Passer au contenu
Début du contenu

CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 145 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 février 2019

[Énregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

     Je déclare ouverte la 145e séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.
    Nous accueillons aujourd’hui Duane Smith, de la Société régionale Inuvialuit.
    Nous accueillons Ron Mitchell et Jennifer Wickham, de la Witsuwit'en Language and Culture Society.
    Nous allons procéder dans l’ordre où vous figurez dans l’ordre du jour. Nous allons donc commencer par M. Smith, s’il vous plaît.
    Bonjour. Ublaami. Bonjour, madame la présidente et mesdames, messieurs, membres du Comité.
    Comme la présidente l’a mentionné, je m’appelle Duane Ningagsiq Smith et je suis le président et directeur général de la Société régionale Inuvialuit. Nous sommes situés dans la partie la plus éloignée au nord-ouest du Canada, mais nous faisons quand même partie du pays. Je dessers près d’un million de kilomètres carrés du Canada dans ma région.
    Mon nom inuvialuit m’a été donné par mes grands-parents. C’est une coutume dans notre système.
    En ce qui concerne les questions de langue, lorsqu’il s’agit d’une langue que vous comprenez très bien qui est gravée dans votre coeur et dans votre esprit, elle ne sert pas seulement à transmettre de l’information et à obtenir des choses; elle est une source de force, de fierté et d’appartenance. Elle est le gardien de notre histoire et de notre culture.
     Je tiens également à vous remercier de m’avoir donné cette occasion. Il nous a fallu 151 ans pour que je m’assoie devant vous, et j’espère que nous pourrons arriver à une réconciliation beaucoup plus rapidement.
     J’aimerais vous parler davantage de ma langue. J’aimerais pouvoir contribuer à ce que mon formidable patrimoine devienne notre formidable patrimoine en tant que Canadiens. Je dis que j’aimerais pouvoir le faire, car je suis la troisième génération d’assimilés dans ce pays, à qui il a été interdit de parler notre langue. Si nous essayions de l’utiliser, on nous battait, etc., ou on nous plaçait dans des conditions où nous apprenions à ne pas parler notre langue. Je suis la troisième génération qui l’a vécu. J’ai grandi dans un Canada dont la mission était de nous rendre tous pareils, et j’ai perdu quelque chose de fondamental à cause de ces politiques et des lois qui les ont confortées.
    Je vais maintenant vous donner une brève description de notre région et de l’état de notre langue. Dans la région désignée des Inuvialuit, les Inuvialuit sont les Inuits de l’ouest de l’Arctique. C’est à neuf heures d’avion, mais comme j’aime le dire, c’est toujours dans le même pays. Je vous invite à venir nous rendre visite à un moment donné.
    La région désignée des Inuvialuit est l’une des quatre régions de l’Inuit Nunangat, notre patrie. Il y a six communautés dans la région désignée des Inuvialuit, et plus de 6 000 Inuvialuit sont inscrits chez nous.
    Compte tenu des priorités du Canada en matière d’accélération du développement et des politiques d’assimilation dans l’Arctique, les Inuvialuit ont négocié la Convention définitive des Inuvialuit, qui a été signée et est entrée en vigueur en 1984. L’un des trois principaux objectifs à la fois du Canada et des Inuvialuit dans le cadre de la Convention est de préserver l’identité et les valeurs culturelles des Inuvialuit au sein d’une société nordique en évolution. Je dis « à la fois », car nous sommes tous les deux signataires de ce traité, alors nous sommes tous les deux obligés de veiller à ce qu’il soit mis en oeuvre dans toute la mesure du possible.
    En ce qui concerne l’état de notre langue, vous entendrez plus tard aujourd’hui le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, parler de l’inuktut, la langue de l’Inuit Nunangat. Par souci de clarté, l’inuvialuktun est le nom que nous donnons à l’inuktut dans notre région. Nous avons trois dialectes dans l’inuvialuktun: sallirmiutun, uummarmiutun et kangiryuarmiutun. Les locuteurs de l’inuvialuktun peuvent converser avec des locuteurs inuktuts dans l’Inuit Nunangat ainsi qu’en Alaska et au Groenland. Nous sommes liés par notre langue et notre culture depuis des millénaires.
    Les contacts entretenus depuis longtemps ainsi que les politiques d’assimilation passées du Canada et le financement inéquitable de la langue ont largement miné la vitalité de l’inuktut dans l’Arctique de l’Ouest. Comparativement au pourcentage élevé de personnes capables de parler l’inuktut au Nunavik et au Nunavut, seulement 22 % des Inuvialuit peuvent converser dans notre langue. Nous avons encore de minces chances de voir l’inuktut préservé dans les régions où il continue de prospérer et de le voir raviver dans notre région.
    Je vais maintenant parler du projet de loi.

