STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 mars 2001

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, nous allons entamer la deuxième de nos audiences en prévision du sommet de Québec.

Je souhaite la bienvenue au professeur Dymond, à M. Wilson et à l'honorable Warren Allmand qui vont nous parler de divers aspects du sommet.

Je souhaite aussi la bienvenue à l'honorable Diane Marleau, habillée en rose fuchsia ce matin car le printemps commence aujourd'hui à 8 h 30. M. Harvard a l'air d'avoir des doutes, mais c'est ce qu'on nous a dit à la télévision, donc ça doit être vrai.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): J'oubliais que c'était le printemps.

Le président: Et bien voilà. On a du mal à se souvenir de tout ici, n'est-ce pas?

Nous allons commencer par M. Dymond. Merci d'être venu nous rencontrer.

M. Bill Dymond (directeur exécutif, Centre des politiques commerciales et des lois): Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que le comité, de nous donner l'occasion de vous présenter le point de vue du Centre des politiques commerciales et des lois. Je vais concentrer mes remarques sur l'Accord de libre-échange des Amériques et j'aborderai trois thèmes, à savoir le contexte des négociations, la dynamique de ces négociations et leur pertinence pour le Canada.

Je commencerai par le contexte. Les accords de libre-échange sont des instruments à la fois politiques et économiques. Du point de vue politique, ils s'appuient sur la notion de bon gouvernement démocratique et du point de vue économique, sur l'ouverture des marchés. De même que la démocratie crée le choix politique, le libre-échange crée le choix économique.

Il y a 20 ans, il aurait été impensable de négocier un accord de libre-échange pour les Amériques. La région était caractérisée par des régimes militaires brutaux ou d'autres formes de gouvernement autoritaire, la fermeture des marchés et l'incohérence des performances économiques. Au cours des 20 dernières années, cette région a progressé dans le sens du bon gouvernement démocratique. Les colonels, les généraux et les caudillos ont disparu, et ce sont maintenant les élections libres qui sont le modèle. Même là où il y a des problèmes, comme au Pérou ou au Paraguay, les tentatives de retour à un gouvernement autoritaire ont été sans lendemain.

L'ouverture des économies est maintenant la règle. La région a cessé d'essayer de construire des murailles entre ces économies intérieures et l'économie mondiale. Les stratégies industrielles, le remplacement des importations et les autres variétés de gestion économique par commandement et contrôle ont été mis au rancart. En fait, les pays d'Amérique latine ont suivi la même voie que pratiquement tous les autres pays en développement et les pays de l'ex-Union soviétique, c'est-à-dire que quand on leur a donné le choix, les électeurs ont mis de côté les dictateurs pour adopter le libre marché. Les exceptions sont Cuba, qui se disqualifie sur deux plans, et la Chine, qui essaie de négocier la transition vers une économie ouverte avec un gouvernement autoritaire.

• 0910

En second lieu, il y a la dynamique de la négociation. Deux dynamiques distinctes sont en jeu ici, la dynamique de l'ALÉNA et celle du reste de l'hémisphère. La dynamique de l'ALÉNA découle du succès même de l'accord, au point qu'il devient victime de ce succès. L'intégration économique qui a été réalisée, notamment l'intégration du Canada et des États-Unis, est l'équivalent de celle que l'on aurait normalement dans une union douanière ou un marché commun. Une bonne partie des problèmes de l'ALÉNA vont au-delà du champ de compétence des règles et institutions d'un accord de libre-échange. La politique de la concurrence en est un exemple, les questions de douane et de frontière en sont un autre.

La priorité régionale des trois pays de l'ALÉNA ne doit pas être l'intégration hémisphérique, mais la suppression des obstacles au commerce et aux investissements générateurs de richesse d'une manière opportune et attrayante pour les électeurs.

La dynamique de négociation des autres pays est très différente. Autant le Mexique avait besoin d'un accès au marché américain grâce à l'ALÉNA pour aller de l'avant avec ses massives réformes économiques internes, autant les autres pays ont besoin de ce même accès pour procéder à des réformes analogues. Ils ont un programme plus prosaïque: ce qu'ils cherchent, c'est d'obtenir l'accès aux marchés et aux dispositions connexes dont bénéficient déjà les pays de l'ALÉNA. Le commerce des produits agricoles, de l'acier, des textiles et du vêtement, ainsi que les disciplines des lois commerciales canadiennes et américaines viennent en tête de leur liste. Ces pays seront plus ou moins disposés à négocier sur des problèmes importants pour leurs partenaires de l'ALÉNA selon qu'ils accorderont plus ou moins d'importance à l'accès à ces marchés. Cela ne sera pas facile.

Troisièmement, il y a la question de la pertinence dans le cas du Canada. L'accord sur la zone de libre-échange des Amériques est pertinent pour le Canada pour trois raisons que je vais vous citer par ordre d'importance décroissant: il y a l'aspect géopolitique, la possibilité d'élargir les frontières des accords de libre-échange et les avantages commerciaux directs.

Tout d'abord, bien que l'Amérique latine évolue, le Canada évolue aussi. Il y a quelques années, le regard que le Canada jetait vers le Sud s'arrêtait au Rio Grande. L'Amérique latine se situait au dernier rang dans la politique étrangère du Canada. Pendant les années 80 et 90, le Canada a commencé à se sortir d'une crise d'identité d'une dizaine d'années au cours de laquelle le pays avait tenté de devenir une nation de l'Atlantique, une nation du Pacifique, et même une nation de l'Arctique, tout sauf une nation des Amériques. En se joignant à l'Organisation des États américains et en négociant l'ALÉNA, le Canada a cessé de rejeter le jugement de la géographie et a embrassé ses droits et responsabilités comme une nation membre des Amériques.

L'engagement du Canada à l'égard de la ZLEA exprime cette nouvelle identité, mais l'intérêt du Canada dans les Amériques va au-delà du commerce. Il englobe toutes les dimensions de la gouvernance démocratique moderne—la primauté du droit, les normes les plus élevées des droits de la personne, l'environnement et la protection des travailleurs, pour ne citer que quelques exemples.

Il est à noter, monsieur le président, que les pays les plus riches au monde sont ceux qui atteignent ces normes. Il s'agit également des pays qui participent le plus pleinement aux accords de libre-échange multilatéraux et régionaux.

Deuxièmement, un accord régional offre la possibilité d'élargir les frontières des accords de libre-échange afin de créer les règles et les institutions qu'exige la gouvernance globale. C'est ce que le Canada a fait dans le cadre de l'Accord de libre-échange en acceptant un mécanisme exécutoire de règlement des différends dans les recours commerciaux et plus tard dans l'ALÉNA en acceptant des dispositions globales sur les investissements.

Dans le cadre de la ZLEA, nous devons examiner des questions telles que les politiques en matière de concurrence, l'ouverture des marchés publics, la rationalisation de l'administration des douanes et toute une gamme d'autres questions afin de déterminer la possibilité de se pencher sur ce genre de problèmes dans le cadre d'accords de libre-échange. Non seulement il en ressortirait un meilleur accord sur la ZLEA, mais ce serait un bon exemple pour l'ALÉNA et même les accords multilatéraux de l'OMC.

Troisièmement, l'incidence sur les exportations et les importations canadiennes sera modeste. Environ 95 p. 100 du commerce du Canada se fait avec les États-Unis, l'Union européenne et le Japon. La ZLEA ne va pas provoquer un virage important des échanges commerciaux. À moyen et à long terme, l'Amérique latine deviendra un marché important de deuxième niveau pour le Canada, équivalant, par exemple, à l'Europe. Toutefois comme dans le cas de tout accord de libre-échange, des entreprises canadiennes et leurs employés profiteront d'un marché et de conditions d'investissement améliorées, ce qui vaudrait la peine.

Pour conclure, monsieur le président, la ZLEA est une idée qui a fait son chemin. Espérons qu'elle continuera à le faire. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dymond.

• 0915

Monsieur Wilson, voulez-vous commencer, s'il vous plaît.

M. John Wilson (président, Section régionale d'Ottawa, Conseil canadien pour les Amériques): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, je suis très heureux de participer à cette séance ce matin. C'est ma deuxième visite. La fois précédente, j'étais venu discuter de l'Accord de libre-échange avec le Chili—c'était il y a peut-être quatre ou cinq ans—pour expliquer à quel point cet accord était important pour les ventes futures d'hydroturbines et de génératrices canadiennes à ce pays.

Je suis particulièrement heureux de constater que deux des membres de ce comité ont dans leurs circonscriptions de grandes installations de GE Canada. Je parle de Colleen Beaumier, Brampton-Ouest, et de Stan Keyes. Francine Lalonde avait dans sa circonscription notre usine CAMCO jusqu'au dernier redécoupage.

Le président: Ils l'ont abandonnée?

M. John Wilson: Oui, nous avons changé.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je les ai donnés à Réal Ménard.

[Traduction]

Le président: Elle dit que c'est elle qui vous a laissé tomber.

M. John Wilson: Oui.

C'était un vendredi après-midi qu'on m'a invité à participer et j'ai négligé de demander si je représentais GE Canada; le Conseil canadien pour les Amériques; la Fondation américaine pour les Amériques; ou le Bureau de promotion du commerce du Canada-India Business Council, bien que cela semble peu probable. Tout a maintenant été tiré au clair et je suis ici en fait pour représenter le Conseil canadien pour les Amériques. La Fondation canadienne pour les Amériques dont je suis également directeur se présentera devant vous la semaine prochaine.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le président, je regrette d'interrompre M. Wilson, mais je me demande s'il ne pourrait pas nous parler du Conseil canadien pour les Amériques.

M. John Wilson: C'est ce que je vais faire maintenant.

M. Svend Robinson: Formidable.

Le président: Je ne pense pas que ce soit là une question amicale, monsieur Wilson. M. Robinson ne pose jamais de questions amicales.

Des voix: Oh, oh!

M. John Wilson: Je me méfie.

Le Conseil canadien pour les Amériques constitue le principal lien du secteur privé entre le Canada, l'Amérique latine et les Antilles. Comme mécanisme de réseautage et d'information, le principal objectif du conseil consiste à stimuler l'expansion des intérêts commerciaux canadiens dans les marchés des pays de cette région. Le conseil a été créé en 1987. Son siège social se trouve à Toronto et il y a des sections régionales à Ottawa, Montréal, Halifax, Galgary et Vancouver, pour plus de 600 membres, d'un océan à l'autre. Ses membres varient de certaines des entreprises les mieux connues et les plus importantes au Canada à de petites entreprises et de nouvelles entreprises qui reconnaissent l'importance du commerce à l'extérieur des frontières du Canada.

La présidente nationale est Halina Ostrovski. Je suis président de la section régionale d'Ottawa. Le président du conseil d'administration est David Winfield, ancien ambassadeur du Canada à Mexico. Le Conseil canadien pour les Amériques entretient des liens étroits avec la Chambre de commerce Brésil-Canada, et Halina Ostrovski est la présidente des deux organisations.

Permettez-moi une parenthèse toute personnelle. J'ai vu l'Amérique du Sud pour la première fois à bord d'un navire qui arrivait dans le port magnifique de Rio de Janiero au levé du soleil, en 1950, il y a plus de 50 ans. Je me rendais en Argentine. Par la suite, j'ai vécu au Chili, en Argentine et au Pérou, et en 1966, j'ai passé de nombreux mois au Guatemala pour mettre en service une centrale hydroélectrique conçue par des ingénieurs canadiens. Mes responsabilités en matière de commercialisation internationale pour Acres et ensuite GE Canada m'ont ramené très souvent en Amérique centrale et en Amérique du Sud jusqu'à ce que je prenne ma retraite il y a environ 10 ans.

Le Conseil canadien pour les Amériques appuie fortement l'ALÉA tout comme il a appuyé d'autres initiatives, y compris Canada-Costa Rica; Canada-Amérique centrale et, comme je l'ai mentionné plus tôt, Canada-Chili.

Traditionnellement, depuis l'époque des Espagnols et des Portugais, le Brésil et les autres pays du Sud ont toujours fait affaire plutôt avec l'Europe; les pays du Nord tels que le Venezuela, la Colombie, le Panama et l'Équateur sont plus tournés vers les États-Unis; les pays des Antilles traditionnellement étaient tournés vers la Grande-Bretagne et les États-Unis; et le Mexique faisait affaire avec les États-Unis et l'Europe.

• 0920

Il est également à noter que par le passé, il existait de fortes rivalités entre les voisins. Au point d'engendrer des guerres et de limiter le commerce entre les pays voisins de la région. Même en 1960, lorsque j'ai quitté l'Argentine pour le Pérou, la documentation d'expédition de mes effets mobiliers a dû être étampée et autorisée par l'Argentine Fabricacines Militares, l'arsenal militaire de l'Argentine, en fait pour confirmer que l'exportation de mes effets mobiliers n'allait pas nuire à la capacité de l'Argentine de faire la guerre.

Les temps ont changé. Aujourd'hui, comme l'a noté Bill, c'est extrêmement différent. Il y a des blocs commerciaux comme MERCOSUR et le groupe Andean. Il y a l'Argentine qui se prépare à exporter un tiers de sa production de gaz naturel vers le Chili, un pays auquel elle a failli faire la guerre il y a environ 15 ou 20 ans. Il y a un gazoduc qui relie de nombreux pays qui par le passé se parlaient à peine.

Vers le Nord, il y a la zone de libre-échange de l'Amérique du Nord. Il y a de nouveaux gouvernements au Mexique et aux États-Unis. Le changement est lancé et le temps d'aller de l'avant dans le domaine des accords de libre-échange des Amériques, c'est maintenant, malgré les réserves des États-Unis et le manque de pouvoir temporaire, espère-t-on, de son nouveau président pour appliquer la procédure accélérée.

