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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 125 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 février 2019

[Énregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. La 125e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international est ouverte.
    C'est également la première séance que nous consacrons à la nouvelle étude sur le soutien du Canada au développement de la démocratie à l'échelle internationale.
    Avec cette idée en tête, je souhaite la bienvenue à nos deux premiers témoins. Accueillons les représentants du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement: le sous-ministre adjoint à Enjeux mondiaux et du développement, M. Christopher MacLennan; la directrice générale du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, Mme Shelley Whiting.
    Après votre témoignage, nous passerons aux questions.
    Monsieur MacLennan, veuillez commencer.
    Merci beaucoup. Après ma courte déclaration au nom de mon ministère, Shelley et moi, visiblement, serons ravis de répondre à vos questions.
    Je m'écarte du texte pour préciser que je suis le sous-ministre adjoint chargé essentiellement de l'aide au développement dans ce qui constitue la participation du Canada à la promotion de la démocratie. De son côté, Shelley est davantage plongée dans les questions d'affaires étrangères, qui relèvent principalement de notre diplomatie et de la promotion de la démocratie par d'autres moyens.
    Je vous remercie de votre invitation à venir discuter de notre appui, passé et actuel, au développement de la démocratie. La promotion de la démocratie à l'étranger, comme vous tous ici présents le savez, fait depuis longtemps partie intégrante de la politique étrangère du Canada et de son aide internationale, mais, comme vous l'avez fait remarquer dans votre rapport de 2007, en dépit de progrès remarquables, la marche vers l'avant de la démocratie n'est pas assurée et, dans le climat actuel, les reculs menacent le progrès.
    Je pense que c'est encore plus vrai en 2019 que peut-être en 2007. De fait, d'après la plupart des spécialistes, les menaces croissantes pour le développement de la démocratie d'il y a 12 ans ont maintenant provoqué son recul général.
    Le mécontentement populaire s'est manifesté dans de nombreux pays, faute, pour leurs gouvernements, de trouver des solutions efficaces à des problèmes intérieurs importants et légitimes comme le chômage, un avenir bouché, les inégalités et la migration en masse. De plus, des acteurs malveillants, notamment des régimes autoritaires et leurs exécutants, ont déployé plus d'efforts pour manipuler l'opinion et les perceptions de manière à fragiliser la démocratie et, de manière plus générale, l'ordre international fondé sur des règles.
    L'ingérence étrangère n'a rien de nouveau, mais son influence a augmenté d'échelle et gagné en vitesse, grâce aux données et aux techniques numériques moins coûteuses et plus accessibles. La confiance et l'engagement des citoyens dans les institutions démocratiques ont donc diminué, tandis qu'augmentaient la méfiance de la société civile à l'égard des gouvernements et la manipulation et le discrédit des partis politiques et de leurs mécanismes.
    Particulièrement inquiétant est le rétrécissement de l'espace civique, l'un des principaux piliers de la démocratie. Les plus grands reculs de la démocratie ont touché les libertés civiles, la liberté d'expression, la liberté de réunion et d'association, la participation à la société civile et l'intégrité des médias. Voilà le contexte dans lequel nous travaillons aujourd'hui.

[Français]

     Pour sa part, Affaires mondiales Canada s'est adapté. En 2013, l'Agence canadienne de développement international et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont été fusionnés. Cette fusion a entraîné une utilisation cohérente des outils du gouvernement pour promouvoir la démocratie.
    La ministre des Affaires étrangères et la ministre du Développement international du Canada ont maintenant toutes deux pris l'engagement établi dans leur lettre de mandat de défendre les valeurs d'une gouvernance inclusive et responsable, notamment par la promotion des droits de la personne, de l'égalité des genres, du renforcement du pouvoir des femmes et des filles, du pluralisme pacifique ainsi que de l'inclusion et du respect pour la diversité.
    En juin 2017, le gouvernement a adopté sa politique d'aide internationale féministe, qui met l'accent sur la gouvernance inclusive centrée sur la démocratie et la participation politique, les droits de la personne et la primauté du droit pour tous les citoyens, peu importe leur identité de genre ou toute autre facette de leur identité. Cette politique souligne l'engagement du gouvernement du Canada à fournir une aide de développement inclusive et fondée sur les droits de la personne, conformément à la recommandation de l'étude du Comité en 2007.
    Affaires mondiales Canada soutient, dans toutes les régions du monde, un large éventail de programmes et d'initiatives visant à favoriser la gouvernance inclusive. En travaillant avec un grand nombre de partenaires, nous mettons à profit l'expertise des ONG canadiennes, des organisations multilatérales et des institutions internationales, de même que l'engagement de la base de la société civile. Ce que nous faisons, et avec qui nous le faisons, dépend beaucoup du contexte local, qui nous oblige souvent à ajuster notre approche et à saisir les occasions qui se présentent.
    Suivant une approche féministe, le gouvernement accorde la priorité au leadership et à la participation politique des femmes. Par exemple, il collabore avec l'Union interparlementaire pour renforcer la prise de décisions des femmes dans les Parlements et augmenter la capacité des parlementaires — femmes et hommes — à adopter des réformes et des lois intégrant les questions de genre.
    En Indonésie et au Kenya, le Canada soutient la participation équitable aux processus électoraux des groupes marginalisés ou vulnérables, y compris les jeunes et les personnes handicapées.

  (0850)  

     De plus, le Canada alloue jusqu'à 24 millions de dollars à l'appui de missions d'observation électorale en Ukraine en prévision des élections présidentielles et parlementaires de 2019, ainsi qu'en soutien à une réforme électorale à plus long terme et durable.

[Traduction]

    De manière générale, sur les 293 millions de dollars qui sont allés, en 2017-2018, aux programmes axés sur la gouvernance inclusive dans des secteurs tels que le gouvernement et la société civile, la démocratie et la participation politiques ainsi que la primauté du droit et les droits de la personne, 170 millions sont allés précisément à la promotion de la démocratie.
    Comme je l'ai dit, les efforts du Canada dans ce domaine ne se bornent pas à l'aide au développement international. Dans le cadre de sa politique étrangère féministe, le Canada a entrepris de renforcer la démocratie et la résilience dans les sociétés pacifiques et inclusives, à l'échelle internationale et grâce à notre travail par notre réseau de missions à l'étranger.
    Dans le G7, le Canada a énergiquement défendu les valeurs démocratiques. En 2018, dans le cadre de sa présidence de l'organisation, nous avons piloté une déclaration commune avec les membres de l'organisation, qui soutenait que la démocratie était essentielle à la défense contre la menace étrangère. Au sommet de Charlevoix, les dirigeants ont annoncé le mécanisme de réponse rapide du G7, qui y renforce la coordination de l'identification des menaces diverses et en évolution constante contre les processus démocratiques du G7 et la réponse à ces menaces. L'unité de coordination réside en permanence au Canada.
    De plus, son vaste réseau de missions diplomatiques permet au Canada de mobiliser les fonctionnaires d'autres États attachés aux mêmes principes et ses partenaires de la société civile pour qu'ils appuient verbalement et concrètement le développement de la démocratie dans ces pays. Selon le contexte, ils pratiquent la diplomatie discrète ou un dialogue plus ouvert et plus public, y compris l'appui aux missions internationales d'observation des élections à l'étranger par, notamment, le déploiement de centaines de Canadiens, ces dernières années, et le coparrainage de résolutions sur les défenseurs des droits de la personne, qui visaient à appuyer leur participation dans les forums internationaux. Nos missions sont également munies de lignes directrices intitulées « Voix à risque », pour appuyer et protéger les défenseurs des droits de la personne.
    Pour conclure, Affaires mondiales Canada applaudit l'intérêt de votre comité à l'égard de ce qui forme, nous en convenons tous, un axe prioritaire important.
    Nous sommes impatients d'entendre vos questions.
    Excellent. Merci beaucoup.
    La députée Alleslev sera la première à vous interroger.
    C'est certainement un sujet important et quelque peu déroutant. Vous dites, si j'ai bien compris, que la démocratie recule.
    Nous continuons d'investir, et notre investissement n'a pas radicalement changé ces 12 dernières années.
    Si nous poursuivons sur cette voie, qu'est-ce qui nous assure que nous aurons un résultat différent? Pouvez-vous expliquer quels sont les indicateurs essentiels du rendement? Comment savons-nous que nos efforts permettent d'atteindre les objectifs?

  (0855)  

    Notre marge de manoeuvre est très délicate. C'est avéré que le développement international est l'un des domaines les plus difficiles du monde pour, toute proportion gardée, vraiment changer quelque chose avec très peu d'argent.
    Il existe des types d'aide au développement où les occasions permettent de comprendre assez directement quel sera le retour sur l'investissement de chaque dollar. Par exemple, dans la vaccination, on a une idée claire des coûts et des résultats, c'est-à-dire une vie sauvée si la personne n'attrape jamais la maladie.
    Ici, nos programmes sont essentiellement différents. Chaque pays possède sa culture, sa compréhension de la gouvernance, et toutes les formes de gouvernance, comme nous le comprenons au Canada, bien sûr...
    C'est bien beau, mais je suis désolée, je n'ai pas beaucoup de temps.
    Bien sûr, nous comprenons les difficultés. C'est la raison pour laquelle nous avons des spécialistes comme vous pour vous en occuper. Nous devons pouvoir dire à la société canadienne que nous faisons bien, mais que nos investissements, nos efforts, atteignent néanmoins leurs objectifs et obtiennent les résultats escomptés.
    Pouvez-vous, s'il vous plaît, expliquer comment nous le mesurons et, si la démocratie recule, que faisons-nous de différent pour atteindre un résultat différent?
    Nous intensifions notamment nos efforts locaux pour une compréhension plus grande, une meilleure inclusion, une participation élargie. Sur certains de nos chantiers, visiblement l'espace démocratique s'est rétréci. Nous essayons de l'ouvrir.
    À cette fin, nous assurons la participation de toutes les communautés aux processus démocratiques. Par exemple, nous appuyons les organismes féminins locaux, à la faveur du programme Voix et leadership des femmes, pour leur permettre de militer pour les droits des femmes, y compris celui de participer à la vie politique. Nous collaborons aussi avec les groupes de LGBTQ, pour les aider à comprendre leurs droits et à les exercer dans le contexte des pays où nous travaillons.
    La question générale du recul de la démocratie se pose visiblement à l'échelle mondiale, relativement à certains des indices de Freedom House et ainsi de suite. C'est un indicateur très difficile à manipuler, parce qu'il est mondial. Dans nos programmes, nous essayons, aux échelons locaux, de collaborer directement avec les gouvernements qui désirent notre collaboration pour renforcer leurs institutions, même judiciaires, ainsi que leurs fonctions d'audit pour essayer de promouvoir une meilleure compréhension de la démocratie.
    Y a-t-il une relation avec les opérations de maintien de la paix et le rôle, pour vous, de jeter les bases de ce qui vous permettrait d'aller là-bas et de faire ce travail? Je n'aime pas l'expression « maintien de la paix », parce que, bien sûr, elle fait un peu vieilli et qu'elle suppose un état de paix et un état de guerre. Avez-vous remarqué si le recul spectaculaire des opérations de maintien de la paix a influé sur ce rétrécissement de l'espace démocratique dans lequel vous essayez de fonctionner?
    Nous avons déjà dit à quel point il était difficile de travailler dans beaucoup des contextes. Dans un État fragilisé, c'est encore plus difficile. La sécurité, manifestement, est la priorité. Il est difficile d'obtenir pour le développement un bon résultat dans un endroit si fragile que la sécurité des citoyens ne se maintient pas et qu'il n'existe pas de stabilité. Le maintien de la paix est d'une importance capitale.
    Cela étant dit, il y a beaucoup d'autres façons, aussi, de contribuer à la stabilité d'un pays. Parfois, la fragilité n'est pas nécessairement imputable, comme vous l'avez dit, à la guerre. Elle pourrait découler de l'environnement ou d'une sécheresse. Visiblement, tous ces facteurs comptent. Ça rend les problèmes d'autant plus complexes.
    Alors, dans votre esprit, vous diriez que les deux doivent aller de pair. La stabilité et la sécurité sont les précurseurs de la capacité d'évoluer dans cet espace démocratique.
    Visiblement et dans toute la mesure du possible, pour toute aide au développement, il faut un climat stable et sûr. Cela étant dit, nous travaillons néanmoins dans des contextes de très grande fragilité. Ça n'empêche pas d'obtenir des résultats; c'est simplement plus difficile et ça exige seulement des méthodes différentes.

