TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 29 mai 2001
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Nous sommes ici cet après-midi pour discuter du projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets.
Nous accueillons cet après-midi M. Denis Morrice, président-directeur général de La Société d'Arthrite; M. Michael Murphy, vice-président principal, Politiques, de la Chambre de commerce du Canada; le Dr Barry McLennan, président, et M. Charles Pitts, directeur général, de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé; Mme Janet Lambert, présidente, de BIOTECanada; ainsi que M. Terry McCool, vice-président, Affaires corporatives, pour Eli Lilly Canada et, au lieu de M. Jean-François Leprince, M. James Mills—est-ce exact?—avocat, de Rx&D, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.
Ce que je propose, c'est que chacun fasse d'abord sa déclaration préliminaire, après quoi nous allons passer aux questions. Je suggère que nous entendions les témoins dans l'ordre où ils sont énumérés, à moins d'une entente contraire.
Cela dit, j'aimerais commencer par...je ne vois pas La Société d'Arthrite.
M. Michael N. Murphy (vice-président principal, Politiques, Chambre de Commerce du Canada): Nous allons commencer.
La présidente: Vous allez commencer, monsieur Murphy? D'accord.
Nous allons laisser M. Murphy commencer. Il représente la Chambre de Commerce du Canada.
M. Michael N. Murphy: Merci, madame la présidente. Je suis Michael Murphy, premier vice-président pour les questions de politiques à la Chambre de commerce du Canada.
[Traduction]
Madame la présidente, j'ai le plaisir de représenter ici aujourd'hui les 170 000 entreprises membres de la Chambre de Commerce du Canada. La Chambre de Commerce du Canada est heureuse de présenter ses observations au comité permanent au sujet du projet de loi S-17.
Comme les députés le savent, ce projet de loi a pour but de modifier la Loi sur les brevets pour la rendre conforme aux exigences de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce concernant la durée des brevets. Le Parlement doit absolument adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. En effet, cette question affecte un grand nombre d'entreprises et de chercheurs au Canada et est directement liée à notre compétitivité et à notre niveau de vie comme pays de même qu'à la qualité de vie de tous les Canadiens. Il faut agir rapidement pour préserver les droits de brevet et ce, pour un certain nombre de raisons.
Premièrement, le Canada doit respecter ses engagements internationaux. Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger la protection par brevet ni de manquer à nos engagements internationaux dans ce domaine important. L'année dernière, l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, a décrété que la période de 17 ans, à compter de la date d'émission, accordée par le Canada pour les brevets déposés avant le 1er octobre 1989 est inadéquate et enfreint les normes de l'ADPIC. En effet, cet accord exige que les pays membres de l'OMC accordent une période de protection par brevet d'au moins 20 ans à compter de la date de dépôt. Il n'y a aucune raison de continuer à permettre aux brevets d'expirer en contravention de ces règlements. Le maintien de cette politique est injuste à l'égard des titulaires de brevets et nuit à l'image et à la réputation du Canada à l'échelle internationale.
Deuxièmement, le Canada doit créer un environnement propice à l'innovation. Pour les entreprises, la capacité d'innovation—c'est-à-dire la transformation des connaissances et des idées en produits, procédés et services nouveaux—est une question prioritaire. Elle détermine essentiellement qui va prospérer dans un environnement global de plus en plus concurrentiel. Les pays innovateurs ont invariablement des lois favorables à l'innovation. Ces lois portent sur des types distincts de propriété intangible, que ce soit les brevets, les marques de commerce, les droits d'auteur, les dessins industriels ou les circuits topographiques, collectivement connus sous le nom de propriété intellectuelle.
Le gouvernement canadien a certes raison de promouvoir un programme d'innovation pour le Canada et la Chambre de Commerce du Canada appuie fortement cette initiative. Mais pour que ce programme soit crédible, le Canada doit démontrer qu'il est déterminé à suivre les normes mondiales relatives à la protection par brevet.
La protection par brevet permet aux gens innovateurs de tirer parti de leurs investissements et de réinvestir dans la R&D. En outre, la protection et la reconnaissance qu'elle assure aux inventeurs, qu'il s'agisse de scientifiques, d'ingénieurs industriels ou de concepteurs de logiciels, leur donnent le courage et l'inspiration nécessaires pour innover et prendre des risques. Les résultats de cette innovation et de la prise de risques se répercuteront directement sur le niveau de vie dont nous jouirons à l'avenir et, par conséquent, sur la qualité de vie des Canadiens.
Troisièmement, une protection par brevet solide et efficace encourage la diffusion du savoir dans tous les secteurs de l'économie. Les lois sur les brevets confèrent aux inventeurs le droit exclusif d'empêcher les autres de fabriquer, d'utiliser et de commercialiser une invention brevetée pour une période de temps déterminée. En revanche, les inventeurs doivent divulguer les résultats de leurs travaux, souvent même avant qu'ils ne soient publiés dans des revues scientifiques. À son tour, la divulgation permet aux autres de comprendre les progrès réalisés et de les appliquer dans le domaine technique original de même que dans d'autres domaines.
Quatrièmement, une protection par brevet solide et efficace encourage l'essor de l'industrie locale et attire l'investissement direct étranger. Une protection par brevet solide non seulement encourage les entreprises nationales à investir dans des activités novatrices, mais rend un pays plus attrayant pour l'investissement direct étranger. Un pays qui offre une protection par brevet solide et efficace est plus apte à attirer et à retenir le capital intellectuel si indispensable dans l'économie du savoir actuelle.
Enfin, madame la présidente, la protection par brevet a progressé dans le monde entier parce que les pays ont compris qu'elle encourage l'investissement en recherche-développement, contribuant ainsi à l'essor de l'innovation, de la productivité, de la croissance économique et des retombées pour tous ceux qui vivent dans le pays. Le temps est venu pour le Canada de respecter ses engagements internationaux aux termes de l'ADPIC.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murphy.
Nous allons maintenant passer à la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé et à M. Charles Pitts.
[Français]
M. Charles Pitts (directeur général, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, madame la présidente. En tant que directeur général de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé et au nom de la coalition, je vous remercie de l'invitation de comparaître devant votre comité aujourd'hui.
Je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est offerte de commenter le projet de loi S-17. Le président de la CRBS, le Dr Barry McLennan, ne pouvait pas être ici aujourd'hui en raison de sa participation aux travaux d'un comité présidé par le Dr Henry Friesen, Shaping the Future of Health Research and Economic Development in Western Canada. Étant donné l'importance que vous accordez à l'ouest du Canada, il pense que vous comprendrez son absence aujourd'hui.
Cependant, le Dr McLennan a ouvert la voie à mes remarques lorsqu'il a déclaré en 1993, dans le contexte des modifications de fond apportées à la Loi sur les brevets, le projet de loi C-91 à l'époque:
La Coalition pour la recherche biomédicale et en santé défend les intérêts collectifs des universitaires et des chercheurs en sciences de la santé industrielle au Canada. C'est pourquoi nous avons tout intérêt à nous assurer que la législation canadienne en matière de brevets est tout aussi favorable, et encore plus attrayante, du moins nous l'espérons, que celle des principaux partenaires commerciaux du Canada. En fait, nous espérons que le projet de loi S-17 n'est qu'une première étape vers une modernisation beaucoup plus poussée du régime de protection de la propriété intellectuelle du Canada. Nous attendons avec impatience le moment de participer au débat tant attendu sur un examen plus approfondi promis récemment par le ministre Tobin.
Je n'ai pas l'intention de vous lire notre mémoire aujourd'hui quoique j'espère qu'il vous aidera à mieux comprendre notre point de vue et l'importance que nous accordons à une législation adéquate en matière de brevets. Je chercherai plutôt aujourd'hui à personnaliser un peu la discussion au lieu de vous débiter un tas de statistiques et de vous décrire tous les avantages que conférerait une protection par brevet accrue ou améliorée en vous donnant un exemple pratique inéluctable de ce que nous cherchons à obtenir au moyen de la protection par brevet.
Si vous me le permettez, je vais vous présenter ma collègue, la Dre Lisa McKerracher, qui a laissé son laboratoire et ses recherches à Montréal pour être des nôtres aujourd'hui. La Dre McKerracher fait partie d'une nouvelle génération de chercheurs-entrepreneurs qui, en raison d'un meilleur financement et d'un cadre législatif décent en matière de brevets, commencent à peupler notre paysage universitaire et industriel. Leur incidence se fait sentir ici au Canada et à l'étranger. En fait, la Dre McKerracher a récemment reçu le prix Christopher Reeve pour ses travaux innovateurs axés sur la regénération du système nerveux central après une blessure grave.
La Dre McKerracher est professeure agrégée à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, professeure adjointe à l'université McGill et membre du Conseil consultatif des IRSC pour l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies. Elle dirige une équipe de dix chercheurs à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et est la fondatrice de Bioaxone, une compagnie biopharmaceutique créée pour gérer le développement commercial de thérapies fondées sur ses découvertes concernant la protection et la regénération neurales en cas de lésion de la moelle épinière.
Nous croyons que la Dre McKerracher personnifie tous ceux dont les travaux profiteront de la création et du maintien d'un environnement concurrentiel à l'échelle mondiale pour la recherche innovatrice au Canada. Elle-même et tous les autres chercheurs et chercheuses représentent les ressources intellectuelles que nous perdrons si nous n'arrivons pas à protéger nos éléments les plus brillants et les plus audacieux.
La Dre McKerracher est une experte de réputation mondiale dans son domaine qui est très en demande comme professeure, scientifique et mentor. Elle a aidé les universités auxquelles elle est affiliée à aménager un important créneau scientifique en ce qui concerne les lésions de la moelle épinière. Elle a ainsi pu attirer des fonds, la reconnaissance de ses pairs à l'échelle internationale et de nouveaux travaux de recherche dans son laboratoire.
Ses études ont mené à la découverte d'un médicament important qui peut aider les neurones à réparer un corps paralysé par un traumatisme de la colonne vertébrale. Après avoir demandé des brevets pour sa découverte, la Dre McKerracher a négocié un accord de transfert technologique avec les universités, identifié un soutien en capital initial et formé une compagnie. Cette compagnie fait la promotion de la technologie qu'elle a mise au point et des brevets qui y sont reliés auprès d'investisseurs éventuels.
De nouveaux bailleurs de fonds financeront la recherche à long terme et la mise au point de nouveaux médicaments fondés sur ses travaux. Ce processus engendrera d'intéressantes possibilités d'emplois de haute qualité et débouchera sur des recherches additionnelles qui créeront des occasions pour de nombreux Canadiens. Il aidera aussi à appuyer le centre de recherche et, par extension, les universités et les hôpitaux avec lesquels l'équipe de la Dre McKerracher travaille. Ce qui est plus important encore, si ce médicament s'avérait aussi prometteur qu'il semble l'être à cette étape-ci, il donnera espoir à des gens pour qui il n'existe pour le moment aucune option thérapeutique.
L'essentiel dans tout cela, toutefois, c'est que sans une protection efficace conférée par brevet, la Dre McKerracher n'aurait pas les moyens de poursuivre ses travaux au Canada. L'université ne serait pas capable d'aller chercher les fonds nécessaires pour financer le Centre de recherche en neurosciences, elle serait incapable de négocier un accord de transfert technologique raisonnable et les capitaux nécessaires au financement de sa propre compagnie, et l'aide nécessaire pour que de nouveaux traitements puissent être offerts ne serait pas disponible. Sans une protection par brevet décente, la Dre McKerracher et d'innombrables scientifiques de talent comme elle migreraient vers des pays où ils pourraient trouver les conditions et les ressources nécessaires pour laisser libre cours à leur passion.
• 1545
Les avantages substantiels découlant de l'investissement actif
dans les activités de recherche et de l'appui explicite du
gouvernement canadien à l'égard de l'innovation en tant que
stratégie centrale visant à assurer la prospérité nationale au
cours du XXIe siècle sont de très bonnes raisons de se conformer
aux récentes décisions de l'OMC relativement à la législation du
Canada en matière de brevets. En fait, ce ne sont pas les raisons
qui manquent pour que le gouvernement examine activement la
possibilité d'améliorer la loi actuelle afin de positionner le
Canada comme étant l'endroit le plus favorable au monde à la
protection de la propriété intellectuelle.
Au nom de tous les membres de la CRBS—16 écoles médicales et leurs 8 500 membres des facultés médicales; l'Association des facultés de médecine du Canada; 600 chercheurs cliniques faisant partie de la Société canadienne de recherches cliniques; 34 000 spécialistes médicaux faisant partie du Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada et 15 000 médecins de famille faisant partie du Collège des médecins de famille du Canada; et les chercheurs de la Fondation pour la recherche en sciences de la santé des compagnies de recherche pharmaceutique du Canada ainsi que IMS Health Canada—, la CRBS recommande que le comité adopte ce projet de loi et cherche des moyens d'améliorer la législation en matière de brevets afin d'augmenter le plus possible le soutien législatif offert au secteur de l'innovation dont le gouvernement a fait la promotion au cours des dernières années à l'aide d'innovations comme les Instituts de recherche en santé du Canada.
Nous vous remercions infiniment de votre attention. La Dre McKerracher et moi-même serons très heureux de répondre à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Pitts.
Nous allons maintenant passer à BIOTECanada et à Mme Janet Lambert, sa présidente.
Mme Janet Lambert (présidente, BIOTECanada): Bonjour, honorables membres du comité permanent. Je me présente: Janet Lambert, présidente de BIOTECanada.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire pourquoi le projet de loi S-17 est important pour la biotechnologie, et je vous encourage à l'adopter. Dans bien des cas, en raison de produits qui ne sont pas encore sur le marché, les brevets d'une entreprise de biotechnologie constituent son actif le plus précieux.
BIOTECanada est une association nationale qui représente l'industrie de la biotechnologie et les chercheurs en biotechnologie. Nos membres incluent des organisations des secteurs canadiens de la santé, de l'agriculture, de l'alimentation et de la recherche qui cherchent à améliorer la qualité de vie des Canadiens au moyen de la biotechnologie.
Le Canada se classe au deuxième rang dans le monde pour ce qui est de la biotechnologie à plusieurs égards: nombre d'entreprises, revenus et nombre d'employés, pour n'en mentionner que quelques-uns.
En termes généraux, la biotechnologie est définie comme l'utilisation d'organismes vivants pour développer et améliorer des aliments et des médicaments. La biotechnologie moderne se fonde sur notre compréhension de la biologie au niveau des gènes.
L'industrie de la biotechnologie regroupe près de 400 sociétés qui investissent près de un milliard de dollars par année dans la recherche-développement en biotechnologie. Les plus grosses sociétés de biotechnologie investissent près de 50 p. 100 de leurs recettes totales en R&D, tandis que les dépenses des sociétés plus petites à ce chapitre sont supérieures à leurs recettes.
On retrouve les sociétés actives en biotechnologie dans un vaste éventail de secteurs économiques, tels la santé humaine, l'agriculture, l'alimentation, l'environnement et l'aquaculture. Quarante pour cent d'entre elles sont orientées vers les soins de santé, tandis que 25 p. 100 concentrent leurs efforts sur l'agriculture et 10 p. 100 sur l'environnement. On en retrouve dans toutes les provinces du Canada. Plus de 75 p. 100 des sociétés de biotechnologie comptent moins de 50 employés—ce sont de petites sociétés entrepreneuriales—mais elles emploient collectivement plus de 60 000 personnes. Les exportations de la biotechnologie représentent plus d'un tiers de ses revenus totaux.
[Français]
La biotechnologie est un secteur technologique de pointe, une industrie à fort coefficient de recherche qui s'appuie sur un personnel bien formé et un esprit d'entreprise pour la soutenir. C'est précisément ce type d'industrie auquel le premier ministre fait allusion lorsqu'il parle de la création «d'une des économies les plus innovatrices du monde». L'appui accordé à la recherche en biotechnologie contribuera à assurer que le Canada demeure un chef de file dans la nouvelle économie mondiale axée sur le savoir.