  (1105)  

     Pour ce qui est du projet de loi C-91, mes collègues inuits parleront du processus auquel nous avons participé relativement à ce projet de loi ainsi que de l’ébauche du texte que notre groupe de travail a proposé dans le cadre du processus. Je ne répéterai pas ces observations en raison des contraintes de temps. Je souhaite aujourd’hui me concentrer sur les aspects du projet de loi C-91 qui revêtent une importance particulière pour nos régions où la vitalité de l’inuktut est grandement amoindrie.
    Le projet de loi C-91 est un bon début. Dans le projet de loi, le Canada reconnaît que les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 comprennent les droits liés aux langues autochtones. Cet aspect cadre tout à fait avec les obligations actuelles du Canada en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit et les représente. Le projet de loi C-91 vise principalement à appuyer les efforts des peuples autochtones pour rétablir, revitaliser, maintenir et renforcer les langues autochtones. À cet égard, le projet de loi établit l’objet de la loi, qui est de prendre des mesures pour faciliter l’octroi d’un financement adéquat, stable et à long terme en ce qui touche la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement des langues autochtones. Ces mesures sont absolument nécessaires.
    Nous sommes toutefois d’avis que, pour atteindre ces objectifs pour les Inuvialuit, nous devrons continuer à travailler ensemble pour peaufiner la loi.
    Premièrement, il sera nécessaire de reconnaître que l’Inuit Nunangat est une région linguistique distincte dans les lois actuelles qui reconnaissent l’inuktut comme langue officielle. Ainsi, il serait possible de prendre des mesures d’avant-garde qui auront de réelles chances de succès.
    Deuxièmement, il faudra revoir la création du Bureau du commissaire aux langues autochtones et son rôle dans des territoires comme les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, qui ont déjà un bureau semblable.
    Troisièmement, il sera nécessaire d’imposer la conclusion d’accords bilatéraux avec nos organismes pour que l’objet de la loi soit concrétisé plutôt que de laisser cet aspect comme une simple option. Comme nous l’avons observé au cours des dernières décennies dans mon territoire, le financement qui a été versé par l’intermédiaire du gouvernement territorial n’est pas distribué de façon équitable ou même logique. Les fonds tendent à être affectés là où les électeurs sont plus nombreux et où les chances de succès sont faibles.
    En raison du retard, je vais m’arrêter ici et répondre à vos questions au fur et à mesure.
    Sur ce, Quyanainni, quyanuq.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je serai heureux de répondre à vos questions.