  (0900)  

    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    À vous, madame Vandenbeld.
    Merci d'être ici pour une étude très importante, qui arrive à point nommé.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit croire, monsieur MacLennan, que le rapport de 2007 de notre comité, dans lequel était recommandée une entité à grande échelle au Canada pour coordonner et encadrer la promotion de la démocratie, est encore plus près de la vérité aujourd'hui qu'à cette époque. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous le ressentez?
    Je crois avoir dit que la situation d'aujourd'hui, par rapport à celle du début du siècle actuel, qui a conduit à la recommandation de la Chambre des communes, est peut-être... Aujourd'hui, on réclame peut-être plus ces institutions. Je dois admettre que j'ignore si nous avons nécessairement besoin d'une institution nouvelle. Je pense que nous devons réfléchir à l'évolution de la situation. Au début de la période, nous surfions encore ce que nous appelions la troisième vague de démocratisation et nous croyions que tous les pays deviendraient des démocraties. C'est alors que nous avons commencé à recevoir les premiers démentis. Voilà pourquoi vous avez perçu une reconnaissance plus grande du besoin de plus de méthodes politiques, par exemple, le soutien des partis politiques et ainsi de suite.
    Je pense que, aujourd'hui, nous savons que ce qui arrivait dans les années 2000 était vrai. Il est absolument nécessaire de faire évoluer nos méthodes et de vraiment réfléchir de façon cohérente à ce qu'il faut pour y changer quelque chose.
    Visiblement, une présence durable est très importante pour la promotion de la démocratie dans un pays. Beaucoup de pays possèdent des entités spécialisées. Je voudrais définir la démocratie davantage par son développement des institutions: augmentation de la capacité d'adopter des lois, appui aux partis politiques, élections, collaboration avec les institutions. Qu'en est-il de tout ça à Affaires mondiales Canada?
    Il existe quelques postes budgétaires, mais la majorité relève de nos programmes bilatéraux, de nos programmes pour chaque pays dans lesquels chaque projet varie selon le contexte national et local. Certains de nos programmes relèvent aussi de nos opérations de maintien de la paix et de sécurité.
    En 2005, on a créé un conseil pour la démocratie. En fait, il a attiré beaucoup d'ONG et d'autres acteurs du domaine, qui ont voulu essayer de remplir des fonctions de coordination. Est-ce qu'il existe encore? Sinon qu'en est-il advenu?
    À ma connaissance, il n'existe plus. Je suis sûr que ses créateurs sont encore actifs et qu'ils s'intéressent toujours à la question, mais je crois que le conseil ne s'est pas réuni depuis très longtemps.
    Existe-t-il, à Affaires mondiales Canada, un centre, un guichet unique, qui concentre tout le travail du Canada pour la promotion de la démocratie et des institutions, c'est-à-dire où on peut trouver des pratiques exemplaires, un volet stratégique de ces pratiques et un centre de coordination de la construction de capacités et de l'assistance technique? Un tel endroit existe-t-il là, actuellement?
    À Affaires mondiales Canada, l'aide au développement est organisée comme suit: mon équipe est chargée de la prestation de tous les conseils en matière de politiques sectorielles et de coordination sectorielle. Elle est chargée, dans ce cas, de la gouvernance inclusive et de la démocratie.
    Mais les budgets existent pour ça dans les programmes bilatéraux, en fonction des occasions qui se présentent. En fonction des politiques du moment, on les institue jusqu'au niveau des choix de programme, compte tenu du contexte de chaque pays.
    Vous avez dit que 170 millions de dollars étaient précisément affectés à la promotion de la démocratie, mais nous savons, bien sûr, que cette promotion, manifestement, englobe beaucoup de choses, par exemple la société civile et ce genre de notion. Quelle est la proportion de ce montant qui est effectivement consacrée à la création d'institutions?
    Difficile à dire. Nous devrons peut-être nous renseigner pour savoir si nous pouvons répondre.
    Essentiellement, le plus gros des deux chiffres que j'ai cités concerne la gouvernance inclusive, qui englobe diverses notions. Par exemple, l'appui à un bureau d'audit dans un pays, peut-être dans son ministère de l'agriculture, n'est pas considéré comme la promotion de la démocratie, mais c'est une activité favorisant la gouvernance.
    Les particularités de la promotion de la démocratie ont des points communs avec certaines des notions dont vous parlez, par exemple les assemblées législatives, les parlements, les élections et ainsi de suite. Est-ce que, dans tous les cas, c'est de la création d'institutions? Pas nécessairement, mais je pense que vous faisiez allusion au petit chiffre.

  (0905)  

    Il n'y a donc vraiment pas...
    Ce n'est pas une enveloppe réservée, et il importe de le reconnaître. Au lieu d'une telle enveloppe, les programmes bilatéraux et d'autres programmes permettent de profiter des occasions qui se présentent. Voilà qui explique la fluctuation des montants, d'un exercice à l'autre.
    Concernant les leçons qu'on tire de nos expériences, quand on a recours à des programmes bilatéraux, il y a souvent du cloisonnement, bien sûr. Il y a des experts dans un pays ou une région en particulier. Qui assure la coordination, qui évalue les résultats pour en tirer des leçons et en retenir des pratiques exemplaires? Où se fait cette réflexion?
    Dans mon équipe.
    D'accord. Le faites-vous en ce moment?
    Nous savons que les Canadiens qui interviennent un peu partout dans le monde... Le Canada est particulièrement bon pour ce type de travail.
    M. Christopher MacLennan: Oui.
     Mme Anita Vandenbeld: La plupart des grandes organisations internationales, comme le PNUD, l'OSCE, de même que bien des pays, comme les Pays-Bas et les États-Unis, embauchent des Canadiens, mais une grande partie du savoir et du travail se situe à l'extérieur du Canada. Y a-t-il un mécanisme quelconque qui permette à Affaires mondiales d'effectuer une certaine coordination?
    Il y a notamment beaucoup de membres des communautés diasporiques qui vont participer à la construction de la démocratie dans leur pays d'origine. Rassemblons-nous ces connaissances quelque part? Assurons-nous une coordination pour pouvoir nous inspirer des pratiques exemplaires? C'est bon pour le Canada aussi, parce que nous pouvons ainsi en apprendre beaucoup sur ce qui se passe sur le terrain dans ces pays.
    À l'heure actuelle, nous ne tenons pas de registre des Canadiens qui travaillent au sein d'autres organisations d'avancement de la démocratie, par exemple. Cela dit, nous savons pertinemment quelles organisations canadiennes sont actives dans ce domaine, et nous travaillons souvent avec elles. Par exemple, il y a le Forum des fédérations. Nous travaillons avec lui à la promotion de modèles fédéralistes de gouvernance et de démocratie, comme nous travaillons avec CANADEM. Nous collaborons activement avec les organisations canadiennes, mais non, nous ne tenons pas de registre des Canadiens qui travaillent à l'étranger.
    Merci beaucoup.
    Madame Laverdière, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur MacLennan, madame Whiting, je vous remercie d'être avec nous ce matin.
    D'abord, j'aimerais faire un premier commentaire. Vous mentionniez le recul de la démocratie aux quatre coins du monde, mais ce n'est pas exclusif aux pays en développement. Pensons, par exemple, à la Pologne, à la Turquie et même à nos voisins au sud, pas très loin d'ici. Je reviens un peu sur le point qui a été abordé, c'est-à-dire que cela touche exclusivement les pays en développement et que, par conséquent, nos politiques auraient été un échec.
    Peut-on dire aussi que c'est un recul généralisé et non particulier aux pays en développement?
    C'est une très bonne question pour les théoriciens. Je n'en suis pas un.
    Il s'agit effectivement d'un phénomène qui, en ce moment, n'est pas uniquement répandu dans les pays en développement. En revanche, je crois qu'il y a une grande différence entre les démocraties qui sont bien établies et celles qui le sont moins, en ce qui a trait à leur capacité de résister aux changements. Dans certains pays en développement, là où la démocratie pas nécessairement enracinée très profondément, on voit que c'est plus difficile.
    Il y a bien sûr des craintes et des inquiétudes concernant certains pays comme la Hongrie et la Pologne, dont on parle maintenant comme des démocraties non libérales, c'est-à-dire des pays où l'on veut continuer à tenir des élections et à respecter certains aspects de la démocratie, mais à en éliminer certains autres. On espère que ces démocraties sont assez bien ancrées pour résister à ce phénomène, mais cela reste à voir.
     D'accord.
    Vous avez aussi parlé de l'appui aux organismes de femmes sur le terrain, des organismes locaux. Je me souviens avoir vu il y a quelques années le chiffre suivant: 0,03 % de notre enveloppe consacrée au développement international allait aux organismes locaux de femmes.
    Ce pourcentage est-il encore du même ordre ou y a-t-il eu une amélioration?
    Il y a une amélioration assez importante. Le gouvernement a déjà annoncé la création du programme Voix et leadership des femmes. Il s'agit d'un programme de 150 millions de dollars sur cinq ans pour aider les organisations locales à soutenir les droits des femmes et l'égalité des genres.
    L'an passé, Mme Bibeau, la ministre du Développement international, a annoncé la création d'un nouveau fonds pour l'égalité des genres, qui a aussi pour but de trouver des processus ou des façons d'acheminer plus d'argent aux organisations locales. C'est quand même une annonce de 300 millions de dollars canadiens, en partenariat avec le secteur privé.

  (0910)  

    A-t-on une idée du montant total que représentent toutes ces annonces dans l'enveloppe globale?
    Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais nous pourrons les trouver et vous les faire parvenir.
    Ce serait apprécié.
    J'aimerais maintenant revenir sur un aspect qui a déjà été abordé. Beaucoup d'institutions canadiennes travaillent dans le dossier du développement démocratique, notamment votre ministère, le Centre de recherches pour le développement international, le Centre parlementaire, le Conseil canadien pour la coopération internationale et le Forum des fédérations.
    Je ne suis pas de ceux qui croient que, si on bâtissait une espèce de nouvelle superstructure qui rassemblait tout cela, on serait plus efficace. Je pense que l'approche diversifiée est préférable.
    Y a-t-il des lacunes? Y a-t-il un aspect de l'enjeu qui n'est pas suffisamment couvert par toutes ces institutions?
     L'aide au développement démocratique diffère beaucoup des autres secteurs parce qu'elle met en jeu des aspects politiques. Dans le cadre de nos relations bilatérales, il est très facile pour un ministère d'offrir du soutien à un pays en développement, que ce soit pour mettre sur pied des bureaux de vérification ou pour lui fournir de l'aide à la formation de juges. Ce qui est beaucoup plus difficile, cependant, c'est d'offrir des choses hautement politiques, par exemple du soutien à des partis d'opposition et à des organisations. Cela a d'ailleurs été reconnu dans le rapport de 2007, je crois. C'est un autre chemin, quand il s'agit de toucher à des choses beaucoup plus politiques. Le fait d'offrir de l'aide politique peut même mettre en danger nos partenaires qui se trouvent dans les pays où il y a une résistance à ce type d'aide.
    C'est un enjeu pour tous les pays donateurs. On se demande comment offrir des services de manière à ce que ce soit bien reçu. On se demande comment s'y prendre pour inciter un pays qui n'est peut-être pas dans la bonne voie en ce moment à faire les choses autrement. C'est là que cela devient plus difficile.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Sidhu, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous deux d'être devant le Comité ce matin.
    Vous avez mentionné l'étude très approfondie réalisée en 2007, dont le rapport compte environ 224 pages et contient 28 recommandations. L'un des thèmes centraux du Comité était que le Canada devienne un grand acteur du développement démocratique. Vous avez souligné que dernièrement, il accorde une importance particulière à l'égalité des sexes et à la réalité des personnes LGBTQ.
    Voici ma question: cette étude-ci nous permettra-t-elle vraiment de faire d'autres propositions au gouvernement, est-il encore opportun de vouloir lui indiquer l'orientation à prendre? Vous avez mentionné que nous avons mis assez d'argent de côté. Quel est le but de cette étude? Nous tiendrons quatre réunions avec des gens comme vous, qui viendront nous parler. Quelle sera la nouvelle recommandation qui s'ajoutera à celles de l'étude approfondie de 2007? Le Comité s'est déjà rendu dans divers pays du monde, aussi, donc cela a été fait. Que pouvons-nous ajouter? Nous reste-t-il de la place pour dire au gouvernement quoi faire?
    De la place? Je pense que l'étude réalisée en 2007 est très pertinente, et comme vous l'avez mentionné, elle est très approfondie et demeure très utile. Je pense que vous pouvez encore nous donner des conseils utiles parce que vous comprenez bien mieux aujourd'hui comment la situation a changé depuis. Je sais que vous allez entendre des témoignages d'acteurs de ce domaine et d'autres, qui vous aideront sûrement beaucoup à comprendre que les recommandations faites par le Comité à l'époque étaient parfaitement logiques à ce moment-là. S'agit-il toujours des bonnes recommandations à suivre dans le contexte actuel? Y a-t-il lieu d'augmenter ou de diminuer notre financement en la matière? Est-ce vraiment la meilleure façon pour le Canada d'exercer son influence?
    Ce genre de conseil est toujours le bienvenu dans un ministère.