[Traduction]
BIOTECanada apprécie l'occasion qui lui est offerte de participer au débat entourant le projet de loi S-17. Pour une industrie à fort coefficient de recherche comme la nôtre, des brevets forts et efficaces constituent des éléments essentiels à la réussite à long terme de nos organismes membres. Les brevets représentent un incitatif important pour ces sociétés et leurs bailleurs de fonds puisqu'elles s'adonnent à des recherches très complexes et à risque élevé visant à améliorer des vies.
BIOTECanada croit comprendre que le projet de loi soumis à votre examen doit son existence à deux décisions récentes de l'Organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce. L'OMC a jugé que le Canada ne satisfaisait pas aux normes relatives à la protection de la propriété intellectuelle. À titre de pays signataire membre de l'OMC et d'État membre responsable, le Canada doit prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger cette situation.
• 1550
En raison des exigences liées à l'approbation d'un produit de
technologie, il faut habituellement compter de sept à dix ans avant
que la nouvelle invention ne soit sur le point d'être lancée sur le
marché. Pour vous donner un exemple, on compte chaque année au
Canada plus de 2 500 demandes de brevet liées à la biotechnologie.
En moyenne, cela correspond, pour chaque jour ouvrable, à environ
une centaine d'inventions.
L'accès aux capitaux représente peut-être le défi le plus formidable auquel le secteur de la biotechnologie est confronté. Le Canada dispose déjà des infrastructures nécessaires pour appuyer les scientifiques aux premières étapes de leurs efforts de recherche, mais il y a par ailleurs lieu de déplorer la rareté de véhicules financiers qui aideraient un inventeur à franchir la longue étape de développement du processus.
[Français]
L'objectif du Canada est d'être une des économies les plus innovatrices du monde. Alors, ce processus doit être appuyé par un examen approfondi de la façon dont nous gérons les incitatifs clés permettant de promouvoir les entreprises innovatrices.
[Traduction]
Il est nécessaire d'avoir un débat en profondeur sur la protection de la propriété intellectuelle. Sans tenter de faire dérailler les discussions actuelles, BIOTECanada tient à profiter de l'occasion pour inscrire au dossier certaines questions qui, à notre avis, sont liées à la position concurrentielle du Canada et à notre régime actuel de protection de la propriété intellectuelle: par exemple, l'obtention d'un brevet relatif aux formes de vie supérieures; la rapidité de l'examen de demandes de brevet et de l'examen réglementaire; et la progression accélérée de la demande de brevet.
[Français]
BIOTECanada est fermement convaincu que l'on doit appuyer le projet de loi S-17 pour veiller à ce que le Canada puisse faire face à la concurrence dans le domaine de la biotechnologie. BIOTECanada presse donc le comité d'appuyer l'adoption du projet de loi S-17.
[Traduction]
Les entreprises canadiennes en biotechnologie sont en parfait accord avec les grandes priorités de notre gouvernement. La mise en oeuvre de politiques qui assureront la réussite de notre secteur et sa capacité d'acquérir et de maintenir une position concurrentielle au plan international contribuera à l'atteinte d'un grand nombre des objectifs clés du gouvernement.
[Français]
Nous vous remercions de l'attention que vous nous avez accordée.
[Traduction]
Je vous remercie infiniment de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup, madame Lambert.
Nous allons maintenant céder la parole à M. McCool et M. Mills qui représentent Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.
M. Terry McCool (vice-président, Comité de la propriété intellectuelle, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada ): Merci, madame la présidente.
M. Mills et moi-même représentons Rx&D, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. M. Mills est notre conseiller juridique et a représenté un grand nombre de nos sociétés à l'égard de questions touchant la propriété intellectuelle. Quant à moi, j'ai été pharmacien en Alberta pendant plusieurs années avant de me joindre à l'industrie.
La première diapositive donne une idée de l'évolution, d'un brevet de 17 ans à un brevet de 20 ans. Le projet de loi S-17 représente un changement technique nécessaire pour amener le Canada à remplir ses obligations en matière de commerce international, qu'il a contractées il y a un certain nombre d'années.
Comme vous pouvez le voir d'après la diapositive, le projet de loi aurait un impact sur 30 produits, dont les ventes sont limitées, et ce pour une moyenne de moins de six mois. Il s'agit donc d'un changement technique très mineur. L'impact de la décision sera de moins de 1 p. 100 des ventes pharmaceutiques en une seule année. Le règlement concernant l'emmagasinage a déjà été aboli et le projet de loi S-17 ne fait que révoquer le pouvoir d'adopter de nouveau un tel règlement.
Au cours des quelques dernières semaines, cependant, d'autres ont suggéré d'élargir le débat. Jetons donc un coup d'oeil sur les questions plus vastes. Cette diapositive montre le développement d'un nouveau produit. Le processus de développement d'un produit pharmaceutique innovateur est très long et très coûteux de sorte que les produits pharmaceutiques ne bénéficient pas de la durée totale du brevet de 20 ans. Il faut en moyenne dix ans pour sortir un nouveau produit sur le marché. En fait, il faut plus de temps encore pour certains produits. Donc, la durée réelle du brevet est probablement, en moyenne, de dix ans environ.
Le processus est également très incertain. Pour 10 000 molécules découvertes, un seul produit arrivera sur le marché et le fait d'arriver sur le marché ne garantit pas le succès. Pour dix produits commercialisés, il n'y en aura que trois qui généreront des revenus suffisants pour absorber les coûts de développement.
Un des points en litige a été l'objet du Règlement de liaison. Un lien est nécessaire en raison de l'absence de mesures de redressement par voie d'injonction au Canada pour compenser la fabrication anticipée par les fabricants de produits génériques. Il est très facile et peu coûteux de copier un produit pharmaceutique.
Le processus de liaison se déroule parallèlement à l'examen réglementaire d'une demande d'approbation de produits génériques par Santé Canada. Le fabricant d'un produit générique met le processus en branle et contrôle son déroulement. La liaison ne prolonge en rien la durée de 20 ans d'un brevet. Seuls certains brevets peuvent être inscrits dans le registre des brevets. L'innovateur est aussi assujetti à des contrôles de prix sur tous les médicaments brevetés, mais c'est le seul secteur de l'innovation au Canada qui est assujetti à des contrôles de prix. Le fait que les titulaires de brevets aient remporté au moins la moitié des procès et qu'il n'y ait eu que deux poursuites en dommages-intérêts dans 200 cas montre que le Règlement de liaison ne donne pas lieu à des abus et fonctionne comme il le devrait.
• 1555
Cette diapositive illustre une des questions qui a également
été abordée, c'est-à-dire la protection de la poursuite de
l'innovation. Un des buts du Règlement de liaison est de promouvoir
la protection de la poursuite de l'innovation. L'innovation
permanente est essentielle dans toutes les industries et est
particulièrement importante dans les industries de haute
technologie. Le système de brevets est conçu pour récompenser
l'innovation, tant qu'elle satisfait aux critères de brevetabilité.
Pour qu'un brevet puisse être obtenu, le produit doit vraiment innover et être exploitable. Le brevet original peut avoir un champ d'application très large; cependant, les brevets subséquents protégeant l'innovation permanente ont un champ d'application beaucoup plus restreint. Tout nouveau brevet émis pour un produit sous une nouvelle forme n'entrave pas la capacité des fabricants de produits génériques de produire et de commercialiser le produit sous sa forme initiale. Les fabricants de produits génériques peuvent toujours copier le produit original lorsque le brevet original est expiré.
Il ne faut pas oublier non plus que la durée réelle du brevet est de dix ans ou moins pour les produits pharmaceutiques. D'autres pays l'ont reconnu et ont prolongé la durée de certains brevets en raison du long processus de développement. Nos détracteurs ont indiqué que le projet de loi S-17 rompt l'équilibre. Industrie Canada a déjà indiqué que le Canada offre aux fabricants de produits génériques l'un des meilleurs environnements au monde. Étant donné la substitution obligatoire au niveau provincial, nous savons que 84 p. 100 des 25 principaux produits génériques ont fait leur entrée sur le marché au Canada environ deux ans plus tôt qu'aux États-Unis.
En conclusion, le projet de loi S-17 apporte les modifications techniques nécessaires pour que le Canada se conforme aux décisions de l'OMC. Le débat plus vaste autour de la propriété intellectuelle montrerait que l'innovation est bonne pour les Canadiens et est essentielle pour trouver des traitements pour les nouvelles maladies et pour certaines maladies très complexes. L'innovation est bonne pour le système de santé du Canada étant donné que de nombreuses nouvelles thérapies contribueront à réduire les coûts en faisant en sorte que puissent être prévenues ou évitées des interventions médicales ou chirurgicales plus coûteuses.
La propriété intellectuelle est une composante essentielle de l'innovation. Le Règlement sur la liaison est nécessaire aux fins d'une protection efficace de la propriété intellectuelle. Des lois efficaces pour la propriété intellectuelle ont été avantageuses pour l'économie du Canada puisque des milliers d'emplois ont été créés dans le secteur pharmaceutique et celui de la biotechnologie et, comme bon nombre d'entre nous vous l'ont dit, le projet de loi S-17 devrait être adopté en temps utile par le comité.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur McCool.
Nous allons passer aux questions. Je tiens à signaler aux membres du comité que nous avions prévu de garder nos témoins jusqu'à 17 h 15 aujourd'hui. Des représentants du ministère reviendront ensuite répondre à certaines questions, après quoi nous procéderons à l'étude du projet de loi article par article.
Il semble qu'il va y avoir un ou deux votes vers 17 h 30, ce qui nous permettra de prendre une pause. Nous allons siéger jusqu'à ce que la sonnerie d'appel se fasse entendre et nous reviendrons après le vote pour terminer nos travaux. Je voulais que tout le monde le sache dès le départ.
Cela dit, nous allons commencer nos questions par M. Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, AC): Oui, merci, madame la présidente.
Je vous souhaite la bienvenue parmi nous cet après-midi. Il est assez clair que mon parti et moi-même voulons que le projet de loi S-17 soit adopté rapidement pour que nous nous conformions à nos obligations envers l'Organisation mondiale du commerce. Je tenais à le préciser.
Il y aurait d'autres questions à étudier, comme vous venez de la dire, monsieur McCool, mais je pense qu'il serait préférable de les remettre à plus tard. Je serais heureux de vous rencontrer de nouveau et j'encouragerais le comité à reprendre l'étude de cette question à un moment ultérieur, peut-être l'automne prochain, pour parler de l'avis de conformité, du lien entre l'avis de conformité et l'expiration du brevet, du sursis de deux ans et ainsi de suite. Je pense qu'il s'agit là de questions importantes dont il faut discuter.
Je crois fermement pour ma part que nous devons respecter nos obligations. Le Canada a été l'un des premiers pays signataires du GATT, en 1947. Je pense que nous avons intérêt à avoir des règles commerciales et que nous sommes perdants lorsque le Canada évolue en dehors de ce genre d'environnement étant donné la petitesse de notre population. Je déduis des exposés qui nous ont été présentés que la plupart des gens ici présents pensent comme moi.
• 1600
Je veux revenir à ce que M. Pitts disait.
Je crois que vous avez parlé de la nécessité de mises à jour, monsieur Pitts, pour l'amélioration de nos droits de brevet concernant la propriété intellectuelle. J'aimerais que vous nous donniez des exemples des mesures que vous aimeriez que le Canada prenne en ce sens. Quelqu'un d'autre aurait peut-être aussi des commentaires à faire, parce que je pense qu'il est nécessaire que le comité sache en quoi consistent au juste les améliorations que vous jugez nécessaires.
M. Charles Pitts: Je ne suis pas un spécialiste de la protection conférée par les brevets; toutefois, il y a d'autres pays dans le monde où la protection par brevet est plus favorable et facilite le développement des produits. Il conviendrait d'examiner ce qui se fait ailleurs pour voir quelles leçons nous pourrions tirer.
Cela me rappelle, et il en a de nouveau été question aujourd'hui même, que plusieurs articles sur ce qui se passe en Irlande... Ce pays a décidé d'améliorer l'environnement pour la recherche-développement, et ses retombées dans l'industrie et le monde universitaire, au point où les Irlandais, dont je suis un descendant, retournent enfin chez eux, probablement pour le plus grand plaisir de bien des gens. Quoi qu'il en soit, ce serait quelque chose que nous pourrions peut-être examiner.
M. Charlie Penson: Un bon taux d'imposition.
M. Charles Pitts: Entre autres—mais c'est un bon taux d'imposition, et c'est une bonne politique gouvernementale, qui encourage le développement économique et social. Je pense que nous pourrions examiner ces questions.
M. Charlie Penson: Alors, voulez-vous dire que notre minimum devrait correspondre à notre ADPIC pour 20 ans et que nous pourrions vouloir envisager des niveaux plus élevés, de plus longues durées pour certains brevets? Je pense que Mme Lambert parlait de formes de vie plus élevées, de la nécessité de travailler dans ce domaine. Est-ce ce dont vous parliez?
Mme Janet Lambert: Oui, et nous aurions l'occasion d'en discuter à l'automne, comme vous l'avez indiqué.
M. Terry McCool: Si vous me permettez de faire un commentaire, le ministre a bien dit en ce qui concerne le programme d'innovation qu'il se réjouirait d'un examen du rôle que la propriété intellectuelle joue dans l'innovation. Si c'est ce sur quoi le débat va porter, alors nous aimerions y participer.
Une des questions qui se posent pour nous, c'est que plus souvent qu'autrement les États-Unis et l'Europe sont les régions d'où nous essayons d'attirer nos investissements. Comme vous pouvez le voir d'après cette diapositive, ils ont reconnu les longs délais de développement. Ils ont ajouté du temps à la durée du brevet pour que sa durée réelle soit de 14 ou 15 ans environ. Au Canada, elle est de dix ans ou moins.
Entre autres, ils protègent les données d'essais confidentielles que nous fournissons à Santé Canada. Le Canada dispose actuellement d'un système en vertu duquel les fabricants de produits génériques peuvent en fait compter sur ces données presque tout le temps. D'autres pays ne le permettent pas. Grâce à la fabrication anticipée, le Canada peut avoir accès aux marchés assez rapidement.
Il y a une autre question qui est plutôt litigieuse, et le comité trouvera probablement qu'elle l'est, et que nous aimerions examiner. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes le seul secteur de l'innovation au Canada qui soit assujetti à des contrôles des prix. Dans la mesure où le contrôle des prix entraîne une distorsion d'un système axé sur le marché, il devient très difficile de récompenser l'innovation. C'est une des questions litigieuses qu'il faudrait examiner, selon nous.
Il y en a probablement d'autres, mais ce seraient les principales.
M. Charlie Penson: Les droits d'exploitation industrielle ont été maintenus par l'OMC, n'est-ce pas?
M. Terry McCool: Oui, mais tous les pays n'ont pas pris des mesures en ce sens. Seuls deux l'ont fait, le Canada et les États-Unis.
M. Charlie Penson: Est-ce que les mêmes pressions pourraient s'exercer sur eux pour qu'ils respectent leurs engagements à l'égard de l'OMC?
M. Terry McCool: Oui. Il faut se rappeler que l'ADPIC est une norme minimale; certains pays peuvent aller au-delà de cette exigence.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.
Madame Jennings, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci beaucoup pour vos présentations.
Un des points dont j'aimerais discuter avec vous, c'est la question du nombre de produits pharmaceutiques ou biotechnologiques qui sont brevetés et dont le brevet vient à échéance à chaque année. Est-ce que vous avez des données là-dessus? Est-ce qu'il y en a cinq par année, en moyenne? Est-ce qu'il y en a dix? Est-ce qu'il y en a 10 000? De ce nombre, quel est le nombre de produits dont le brevet vient à échéance pour lesquels les compagnies qui fabriquent des produits génériques demandent la permission de les produire? Les associations représentant les compagnies pharmaceutiques génériques qui sont venues témoigner ici prétendent, premièrement, que leurs produits sont moins chers et, deuxièmement, que l'adoption du projet de loi S-17 leur imposerait des contraintes et rendrait le marché moins compétitif et tout.