  (1110)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Mitchell et à Mme Wickham, s’il vous plaît.
    [Anglais]
    Je m’appelle Ron Mitchell. Mon nom de chef héréditaire est Hagwilnekhlh.
    Le Witsuwit'en est ma première langue. Dans l’affaire Delgamuukw, j’étais l’un des traducteurs et le seul qui pouvait écrire dans cette langue à l’époque. J’ai marché 22 000 milles carrés avec mon crayon et nommé des endroits, des collines, des ruisseaux, des montagnes, tous en Witsuwit'en. J’ai nommé toutes nos lois en Witsuwit'en et nos fêtes, potlatchs, protocoles et le nom de tous les chefs.
    Merci.
     Hadih. Je m’appelle Jennifer Wickham. Je suis membre du clan Gidimt'en et directrice exécutive de la Witsuwit'en Language and Culture Society.
    J’aimerais commencer par souligner que je suis une invitée inopportune ici, en territoire anishinabe.
    Nous vous remercions de nous avoir invités à discuter du projet de loi C-91.
    Je suis accompagnée de Hagwilnekhlh Ron Mitchell, chef de maison du clan Likhsilyu, représentant le Bureau des Wet'suwet'en. Nous sommes ici au nom de la Première nation Wet'suwet'en.
    Notre territoire s’étend sur 22 000 kilomètres carrés, comme Ron le disait, de Burns Lake à l’ouest de Witset, anciennement connu sous le nom de Moricetown, en Colombie-Britannique.
    Dans notre pays, notre langue Witsuwit'en arrive à un tournant critique. À l’heure actuelle, seulement 3 % de notre population parle couramment notre langue. L’âge moyen de ces locuteurs est de 70 ans.
    Le projet de loi C-91 est une étape importante pour nous aider à revitaliser notre langue, mais il doit comporter des mesures qui permettront à notre nation de piloter les travaux de revitalisation de la langue et de recherche pour les générations à venir. Ce qui veut dire que nous devons avoir un financement garanti qui nous permettra d’avoir la capacité de créer nos propres programmes d’immersion pour les Wet'suwet'en qui vivent sur notre territoire ainsi qu’à l’extérieur de celui-ci.
     Nous avons consulté certains de nos dirigeants des Wet'suwet'en, des champions de la langue et des membres de la communauté et avons obtenu les commentaires suivants au sujet du projet de loi.
    Le premier concerne une définition inclusive des gouvernements et des organismes autochtones. Nous voulons nous assurer que la définition de « corps dirigeant autochtone » aux articles sur l’interprétation, à l’article 8 et à l’article 5, qui est l’objet de la loi, englobe les systèmes de gouvernance héréditaire traditionnels qui ne sont pas définis dans la Loi sur les Indiens, comme notre propre système Wet'suwet'en de maisons et de clans.
    Si l’esprit de la loi est vraiment de respecter l’autodétermination des Autochtones, il faut une définition inclusive pour que les négociations de nation à nation au sujet du financement soient constructives. Nous voulons nous assurer que les organismes autochtones comprennent des sociétés nationales sans but lucratif comme la Witsuwit'en Language and Culture Society.
    Par le passé, on nous a refusé du financement fédéral parce que nous n’étions pas considérés comme un « organisme national » selon la définition de « nation » de l’État canadien.
    Nous recommandons les changements suivants: que corps dirigeant autochtone signifie « un conseil, gouvernement ou autre entité — incluant les gouvernements héréditaires traditionnels des terres non cédées non définis dans la Loi sur les Indiens — autorisé à agir pour le compte d’un groupe... autochtone » et qu’organisme autochtone inclut « les organismes à but non lucratif et autres entités... ».
    Deuxièmement, nous aimerions parler du financement garanti à long terme pour les générations à venir. L’article 7 doit montrer que le financement garanti à long terme ne sera pas touché par les changements de gouvernement et sera offert aux nations et aux communautés autochtones pour les trois phases par lesquelles passera notre langue selon nous, soit:
    La première est la revitalisation des langues, c’est-à-dire la recherche, la mobilisation des ressources et des communautés, le renforcement des capacités humaines et techniques, la mise en oeuvre de stratégies et de programmes de revitalisation ainsi que de stratégies de santé et de mieux-être.
     Il y aura ensuite la stabilisation de la langue, c’est-à-dire la constitution de nouvelles générations de locuteurs parlant couramment la langue, le développement et la stabilisation des programmes et des ressources humaines qui répondent à leurs besoins croissants.
    Le troisième est l’élargissement des programmes et des services linguistiques à l’ensemble de la communauté non autochtone. Pour appuyer l’autodétermination de toute nation autochtone et promouvoir la coopération sur notre territoire, il faut mettre en place les moyens financiers et les infrastructures requis.
    Toutes ces phases exigent des engagements financiers substantiels et à long terme qui s’étendront sur de nombreuses générations. Ce sont les Wet'suwet'en qui devraient piloter ces efforts. L’alinéa 5e) devrait faciliter les ententes de nation à nation. Si on envisage de passer par un organisme provincial pour la négociation de ces ententes et le décaissement des fonds, il faut le faire avec l’appui politique des nations autochtones de cette province.
    Étant donné que le financement de l’éducation provient de Services aux Autochtones Canada, le projet de loi doit indiquer clairement qu’il faut faciliter la coordination et la coopération entre tous les ordres de gouvernement afin de garantir que le financement de la revitalisation des langues augmentera notre capacité de parvenir à une immersion complète dans nos écoles, et qu’une source de financement n’en compensera pas une autre.