  (0915)  

    Le monde change, et comme vous l'avez dit, même en 2007, le Comité estimait qu'il serait très difficile d'évaluer l'efficacité du développement. Pouvez-vous décrire des projets où le gouvernement canadien s'en est particulièrement bien tiré à cet égard?
    Je peux vous donner une idée de ce que nous faisons, mais vous mettez le doigt sur l'un des éléments les plus difficiles.
    Les projets où il est le plus facile de mesurer les résultats sont ceux... Si l'on compare un projet de nature exclusivement développementale — par exemple, un projet visant à appuyer la fonction de vérification, à habiliter un bureau de vérification à mener des audits — avec un projet visant à ouvrir l'espace politique grâce à une intervention auprès des dissidents, un travail très politique, il sera beaucoup plus facile de mesurer les résultats à court terme du projet de développement. Nous avons ouvert un bureau. Nous avons contribué à former des gens compétents. Nous avons veillé à ce qu'ils aient tous les outils nécessaires pour pouvoir mener des audits dans un ministère donné.
    Quand on appuie des dissidents, à l'autre bout du spectre, il est difficile ne serait-ce que de déterminer quelles sont les mesures appropriées. On peut les aider à mieux comprendre comment utiliser les médias sociaux ou leur présenter les options qui s'offrent à eux, que d'autres ont utilisées pour ouvrir l'espace politique dans d'autres pays non démocratiques, mais les résultats n'en seront pas visibles en un an. C'est peut-être plus de 10 ans plus tard qu'on en verra les résultats, donc cela prend du temps.
    Notre aptitude à mesurer ce genre de chose est très limitée, d'où l'importance de votre question précédente, selon moi. Des études récentes montrent que la volonté d'obtenir des résultats mesurables a fait beaucoup augmenter les dépenses en développement au détriment des dépenses dans ce type d'intervention. C'est ce qu'on appelle de l'aide démocratique structurée ou non.
    Si vous nous forcez à nous consacrer à des projets strictement de développement, vous obtiendrez des résultats plus faciles à expliquer, mais il semble y avoir une tendance actuellement — et c'est vrai partout dans le domaine — à se désinvestir des enjeux les plus hautement politiques, pour lesquels il est plus difficile d'obtenir des résultats tangibles.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Wrzesnewskyj.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur MacLennan, vous avez commencé votre exposé en parlant du recul de la démocratie, puis vous vous êtes expliqué un peu en disant que nous étions toujours dans l'euphorie de la troisième vague de démocratisation qui a suivi l'effondrement de l'Union soviétique du Pacte de Varsovie, mais que si nous analysions la situation plus attentivement, nous pourrions nous rendre compte du fait que la démocratie et son avancement étaient déjà attaqués à ce moment-là. Nous sommes toujours à cette époque, nous avons toujours l'arrogance de croire que c'est la fin de l'histoire, comme beaucoup de professeurs le disent en Occident.
    Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que l'un des premiers signaux très clairs, en Occident, que la démocratie et cette forme de gouvernance étaient attaquées a été la révolution orange de 2004? Quelque 50 millions de personnes se sont révoltées dans un pays parce qu'elles voyaient leurs aspirations démocratiques torpillées de façon très méthodique par ceux qui souhaitaient mettre en place un autre modèle de développement, de progrès économique, un régime autocratique. Si nous avions analysé la chose plus attentivement, nous aurions vu que quelque chose prenait forme à ce moment-là.
    Seriez-vous d'accord avec cette prémisse?

  (0920)  

    Ce n'est pas faux. J'irais même un peu plus loin.
    Dans The End of History?, Francis Fukuyama décrit cette période sous un angle très intéressant et il a plutôt raison sur la fin de l'histoire: il n'y avait pas d'autre option que de se donner au moins l'apparence d'une démocratie.
    Je pense qu'il y a deux choses qui se sont passées après la chute de l'Union soviétique. D'abord, nous avons sous-estimé l'importance du nationalisme et le fait que le nationalisme est un élément de base de la façon dont les démocraties se voient et de la souveraineté populaire. Nous ne voyions pas cet aspect important pourtant manifeste de la démocratie; c'est ce qui explique ce qui s'est passé en Yougoslavie au début des années 1990.
    Ensuite, je pense que nous n'étions pas vraiment prêts à voir des pays prendre l'apparence d'une démocratie, pour ensuite pervertir certains éléments de base de la démocratie et de la compréhension que nous en avions d'une façon que nous n'avions pas prévue. Certes, il y avait toujours des élections et des parlements dans ces pays, mais ils ne respectaient pas la primauté du droit et fermaient les espaces démocratiques.
    Aujourd'hui, à l'ère des médias sociaux, qui sont l'un des facteurs déterminants de notre époque, c'est encore plus exacerbé, et il est encore plus facile de pervertir tous les jours les espaces démocratiques si essentiels pour exiger une reddition de comptes des parlementaires.
    Vous avez affirmé une autre chose à laquelle j'aimerais revenir, c'est-à-dire que le financement de la promotion de la démocratie est modeste, en fait. Compte tenu des moyens modestes à notre disposition et du caractère unique du Canada — et le mot « unique » est surutilisé, souvent mal, d'ailleurs... Le Canada est unique. Nous sommes un pays multiculturel. Nous ne sommes pas un creuset. Il y a d'autres pays aussi qui ont été construits grâce à l'immigration.
    Compte tenu de la taille de notre population, les Canadiens, plus que la plupart des autres, font un travail incroyable dans le monde.
    J'aimerais toutefois revenir à 2004, parce que nous avons alors fait une chose qu'aucun autre pays n'avait faite avant. À l'époque, nous avons déployé directement 500 Canadiens, dûment sélectionnés pour leur neutralité quant aux processus électoraux en Ukraine. Nous avons ainsi réussi à voir des choses que les missions d'observation ordinaires... Ce n'était pas qu'une question de nombre. Nous n'avons pas eu besoin d'interprètes. Avec nos ressources modestes, nous avons réussi à accomplir énormément de travail et à comprendre la culture. Les Canadiens savaient ce qu'ils cherchaient, ils savaient lire les gens. Bien souvent, dans ce genre de pays, les interprètes et les chauffeurs travaillent en fait pour des forces qui ne sont peut-être pas toujours des amies de la démocratie.
    Je le mentionne parce que... Après cette grande mission d'observation, avons-nous évalué si notre travail était un succès ou un échec? Seriez-vous prêt à vous engager à transmettre cette évaluation au Comité?
    Je ne saurais vous dire s'il y a eu une évaluation après les événements de 2004, mais je peux vous garantir que nous vérifierons. S'il y en a eu une, nous vous la soumettrons.
    J'aimerais seulement mentionner que je suis d'accord avec vous. Il y a effectivement un modèle canadien. Nous faisons tous partie de ce modèle et nous en sommes tous le produit. Je peux vous dire que quand nous interagissons avec nos partenaires des pays en développement, beaucoup d'aspects du modèle canadien suscitent leur intérêt. Le fédéralisme en est un. Il ne faut pas sous-estimer l'importance du fédéralisme dans la gestion des conflits nationaux, des conflits avec les minorités religieuses ou parfois juste des grandes divergences d'une région à une autre.
    Il y a beaucoup d'endroits où les gens réclament une voix canadienne, pour diverses raisons. Nous ne sommes pas un pays impérialiste; nous n'avons jamais eu d'empire. Cela semble un peu cliché, mais la vérité, c'est que nous l'entendons constamment de la bouche de nos partenaires.

  (0925)  

    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    J'aimerais pouvoir poser une dernière question, rapidement. En quelle année le Corps canadien a-t-il été démantelé et pour quelles raisons?
    Je suis désolée, monsieur le président. Il devra attendre le prochain tour.
    C'est bon.
    Monsieur Ziad Aboultaif, allez-y, s'il vous plaît.
    Bonjour. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    Nous savons que la démocratie ne s'enseigne pas, qu'elle se vit. Il faut tellement de sacrifices et d'années de développement pour qu'une société en arrive à l'adopter. Nous savons aussi que seulement quatre pour cent et demi de la population mondiale, environ, vit dans une pleine démocratie, alors que les 95 % qui restent ont vraiment du mal à y arriver. Nous semblons assister à un retour des anciens régimes de certains empires très puissants pour imposer leurs moeurs et coutumes.
    À part cela, nous avons les plans, l'argent et le savoir-faire nécessaires pour faire la promotion de nos démocraties, mais dans de grandes parties du monde, presque partout, nous assistons à un retour de ce que je n'appellerai pas l'ennemi, mais d'une autre opinion, affirmée avec plus de vigueur que jamais. Nous avons l'argent et le pouvoir, mais il y a ici deux batailles à mener et non une seule.
    Cela me fait penser aux ODD de l'ONU. Il y a environ quatre ou cinq éléments du seizième objectif qui concernent particulièrement le Canada, soit les numéros 16.3, 16.5, 16.7 et 16.8. Voici ma question: compte tenu de toutes les mesures que nous prenons, de tout ce que nous essayons d'améliorer et des millions de dollars dont nous privons notre propre société pour venir en aide aux autres démocraties ou pays du monde, comment votre ministère arrive-t-il à mesurer l'efficacité de ce que nous faisons? Il faut rendre des comptes aux Canadiens et leur dire comment nous dépensons cet argent, puisqu'il s'agit de centaines de millions de dollars. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas vraiment de réponse ou pas assez pour leur expliquer l'efficacité de nos actions. À quel point peut-on dire que nous avons réussi une percée en Indonésie, au Kenya, en RDC, dans la région des Amériques ou ailleurs?
    Concernant ces mesures, il est très important que notre comité sache comment votre ministère arrive à attester de son succès ou à nous dire à quel point nous progressons.
    Pour chaque projet, il y a une série d'indicateurs et de résultats escomptés. En ce moment, nous menons un projet d'aide aux processus électoraux en Indonésie parce qu'il y a des élections qui s'en viennent là-bas. L'objectif est d'aider l'Indonésie non seulement à gérer ses élections, mais aussi à éviter la violence et à faire augmenter le taux de participation.
    Il y aura des indicateurs de base associés à ce projet, qui seront conformes au cadre des résultats du ministère. Il y aura ensuite un rapport public déposé au Parlement sur ce que nous avons accompli. Évidemment, il comprendra une synthèse de ce qu'on trouve dans le cadre des résultats du ministère et portera non seulement sur ce projet, mais sur tous nos autres projets d'aide à la démocratie.
    Au sujet des documents officiels, il est bon d'avoir des mécanismes en place pour suivre nos progrès et d'avoir des paramètres de base, au moins, pour évaluer ce que nous pourrons faire ensuite.
    Or, comme vous le savez, les gouvernements passent, mais les ministères restent. Quand un ministère n’a-t-il jamais avoué un échec? Quand a-t-on vu écrit dans un rapport: « Nous avons raté notre coup. Ce n'est pas bon. Cela ne répond pas aux attentes, donc voyons si nous pouvons éliminer ce programme, en recommander l'élimination, le modifier ou au moins changer notre façon d'évaluer ce que nous voulons faire à partir de maintenant. »
    Les dirigeants d'un ministère diront-ils jamais « c'est le temps d'oublier cela et d'essayer autre chose »?
    Je pense qu'on peut le déduire des mesures précises auxquelles les gouvernements décident d'accorder la priorité et de la façon dont ils dépensent leur budget d'aide au développement. L'un des principaux besoins que le gouvernement actuel a relevés concerne la santé reproductive sexuelle et les droits qui y sont associés, où il y avait des manques énormes. Il juge ces questions fondamentales pour améliorer la situation des femmes dans les pays en développement et leur permettre de participer non seulement à la vie économique, mais aussi à la vie politique et pour promouvoir la démocratie.
    C'est l'un des enjeux sur lesquels le gouvernement a vu un manque clair et un besoin de financement accru. C'est une façon de dire que nous devons mettre plus l'accent là-dessus que nous ne l'avons fait par le passé.