• 1605
J'ai vu d'autres documents qui semblent démontrer qu'il
y a plusieurs produits sur le marché actuellement pour
lesquels il n'existe aucun brevet et que les
compagnies pharmaceutiques génériques ne produisent
pas. C'est la première chose. Deuxièmement, ils font du
cherry-picking. Donc, ils vont chercher les produits
qui sont de grands vendeurs, ce qui leur permet de
maximiser leurs
profits. Ils vont demander
l'autorisation de produire ces produits, mais ils
laissent de côté d'autres
produits qui ne se vendent peut-être pas aussi bien ou
pour lesquels les profits ne sont pas aussi importants.
Ça fait maintenant trois ou quatre fois, je pense, que je demande aux gens de me fournir ces informations. Jusqu'à présent, je ne les ai jamais reçues. Alors, peut-être que vous, monsieur McCool, pourrez me les fournir. Vous devez avoir une idée du nombre de produits pharmaceutiques dont le brevet vient à échéance à chaque année et, de ce nombre, combien il en y a pour lesquels les compagnies génériques demandent l'autorisation de les reproduire.
[Traduction]
M. Terry McCool: Je n'ai peut-être pas les statistiques exactes que vous cherchez, mais je pense qu'elles sont assez faciles à obtenir. Nous pouvons vous les fournir.
Il ne fait aucun doute que les fabricants de produits génériques peuvent mettre en marché des produits moins chers. De toute évidence, le développement de nos produits coûte très cher, mais il n'en coûte pas grand-chose pour les copier. L'industrie des produits génériques évaluera probablement quels sont les principaux produits qu'elle peut copier. Elle cherchera vraisemblablement à fabriquer ceux qui sont les plus gros vendeurs.
Cela ne veut pas dire qu'elle ne s'intéressera pas à un moment donné à d'autres produits. C'est son choix. Il y a d'autres compagnies de produits génériques qui pourraient vouloir commercialiser des produits qui se vendent moins bien. Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier et c'est que lorsque le brevet expire, tout le monde a accès au marché. Nous ne pouvons rien faire pour les empêcher de fabriquer des produits à partir du brevet original.
Je dirais qu'il y a à peu près 1,5 milliard de dollars en produits dont le brevet va expirer au cours des quelques prochaines années, ce qui veut dire que les Canadiens pourront réaliser des économies. Les brevets pour ces produits viendront à échéance.
Mme Marlene Jennings: À moins que je me trompe, la plus grande partie des produits dont le brevet expire ne sont pas reproduits par les fabricants de produits génériques. C'est mon premier point.
M. Terry McCool: Ils le sont s'ils connaissent du succès.
Mme Marlene Jennings: D'accord. S'ils connaissent du succès, oui, mais c'est là la question.
M. Terry McCool: La seule statistique que je peux vous donner est la liste des médicaments essentiels de l'OMS; le brevet de 95 p. 100 de ces médicaments est expiré. Les fabricants de produits génériques ne copient qu'un tout petit pourcentage de ces médicaments.
Mme Marlene Jennings: Si je regarde les chiffres que vous nous avez tous donnés, entre le moment où vous avez une idée et demandez un brevet et celui où vous commencez à développer un produit, vous dites qu'il s'écoule environ une période de dix ans de sorte qu'il ne reste plus que dix ans à peu près avant que le produit puisse être commercialisé. Donc, vous ne disposez que de dix ans.
Vous dites que vous investissez 750 millions de dollars en moyenne dans la recherche pour mettre le produit en marché. Vous ne le commercialisez que durant une période de dix ans. Vous pouvez réaliser des profits. Vous venez de dire que vous êtes les seuls pour qui il y a des contrôles des prix.
• 1610
Par comparaison, la moyenne est d'environ 1 million de dollars
par produit dans le cas des produits génériques. C'est comme si
vous me demandiez de vous donner 750 millions de dollars pour faire
de la recherche pendant dix ans, sans aucun rendement, d'autant
plus que le produit risque grandement de ne pas pouvoir être mis en
marché en raison d'un grave problème quelconque. S'il finit par
être commercialisé, vous aurez à peu près dix ans pour réaliser des
profits, me verser des dividendes et me rembourser mes 750 millions
de dollars, sans oublier qu'il y a une limite aux profits que vous
pouvez réaliser à cause du contrôle des prix.
Comme investisseur, je pense qu'il serait préférable que j'investisse mes 750 millions de dollars dans un produit générique qui ne coûte que 1 million de dollars et qui ne fait l'objet d'aucun contrôle des prix une fois mis en marché.
Au Québec, par exemple, il existe une situation privilégiée où, en vertu d'une loi provinciale, les pharmacies sont obligées d'emmagasiner des produits génériques lorsqu'il en existe et sont automatiquement remboursées lorsqu'elles les vendent. Il y a des pharmacies dans lesquelles on a essayé de me vendre des produits génériques alors que le médecin m'avait prescrit un médicament de marque.
M. Terry McCool: Certaines provinces limitent les prix qu'elles peuvent exiger.
Mme Marlene Jennings: Oui, mais pas toutes. Merci.
La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.
J'ai en fait reçu une réponse de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, mais elle est en anglais uniquement pour le moment. Nous l'avons reçue hier et, malheureusement, elle n'a pas été traduite de sorte que je ne peux pas vraiment la distribuer. Si ça vous va, je vous en lirai des extraits plus tard pour mémoire.
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): D'accord.
La présidente: Seriez-vous tous d'accord pour que nous fassions des photocopies? Si tout le monde...
[Français]
M. Pierre Brien: Ça prend l'accord de tout le monde. Moi, je n'ai pas le monopole de ce qui se passe ici en français et en anglais, mais je suis tanné que ça revienne toujours uniquement sur mes épaules, et c'est toujours dans le même sens. Ce sont toujours des documents en français qu'on n'a pas.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Il me semble que les grosses compagnies le savaient depuis le début.
[Traduction]
La présidente: Est-ce que tout le monde est d'accord? Alors, je vais demander au greffier de photocopier la lettre et de la distribuer. Est-ce que tout le monde est d'accord?
Madame Jennings? Oui?
[Français]
M. Pierre Brien: Mais je ne veux pas qu'on en prenne l'habitude.
[Traduction]
La présidente: Je suis désolée, monsieur Brien, mais nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour les audiences sur ce projet de loi. En fait, monsieur Brien, c'est à votre tour de poser des questions.
[Français]
M. Pierre Brien: Merci.
Évidemment, il y a des témoins auxquels je n'aurai pas le temps de poser des questions, mais je suis sûr qu'on va les entendre lorsqu'un Livre blanc sur l'innovation sera déposé cet automne. Lors du débat plus large sur la propriété intellectuelle, on aura peut-être l'occasion d'échanger davantage.
À un moment donné, il y a une question qui a été soulevée ici, en comité, par un de mes collègues qui contestait peut-être un peu les données en matière de dépenses en recherche et en développement faites par l'industrie. Il y a une question qui revient tout le temps selon laquelle ce que vous calculez comme dépenses pour la recherche et le développement inclut les coûts du marketing des médicaments.
J'aimerais que vous nous disiez si votre tableau à la page 22, qui dit que 987 millions de dollars sont dépensés pour la recherche et le développement, n'inclut que la recherche et le développement ou s'il inclut autre chose que de la recherche?
[Traduction]
M. Terry McCool: La recherche et le développement dont nous faisons état passe aussi par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés qui s'en tient à une définition très étroite de la R&D au Canada, c'est-à-dire la définition de l'impôt sur le revenu. Donc, tout ce qui se fait dans le cadre de ce qu'on appelle «recherche scientifique et développement expérimental», soit la définition de l'impôt sur le revenu, s'appliquerait.
Nous trouvons que c'est une définition très étroite de la R&D et ce n'est certainement pas celle que l'OCDE utilise. En fait, sa définition est un peu plus large.
Il se fait certaines recherches au Canada dans le secteur de la pharmacoéconomique et de la pharmaco-épidémiologie. Certaines sommes consacrées au financement de bourses de recherche et de chaires dans les universités pour la recherche de base ne sont pas incluses dans ce montant.
Nous aimerions travailler avec le CEPMB pour pouvoir au moins donner un chiffre exact de ce qui se fait en R&D, mais nous n'y sommes pas arrivés jusqu'à maintenant. Cela n'inclut pas les dépenses de marketing. Il est impossible d'inclure les dépenses de marketing.
[Français]
M. Pierre Brien: Merci.
Il y a un autre sujet qui revient constamment, c'est la possibilité d'apporter des... On dit que l'industrie du médicament d'origine apporte des modifications relativement cosmétiques au niveau des améliorations ou des brevets qui sont octroyés suivant le premier brevet. Quel est le processus auquel vous devez vous soumettre pour obtenir le statut d'un brevet? J'imagine que l'Office de la propriété intellectuelle du Canada a un mécanisme, qu'il doit faire preuve de rigueur. Lorsqu'on vous octroie un brevet, est-ce qu'il y a des critères d'innovation importants qui sont rattachés à ça?
M. Terry McCool: Je vais demander à M. Mills de donner des détails à ce sujet.
M. James Mills (avocat-conseil, Rx&D, compagnies de recherches pharmaceutiques du Canada): Si j'ai bien compris votre question, elle porte sur les brevets ultérieurs. Je suppose que dans ce contexte, nous avons affaire à un premier brevet qui couvre le composé lui-même, le médicament. Si nous pouvons revoir la diapositive...
La présidente: Non, je le regrette, mais nous avons tout fermé. Il y a trop de monde dans la salle pour que nous puissions laisser le projecteur en marche. Il est bruyant et dérange les membres du comité de l'autre côté. Aussi, nous devrons nous passer de cette diapositive. Je crois d'ailleurs qu'elle figure dans la documentation que vous nous avez distribuée. Il y a une copie dans la documentation que nous avons tous reçue.
M. James Mills: Oui, c'est à cette feuille que je faisais référence.
La présidente: Je vais préciser à l'intention de tous les membres que le document blanc contient un exemplaire de toutes les diapositives que nous avons vues à l'écran.
M. James Mills: La diapositive à laquelle je faisais allusion s'intitule «Protection de la poursuite de l'innovation» que nous surnommons «le biscuit aux morceaux de chocolat».
Lorsqu'une compagnie crée une nouvelle molécule, une des 10 000 qui finira par atteindre le marché, et qu'elle obtient un brevet, ce brevet initial est représenté par le grand cercle orange du diagramme. Ce brevet couvre le médicament produit selon n'importe quel procédé, utilisé dans n'importe quelle formulation et à n'importe quelle fin. Le brevet couvre le médicament, quel que soit le produit final dans lequel il se retrouve.
Il est possible, dans certaines circonstances, d'obtenir par la suite un brevet portant sur certaines caractéristiques d'un produit qui contient ce médicament. Le critère le plus important est qu'il doit être nouveau. Par conséquent, si vous regardez le diagramme, le brevet initial est représenté par le grand cercle. La petite boîte rouge représente le premier produit que vend la compagnie. Ce produit est fabriqué selon un procédé particulier. Il est utilisé dans une formulation très particulière et prescrit en général pour une maladie très précise.
Par exemple, le Bureau canadien des brevets peut attribuer des brevets pour des nouveaux procédés ou des nouvelles formulations. Le Bureau canadien des brevets examine ces détails avec une grande attention. Il faut respecter certains critères, mais le plus important est celui de la nouveauté. Il faut que le produit n'ait jamais été produit auparavant.
Par exemple, ce grand cercle regroupe tout ce qui entre dans la composition du médicament. Cependant, lorsque le brevet expire, à l'échéance de la période initiale de 20 ans, tout ce qui reste, ce sont les petits cercles bleus. Le petit cercle bleu représente une nouvelle formulation brevetée. Ce petit cercle représente la seule chose à laquelle un produit générique doit se conformer. Il doit absolument être nouveau—il ne peut pas proposer quelque chose qui a déjà existé auparavant—il ne peut jamais inclure ce qui se trouve dans la petite boîte rouge. Par conséquent, la petite boîte rouge est toujours à la portée du fabricant de produits génériques.
Mais le critère principal est la nouveauté. Le produit ne peut absolument pas avoir été offert auparavant.
[Français]
M. Pierre Brien: Est-ce que quelqu'un peut contester la décision de l'Office de la propriété intellectuelle d'avoir émis le statut de brevet?
Dre Lisa McKerracher (Professeure, Département de pathologie et biologie cellulaire, Faculté de médecine, Université de Montréal): Oui. Ça se passe souvent.
M. Pierre Brien: Oui. Est-ce que c'est un processus qui est fort complexe, laborieux, difficile?
Dre Lisa McKerracher: Oui. Ça peut être très complexe. Ça peut prendre des années aussi. Par exemple, il peut y avoir deux compagnies qui ont suivi des processus différents et à qui on a donné des brevets, et là, il y a un processus légal. Ils vont examiner les détails scientifiques pour voir si la deuxième compagnie a vraiment fait une amélioration.
M. Pierre Brien: Ma dernière question, madame la présidente...
[Traduction]
M. James Mills: Excusez-moi, mais j'aimerais ajouter quelque chose à la dernière question.
Essentiellement, il est possible de contester n'importe quand la validité d'un brevet et cela peut se faire de plusieurs manières différentes. Une d'entre elles peut se faire dans le cadre d'un processus de liaison, bien que la contestation se limite au processus lui-même. Mais les parties peuvent également contester la validité d'un brevet en entreprenant ce que l'on appelle une action en invalidation d'un brevet. C'est une disposition de la Loi sur les brevets qui permet une telle procédure.
[Français]
M. Pierre Brien: D'accord. Voici ma dernière question.
On a eu tout un débat sur les chiffres, à savoir le nombre de cas où un avis de conformité n'a pas été émis par Santé Canada à la suite, finalement, d'une bataille juridique. Il y aurait plusieurs cas où le médicament générique aurait été approuvé par Santé Canada, mais où la cause est toujours pendante devant les tribunaux. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus? Présentement, on a des versions relativement contradictoires, donc, on pourrait peut-être en ajouter une troisième dans le tableau. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
[Traduction]
M. James Mills: Seul Santé Canada connaît le nombre de cas où un fabricant de produits génériques émet un avis d'allégation, le document qui permet au fabricant de lancer toute la procédure. Par conséquent, nous ne pouvons nous appuyer sur aucune statistique pour contester les chiffres avancés. Je crois que le ministère a avancé le chiffre de 393, et Industrie Canada a produit un chiffre identique, affirmant que sa source était Santé Canada qui est le seul organisme à connaître ces statistiques.
Autrement dit, personne ne peut contester le chiffre de 393 avis d'allégation indiqué dans le document qui a été distribué un peu plus tôt aujourd'hui par Santé Canada et certainement pas les 183 cas, soit 47 p. 100, dans lesquels l'innovateur a accepté l'allégation et n'a pas lancé de poursuite. Il est absolument impossible à quiconque de contester ces chiffres puisque seul Santé Canada les connaît.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Brien.
Monsieur McTeague, s'il vous plaît.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
Vous êtes certainement les bienvenus ici, même si nous disposons en fait de très peu de temps pour réfléchir à une question qui me paraît importante pour toute la population canadienne comme le prouve l'augmentation du coût des médicaments au pays et les rapports de Green Shields et du gouvernement du Québec révélant que certaines personnes décident de diminuer leur médication car elles doivent choisir entre l'achat de nourriture et celle de médicaments pour se soigner. En bout de ligne, c'est le contribuable qui paie la facture.