Malgré la froideur de Brésiliens qui, nous dit-on, préféreraient renforcer MERCOSUR, qu'ils dominent, et s'en servir pour marchander avec l'ALÉNA et les Européens qui attendent pour conclure des ententes binationales après du picorage là où c'est dans leurs propres intérêts étroits, ce qui affaiblit toute l'idée de la ZLEA, le moment est venu d'aller de l'avant. Comme l'a si éloquemment souligné Peter Cook dans son excellent dernier article dans le Globe and Mail hier, il faut que dans les Amériques, les principaux participants, les États-Unis et le Brésil, découvrent qu'ils ont besoin de la ZLEA et doivent être prêts à faire des sacrifices pour l'instaurer.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Wilson.

Nous accueillons maintenant l'honorable Warren Allmand du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique de Montréal.

M. Warren Allmand (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité d'avoir invité le centre à comparaître devant lui sur cette importante question.

Comme le centre l'a déclaré à plusieurs reprises, Droits et Démocratie ne s'oppose pas à la signature d'accords de libre-échange, mais insiste sur le fait que ces accords doivent reconnaître la primauté des droits de la personne et doivent être pleinement conformes aux traités sur les droits de la personne que nous avons ratifiés. Le droit commercial ne devrait jamais primer sur le droit en matière de protection des droits de la personne. Au contraire, le commerce doit favoriser la cause des droits de la personne.

Je vous signale que 27 des 34 États participant au Sommet des Amériques ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et que 25 d'entre eux ont aussi ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

Voici la recommandation numéro quatre que le comité formulait dans son rapport d'octobre 1999 portant sur l'Accord de libre-échange:

Il s'agit d'une excellente recommandation.

Voici maintenant la recommandation numéro 10:

Enfin, voici la treizième recommandation du comité:

Monsieur le président, nous appuyons pleinement ces principes et dans sa réponse à votre rapport, le gouvernement a dit qu'il faisait de même. Le gouvernement ne nous a cependant pas encore suffisamment expliqué comment il compte concrétiser ces principes. Nous attachons beaucoup d'importance au libellé de l'accord, et conformément à vos recommandations numéros quatre, dix et treize, ce libellé devrait aussi vivement intéresser le comité.

Ces principes généraux ont été réaffirmés dans le discours du Trône du 30 janvier ainsi que dans la déclaration faite par M. Manley devant le comité jeudi le 15 mars.

• 0925

Voici plus particulièrement ce que déclarait M. Manley:

Monsieur le président, nous pensons qu'il s'agit là encore de paroles louables, mais nous attendrons d'avoir vu l'ébauche de déclaration et de plan d'action du sommet pour y souscrire complètement.

En outre, personne d'entre nous, ce qui comprend les membres du comité, n'a vu l'ébauche de l'Accord de libre-échange des Amériques, qui devrait comporter comme à l'habitude des dispositions entre crochets, celles sur lesquelles il y a désaccord ou pour lesquelles on propose un autre libellé. Je trouve tout à fait inadmissible que les députés et le public n'aient pas encore pris connaissance de ce document, ce qui nous empêche d'en discuter en connaissance de cause.

Je me permets de dire que le traité créant la cour pénale internationale dans le cadre du traité de Rome a été négocié tout autrement. Tous les intéressés ont pu étudier l'ébauche de document six semaines avant la conférence tenue à Rome et décider ainsi s'ils comptaient l'approuver, le rejeter ou le modifier. Tous les ONG ainsi que la société civile ont aussi pu examiner l'ébauche de document avant les négociations qui ont ensuite abouti à la création du tribunal.

J'ai félicité le ministre Pettigrew le 14 décembre, lorsqu'il a communiqué certaines des positions de négociation du Canada dans le cas de la ZLEA, mais j'ai signalé à l'époque que la communication était incomplète car elle n'indiquait pas la position du Canada à l'égard de quatre aspects critiques, à savoir l'investissement, les services, la propriété intellectuelle et le règlement de différends.

Le ministre a aussi publié un projet de préambule qui renferme deux mentions explicites des droits de la personne. Bien qu'il s'agisse d'un pas dans la bonne direction, les préambules ne sont pas exécutoires. Par conséquent, je considère que cela ne donnerait pas suite à votre recommandation 4, ni ne satisfait notre requête voulant que la ZLEA comporte des dispositions exécutoires qui assujettiraient l'accord aux normes énoncées dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme ou la Charte internationale des droits de l'homme, qui comprend la déclaration universelle et les deux principaux pactes.

Il a été proposé d'inclure une clause sur la démocratie soit dans la déclaration du Sommet, soit dans l'accord sur la ZLEA. On ne sait pas au juste à quel document elle s'appliquerait.

À l'heure actuelle, dans cet hémisphère, il existe des clauses démocratiques qui guident l'OEA en vertu de la résolution 1080 de juin 1991, dans l'accord du MERCOSUR de juin 1996, et dans l'Accord de libre-échange entre l'Europe et le Mexique de décembre 1997, mais aucune d'entre elles n'est pleinement satisfaisante. Dans la disposition de l'OEA, la clause démocratique a été utilisée quatre fois pour expulser certains pays, mais le seuil prévu pour la suspension est extrêmement élevé et cette mesure doit être soumise à l'approbation du conseil permanent.

Dans la disposition du MERCOSUR, cette clause est encore plus faible et ne prévoit aucune définition de démocratie et laisse beaucoup trop de pouvoir discrétionnaire aux autorités d'État. En ce qui concerne la disposition démocratique prévue dans l'accord entre l'Europe et le Mexique, il s'agit d'une très bonne déclaration qui renvoie à la Déclaration universelle des droits de l'homme mais ne prévoit pas de mécanisme d'évaluation ni d'application.

Par conséquent, monsieur le président, une clause sur la démocratie serait une excellente disposition, en fonction de sa teneur, de ses définitions et de ses dispositions en matière d'application. Nous sommes en train de préparer un document sur cette proposition relative à une clause démocratique, qui sera rendu public sous peu.

Nous sommes également en train de préparer un document exhaustif sur la ZLEA qui sera prêt la semaine prochaine. Intitulé «A Human Rights Frameword for Trade in the Americas» (Les droits de la personne et le commerce dans les Amériques), ce document sera le texte fondamental sur la ZLEA que nous présenterons à tous les gouvernements, y compris le Canada, lors du sommet. Nous avons un résumé de ce document avec nous aujourd'hui.

Je suis heureux que Diana Bronson se soit maintenant jointe à moi. Diana distribuera les résumés du document au comité. Ils sont en anglais et en français.

Dans le document que nous sommes en train de préparer, nous signalons que le Canada a ratifié plusieurs traités internationaux en matière de droit de la personne. Comme je l'ai déjà dit, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a été ratifié par 142 États du monde, dont 27 des 34 États qui assisteront au sommet.

• 0930

De plus, l'Organisation des États américains possède un système international des droits de l'homme qui comprend une déclaration des droits de l'homme, la Convention américaine relative aux droits de l'homme, la Commission interaméricaine des droits de l'homme, la Cour interaméricaine des droits de l'homme, et le protocole de San Salvador, qui traite des droits économiques, sociaux et culturels.

Toutes ces institutions à l'échelle interaméricaine sont très importantes pour les citoyens des Amériques car un grand nombre d'entre eux n'ont pas de système de justice fiable ou honorable devant lequel ils peuvent déposer leurs griefs et leurs plaintes. Leur seul recours est le système interaméricain, qui à notre avis doit être consolidé.

Malheureusement, le Canada et les États-Unis n'ont pas ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme et par conséquent ne sont pas des participants à part entière à ce système à l'heure actuelle. Nous estimons que si le Canada décide d'adopter un accord quelconque sur la ZLEA, il est autant plus important qu'il ratifie la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

Comme je l'ai dit, nous n'avons pas d'exemplaire du projet d'accord sur la ZLEA. Nous supposons qu'il sera fondé sur l'ALÉNA ou sur l'accord de l'OMC. Selon l'accord de l'OMC, les ententes régionales doivent se conformer aux règles de l'OMC ou les dépasser. Les règles régionales ne peuvent pas être plus faibles que les règles de l'OMC.

Par conséquent, nous avons de nombreuses préoccupations. La première, c'est que les règles commerciales et les droits des investisseurs l'emporteront sur les droits de la personne. Deuxièmement, nous craignons que certains droits économiques et sociaux, comme le droit à l'alimentation, le droit à l'éducation et le droit à la santé qui sont énoncés dans les pactes ratifiés relatifs aux droits de l'homme dans la déclaration universelle et dans d'autres pactes, seront soumis aux mêmes menaces et aux mêmes attaques auxquelles les exposent l'ALÉNA et l'accord de l'OMC. Dans le document auquel j'ai fait allusion, nous citons plusieurs exemples de ces attaques.

À la Conférence mondiale des Nations Unies sur les droits de l'homme qui s'est tenue à Vienne en 1993, 170 pays, dont le Canada, ont déclaré que les droits de l'homme étaient la première obligation des États et que tous les droits de l'homme sont universels, indivisibles et interdépendants. Pour que les ratifications et les votes du Canada dans ces domaines aient vraiment un sens, il faut qu'ils s'appliquent au commerce ainsi qu'à d'autres aspects. Autrement, nous sommes des hypocrites. Nous faisons certaines déclarations et nous votons d'une certaine façon relativement aux droits de la personne lorsque cela nous arrange. Puis nous signons des accords commerciaux qui ne tiennent aucun compte des engagements que nous avons pris en matière de droits de la personne ou qui vont à l'encontre de ces engagements.

Monsieur le président, c'est de l'hypocrisie. Mon message au comité est le suivant: Prenez votre recommandation quatre d'octobre 1999 et exigez qu'elle soit mise en oeuvre. Exigez que le Canada, dans le cadre de ses accords commerciaux, respecte pleinement les engagements qu'il a pris à l'échelle internationale en matière de droits de la personne. Autrement, nous perdrons tous notre crédibilité.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Allmand. Vous nous avez fourni des renseignements très utiles en matière de droit international.

Je crois comprendre, madame Bronson, que vous n'ajouterez rien. Vous accompagnez M. Allmand, n'est-ce pas?

M. Warren Allmand: Elle est ici pour m'aider à répondre aux questions.

Le président: Je tiens également à vous remercier pour ce document très utile.

Je me demande, chers collègues, si je peux rompre avec la tradition et poser d'abord une ou deux questions sur des aspects qui me préoccupent depuis un certain temps.

Monsieur Dymond, vous avez parlé de la nature géopolitique de ce phénomène. On a dit que le Canada est peut-être en train d'abandonner son statut de pays de l'Atlantique Nord pour devenir un pays des Amériques, en mettant l'accent sur les Amériques et peut-être de façon périphérique sur l'Asie, l'Europe, etc.

Sur le plan strictement politique, croyez-vous que l'Accord de libre-échange des Amériques nous permettra de moins dépendre des États-Unis sur le plan commercial, le plan économique et aussi sur le plan de la sécurité? En d'autres mots, compte tenu du contexte politique, cet accord permettra-t-il au Canada de devenir non seulement un participant plus important au sein des Amériques mais aussi d'être moins dépendant des États-Unis?

M. Bill Dymond: Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'aspect commercial ou l'aspect économique de façon générale, l'investissement commercial et toute la dimension de l'intégration économique, ma réponse est non. Sur le plan économique, nous sommes intégrés à l'économie nord-américaine. Nous ne devrions pas nous attendre à ce qu'un accord commercial—qu'il s'agisse de l'accord sur la ZLEA, ou même l'APEC—modifiera ce fait économique ou géographique fondamental. Si vous examinez la situation géopolitique dans un contexte plus vaste, je pense que la réponse est effectivement oui.

• 0935

Si on remonte en arrière—et pardonnez-moi si j'ai l'air de jouer le professeur d'histoire—l'une des critiques dont ont fait l'objet l'Accord de libre-échange et l'ALÉNA, c'est que le Canada perdrait son indépendance au niveau de sa politique étrangère et de sa politique commerciale. Je semble me souvenir que des critiques semblables avaient été exprimées à Mexico.

Si vous regardez ce qui s'est passé depuis l'adoption de l'ALÉNA, ce sont les États-Unis qui ont été paralysés dans leurs politiques commerciales. Les États-Unis n'ont pas eu de politique commerciale depuis qu'ils ont adopté l'ALÉNA et approuvé les négociations du cycle d'Uruguay. Entre temps, le Canada a conclu un accord de libre-échange avec le Chili, et notre gouvernement a lancé un certain nombre d'accords de libre-échange distincts de l'accord hémisphérique. Je crois d'ailleurs que le Mexique a été encore plus actif à cet égard.

Donc, la place et la présence du Canada au sein des Amériques nous ont permis de profiter de débouchés qui n'existaient pas auparavant. C'est pourquoi j'estime que cela revêt une importance géopolitique pour nous.

Le président: Je ne veux pas ergoter, mais je crois que vous conviendrez probablement avec moi que la paralysie américaine, comme vous l'appelez, est surtout attribuable à des facteurs politiques internes qu'à des facteurs structurels liés à des considérations géopolitiques au sein des Amériques.

M. Bill Dymond: Je crois que c'est effectivement le cas, monsieur le président. Tous les observateurs américains du débat sur l'ALÉNA se rappellent qu'il y a eu deux débats. L'un en 1991 sur l'opportunité de la procédure accélérée, et le deuxième en 1993 sur l'opportunité d'approuver l'accord. Je pense qu'il était compris que l'importance du vote déterminerait l'avenir de la politique commerciale des États-Unis. Il a effectivement été approuvé de justesse, particulièrement à la Chambre. Et depuis, les efforts de l'ancienne administration en vue d'obtenir un consensus pour la procédure accélérée—qui représente en fait la politique commerciale américaine—se sont soldés par un échec.

Le président: Je vous remercie.