  (0930)  

    Les priorités qu'a fixées ce gouvernement se fondent-elles sur les recommandations du ministère ou viennent-elles de ses propres positions sur ce qui sera le plus efficace?
    Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
    C'est toujours la même chose. La fonction publique prodigue les meilleurs conseils possible au gouvernement. Celui-ci voit ensuite comment ils s'intègrent à sa plateforme et à ses choix. Ce sont donc les deux éléments qui orientent la décision d'un gouvernement.
    Pour conclure, vous faites des recommandations, puis vous attendez que les politiciens prennent une décision, c'est bien cela?
    Nous prodiguons des conseils au niveau politique.
    Il revient ensuite aux politiciens de prendre des décisions.
    Merci.
    Merci infiniment.
    Nous passons maintenant à M. Graham, s'il vous plaît.
    Nous avons entendu les députés de l'autre côté s'inquiéter de ce qu'on peut appeler le rendement de nos investissements.
    Avons-nous le moyen d'évaluer ce que dépensent nos adversaires pour miner la démocratie?
    C'est une très bonne question.
    Je pense qu'en gros, la réponse est non. C'est très difficile à savoir. C'est évidemment une chose qui évolue chaque année, parallèlement à la technologie et aux enjeux.
    Pouvons-nous observer des tendances qui montreraient qu'ils investissent plus là-dedans qu'ils ne le faisaient il y a 20 ans?
    Je ne le sais pas. Je présume que oui, mais je ne le sais pas.
    Nous n'avons aucune façon de le quantifier.
    Quand nous parlons de nos investissements, nous n'avons aucun moyen de les comparer aux dépenses de nos adversaires. Nous ne pouvons pas les comparer.
    C'est juste.
    Quels sont les risques que nous devenions isolés et que nous ne dépensions pas assez en sensibilisation?
    Je pense que le risque pour le Canada, c'est évidemment que nous sommes pleinement conscients du fait qu'il y a des acteurs dans le monde qui cherchent activement à nuire aux processus démocratiques, y compris dans notre propre pays. Nous l'avions vu dans les nouvelles ces dernières semaines. C'est une préoccupation pour les Canadiens comme pour bien d'autres.
    Le mécanisme de réponse rapide du G7 est probablement le meilleur exemple du fait que tous les pays du G7 prennent cette question très au sérieux et cherchent à contrer l'offensive le mieux possible.
    Si, par exemple, la République populaire démocratique de la Corée annonçait qu'elle compte investir dans la démocratie au Canada, comment réagirions-nous?
    Autrement dit...
    Surpris serait probablement le mot...
    Elle se targue pourtant d'être une république démocratique.
    Comment définissons-nous la démocratie quand nous en faisons la promotion ou aux fins de cette étude?
    Aux fins de cette étude, il n'y a évidemment pas une seule définition de la démocratie. Pour nous, elle comprend un certain nombre d'éléments de base.
    La démocratie est une forme de souveraineté du peuple, qui se fonde sur une compréhension large de la citoyenneté. Il y a une base constitutionnelle. Il y a aussi la primauté du droit qui détermine comment les choses se passent et comment les processus démocratiques s'articulent. La démocratie comprend aussi une presse ouverte et libre, de même que des mécanismes de reddition de comptes ouverts et libres pour que les gouvernements soient tenus responsables de leurs actions.
    Très bien.
    J'ai une note, ici, qui indique que nous consacrons 12 millions de dollars à la Fondation internationale pour les systèmes électoraux, 8,2 millions à la Fondation internationale pour les systèmes électoraux et 5,7 millions à des projets du National Democratic Institute. Ce sont tous des organismes américains.
    Existe-t-il des organismes équivalents au Canada ou sont-ils tous centralisés de cette façon?
    Ils ne sont pas centralisés. Le Canada compte des organismes également. Il y a le Forum des fédérations et CANADEM, qui fait de l'observation électorale. En fait, la liste des organismes canadiens est longue, en particulier dans le domaine de la justice et son renforcement. Un organisme de la Colombie-Britannique est responsable...
    Je vais céder le temps qu'il me reste à M. Wrzesnewskyj.
    Merci, monsieur Graham.
    J'aimerais revenir sur la question des modèles de rechange offerts dans d'autres pays, des modèles de gouvernance différents. Nous voyons que les Chinois sont très actifs. Ils ont augmenté leurs activités. Ils ont un programme de développement dans bon nombre de pays qui sont dans une période de changements importants.
    Faisons-nous un suivi de quelque manière...? Cela nous ramène à la question de M. Graham. Surveillons-nous ces autres acteurs, qu'il s'agisse de la Chine ou de la Russie, c'est-à-dire leur façon d'intervenir et ce qui en résulte quant au progrès ou au recul de la démocratie? Suivons-nous cela?

  (0935)  

    Je ne sais pas si je dirais que nous le faisons, car parfois, c'est très intangible. Il ne s'agit pas toujours d'un lien direct entre les actions et les pays dans lesquels elles sont menées.
    Nous sommes bien conscients... et cela nous ramène à ce qu'on disait dans les années 1990 et aux notions de la fin de l'histoire. Depuis essentiellement les années 1990, ou peut-être depuis 2001, lorsqu'elle est devenue membre de l'OMC, la Chine fournit un modèle de rechange à de nombreux pays en développement pour réduire la pauvreté et créer de la croissance économique. Bon nombre de pays en développement considèrent que ce modèle les aidera non seulement à réduire la pauvreté, mais aussi à garder le contrôle dans leur société.
     Récemment, l'ambassadeur chinois au Canada a écrit une lettre d'opinion dans laquelle il a utilisé une phraséologie que nous commençons à voir apparaître dans d'autres pays en développement: « égotisme occidental » et « suprématie blanche ». On parle presque ici de mots-codes. « Égotisme occidental » signifie qu'on part du principe que les droits démocratiques et les droits de la personne sont innés, et « suprématie blanche » signifie que l'ordre international fondé sur des règles que nous avons créé après la Seconde Guerre mondiale était en réalité un système de suprématie blanche.
     Voulez-vous nous donner votre point de vue là-dessus?
    Dans le domaine de l'aide démocratique, nous sommes bien conscients du fait que chaque endroit où nous travaillons a sa propre culture et sa propre approche de gouvernance, ce qu'il faut respecter. Il n'y a pas qu'une seule façon de bâtir une démocratie. Notre démocratie est bien différente de celle de nos voisins du Sud.
    Peu importe le pays dans lequel nous travaillons, nous comprendrons toujours qu'il y a des principes et des éléments centraux à notre conception de la démocratie, et nous croyons qu'ils sont universels. Nous ne sommes pas d'avis que la démocratie n'existe que pour les Occidentaux. Nous pensons qu'en fait, il y a des façons d'adapter les principes démocratiques de base aux cultures locales dans lesquelles nous travaillons. Il existe des points de vue différents dans le monde, et c'est exactement ce que nous essayons de contrer.
    Merci beaucoup.
    Nous allons conclure avec une brève question de la députée Laverdière.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question sera brève. Que se passe-t-il au sujet de CANADEM? Je pense que la nature de la relation entre le gouvernement et CANADEM a changé. J'aimerais que vous nous en parliez et que vous nous communiquiez les raisons de ce changement.
    Je suis désolé, mais je n'ai pas nécessairement de réponse à votre question. Je ne suis pas sûr de bien comprendre.
    D'accord, je vous remercie.

[Traduction]

    Je vous remercie tous les deux d'avoir comparu devant nous ce matin et d'avoir lancé notre étude avec des discussions fort intéressantes.
    Chers collègues, je vais suspendre la séance pour quelques minutes afin que nous accueillions nos prochains témoins qui comparaîtront par vidéoconférence.

  (0935)  


  (0940)  

    Nous sommes très heureux d'accueillir deux témoins qui comparaissent par vidéoconférence de Washington, D.C.
    Nous accueillons M. Derek Mitchell, président du National Democratic Institute. Il est devenu président de cet organisme en 2018. Il a été ambassadeur des États-Unis au Myanmar, de 2012 à 2016. Auparavant, et il a exercé les fonctions de secrétaire adjoint principal à la Défense de 2001 à 2009 et de chercheur principal sur l'Asie au Center for Strategic and International Studies.
    Nous accueillons également M. Daniel Twining, président de l'International Republican Institute. Il a été nommé à la présidence de cet organisme en septembre 2017, après avoir été conseiller et directeur du programme de l'Asie du German Marshall Fund des États-Unis. Auparavant, il a fait partie de l’équipe de la planification des politiques du secrétaire d’État des États-Unis et a été conseiller à la politique étrangère auprès du sénateur américain John McCain. M. Twining est titulaire d’un doctorat en philosophie de l’Université d’Oxford, où il était boursier Fulbright/Oxford.
    Bienvenue, messieurs.
    Monsieur Mitchell, puisque vous comparaissez par vidéoconférence, vous serez le premier. J'ajouterais que vous avez probablement évité d'affronter du temps très froid qu'on prévoie plus tard aujourd'hui, et c'était probablement une sage décision de votre part de vous rendre là où êtes aujourd'hui. Je vous invite à commencer votre déclaration préliminaire de 10 minutes. Nous entendrons celle de M. Twining par la suite, et je suis sûr que les membres du Comité auront beaucoup de questions à vous poser.
    Veuillez commencer s'il vous plaît, monsieur.
     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Il y a un dégel en quelque sorte ici, à Washington, et c'est bien de sortir du vortex polaire pendant quelques jours.
    Je suis désolé de ne pas pouvoir être des vôtres ce matin, mais je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous parler de ce sujet.
    Je veux tout d'abord expliquer brièvement le contexte historique. Je considère que nos efforts de soutien à la démocratie comportent trois phases. Bon nombre d'entre vous savent qu'aux États-Unis, le National Democratic Institute, l'International Republican Institute et le National Endowment for Democracy ont tous été créés sous le gouvernement Reagan durant un discours que le président a prononcé au Parlement de Westminster en 1982. C'était la première phase du soutien à la démocratie. C'était à l'époque du communisme, pendant la guerre froide, et il y avait une forte orientation idéologique, mais tout ce domaine du soutien à la démocratie n'avait vraiment pas été défini de façon précise. Nos instituts font partie des acteurs qui ont vraiment essayé de le faire il y a 35 ans.
    La deuxième phase est arrivée avec la fin de la guerre froide, comme on l'a mentionné précédemment, la phase de la fin de l'histoire, moment où, semblait-il, la vague était imminente et, d'un point de vue historique, le triomphe de la démocratie était inévitable. Nous estimions qu'il s'agissait simplement de travailler à l'aide de processus et d'institutions démocratiques et avec des gens de partout dans le monde et de laisser cela mijoter pendant une ou deux générations, et les choses se produiraient naturellement. Ce caractère inévitable faisait partie intégrante de notre programme. Nous croyions que l'expansion de la démocratie, que la troisième vague de démocratisation, était en train de prendre son envol très facilement pour 15 ou 20 ans.
    Je crois que nous en sommes maintenant à une époque complètement différente, à un moment où l'on assiste à la vengeance des autocrates. Ceux qui ont une conception différente de la façon dont leur société devrait fonctionner, et les pays autoritaires qui voyaient l'expansion de la démocratie comme un problème pour eux et comme une menace en quelque sorte à leur existence, ont trouvé un moyen d'apprendre et de résister. Ils ont profité de la grogne populaire; on s'attendait fortement à ce que peut-être la démocratie... Dans certaines sociétés, on a cru qu'avec la démocratisation, ce serait facile. On deviendrait riches et puissants comme les pays occidentaux.
    Il était évident que les choses ne seraient pas aussi simples; ce ne serait pas aussi facile ou rapide. Les inégalités économiques sont apparues. Il y a la corruption. Nous avons constaté que les mentalités changeaient plus lentement que les institutions et les processus. Il y a des gens aux vieilles mentalités qui prenaient les commandes, qui utilisaient les processus et peut-être créaient certaines des institutions, sans nécessairement favoriser l'enracinement de la mentalité démocratique en développement. Il y avait des environnements corrompus qui ont excédé des gens, qui les ont associés à la démocratie.
    Il y avait également des démagogues qui jouaient la carte de la peur, ce qui peut se produire dans n'importe quel pays, n'importe quelle démocratie. Nous constatons que dans bien des pays, au chapitre de la politique identitaire et de l'immigration, l'accent est mis sur l'autre. L'impression générale que la démocratie ne livre pas la marchandise est devenue un enjeu décisif pour bon nombre de démocraties, même celles que nous croyions inébranlables, même nos propres démocraties. Cela créait de vives réactions, un recul.
    Un autre phénomène qui était imprévisible dans tout cela, c'est l'essor des technologies numériques, de la Silicon Valley et des plateformes de médias sociaux qui ont été utilisées par ceux qui voulaient miner l'unité et la démocratie; fournir des plateformes favorisant la haine et la division; et créer de l'incertitude et jouer avec les tribunes démocratiques. Les gens ont tardé à se rendre compte à quel point cela peut nuire à la démocratie.
    Nous avons appris beaucoup de leçons. Nos différents organismes les ont apprises, et j'ai déjà mentionné bon nombre d'entre elles: il n'est pas facile de créer une culture démocratique; il faut du temps et c'est aussi important que les institutions et les processus; nous devons créer une culture, et la culture et les mentalités changent beaucoup plus lentement; nous devons être patients et travailler fort à cet égard; la démocratie doit livrer la marchandise; et les inégalités économiques, la corruption, la peur et l'insécurité nuisent à la démocratie.