M. Murphy, M. McCool et d'autres témoins ont signalé leur intérêt pour l'innovation, de même que M. Pitts. Moi aussi, l'innovation m'intéresse. Je m'intéresse à l'incidence que l'innovation peut avoir sur la balance commerciale du Canada, en particulier celle qui se rapporte aux chiffres de l'industrie pharmaceutique et médicale de 1993 à 2000.
Mesdames et messieurs, au cours de cette période, le total des importations du Canada est passé de 2,059 milliards à 5,86 milliards de dollars. Parallèlement, les exportations sont passées de 494 millions à 1,84 milliard de dollars, nous laissant avec un déficit commercial de 4 milliards de dollars. Je m'intéresse à votre définition de l'innovation et de son rapport avec la chute des exportations canadiennes, compte tenu des prétentions affirmées par votre industrie en 1993, puis en 1997 et aujourd'hui encore je suppose.
On parle beaucoup, dans la publicité et ailleurs, des compagnies de recherche pharmaceutique canadiennes et de leurs activités au pays. M. McCool serait peut-être la personne la mieux placée pour répondre à ma question. Pouvez-vous dire au comité quel est le pourcentage, j'insiste sur le pourcentage, de médicaments innovateurs mis au point au Canada?
M. Terry McCool: Tout dépend bien entendu de la définition que l'on a de l'innovation. Je pense que l'évaluation des prix du CEPMB est un peu trompeuse, puisqu'elle s'appuie sur une définition arbitraire. D'après les critères de cette définition, il y a très peu de médicaments innovateurs. Ce n'est pas la même définition qu'utilise Santé Canada dans le cadre des examens prioritaires en vue de l'approbation de nouveaux médicaments, un processus d'approbation rationalisé.
• 1625
Plusieurs médicaments ont été découverts au Canada. Je connais
deux ou trois compagnies qui ont mis en place des sections de
découverte. Une d'entre elles est parvenue à commercialiser
quelques produits. L'autre compagnie procède actuellement au
développement de son produit et d'autres encore font des tentatives
en ce sens. J'aimerais demander à mes collègues de BIOTECanada de
commenter, parce qu'ils considèrent que tous les produits qui sont
en cours de développement sont des médicaments innovateurs. Ils
seraient déçus qu'ils ne soient pas perçus comme tels.
La présidente: Je pense que la Dre McKerracher veut répondre.
Dre Lisa McKerracher: Je peux parler, non pas des médicaments innovateurs, mais de la recherche innovatrice qui est susceptible d'aboutir à de nouveaux médicaments dans un avenir prévisible. J'aimerais parler des gènes qui ont été clonés ici au Canada. Le gène du cancer du sein a été cloné en collaboration avec l'Université McGill et l'Université de Toronto. Le Dr Tak Mak a cloné le gène de la mucoviscidose. Celui de la chorée de Huntington a été cloné en Colombie-Britannique. La plupart de toutes ces avancées ont eu lieu au cours des cinq dernières années. Les médicaments n'ont pas encore été mis au point. Je ne sais pas où en est le brevet, mais une fois que l'on a cloné un nouveau gène et identifié la protéine, on fait souvent une demande de brevet. Par conséquent, le Canada sera prochainement en mesure de fabriquer de nouveaux produits.
M. Dan McTeague: Monsieur McCool, vous avez soulevé la question du contrôle des prix. J'aurais aimé avoir plus de temps pour poursuivre cette question. Si l'on compare les prix, le Canada se trouve, sauf erreur, et à l'exception de l'Italie, parmi les six pays du monde où les médicaments sont les plus chers. D'ailleurs, le fait que le Canada fasse partie des six pays affichant les prix les plus élevés remet en question, je suppose, la validité de notre analyse nationale du coût des médicaments. Nous savons que le CEPMB continue de ne pas tenir compte de cet élément. Néanmoins, puisque le Canada fait partie de ces pays où les médicaments sont coûteux, pouvez-vous nous dire où se situe le Canada en ce qui a trait aux dépenses consacrées à la recherche et au développement? Si je ne m'abuse, je pense que nous sommes bons derniers et que nous ne pouvons même pas nous vanter d'avoir un siège social de compagnie.
M. Terry McCool: Il y a plusieurs questions auxquelles je vais tenter de répondre. Tout d'abord, nous avons pratiquement éliminé toutes les activités de recherche au Canada pendant 18 ans jusqu'en 1987. En 1993, lorsque le Canada a signé l'accord de l'OMC, la recherche a vraiment décollé au pays. Des compagnies ont installé leur siège social chez nous. Certaines d'entre elles proviennent de l'industrie de la biotechnologie. Il est juste de dire que cela ne se passe pas ici. Nous comparons la R&D au Canada avec les activités de ce type dans des pays où sont installés les sièges sociaux des compagnies de recherche. Jusqu'à présent, la plus grande partie des recherches se fait dans le pays où est installé le siège social. Le Canada est parvenu à obtenir auprès de ces sièges sociaux la poursuite au Canada de recherches équivalant à un milliard de dollars.
Si l'on compare les prix au Canada, nous nous situons actuellement à 11 p. 100 sous la moyenne internationale de cet ensemble de pays. Nous ne sommes pas très loin de pays comme la France et l'Italie qui affichent une consommation extrêmement importante, mais nous sommes loin des prix qui se pratiquent aux États-Unis et qui ont fait l'objet d'un intense débat lors des dernières élections présidentielles.
Mme Janet Lambert: J'aimerais ajouter que la vaste majorité des compagnies sont des entreprises canadiennes. Je voulais souligner que la vaste majorité des inventions sont des inventions canadiennes, en particulier dans le cas de certains projets commerciaux du secteur agricole—le canola—ainsi que d'autres produits qui n'ont pas encore été commercialisés.
M. Dan McTeague: J'apprécie la candeur avec laquelle nous essayons de comparer le Canada aux autres pays. Permettez-moi de vous rappeler que le comité doit, par son mandat, s'intéresser également aux consommateurs.
Il me semble qu'à plus d'un titre... Monsieur McCool, vous avez donné une définition plutôt intéressante de la recherche en affirmant que rien ou presque rien ne s'était passé au Canada avant 1987. Il me semble que beaucoup de gens ne seraient pas d'accord avec une telle affirmation.
Cela étant, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'augmentation du prix des médicaments au Canada au point que divers Canadiens—Green Shields et d'autres groupes—n'ont plus les moyens de se procurer des médicaments. Et pourtant, parallèlement, notre balance commerciale avec le reste du monde est à la baisse. Nous importons plus que nous exportons. L'écart semble s'élargir. Comment peut-on envisager l'idée d'étendre la protection conférée par les brevets sous prétexte que cela inciterait un plus grand nombre d'entreprises à s'installer au Canada, alors qu'en fait, je crois que la tendance est inversée?
M. Terry McCool: Je ne nie pas le fait que le prix des médicaments est à la hausse, mais je ne considère pas nécessairement que ce soit une mauvaise chose. Tout d'abord, le Canada connaît une croissance démographique et sa population vieillit. Par ailleurs, les gens vivent plus longtemps. Plus la durée de vie augmente et plus il faudra de médicaments pour traiter certaines maladies chroniques.
M. Dan McTeague: Si l'on a les moyens de les acheter...
M. Terry McCool: Je pense que les médicaments sont assez abordables si l'on compare le coût global des maladies au pays. Les médicaments représentent l'élément le moins coûteux de toutes les dépenses de santé. Le coût des médicaments d'ordonnance ne s'élève pas à 15 p. 100 ou 16 p. 100 comme le prétend Statistique Canada. Je peux vous assurer que ce chiffre comprend les coûts de distribution, les frais d'exécution d'ordonnance, les préparations spéciales, qui regroupent pratiquement tous les achats faits en pharmacie. Cela comprend également les médicaments brevetés et autres. La part attribuée aux médicaments ne représente que 8 p. 100 ou 9 p. 100 du coût total des soins de santé, et non pas 15 p. 100. La portion attribuable aux médicaments brevetés tourne probablement autour de 5 p. 100 ou 6 p. 100. Il me semble que c'est une excellente valeur.
La présidente: Madame Lambert, est-ce que vous voulez répondre?
Mme Janet Lambert: La protection conférée par les brevets internationaux et un solide contexte propice aux brevets au Canada permettent de conserver chez nous les compagnies canadiennes de biotechnologie. Ce sont des entreprises flexibles dont la vaste majorité n'ont qu'une cinquantaine d'employés au plus. La protection des brevets au Canada les incite à rester chez nous.
M. Dan McTeague: Je vais donc vous poser la question suivante. À quel prix voulons-nous conserver des emplois au Canada si cela nous oblige à dépenser plus pour le système de santé pour lequel nous devons, nous autres députés, proposer des formules innovatrices? Nous constatons que le coût des médicaments est à la hausse et constitue l'élément le plus onéreux du système de soins de santé. Nous sommes confrontés au scénario de Jacques dans le haricot géant. Nous avons quelques haricots, mais très peu de résultats.
Je reconnais que le secteur du médicament a obtenu de bons résultats en matière de création d'emplois, mais nos investissements ne rapportent pas beaucoup. Je m'inquiète également du pouvoir d'achat des consommateurs...tout en espérant des innovations.
La présidente: Il y a trois personnes qui veulent répondre à cette question. Par la suite, nous passerons à autre chose.
Madame Lambert.
Mme Janet Lambert: Les brevets sont les actifs les plus précieux d'une compagnie de biotechnologie. C'est pourquoi, une protection solide est essentielle pour une telle compagnie. Une bonne protection par les brevets réduit les risques liés au financement et aux immobilisations de la compagnie. Ainsi, le fabricant peut développer et commercialiser plus rapidement ses produits et les mettre à la disposition des Canadiens. Par conséquent, les avantages sociaux sont aussi très appréciables.
La présidente: Monsieur Pitts.
M. Charles Pitts: Je n'ai pas l'intention de déprécier les recherches qui ont été effectuées au Canada avant 1987 et Dieu sait que, malgré le contexte peu propice, de vaillants efforts ont été déployés et des progrès ont été enregistrés. Quelles que soient les améliorations qui ont eu lieu après 1987, c'est maintenant seulement que nous avançons lentement, que nous essayons de soutenir la concurrence internationale en tant que chercheurs bénéficiant de subventions. Notre réputation internationale d'excellence, nous la devons à des gens comme la Dre McKerracher et à beaucoup d'autres personnes comme elle.
Cela étant dit, pour revenir à un aspect de votre question, le gouvernement du Manitoba a récemment publié des statistiques révélant que les investissements dans le secteur de la recherche sur la santé et les industries de la santé au Manitoba ont produit dans l'économie provinciale des résultats quatre fois plus élevés que n'importe quel autre investissement dans un autre secteur de l'économie.
Vous trouverez des informations à ce sujet dans le mémoire que nous avons présenté aujourd'hui.
C'est un investissement important, sans entrer dans le débat de la crise de la santé au Canada qui est réel et qui continue de s'aggraver. Si nous souhaitons faire partie intégrante des économies du XXIe siècle, nous devons maintenir notre investissement dans la santé et nous estimons qu'une bonne protection par les brevets en fait partie.
La présidente: Monsieur McCool.
M. Terry McCool: J'aimerais dire une chose ou deux sur le coût des médicaments.
Il est toujours question des coûts, mais jamais de la valeur et du potentiel qu'offrent les médicaments de réduire la nécessité d'autres interventions plus coûteuses. Et 75 p. 100 des coûts des soins de santé au Canada sont probablement consacrés à la main d'oeuvre qui dispense les prestations. On ne s'en prend jamais à la main d'oeuvre du secteur de la santé, on pointe seulement du doigt le marché de la technologie. Et pourtant, la technologie est peut-être le meilleur moyen de réduire l'escalade des dépenses dans le secteur de la santé.
• 1635
D'autre part, le coût des médicaments est une question très
grave dans les pays en développement, question que l'OMS et l'OMC
ont pu analyser en profondeur. Elles sont arrivées à la conclusion
que si nous voulons réduire le prix de vente des médicaments dans
le monde en développement, les pays développés devront absorber une
plus grande part des coûts.
À l'heure actuelle, les États-Unis absorbent la plus grande partie du fardeau. J'ai l'impression, d'après vos commentaires, que vous seriez prêts à accepter que les Canadiens absorbent une plus grande partie des coûts.
M. Dan McTeague: L'Afrique du Sud et le SIDA, monsieur McCool.
M. Terry McCool: Oui, que voulez-vous dire?
M. Dan McTeague: Puis-je poser une autre question?
La présidente: Monsieur Murphy, Avez-vous quelque chose à ajouter? C'est très calme dans votre coin.
M. Michael Murphy: J'écoute la discussion; toutes ces informations sont excellentes. Notre organisation a des assises très larges et nous discutons de l'impact de l'innovation sur une tranche regroupant divers secteurs de l'économie.
Pour moi, c'est comme un jeu de blocs de construction qui nous permet de décider le type d'économie que nous voulons construire. Que nous adoptions un amendement technique ici ou d'autres modalités concernant le régime de propriété intellectuelle au Canada nous permettant de soutenir la concurrence dans une économie fondée sur le savoir, c'est extraordinaire d'avoir la possibilité d'ajouter une autre pierre à l'édifice et de pouvoir établir le régime dont nous avons besoin.
Sans entrer dans les détails comme l'ont fait mes collègues, j'estime que nous avons une possibilité extraordinaire au Canada de promouvoir l'innovation et voilà une des initiatives que nous pouvons prendre.
La présidente: Merci.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Permettez-moi de me vider le coeur.
Il ne faut pas oublier que les travailleurs les moins bien payés du Canada sont ceux qui oeuvrent dans les services de santé, des concierges jusqu'aux médecins. Avec tout le respect que je vous dois, je pense qu'ils devraient vous réduire en petits morceaux lorsque vous quitterez cette réunion. À part cela, moi je ne peux rien faire, mais j'espère qu'ils vont en faire leur affaire.
En réponse aux questions de M. McTeague, il me semble, monsieur McCool, qu'il y avait d'autres coûts associés aux médicaments. Vous avez dit que les coûts pharmaceutiques ne représentaient que 8 ou 9 p. 100 et qu'il y avait des coûts d'exécution d'ordonnance, etc. Je suis curieuse. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait tenir compte des coûts d'exécution des ordonnances? Vous les avez mentionnés comme des coûts hétérogènes.
M. Terry McCool: Non, ce n'était pas du tout mon intention. Je voulais tout simplement souligner que les coûts des médicaments se chiffrent à 15 ou 16 p. 100 et qu'ils sont désormais plus élevés que les honoraires des médecins. Je veux tout simplement préciser les chiffres concernant le coût des médicaments d'ordonnance, puisque nous représentons le secteur des médicaments brevetés, afin de les différencier des autres éléments qui leur sont associés pêle-mêle. Si vous prenez en considération ce qui nous intéresse aujourd'hui, vous noterez que c'est une petite partie de l'ensemble des coûts de la santé et je tiens à souligner que cela représente une assez bonne valeur.
Mme Bev Desjarlais: J'aimerais savoir, par simple curiosité, si vous avez été pharmacien?
M. Terry McCool: Oui. Les honoraires sont excellents.
Des voix: Ah, ah!
Mme Bev Desjarlais: On pouvait comprendre l'application des frais d'exécution d'ordonnance lorsque les pharmaciens avaient à faire des préparations. Mais maintenant, les produits, dans la plupart des cas, sont tout préparés, si bien que je me demande si les frais d'exécution des ordonnances sont encore nécessaires.
M. Terry McCool: Tout à fait. Je pense que les pharmaciens offrent un excellent service en veillant à ce que les médicaments soient pris de la bonne façon, en veillant à informer les malades lorsqu'ils leur remettent leur ordonnance, afin qu'ils sachent à quels effets secondaires ils peuvent s'attendre et quels sont les produits qui ne doivent pas prendre pendant qu'ils sont en traitement.