  (1115)  

     On trouve en Colombie-Britannique la majorité des langues autochtones et elles sont toutes menacées. Le financement de la langue doit refléter cette réalité. Une répartition égale du financement entre les provinces ne mènera qu’à l’inégalité et créera de la concurrence et de la division là où les besoins sont grands.
    En ce qui concerne le statut des langues officielles et leur protection juridique, pour qu’une nation autochtone puisse atteindre la pleine autodétermination, elle doit avoir la capacité de s’affirmer par sa langue. La langue d’une nation autochtone est intrinsèquement liée à son territoire. La colonisation et l’aliénation continues des peuples et des langues autochtones de leurs terres sont inacceptables. Pour que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit efficace, il faut s’attaquer à cette question. Les langues autochtones ont besoin d’un statut de langue officielle équivalent au français et à l’anglais. C’est essentiel à l’édification de la nation.
     Aux articles sur l’« Objet de la loi », il faut ajouter: « [...] faciliter et protéger en vertu de la loi la capacité des nations ou des gouvernements autochtones de déclarer leurs langues uniques comme langues officielles de leurs territoires traditionnels et de consacrer leur utilisation dans le domaine public (c'est-à-dire le rétablissement des noms de lieux traditionnels sur les cartes et les panneaux) et de l’enseignement public ».
    Je vais maintenant parler des droits linguistiques des enfants autochtones en situation minoritaire. Une grande proportion des enfants Wet'suwet'en reçoivent leur éducation dans le système scolaire public. Le projet de loi C-91 doit inclure une déclaration protégeant le droit des enfants autochtones en situation minoritaire à l’intérieur et à l’extérieur de leur territoire d’origine de recevoir une éducation dans leur langue, une protection semblable à l’article 23 de la Constitution concernant les minorités francophones et anglophones. Sans la protection juridique de ce droit, il n’y a pas vraiment de moyens d’intégrer l’enseignement des langues autochtones dans le système scolaire public, et notre capacité de démarrer des programmes d’immersion ou des écoles à l’extérieur de notre territoire est limitée.
    De plus, pour la sélection du commissaire aux langues autochtones et des directeurs, nous voulons que le projet de loi C-91 garantisse que les personnes choisies sont qualifiées et reconnues comme des représentants compétents des peuples autochtones. Nous suggérons que le commissaire et les directeurs choisis soient des champions des langues autochtones ayant démontré leur expérience et leur expertise dans la revitalisation des langues autochtones au sein des communautés autochtones. Pour ce qui est de l’emplacement du bureau du commissaire aux langues officielles, nous pensons qu’il devrait être situé en Colombie-Britannique, comme il s’agit de la province qui a la plus forte concentration de langues autochtones.
    En ce qui concerne les langues autochtones et la propriété intellectuelle, nous considérons que tous les documents de recherche en langue Witsuwit'en sont la propriété intellectuelle de la nation Wet'suwet'en. Nous nous opposons à l’article 24, qui donnerait à Statistique Canada et à Bibliothèque et Archives Canada le pouvoir de mener des recherches et d’archiver du contenu en langue autochtone. Le seul rôle que nous voyons pour Statistique Canada et Bibliothèque et Archives Canada est celui de faciliter l’accès à l’information et aux ressources sur la langue et la culture dans leurs collections et bases de données actuelles. Nous sommes tout à fait capables de recueillir nos propres statistiques et d’archiver les ouvrages dans notre langue. Ce projet de loi devrait permettre à toutes les nations autochtones de renforcer elles-mêmes leurs capacités, et non déléguer ce travail aux organismes fédéraux.
    En conclusion, si le Canada est vraiment déterminé à respecter les droits des peuples autochtones, alors il devrait tenir compte des recommandations que nous vous formulons — et que nous avons faites tout au long des consultations régionales — dans le projet de loi C-91. Les Wet'suwet'en et d’autres nations autochtones luttent pour maintenir leurs langues vivantes depuis le début de la colonisation, il y a des centaines d’années. Nous nous attendons à ce que le gouvernement tienne ses promesses et commence à corriger les injustices qui continuent de nuire aux peuples autochtones dans ce pays aujourd’hui. Ce projet de loi doit refléter une nouvelle façon de penser qui ne prend pas appui sur le paternalisme, la politique de pure forme et les structures coloniales archaïques.
    Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de nous faire entendre, et nous ferons un suivi étroit pour voir à quel point le gouvernement est à l’écoute.
    Wiggus.
    Avec tout mon respect.
    Awet zeh.