  (0945)  

     Nous devons être vigilants sur ce plan. Comme Madeleine Albright se plaît à le dire, les gens aiment voter, mais ils aiment aussi manger, et je pense qu'ils ont besoin de sentir que le gouvernement travaille pour eux.
    Je crois que ce que nous avons fait, toutefois, c'est offrir de la résilience que des réseaux internationaux comme le National Democratic Institute, l'International Republican Institute et d'autres ont développée. Ils fonctionnent, en fait, et nous voyons de la résistance dans bon nombre de pays avec les attentes envers le processus démocratique. Même si la démocratie connaît un recul, en fait, l'attente quant à un processus démocratique existe et il y a des réseaux résilients que nous pouvons utiliser.
    Nous devons travailler à la technologie. Nous ne comprenons pas vite que les répercussions de la technologie constituent une leçon.
    Il nous faut également tenir compte du caractère inclusif. La démocratie et les sociétés démocratiques doivent être complètement inclusives. Comme le dit la secrétaire Albright, notre présidente, on ne peut bâtir la démocratie sans les femmes. Nous avons constaté à maintes reprises que lorsque des femmes s'engagent en politique, la démocratie est plus résiliente, le développement est plus durable, le compromis est plus probable et les processus de paix sont plus durables. De plus, tous les groupes de la société doivent faire partie de la démocratie — jeunes, minorités ethniques et religieuses, personnes LGBTI et personnes handicapées.
    Sans ce caractère inclusif, il manque les fondements de la démocratie, et je dois dire — et j'espère que cela n'a pas un caractère partisan — qu'aux États-Unis, la démocratie l'emportera, à mon avis. Les femmes, les personnes de couleur et d'autres qui luttent pour la démocratie aux États-Unis sont en train de nous sauver. Je crois qu'il s'agit de notre atout et que d'autres pays pourront en tirer des leçons. Nous devons axer nos efforts là-dessus.
    Je pense que nous sommes dans une période cruciale. Il s'agit d'un moment critique. À mon avis, c'est en fait l'enjeu déterminant de notre époque. Quand on pense à la sécurité nationale et au bien-être national, quelles sont les valeurs, les normes et les règles fondamentales du système international au XXIe siècle? Comment les définirons-nous?
    On a dit durant la première partie de la réunion que la Chine parle de suprémacistes blancs ou d'égotisme occidental. En fait, ce que nous avions créé au siècle précédent avait fonctionné pour tout le monde. Cela avait en fait lié les mains de l'Occident pour favoriser la croissance de chacun. Nous avons assisté à un développement remarquable dans le monde au cours des 50 dernières années, même en Chine et dans d'autres nations sous-développées.
    Cela fonctionne. La démocratie fonctionne. La liberté fonctionne. Or, maintenant, le système et les règles, les valeurs et les normes font face à des défis qui, je crois, auront des répercussions sur notre propre sécurité et celle d'autres, ainsi que sur la dignité humaine, pour dire franchement. Quand je parle de certains des obstacles que nous avons vus ces dernières années, concernant les autocrates, je dois dire que depuis plusieurs années, les États-Unis manquent à l'appel. Il y a un manque de leadership. Or, en fait, tous les pays doivent participer.
    Cela ne concerne pas simplement l'Occident, et certainement pas uniquement les États-Unis. Nous avons besoin du Canada. Il a joué un rôle très important et exemplaire ces dernières semaines concernant ce qui se passe au Venezuela. Il ne s'agit pas d'une mission des États-Unis. Le National Democratic Institute est un organisme américain, mais nous avons des réseaux de personnes partout dans le monde, et nous représentons quelque chose qui fonctionne pour des gens dans le monde entier.
    J'encourage donc très fortement le Canada et d'autres pays à participer. Nous essayons d'inciter le Japon à le faire, et tout autre pays qui défend ces valeurs, ces normes et ces règles, et d'autres essayeront de les façonner à leur image.
    Très brièvement, je ne veux pas prendre encore beaucoup de temps, car je veux entendre l'exposé de Dan et vous nous poserez des questions, mais quant à mes recommandations sur le point de vue que vous devriez adopter, je crois qu'il y a des choses auxquelles vous réfléchissez déjà au Canada, comme en ce qui concerne les femmes. Vous avez adopté une politique étrangère féministe. Je pense que c'est formidable. C'est stratégique et il ne s'agit pas seulement d'une bonne chose, mais de quelque chose de stratégique pour nous tous et notre sécurité. Je crois que vous êtes bien placés pour être des chefs de file.
    Ensuite, les partis politiques ont besoin d'aide. Je pense que vous avez de très bons partis politiques et militants qui peuvent faire connaître des compétences et des stratégies.
    Par ailleurs, il y a la poussée démographique chez les jeunes. Les jeunes de moins de 30 ans constituent un groupe majoritaire dans bon nombre des pays: en Europe de l'Est — ça bouge —, en Afrique assurément, en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie. C'est une force essentielle dans laquelle il faut investir à long terme. Lorsqu'il s'agit de la démocratie, on ne parle pas du court terme, mais bien du long terme. En outre, ils sont plus vulnérables à la radicalisation et à l'extrémisme, de sorte qu'ils ne représentent pas que des possibilités, mais aussi un défi, si nous ne faisons rien à cet égard.

  (0950)  

    Par l'entremise du Citizen Lab de l'École Munk des affaires internationales et des politiques publiques, le Canada a une excellente capacité interne en matière de programmes de technologies. Notre organisme a travaillé avec votre Citizen Lab. Les programmes de technologie sont très importants.
    Vous assumez déjà un rôle de chef de file dans l'éducation à la citoyenneté et l'éducation civique. Si vous voulez un exemple précis, je pense que vous avez accompli quelque chose d'exceptionnel et d'exemplaire en Amérique latine avec le Groupe de Lima.
    En ce qui concerne l'aide économique, vous faites partie du PTP et de l'AECG, et vous êtes également bien placés pour veiller à ce que la démocratie tienne ses promesses, que les accords commerciaux et d'autres accords sont avantageux, que nous collaborions pour bâtir un ensemble de règles et de normes communes, et que tout cela soit mis en oeuvre, de façon équitable, au sein des populations et des régions marginalisées. Ce sont toutes des choses extrêmement importantes pour l'avenir. Je crois que vous êtes dans une position très avantageuse.
    Si nous subissons actuellement une récession démocratique, nous devons stimuler le processus démocratique. C'est le moment, pour nous tous, de réinvestir, de renouveler nos engagements et de ne pas abandonner, mais plutôt de poursuivre les efforts.
    Merci, monsieur le président. J'espère que je n'ai pas pris trop de temps.

  (0955)  

    Non, c'était très bien. Merci beaucoup, monsieur Mitchell.
    Nous entendrons maintenant M. Twining.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les membres du Comité. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.
    Vous pouvez comprendre pourquoi Derek Mitchell est un excellent collègue pour les intervenants de l'IRI. En effet, les équipes du NDI et de l'IRI collaborent étroitement et malgré les jugements que vous pourriez formuler sur la politique américaine, notre éthique bipartisane fonctionne dans l'espace démocratique.
    J'aimerais d'abord vous remercier de l'excellent leadership exercé par le Canada. Qu'il s'agisse du Venezuela, de l'Ukraine, de l'autonomisation des femmes ou d'un grand nombre d'autres enjeux, le Canada continue de faire valoir ses principes à l'égard de ces enjeux. Nous sommes très reconnaissants, car en ce moment, l'Occident — et l'ensemble de la communauté des démocraties — subit une grande pression de l'extérieur et de l'intérieur. Je ferais valoir que notre mode de vie démocratique, c'est-à-dire la façon dont vivent les Canadiens et les Américains, est menacé par un monde dans lequel les régimes autoritaires avancent constamment et adoptent une position offensive. La discussion que vous menez sur la modernisation de l'aide à la démocratie dans le nouveau monde esquissé par Derek a une valeur stratégique.
    Permettez-moi d'établir très brièvement le contexte en vous décrivant, en quatre brefs points, les changements qui se sont produits depuis que votre comité s'est penché sérieusement sur l'aide à la démocratie, il y a plus de 10 ans.
    Tout d'abord, il y a la réapparition de la rivalité entre de grandes puissances, un phénomène bien réel. Je n'ai pas besoin de vous le dire, mais la Russie et la Chine, de différentes façons, projettent une influence autoritaire. Ces pays tentent de bâtir un monde plus sûr pour les formes autoritaires de gouvernement et pour leur leadership, dont certains éléments sont très hostiles aux intérêts occidentaux et à notre mode de vie. La situation a donc beaucoup changé comparativement à 2007. Il y a par exemple la campagne de désinformation menée par la Russie contre les sociétés ouvertes, notamment les États-Unis, le Canada et nos alliés européens. Il y a également la corruption et d'autres formes d'influence malveillante associées à l'initiative « une ceinture, une route » de la Chine et d'autres formes d'engagement mondial, qui ne sont pas toutes insidieuses, mais dont certaines minent nos alliances et nos sociétés ouvertes.
    Deuxièmement, nous vivons dans un monde de réfugiés. Je suis désolé de vous le dire, mais vous le savez. Il y a plus de réfugiés dans le monde aujourd'hui qu'à tout autre moment depuis 1945. Cela vaut la peine d'y réfléchir. Plus qu'à tout autre moment depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des personnes sont déplacées par les conflits qui sévissent dans le monde dans lequel nous vivons. Honnêtement, c'est un échec, et nous savons pourquoi ces gens tentent de fuir. En effet, ils tentent de fuir des sociétés déchirées par les conflits qui ne sont pas régies par des lois et des institutions. Ils sont poussés par le désespoir. Les migrants qui viennent d'Amérique centrale, par exemple, tentent d'échapper aux sociétés de gangsters où eux-mêmes et leurs familles ne sont pas en sécurité. Face à cette situation, nous devons tous nous engager à un niveau plus élevé.
    Troisièmement — et Derek l'a exprimé très clairement —, la révolution numérique a accompli de grandes choses, mais elle a aussi aidé et intensifié les voix extrêmes dans nos sociétés, et créé de nouvelles formes de fragmentation. C'est un problème auquel nous devons nous attaquer, car il a une incidence fondamentale sur notre ordre démocratique.
    Quatrièmement, il y a l'affaiblissement de l'ordre démocratique par des dirigeants autoritaires qui préservent certaines formes de démocratie, mais qui utilisent leur position pour concentrer le pouvoir exécutif au détriment d'autres institutions, par exemple les parlements, les médias libres, les sociétés civiles actives et la concurrence politique.
    Je viens de vous fournir une évaluation rapide. Que devons-nous faire? Je répondrai très brièvement avec cinq idées qui ne forment pas une liste exhaustive.
    Tout d'abord, nous devons nous rendre compte que nous vivons dans un monde dans lequel la classe moyenne est en plein essor. Quand on pense à l'aide au développement dans son ensemble, je dirais qu'il y a 10, 20, 30 ou 40 ans, il était approprié de mettre complètement l'accent sur l'élimination de la pauvreté. Toutefois, de nos jours, compte tenu de la réalité avec laquelle nous travaillons dans le cadre de la montée fulgurante de la classe moyenne partout dans le monde, je dirais que l'aide au développement devra se concentrer sur la démocratie, les droits, la gouvernance, la transparence, la responsabilité et la lutte contre la corruption. Nous devrions veiller à aider les gouvernements à respecter leurs engagements envers leurs citoyens, afin que nous n'ayons pas à continuer d'aider les personnes désespérées — les migrants et les réfugiés — et que nous n'ayons pas à remplacer les gouvernements qui ne respectent pas leurs engagements fondamentaux envers leurs citoyens.
    Je ferais valoir que l'aide à la démocratie devrait en fait l'emporter sur d'autres formes d'aide, car ces dernières ne sont pas très efficaces lorsqu'un dirigeant autoritaire et kleptocratique est au pouvoir ou qu'un État est en déroute.
    Deuxièmement, le Canada, l'Amérique et l'Occident doivent réellement adopter une mission qui vise à aider leurs partenaires mondiaux à renforcer leur résilience politique non seulement en vue de devenir des démocraties efficaces, mais aussi pour éviter de succomber aux formes d'influence insidieuses d'acteurs autoritaires, dont la Chine et la Russie.

  (1000)  