S'il existe encore des médicaments d'ordonnance, c'est tout simplement parce qu'ils sont complexes, qu'ils doivent être prescrits par un médecin et délivrés par un pharmacien. Ensuite, le pharmacien joue un rôle très utile en veillant à ce que le patient prenne ses médicaments de la manière prescrite. Sinon, les gens ont tendance à ne pas utiliser le produit de la manière appropriée.
Mme Bev Desjarlais: Je voulais m'assurer que l'on entende tous les points de vue. On peut comprendre qu'un pharmacien prenne la défense de ses semblables et jette le blâme sur le reste du secteur de la santé. Je voulais tout simplement le souligner.
• 1640
Ma question s'adresse à M. Murphy. Votre rapport a souligné
l'utilité des brevets. Je pense qu'il ne viendrait à l'idée de
personne de contester l'existence du règlement sur les brevets. Je
ne pense pas que la question se poserait. Par contre, ce qu'on peut
contester, c'est la durée d'application du brevet ou, dans ce
projet de loi, les modalités concernant l'avis de conformité; les
brevets d'une durée de plus de 20 ans qui ne sont pas remis en
question; et les injonctions obtenues par les fabricants de
médicaments de marque qui ont plus ou moins pour effet de prolonger
la durée du brevet.
J'aimerais revenir au commentaire de M. Mills lorsqu'il a dit que personne ne pourrait contester les renseignements fournis par Santé Canada. On peut lire dans la documentation que nous avons reçue de Santé Canada ce matin qu'un certain nombre d'injonctions ont été appliquées, puis retirées. Je me contente d'utiliser les informations que j'ai reçues. On y suggère que les fabricants de médicaments de marque tentent délibérément de bloquer le système afin de prolonger la durée des brevets et d'empêcher les fabricants de produits génériques de prendre une part du marché. On dit que les fabricants de médicaments de marque doivent procéder ainsi parce qu'ils doivent rester concurrentiels et faire des profits. Je sais que la recherche est coûteuse.
La question que je vais poser de manière détournée à M. Murphy est la suivante: Quels sont les profits raisonnables qu'une industrie doit faire avant...? Est-ce 5, 10 ou 20 p. 100? À moins que l'industrie soit encore plus vorace et vise des profits de 100 ou 150 p. 100?
M. Michael Murphy: La structure des coûts se présente comme un jeu de construction, image qui a été évoquée un peu plus tôt. Quel que soit le secteur, la structure des coûts joue un rôle important. Il faut tenir compte de la main-d'oeuvre et du capital, ainsi que des autres coûts. Il faut également tenir compte du marché et de ses réalités. De plus en plus, je pense que les compagnies canadiennes n'ont plus uniquement à faire face à la concurrence dans leur propre rue ou même dans leur propre localité, elles font face à des concurrents de partout qui bien souvent n'ont pas du tout les mêmes structures de coûts que celle du contexte canadien. Je pense que c'est une réalité dans tous les secteurs.
Mme Bev Desjarlais: Quel serait le pourcentage de profits?
M. Michael Murphy: Il est impossible de répondre avec précision à cette question, parce que tout dépend de la situation sur le marché concerné. Il revient à chaque compagnie d'analyser la situation et de décider quels sont les profits qu'elle doit faire pour demeurer rentable.
Mme Bev Desjarlais: Prenons par exemple la liste de Fortune 500 et examinons les rendements. Une compagnie située tout au bas de la liste a des profits de 4,5 p. 100, alors que les compagnies pharmaceutiques affichent des profits de 18 p. 100 ou 20 p. 100 et figurent au sommet de la liste...
M. Michael Murphy: Tout cela dépend...
Mme Bev Desjarlais: Ce que je veux dire, c'est que les compagnies pharmaceutiques ne semblent pas être mal placées sur le plan des profits, par rapport à d'autres industries qui continuent d'être rentables et qui figurent même sur la liste de Fortune 500.
M. Michael Murphy: Je vais demander à mes collègues du secteur de la biotechnologie et de la pharmacie de présenter leurs commentaires à ce sujet.
Quand on examine les données sur les profits des entreprises, il faut les analyser sur plusieurs années, car les profits varient en fonction de l'économie. Je ne sais pas de quelle année proviennent les données que vous citez et si ce sont les données courantes.
Mme Bev Desjarlais: Ce sont celles de 2001.
M. Michael Murphy: Nous pouvons vous présenter des données étalées sur plusieurs années dans divers secteurs qui indiquent que le rendement n'est pas très bon. C'est vraiment général. Il est très difficile d'affirmer que telle est la norme dans l'industrie à tel moment donné et qu'elle ne va pas évoluer avant longtemps.
Mme Bev Desjarlais: Je voulais également revenir aux commentaires de M. McTeague concernant la situation de l'import/export. Je me demande si nous appuyons les compagnies canadiennes ou une grande industrie pharmaceutique d'ailleurs et si nous en retirons vraiment autant d'avantages que vous le dites pour notre pays.
Mme Janet Lambert: Je crois qu'il est difficile de citer des chiffres précis, que ce soit cinq, un ou 20. Je pense que tout dépend des risques que l'on prend. Un entrepreneur qui envisage de prendre un risque peut-il s'attendre à en récolter les fruits plus tard?
La présidente: Merci.
Monsieur Mills.
M. James Mills: J'aimerais, si vous le permettez, commenter la façon dont Mme Desjarlais a interprété ce que j'ai dit plus tôt. Elle a mentionné en particulier ma déclaration concernant l'impossibilité de réfuter les statistiques de Santé Canada. J'ai déclaré...
Mme Bev Desjarlais: Non, vous avez dit qu'il était impossible de les contester. Je n'ai pas dit que vous ne pouviez réfuter les statistiques. Vous venez de dire que c'était impossible parce que Santé Canada était la seule à fournir ces statistiques.
M. James Mills: Oui et je tiens à apporter des précisions au comité, afin que ma déclaration ne soit pas interprétée de manière trop générale. J'ai mentionné les 393 allégations et les 183 cas pour lesquels elles n'ont pas été maintenues. Il n'y a aucune raison de contester les chiffres cités sur cette page, mais leur interprétation nécessite quelques informations supplémentaires.
Prenons par exemple les 59 rejets et les 38 interdictions accordées. Les 59 rejets ne représentent pas des gains tangibles pour le fabricant de produits génériques et je pense que c'est une erreur d'interprétation possible.
Vous avez parlé en particulier des injonctions levées. Il n'est pas question ici d'injonction. C'est peut-être du jargon juridique, mais il s'agit d'une suspension et non d'une injonction et c'est une différence importante sur le plan juridique. Cependant, les 38 interdictions accordées représentent des gains tangibles pour les innovateurs.
Ces données ne reflètent pas les cas où les avis d'allégation ont été retirés. Or, c'est un point important, puisque cela signifie que les fabricants de produits génériques ont retiré volontairement leurs poursuites pour une raison quelconque. Nous savons qu'il y a au moins 20 cas dont il faudrait tenir compte ici.
Dans la pratique, dans le traitement quotidien des contentieux, nous les considérons comme des rejets. Par conséquent, ces rejets représentent des cas où les fabricants de produits génériques ont eux-mêmes mis fin à leur action. Si l'on considère qu'il s'agit là d'une victoire pour l'innovateur, et je pense que c'est justifié dans les circonstances, on obtient donc une quantité équivalente de victoires et d'échecs dans chaque camp. Notre exposé contient un graphique qui donne plus de détails à ce sujet.
Je voulais éviter que l'on donne l'impression de confirmer la possibilité d'interprétation erronée.
La présidente: Nous devons passer aux questions suivantes. Il y a beaucoup de gens qui veulent poser des questions et le temps file.
Madame Torsney, s'il vous plaît.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): C'est un milieu où les activités de recherche sont intenses. C'est le cas à la fois de l'industrie pharmaceutique, l'industrie innovatrice, quel que soit le nom qu'on lui donne—«les grandes sociétés pharmaceutiques» selon la formule utilisée par M. Walkom aujourd'hui—et il y a aussi l'industrie de la biotechnologie.
Pour ce qui est des chiffres, est-ce que l'industrie de la biotechnologie est comprise dans les investissements d'un milliard de dollars dans les activités de recherche?
M. Terry McCool: Non.
Mme Paddy Torsney: Ah bon?
M. Terry McCool: Ce chiffre ne concerne que les entreprises qui ont un chiffre d'affaires. Certaines d'entre elles peuvent y figurer si elles ont un chiffre d'affaires.
Mme Paddy Torsney: Par conséquent, les compagnies de biotechnologie procèdent à toutes sortes d'innovations brevetables—dont Dieu seul connaît l'utilité; ce ne sont pas nécessairement des pilules ou des pansements, mais ces innovations pourront à l'avenir avoir une incidence sur notre qualité de vie, notre système de soins de santé. Mais elles vous n'ont pas véritablement de chiffre d'affaires. C'est intéressant, si l'on revient aux chiffres précédents concernant le rendement des investissements.
Dre Lisa McKerracher: C'était la deuxième partie de la réponse. Bon nombre de compagnies canadiennes de biotechnologie ne font aucun profit parce que ce sont des compagnies de recherche dont la valeur repose sur le brevet. La capacité à recueillir l'argent des investisseurs afin de conduire à l'exécution d'essais cliniques repose sur la propriété intellectuelle.
Mme Paddy Torsney: Par conséquent, les investisseurs prennent des risques avec vous, docteure McKerracher. Il est souhaitable qu'ils soient récompensés pour les risques qu'ils ont pris et qu'ils obtiennent un bon rendement pour leur investissement dans quelques années. Si mes fonds communs de placement ou mes REER sont investis dans ce secteur, j'espère que les investisseurs prennent les bonnes décisions.
Mais je me demande si vous pourriez expliquer comment se déroule le processus. Il est clair que vous avez toute une équipe de chercheurs. Et cela représente beaucoup d'argent. Vous détenez des brevets qui ne seront protégés que pendant 20 ans. Est-ce que vous en cueillerez jamais les fruits?
• 1650
Il n'y a pas d'investisseurs dans la salle.
Dre Lisa McKerracher: En effet.
Le problème, c'est que ma recherche porte sur les lésions médullaires qui représentent un marché extrêmement restreint. C'est, je pense, une partie importante de l'argument. En Amérique du Nord, au Canada et aux États-Unis, il n'y a que 15 000 cas par an...
Mme Paddy Torsney: Dieu merci!
Dre Lisa McKerracher: ...mais c'est un marché qui coûte énormément d'argent à la société.
Actuellement, il n'existe aucun traitement. On ne peut rien faire pour ces malades. Pourtant, nous savons que, chez les animaux, il est possible d'améliorer le rétablissement fonctionnel en donnant des soins immédiats tout de suite après l'accident, pas seulement le traitement sur lequel je travaille, mais certains des nombreux autres soins qui ont été développés.
Il faut du temps avant de faire les essais cliniques, parce que, bien entendu, il faut suivre la procédure réglementaire. Il faut s'assurer que le traitement est sûr, etc.
Dans mon cas, puisque le marché est si petit, les compagnies comptent sur le fait qu'il y aura des retombées secondaires qui relèveront également du brevet. Ce sont les petits points bleus que vous pouvez voir sur le graphique qu'a montré M. Mills. Par conséquent, le brevet s'applique au grand cercle, mais le médicament sera peut-être également utilisable pour lutter contre les congestions cérébrales et peut-être que l'on découvrira qu'il permet également de traiter la maladie d'Alzheimer.
Voilà comment fonctionne la recherche. Rien n'est établi d'avance. C'est pourquoi il est important d'avoir des brevets et de constituer un dossier complet parce que les chercheurs dans le secteur de la biotechnologie veulent se protéger contre les grandes sociétés pharmaceutiques qui sont toujours prêtes à voler nos idées et à les commercialiser à notre place.
Mme Paddy Torsney: Et d'ailleurs, si vous mettez au point un produit, après toutes ces années d'investissement, ce sont les compagnies pharmaceutiques, les grands groupes pharmaceutiques et les fabricants de produits génériques qui le mettront sur le marché.
Dre Lisa McKerracher: Probablement, puisqu'il est très difficile pour une petite compagnie de biotechnologie de constituer la structure nécessaire pour franchir toutes les étapes du marketing. Par conséquent, il faut envisager le partenariat dans les dernières étapes.
Je pense qu'il est difficile également au Canada de trouver des partenaires canadiens. C'est la raison pour laquelle les entreprises de biotechnologie se tournent vers le secteur international, puisque les grands groupes pharmaceutiques sont en général des compagnies internationales.
En revanche, les activités de recherche et de création de l'industrie, la propriété intellectuelle, demeurent essentiellement canadiennes. De fait, le Canada possède un très bon secteur de la biotechnologie.
Mme Paddy Torsney: C'est absolument parfait que vous soyez ici. Les gens investissent beaucoup dans vos activités et votre équipe.
Dre Lisa McKerracher: J'espère que les investissements seront encore plus nombreux à l'avenir. Actuellement, nous sommes à la recherche d'investissements.
Mme Paddy Torsney: C'est une bonne publicité. Il y a sans doute dans la salle des gens qui ont de l'argent à investir.
Au départ, vous recherchez un petit groupe de personnes et il y aura peut-être des retombées à l'avenir. Vous recherchez 1 500 personnes par an. Lorsque vos résultats les plus récents finiront par être commercialisés, vous obtiendrez sans doute plus de succès qu'auparavant.
C'est un secteur assez important de l'innovation. Une fois que vous avez mis au point et breveté un produit qui permet d'améliorer la qualité de la vie et la santé de certains malades, vous n'avez que 20 ans pour pouvoir le commercialiser et le distribuer au plus grand nombre de patients possible.
Dre Lisa McKerracher: En effet. J'ai présenté le premier brevet qui m'a permis de mettre sur pied ma compagnie en 1997. Le décompte commence dès la délivrance du brevet que l'on attend une année ou deux. On peut donc profiter de ce temps. Le décompte commence dès que le brevet est délivré.
Mme Paddy Torsney: Désolée, mais le décompte est déjà commencé. Vous avez perdu quatre ans.
Dre Lisa McKerracher: Non. C'est la différence entre le Canada et les États-Unis, comme on a pu le constater dans le graphique qu'on vous a montré. Il y a également la prolongation de la période.
M. Terry McCool: Oui, c'est la même chose... Le RDB aux États-Unis.
Dre Lisa McKerracher: C'est cela.
Mme Paddy Torsney: Il a été question du coût des médicaments au Canada. Je peux vous dire que si mon enfant était victime d'une lésion médullaire, je serais prête à payer le prix qu'il faut pour encourager l'innovation et aucune dépense n'est trop grande pour améliorer la qualité de vie d'une personne qui n'est pas productive—productive dans le sens d'être capable de travailler.
On dépense des sommes énormes à entretenir des patients souffrant de maladies pour lesquelles vous faites des recherches. C'est là qu'il faut se demander si le prix des produits pharmaceutiques est la cause de l'augmentation du coût des médicaments ou si nous avons choisi de ne plus hospitaliser les patients mais de leur donner un traitement qui leur permet de retrouver leur place dans la population active. Nous préférons ne plus avoir de malades souffrant de troubles mentaux et incapables de travailler et de subvenir aux besoins de leur famille, mais plutôt des gens qui peuvent se soigner par des médicaments et devenir productifs grâce à des médicaments contre la migraine ou la schizophrénie.
La présidente: Une dernière question, s'il vous plaît, madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: L'autre question porte sur les coûts de marketing. Certains en ont fait peu de cas, déclarant que ce sont des dépenses énormes et que vous voulez diriger le marché, mais on nous a dit ce matin que les fabricants de produits génériques recherchent les gros marchés. Le fabricant de produits génériques ne devrait-il pas encourager les compagnies de médicaments brevetés à investir beaucoup d'argent, à développer un marché et à faire énormément de publicité?
M. Terry McCool: C'est un peu exagéré de dire qu'ils nous encouragent, mais il est clair qu'ils bénéficient de notre succès.