  (1120)  

    Merci.

[Français]

    Nous allons commencer une période de questions et de réponses.
    Je passe la parole à M. Breton pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être parmi nous dans le cadre de notre étude de ce projet de loi important.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Smith.
    Nous sommes tous conscients du fait que la préservation de l'inuktitut pose un grand défi. Je voudrais avoir plus de détails sur l'expérience de la Société que vous dirigez dans sa lutte pour la préservation de cette langue dans les Territoires du Nord-Ouest.

[Traduction]

    Par où commencer? Eh bien, comme je l’ai dit, il faut commencer par la troisième génération d’assimilés. Lorsque le gouvernement est arrivé dans notre région, nous avons dû envoyer nos enfants dans un système d’éducation qui les a placés dans des établissements qui les obligeaient strictement à parler anglais. Dans le système éducatif d’aujourd’hui, le gouvernement de la région n’a pas l’obligation d’offrir un enseignement dans les langues autochtones.
    Vous me demandez où sont les problèmes et ce qui peut être amélioré. Je pense qu’il faut que ce soit une exigence dans le système d’éducation. Collaborez avec nous pour former certaines de nos ressources afin qu’elles deviennent des enseignants capables d’enseigner dans notre propre langue. Nous ne disons pas que nous ne voulons pas enseigner l’anglais, le français ou une autre langue, mais nous pensons que dans notre région, l’inuktut devrait faire partie du programme scolaire.
    Je suis d’accord avec mes collègues de la Colombie-Britannique pour ce qui est de la façon dont nous pouvons améliorer notre collaboration les uns avec les autres en ce qui concerne l’affichage. En collaboration avec différents ministères du Canada, nous sommes en voie de nommer tous les noms de lieux traditionnels dans notre région. C’est un pas dans la bonne direction, mais si nous avons un système d’éducation qui nous est encore imposé en partie sans un engagement, une contribution et une participation adéquate de notre organisme, alors nous avons toujours un problème.

[Français]

     Combien de langues autochtones y a-t-il dans les Territoires du Nord-Ouest? Évidemment, il y a l'inuktitut, mais y en a-t-il plusieurs autres?