J'ai une très brève question pour M. Allmand. Vous avez déjà parlé de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Un grand nombre de députés ici présents s'y intéressent beaucoup, surtout en ce qui concerne son impact possible sur le Canada. J'ai appris qu'elle présente certains problèmes qui nous ont empêchés d'y adhérer. Je crois comprendre qu'il existe une disposition concernant le droit à la vie susceptible de porter atteinte au droit d'une femme de disposer de son propre corps pour ce qui est d'avoir des enfants, etc. Il existe d'autres atteintes sérieuses à la charte.

Vous recommandez que le Canada signe ce document mais on me dit qu'il suscite beaucoup de réserves. Vous n'avez peut-être pas le temps de vous étendre sur cette question maintenant, mais il serait peut-être utile que le Centre nous fournisse un document sur la Commission interaméricaine. Je pense que nos collègues aimeraient avoir plus de précisions à ce sujet de façon à décider si nous devrions insister auprès du gouvernement pour qu'il ratifie ce document—et dans l'affirmative, quels sont les problèmes.

Si vous pouviez avoir l'amabilité de nous fournir de plus amples renseignements, peut-être même d'en traiter rapidement ici. Je pense que cela intéresserait tous nos collègues.

M. Warren Allmand: Il y a plusieurs années que nous exerçons des pressions pour faire ratifier le traité sur la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Au départ, le gouvernement avait indiqué que ce traité comportait sept articles qu'il considérait inacceptables. Nous les avons examinés et avons constaté qu'un grand nombre ne sont pas légitimes—ils ont été défaits par des décisions rendues par la Commission interaméricaine, les interprétations de la Cour interaméricaine.

Il n'en reste que deux qui posent des difficultés. L'un est l'article 4, sur le droit à la vie, et l'autre porte sur la liberté d'expression ou la censure préalable, de la pornographie juvénile, entre autres.

Dans les deux cas, nous avons tenu de vastes consultations auprès de groupes de femmes en Amérique latine et au Canada. En fait, la semaine dernière, nous avons eu une téléconférence avec des groupes de femmes canadiennes à ce sujet. Nous étudions avec elles une proposition présentée par Rebecca Cook, féministe et avocate réputée en matière de droits de la personne. Elle croit que l'on peut régler le problème que pose l'article 4 à l'aide d'un protocole d'entente, de sorte qu'il ne resterait qu'un article faisant l'objet de réserves. Nous avons un mémoire très complet à cet égard; j'ai rencontré le sous-ministre de la Justice à ce sujet la semaine dernière.

Nous travaillons aussi assidûment pour rencontrer les représentants des gouvernements provinciaux afin d'essayer d'obtenir leur approbation à ce sujet. Nous vous enverrons un mémoire complet là-dessus. Nous considérons que le traité peut être ratifié, avec probablement un protocole d'entente et une réserve.

En passant, ces réserves ne visent pas à miner le traité. La plupart des groupes qui militent pour les droits de la personne s'opposent à de telles réserves. Mais dans ce cas-ci, nous les appuyons parce qu'elles permettent de favoriser les droits de la personne généraux énoncés dans le traité.

Le président: Je vous remercie. Nous serons heureux de recevoir votre mémoire.

Je tiens également à vous remercier d'avoir parlé du professeur Cook de l'École de droit de l'Université de Toronto. J'aimerais signaler à nos membres qu'elle était l'une de mes collègues à l'École de droit.

Monsieur Obhrai, ou monsieur Lunn?

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, AC): Mon collègue a une brève question, après quoi j'interviendrai.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, AC): Merci, monsieur le président.

• 0940

Tout d'abord, je tiens à m'excuser de mon retard et je remercie M. Obhrai.

J'ai une brève question à l'intention de M. Dymond. Comme on l'a déjà dit, l'Alliance canadienne appuie pleinement le libre-échange. Nous considérons que c'est une bonne chose pour le Canada, pour notre industrie et notre économie. Cela renforcera notre position commerciale.

Cependant, comme vous le savez, à l'heure actuelle nous sommes aux prises avec un grave différend commercial avec notre plus important partenaire commercial, les États-Unis, au sujet de l'un de nos plus importants produits d'exportation vers les États-Unis, le bois d'oeuvre résineux. Nous bénéficions vraisemblablement du libre-échange en vertu de l'ALÉNA, une fois que l'accord sur le bois d'oeuvre résineux arrivera à expiration, mais nous allons constater qu'en fait, ce n'est pas le cas. Même après trois décisions précédentes—et je suis sûr que vous êtes au courant de l'historique de la chose—qui ont tranché en fait en notre faveur, les États-Unis s'apprêtent à lancer une autre contestation dans quelques semaines, qui coûtera à notre industrie des milliards de dollars.

Cela dit, ma question concerne le processus. Même si nous avons un accord de libre-échange, nous constatons que lorsque notre voisin du Sud veut faire du protectionnisme, l'existence de cet accord n'a pas vraiment d'importance.

Pouvons-nous nous protéger contre ce genre de chose dans le cadre d'un accord sur la ZLEA? A-t-on établi un processus de résolution qui est réalisable et qui empêchera effectivement ce genre de problèmes de manière à ce que notre industrie ne soit pas paralysée? Il y a lieu de s'interroger sur notre plus important partenaire commercial et sur notre plus important produit d'exportation. Nous sommes en train de faire face à des poursuites juridiques qui s'étaleront sur quatre ou cinq ans et qui coûteront des milliards de dollars. À votre avis, pouvons-nous en tirer une leçon et tâcher d'y remédier dans un accord sur la ZLEA?

M. Bill Dymond: Ce problème avec les États-Unis concernant le bois d'oeuvre dure depuis plus de 150 ans. C'est un problème perpétuel. J'y ai moi-même fait face lorsque j'étais au gouvernement.

C'est une question très difficile. Il est très difficile de cerner véritablement le problème. La plupart d'entre nous qui s'y intéressent considèrent que le problème en fait, c'est que notre bois d'oeuvre est trop concurrentiel et que les Canadiens occupent une part du marché très importante. Nous observons que les pressions s'intensifient chaque fois que notre part du marché semble dépasser 30 p. 100.

À mon avis, l'argument avancé par les Américains selon lequel les quatre principales provinces productrices devraient établir le prix du bois d'oeuvre en fonction du marché, a du mérite. Lorsque vous exploitez un système où les prix du bois d'oeuvre provenant des terres publiques mises à la disposition des bûcherons sont administrés, vous risquez de faire l'objet de ce genre d'allégation. Aucun d'entre nous, toutefois, ne peut prétendre que s'engager dans cette voie permettrait de régler ces problèmes pour toujours.

Donc, quelle est la solution? L'Accord de libre-échange nous offre la possibilité, ce qui a été à nouveau confirmé par l'ALÉNA, c'est-à-dire une possibilité que nous n'avions pas auparavant, celle de contester. Nous avons eu recours à la contestation avec succès par le passé et nous y aurons recours à l'avenir. Mais c'est l'un des problèmes que ne peut pas régler l'Accord de libre-échange à mon avis car il est extrêmement bilatéral et ne soulève pas, à mon avis, le genre de questions systémiques qui pourraient être attaquées dans l'Accord de libre-échange. C'est une bataille qu'il faudra livrer au niveau bilatéral et effectivement, nous devrons obtenir les règles qui s'imposent.

Le président: Il vous reste du temps, monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci.

J'ai simplement deux questions pour M. Warren Allmand. Vous pourrez peut-être y répondre brièvement car je n'ai pas beaucoup de temps.

D'après votre exposé, je suppose que vous conviendrez avec nous—et je tiens à ce que vous le précisiez—que, contrairement à ce qu'a dit mon collègue du NPD, il faudrait interdire la participation de Cuba au sommet. Êtes-vous d'accord?

M. Warren Allmand: Non. Cuba devrait être invité à participer à la discussion sur cet accord. Il faudrait qu'il y ait des règles, une clause définissant la démocratie ou des règles définissant les droits de l'homme, et une fois ces règles fixées, si Cuba ne s'y conforme pas, il faudrait alors expulser Cuba. Mais il faudrait que ces mêmes règles s'appliquent à tous les pays. Le problème de l'application des règles de démocratie au sein de l'OEA jusqu'à présent, c'est qu'elles n'ont jamais été appliquées uniformément. Cuba a été expulsé et attaqué alors que le Chili de Pinochet ne l'a pas été. Nous aimerions en conséquence que Cuba soit invité à participer à la discussion sur ce que devraient être ces règles, mais une fois que celles-ci sont adoptées, si Cuba ne s'y conforme pas, merci et au revoir. Mais ce devrait être la même chose pour tout le monde.

M. Deepak Obhrai: Si je m'en fie à votre exposé et à ce que je crois comprendre de vos propos, je considère votre position totalement contradictoire. Permettez-moi de m'expliquer.

• 0945

Vous dites sans équivoque aucune que la question des droits de l'homme devrait être associée au commerce et vous énoncez vos conditions. Nous savons que Cuba ne remplit pas actuellement ces conditions et ne remplit pas d'autres conditions d'ailleurs. Vous voulez imposer des règles strictes et nous voulons mettre sur le tapis la question des droits de l'homme. Selon moi, il faudrait commencer par fixer des règles commerciales et au fur et à mesure que les portes s'ouvrent, faire progresser, lentement mais sûrement, les mentalités. Votre centre, lui, propose d'imposer ces règles et de les intégrer à tous les accords commerciaux.

Cuba ne participe pas à cet exercice et pourtant vous nous dites: «Incluons Cuba». Comment pourrait-on puisque Cuba ne participe pas?

M. Warren Allmand: Monsieur, je répondrai à votre question en vous conseillant de regarder ce qui se passe à la Commission des Nations Unies des droits de l'homme qui tient en ce moment des réunions à Genève. Il y a beaucoup de pays qui peuvent ne pas être considérés comme des démocraties parfaites qui y participent. Cette commission a condamné non seulement Cuba, mais le Guatemala, la Colombie et plusieurs pays en Amérique latine. Si notre critère c'est la condamnation pour abus des droits de l'homme, en plus de Cuba, il faudrait éliminer de la discussion beaucoup d'autres pays.

Pour discuter de ce que ce système devrait être, j'inviterais Cuba, mais je réclamerais la nécessité de respecter des critères de droits de l'homme et des critères de démocratie. Une fois qu'ils auront été reconnus dans un contexte de ZLEA, tout pays qui ne respectera pas ces critères, même s'il a participé à la discussion—et il est possible qu'il ait perdu la bataille ou qu'il ait fait des suggestions rejetées par la majorité—sera exclu. Un point c'est tout.

Mais il n'y a pas que Cuba. Quand vous dites que Cuba est critiqué pour abus de droits de la personne, permettez-moi de vous dire—je participe au débat de la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme, et je serai sur place très bientôt—que plusieurs autres pays des Amériques ont été condamnés. Aussi faudrait-il peut-être en exclure d'autres.

Le président: Avez-vous une liste des pays que nous devrions exclure? Seriez-vous disposé à nous dire aujourd'hui quels pays devraient être exclus.

M. Warren Allmand: Pour l'instant, monsieur le président, je les inviterais tous car j'estime important qu'ils participent tous à la discussion initiale sur la ZLEA.

Le président: Très bien. Il nous faut passer au suivant.

[Français]

Monsieur Paquette, s'il vous plaît.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

D'abord, merci pour vos présentations. Ma question va s'adresser aux trois témoins.

Comme M. Allmand l'a mentionné, beaucoup de gens craignent que la négociation sur la Zone de libre-échange des Amériques, en particulier pour ce qui est des investissements, se fasse à partir de ce qui existe dans l'Accord de libre-échange nord-américain, en particulier dans le chapitre 11. Le gouvernement canadien et le gouvernement américain ont beaucoup de problèmes avec ce chapitre, en particulier pour ce qui est de la définition des investissements, qui semble beaucoup trop large, et de la question du règlement des différends. Cela ferait en sorte que, finalement, les droits des investisseurs seraient supérieurs aux droits des États de protéger un certain nombre de droits de leurs citoyens. Il y a un certain nombre de poursuites qui sont en cours dans les trois pays membres de l'ALÉNA.

Je voudrais savoir si, selon vous, la négociation concernant la protection des investissements—je pense qu'on s'entend tous pour dire que les investissements et les investisseurs ont droit à une certaine forme de protection—devrait se faire à partir d'une chose autre que le chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain.

M. Allmand pourrait commencer.

M. Warren Allmand: Je vais demander à Mme Bronson de répondre à cette question.

Mme Diana Bronson (coordonnatrice, Programme sur la mondialisation et les droits humains, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Il devrait y avoir un autre point de départ, et le point de départ est le cadre général que nous défendons pour les accords de commerce international. C'est un cadre de droits humains. Dans un accord sur les investissements, on devrait pouvoir s'assurer que les États conservent leur droit de protéger des droits à l'intérieur de ces accords.

J'imagine que vous êtes assez au courant des cas qu'on a déjà entendus au sujet du chapitre 11. Je citerai seulement l'exemple de Metalclad. À la suite d'un mouvement local de protestation au Mexique en opposition à la création d'un site d'enfouissement de déchets, par une communauté qui voulait garder son accès à l'eau propre, la compagnie Metalclad a réussi à poursuivre le gouvernement mexicain et ce dernier a été obligé de payer une amende de 16 millions de dollars.

À notre avis, cela fait partie non seulement des droits des États, mais aussi des obligations des États en vertu des conventions internationales des droits, que de protéger la santé et l'environnement des citoyens. C'est ce droit-là qui est en jeu.

• 0950

Nous proposons un cadre beaucoup plus large de droits humains pour les investissements, un cadre qui maintiendrait la capacité des États de légiférer pour la santé publique, pour l'environnement et pour l'atteinte d'autres objectifs sociaux.

M. Bill Dymond: S'il y a un autre des témoins...

[Traduction]

Le président: Monsieur Dymond, je vous en prie.

