: Certainement. Dans les deux prochains mois, nous allons probablement publier une étude importante sur les principes et les problèmes posés par un impôt uniforme. D'autre part, il y a une étude importante des conséquences de l'impôt uniforme à Hong Kong qui a été effectuée par le Dr Reynolds du Hudson Institute d'Indianapolis. Je me ferais un plaisir d'en envoyer un exemplaire au comité.

En ce qui concerne les travaux universitaires, ils ne sont pas unanimes quant aux conséquences des réductions d'impôt. Certains chercheurs croient en la courbe de Laffer, c'est-à-dire ce qui se produit quand on réduit les impôts... Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on cherche à se rapprocher d'un niveau optimal. Lorsqu'on dépasse ce niveau, c'est la position que nous avons au Canada, en réduisant les impôts on favorise l'activité économique, ce qui compense amplement toute perte de recettes.

• 1710

Au cours des 18 prochains mois l'Institut va effectuer une étude importante sur les réductions d'impôt au Royaume-Uni, en Irlande, aux États-Unis et au Canada pour déterminer si... En règle générale, on parle de la courbe «J». J'explique très rapidement, cela signifie que les recettes fiscales diminuent l'année où on réduit les impôts, mais normalement il ne faut pas attendre très longtemps, de deux à quatre ans, pour voir les augmentations s'accélérer.

Le problème, quand on étudie les cas particuliers de façon superficielle, c'est qu'on ne voit pas toujours cet effet. Lorsqu'on réduit les impôts, on constate immédiatement une augmentation des recettes fiscales grâce à une relance de l'activité économique. C'est donc une étude que l'Institut entreprend actuellement.

En ce qui concerne les recherches universitaires, d'après ce que j'ai pu lire personnellement, les chercheurs ne sont pas unanimes.

M. Ken Epp: Monsieur le président, j'ai terminé mes questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.

J'ai une dernière question à l'intention de M. Clemens.

On dit souvent que les Américains ont plus d'esprit d'entreprise que les Canadiens. Est-ce que c'est une question de tempérament ou bien est-ce que l'environnement...

Des voix: Oh, oh!

M. Rick Limoges: Voilà-t-il pas qu'il est anthropologue.

Le président: L'esprit d'entreprise existe des deux côtés de la frontière. Pourquoi est-il plus fort collectivement de l'autre côté?

M. Jason Clemens: Je vous présente mes excuses, mais cela échappe quelque peu à mon expertise, qui est très limitée. Tout ce que je pourrais vous dire repose sur des ouï-dire, et je n'aime pas beaucoup faire cela.

Personnellement, je travaille à Vancouver, et j'ai souvent l'occasion d'aller à Calgary, où je constate une grosse différence. En effet, à Calgary en Alberta, les gens ont beaucoup d'esprit d'entreprise, ils innovent facilement, ils prennent des risques.

Je précise que ce sont des ouï-dire, cela n'a rien de scientifique, et je m'empresse d'ajouter que j'ai des collègues doués d'un très grand esprit d'entreprise qui démarrent actuellement des compagnies à Toronto et à Ottawa. D'après mes recherches personnelles, j'ai l'impression que si l'on brise leurs chaînes, si on leur permet de garder plus d'argent en réduisant le fardeau fiscal sur les sociétés et sur les particuliers, ils seront parfaitement capables de concurrencer les Américains.

Je pense en particulier à notre infrastructure dans le secteur de l'éducation: des réformes sont toujours nécessaires, mais nous avons une main-d'oeuvre bien éduquée, et si nous permettons aux entrepreneurs de se développer et de prendre de l'expansion au Canada, leurs compagnies seront tout à fait à la hauteur des compagnies américaines.

Encore une fois, je répète que c'est une impression fondée sur ma propre expérience, ce ne sont pas des données solides.

Le président: Cela dit, quand vous dites que les gens ont plus d'esprit d'entreprise en Colombie-Britannique, en Alberta et dans certaines enclaves de l'Ontario, ils sont tous assujettis au même régime fiscal.

M. Jason Clemens: En fait, si vous comparez l'Alberta et la Colombie-Britannique, ce n'est pas si facile en Colombie-Britannique à l'heure actuelle. Nous sommes en train de perdre certains de nos meilleurs éléments qui vont s'installer en Alberta, quand ce n'est pas aux États-Unis. Ce ne sont pas seulement des ouï-dire, il y a des données à ce sujet. En fait, mon voisin déménage sa compagnie à cause du fardeau fiscal et de la réglementation excessive en Colombie-Britannique.