    Nous voyageons tous beaucoup. Je ne suis jamais allé dans un endroit où les gens voulaient faire partie d'un nouvel empire russe ou d'une nouvelle sphère d'influence chinoise. Partout dans le monde, les gens tiennent énormément à leurs droits souverains et sont très préoccupés par les menaces que font planer les grandes puissances autoritaires sur leur indépendance souveraine. Par conséquent, nous devrions adopter une stratégie qui consiste à aider nos partenaires à renforcer leur résilience, notamment par des institutions civiques solides, des médias efficaces, des tribunaux libres, etc., afin de les aider à conserver leur indépendance.
    Troisièmement, il faut dénoncer la corruption. Des recherches menées par Tom Carothers, un chercheur de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, à Washington, révèlent qu'au cours des cinq dernières années, 10 % de tous les gouvernements du monde — parfois après des élections, parfois après une révolution populaire — ont changé en raison de l'activisme social contre la corruption et parce que la principale force civique dans le monde d'aujourd'hui est le sentiment anticorruption. Cela se voit aujourd'hui dans les rues d'Iran, où les gens sont en grève. Cela se voit au Venezuela, où les habitants en ont assez de vivre dans un état kleptocratique dirigé par des narcotrafiquants et où les élites vivent très bien, mais où tous les autres ne mangent pas à leur faim. C'est une force puissante.
    À mon avis, quand on pense à l'assaut de la Russie contre l'Occident et nos sociétés ouvertes, en ce qui concerne Vladimir Poutine, qui vaut apparemment 95 milliards de dollars, il serait bon d'enquêter, de comprendre et d'aider les citoyens russes à comprendre d'où vient cet argent, car en réalité, une grande partie de cet argent leur appartenait avant que les oligarques du Kremlin n'aient consolidé un pouvoir qui les a tous rendus très riches.
    Innover dans l'espace démocratique pour exposer la corruption et aider nos partenaires sur le terrain à dénoncer cette corruption dans leur société représente un moyen d'action très puissant, notamment dans des pays qui, honnêtement, ne sont peut-être pas proaméricains ou prooccidentaux, mais où les gens se préoccupent beaucoup de cet enjeu.
    Quatrièmement, il faut investir dans le rétablissement de l'équilibre politique de sociétés où la politique a été déséquilibrée par des formes de contrôle autoritaire. Il faut donc renforcer les parlements. Il faut que les femmes, les jeunes et d'autres communautés marginalisées soient plus engagés et participent beaucoup plus à la politique de leur pays. Il faut favoriser la liberté dans les médias. Il faut promouvoir l'aide juridique et d'autres formes d'aide. Tout cela contribuera à recréer l'équilibre qui a été détruit par des formes de contrôle autoritaire.
    À cette fin, il est important de miser sur la génération suivante. Dans des pays comme les Philippines et la Turquie, de jeunes dirigeants politiques et les jeunes leaders en général ne veulent pas vivre dans un pays dirigé à perpétuité par une seule personne. C'est également le cas de jeunes leaders dans les partis au pouvoir, car ils souhaitent obtenir une certaine marge de manoeuvre pour leur propre compte. Il est donc avisé d'investir dans les jeunes leaders dans le cadre d'un effort visant à créer un équilibre.
    Enfin, il faut investir dans la sécurité des citoyens. Plutôt que de construire un mur à la frontière sud des États-Unis, je dirais qu'il serait beaucoup plus efficace de dépenser cet argent pour aider les sociétés centre-américaines à se gouverner de façon juste et efficace, afin que toutes ces personnes désespérées n'aient plus besoin de partir. Il en va de même au Moyen-Orient. La situation catastrophique de la Syrie et celle du Yémen poussent des gens désespérés à fuir. C'est la même chose en Asie du Sud-Est, plus précisément au Myanmar, avec la crise des Rohingyas. Je pourrais continuer pendant longtemps. Au bout du compte, nous devrions nous attaquer à la source du problème.
    L'ambassadeur des États-Unis au Nigeria m'a dit, lorsque j'étais là-bas, qu'il y aura 400 millions de Nigérians d'ici l'an 2100. Il a dit que si le Nigeria ne peut pas se gouverner de manière efficace et offrir des possibilités à ses habitants, 100 millions d'entre eux partiront. Devinez où ils voudront aller? C'est donc une tâche d'envergure pour nous, notamment en Afrique.
    Permettez-moi de conclure en 10 secondes, en soulignant simplement que nous sommes en concurrence avec des régimes autoritaires — à l'extérieur et à l'intérieur des sociétés ouvertes. Ils utilisent ce que le National Endowment for Democracy a appelé un pouvoir tranchant. Ils n'utilisent pas d'instruments militaires, mais plutôt un pouvoir tranchant, qui est comme une forme malveillante de pouvoir souple — un ensemble d'outils tranchants pour éroder, affaiblir et attaquer les démocraties et les institutions démocratiques. Il est temps pour l'Occident de moderniser et de revitaliser sa trousse d'aide à la démocratie, afin de tenter d'uniformiser les règles du jeu.
    Merci.

  (1005)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant aux questions des membres du Comité.
    Nous entendrons d'abord Mme Alleslev.
    Je vous remercie beaucoup de vos témoignages incroyables et impressionnants. C'est un sujet complexe qui contient de nombreux éléments en mouvement. On a l'impression que l'érosion s'accélère de façon exponentielle et qu'elle ne se limite pas à ces éléments. Cela se passe également dans nos propres démocraties.
    Pouvez-vous nous aider à comprendre ce que nous devrions faire chez nous et nous aider à établir des priorités? Nous croyons toujours que nous n'avons pas nécessairement de problèmes dans notre propre démocratie. Pouvons-nous offrir du soutien aux institutions démocratiques d'autres pays pendant que notre propre démocratie subit une pression de plus en plus importante?
    Je ferais valoir très brièvement qu'aux États-Unis, nous travaillons sur notre démocratie depuis 200 ans et que manifestement, il nous reste beaucoup de travail à faire, mais vous comprenez pourquoi nous avons des systèmes de freins et contrepoids, des élections de mi-mandat, la séparation des pouvoirs entre le système exécutif et le système législatif, des institutions solides et des médias dynamiques.
    Lorsque je voyage dans le monde, nos interlocuteurs — les partenaires du NDI et de l'IRI — ne nous disent pas que la démocratie américaine subit une telle pression que nous ne sommes pas en position de leur parler. Ils disent que notre système est incroyablement résilient, et qu'il s'agit d'un système et non d'un type de pouvoir personnel. Ils ont besoin de notre aide. Nous pouvons leur offrir cette aide en toute humilité, et non en leur disant que nous tentons de projeter un modèle américain ou canadien. Nous ne tentons pas d'imposer quoi que ce soit, mais les États-Unis et le Canada connaissent certaines choses au sujet des fondements d'une démocratie et d'une société civile prospère et nous pouvons aider d'autres pays à établir ces fondements. Je crois que la notion selon laquelle nos démocraties sont des ouvrages inachevés sur lesquels nous continuons de travailler sans relâche est une image puissante que les gens peuvent comprendre.
    Je pensais aux médias sociaux et aux tentatives d'affaiblissement déployées par d'autres grandes puissances au sein de notre propre démocratie, car nous ne surveillons ou ne suivons peut-être pas la situation d'assez près pour pouvoir prendre les mesures nécessaires. Je ne parlais pas nécessairement de nos propres structures, mais ces instruments sont pourtant utilisés avec une incidence encore plus grande dans ces démocraties émergentes. Devrions-nous faire quelque chose à cet égard?
    Derek, voulez-vous répondre à cette question?
    Certainement.
    Oui, d'une certaine façon, Silicon Valley est comme un pays. Certains pays ont même envoyé des ambassadeurs à Silicon Valley pour collaborer avec ses représentants. Nous avons un programme Silicon Valley. Nous avons un bureau là-bas, car je crois que c'est un élément essentiel à la démocratisation. Ce que font ces plateformes de médias sociaux pour s'infiltrer et nuire aux rouages de la démocratie, pour aliéner, isoler et diviser les gens, et permettre à des intervenants de l'extérieur — et de l'intérieur — de disséminer de fausses informations et de déformer les faits, qui sont le fondement d'une démocratie... Nous devons obtenir leur aide et nous faisons ce que nous pouvons pour l'obtenir.
    Le NDI a plus de 50 bureaux partout dans le monde, et nous croyons donc que nous avons une occasion unique d'utiliser ce que nous savons au sujet du contexte sur le terrain et ensuite d'envoyer ces renseignements, par l'entremise de Washington ou directement à Silicon Valley, afin de leur permettre de réagir rapidement, à la fois à l'égard de l'enjeu initial du moment, ainsi qu'à l'égard des gros enjeux créés par leurs plateformes. Nous créons également des réseaux internationaux d'intervenants qui sont sur le terrain, qui s'organisent, qui sont des experts techniques et qui luttent contre la désinformation, afin d'élaborer des pratiques exemplaires.
    Nous faisons de notre mieux pour tenter de limiter les effets les plus négatifs de ces plateformes et pour tenter de déterminer comment nous pouvons utiliser ces plateformes à des fins positives, car elles ne disparaîtront pas de sitôt. De plus, d'autres technologies émergeront bientôt, et nous devons tous comprendre la meilleure façon de les exploiter.

  (1010)  

    Excellent.
    J'aimerais aborder un autre sujet, car je souhaite parler de sécurité et de stabilité et du rôle qu'on pourrait confier, selon vous, à ce que nous aurions appelé les activités de maintien de la paix, mais dans un contexte moderne qui favorise la promotion des structures démocratiques.
    Les activités de maintien de la paix représentent un moyen d'atteindre un objectif; elles ne peuvent pas devenir une activité permanente. Essentiellement, les activités de maintien de la paix sont nécessaires dans le cas, par exemple, de l'échec politique d'une société comme celle des Balkans, d'un conflit ethnique dans certaines régions de l'Afrique, de toutes sortes de problèmes et d'une guerre civile. Encore une fois, pour revenir à mon argument, il faut s'attaquer à la source du problème. Les activités de maintien de la paix représentent un outil précieux, mais au bout du compte, nous devons créer des sociétés qui fonctionnent, afin que nos Casques bleus puissent revenir au pays.
    Oui, mais devons-nous mener plus d'activités de maintien de la paix? Dans un grand nombre de ces pays qui sont confrontés à ces types de défis, est-il plus difficile de bâtir des institutions lorsque les éléments fondamentaux sont l'insécurité et l'instabilité?
    Oui.
    Vu de l'extérieur, il semble que les efforts mondiaux déployés à la fin des années 1980 et dans les années 1990 étaient beaucoup plus importants que ceux que nous déployons aujourd'hui.
    Oui, si les activités de maintien de la paix peuvent nous faire gagner le temps nécessaire — et c'est le cas — pour parvenir à un règlement politique ou si elles nous permettent d'attendre l'essoufflement d'un conflit politique ou militaire, oui, absolument.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant Mme Vandenbeld.
    Merci beaucoup.
    Il est très intéressant d'observer le soutien bipartisan apporté par l'International Republican Institute et le National Democratic Institute à l'égard de la promotion de la démocratie. À votre avis, dans quelle mesure est-ce attribuable au fait que vous profitez des grands mécanismes de financement du National Endowment for Democracy, qui relève du Congrès, plutôt que de faire partie de l'administration? Manifestement, cela a créé du financement — vous avez parlé de 35 ans —, ce qui a ensuite créé l'espace nécessaire à l'émergence de ces vastes réseaux. Je dirais donc que le NDI et l'IRI sont principalement des réseaux de promotion de la démocratie.
    Dans quelle mesure cet épanouissement est-il attribuable au fait que vous aviez un fonds de dotation du Congrès à long terme qui vous a permis de renforcer cette résilience et d'assurer ce type de présence constante?
    J'aimerais d'abord entendre M. Mitchell, et ensuite M. Twining.
    Je vous remercie pour votre question.
    Je crois que c'est un avantage que de relever du Congrès. Je crois que le bipartisanisme... On nous pose souvent cette question, même au Congrès. Pourquoi y a-t-il un institut républicain et un institut démocrate? Notre système se fond sur les stiftungs allemands, qui séparaient le travail en fonction des idéologies, mais le NDI a choisi de ne pas fonder son travail uniquement sur une idéologie. Il se fonde sur la démocratie, sur les démocrates avec un « d » minuscule et sur leur idéologie pour l'avenir. Je crois qu'il est utile d'avoir deux instituts au Congrès, parce qu'on peut passer d'un parti ou d'un leadership à l'autre.
    Je suppose que ce peut être une arme à deux tranchants d'une certaine façon, mais cela fonctionne bien pour nous de façon générale. Nous recevons un appui continu, puisque, selon la tradition, le Congrès est le dépôt des normes et valeurs nationales. L'exécutif est parfois dépassé par les grandes politiques, le réalisme et les relations avec les autres pays; on pourrait perdre certaines valeurs ou les voir perdre leur place sur la liste des intérêts d'importance, mais la loi est toujours là pour dire: « Non, nous avons une idéologie et les Américains veulent la préserver. »
    Si nous n'avions pas eu le Congrès au cours des dernières années... L'administration a appliqué des compressions draconiennes, de l'ordre de 30 à 40 %. Sur la Colline, on a dit: « Nous vous remercions pour votre intérêt à l'égard de la sécurité nationale; nous sommes responsables du budget et nous allons réinjecter tous ces fonds, et même les augmenter. »
    On ne peut pas se fier là-dessus. Il faut pouvoir expliquer aux Américains pourquoi nous faisons ce travail et pourquoi il est important, et ne pas miser uniquement sur les sénateurs ou les membres du personnel. Cela fonctionne très bien jusqu'à maintenant au Congrès.