Mme Paddy Torsney: Très bien. Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Pitts.
M. Charles Pitts: J'invoque le Règlement. Vous avez parlé de la recherche dans le secteur de la biotechnologie et dans le secteur pharmaceutique, mais le secteur universitaire fait lui aussi des recherches.
Mme Paddy Torsney: Et vous aussi vous obtenez des brevets de temps à autre.
M. Charles Pitts: Évidemment.
Mme Paddy Torsney: Bravo!
M. Charles Pitts: C'est un secteur tout aussi important qu'il ne faudrait pas oublier.
La présidente: Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un secteur très important.
Afin de mettre un terme à cette conversation, nous allons passer de Mme Torsney à M. Brison.
Excusez-moi, madame Torsney, mais M. Brison a plusieurs questions à poser.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, madame la présidente.
Au Canada comme ailleurs, le rôle de la biotechnologie et la synergie entre la biotechnologie et les grandes sociétés pharmaceutiques ont provoqué une véritable révolution au cours des cinq dernières années. Est-il juste de dire que la plupart des compagnies de biotechnologie cherchent essentiellement à se concentrer sur une plate-forme précise, un secteur relativement restreint de la technologie ou un certain type de traitement, dans la plupart des cas?
Mme Janet Lambert: Je n'ai pas les statistiques, mais la majorité sont des petites compagnies où un chercheur a fait une découverte que le laboratoire cherche à commercialiser.
Je reviendrai à votre commentaire suggérant qu'un même produit breveté peut avoir plusieurs applications. Un même produit peut se prêter à plusieurs traitements, de la congestion cérébrale à la maladie d'Alzheimer. Voilà l'importance, l'avantage et la promesse de la biotechnologie.
M. Scott Brison: Par conséquent, les entreprises de biotechnologie sont presque plus vulnérables dans ce sens, plus sensibles que les grandes sociétés pharmaceutiques à l'affaiblissement de la protection procurée par les brevets.
L'évolution des marchés financiers autour de la biotechnologie est un phénomène relativement récent qui a vu les marchés s'intéresser au financement des compagnies de biotechnologie. Comment les marchés financiers réagiraient-ils à une plus grande incertitude dans la protection accordée par les brevets dans le secteur de la biotechnologie? Quelle serait d'après vous la réaction des marchés financiers? Dans quelle mesure cela nuirait-il à la capacité des jeunes compagnies de biotechnologie à recueillir des capitaux au Canada?
Mme Janet Lambert: Plus la politique canadienne concernant les brevets donne des signes de faiblesse, plus il est difficile de réunir des capitaux au Canada. Le risque est d'autant moins grand pour les investisseurs que les jeunes compagnies à la recherche de capitaux bénéficient d'une solide protection grâce à Loi sur les brevets. Une telle situation facilite l'obtention de financement.
M. Scott Brison: Attribuez-vous l'évolution depuis sept ou huit ans dans l'industrie de la biotechnologie au Canada, en grande partie aux changements apportés par l'ancien gouvernement aux dispositions concernant les brevets, ou pensez-vous que cela a favorisé...?
Mme Janet Lambert: Des dispositions strictes concernant l'application des brevets et un régime réglementaire ferme et fondé sur la recherche scientifique sont très utiles pour la biotechnologie.
M. Scott Brison: Du point de vue du transfert de technologie et de la commercialisation quel serait l'impact sur la recherche universitaire d'une plus grande incertitude dans la protection conférée par les brevets?
Mme Janet Lambert: De manière générale, pour les universités, c'est un espoir de commercialisation. Par conséquent, ce serait la même chose pour les universités sur le plan de la recherche et de la capacité à obtenir des brevets. La notion est la même puisque la commercialisation serait possible sept ou dix ans après les approbations réglementaires.
M. Charles Pitts: En fin de compte, le résultat, nous le connaissons déjà et c'est la fuite des cerveaux. Nos chercheurs émigrent vers le Sud. Voilà quel serait le résultat. C'est une situation que nous avons déjà connue et que nous ne voulons pas voir se reproduire.
M. Scott Brison: J'ai un dernier commentaire sur le rôle de la biotechnologie au sujet d'une question évoquée dans les présentations des différents groupes et organisations que nous avons entendus au sujet de ce projet de loi. Je crois que l'argument le plus fort en faveur d'une solide protection consentie par les brevets repose sur le fait que le secteur de la biotechnologie a un impact très direct sur les milieux de la recherche au Canada et sur leur prospérité future. C'est un secteur qui connaît une croissance importante dans différentes grappes réparties au Canada et je suis très optimiste au sujet de l'avenir de la biotechnologie au Canada. C'est un simple commentaire, mais j'estime que les présentations que nous avons entendues n'ont pas suffisamment mis l'accent sur la biotechnologie.
La présidente: Docteure McKerracher.
Dre Lisa McKerracher: Je voulais faire un commentaire au sujet de la recherche universitaire et sur les brevets qui sont déposés par les universités. Les universités font beaucoup de recherche fondamentale et soumettent beaucoup de demandes de brevets. Les scientifiques eux-mêmes peuvent décider de commercialiser leurs découvertes, mais dans beaucoup de cas, ils ne veulent pas le faire et les universités doivent alors vendre la licence de fabrication à une compagnie.
À mon avis, l'affaiblissement de la Loi canadienne sur les brevets diminue les chances des compagnies canadiennes d'acquérir cette technologie, parce que les petites compagnies de biotechnologie veulent acquérir de nouvelles technologies sous licence afin d'élargir leur portefeuille. Une plus grande incertitude réduirait à mon avis l'acquisition de licences par les compagnies de biotechnologie auprès des universités. Cela aurait des conséquences graves, en particulier pour les compagnies non canadiennes qui ne comprendraient pas ce qui se passe au Canada.
La présidente: Merci. Merci beaucoup, monsieur Brison.
Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je voudrais poser quelques questions courtes.
La première porte sur le tableau dans lequel il est question d'une trentaine de produits et d'une moyenne de six mois. Sur ces 30 produits, combien y en a-t-il qui sont déjà mis en marché par l'industrie des médicaments génériques et qui seront visés? Comment pouvons-nous savoir combien de ces produits seront vraiment touchés?
M. Terry McCool: Nous n'en sommes pas certains. Nous avons essayé d'évaluer la situation, du moins dans notre entreprise et dans certaines autres que je connais, pour savoir combien de nos produits seraient touchés. Nous nous sommes rendu compte que certains des produits sur lesquels nous pensions détenir des brevets faisaient en fait l'objet de licences obligatoires remontant à bien des années et qu'ils ne se classaient donc pas dans cette catégorie. Nous avons donc essayé de déterminer quels étaient les produits commercialement viables qui seraient touchés par cette prolongation; à mesure que le temps passe, il y en a évidemment de moins en moins. Si le Canada avait réagi dès que la décision de l'OMC a été rendue, plutôt que de la porter en appel, il y aurait probablement eu plus de produits dans cette catégorie. Mais nous estimons aujourd'hui qu'il y en a 30. C'est à peu près tout. C'est la meilleure analyse que nous puissions faire, à moins d'aller voir ce qui se passe dans chaque entreprise.
M. Walt Lastewka: Je reviens à ce que M. Penson a dit, à savoir qu'il y aura probablement de nouvelles discussions à l'automne, en particulier au sujet du tableau établi par Santé Canada et de l'interprétation de ses éléments.
La question qui se posera alors sera de savoir s'il y a des abus dans le système ou pas. C'est là que M. Murphy interviendrait et pourrait être appelé à trancher. J'étais très curieux de savoir sur quel chiffre vous pourriez vous fonder pour établir la rentabilité. Vous vous en êtes très bien tiré. Tout se résume à savoir si le système est juste et s'il y a des abus.
C'est tout ce que j'avais à ajouter, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Excusez-moi, monsieur Mills, vous vouliez dire quelque chose?
M. James Mills: Je voudrais commenter brièvement ce qu'a dit M. Lastewka au sujet du fait que certaines personnes ont laissé entendre qu'il y avait eu des abus. Si on regarde le tableau préparé par Santé Canada, il est très clair à mon avis que rien ne prouve qu'il y ait eu des abus; dans 47 p. 100 des cas, il n'y a même eu aucune action en justice. Et sur les 82 demandes qui ont été retirées, il y en a beaucoup qui vont se classer dans la catégorie suivante: le fabricant de médicaments génériques a présenté une allégation qui ne contenait pas toute l'information nécessaire pour déterminer s'il y avait ou non contrefaçon. Et il avait de bonnes raisons de ne pas fournir cette information parce qu'elle se rattache à une spécialité ou à une formule confidentielle, ou encore aux procédés.
• 1705
Les tribunaux ont commenté cette question. On ne s'attend pas
à ce que le fabricant de produits génériques doive fournir cette
information sans protection. Donc, ce qui se passe, c'est que
l'innovateur est obligé d'entamer une action. L'information
confidentielle fait alors l'objet d'une ordonnance conservatoire
visant à la protéger. C'est seulement à cette étape-là que
l'innovateur peut évaluer les arguments du fabricant de médicaments
génériques. Donc, quand on regarde les 183 exemples, on peut aussi
y ajouter une bonne partie des 82 cas pour montrer que les
innovateurs sont en fait très raisonnables et qu'ils n'entament pas
de poursuites injustifiées.
J'ai déjà commenté la question des non-lieux et des interdictions accordées, mais il ne faut pas oublier non plus qu'il y a des mesures visant à inciter les innovateurs à ne pas dépasser les bornes. En particulier, ils peuvent être condamnés à payer des dommages-intérêts au fabricant de produits génériques si un tribunal décrète que les poursuites l'ont affecté indûment.
Il n'y a en ce moment que deux actions de ce genre en cours. À mon avis, s'il y avait des abus, il y en aurait beaucoup plus que deux sur 400 cas. Quand on regarde la situation dans son ensemble, il est clair qu'il y a des incitations à ne pas abuser. Prenons une entreprise innovatrice qui aurait dépensé 750 millions de dollars pour mettre son produit au point. Si elle vend sa pilule un dollar et que le fabricant de produits génériques dépense un million de dollars pour pouvoir la vendre, selon qu'on croit les statistiques d'un côté ou de l'autre, il y a de toute évidence une énorme marge de profit, quelque part entre 50 et 75 p. 100. Toute entreprise responsable dont les actions sont cotées en bourse va faire de son mieux pour ne pas se retrouver dans cette situation.
M. Walt Lastewka: Vous avez probablement remarqué que je ne vous avais pas demandé de quel côté il y avait des abus. J'ai appris de M. Murphy à éviter ce genre de chose. Il faut regarder l'ensemble du système et voir où sont les différences.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Je voudrais faire des commentaires sur deux points. Pour pousser un peu plus loin sur un de ces deux points, quel mal y a-t-il à s'en tenir à des poursuites civiles et à laisser aux tribunaux le soin de s'en occuper? Il me semble que c'est la façon logique de résoudre ce genre de problème, et je pense par conséquent que nous devrions continuer ainsi.
Je voudrais ajouter encore une chose pour le cas où nous manquerions de temps, après quoi nous verrons combien il reste de temps pour les commentaires. Il y a un autre aspect qui m'intéresse. J'ai entendu dire que de nombreux pays avaient pas mal d'avance, surtout dans le secteur pharmaceutique, en Europe et aux États-Unis, où il y a des entreprises établies depuis très longtemps. Si je comprends bien, vous nous dites que les circonstances s'améliorent pour ce qui est du rendement des investissements et de la possibilité d'attirer les investisseurs dans les domaines de la recherche ou de l'innovation parce que nous avons un régime de brevets satisfaisant. Donc, pour en revenir à la question de M. McTeague sur les importations et les exportations, nous avons une chance de favoriser la croissance de cette industrie si nous avons une bonne protection ici pour permettre aux gens d'obtenir un bon rendement sur leurs investissements. C'est bien ce que vous dites?
M. Terry McCool: Nous préférons ne pas faire de commentaires sur la question des poursuites au civil.
M. James Mills: Essentiellement, le facteur important dont il faut tenir compte, c'est qu'il peut être possible d'obtenir une injonction interlocutoire dans bien des cas où il y a des poursuites au civil. Par exemple, aux États-Unis, si un produit générique est mis sur le marché, et surtout s'il y a des problèmes importants touchant les questions de brevet, l'innovateur peut obtenir une injonction interlocutoire pour mettre fin immédiatement à sa commercialisation pour éviter que 80 p. 100 de son marché soit disparu six mois plus tard.
Au Canada, il est à peu près impossible d'obtenir une injonction interlocutoire. Il y en a une dans à peu près un cas sur trois, dans les affaires de brevets, et il est au moins deux fois plus difficile d'en obtenir une dans le cas d'un brevet pharmaceutique. C'est presque impossible. Sans les procédures de liaison—qui, soit dit en passant, sont déterminantes dans les affaires de ce genre à un moment où le fabricant de produits génériques ne cherche pas encore à mettre ses produits sur le marché de toute façon, ce qui fait qu'il n'est généralement pas touché, sauf pour le fait qu'il connaît à l'avance la possibilité d'un problème de contrefaçon—, l'entreprise innovatrice est incapable de faire quoi que ce soit pour empêcher que son marché soit complètement dévasté en un an et...
M. Charlie Penson: Vous voulez parler de la suspension de deux ans?
M. James Mills: Non. Je veux parler du cas où un fabricant de médicaments génériques lancerait un produit contrefait sur le marché; l'entreprise innovatrice n'aurait aucun moyen de mettre fin à la vente de ce produit avant qu'il y ait un procès, ce qui peut prendre facilement de deux à cinq ans, dans les meilleurs des cas. Et il y a ensuite les appels. Le cas de l'AZT est un très bon exemple. L'affaire traîne depuis environ neuf ans.
La présidente: Merci, monsieur Penson.
Je voudrais poser une question avant de laisser la parole à M. McTeague. Oh, excusez-moi, M. Cannis avait une question à poser.
Allez-y, monsieur Cannis.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.
Au sujet de cette modification de forme, pour reprendre l'expression qu'a utilisée M. Murphy—et je l'en remercie—, je suis content parce que nous entendons le point de vue de l'industrie de la biotechnologie et de tous les autres.
La grande question qui m'est venue à l'esprit est celle de la productivité. Le dialogue auquel nous venons d'assister est très sain pour nous parce que nous essayons de combler le fossé en matière de productivité.
Et vous avez tout à fait raison, monsieur Murphy. Si nous voulons combler ce fossé et rendre notre pays plus productif, nous devons établir clairement les règles d'engagement pour pouvoir soutenir la concurrence.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, mais vous aurez probablement remarqué que nous voulons tous nous assurer que ces règles sont en place. Je suis content d'entendre les représentants de l'industrie de la biotechnologie, parce que vous avez certainement besoin de règles d'engagement claires pour pouvoir prendre cette propriété intellectuelle, y travailler à l'interne et vous associer à quelqu'un d'autre, comme quelqu'un l'a mentionné, pour mettre votre produit en marché.
Nous avons entendu ces derniers temps beaucoup de témoins qui ont pu nous parler de commercialisation. Personne n'a plus honte de dire: «Faisons de la recherche, innovons, investissons, pour pouvoir commercialiser nos produits et en faire profiter tout le pays.» Donc, tout le monde parle de coûts—de dollars et de cents.
J'ai ici un graphique où je vois que, depuis 1987, les ventes des deux camps opposés, celui des médicaments d'origine et celui des médicaments génériques, ont augmenté de 554 p. 100 dans le cas des médicaments génériques et de 187 p. 100 dans celui des médicaments d'origine. Comment expliquez-vous cette différence?
Monsieur McCool, vous représentez l'entreprise. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe? Tout le monde se plaint des coûts. Si ces chiffres sont vrais, vos prix ne sont pas assez élevés.