Toutefois, il est intéressant de noter que la Colombie-Britannique a choisi un chemin bien particulier et augmente les dépenses tout en réduisant très peu les impôts. C'est un système fiscal tout à fait irresponsable qui nous vaut d'importants déficits à un moment où nous pourrions prendre de l'expansion, à un moment où la plupart des autres provinces ont tourné le dos à cette solution. En fait, le gouvernement fédéral lui-même s'en écarte.

D'ailleurs, si l'on s'en tient seulement aux cas de l'Alberta et de l'Ontario, les impôts ont diminué, on accorde plus d'importance au marché, et les avantages sont évidents.

Le président: D'une certaine façon, on peut être certain que les impôts sur les sociétés vont diminuer, de même que l'impôt sur le revenu des particuliers, au fur et à mesure que les ressources augmenteront. Nous allons faire tout notre possible pour nous assurer que les particuliers profitent de la libéralisation des échanges. D'autre part, nous devrions également chercher à alléger la réglementation et le fardeau réglementaire au Canada.

Mais après cela, je pense qu'il faut faire comprendre aux Canadiens à quel point l'esprit d'entreprise peut avoir des résultats positifs, faire comprendre à notre société qu'il y a de grands avantages à prendre des risques, même si cela entraîne parfois des échecs. Après tout, c'est ce qu'on peut constater dans notre système bancaire et dans notre secteur des services financiers. Les Canadiens ne prennent pas autant de risques que les Américains, cela me semble évident.

J'essaie simplement de déterminer si cela tient à l'environnement, ou si les Canadiens ont naturellement tendance à être plus prudents que les Américains.

• 1715

M. Jason Clemens: Là encore, c'est une explication ou une réponse qui échappe un peu au cadre de mes recherches.

Le président: Oui, je comprends bien. Je pensais que vous aviez peut-être entendu des observations de ce genre... Je suis certain que cela n'a rien de nouveau.

M. Jason Clemens: Ce qui me frappe dans mes études, c'est la générosité des Canadiens, le rôle considérable du secteur sans but lucratif, les oeuvres de bienfaisance.

En effet, quand on considère le nombre de bénévoles par habitant et le pourcentage des revenus que chacun verse à des organismes de bienfaisance, il y a des différences frappantes d'une province à l'autre.

Je reconnais que c'est seulement la première année—nous avons effectué une étude, nous travaillons sur la deuxième—mais tout cela tient en partie à ce que vous dites, il existe bel et bien des différences culturelles. En fait, les gens sont très généreux dans les quatre provinces de l'Ouest si l'on considère le nombre d'heures de bénévolat par habitant et le pourcentage du revenu disponible versé à des oeuvres de charité. On pourrait probablement en déduire qu'il existe des différences culturelles d'une province à l'autre.

Le président: Et les Américains sont encore plus généreux que les Canadiens.

M. Jason Clemens: Oui, considérablement.

Le président: La différence est de 66 p. 100.

C'était notre quart d'heure de sociologie, mais c'est parfois important sur le plan économique.

Au nom des membres du comité, je vous remercie infiniment pour votre contribution.

Oui, madame Watts.

Mme Diane Watts: Puis-je faire une observation en terminant?

Le président: Absolument.

Mme Diane Watts: M. Szabo a parlé de discrimination contre les familles à revenu unique par rapport aux familles à double revenu. Nous prétendons qu'en ce qui concerne les impôts, les familles à revenu unique paient le double d'impôt.

N'avez-vous pas dit que le parent qui ne travaille pas, et c'est en général la mère, pourrait faire disparaître la différence en gagnant 600 $?

M. Paul Szabo: Non. D'après la loi fiscale, le conjoint qui reste à la maison peut gagner jusqu'à 606 $ sans que cela change le revenu total des conjoints. Au-delà de cette somme, la réduction de l'exemption pour conjoint est calculée dollar pour dollar. Autrement dit, si vous gagnez 706 $, l'exemption pour conjoint que le conjoint rémunéré peut déclarer pour vous est réduite de 100 $.

Mme Diane Watts: Très bien. Autrement dit...

M. Paul Szabo: Les 606 $ sont exonérés d'impôt.

Mme Diane Watts: Et vous pensez que la mère a intérêt à travailler.

M. Paul Szabo: Non, il pourrait s'agir d'un revenu sous forme d'intérêt, ou encore d'un travail à temps partiel, vente de garage, etc. Cela pourrait être n'importe quel...

C'est une somme nominale.

Mme Diane Watts: C'est justement ce qui ne nous plaît pas. Dans notre dernier numéro, nous parlons du budget de cette année. Nous disons:

C'est exactement ce qui ne nous plaît pas.