M. Bill Dymond: Je vous remercie et je vous remercie de votre question.

Cela fait longtemps que j'estime que tout ce débat sur le chapitre 11 est futile et esquive les vraies questions. La vraie question du chapitre 11 n'est pas le droit de poursuite. La vraie question du chapitre 11 se sont les obligations.

Le chapitre 11 c'est le chapitre consacré aux investissements. Il ne définit pas simplement les critères de poursuite par un investisseur privé. N'oubliez pas l'objectif visé par ces accords sur les investissements. L'objectif est d'attirer les capitaux privés non pas d'autres pays mais d'autres particuliers, d'autres compagnies. Si tel est l'objectif, il faut offrir des protections. Si ces investissements ne vous intéressent pas, si vous ne voulez pas attirer de capitaux privés, conclure ces accords sur les investissements est inutile.

Quand on signe un accord sur les investissements, c'est pour créer un climat favorable et convaincre les étrangers de venir investir. Cet aspect-là est fondamental. Deuxièmement, ce qui est fondamental dans tout cela, ce n'est pas le droit de poursuite, mais la nature de l'obligation.

Le problème avec l'affaire S.D. Myers, qui a fait l'objet d'un jugement, et celle d'Ethyl, qui n'est pas passée en cour, c'est que c'est un investisseur privé qui poursuit en justice le gouvernement du Canada. C'étaient les obligations assumées par le gouvernement du Canada qui étaient en cause. Le jugement dans l'affaire S.D. Myers critique de façon cinglante le gouvernement pour n'avoir pas assumé son obligation fondamentale de respecter les règles du commerce international.

Le fond du débat tourne autour de ceci: Est-ce que le gouvernement du Canada doit assumer cette obligation? En effet, le problème pour le gouvernement ne serait pas moindre—en fait, il serait plus grave—si le gouvernement des États-Unis nous poursuivait en justice ou encore si le Mexique avait été poursuivi par le gouvernement des États-Unis. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que le débat avait été mal orienté.

Le premier aspect du débat est donc le suivant: Est-ce qu'on souhaite attirer des investisseurs étrangers au Canada, au Mexique, au Chili ou ailleurs? Si c'est le cas, quelles sont les obligations que vous êtes prêts à assumer envers un autre État, envers d'autres investisseurs? Quelles sont les protections que vous êtes prêts à envisager?

Mme Bronson a peut-être raison quand elle dit que les obligations que nous avons assumées sont trop rigoureuses et trop contraignantes dans la mesure où elles nous empêchent de protéger notre santé, notre environnement et les autres aspects sociaux. Toutefois, ce genre de chose pourrait fort bien faire l'objet d'un débat. Cela dit, on se trompe, à mon avis, en abordant le problème sur le plan du droit de poursuite.

Merci de m'avoir permis de donner mon message favori.

[Français]

M. Pierre Paquette: Voilà qui va me permettre d'ajouter qu'à mon sens, autant le fait de subventionner les exportations est quelque chose de déraisonnable, parce que, dans le fond, on paye pour envoyer à l'extérieur des ressources nationales, autant le dumping social, que ce soit au plan environnemental ou au plan du travail, est une forme de subvention qui devrait être à prescrire dans un commerce intelligemment compris.

Quand on exporte des choses, c'est d'abord parce qu'on veut importer ce qu'on n'est pas capable de produire soi-même ou qu'on n'est pas capable de produire soi-même à coût adéquat. D'une certaine façon, de la façon dont le chapitre 11 est écrit présentement, on vit une déviation. On est maintenant prêt à sacrifier des ressources nationales ou le bien-être de la population pour attirer des investissements. Donc, à mon sens, on ne devrait pas partir de cette base pour la négociation.

Je vais revenir à M. Allmand. Quand on veut inclure la question des droits humains, comme les droits du travail et les droits environnementaux, dans les accords de libre-échange des Amériques, le gouvernement canadien et M. Pettigrew nous disent souvent que les pays du Sud, en particulier le Brésil et un certains nombre d'autres pays, voient dans l'inclusion de clauses à caractère social ou à caractère démocratique une forme de nouveau protectionnisme. Que répondez-vous à cet argument?

[Traduction]

M. Warren Allmand: Nous répondons à cet argument en disant que nous ne voulons pas faire de ces normes, conditions ou règles notre propre position officielle en ce qui concerne les droits de l'homme: nous voulons que cela devienne une norme internationale. Le Brésil, entre autres, a déjà accepté cela.

J'ai dit tout à l'heure que 27 États sur 34 avaient ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et que 25 États avaient ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme. Ce sont ces normes que nous voulons avoir comme référence, et non pas nos propres normes.

• 0955

Ce que nous disons au Brésil, à d'autres pays, et au Canada également, c'est: «Vous avez ratifié ces conventions; nous vous demandons de les respecter dans vos transactions commerciales également. Vous ne pouvez pas faire de distinction entre le commerce et les droits de l'homme ou bien entre le commerce et l'environnement. Ce sont des éléments indissociables.»

Soit dit en passant, c'est loin d'être parfait, mais en Europe on essaie plus sérieusement d'y parvenir avec la charte européenne et le système européen.

Mme Diana Bronson: J'aimerais ajouter une observation. Nous ne voulons pas que les organes administratifs de la ZLEA assument le mandat de la Commission interaméricaine sur les droits de l'homme ou encore que les organismes de règlement des différends de l'OMC ou de l'ALÉNA deviennent les arbitres pour tout ce qui a trait aux droits de l'homme. Ce que nous voulons, c'est que les lois et les règlements adoptés dans le cadre de ces organismes respectent les droits de l'homme. Or, pour y parvenir, il va falloir renforcer les systèmes.

Si vous considérez les ressources disponibles, argent, négociateurs et personnel qui négocient les accords commerciaux, ceux qui se consacrent à la protection des droits de l'homme, le déséquilibre est renversant. À Genève, l'OMC a nettement plus de 500 employés. De son côté, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a deux employés. Cela illustre bien l'importance relative que nous accordons à ce genre de choses.

Il est certain que nous allons devoir renforcer les institutions de protection des droits de l'homme sur la scène internationale, régionale et nationale si nous voulons que ces institutions assument les responsabilités qui leur ont été confiées par le droit international. Nous pensons que les ententes commerciales devraient tenir compte de ces engagements. Nous ne réclamons pas une petite clause pour dire que la ZLEA va, du jour au lendemain, s'occuper de toutes les questions de droits de l'homme dans l'hémisphère. Ce ne serait pas approprié. En fait, pour la plupart des groupes qui s'intéressent aux droits de l'homme, la notion serait plutôt effrayante.

Le président: Je vais vous demander de réfléchir à cela, monsieur Allmand et madame Bronson, et nous pourrons peut-être y revenir à la fin. Si nous devons faire une recommandation concernant l'intégration des droits de la personne dans les accords commerciaux, il faut qu'il y ait un mécanisme d'exécution. Qu'il s'agisse d'une disposition relative aux droits démocratiques ou de toute autre chose, il est certain qu'une mesure extrême, par exemple l'exclusion d'un pays d'un accord commercial après un demi-siècle d'intégration économique, est parfaitement inopérante. C'est tout simplement inconcevable.

Donc, quel serait ce mécanisme d'exécution? Personne n'en parle. Quelle forme prendra-t-il? Une amende, par exemple? Il faut définir cela, sans quoi nous allons tourner en rond, et je trouve cela très dérangeant parce que nous ne savons pas ce que nous allons faire ici, si nous décidons... Vous pourrez peut-être nous en reparler à la fin parce qu'il y a d'autres personnes qui veulent poser des questions, mais, chose certaine, il faudra trouver une réponse à cela, et j'ai la conviction que tous les députés ici présents s'intéressent à cette question.

J'ai M. Harvard sur ma liste, après quoi nous passerons à M. Robinson, et à M. Casey, et nous reviendrons à cette question à la fin.

M. John Harvard: Merci, monsieur le président.

Nous pouvons peut-être pousser ce débat un peu plus loin et nous attarder sur une ou deux questions. Et j'aimerais poser ma première question à M. Dymond.

Ce que je veux savoir, monsieur Dymond, c'est s'il y a moyen d'en venir à une solution qui satisferait M. Allmand et Mme Bronson sur ces questions qui ont trait aux obligations faites aux investisseurs ou aux obligations relatives aux droits de la personne. J'irai droit au but: Est-ce qu'on ne peut pas avoir les deux? Est-ce qu'on ne peut pas avoir des investissements et des échanges qui vous satisfont tout en tenant compte des préoccupations qu'expriment ces personnes relativement aux droits de la personne?

M. Bill Dymond: La réponse est oui.

M. John Harvard: Mais ce n'est pas le cas pour le moment.

M. Bill Dymond: Ce n'est pas nécessairement incompatible. Comme je l'ai dit dans mon allocution, voyez ce qui se passe dans le monde et cherchez les pays qui respectent le mieux les droits de la personne: ce sont nous, les Américains et les Européens. Nous sommes les pays riches et c'est nous qui avons les normes les plus élevées dans tous les domaines de ce que j'appellerais la gouvernance démocratique moderne. Il n'y a pas nécessairement d'incompatibilité entre une croissance économique puissante, axée sur les échanges commerciaux, et c'est le cas de la plupart des pays de l'OCDE, et le respect de normes démocratiques que les gens jugent convenables.

Deuxièmement, je suis très heureux d'entendre ce que M. Allmand et Mme Bronson disent au sujet des règles commerciales qui nous permettraient d'exécuter ces mesures. La plupart des libres-échangistes, y compris moi-même, vous diraient que, non, cela est inopérant. Voyez les effets des sanctions des Nations Unies... Soit dit en passant, je n'ai pas vu ce document dont parlent ces personnes. On y trouvera à coup sûr la disposition normale qui permet à un pays de déroger à ses obligations en vertu de la ZLEA pour mettre en oeuvre des résolutions des Nations Unies. On trouve cette disposition dans tous ces accords. La plupart des libres-échangistes ne croient pas beaucoup dans l'efficacité des sanctions commerciales lorsqu'il s'agit de modifier les comportements sociaux. Cela ne marche tout simplement pas.

• 1000

Et j'aimerais également dire—et le président a mentionné une mesure extrême—que nous devons également songer aux effets que cela aurait sur les Canadiens. Et j'imagine que lorsque l'Accord de libre-échange sera conclu, lorsque l'ALE aura été négocié, le gouvernement dira aux entreprises canadiennes et au Conseil des Amériques—le Conseil sera là avec nous—qu'il existe des possibilités d'échanges et d'investissements. Certains Canadiens s'en prévaudront. Ils vont investir. Des emplois seront créés. On exportera et l'on importera.

Le fait de priver tout d'un coup les Canadiens de ce genre d'investissements et d'activité économique serait en effet une mesure très grave, et l'on ne saurait agir sur un coup de tête.

Pour ce qui est de lier le commerce aux droits de la personne et d'imposer un mécanisme d'exécution, la plupart d'entre nous vous diront que cela ne marchera pas, et je le dis moi-même. À long terme, personne ne peut croire dans ce que les historiens appellent l'élément contre-factuel, à savoir, si l'on maintient ces pays dans la pauvreté en leur refusant un accord de libre-échange, ils respecteront davantage les droits de la personne et l'environnement. Cela ne se fera pas. C'est même le contraire qui va se produire.

M. John Harvard: J'aimerais poser une question à M. Wilson.

Monsieur Wilson, vous avez mentionné dans votre allocution l'hésitation des Américains et des Brésiliens, et vous avez dit que ces pays allaient devoir faire des sacrifices. Que vouliez-vous dire par là?

M. John Wilson: Je citais Peter Cook sur cette question. C'est ce qu'il a dit hier, dans sa dernière chronique.

On remarque certains points communs entre la position brésilienne et celle des États-Unis à l'échelle mondiale. Il s'agit de deux grandes puissances qui n'admettent pas d'être régentées par les règles qu'imposent les grandes organisations internationales.

Le comportement américain au cours des dernières années est un sujet d'observation fascinant. Chaque fois qu'il se produit une situation où les États-Unis sont obligés de se mettre à la merci d'une organisation internationale quelconque, ils se replient tout de suite. J'imagine qu'ils se disent: nous sommes le pays le plus puissant du monde, alors ces lois ne sont pas faites pour nous. Ils n'en font alors qu'à leur tête. Ce n'est peut-être pas l'attitude officielle de Washington, mais c'est sûrement l'attitude qui prévaut dans le Midwest: Pourquoi nous plierions-nous aux règles d'une organisation internationale et pourquoi ferions-nous les quatre volontés de l'Europe?

Je crois que le Brésil partage ce point de vue dans une certaine mesure. J'imagine que c'est ce à quoi Peter Cook faisait allusion.

M. John Harvard: Si le Brésil demeure récalcitrant, diriez-vous alors que l'on pourrait créer une ZLEA sans le Brésil?

M. John Wilson: Je ne crois pas que ce soit possible.

M. John Harvard: Vous dites que ce n'est pas possible.

M. John Wilson: Le Brésil est un pays tellement grand qui comprend une part énorme de l'Amérique latine.

M. John Harvard: Vous voulez dire qu'un accord sans le Brésil serait sans avenir?

M. John Wilson: Disons qu'il serait handicapé.

M. John Harvard: Encore combien de temps...

M. John Wilson: Le Brésil réussirait sans doute à saboter ce que les autres essaieraient de faire.

M. John Harvard: J'ai une autre question.

M. John Wilson: Le Brésil a aussi une économie très, très diversifiée. Il dispose d'un vaste secteur manufacturier et d'autres éléments.

M. John Harvard: J'ai une toute petite question qui s'adresse à mon ancien collègue, Warren.

Le fait que nous ne disposons pas de texte préliminaire pour la ZLEA ne suscite-t-il pas en vous un scepticisme profond, peut-être même un certain cynisme?