M. Terry McCool: L'industrie des médicaments génériques a connu une croissance intéressante. Une des raisons, c'est qu'il nous faut parfois sept ou huit ans pour que nos ventes atteignent leur maximum sur un marché donné. Par conséquent, si notre brevet n'a qu'une durée effective de dix ans, le médicament générique arrive sur le marché au moment où nos ventes à nous atteignent leur maximum. Et les consommateurs se tournent relativement vite vers le médicament générique à cause des régimes provinciaux qui ne remboursent que le produit le moins cher. Donc, le premier qui arrive sur le marché peut généralement en prendre une assez bonne part et la garder. C'est assez facile.
Notre problème, c'est que nous avons dû assurer notre croissance grâce à l'innovation, et non grâce à nos prix. Les prix sont gelés au Canada depuis sept ans, même si le CEPMB permet une hausse en fonction de l'IPC. Les provinces ont dit à toutes fins utiles qu'elles n'accepteraient pas de hausses de prix pendant leurs négociations avec les médecins, les infirmières, les travailleurs d'hôpitaux, et ainsi de suite. Or, elles ont signé des conventions avec certains de ces groupes, et nous n'avons encore constaté aucun changement. Cela nuit vraiment à l'innovation, vous savez.
La présidente: Merci, monsieur Cannis.
En fait, ma question se rattache à ce que M. Cannis vient de dire.
Vous avez dit que le premier arrivé sur le marché après l'expiration du brevet obtenait la meilleure part du marché. Est-ce que les fabricants de médicaments d'origine créent des pseudo- génériques? Si un de vos médicaments est populaire, est-ce que vous pouvez créer un produit générique qui peut alors arriver sur le marché en même temps?
M. Terry McCool: Les fabricants de médicaments d'origine ont appliqué cette stratégie pendant quelque temps, mais sans succès. Il est à peu près impossible de faire concurrence aux fabricants de produits génériques, parce qu'ils ont généralement toute une gamme de produits. Il est très difficile d'essayer de leur faire concurrence avec un seul produit. L'espace disponible dans les dispensaires n'a aucune importance. Et, évidemment, ils peuvent réduire le prix d'un de leurs produits pour les gens qui en achètent un autre. C'est très difficile de soutenir la concurrence avec des produits génériques seulement, comme le savent certaines des petites entreprises qui fabriquent ces produits. Certaines grandes chaînes n'achètent que des grands fabricants de produits génériques, et non des plus petits.
• 1715
Ce qui n'empêche pas les fabricants de médicaments d'origine
d'offrir leur technologie sous licence aux fabricants de produits
génériques quand un produit n'est plus protégé par un brevet. Ils
ont deux options: ils peuvent parcourir le monde pour trouver une
source ou fabriquer le produit ici au Canada. Il y en a qui
choisissent de le faire, alors que d'autres se contentent d'obtenir
une licence pour le produit d'origine. Mais si nous faisons cela,
nous disparaissons à toutes fins utiles du marché.
La présidente: J'ai une autre question, mais je vais laisser M. McTeague poser la sienne d'abord.
M. Dan McTeague: Allez-y.
La présidente: Je voudrais faire un commentaire.
Docteure McKerracher, vous avez soulevé une question très intéressante. Vous serez peut-être contente de savoir que ce qui est maintenant le comité de l'industrie, des sciences et de la technologie étudie depuis quatre ans, et peut-être même plus, toute la question de la recherche, de l'innovation et de la productivité, et de ce que cela signifie pour le Canada. Nous avons toujours recommandé qu'il y ait des investissements dans la recherche parce que c'est un moteur d'innovation, à notre avis, et que c'est également ce qui crée de l'emploi en définitive. Vos commentaires d'aujourd'hui sur ce qui s'est passé ces cinq dernières années dans le domaine de la recherche sur la santé, par exemple, sont très intéressants. À mon avis, c'est la voie que nous devons suivre, et c'est là que nous devons songer à investir.
Ma question est donc la suivante—mais elle s'adresse peut- être davantage à M. McCool: compte tenu du temps qu'il faut pour mettre au point de nouveaux médicaments vraiment innovateurs, la protection par brevet est-elle assez longue? Par exemple, je pense qu'il n'y a personne ici... On entend parler du gène du cancer du sein. Or, il y a quatre ou cinq personnes de ma famille qui sont mortes du cancer du sein depuis cinq ans. Ou encore, pour prendre un exemple plus pertinent pour la majorité des gens qui sont ici, nous pourrions parler du cancer de la prostate.
Des voix: Ah, ah!
La présidente: Je ne peux pas croire qu'il y ait dans cette salle quelqu'un qui ne serait pas prêt à dire que, si c'est une question de coût, si cela ne favorise pas l'innovation, nous ne devrions pas prolonger la durée des brevets. J'écoute tout ce qui se dit ici, j'ai écouté tout le débat, et je ne pense pas qu'on puisse fixer un prix ou une valeur à tout cela.
Comme les cloches sonnent, je n'aurai probablement pas de réponse à ma question parce que nous devons aller voter.
Monsieur Pitts, vous vouliez faire un commentaire?
M. Charles Pitts: Ce sera très, très court.
Vous avez parlé de la possibilité d'obtenir un brevet dès les premières étapes pour permettre la mise au point d'un médicament. Or, j'ai eu l'occasion de travailler avec plusieurs médicaments qui avaient été découverts et qui étaient utilisés pour une indication donnée. Mais il arrive souvent qu'on découvre tout à fait par hasard, une fois le médicament mis au point, qu'il peut être utile pour d'autres usages que ceux qui étaient prévus. Un médicament peut être mis au point pour la gynécologie et se révéler utile plus tard contre la maladie de Parkinson, par exemple.
La date limite artificielle qui se rattache à la protection par brevet signifie parfois qu'une fois le brevet arrivé à expiration, personne ne se donne la peine d'investir pour trouver d'autres indications qui pourraient parfois se révéler plus pertinentes, sur le plan thérapeutique, que l'indication initiale. Je n'ai pas de réponse à cela, mais c'est un problème très sérieux.
La présidente: Monsieur McCool, vous vouliez commenter?
M. Terry McCool: Très rapidement, il y a deux façons de se procurer des revenus. Il y a d'abord les «anges», les investisseurs providentiels sur lesquels compte l'industrie de la biotechnologie. Et il y a la vente des produits existants. Dans la mesure où on peut faire de l'argent de cette manière pendant un certain temps, on peut consacrer plus d'argent à la recherche. Le délai fixé au Canada est plus court que sur d'autres marchés des pays industrialisés, de deux façons. Premièrement, sur le plan de la réglementation, l'homologation des médicaments prend beaucoup plus de temps au Canada, ce qui nous fait perdre entre 12 et 18 mois. Tant que le Canada ne sera pas prêt à s'attaquer à la question sur les deux fronts, nous ne serons probablement jamais aussi innovateurs que nous pourrions l'être.
La présidente: Au nom des membres du comité, je vous remercie tous d'être venus. Nous devons aller voter. Nous vous prions donc de nous excuser et nous allons convoquer le prochain groupe de témoins à notre retour.
Je signale à mes collègues que nous allons demander aux fonctionnaires du ministère... Certains d'entre vous avaient des questions à poser. Tous ceux qui n'ont pas eu la chance de le faire auront leur tour, après quoi nous passerons à l'étude article par article. Nous attendrons environ cinq à dix minutes avant de passer à cette étape, si vous n'avez pas de questions pour les gens du ministère. Et, si vous en avez, vous pourrez les poser dès que nous reviendrons.
Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'après le vote.
La présidente: Reprenons.
M. McTeague a une question à poser aux fonctionnaires, après quoi nous passerons à l'étude article par article.
M. Dan McTeague: Bienvenue à nouveau. Je suis content de vous voir. Je vais essayer de poser des questions aussi précises et aussi courtes que possible. J'en ai deux.
Premièrement, j'aimerais savoir si les gens d'Industrie Canada ont eu l'occasion d'analyser les deux versions du projet de loi déposé aux États-Unis pour voir dans quelle mesure il s'applique à la situation au Canada. Je pars du principe que vous ne les avez pas étudiées. Par conséquent, pendant l'été, pourriez-vous nous préparer un diagramme ou un résumé pour nous dire si, à votre avis, le projet de loi a du mérite? Je m'intéresse à la position adoptée par les États-Unis, parce que la question des injonctions automatiques est un point commun entre le Canada et les États-Unis.
Ma deuxième question porte sur ce que M. Mills, de Rx&D, vient d'affirmer, à savoir que les entreprises qu'il représente ne pouvaient pas obtenir d'injonctions interlocutoires des tribunaux ordinaires. Évidemment, c'est ainsi qu'il justifie la nécessité des suspensions automatiques. Cela semble vaguement similaire aux arguments que vous avez présentés au comité.
En l'absence de mesure portant sur les suspensions automatiques dans la réglementation, est-ce que les juges canadiens ne pourraient pas décider tout simplement s'ils devraient ou non accorder ces injonctions interlocutoires? Les mécanismes nécessaires ne sont-ils pas déjà là? Ne pensez-vous pas que c'est un problème de procédure, puisque vous voulez ériger un régime unique, comme l'a laissé entendre M. Sutherland-Brown dans la présentation qu'il a déjà faite au comité? J'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet-là.
M. Andrei Sulzenko (sous-ministre adjoint, Politique industrielle et scientifique, ministère de l'Industrie): Merci, madame la présidente.
Je suppose que votre première question se rattachait au projet de loi du sénateur McCain.
M. Dan McTeague: En effet.
M. Andrei Sulzenko: La réponse est non; nous n'avons pas encore eu la chance de l'analyser. Si cela intéresse le comité, nous pouvons évidemment y jeter un coup d'oeil. Je tiens seulement à vous rappeler qu'il y a beaucoup de projets de loi déposés par toutes sortes de personnes différentes devant le Congrès américain. Nous pouvons certainement vérifier auprès de notre ambassade à Washington, mais je ne sais pas s'il y en a beaucoup d'autres sur le même sujet ou si celui-là est étudié activement. Nous pouvons certainement nous renseigner et transmettre cette information au comité.
La présidente: Ce serait parfait.
M. Andrei Sulzenko: Pour ce qui est de la deuxième question, je vais demander à M. Sutherland-Brown d'y répondre.
M. Rob Sutherland-Brown (avocat-conseil, ministère de l'Industrie): Madame la présidente, je pense que cette question concerne en réalité la possibilité d'obtenir un redressement ou une injonction interlocutoire des tribunaux canadiens en attendant un procès sur le fond.
Les tribunaux canadiens, comme ceux des États-Unis et du Royaume-Uni, appliquent un critère découlant de l'affaire American Cyanimid. En gros, ce critère prévoit qu'il est possible d'obtenir un redressement interlocutoire lorsqu'il y a une question sérieuse en jeu—ce qui est généralement le cas dans ce genre d'affaires—et que la personne qui demande l'injonction risque de subir des torts irréparables. Au Canada, cela signifie que ces torts ne pourraient pas être compensés par des dommages-intérêts monétaires. Et il y a aussi un troisième critère, qui est celui de la prépondérance des inconvénients.
• 1810
Les tribunaux canadiens ont interprété ces critères de manière
très stricte et, comme l'a dit M. Mills—je ne sais pas jusqu'à
quel point ses statistiques sont exactes—, il est très rare qu'une
compagnie pharmaceutique obtienne un redressement interlocutoire
d'un tribunal canadien en fonction de ces critères.
J'ajouterais que, pour ce qui est de la façon dont les choses se passent dans le système, le fabricant de produits génériques qui demande au ministre de la Santé l'autorisation de mettre en marché une version concurrente d'un produit ne peut pas le faire tant que les questions touchant l'avis de conformité ne sont pas résolues, tant que le litige n'est pas réglé et tant que la suspension n'a pas été levée. Le fabricant de produits génériques n'a donc pas le droit de mettre son produit sur le marché; ce sont les règlements relatifs à la Loi sur les aliments et drogues qui le lui interdisent.
M. Dan McTeague: J'ai beaucoup de mal à admettre que, simplement parce qu'une entreprise ne peut pas obtenir d'injonction, il faut automatiquement en déduire que c'est la procédure qui est déficiente. Ne serait-il pas plus juste de dire, monsieur, que les preuves ne sont pas toujours suffisantes pour démontrer qu'il y a effectivement eu contrefaçon de brevet? Pourquoi le ministère de l'Industrie n'a-t-il pas adopté ce point de vue-là, qui semble tellement évident à tout le reste du monde, dans toutes les autres sphères de la vie, selon la common law de notre pays et d'ailleurs? Pourquoi avons-nous besoin de cette exception qui va au-delà de la simple obligation, pour le détenteur de brevet, s'il croit qu'il y a contrefaçon, de fournir au moins des preuves prima facie? Y a-t-il quelque chose de mal à cela, et si oui, devrions-nous nous limiter à l'industrie pharmaceutique, ou appliquer la formule à toutes les autres industries et créer des circonstances exceptionnelles pour elles aussi?
M. Rob Sutherland-Brown: La réponse à votre question, monsieur, c'est que l'industrie pharmaceutique est considérée comme étant dans une situation particulière; cette série de règles permet aux deux secteurs de cette industrie de régler ces questions avant qu'un produit générique soit mis sur le marché avec un avis de conformité. Il n'est pas rare en droit canadien, ou dans le droit d'autres pays occidentaux, que les législatures adoptent des règles particulières pour les cas particuliers, pour équilibrer les intérêts en jeu.
M. Dan McTeague: Monsieur Brown, je ne comprends pas très bien. Vous dites d'une part que c'est une exception consentie à cette industrie, et pourtant vous avez dit à l'OMC, pour justifier les dispositions relatives à la mise au point à l'avance, que cela s'appliquait aussi à d'autres secteurs. Nous en revenons à la discussion que nous avons eue il y a deux semaines. Dès les premiers jours, dans mes cours sur le droit et la pratique, j'ai appris qu'une chose ne pouvait pas à la fois être et ne pas être. Il est clair que la position que vous avancez aujourd'hui, et que vous nous avez exposée il y a deux semaines, contredit celle que vous avez défendue devant l'OMC il y a presque deux ans au sujet de ces autres exceptions.
Je vous signale que ces exceptions existent bel et bien. Nous en avons déjà parlé ici même. Je pense que vous y étiez. D'ailleurs, dans votre lettre, vous n'avez absolument pas fourni de réponse satisfaisante au comité. Voici quelles sont ces exceptions: produits agricoles, nouveaux pesticides, instruments médicaux, moniteurs cardiaques, technologie des rayons X... J'ai même les transcriptions de ce que vous avez dit l'an dernier à l'OMC, ou plutôt de ce que le gouvernement canadien a dit, au sujet de la protection par brevet accordée par le Canada pour les produits pharmaceutiques. C'est à la page 45 de son mémoire, en anglais, et je vais terminer là-dessus:
M. Rob Sutherland-Brown: C'est exact. Cet argument a effectivement été invoqué dans l'affaire VISX; j'ai d'ailleurs déjà dit au comité, lors de ma dernière comparution, que l'exception relative à la mise au point à l'avance s'applique en effet dans d'autres secteurs industriels où il existe un régime réglementaire.
Ce qu'il y a de particulier dans cette industrie—et ce qui nécessite des règles spéciales—, c'est que, dans ces autres industries, il est très rare qu'il y ait un secteur dynamique de fabrication de produits génériques qui soit capable de reprendre des produits protégés par brevet, quand il y en a, et d'en tirer un bénéfice raisonnable.
M. Dan McTeague: Mais, en supposant que la durée des brevets soit de 20 ans, que nous ne voulions pas qu'ils soient plus longs ou moins longs, mais qu'ils soient prolongés dans les faits, pourquoi votre ministère a-t-il cherché ces dernières années à supprimer les possibilités de contestation anticipée qui auraient pu permettre d'éviter ce problème? Plutôt que de donner suite aux recommandations soumises par notre comité en 1997, vous avez aggravé la situation en supprimant toute possibilité de contestation anticipée de ce genre devant les tribunaux afin de résoudre la question avant qu'elle dégénère.