  (1015)  

    Monsieur Twining.
    Je suis d'accord avec tout cela, bien sûr. Est-ce que je peux ajouter une chose? Alors que vous étudiez nos structures institutionnelles, je dirais que ce qui nous a aidés, c'est cette distance de deux ou trois niveaux entre l'IRI, le NDI et le National Endowment for Democracy, et le gouvernement, le pouvoir exécutif et le Congrès.
    Les gouvernements doivent trouver le juste équilibre dans leurs relations délicates avec la Russie, la Chine, l'Arabie saoudite, l'Iran, etc. Le Congrès affecte des fonds pour lesquels nous nous livrons concurrence, par l'entremise des subventions. Ensuite, les organismes à but non lucratif et les organisations non gouvernementales font leur travail pour habiliter les citoyens et les leaders du monde. Notre gouvernement appuie ces mesures, mais de manière distante, afin de ne pas compliquer les relations diplomatiques de façon indue. Il est donc important d'en tenir compte, plutôt que d'accroître la bureaucratie par l'entremise d'un ministère.
    Merci.
    Je remarque que notre rapport de 2007 recommandait aussi quelque chose qui relevait du Parlement.
    En ce qui a trait au financement, nous avons parlé des coûts associés à la promotion démocratique, mais quel est le coût de l'absence d'une telle promotion? Quels sont les coûts associés à la migration, au flux des réfugiés et aux conflits, à ce dont vous avez parlé, monsieur Twining? L'absence de démocraties inclusives entraîne des coûts importants dans le monde, bien sûr, mais aussi dans nos pays respectifs, puisque les réfugiés y viennent.
    Monsieur Mitchell, vous avez dit qu'il était temps de stimuler la démocratie
    Monsieur Twining, vous avez dit — et c'est assez important — que la promotion de la démocratie devait l'emporter sur les autres formes d'aide, parce que sans la démocratie, lorsqu'il y a corruption et autoritarisme, les autres formes d'aide ne sont pas aussi efficaces. Pourriez-vous nous en parler davantage? Un investissement plus large dans la démocratie coûte cher, surtout par l'entremise du Parlement. Quel est l'autre côté de la médaille? Quel est le coût associé à l'absence d'investissement dans ce domaine?
    Nous allons commencer avec M. Twining cette fois-ci, puis nous entendrons M. Mitchell.
    Le coût est énorme. Ma femme est Anglaise et elle travaille sur le Brexit. Je dirais qu'il y a un lien direct entre la montée de l'État islamique en Irak et en Syrie et la crise des réfugiés qui s'en est suivie, et la pression sur l'Union européenne exercée par certaines politiques extrémistes du continent, ce qui a mené au Brexit. Voilà le coût. Je ne sais pas quelle valeur on peut y attribuer, mais c'est une ligne importante à tracer: deux ou trois millions de réfugiés syriens et irakiens et notre alliance occidentale, l'Union européenne, se fissure.
    Nous connaissons le coût de la guerre parce que nous aidons à la financer et nous y participons. Pour moi, l'aide démocratique est un investissement. Ce qui est bien, c'est que les pays finissent par obtenir leur diplôme... c'est ce qu'ils souhaitent. Ils ne veulent pas être en conflit, et ces sociétés ne veulent pas dépendre des autres. C'est donc un investissement qui entraîne des retombées, ce qui permet aux pays de réussir au fil du temps.
    Allez-y, monsieur Mitchell.
    C'est toujours difficile de prouver l'absence de quelque chose, comme le chien qui n'a pas jappé ou le coût associé aux occasions, mais comme l'a dit Dan, on peut voir les résultats dans les endroits qui connaissent un échec. Il y a une logique derrière la démocratie. Ce n'est pas une simple idéologie. Lorsqu'il y a des abus de pouvoir, le manque de transparence entraîne la corruption, ce qui mène à l'injustice et à la tyrannie de la part de la majorité; les réfugiés s'enfuient et l'instabilité traverse les frontières. Cela entraîne des coûts. Il faut payer plus pour nos services de sécurité.
    J'ai travaillé au Pentagone. En fait, je travaillais au NDI avant, mais j'ai aussi travaillé pendant 20 ans au Pentagone et j'ai vu un lien direct, non pas en raison de l'imposition de la démocratie... Cela va trop loin; c'est un oxymoron. Madeleine Albright a dit qu'on ne pouvait imposer la démocratie. Or, on ne veut pas trop dépenser pour la sécurité. On préfère de beaucoup investir dans les mesures préventives, comme la démocratie. Elle favorise la dignité humaine. Elle favorise les droits de la personne, ce qui donne lieu à l'autosuffisance et à la prise de mesures autocorrectives au sein des pays. Ainsi, il n'y a pas de répercussions au-delà des frontières pour notre sécurité nationale, ce qui coûte des milliards de dollars plutôt que les millions de dollars qui sont habituellement investis dans le travail démocratique.
    Et...
    Merci beaucoup. Je suis désolé, mais vous n'avez plus de temps.
    La parole est maintenant à Mme Laverdière.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Mitchell, mais les autres témoins peuvent également émettre des commentaires.
    Vous avez mentionné, parmi les menaces contre la démocratie, les inégalités économiques. C'est un phénomène que nous observons, non seulement au Venezuela, en Russie et dans d'autres pays où il y a de la corruption, mais aussi au Canada — bien que pas nécessairement au même niveau —, où il prend de l'ampleur.
    Pouvez-vous nous en dire davantage ou émettre des commentaires à ce propos?

  (1020)  

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison. Je ne dis pas que nous sommes différents. En fait, je nous utiliserais comme exemple pour montrer comment les inégalités économiques peuvent entraîner la frustration chez les gens et mener à des mesures extrêmes en ce qui a trait au vote ou à la politique. Nous faisons donc partie de cette dynamique que l'on a pu observer chez la génération précédente. Il faut faire attention non pas seulement aux composantes politiques de la démocratie, mais aussi à la façon dont la démocratie oriente notre façon de voir et de faire la politique économique, notre façon de voir la corruption aussi, qui alimentent les questions relatives aux inégalités et à l'injustice, qui affectent les gens et les fâchent.
    La leçon voulant que si l'économie se porte mieux, alors la démocratie sera plus facile à maintenir n'est pas la seule à tirer. L'économie au sens large peut s'améliorer, mais si certaines personnes se placent devant les autres, si la corruption est importante ou s'il y a des inégalités, qu'il y a une élite et que certaines personnes se sentent exclues, qu'il y a une division entre les régions rurales et les régions urbaines, une certaine aliénation du système, un sentiment que les politiciens ne sont pas là pour les gens, alors un démagogue pourrait arriver et dire: « Je vous représente; je suis populiste; je parle en votre nom. » Les gens vont alors dénigrer les institutions. Lorsque ces institutions et les normes disparaissent, alors c'est le chaos. Une seule personne fait la loi.
    Si l'on ne place pas la vie quotidienne de ces gens au coeur des enjeux et si l'on oublie qu'avant de voter, les gens doivent manger et se sentir reconnus, et que les minorités ont des droits, alors on ne comprendra pas tout à fait le développement démocratique. C'est une leçon que nous avons tirée. Les institutions et les processus ne suffisent pas: il faut une culture et une composante économique également.
    J'ajouterais que dans bon nombre de pays en développement, les gens intègrent le gouvernement pour devenir riches. Ce n'est pas le cas au Canada. En certains endroits, c'est encore le chemin vers la prospérité matérielle, en raison de la corruption, de la cleptocratie, etc. Il faut s'attaquer à la source des problèmes, établir clairement que la gouvernance n'est pas un moyen personnel de s'enrichir... Seule la politique ouverte peut nous permettre d'y arriver. Seule une politique transparente, associée à la reddition de comptes, où il y a alternance des pouvoirs et une certaine responsabilisation des institutions, des tribunaux, etc. permet cela. Sinon, l'argent public se retrouve dans des comptes privés.
    La politique ouverte doit permettre un nivellement parce que, par définition, elle défait toutes les structures élitistes au sein desquelles une seule tribu, une seule famille ou un seul parti monopolise le contrôle politique et oriente l'économie en conséquence.
    L'an dernier, la Malaisie a connu une transition démocratique extraordinaire. Le même parti était au pouvoir depuis 61 ans. Tous les gens d'affaires de la Malaisie devaient entretenir des relations étroites avec le parti au pouvoir pour que leurs entreprises prospèrent. Il y a eu alternance du pouvoir, ce qui a eu une incidence sur le secteur privé et sur l'économie.
    Une dernière pensée, pour conclure: la vague populiste qui déferle en Occident pourrait être un échec, parce que les populistes ne pourront probablement pas tenir leurs promesses. Elles coûtent trop cher. Je parle ici du populisme de gauche comme de celui de droite. À l'heure actuelle, alors qu'on se dirige vers les élections présidentielles de 2020, on fait beaucoup de promesses au sujet des nouveaux avantages pour les Américains. Je ne sais pas comment nous allons payer pour cela. Je crois qu'il en va de même pour le populisme de droite en Italie, par exemple. Au bout du compte, on ne respecte pas le budget et ce n'est pas durable.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Vous avez aussi parlé d'inclusivité. En ce qui concerne la représentation des femmes, je suis fière d'appartenir à un parti politique où 40 % des députés sont des femmes, ce qui bat tous les autres partis. Pardonnez-moi cette petite note partisane. Vous avez aussi parlé des jeunes. C'est une question qui me préoccupe énormément.
    Que peut-on faire pour encourager la participation politique des jeunes?

  (1025)  

[Traduction]

    Allez-y, Derek.
    C'est intéressant de souligner que bon nombre des rapports qui ont été publiés... Freedom House a publié son indice de démocratie aujourd'hui, mais l'Economist a publié le sien il y a quelques semaines. On a fait valoir que la confiance à l'égard des institutions démocratiques diminuait, mais que la participation politique augmentait, surtout parmi les femmes et les jeunes, dans une certaine mesure. La participation se traduit souvent par des manifestations dans les rues ou par la frustration. Les gens ne font pas confiance aux partis politiques. Ils croient que les partis sont exclusifs et dominés par l'ancienne génération. Ces questions sont aussi culturelles, en plus d'être politiques.
    En fait, la participation est à la hausse et les gens ont soif de contribuer à leur façon. L'idée que les jeunes — on l'entend même aux États-Unis, et à l'étranger — ne s'intéressent pas à la démocratie... Je crois que si l'on morcelait la démocratie et qu'on demandait aux gens s'ils veulent participer aux affaires publiques, s'ils souhaitent une reddition de comptes, s'ils veulent la liberté d'association et la liberté de parole, la transparence et la possibilité de représenter leur communauté, la réponse serait oui, oui, oui et oui. Cela signifie donc que les gens veulent la démocratie, mais qu'ils n'ont pas le moyen d'y participer. Ils ne croient pas que les règles et les institutions fonctionnent pour eux, ce qui représente un grand défi, que le NDI et l'IRI ne peuvent pas nécessairement relever.
    Il faut penser à la façon dont nous offrons l'aide et l'orientation, ou dont on tire des leçons, pour que les jeunes puissent participer de manière productive.
    En Afrique, on assiste à une explosion de la jeunesse. Le Nigeria compte un réseau des jeunes: c'est très intéressant et excitant. Le futur de la démocratie repose sur eux. Il est très important d'investir dans ces jeunes et de trouver une façon de les intégrer aux institutions pour qu'ils contribuent au développement national dans son ensemble.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Saini.
    Bonjour à vous deux. Nous vous remercions d'être ici aujourd'hui: notre séance est très instructive.
    Monsieur Twining, je vais commencer avec vous.
    En 1944, la Conférence de Bretton Woods a été mise sur pied notamment pour maintenir l'ordre international. Maintenant, environ 70 ans plus tard, il commence à s'effriter. Vous avez fait valoir avec force que la coopération trilatérale entre l'Asie, l'Europe et l'Amérique était nécessaire et que le pacte serait utile en vue de rétablir l'ordre international libéral.
    Ma question est à la fois simple et complexe. Vous avez parlé de la Russie et de la Chine. Lorsque deux pays s'ingèrent dans les affaires nationales des autres, que ce soit par l'entremise de la force ou de l'économie...
    Je vais vous donner l'exemple du Venezuela. Les gens ne réalisent peut-être pas qu'à l'heure actuelle, la Chine est le plus grand investisseur dans ce pays. Les trois seuls pays qui appuient le régime actuel sont la Chine, la Russie et la Turquie. Je ne fais que vous donner un exemple, mais si l'on pense à l'Amérique latine, à l'Afrique ou à certaines régions de l'Asie, l'implication économique de certains pays est tellement grande que la moitié des économies en dépendent ou dépendent de l'investissement de ces pays.
    Ce sont ces pays qui ont le plus besoin d'aide. Ils n'ont pas d'élections libres et équitables. La corruption est bien présente. La liberté de presse n'existe pas. Comment peut-on changer la nature de ces pays ou promouvoir les institutions démocratiques alors que les leaders profitent des institutions non démocratiques?
    C'est une question difficile. Je vais commencer par le même aspect que vous, soit la collaboration de l'Amérique du Nord avec l'Europe et l'Asie. De nos jours, on parle de l'Occident, mais le terme a une dimension mondiale, car cela englobe le Japon, qui fait partie du G7 et des principales démocraties riches. Toutefois, je dirais qu'au fil du temps, il faudra inclure l'Inde de plus en plus, car il s'agit du plus grand pays démocratique du monde.
    En toute franchise, ils ont beaucoup plus à offrir aux sociétés en développement qui cherchent à atteindre leur niveau de développement que les pays riches comme le Canada et les États-Unis. Concernant le défi que pose la Chine, je dirais que le régime indien est plus conscient des enjeux en général que beaucoup d'entre nous en Occident. Les Japonais ont beaucoup en jeu, car ils se retrouvent isolés dans cette région, avec les autocraties émergentes, les autocraties puissantes, en Russie et en Chine. Lorsqu'on pense à de nouveaux modèles de coopération démocratique, il faut tendre vers l'action concertée d'un noyau de grandes démocraties, car nous sommes tous confrontés aux mêmes défis.
    Voilà le premier point. Deuxièmement, le cas du Venezuela est très intéressant, car il expose l'intérêt de la Russie pour le contrôle des prix du pétrole en soutenant le maintien au pouvoir du régime de Maduro. Il met aussi en lumière les énormes investissements de la Chine dans cette kleptocratie, soit des investissements dans les obligations et les ressources énergétiques. Honnêtement, l'une des choses qui révèlent les activités de l'IRI et du NDI dans le monde, c'est le ressentiment de divers pays — en Afrique, dans la région du Pacifique et de l'océan Indien — à l'égard de pays étrangers qui s'approprient leurs ressources grâce à des manoeuvres politiques corrompues avec leurs dirigeants.
    Les Maldives ont traversé une transition démocratique il y a quelques mois. Un dictateur avait pris le pouvoir, aboli la Cour suprême et consolidé son emprise sur tout le pays. Convaincu de sa victoire, comme le sont souvent ces gens, il a déclenché des élections, et 90 % des électeurs ont voté sa destitution. Actuellement, le pays est inondé d'investissements chinois et la corruption mine le secteur des infrastructures. Le nouveau gouvernement malaisien est également aux prises avec une corruption endémique et tente de s'en sortir.
    Je pense que plus nous parviendrons, collectivement, à faire la lumière sur certains de ces accords souvent négociés en secret — par exemple entre le régime de Maduro et Beijing ou entre le régime de Maduro et les intérêts oligarchiques russes —, mieux ce sera, car cela suscite beaucoup de ressentiment dans la population de ces pays.