[Traduction]

    Il y a 11 langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans ma région, elles sont principalement l’anglais, le français, l’inuvialuktun et l’inuktitut. Dans la région de la capitale, beaucoup plus de Premières Nations ont fait reconnaître leurs langues autochtones. C’est tout ce que le gouvernement a fait; il n’a reconnu que ces langues autochtones.

  (1125)  

[Français]

    J'aimerais connaître votre opinion sur les défis que pose la préservation de l'inuktitut.
    Vous avez sûrement lu le projet de loi. Trouvez-vous que ces défis y sont abordés?

[Traduction]

    Le son a diminué un peu, mais je crois avoir compris la question.
    Je me suis penché sur cette question. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, je ne pense pas qu’il règle complètement les problèmes. C’est pourquoi j’ai dit que nous devrions travailler ensemble pour améliorer le projet de loi. Je ne pense pas qu’il soit suffisant dans les domaines où cela devrait être obligatoire. Nous avons besoin d’un outil pour aller de l’avant. Nous y voyons une occasion de travailler directement avec le gouvernement fédéral, dans ce cas-ci, pour élaborer des processus qui nous permettront d’améliorer la langue et son utilisation, non seulement par les individus, mais dans le cadre également des différents processus de gouvernance. Pour ce qui est de la santé et de l’éducation, les Inuits de ma région sont les premiers à recevoir des services. C’est à cet égard aussi que je vois beaucoup de choses à améliorer. Il faut en faire une exigence, mais il faut aussi nous fournir les outils et les ressources nécessaires pour commencer à l’appliquer une fois que nous aurons élaboré — ensemble — un processus et un plan de mise en oeuvre.

[Français]

    Monsieur Breton, il vous reste moins d'une minute.
     D'accord. J'ai encore deux questions rapides pour M. Smith.
    De façon générale, appuyez-vous le projet de loi? Vous l'avez peut-être dit, mais je ne l'ai pas entendu.

[Traduction]

     En général, oui. Je le vois comme un outil, mais qui a grand besoin d'être amélioré.

[Français]

    Très bien, j'avais bien saisi votre position.
    Finalement, je vais poser ma dernière question à M. Mitchell et à Mme Wickham.
    Le projet de loi a été élaboré selon un processus de codéveloppement. Croyez-vous que cette approche a bien fonctionné? Était-ce un succès? Avez-vous été consultés dans ce processus de codéveloppement?

[Traduction]

    Si je peux me permettre de vous interrompre, vous avez déjà dépassé votre temps.

[Français]

    Ah oui?
    Oui, je vous ai indiqué qu'il vous restait moins d'une minute.
    Je suis désolé, madame.

[Traduction]

    Je vous demanderais de donner une brève réponse, si vous pouvez, quitte à y revenir ultérieurement.
    La Witsuwit’en Language and Culture Society a participé aux consultations. Je crois que vous avez tous un exemplaire de notre énoncé de position sur le projet de loi. Nous y disons que les commentaires que nous avons formulés pendant les consultations n’ont pas été pris en compte dans le projet de loi.
    Merci.
    Je précise que nous l’avons, mais il est en cours de traduction. J’en ai un exemplaire, mais tout le monde ne l’a pas encore. Cela viendra.
    Nous passons à Mme McLeod, s’il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leurs exposés. Je tiens à dire aux gens de la Colombie-Britannique que je viens de là moi aussi, alors je comprends la complexité des enjeux, avec toutes ces langues qui se parlent chez nous.
    Essentiellement, tout le monde a voté à l’étape de la deuxième lecture, et il nous incombe maintenant de nous assurer que la loi est techniquement correcte. J’ai un commentaire à faire, auquel les analystes pourront peut-être donner suite. Un témoin s'est demandé s'il était constitutionnel d'évoquer la Constitution justement pour proclamer des droits comme on le fait à l’article 6, ce qui ne s'était jamais fait encore, à sa connaissance. Je suis curieuse de savoir.
    Les analystes pourraient-ils faire des recherches pour savoir s'il existe un précédent? C’est un renseignement fort utile, je pense. Ce témoin-là ne le savait pas.