M. Warren Allmand: Comme je l'ai dit, il y a des mois que nous préparons ce texte en vue du sommet. Sans connaître les termes exacts du projet d'accord, nous devons nous en tenir à des conjectures. Ces conjectures sont fondées sur l'ALÉNA et l'OMC.

M. John Harvard: À votre avis, quelle est la vraie raison pour laquelle on vous empêche d'avancer?

M. Warren Allmand: Bonne question. Nous avons pressé le ministre de rendre publics les documents voulus. Il a fini par révéler le 14 décembre quelques éléments de sa position de négociation, et d'autres documents ont été rendus publics petit à petit. Mais comme je l'ai dit, comme c'est le cas dans d'autres domaines des affaires internationales où j'ai été très actif, par exemple la Cour pénale internationale, nous avions les documents bien à l'avance, et nous connaissions par exemple les dispositions entre parenthèses, les mécanismes de règlement des différends et ainsi de suite. Nous savions tous ce qui était en jeu et nous pouvions...

À mon avis, même les députés fédéraux ne peuvent pas vraiment débattre de ce qui va se passer avant le sommet de Québec parce que vous ne connaissez pas les termes exacts de l'accord futur. Vous savez ce que le Canada a proposé, mais vous ne savez pas ce qui est en jeu.

• 1005

Je pense que le ministre était ici la semaine dernière. Nous continuons d'exercer des pressions sur le ministre pour qu'il rende publics les documents, et ce, afin que nous puissions avoir une bonne discussion sur cette question.

M. John Harvard: Merci.

Le président: Vous savez ce que le ministre nous a répondu, monsieur Allmand. Vous avez entendu ce qu'il a dit. Il y a 34 personnes autour de la table, et elles doivent s'entendre. On ne peut pas rendre public unilatéralement le document de discussion sans...

Rejetez-vous cette lecture des faits? Vous croyez que le Canada devrait...

M. Warren Allmand: Oui, mais comme je l'ai mentionné, 140 pays ont participé aux discussions de la CPI et tous les documents étaient publics.

Le président: Mais ils en avaient convenu, n'est-ce pas?

M. Warren Allmand: Je présume que oui, mais quel est le problème pour quelque chose qui est aussi important pour les Canadiens et pour tous les habitants de l'hémisphère? Qui empêche la publication de ces documents afin que nous puissions tous en prendre connaissance et en discuter?

Le président: Je ne le sais pas. Le ministre nous a dit que les autres partenaires dans les négociations nous en empêchaient. Conseillez-vous au Canada de publier des documents dans le cadre d'une négociation internationale, contre la volonté de nos partenaires dans cette négociation, avec tous les problèmes diplomatiques que cela entraînerait pour les négociations? Est-ce ce que vous nous conseillez de dire au gouvernement?

M. Warren Allmand: Je dis qu'il faut isoler les pays qui refusent de publier ces documents. Identifiez-les. Ce n'est pas justifié dans un régime démocratique. Nous disons que nous encourageons la démocratie. Nous voulons un article sur la démocratie, pourtant nous laissons faire certains pays de ce groupe qui refusent de les faire publier. Qui sont-ils? Dites-le nous. Laissez-les défendre leur position et expliquer pourquoi à leur avis ces documents ne devraient pas être publiés.

Je suis d'accord avec vous, si le Canada a conclu une entente avec ces pays, mais le Canada, d'un autre côté, si M. Pettigrew dit qu'à son avis ces documents devraient être publiés mais que certains pays en empêchent la publication... Tout ce que je sais, c'est que dans d'autres tribunes... J'ai mentionné la conférence de Rome. Il y avait beaucoup plus de pays là-bas, de tous les continents du monde, et nous avions les documents.

Le président: Non, je comprends cela. Très bien.

Nous allons maintenant passer à M. Casey, puis à Mme Augustine. M. Robinson nous reviendra plus tard.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur Dymond, vous serez intéressé d'apprendre que l'autre soir j'ai allumé la télé vers les 2 heures du matin, et j'ai regardé une émission intéressante à la chaîne parlementaire au sujet du bois d'oeuvre. J'ai trouvé qu'on y présentait un point de vue très mal équilibré. On ne donnait le point de vue que de quatre provinces, jusqu'à ce qu'on arrive à vous, qui avez donné un point de vue bien équilibré. En fait, vous serez intéressé de savoir que j'ai écrit à la chaîne parlementaire à ce sujet. J'ai applaudi votre intervention—ou votre point de vue.

Je veux tout simplement poser une question à ce sujet avant de passer à autre chose. Cela concerne les accords commerciaux. Dans le dossier du bois d'oeuvre, nous avons gagné trois causes devant les tribunaux, mais nous retournons tout de même devant les tribunaux pour une quatrième fois. Y a-t-il une limite à laquelle un gouvernement—par exemple, le gouvernement des États-Unis—devrait intervenir: «Non, nous en avons assez et nous ne permettrons pas à l'industrie et au système judiciaire, aux tribunaux, de continuer une quatrième fois»?

M. Bill Dymond: Si je comprends bien la loi américaine, ce n'est pas possible. L'administration américaine, aux termes de la loi qui a été adoptée par le Congrès—et qui a été modifiée à plusieurs reprises, étant chaque fois resserrée—ne peut permettre à l'exécutif de s'ingérer dans le processus. Je crois comprendre que notre propre loi est assez semblable également. Les membres du Congrès et les gens qu'ils représentent voulaient empêcher que l'on tienne compte de la politique étrangère dans un tel calcul.

Ce que cela signifie, naturellement, c'est que les États-Unis ont cédé une bonne partie de leur politique commerciale à des intérêts privés, et je pense qu'ils n'auraient pas dû faire cela. Mais c'est ce qu'ils ont fait. C'est ce que le Congrès a fait depuis quelques années.

Ce qui est arrivé à la suite de ces décisions du tribunal, c'est que les États-Unis, ou le Congrès, à la première occasion, ont modifié la loi afin de faciliter des décisions qui assureront une contestation aux termes de leur propre loi.

Chaque fois que le tribunal a rendu une décision en faveur du Canada, on disait que soit le département du Commerce, soit la Commission du commerce international, qui formule des conclusions en matière de préjudice, n'avaient pas respecté la loi américaine. Quelle est la solution? Changer la loi américaine? C'est ce qu'ils ont fait.

M. Bill Casey: Donc c'est ce qu'ils ont fait chaque fois.

M. Bill Dymond: Oui.

Ce que nous n'avons pas fait... en raison de l'industrie par le passé, et d'après les nouvelles ce matin, on encouragera encore une fois à demander une décision arbitrale aux termes des règles du commerce international pour déterminer si la loi fondamentale américaine est compatible ou non. L'industrie a dit en 1986 et en 1987, et en Colombie-Britannique on semble dire ce matin «Ne luttez pas. Cédez». Voilà ce qu'ils disent.

M. Bill Casey: Que feriez-vous?

M. Bill Dymond: Je lutterais.

• 1010

M. Bill Casey: D'un autre côté, les risques sont élevés également.

Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas ici pour parler du bois-d'oeuvre, mais j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Cela indique cependant, ou c'est un précurseur des problèmes que nous aurons avec cette entente de libre-échange des Amériques. Nous avons eu récemment un différend avec le Brésil, un des pays que vous avez mentionnés, et nous avons également maintenant un différend avec les États-Unis, un autre pays que M. Wilson a mentionné, en fait. On se demande si cela sera possible, étant donné les divergences.

Hier, le ministre a dit qu'une partie du problème pour élaborer cette entente est que certains des plus petits pays n'ont pas de régime fiscal. En fait, pour certains des plus petits pays dans les Caraïbes, leurs tarifs à l'heure actuelle constituent pratiquement leur revenu total. Ils devront mettre en place des systèmes d'imposition dans ces pays pour que nous puissions conclure cette entente de libre-échange. Ce qui m'a frappé, c'est que la première exportation que nous ferons vers ces pays sera notre système d'imposition, et je ne suis pas certain d'être d'accord avec cela.

Comment à votre avis nos grandes économies pourront-elles arriver à traiter avec certains pays plus petits qui n'ont en fait aucun régime fiscal et qui devront mettre en place un système d'imposition? Ma question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous.

M. Bill Dymond: Cela me rappelle l'époque de la Confédération où les principales recettes des colonies—et pendant longtemps du Canada confédéré—provenaient du tarif. Aussi récemment qu'en 1980, lorsque le gouvernement envisageait des réductions de tarif qu'il avait convenues aux termes du Tokyo Round, le ministère des Finances a fait un certain nombre de mises en garde au sujet des conséquences sur le revenu. Ce n'est donc pas inhabituel.

Il s'agit d'un problème très difficile. On peut trouver des façons de le résoudre. C'est essentiellement une question technique, plutôt que politique, car il s'agit de remplacer un système d'imposition—c'est ce qu'est un tarif—par un autre système d'imposition. Il y a de nombreux pays, dont le Canada, qui peuvent offrir une aide à cet égard.

Le problème le plus difficile pour ces pays—dans la mesure où je comprends ce qu'ils disent—c'est comment peuvent-ils, en tant que petites économies, trouver un avantage économique dans une entente de libre-échange avec des pays beaucoup plus grands?

C'est une bonne question. Il faut se demander quel est leur avantage comparatif, et ce qui arrivera dans un tel cas. Ils doivent se demander s'il ne serait pas préférable pour eux de ne pas participer, car personne n'y est obligé. Ils peuvent s'abstenir. On conclura peut-être qu'il serait préférable pour eux de s'abstenir, car ils ne veulent pas vraiment avoir une réforme fiscale ou une restructuration industrielle. C'est un calcul qu'ils devront faire. Personne n'est obligé de se joindre à l'Accord de libre-échange des Amériques.

M. Bill Casey: Un tel système d'imposition pourrait-il être introduit progressivement? Est-ce que tout le monde pourrait s'entendre là-dessus, ou est-ce que cela s'est déjà produit dans le cadre d'autres ententes?

M. Bill Dymond: Du point de vue fiscal, non. Quand les accords commerciaux contemporains ont été signés, l'importance des tarifs comme source de recettes avait décliné. Au départ, les réductions de tarif ont été modestes afin que les réductions de recettes soient absorbées.

En ce qui concerne les longues périodes de mise en oeuvre graduelle, elles font absolument partie de tout accord commercial. Je vous donne un exemple qui nous a été bénéfique. Pendant le Tokyo Round, nous avons accepté de modifier tout notre système d'évaluation douanière. C'est compliqué, et je n'accaparerai pas votre temps avec les détails. Cela nous a pris quatre ans, car il a fallu récrire presque entièrement la législation en matière de douanes, mener de vastes consultations auprès de l'industrie et assurer la participation des parlementaires. Il a fallu quatre ans, mais notre pays est un pays moderne à l'infrastructure élaborée en mesure de faire de telles choses.

Il est donc tout à fait acceptable de prévoir des périodes d'adaptation qui font partie intégrante de l'accord. Ces périodes sont négociées au cas par cas, la situation de chaque pays étant différente.

M. Bill Casey: Monsieur Allmand, j'aimerais vous poser une question dans un autre ordre d'idée.

Le président: Je suis désolé, monsieur Casey, mais votre temps est écoulé depuis un bon moment; je cède donc la parole à M. Robinson. Vous aurez l'occasion de reprendre la parole.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. J'ai dû m'absenter brièvement, et je m'excuse si les questions que je vous pose ont été posées par d'autres.

J'ai des questions sur deux sujets. La première s'adresse à M. Wilson, du Conseil canadien pour les Amériques.

• 1015

M. Wilson sait que les ententes commerciales existantes, y compris celles de l'OMC, l'ALÉNA et d'autres, protègent de façon rigoureuse les droits des sociétés en particulier—par exemple, le droit à la propriété intellectuelle. Je pense plus précisément aux grandes sociétés pharmaceutiques qui ont intenté des poursuites au Brésil et en Afrique du Sud afin d'empêcher la vente à prix réduit de médicaments contre le sida. De plus, des sanctions sont prévues contre ceux qui enfreignent ces droits.

Quelle est votre position concernant le respect de droits que beaucoup d'entre nous jugent tout aussi fondamentaux, des droits qui ont été reconnus tout aussi fondamentaux par la Communauté internationale, les droits des travailleurs, par exemple—et je ne parle pas de normes, comme l'a dit M. Allmand, mais bien de droits fondamentaux, tel que le droit à la négociation collective, le droit d'appartenir à un syndicat, le droit qu'ont les enfants de ne pas être exploités? Ce sont des droits qui sont reconnus presque universellement par les conventions de l'OIT; or, les gens d'affaires ne réclament pas avec beaucoup d'enthousiasme leur application vigoureuse dans le cadre d'ententes commerciales. Pourquoi?

M. John Wilson: Je ne crois pas pouvoir vous répondre. Je représente le Conseil canadien pour les Amériques. Nous nous concentrons sur le commerce et nous nous en remettons aux experts pour le reste. Pour répondre à votre question, je ne crois pas que le Conseil canadien pour les Amériques ait adopté une position à ce sujet.

M. Svend Robinson: Vous n'êtes donc manifestement pas disposé à défendre cette exclusion particulière.

M. John Wilson: Je ne suis pas disposé à en discuter. Je n'en sais pas assez sur le sujet.

M. Svend Robinson: Très bien. Votre réponse est révélatrice.

M. Allmand a fait allusion à la nature profondément antidémocratique de ce processus, au fait que les 34 gouvernements qui participeront à ces négociations ont refusé de communiquer à leurs citoyens les textes qui feront l'objet des pourparlers. Ils nous renvoient à leurs sites Web. Lorsque nous allons sur les différents sites Web, nous constatons, au sujet des investissements, par exemple, qu'aucune représentation n'a été faite sur les investissements. Nous restons donc dans le noir.