  (1030)  

    Il pourrait y avoir une certaine résistance dans certains pays où vous voulez mener des activités de développement démocratique, car les gens n'aiment pas l'influence étrangère et ne veulent pas que les étrangers leur disent comment gérer leurs affaires. La démarcation est mince. Que peut-on faire pour que l'on considère toujours que nous visons à revitaliser ou à renforcer les institutions plutôt qu'à influencer la politique nationale d'un pays?
    Je pourrais faire un commentaire à ce sujet, en 10 secondes, puis céder la parole à Derek.
    Un de mes premiers voyages pour l'IRI était en Bosnie. À l'époque, tout le monde menait toutes sortes d'activités dans les Balkans. Il y avait des Turcs, des Saoudiens, des Iraniens, des Chinois et des Russes. Tous les dirigeants politiques bosniaques que j'ai rencontrés me demandaient où était l'Amérique, où était l'Occident, où était l'Europe, puisque tous ces autres pays étaient là.
    Donc, ce qu'on voit aujourd'hui, comme dans bien des cas, notamment au Venezuela, c'est que d'autres acteurs sont là, que nous soyons présents ou non.
    Je suis certain que Derek a quelque chose à ajouter à ce sujet.
    Oui. Essentiellement, votre question porte directement sur la façon dont NDI mène ses activités. C'est le défi que nous devons relever dans tous les pays où nous allons. Nos activités sont liées à l'aspect le plus délicat d'un pays, la politique, où le pouvoir et l'argent, souvent, sont en jeu. Nous devons faire nos preuves. Nous nous appuyons sur nos réalisations antérieures, nous tenons compte du contexte et nous faisons preuve d'une grande diplomatie avec un large éventail de personnes au pays. Nous disons: « Voilà qui nous sommes; voilà ce que nous faisons. Nous sommes là parce que vous nous avez invités. Nous ne serions pas là sans votre accord. Nous voulons vous aider à réussir; notre but n'est pas de tirer parti de vos politiques. Nous voulons vous aider à créer un mécanisme qui vous permettra de déterminer votre propre avenir, d'avoir votre mot à dire à cet égard, à l'abri de toute ingérence extérieure. »
    Théoriquement, les pays qui y parviennent sont plus stables et représentent un meilleur marché pour nos activités commerciales, et cela les empêche de devenir un foyer d'insécurité dans la région. Ils peuvent ainsi devenir de bons partenaires pour les États-Unis, lorsqu'ils se tournent vers nous, ou pour tout pays soucieux de la démocratie, parce que nous tendons à avoir des valeurs semblables. Cela n'exclut personne; ce n'est pas dirigé contre qui que ce soit. Nous n'avons aucun objectif caché. Toutefois, c'est peut-être plus facile maintenant, mais lorsque j'y travaillais il y a 20 ans, nous devions à tout le moins faire nos preuves et expliquer que nous n'étions pas là pour imposer quelque chose, que nous n'étions pas des Américains tentant d'imposer un système américain, mais plutôt des gens tentant de partager leurs expériences partout dans le monde, et ce, avec une grande humilité.
    C'est la meilleure façon de procéder. Je pense que cela a donné des résultats concluants au cours des 35 dernières années.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wrzesnewskyj.
    Merci.
    Monsieur Twining, en tant que fils et petit-fils de réfugiés, je tiens à vous remercier personnellement d'avoir parlé de la corrélation — quoiqu’imparfaite — entre ce qu'on appelle le recul de la démocratie et l'augmentation du nombre de réfugiés à l'échelle mondiale. Vous avez touché un point important lorsque vous avez parlé du choix entre manger et voter. Je vais parler d'un point de vue très personnel. Pour ma famille, le Canada était synonyme de liberté. Mes proches n'avaient jamais connu la démocratie, mais ils savaient d'expérience que sans elle, on pouvait même être privé du droit de manger. Dans notre famille, voter était sacré. Je tenais simplement à vous remercier d'en avoir parlé.
    J'aimerais revenir à un commentaire antérieur, selon lequel la technologie d'aujourd'hui a un effet presque pernicieux sur la démocratie. Je crois que c'est le mot qui a été utilisé. J'ai été très encouragé d'entendre M. Mitchell dire qu'il collaborait avec les gens de Silicon Valley. J'aimerais avoir vos commentaires. Qu'en est-il de sociétés comme Huawei qui parcourent le monde en se disant prêtes à vendre une technologie donnée, à meilleur prix, mais qui permettra aussi de surveiller la population comme jamais auparavant? Savons-nous ce qu'il en est?

  (1035)  

    Oui, c'est extrêmement dangereux. La technologie 5G, l'intelligence artificielle et toutes les technologies différentes actuellement en développement domineront nos vies et auront une incidence sur ce que nous entendrons, sur nos connaissances et, à certains égards, sur notre façon de penser et nos opinions concernant les faits. Les Chinois sont de fins stratèges sur ce plan. Ils sont très conscients de leur désir de communiquer avec le monde et de le façonner. C'est une approche défensive, à certains égards. Ils veulent protéger le parti communiste, mais il y a évidemment une dimension offensive, en ce sens que cela se fait aux dépens de la souveraineté et du bien-être des autres.
    En Chine, il n'existe aucune entreprise véritablement indépendante du gouvernement. On trouve toujours un membre du parti communiste parmi les dirigeants. La présidente de Huawei est une ancienne officière de l'Armée populaire de libération. Je pense que les pays commencent à prendre conscience de cet enjeu. Encore une fois, comme en toute chose en démocratie et dans les affaires internationales, la transparence est essentielle. Les Chinois, notamment, travaillent très bien dans l'ombre. Huawei offrait un accès très facile aux systèmes des autres pays afin de miner leur souveraineté. Toutefois, je pense que les pays en sont maintenant conscients et cherchent des contre-mesures.
    Merci.
    J'ai une dernière petite question. Dans le passé, pendant la guerre froide, nous avions Voice of America et Radio-Canada international, qui réussissaient très bien à se faire entendre dans d'autres pays. En passant, ils ont essentiellement cessé leurs activités. Nous semblons avoir été dépassés par des organisations comme Russia Today. Avez-vous des commentaires concernant les investissements, les mesures prises pour communiquer avec les gens d'ailleurs et sur la fermeture des ONG en Russie? La démocratie est attaquée de toutes parts. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Pour que ce soit clair, ce n'est pas seulement la radiodiffusion, mais un ensemble d'outils.
    Pendant la guerre froide, nous avons créé un ensemble d'outils pour transmettre notre message d'une société ouverte dans l'espace totalitaire contrôlé par l'empire soviétique. Au terme de la guerre froide, nous les avons laissés dépérir. Derek a parlé de cette étape, la phase deux. Nous avons laissé ces outils dépérir, et il faut les recréer. Je ne suis pas certain qu'il faut les reproduire à l'identique. Nous avons probablement besoin d'outils différents, mais nous devons reprendre la radiodiffusion, accroître le soutien à la démocratie, multiplier les échanges, les bourses et la participation humaine. À vrai dire, nous avons abandonné ces outils; nous les avons laissé rouiller.
    Merci beaucoup.
    Pour les dernières questions, nous passons à M. O'Toole, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à tous les deux. Vos commentaires sont très instructifs. Cette étude suscite un grand intérêt chez tous les députés de toutes allégeances politiques.
    Sur le plan de politique étrangère, le principal problème du gouvernement Trudeau est lié aux pays qui ne partagent pas nos valeurs, mais qui pourraient avoir les mêmes intérêts que nous. Voilà l'équilibre que l'on voit en politique étrangère. La Chine, l'Arabie saoudite, Cuba et les Philippines... Nous n'avons pas toujours les mêmes valeurs, et nous avons eu des conflits diplomatiques. Voilà les pays où nous devons promouvoir la réforme démocratique, les droits de la personne et bien d'autres choses.
    Monsieur Mitchell, vous avez parlé de la difficulté de créer une culture de démocratie. C'est un long processus.
    Ma question s'adresse à vous deux. En quoi le défi... Prenons l'exemple suivant: au Canada, le mariage entre personnes de même sexe n'a été légalisé qu'en 2005. Je pense que nous conviendrons tous que c'est positif. Aux États-Unis, le débat se poursuit toujours à l'échelon fédéral. Comment pouvons-nous promouvoir le plus efficacement possible les droits démocratiques fondamentaux que sont la liberté, le droit à la liberté d'association et d'expression, entre autres choses, lorsque nous exportons certaines de nos valeurs progressistes, pourrait-on dire, dans des pays qui, comparativement à nous, en sont encore à l'âge de pierre sur le plan démocratique? Concernant le gouvernement Trudeau, je crains parfois que son programme progressiste en matière de commerce, et autres choses du genre, ne vise plus à plaire à son public partisan au Canada qu'à aider les pays auxquels il est censé s'adresser.
    J'aimerais avoir vos commentaires à tous les deux à ce sujet, car je me demande si cela aura pour effet de freiner la réforme démocratique dans certains de ces pays.

  (1040)  

    Je dirais simplement — Derek aura probablement plus de commentaires — que les valeurs varient d'une société à l'autre, mais nous partons du principe que dans des pays comme l'Arabie saoudite ou l'Iran, les citoyens doivent être libres de décider si les femmes peuvent conduire un véhicule ou jouer un rôle actif dans la société.
    J'ai témoigné au Capitole avec le prédécesseur de Derek. Quelqu'un a posé des questions très précises sur divers enjeux liés à notre programme d'autonomisation des femmes, comme l'avortement, etc. Nous avons répondu, ensemble, que la décision relevait de ces pays, de ces gens, mais que donner aux femmes la possibilité de participer activement à la vie politique permettrait de régler une multitude de problèmes. Je pense que pour nous, l'important est de veiller à ce que sur la scène politique de ces pays, les gens de toutes les sphères de la société soient inclus, pour que les femmes, les communautés marginalisées et d'autres voix aient un droit de vote égal et une voix égale, ce qui n'est pas le cas actuellement dans tous les pays que vous avez mentionnés.
    Dans ces pays, nous devons expliquer ou démontrer, d'après notre expérience, que l'inclusion fait une société plus forte, et que c'est aussi dans leur intérêt. Si vous voulez favoriser le développement du pays, si vous accordez vraiment de l'importance au pouvoir national, vous devez alors inclure les femmes. Toutes les études le démontrent. Il faut habiliter les gens. Ce ne sont pas tous les autocrates qui sont prêts à l'entendre. Ce ne sont pas toutes les élites qui écouteront ce discours, parce que le pouvoir est la monnaie d'échange, et ils ne voudront peut-être pas perdre une partie de leur emprise. L'objectif est d'amener les citoyens du pays à reconnaître que s'ils laissent tomber les autres, qui que ce soit, ce sera à leurs dépens, et que s'ils le font, ils pourraient être les prochains.
    J'aime citer Martin Luther King: « Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. » Personne n'est prémuni contre l'injustice si on commence à s'attaquer à la justice. En fait, plus vous êtes inclusifs, plus grandes seront votre stabilité et votre sécurité.
    Nous essayons de partager ces expériences. Cela prendra du temps, car les cultures ne sont pas toutes au même stade de développement, comme vous l'avez indiqué. Leurs histoires sont différentes, mais je pense que cela ne nous effraie pas. Je pense que nous défendons ces idées avec confiance. Cela dit, encore une fois, nous le faisons avec humilité, en fonction du contexte local, pour que nos actions permettent à ces idées de prendre racine plus tôt que tard.
    Merci.
    Nous avons une dernière intervention, très brièvement, avec Mme Laverdière.
    Oh, vous ne vouliez pas poser une autre question. Désolé; je me suis fourvoyé.
    Messieurs, à Washington, monsieur Twining, ici à Ottawa, c'était une excellente façon de commencer notre étude sur cet enjeu très important. Je tiens à vous remercier de nous avoir donné amplement matière à réflexion alors que nous commençons à examiner cette question de plus près.
    La séance est levée.
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