  (1130)  

    Oui.
    Merci.
     Madame Wickham, j’ai un peu de difficulté avec l’article 24. Le libellé dit que le Bureau « peut ». Je sais que d’autres témoins ont exprimé la même préoccupation que vous. D’après ce que je comprends, le Bureau du commissaire ne pourrait pas agir de façon arbitraire. Il pourrait le faire au besoin et, je suppose, en tout respect du protocole et de la propriété intellectuelle, etc.
    Êtes-vous en train de dire que le libellé actuel ne vous convient pas? Ce n’est pas ainsi que je l’interprète. Je pensais qu'en employant le mot « peut », on donnait aux collectivités la souplesse nécessaire pour aller de l’avant en partenariat si elles le voulaient. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui. Le problème est que nos collectivités ont fait l’objet de recherches encore et encore, mais nous n’avons pas accès à cette information. Elle ne trouve pas d'utilité concrète dans nos collectivités, alors nous sommes vraiment sur nos gardes lorsqu'on inscrit quelque chose comme cela dans un projet de loi: si d'autres organismes ont accès à nos collectivités et à notre langue elle-même, toutes les ressources qui en découlent ou... Nous ne voulons pas voir archiver ou mettre de côté quoi que ce soit qui concerne notre langue. Ce sont nos gens qui devraient se donner les moyens dans nos collectivités, être capables d'effectuer ces recherches et de stocker l'information ou de la mettre au service de la collectivité comme bon nous semble.
    Je suis tout à fait d’accord, mais pensez-vous que le mot « peut » leur permet de le faire sans l'autorisation des collectivités concernées? Je voyais plutôt cela comme une mesure d'autonomie, que les collectivités puissent choisir.
    Il faudrait peut-être rédiger cela plus clairement.
     D’accord. Merci.
    Vous avez tous deux fait plusieurs observations sur ce qu'il faudrait faire, à votre avis, pour améliorer cette loi. Disons que le gouvernement décide de ne pas adopter le moindre amendement. Croyez-vous que ce projet de loi devrait être appuyé tel quel?
    Monsieur Smith d'abord, puis madame Wickham.
    J'aimerais mieux voir apporter des améliorations. Malheureusement, en raison du temps et de la situation où nous nous trouvons, nous aimerions à tout le moins voir quelque chose mis en place pour que nous ayons un outil à notre disposition. Cela exige beaucoup de travail, à mon avis, mais rien n’est jamais parfait au départ.
    D’accord.
    Ce n’est pas parfait, mais vous avez bien dit que c’était une étape. Évidemment, c’est le gouvernement qui choisit les amendements qu’il acceptera ou non. Croyez-vous qu’il soit possible d’appuyer le projet de loi s’il décide de ne pas en accepter?
    Il y a moyen de l'améliorer et nous aimerions qu’il le soit.
    D’accord. Merci.
    Chef Mitchell.
    Êtes-vous en train de dire que s’il n’y a pas moyen d’apporter des changements à ce projet de loi à l’avenir...
    Il est toujours possible de modifier des lois, mais nous tenons actuellement des réunions intensives en comité. Nous recevons beaucoup de recommandations.
    Si le projet de loi reste exactement comme il est actuellement, croyez-vous qu’on puisse l'appuyer?
    La réponse courte...
    Vous n’êtes pas une politicienne si vous en donnez une courte.
    Je ne suis pas une politicienne.
    Je pense que les consultations auprès des collectivités ont été vraiment expédiées pour ce projet de loi. Il y en a qui n’ont pas pu y participer en Colombie-Britannique et dans le Nord. Il y a pas mal de points sur notre liste qui ont besoin d'être clarifiés ou modifiés. Comme l’a dit M. Smith, c’est une étape très constructive. Je pense que tant que le gouvernement est ouvert et disposé à apporter des changements à l’avenir si cela ne se fait pas tout de suite... Bien sûr, nous préférerions que ces changements soient apportés avant l'adoption du projet de loi. Je sais que le gouvernement est un peu pressé par le temps. Nous pouvons être optimistes.