M. Rob Sutherland-Brown: D'après mon interprétation, c'est exactement ce que fait le règlement, monsieur.
M. Andrei Sulzenko: Madame la présidente, j'aimerais ajouter qu'après notre première comparution devant votre comité, nous avions convenu de vous faire parvenir des renseignements sur certaines des questions qui avaient été soulevées; nous l'avons fait à la fin de la semaine dernière, je pense. La réponse à la question que le député vient de nous poser se trouve dans ces documents; je vais donc m'y référer.
La réponse, en gros, c'est qu'aucune des autres industries consultées n'a indiqué qu'elle avait recours à l'exception relative à la mise au point anticipée. Nous avons vérifié, et je pense que c'est la vérité, au meilleur de nos connaissances.
La présidente: Je crois que nous devrons nous contenter de ne pas être d'accord sur ce point, monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: En fait, madame la présidente, je voudrais signaler ce commentaire de nos témoins, à la deuxième page:
Mais en fait, vous avez reconnu qu'il y avait d'autres industries où c'était le cas.
La présidente: Non, ils viennent de préciser clairement qu'il n'y avait pas d'autres industries qui ont...
M. Dan McTeague: L'exception relative à la mise au point anticipée...
La présidente: ...le même genre de concurrence d'un secteur de fabrication de produits génériques. Il me semble que c'est ce qu'a dit M. Sutherland-Brown. C'est donc clair, à mon avis.
Y a-t-il d'autres questions? S'il n'y en a pas, je suis prête à passer à l'étude article par article. C'est d'accord?
Des voix: D'accord.
(Article 1)
La présidente: Nous avons un amendement. Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Je dois les mettre en ordre.
La présidente: Avez-vous un exemplaire des quatre amendements?
Mme Bev Desjarlais: Oui.
La présidente: Est-ce que tout le monde les a en main?
Voulez-vous proposer votre amendement?
Mme Bev Desjarlais: Oui. Vous voulez que je le lise à voix haute?
La présidente: Non, tout le monde l'a. C'est le NPD-1.
Mme Bev Desjarlais: D'accord.
La présidente: Voulez-vous commenter votre amendement?
Mme Bev Desjarlais: Oui.
De façon générale, cet amendement vise à faire en sorte que tous les brevets soient d'une durée de 20 ans. Il y a encore des brevets qui durent plus longtemps, mais il n'en est pas question dans le projet de loi; donc, pour des raisons d'équité, cet amendement fixerait la durée de tous les brevets à 20 ans. Il y en a qui dépassent 20 ans et qui ne sont pas alignés...
La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires sur l'amendement?
Mme Bev Desjarlais: Pour ceux qui n'ont pas suivi toutes nos discussions et qui n'étaient pas là quand nous avons parlé de cet article, il y a des brevets qui durent plus de 20 ans et que le projet de loi ne vise pas à ramener à 20 ans. Nous voulons porter les brevets de 17 à 20 ans, mais il y a en a qui durent plus de 20 ans et qui ne seront pas ramenés à 20 ans. Cet amendement ferait en sorte que tous les brevets soient de 20 ans.
La présidente: Monsieur Sulzenko, vous voulez commenter?
Les membres du comité ont-ils des commentaires à faire?
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Oui. Je voudrais ajouter quelque chose à ce que vous avez dit en présentant votre amendement, à savoir que certains médicaments brevetés bénéficient d'une protection de plus de 20 ans et que le projet de loi ne réduirait pas la durée de ces brevets à 20 ans, alors que les brevets de moins longue durée seraient portés à 20 ans.
• 1820
En droit, la coutume veut qu'on puisse étendre un droit, mais
pas le limiter rétroactivement. Autrement dit, si un produit a été
breveté pour 22 ou 25 ans, par exemple, en vertu d'une loi qui est
ensuite modifiée de manière à ce que les brevets ne soient plus que
de 20 ans à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi, les
brevets plus longs ne peuvent pas être raccourcis rétroactivement.
C'est la même chose dans d'autres sphères d'activité. On n'a qu'à
regarder le Code criminel, par exemple. C'est la raison pour
laquelle l'augmentation de la peine prévue pour une infraction
donnée, par exemple, n'est jamais rétroactive.
La présidente: Pour que tout soit clair, l'attaché de recherche me précise qu'on parle, en termes juridiques, de présomption de non-ingérence dans les droits acquis.
Mme Marlene Jennings: Merci.
La présidente: Monsieur Penson, vous vouliez commenter?
M. Charlie Penson: Je voudrais seulement demander l'avis des fonctionnaires du ministère, mais si je comprends bien, ils n'en ont peut-être pas.
Mme Bev Desjarlais: En fait, ce qui m'étonne, c'est que personne n'ait encore énoncé cette position et que tout à coup, maintenant que nous en sommes rendus à l'étude article par article, ce commentaire vienne non pas des témoins, mais d'un membre du comité. Je respecte votre position, mais je suis étonnée que personne n'en ait jamais parlé avant dans le cours de nos discussions.
Mme Marlene Jennings: Je ne savais pas qu'il y avait eu des discussions à ce sujet-là.
La présidente: Monsieur Penson, vous avez la parole.
M. Charlie Penson: J'aimerais savoir si les fonctionnaires du ministère ont quelque chose à dire au sujet de cet amendement.
La présidente: Monsieur Sulzenko.
M. Andrei Sulzenko: Merci, madame la présidente.
Si je me rappelle bien, la question a été soulevée lors de notre dernière comparution. Je ne me souviens pas que nous en ayons discuté en détail, mais j'ai dit, il me semble, que si le gouvernement avait décidé de modifier la loi comme il le propose dans le projet de loi, c'était pour une question de principe.
Du point de vue juridique, si M. Sutherland-Brown a quelque chose à ajouter à ce que la députée vient d'expliquer, il le fera sûrement avec plaisir, mais il est certain que la décision de limiter les modifications à celles qui étaient absolument nécessaires par suite de la décision de l'OMC était clairement une décision de principe de la part du gouvernement.
La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires? Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Qu'est-ce que le gouvernement dirait si l'OMC décidait tout à coup l'année prochaine que les brevets doivent être ramenés à 15 ans?
M. Andrei Sulzenko: C'est une question hypothétique, madame la présidente, et je ne...
La présidente: Nous ne nous attendons pas à ce que vous commentiez des politiques qui n'ont pas encore été adoptées, monsieur Sulzenko.
Mme Bev Desjarlais: Non, je voulais savoir...
La présidente: Vous lui avez posé une question hypothétique.
Mme Bev Desjarlais: Je voulais savoir quelle était la position juridique du gouvernement, si nous ne pouvons pas...
Une voix: Nous venons de recevoir un avis juridique.
La présidente: Madame Jennings voulait parler des termes de droit. L'attaché de recherche nous a dit quel était ce terme—et il y a différentes façons... Ce n'est pas une règle immuable, mais c'est celle qui est suivie normalement.
Quoi qu'il en soit, il y un amendement qui a été proposé. Quelqu'un a-t-il d'autres commentaires à faire sur cet amendement? Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Juste une petite chose. Je comprends qu'il y a ici des gens qui veulent s'en tenir à la pureté théorique et juridique de la notion de rétroactivité. On pourrait probablement leur demander pourquoi les avis de conformité eux-mêmes n'ont pas été contestés en fonction de ce principe de rétroactivité. Je pense que si un membre du comité se donnait la peine de lire les critères relatifs à l'examen réglementaire, il se rendrait compte que tout le régime est fondé sur...
La présidente: Monsieur McTeague, limitez-vous à l'amendement, s'il vous plaît.
M. Dan McTeague: ...la rétroactivité. C'est nous, les parlementaires, qui établissons les lois du pays. Or, nous avons l'occasion aujourd'hui d'établir cette loi comme il convient et de corriger un déséquilibre, et c'est pourquoi je compte appuyer l'amendement.
(L'amendement est rejeté—[Voir le Procès-verbal])
(L'article 1 est adopté)
(Article 2)
La présidente: Nous avons plusieurs amendements à l'article 2. Le premier a été proposé par M. McTeague.
M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente.
Chers collègues, je veux seulement souligner que, dès le départ, nous étions tous d'accord pour dire que le projet de loi S-17 vise uniquement à donner suite à la décision de l'OMC. Il y a très peu de gens qui ont comparu devant le comité pour dire le contraire, sauf ceux qui avaient des réserves au sujet d'une décision prise avant la décision de l'OMC. Ce qui m'intéresse surtout, cependant, c'est l'équité de la règle de droit et le maintien d'un semblant de compréhension de la raison pour laquelle une industrie devrait bénéficier de privilèges exclusifs ayant pour effet d'aller au-delà de ce que prévoyait le Parlement.
• 1825
Il y a la documentation rédigée par notre attaché de
recherche, il y a la décision de la Cour suprême du Canada, et en
particulier les commentaires du juge Iacobucci, et il y a aussi les
commentaires de nos éminents collègues de l'autre endroit.
Je vais vous lire les conclusions pour le compte rendu, si vous me le permettez, ou du moins une partie des conclusions. Ce ne sont pas mes conclusions. Elles sont en fait tirées de notre propre document de recherche, à la page 3 en anglais. Ces dispositions réglementaires, et en particulier celles qui sont proposées au paragraphe 55.2(4), madame la présidente,
Les mêmes sénateurs—et je tiens à le rappeler à tous mes collègues, des deux côtés de la Chambre ou de la Chambre haute—ont dit:
Je suis prêt à croire que le ministre procédera effectivement à cet examen. Mais rien ne l'y oblige. Il n'y a pas de lettre qui prouve que nous allons nous pencher de nouveau sur cette question un jour. J'ai l'impression qu'il y a d'importants intérêts monétaires en jeu, qui feront en sorte que nous ne rouvrirons jamais ce dossier. J'espère me tromper, mais je pense que nous avons ici l'occasion d'envoyer un message, à savoir que ce règlement draconien additionnel a été ajouté après coup, qu'il est uniformément et aveuglément partial et qu'il doit être corrigé immédiatement. Cela nous permettra, plus tard, de déterminer s'il convient ou non de respecter la primauté du droit.
L'amendement que je propose vise simplement à supprimer le paragraphe 55.2(4), un paragraphe déplorable qui a été ajouté par le ministère et qui aurait dû être examiné après 1997...
Je demande pardon à mes collègues qui étaient ici en 1997. Comme je l'ai déjà dit—et je pense que c'est maintenant très clair—, même si le dernier comité qui a été chargé d'examiner cette question a demandé au comité de l'industrie de s'en occuper, le problème a non seulement été mis de côté, à toutes fins utiles, mais il a été aggravé.
Je cherche simplement à déterminer avec les membres du comité qui sont ici aujourd'hui si nous pouvons faire confiance à l'avenir et nous contenter d'attendre que notre régime de médicaments continue à se détériorer, si nous pouvons continuer à voir les importations diminuer au Canada, ou si nous voulons respecter notre mandat, pas seulement pour déterminer ce qui est bien du point de vue de l'industrie, en fonction de certains intérêts, mais ce qui est bien au fond de nos coeurs et ce qui est bien pour les Canadiens. Si nous essayons de le faire, je pense que nous aurons au moins une idée de la raison pour laquelle cette motion est importante.
Ce règlement déplorable doit être abrogé, et je vous demande de considérer les conséquences non pas pour deux ou trois fabricants de médicaments d'origine—qui se trouvent dans ma circonscription—, mais pour les gens qui, en bout de ligne, comptent sur des médicaments efficaces et qui comprennent qu'il y a toujours des compromis à faire quand on prend des décisions.
Merci, chers collègues.
La présidente: Merci, monsieur McTeague.
Y a-t-il d'autres commentaires au sujet de l'amendement? Non?
(L'amendement est rejeté—[Voir le Procès-verbal])
La présidente: Nous avons un deuxième amendement, de Mme Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: En fait, c'est à peu près le même amendement, et...
La présidente: Eh bien, si c'est le même amendement, je devrai le juger irrecevable. Il faut que ce soit un amendement différent.
Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais c'est à peu près la même chose.
La présidente: On m'a dit qu'il était recevable parce que nous ne pouvons pas faire la même chose deux fois.
Mme Bev Desjarlais: Comme je l'ai dit, c'est à peu près la même chose, mais pas vraiment, en ce sens que la réglementation sur l'avis de conformité est essentiellement à l'avantage des fabricants de médicaments d'origine. Cette réglementation n'est pas obligatoire en vertu des accords commerciaux conclus dans le cadre de l'OMC, et il n'y a donc aucune raison de la garder dans le projet de loi. Historiquement, l'intention n'a jamais été d'avantager les fabricants de médicaments d'origine et, si cette réglementation n'était pas là, les choses seraient certainement plus justes.
• 1830
Je sais que les fabricants de médicaments d'origine pensent
que cela stabiliserait l'industrie si les brevets étaient portés à
20 ans, mais la réalité, c'est que notre système et les gens à
l'intérieur de notre système vont en souffrir beaucoup, et que le
pays tout entier va en subir les conséquences. Je ne vois pas
pourquoi nous maintiendrions cette réglementation. Cela n'a
absolument rien à voir avec la décision de l'OMC. C'est pourquoi je
propose la suppression des lignes 20 à 28, à la page 1.
La présidente: Oh, vous n'avez pas le bon...
Mme Bev Desjarlais: Je n'ai pas le bon...?
La présidente: Non. Nous en sommes au premier amendement, sur les lignes 18 et 19.
Mme Bev Desjarlais: Excusez-moi, je pensais que nous parlions de l'autre. Je suis désolée.
La présidente: Nous devons d'abord régler celui qui porte sur les lignes 18 et 19.
Mme Bev Desjarlais: D'accord. Excusez-moi. Je pensais que nous parlions de l'autre.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Bev Desjarlais: Non, parce que l'autre est différent. Il porte sur le règlement concernant l'exemption relative à l'emmagasinage. Le gouvernement a déjà respecté la décision de l'OMC au sujet de l'emmagasinage. Cela ne se fait plus. Cependant, d'après le projet de loi proposé, le gouvernement n'aurait plus le pouvoir d'appliquer des dispositions législatives sur la question. Par conséquent, si l'OMC autorisait l'emmagasinage dans un an, nous devrions revenir ici et rétablir ces dispositions législatives.
En gros, le gouvernement devrait conserver ce pouvoir. Il n'est pas nécessaire que les dispositions sur l'emmagasinage soient en vigueur, qu'elles soient appliquées, mais le gouvernement doit conserver le pouvoir d'en adopter. C'est ce que fait cet article.
La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires? Non?
(L'amendement est rejeté—[Voir le Procès-verbal])
La présidente: Vous avez déjà commenté l'amendement suivant. Y a-t-il d'autres commentaires? Non?
(L'amendement est rejeté—[Voir le Procès-verbal])
(Les articles 2 et 3 sont adoptés)
(L'article 4 est adopté avec dissidence)
(L'article 5 est adopté)
La présidente: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Puis-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
La présidente: Il n'y a pas de raison de demander une réimpression. Nous n'avons rien changé.
Avant que nous partions, je voudrais vous faire part d'une autre proposition. Je propose que nous mettions les prévisions budgétaires aux voix parce que nous avons entendu nos derniers témoins sur cette question. Comme nous sommes tous ici, j'aimerais que quelqu'un propose l'adoption des prévisions budgétaires.
Une voix: Je le propose.
Une voix: De tous les crédits?
La présidente: De tous ceux qui se rattachent au ministère de l'Industrie.
INDUSTRIE
(Les crédits 1 à 125 inclusivement sont adoptés avec dissidence)
La présidente: Merci beaucoup de votre coopération. Je vous rappelle que nous avons une séance jeudi matin. Nous tiendrons notre dernière table ronde sur les sciences et la technologie et nous étudierons la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Et, jeudi après-midi, les représentants du ministère viendront nous parler du projet de loi S-11.
La séance est levée.