Aux yeux de bien des Canadiens, dont je suis, cela est profondément antidémocratique. Mon parti est aussi de cet avis, et vous avez indiqué abonder dans le même sens. Des Canadiens ont indiqué que, pour exprimer leur résistance et leur colère devant ce processus antidémocratique, ils ont l'intention de poser des gestes pacifiques de désobéissance civile pour protester contre ce déni de leurs droits démocratiques de connaître le contenu d'un accord qui touchera dans leur essence même leur avenir, l'avenir de leurs enfants et l'environnement.

Parmi ces nombreux groupes qui se sont dit prêts à participer à la désobéissance civile non violente et pacifique se trouvent de nombreux groupes du Québec.

[Français]

Il y a le Réseau québécois pour l'intégration continentale, par exemple. J'ai vu que le premier ministre, M. Chrétien, avait dénoncé la désobéissance civile. J'ai été franchement étonné de voir que M. Paquette, apparemment, avait fait la même chose en se désolidarisant des groupes qui sont prêts à accepter la désobéissance civile. J'ai été étonné de voir ça.

[Traduction]

Monsieur Allmand, vous représentez les droits et la démocratie. Vous défendez les droits de la personne depuis longtemps. Quelle est votre position dans ce dossier?

M. Warren Allmand: Je dois d'abord signaler que notre organisation, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, qui s'appelle maintenant Droits et démocratie, a été créé par le Parlement pour défendre et promouvoir la démocratie explicitement. Lorsque nous défendons la démocratie, nous le faisons parce que c'est le mandat que nous a donné le Parlement.

Nous estimons qu'il n'est pas démocratique ni transparent de refuser pendant tout ce temps de rendre publics ces documents. Aux étapes initiales, dans le cas de la première et de la deuxième ébauche, nous pouvons comprendre que l'on ne veuille pas divulguer le contenu de ces documents, mais à l'étape où nous en sommes, à moins d'un mois du sommet, nous n'avons toujours pas le document de base parce que certains pays s'opposent à ce qu'il soit rendu public. Nous jugeons cela contraire aux principes des Nations Unies.

Nous comprenons donc que certains soient en colère et veuillent protester. Toutefois, nous sommes fermement opposés à toute manifestation violente, à l'idée de provoquer des incendies, de casser des fenêtres ou de détruire des biens matériels. Nous sommes contre cela. Mais le droit de manifester est un droit fondamental garanti par notre Charte des droits.

• 1020

Soit dit en passant, j'en ai parlé, à Montréal, avec des membres très actifs de la communauté des affaires. Ils m'ont dit qu'ils trouvaient déplorable qu'on veuille aller manifester ainsi à Québec. Je leur ait dit: «Je crois vous avoir vus dans les rues de Montréal il y a quelques semaines, manifestant contre la fusion forcée des municipalités de Westmount, d'Outremont et d'autres.» Ils y étaient. Ils ont dû le reconnaître. Ils étaient environ 100 000 à manifester dans les rues de Montréal contre la fusion des municipalités. J'ai ajouté: «Il y a des gens qui sont tout aussi mécontents à l'idée que cet accord commercial intervienne et ils veulent manifester, comme vous l'avez fait dans les rues de Montréal».

M. Svend Robinson: Si je vous ai bien compris, le droit de manifester comprend le droit de participer de façon pacifique et non violente à toute campagne de désobéissance civile.

M. Warren Allmand: Vous savez, lorsque vous vous engagez dans la désobéissance civile...

M. Svend Robinson: Il y a une longue et honorable tradition de désobéissance civile.

M. Warren Allmand: Lorsque vous le faites, vous devez être conscients du fait que vous violez la loi et que vous pouvez être emprisonnés. Ghandi, que je considère comme un héros, s'est adonné à la désobéissance civile.

M. Svend Robinson: C'est exact.

M. Warren Allmand: Il en a assumé les conséquences.

M. Svend Robinson: Tout à fait.

M. Warren Allmand: Si vous violez la loi, vous devez en assumer les conséquences. En matière de désobéissance civile, que l'on obstrue la circulation ou qu'on fasse autre chose, il faut prendre garde de ne pas nuire aux ambulances et aux véhicules des pompiers. J'ai moi-même fait de la désobéissance civile dans le passé et j'ai dû en assumer les conséquences. Vous devez reconnaître que certains actes de désobéissance civile sont illégaux et qu'ils pourraient mener à votre condamnation.

Cela dépend du genre de désobéissance civile dont il s'agit. Je ne ferais rien qui puisse être préjudiciable aux autres.

M. Svend Robinson: Des groupes ont proposé de tenter d'obtenir les textes qui font l'objet des négociations, encore une fois de façon pacifique et non violente, en venant à Ottawa le 2 avril. Je suis certain que M. Allmand est au courant.

M. Warren Allmand: Oui.

M. Svend Robinson: La manifestation se tiendrait devant le ministère des Affaires étrangères et n'impliquerait aucune forme de violence. Il se pourrait toutefois qu'il y ait violation pacifique et non violente d'une loi ou d'un règlement. Les participants sont manifestement prêts à assumer les conséquences de leurs actes. Je crois comprendre que M. Allmand reconnaît que, depuis longtemps, on a recours à ce genre de mesure pour promouvoir le changement pacifique et démocratique.

M. Warren Allmand: Cela se fait depuis longtemps. Je le répète, Gandhi a été l'un des principaux protagonistes, et j'ai vu ce genre de chose se produire en Irlande du Nord à plusieurs reprises. Toutefois, il m'est très difficile de pénétrer dans l'édifice Pearson, et je souhaite bonne chance à ceux qui espèrent pouvoir y entrer pour se procurer les documents.

Le président: Nous allons devoir interrompre M. Robinson qui essaye d'obtenir un avis juridique gratuit de la part de M. Allmand pour savoir comment plaider devant le tribunal lorsqu'il se fera appréhender par la police pour désobéissance civile quelque part.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): J'aurais souhaité pouvoir demander à M. Robinson: «Pouvons-nous obtenir le plan?»

J'ai deux questions à poser. Celles qui me viennent à l'esprit portent en fait sur l'OMC et le bilan du Brésil en matière de droits de la personne, la prétention aux droits à la santé, etc., et ce qui se passe relativement aux médicaments pour le sida et la propriété intellectuelle. Je pense qu'il a été répondu à cette question quand vous...

M. Svend Robinson: Il n'y a pas été répondu.

Mme Jean Augustine: En tout cas, il y a eu une réponse.

J'aimerais savoir ce qui fait le succès d'un sommet, d'après vous. Nous savons que le sommet de Miami a mis l'accent sur toute la question du commerce extérieur. Nous savons que celui de Santiago s'est focalisé sur l'éducation. D'après vous, quelle sera l'issue de toutes les discussions qui ont lieu actuellement? Selon vous, quelle est la clé du succès d'un sommet regroupant 34 pays différents, ayant des économies diverses, et partant du principe que tout le monde doit avoir les mêmes droits et les mêmes obligations?

Vous pouvez peut-être répondre à cette question. J'aimerais avoir le point de vue de tous les témoins sur ce qui constitue, à leur avis, un sommet réussi.

• 1025

M. Warren Allmand: C'est une question complexe. S'il s'agissait d'approuver ou de promouvoir un accord de libre-échange, nous souhaitons y trouver des dispositions qui reconnaissent les droits de la personne et la démocratie de façon fondamentale, ainsi que des mesures d'application, qu'il s'agisse d'une clause sur la démocratie ou de clauses sur les droits de la personne.

Vous savez, il faut longtemps pour que les conséquences éventuelles du développement de la démocratie se fassent sentir. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Au fur et à mesure, il y a des améliorations. Tant que l'on s'entend sur certains objectifs et que l'on progresse vers leur réalisation, je pense que c'est acceptable.

À Miami, Jean, même si les participants ont discuté d'autres choses, le premier sommet a été organisé en fait pour promouvoir un accord de libre-échange dans les Amériques. À Santiago, on a élargi la portée des discussions, en ajoutant la pauvreté et l'éducation, ainsi que d'autres choses, à l'ordre du jour, mais toujours en se concentrant sur la ZLEA. Et même s'il y a quatre grands thèmes pour le sommet de Québec, il est certain que la ZLEA est au coeur des discussions.

Bien entendu, même si l'ALÉNA a fini par être approuvé en 1994 et l'accord Canada-États-Unis en 1988, il n'y a pas encore eu de bonne évaluation de ces accords, ni une évaluation objective sérieuse par les gouvernements ou par le Parlement, et pourtant nous proposons d'adopter de nouveaux accords. C'est de là que vient le problème.

J'espère qu'au lendemain de ce sommet, nous aurons affirmé notre engagement envers la démocratie et les droits de la personne, mais dans mon document qui doit être publié la semaine prochaine, nous indiquons en détail tous nos desiderata. Que nous obtenions ou non gain de cause, cela reste à voir.

Mme Jean Augustine: Avez-vous une remarque à faire, monsieur Dymond?

M. Bill Dymond: Un sommet réussi, c'est celui qui fait progresser tous les dossiers de l'heure. À mon sens, le gouvernement a pour position qu'il serait peu souhaitable, et cela se comprend, que l'on ne progresse que dans un seul des dossiers, celui du commerce extérieur. Ce n'est pas ce que l'on souhaite, et l'ordre du jour est plus important, je pense.

Dans le domaine du commerce extérieur, vous aurez une assez bonne idée lorsque vous verrez le document émis par les ministres du Commerce à la suite de leur réunion de Buenos Aires dans une dizaine de jours. Ils ont pour mandat de préparer la déclaration des chefs de gouvernement. Cela vous donnera une idée.

Ensuite, si on m'accordait un voeu, j'inviterais les chefs à déchirer cet accord de 900 pages. J'ai négocié pour le gouvernement canadien pendant 30 ans. Il est inutile. Aucun négociateur sérieux ne voudrait de ce document. C'est ce que j'ai entendu.

C'est une version de la déclaration de Seattle, qui au départ n'avait que 32 ou 34 pages. Elle n'était d'aucune utilité. Les ministres n'en ont pas parlé. Cela ne vous aide pas à traiter des vraies questions, que ce soit les questions commerciales ou les questions qui préoccupent M. Allmand et ses collègues.

Pour bien négocier, il faut comprendre les concepts, il faut comprendre les principes. Les politiciens doivent être à l'aise avec les orientations que vous prenez. Lorsqu'il s'agit de finalement coucher quelque chose sur papier, sauf votre respect, monsieur le président, on embauche des avocats, on les envoie dans une petite pièce à côté et ils feront le travail. Le vrai travail de négociation, ce n'est pas de dire «déplacez votre virgule de quatre mètres sur la gauche».

Si le document est produit, comme il le sera sans doute, monsieur le président, le conseil que j'aurais à donner, c'est de le peser, pas de le lire.

Merci.

Le président: Vous semblez être plutôt du courant du droit civil que de celui de la common law, en essayant de noter tous les petits détails, mais je pense que vous avez de très bons arguments.

Ai-je tort de penser que l'Accord de libre-échange et l'ALÉNA comptent chacun environ 1 000 pages? La dernière fois que je les ai vus, c'était cela. Dans notre monde moderne, je ne sais pas comment vous pouvez éviter tout le jargon technique, qui semble être le propre des négociations modernes et des structures d'accord. C'est la même chose pour l'OMC.

M. Bill Dymond: Pour revenir à ce que disait Mme Bronson, c'est l'une des raisons pour lesquelles les accords commerciaux et les négociations commerciales exigent autant de ressources. Ce sont des activités très spécialisées.

Les concepts sont simples, au fond. Le fait que la grille de réduction tarifaire sera un document comme celui-ci ne doit pas nous faire oublier les questions fondamentales sur lesquelles reposeront les décisions des gouvernements: Croyons-nous à la non-discrimination? Croyons-nous au traitement national? Croyons-nous à la protection des investissements? Avons-nous une solution pour remplacer les revenus tarifaires perdus?

• 1030

Voilà les questions qui intéressent les négociateurs principaux et leurs maîtres politiques. Le texte à rédiger doit venir à la fin du processus, et non pas au début.

Le président: Comme vous l'avez dit, les Américains peuvent dire: «D'accord pour la non-discrimination, mais pour les autres, pas pour nous». La raison d'être d'un accord long et compliqué, c'est de les contraindre à le faire, mais pas nous. C'est ce que chacun essaie d'obtenir et c'est la nature même de tout le processus.

Tout le monde s'entend sur ces principes, monsieur Dymond, mais chacun cherche un peu de marge de manoeuvre. À mon avis, ces accords d'un millier de pages ne sont que l'assemblage des marges de manoeuvre de tous ceux qui ont négocié pendant des années pour éviter d'appliquer eux-mêmes les théories qu'ils ont proposées. Il me semble que les choses peuvent se résumer ainsi.

M. Bill Dymond: Les documents sont importants.

Le président: M. Allmand est un avocat bien payé. Il doit vouloir participer aussi.

M. Warren Allmand: Monsieur le président, il y a une chose que j'ai oublié de dire dans ma réponse à Jean Augustine.

Il y a une chose que je souhaite certainement, pour le sommet de Québec: qu'il n'y ait de violence ni d'un côté, ni de l'autre, ni dans les rues, ni ailleurs. En passant, nous avons appuyé l'invitation faite à une équipe d'observation internationale, qui viendrait à Québec constater s'il y a des violations des droits de la personne, soit des droits des représentants du gouvernement ou de ceux des manifestants. Des participants viendront d'Europe et d'ailleurs dans les Amériques.

Cette proposition a été acceptée par le gouvernement du Québec et par le gouvernement du Canada, je crois. On permet à l'équipe d'observation internationale d'aller où elle le souhaite, et de vérifier ce qu'elle voudra.

Contrairement à ce que diront certains manifestants, nous sommes d'avis que les gouvernements ont le droit de se réunir, de même que les ONG. Autrement dit, à ceux qui disent qu'il faut annuler la ZLEA, et annuler le sommet de Québec, je réponds qu'il s'agirait d'une violation des droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Que j'approuve ou non ce qui se passe à l'intérieur, les responsables des gouvernements ont le droit de se réunir et le droit de décider, comme nous avons le droit de manifester de manière pacifique et le droit de nous réunir, en séances d'étude et en forums sur les droits de la personne.