M. Paul Szabo: Mais c'est une question différente. Je vous dis simplement que si c'était identique, le conjoint qui reste à la maison et celui qui travaille pourraient déclarer un revenu personnel de la même façon, exactement comme deux conjoints qui travaillent. En éliminant cette exemption de 606 $, ce serait pire, et j'en suis assez sûr, car quand vous déclarez ce revenu, vous devez payer l'impôt provincial. Les conjoints qui déclarent l'exemption pour conjoint et le revenu exonéré dans certains cas ont intérêt à avoir le revenu exonéré.

Mme Diane Watts: Oui, mais beaucoup de femmes ne sont pas en mesure de gagner cet argent.

M. Paul Szabo: Nous parlons de 606 $.

Mme Diane Watts: Mais nous voulons encourager la mère à travailler, n'est-ce pas?

M. Paul Szabo: Non, non, ce n'est pas un emploi...

Mme Diane Watts: Ce sont des arguments que nous entendons sans cesse.

M. Paul Szabo: Tout ce que je vous dis, c'est qu'il faut considérer les chiffres. Si c'est identique, on en voit les conséquences pour la personne qui a un revenu épisodique. Il peut s'agir d'obligations d'épargne du Canada reçues en cadeau et produisant 500 $ ou 600 $ d'intérêts par année. Pour la mère qui reste au foyer et qui n'a pas d'autre source de revenu, cet intérêt n'est pas imposé, mais par contre, si elle travaille, il est imposé.

Mme Diane Watts: L'important, c'est que le travail accompli par la mère a une valeur, et nous voudrions que cela soit reconnu.

• 1720

D'après nos chiffres, il y a une énorme différence entre la famille à revenu unique et la famille à double revenu. Nos chiffres le prouvent.

M. Paul Szabo: Écoutez, si vous appliquez...

Mme Diane Watts: La somme d'argent gagnée étant la même.

M. Paul Szabo: ...si vous appliquez le même barème fiscal—17 p. 100 pour le fédéral pour les premiers 30 000 $, 26 p. 100 pour les 30 000 $ qui suivent, et 29 p. 100 pour tout ce qui dépasse 60 000 $, vous avez parfaitement raison. Toutefois, même aux États-Unis, où les conjoints font leur déclaration ensemble, il y a deux barèmes différents. C'est un système différent, un système d'imposition tout à fait différent.

Il est certain que la famille à revenu unique qui gagne 60 000 $ paye plus d'impôt que la famille où il y a deux revenus de 30 000 $ chacun, mais je peux vous assurer que vous trouverez dans le rapport toutes les munitions dont vous aurez besoin pour prouver que c'est une comparaison absolument ridicule.

La meilleure façon de comparer est de prendre un couple, deux personnes qui travaillent toutes les deux, et la femme est enceinte. Elle doit prendre une décision: Quitter la main-d'oeuvre salariée et s'occuper elle-même de son enfant, ou bien accepter de payer des frais de garderie, déduire ces frais mais continuer à avoir deux salaires?

Lorsque deux personnes gagnent chacune 30 000 $, il faut comparer ces deux salaires de 30 000 $ avec une déduction pour frais de garde d'enfant et un seul salaire de 30 000 $. Autrement dit, un revenu brut de 30 000 $ comparé à un revenu brut de 60 000 $.

Je vous assure que si vous faites le calcul vous verrez que la différence n'a rien à voir avec le barème d'imposition, et a tout à voir avec la perte nette de salaire.

C'est donc un choix qu'il faut faire, cela ne fait aucun doute, mais vous ne pouvez pas comparer un salaire de 60 000 $ et deux salaires de 30 000 $, ce serait absolument ridicule. Je vous invite à lire le rapport.

Mme Diane Watts: Enfin, je tiens à répéter à quel point nous considérons que le parent non salarié apporte une contribution valable. Nous continuons à penser qu'on ne tient absolument pas compte de cette contribution dabs la politique fiscale, la politique gouvernementale. Cela a toujours été notre opinion.

S'il n'y avait pas de problème à ce niveau-là, nous ne serions pas ici pour vous le rappeler, et c'est une chose que nous allons continuer à faire.

M. Paul Szabo: D'accord, merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Watts, monsieur Clemens.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier et à vous exprimer notre gratitude pour l'aide que vous nous avez apportée au sujet du projet de loi C-32. Comme toujours, lorsque le comité examine ses projets de loi, il a besoin d'aide, et nous avons la chance de pouvoir compter sur l'expertise de gens comme vous. Merci.

Nous avons un détail administratif à régler. Nous allons devoir commencer l'étude article par article du projet de loi C-24 le plus tôt possible. Tous les partis ont accepté d'avancer l'heure de la séance et de commencer entre 17 h 30 et 18 heures, au lieu de 19 heures.

Nous sommes d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Dans ce cas, je vous prie de rester assis.

La séance est levée.