Je m'oppose au groupe qui prétendrait que «les gouvernements n'ont pas le droit de se réunir. Nous les empêcherons de se rencontrer et nous ferons annuler le sommet». De la même façon que je pourrais être en désaccord avec ce qui sera décidé à cette réunion, en vertu des droits de la personne garantis par les pactes, dans un cadre démocratique, ces gens ont le droit de se réunir, comme nous-mêmes.

Le président: Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci.

La discussion est intéressante. J'accepte certains arguments. Je suis même d'accord, sur certaines choses avec Svend Robinson, particulièrement au sujet de la diffusion des documents. Il doit y avoir une transparence. Il est important de discuter de ce qui est sur la table et de son effet sur les Canadiens. De même, je suis d'accord avec M. Allmand, qui dit que le gouvernement a le droit d'en rencontrer d'autres.

Je ne suis pas d'accord avec Svend Robinson au sujet de la désobéissance civile. Je m'étonne qu'un député canadien, un démocrate, estime légitime de s'adonner à la désobéissance civile pour bafouer les droits d'autres personnes, mais pas les siens. Lorsqu'il parle de M. Gandhi, je pense qu'il y a toute une différence. Là-bas, il n'y avait pas de démocratie et c'était une tout autre question. Je pense que l'analogie est fautive.

Cela étant dit, poursuivons.

M. Svend Robinson: J'aimerais poser une question dans la deuxième ronde, monsieur le président.

Le président: Si vous prévoyez de faire de la désobéissance civile, vous n'aurez pas droit à la parole.

M. Deepak Obhrai: J'ai une question. Elle touche tout le monde. J'étais à l'OMC, où se trouvaient des avocats en droit commercial... Il s'agit de la question soulevée par Bill, qui vous a demandé d'en discuter: les mécanismes d'application des Nations Unies. Vous avez dit: «Nous vivons dans un monde où il est plus grave d'enfreindre des règles commerciales que de violer les droits de la personne».

Ce qui m'étonne, c'est que des organismes comme le vôtre, et tous les autres, ne tiennent pas les Nations Unies responsables des organisations censées veiller à l'application des normes du travail et des normes environnementales. Comme vous l'avez déjà dit vous-même, nous ne voulons pas que les mécanismes d'application des organisations commerciales soient assimilables à une police mondiale. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Mais les Nations Unies disposent de mécanismes nous permettant d'intervenir.

• 1035

Il me semble que les organisations ont baissé les bras et ne demandent pas avec autant d'ardeur que soient appliquées les normes d'application, dans le cas de l'OIT ou du Programme des Nations Unies pour l'environnement.

Au bout du compte, je vais vous poser une question d'ordre philosophique. Vous avez déclaré, je crois, et nous sommes tous d'accord là-dessus, que le libre-échange mène à la prospérité. Si c'est vrai, la prospérité devrait-elle nous mener vers un meilleur respect des droits de la personne, de meilleures normes du travail et de meilleures normes environnementales.

Ne serait-il pas préférable que les négociations entourant la libéralisation des échanges soient couronnées de succès, afin que vous et d'autres groupes qui protestent actuellement puissent défendre leurs causes dans le cadre de négociations réussies, qui ont déjà eu lieu, de chaque côté?

M. Warren Allmand: Pour commencer, je dois dire que vous n'avez peut-être pas été suffisamment attentif. Nous critiquons les Nations Unies et la Commission sur les droits de la personne des Nations Unies depuis des années, en raison de l'inefficacité de leurs mécanismes.

En fait, nous avons déposé un document auprès des Nations Unies qui recommande de renforcer les moyens à leur disposition pour protéger les droits de la personne, et il a d'ailleurs été ajouté aux documents de l'ONU elle-même. Nous avons aussi proposé à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies l'adoption de moyens permettant de mieux protéger les droits de la personne dans une situation de mondialisation.

Il est donc erroné d'affirmer que nous n'avons pas fait preuve d'esprit critique ou que nous avons régressé et nous nous sommes abstenus de critiquer l'inefficacité de la mise en oeuvre des droits de la personne de la part des Nations Unies.

Cela dit, vous avez raison de dire que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies n'a pas obtenu les succès escomptés en matière de protection des droits de la personne. En fait, au contraire de ce qui se passe au sein de l'OMC, à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, on doit se contenter de faire des déclarations ou de prononcer des condamnations. Il appartient aux pouvoirs politiques d'agir dans le monde pour que quelque chose soit fait. Or, dans le cas où l'on transgresserait une règle de l'OMC, il est prévu qu'on applique des mesures de rétorsion et d'autres mécanismes exécutoires.

Nous aimerions disposer d'un plus grand nombre de mesures exécutoires et cela fait d'ailleurs plusieurs années que nous les réclamons. Je tiens à ce qu'on le sache. Nous ne sommes pas trop mous à l'endroit de l'ONU ni de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.

À ce sujet, Mme Mary Robinson a annoncé hier qu'elle ne se présenterait pas pour un autre mandat parce que l'on ne donne pas suffisamment de ressources à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies pour qu'elle fasse son travail. Il est extrêmement difficile de le faire avec des ressources aussi limitées. Elle-même se montre critique à l'endroit de son organisme.

Nous aussi avons exprimé des critiques. Cela dit, il y a quelques minutes, Diana Bronson affirmait que lorsqu'on compare les sommes et les ressources affectées au commerce en comparaison de ce qui est affecté aux droits de la personne, c'est hors de proportion. Ce sont donc les gouvernements du monde qui en sont responsables.

Le président: Précisément. On dépense beaucoup plus pour acheter des armes que pour protéger les droits de la personne.

M. Warren Allmand: Beaucoup plus.

Le président: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur le président.

Je dois dire que ce que j'attends du Sommet de Québec, c'est qu'il permette au Sommet des peuples des Amériques qui va se réunir, qui comptera au moins 1 500 personnes, dont des parlementaires... Vous serez invités à y participer, et je suis certaine que vous y serez. Ce Sommet des peuples des Amériques va réunir des groupes communautaires, des groupes de femmes, des groupes environnementaux, des syndicats des deux continents pour élaborer un rapport de force sociale, parce ce que c'est ce qu'il nous faut: un rapport de force sociale. Il me semble qu'il est beaucoup plus important de travailler à ça que de se développer une avant-garde de casseurs, même pour les bonnes intentions.

Le Sommet de Québec devrait, pour moi, se démarquer des autres et être le début d'une continuation et d'un renforcement de la société civile, incluant les parlementaires.

Monsieur le président, je voudrais dire aussi qu'il me semble important de souligner que le commerce et la lutte à la pauvreté ne vont pas de pair et que même Vicente Fox l'a bien dit, soulignant que les résultats de l'ALÉNA pouvaient s'être traduits par une augmentation du commerce, mais que cela ne s'était pas traduit par une meilleure répartition à l'intérieur du Mexique. Donc, il faut se garder de faire un dogme du commerce qui entraînerait la richesse.

• 1040

Je pense au contraire que les recherches actuelles montrent que les petits pays en particulier, dont les systèmes comptables et les économies ne sont pas adaptés à toutes les exigences des institutions internationales, consacrent le peu d'argent qu'ils ont à l'adaptation au lieu de se développer des politiques économiques. Ce n'est pas une recette de succès, bien au contraire. Ce «tout au commerce», dans les années qui viennent, sera tempéré, je crois, par une évaluation véritable de l'amélioration des conditions de vie de la population.

J'ai été très contente d'entendre M. Allmand en parler et j'aurais aimé que les autres participants parlent aussi de la nécessité que soient connus les textes de base de négociation, non pas par curiosité malsaine, mais parce que, quand on change les règles qui s'appliquent dans les sociétés, les gens concernés doivent le savoir, y compris pour faire des débats sur les besoins respectifs de l'hémisphère sud et de l'hémisphère nord.

J'ai une question sur un sujet dont on n'a pas encore traité et qui m'inquiète beaucoup, celui des services. Je pense au système de garderies à 5 $ au Québec, qui est un succès. Le système de garderies est un réseau d'institutions privées sans but lucratif, financées largement par le gouvernement et en partie par les citoyens. C'est un modèle qu'on a vu dans d'autres domaines, mais qui est surtout développé pour les garderies.

Or, s'il n'y a pas de protection de ce système, du fait que c'est privé, il pourrait être soumis comme objet de marchandage, et même le Québec pourrait être poursuivi pour pratique anticoncurrentielle si les choses restaient en état. Est-ce que vous êtes d'accord sur cela?

[Traduction]

Le président: Monsieur Dymond.

M. Bill Dymond: Oui, tout à fait.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous répétez: yes, absolutely. En français, ça veut dire «oui, absolument».

M. Bill Dymond: Absolument.

Le président: Sans aucune qualification.

[Traduction]

M. Bill Dymond: Je devrais toutefois... pourquoi le texte est tout à fait inutile. Comment nous y prendre pour protéger ce genre de choses. Elles ne font pas l'objet de négociations. On va les protéger par droit de réserve. Personne ne va négocier la protection du système de garderies du Québec dans le cadre de l'ALÉNA. Là n'est pas la question.

La question est de savoir comment protéger ce genre de systèmes de l'entente commerciale? On le fait au moyen d'une réserve. C'est le seul moyen à notre disposition.

Il existe déjà de telles réserves dans le texte de l'ALÉNA destinées à protéger les systèmes de sécurité sociale tant provinciaux que fédéral. Est-ce que cela suffit en ce qui concerne l'ALÉNA? À mon avis, oui. Cependant, est-ce assez pour la zone de libre-échange des Amériques? Dans ce cas, il faudra que vous me montriez d'abord le texte de l'entente. Or, nous n'avons même pas de documents de négociation encore, juste des liasses de documents indigestes.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Alors, il faudrait avoir les textes.

[Traduction]

M. Bill Dymond: Oui, lorsque le texte sera prêt.

D'abord, les négociateurs doivent faire connaître leurs positions sur les services et s'entendre là-dessus. Si pour les besoins de la zone de libre-échange des Amériques, on interprète les services de la même façon qu'au sein de l'OMC, nul besoin d'une supposition de réserve parce que le processus va de bas en haut. Il ne fait que couvrir ce qui figure dans le texte. Si toutefois l'on conçoit les services comme dans le cadre de l'ALÉNA, c'est-à-dire de haut en bas, il faut une disposition de réserve.

À quoi la réserve devrait-elle ressembler? Eh bien, puisque je ne suis plus fonctionnaire mais simple citoyen, je puis donc donner mon avis au Parlement, et je recommanderai qu'on examine la définition de la réserve. Cependant, cela restera sans effet à moins que l'on sache contre quoi on invoque la réserve.

Vous savez sans doute que lorsque le texte sera disponible, il fera certainement l'objet d'une pléthore de jugements tout à fait prématurés, car à mon avis, aucun pays n'a encore sérieusement discuté de ces enjeux. D'ailleurs, personne ne le fera d'ici à ce que les États-Unis obtiennent leur autorisation de négocier.

• 1045

Le président: Monsieur Robinson.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je m'excuse, monsieur Robinson...

[Traduction]

M. Warren Allmand: Nous permettez-vous d'intervenir brièvement sur cette question?

Le président: Très brièvement, car nous avons déjà dépassé le temps qui nous est imparti. Toutefois il s'agit d'une bonne question, donc allez-y.

Mme Diana Bronson: À mon tour, je répondrai oui, il y a donc plus de personnes qui s'entendent autour de cette table qu'on ne le penserait.

Cela dit, j'aimerais exprimer un doute au sujet de notre capacité de faire exclure d'un accord tout ce que nous tenons à protéger. Nous avons entendu des propositions demandant d'exclure la santé, l'enseignement, l'eau, la culture et le système de garderies. Je me demande tout simplement dans quelle mesure cela sera efficace à long terme.

Cependant, si nous disposions d'un cadre de référence sur les droits de la personne inscrit dans l'entente commerciale, le respect des droits de la personne deviendrait un des objectifs de l'accord commercial, ce qui faciliterait la réalisation de l'égalité entre les sexes, et permettrait d'invoquer un système public de garderies ou tout au moins un programme national de garderies bien subventionné comme moyen nécessaire à l'atteinte d'un tel objectif. D'ailleurs, un des objectifs de l'accord commercial, par exemple...

Si d'emblée on affirme que l'objectif est de fournir l'éducation à tous les citoyens de l'hémisphère sans discrimination aucune, les services sont alors investis d'un sens tout à fait différent de celui qu'ils revêtiraient si l'objectif du commerce et de l'éducation est de permettre aux exportateurs privés de réaliser des bénéfices en s'installant dans des créneaux des pays pauvres où les systèmes ont déjà été privatisés.

Le président: J'aimerais tout simplement poursuivre sur cette lancée un moment, madame Bronson. Si nous envisageons la question à la façon des avocats ici, et me reportant à ce que j'ai pu observer au sein de l'Union européenne et ailleurs, une fois que l'on a adopté un principe général de cette façon, qu'on l'a imposé, compte tenu de l'interprétation qu'on pourrait faire des obligations qui en découlent, est-ce qu'on ne se trouverait pas à remettre toute cette question de la politique sociale entre les mains des groupes de règlement des différends? Ici je précise être tout à fait d'accord avec le principe et avec les préoccupations de Mme Lalonde, mais est-ce que ce ne serait pas un groupe de règlement des différends qui se prononcerait sur les valeurs qui l'emporteraient?

Ainsi, par exemple, dans le cas d'un groupe qui nous est imposé par un gouvernement républicain américain, nous nous rendrions peut-être compte qu'on est en train de nous imposer toutes sortes de valeurs auxquelles nous sommes réfractaires au nom même des droits sociaux et de la personne que vous cherchez à créer.

Je ne suis pas en désaccord avec votre objectif, mais si je reviens à ce que disait M. Dymond, le mécanisme à notre disposition me semble extrêmement important, et nous devons le comprendre. C'est pour cela que les membres tiennent à avoir le texte parce qu'on veut voir comment les choses fonctionnent.

Je comprends donc M. Pettigrew lorsqu'il affirme qu'il ne peut encourir la colère de 12 autres pays du fait qu'il nous communiquerait le texte. Toutefois, je comprends aussi nos membres qui se demandent comment on peut discuter des négociations lorsqu'on ignore ce que dit le texte.

Nous tournons donc en rond ici, mais sur cette question particulière, si l'on veut créer une constitution quelconque ayant préséance sur des accords commerciaux en ce qui a trait aux droits de la personne, il faudra qu'une telle constitution dispose de moyens exécutoires, et il sera aussi impératif de créer un tribunal à cette fin. Cela ressemblerait à notre Charte des droits, et cela voudra dire qu'on aura toujours des tribunaux pour nous dire quels sont nos droits. Il y en aura qui estimeront que ce n'est pas ce que nous avions appuyé et que ce sont les tribunaux qui prennent les décisions à notre place.

Comment pouvons-nous contourner un tel obstacle?

M. Warren Allmand: Eh bien, si nous devons nous tromper, faisons-le plutôt en ce sens et essayons de nous débrouiller pour trouver des solutions lorsqu'il y aura des problèmes. Cherchons des solutions de ce point de vue plutôt que de nous contenter de ce que nous avons car le statu quo ne nous donne vraiment aucun espoir de trouver une solution.

Mme Diana Bronson: Par ailleurs, nous disposons aussi de la Charte des Nations Unies, et même de la Charte de l'Organisation des États américains. Ces textes comportent des dispositions fondamentales de promotion et de protection des droits de la personne et font même partie du droit international coutumier. Le problème tient à notre autonomie. Le secrétaire général des Nations Unies a parlé de cet enjeu, notamment.

Je sais bien que Bill Dymond n'appréciera pas, mais la difficulté vient du fait que l'OMC ne dépend pas de l'ONU et ne considère pas comme admissible la jurisprudence des organes onusiens, dont le mandat est de protéger les droits de la personne, dans ses propres causes relevant de son système de règlement des différends. Je le répète: nous ne cherchons pas à obliger les organes de règlement des différends des organisations commerciales à se prononcer sur des questions de droits de la personne, mais nous cherchons plutôt à faire admettre dans les délibérations de ces organes la jurisprudence des tribunaux qui ont compétence en matière de droits de la personne. Actuellement, on ne tient aucunement compte de cette jurisprudence.

Le président: Ce serait juste, en effet. C'est comme les enjeux qui commencent à surgir en matière d'environnement...

M. Bill Dymond: Oui.

Le président: Je passe maintenant à M. Robinson qui attend patiemment.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, comme ces questions me semblent très importantes, je vais continuer dans le même ordre d'idée.

Le président évoque la possibilité que des tribunaux ou des organes internationaux qui ne sont tenus de rendre des comptes à personne en viennent à nous dicter la façon dont nos politiques devraient s'appliquer. Le drame, c'est que cela se produit déjà en raison du chapitre 11 de l'ALÉNA. Il existe d'ores et déjà des tribunaux ne rendant des comptes à personne qui relèvent de l'ALÉNA et qui peuvent annuler les lois canadiennes, comme nous l'avons déjà vu dans plusieurs jugements.

• 1050

Prenez le cas récent, par exemple, du jugement sur Metalclad: la localité de San Luis Potosi au Mexique avait refusé que l'on construise une installation de traitement des déchets toxiques sur son territoire, elle avait même obtenu l'appui dans sa lutte du gouvernement d'État, et pourtant, elle s'est fait imposer l'usine de traitement.

Il existe déjà un tribunal secret qui supplante tous les autres. À vrai dire, cela soulève à mon avis des questions constitutionnelles très graves au sujet du pouvoir de nos tribunaux: il faut se demander si ces pouvoirs ne leur ont pas été retirés lors des négociations du chapitre 11 de l'ALÉNA. Cela est très préoccupant, et j'espère que les tribunaux se pencheront là-dessus.

J'ai une ou deux questions qui découlent de celles qui ont été posées plus tôt, dont celle de Mme Lalonde. Ce que l'on entend souvent dire, et ce que nous disent explicitement M. Dymond et M. Wilson, c'est que la libéralisation des échanges entraîne, selon eux, la prospérité et des droits de la personne mieux respectés. On ne peut pas dire que ce soit le cas partout dans le monde, comme on peut le constater au Mexique, par exemple. L'expérience de ces pauvres Mexicaines travaillant dans les zones des maquiladoras empoisonnées par des produits chimiques toxiques ne peut pas être considérée comme une expérience positive.

Quand on regarde également ce qu'ont vécu les peuples indigènes du Chiapas qui ont été refoulés de leurs terres et à qui on a refusé le droit de pratiquer la culture vivrière parce que les grandes sociétés agricoles sont passées désormais à l'agriculture d'exportation, on ne peut pas vraiment dire que le libre-échange leur a été profitable, loin s'en faut.

Je voudrais parler à M. Wilson de Cuba. Il me fait signe qu'il ne répondra pas à la question et qu'il n'a pas à y répondre.

J'imagine que votre conseil et vos membres font beaucoup d'affaires avec Cuba. Croyez-vous que l'on a raison d'exclure Cuba du sommet?

M. John Wilson: Cuba ne fait pas partie de l'Organisation des États américains.

M. Svend Robinson: En effet.

M. John Wilson: Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le président: Pour être exact, Cuba en est un membre, mais il en a été suspendu.

M. John Wilson: Oui.

M. Svend Robinson: Êtes-vous d'accord...

M. John Wilson: Je ne puis vraiment répondre au nom du Conseil canadien des Amériques, puisque le Conseil ne s'est pas penché sur la question.

M. Svend Robinson: Le Conseil ne s'est donc pas prononcé là-dessus.

M. John Wilson: Non, pas là-dessus.

M. Svend Robinson: Je vois.

[Français]

M. Pierre Paquette: C'est un gars très respectueux des mandats qui lui sont donnés.

[Traduction]

M. Svend Robinson: Je voulais également interroger M. Allmand sur la question des droits de la personne et de l'inclusion des normes. Soit dit en passant, puisque l'on parle d'organes internationaux et de la frustration de Mary Robinson, je suis sûr que M. Allmand sait que la Commission interaméricaine des droits de l'homme est elle-même littéralement en faillite. C'est assez pathétique. On accorde des millions aux autres agences interaméricaines, mais la Commission des droits de l'homme est, à toute fin pratique, en faillite.

Je prends note de ce qu'a dit Mme Bronson sur le fait que les organismes commerciaux n'ont pas les mécanismes d'exécution nécessaires, mais qu'entend-on exactement par l'inclusion dans les accords commerciaux des normes concernant les droits de la personne? Comme le sait bien M. Allmand, on ne peut pas associer les droits de la personne uniquement à des droits civils et politiques. Il faut tenir compte également du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Dans quelle mesure croyez-vous que, si nous songeons sérieusement à inclure les droits de la personne, nous devrions également faire mention d'une façon ou d'une autre de ces droits fondamentaux dans les accords commerciaux? Dans l'affirmative, comment feriez-vous pour les mettre en application?

M. Warren Allmand: En effet, nous souhaitons que l'on renvoie aux traités qui existent déjà et qui ont été ratifiés par les pays en question. En premier lieu, nous sommes d'avis qu'un pays ne devrait pas être pénalisé parce qu'il remplit ses obligations en vertu des traités qu'il a ratifiés, qu'il s'agisse de traités sur les droits de la personne, de traités environnementaux, de traités sur la santé, peu importe. Dans la mesure où vous avez ratifié un traité international et que vous adopté des lois destinées à mettre en oeuvre cette obligation qui découle du traité, vous ne devriez pas avoir à prouver ni à l'OMC ni au nouvel accord de la ZLEA que votre loi ne constitue pas un obstacle au commerce.

Je sais que cela ne plaira pas à de nombreux Québécois, mais la récente décision du bureau d'appel de l'OMC établissant que la France a le droit d'interdire l'amiante sur son territoire en raison des risques qu'elle pose pour la santé de ses citoyens constitue, à mon avis, un pas dans la bonne direction, puisqu'elle reconnaît certaines normes en matière de santé. J'aimerais bien que les groupes spéciaux de l'OMC et de la ZLEA, s'il y avait lieu, puissent...

Il faudrait qu'un pays ait le droit d'intervenir et d'expliquer qu'il a respecté ses obligations internationales et ratifié le traité sur les droits de la personne en instaurant certaines mesures qui ne constituent donc pas conséquemment un obstacle au commerce. Ce serait une façon de faire.

• 1055

Il vaut la peine de noter qu'il y a déjà eu un pas dans la bonne direction, l'année dernière: en effet, un des groupes d'appel de l'OMC a accepté pour la première fois dans un jugement certains types d'intervenions de ce genre. Je ne me rappelle pas exactement les détails de la cause, mais il vaudrait la peine que d'autres organes mettent à l'épreuve le principe voulant qu'un pays demande d'intervenir et d'interjeter appel.

La façon dont les groupes spéciaux interprètent ces choses devrait tenir compte des règles du droit international et des lois en matière de droits de la personne; de plus, ces accords devraient contenir un renvoi à ces traités internationaux des droits de la personne, notamment, et devraient signaler que c'est la bonne chose à faire.

M. Svend Robinson: Une dernière petite question qui reprend la question de la désobéissance civile. Je précise ici que l'on parle bien de désobéissance civile non violente. On ne parle pas ici des casseurs, mais plutôt de personnes optant pour la désobéissance civile pacifique et non violente.

Monsieur Allmand, je crois vous avoir entendu dire que vous aviez vous-même pris part à des actes de désobéissance civile. Pourriez-vous en parler au comité et expliquer quand cela s'est produit, et dans quelles circonstances?

M. Warren Allmand: Est-ce qu'on joue au «jeu de la vérité»? En effet, j'y ai pris part quand j'étais plus jeune.

Le président: Monsieur Allmand, vous n'êtes pas obligé de répondre à des questions qui pourraient vous incriminer.

M. Warren Allmand: Cela s'est fait dans le cadre du mouvement antinucléaire. Lorsque j'étudiais à McGill, nous prenions des mesures musclées: nous avions invité Linus Pauling à l'université et organisé une réunion à son intention. Nous nous étions assis au beau milieu de la rue, nous chantions et avions du plaisir.

C'est sûr que nous bloquions la circulation. Comme je l'ai expliqué plus tôt, il ne s'agissait pas d'empêcher la circulation au point d'empêcher les camions à incendie de circuler ou les ambulances de se rendre à l'hôpital. Mais j'étais jeune, dans le temps, et j'avoue ne pas avoir songé à cette éventualité. En fait, nous n'avons pas causé grand dommage, mais certains d'entre nous ont été chassés de la rue. Quant à moi, j'ai fini par me lever et partir.

Le président: Jeunesse et discrétion ne vont pas nécessairement ensemble, mais nous remarquons que vous êtes devenu beaucoup plus modéré, monsieur Allmand.

M. Warren Allmand: Je n'avais que 24 ou 25 ans.

Le président: À propos des questions de M. Robinson, toutefois, je me demande... étant donné que Mme Bronson en a également parlé. Il est certain qu'il y a un problème de culture dans ces accords commerciaux qui ne sont pas tous interprétés de la même façon en ce qui concerne les droits de la personne. Vous l'avez dit à maintes reprises. J'ai été très impressionné lorsque vous avez à une autre occasion comparu devant le comité et déclaré qu'à titre d'avocat—M. Robinson en est un, j'en suis un et vous aussi—il serait plus généralement accepté que les principes juridiques internationaux concernant les droits de la personne font partie du droit international. Lorsqu'un tribunal de commerce applique une obligation internationale, cela fait partie du droit international et toutes les formes du droit international doivent être considérées.

Il me semble donc, et je pense en particulier à certaines des causes récentes concernant l'environnement, par exemple, que les groupes spéciaux deviennent plus sensibles aux enjeux environnementaux. Vous avez parlé de la santé à propos de l'amiante. Je veux vous demander de répondre simplement par oui ou par non, mais pensez-vous qu'il y a un mouvement, du moins, vers une plus grande cohérence dans le système, un mouvement dans ce sens ou êtes-vous plutôt découragé à ce sujet?

M. Warren Allmand: Quelques-unes des causes récentes nous donnent au contraire beaucoup d'espoir. Ce que je crains, c'est que certains États et certains négociateurs, voyant ces décisions, prennent des mesures pour arrêter ce genre de choses. J'aimerais que cela soit appuyé de façon plus explicite dans les accords eux-mêmes, que ceux-ci encouragent à poursuivre dans ce sens.

Le président: Merci beaucoup.

Je voudrais remercier tous les membres du panel. Vous nous avez tous beaucoup aidé.

Chers collègues, avant que vous ne partiez, Mme Lalonde a demandé que nous ayons d'autres audiences parce que c'est une question importante. Vous vous souviendrez que lorsque le comité directeur s'est entretenu de la question, nous avions convenu d'avoir trois ou quatre audiences. Nous ne pouvons pas en avoir 10, mais le comité serait-il disposé à ce que nous siégions encore une ou deux fois l'après-midi étant donné qu'il s'agit d'une question très importante?

Des voix: D'accord.

Le président: Madame Lalonde, je ne sais pas si nous pourrons organiser autant de séances que vous le souhaiteriez, mais vous voyez que le comité semble disposé à en avoir d'autres.

Mme Francine Lalonde: En effet.

[Français]

Le président: On va prolonger les témoignages.

[Traduction]

Merci beaucoup, chers collègues.

La séance est levée.

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