  (1135)  

    Bien. Merci.
    Monsieur Smith, j’aimerais revenir en arrière. Vous aviez trois recommandations. Vous n’avez pu en parler que très brièvement.
    Il vous reste une demi-minute.
    Je pense que j’aurai un autre tour et je pourrai vous revenir là-dessus.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Jolibois, vous avez sept minutes.
    Merci à vos deux organismes d'avoir bien voulu témoigner devant nous.
    Vos renseignements sont très importants et ce que vous avez dit aujourd’hui justifie ma réflexion sur différentes questions.
    Dans ma circonscription de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, la majorité des électeurs... La majorité des enfants, métis et autochtones, fréquentent l'école publique. Je m’inquiète du fait qu'on les laisse autant de côté dans ce débat, et le fait que vous en parliez me confirme que j'ai raison. Je vois qu'à travers le Canada, nous avons besoin d'en parler de plus en plus.
    Cela dit, en écoutant vos réponses, comment pouvons-nous pousser le gouvernement un peu plus vers les recommandations que vous formulez? Nous pouvons essayer. Je verrais bien quelques changements au projet de loi.
    Je m'adresse aux deux organismes, si vous pouvez.
     Eh bien, cela pourrait être une question pour vous tous. Comment pouvons-nous amener le gouvernement à intégrer cela dans la loi?
    Si le gouvernement est vraiment sérieux au sujet de la réconciliation avec les collectivités autochtones, avec ce projet de loi présenté de bonne foi, en partenariat avec les intéressés, et qu’il prend nos commentaires au sérieux et leur donne suite, ce serait un bon pas en avant.
    Quant à ce que nous pouvons faire pour que nos enfants ne soient pas laissés de côté, si nous pouvions avoir une clause qui traiterait expressément de l’immersion offerte à nos enfants, à l’intérieur et à l’extérieur de la collectivité... Comme vous l’avez dit, dans le système scolaire public, la majorité de nos membres, ceux de notre maison et de notre clan, sont dispersés. Ils ne vivent pas nécessairement dans la réserve ou dans le territoire de 22 000 kilomètres carrés.
    Il y en a beaucoup qui vivent ailleurs, comme à Prince George et à Vancouver. Si nous pouvons faire en sorte que la langue witsuwit’en devienne une langue officielle à l’intérieur de ses limites territoriales, nous donnerons à nos enfants d'autant plus de chances de l'apprendre. Si elle est ensuite reconnue en Colombie-Britannique comme langue officielle dans ses territoires, nous pourrions avoir une école d’immersion à la disposition de nos membres dans des régions comme Prince George et Vancouver.
    À l’heure actuelle, il suffit d'avoir 15 enfants issus d’un groupe linguistique minoritaire dans une région pour ouvrir une école d’immersion, et nous voudrions la même chose pour les Witsuwit’en.
    Merci.
    Monsieur Smith.
    Très brièvement, je vous suggère de prendre en considération les recommandations que nous et d’autres formulons pour améliorer le projet de loi immédiatement. C’est l’occasion de le faire.
    Deuxièmement, voyons comment nous pouvons collaborer de nouveau pour créer un processus de mise en oeuvre et commencer à cerner les lacunes de ce projet de loi, à mesure que nous avançons vers son adoption et qu'il se matérialise par des opérations sur le terrain dans chacune de nos collectivités. Ainsi, nous pourrons agir ensemble dans les différents domaines que le projet de loi est censé régler.

  (1140)  

    Merci.
    Je repense à quelques-uns des témoins qui ont comparu, dont le chef national Perry Bellegarde lui-même, ainsi que M. Clément Chartier, du Ralliement national des Métis. Ils insistent tous deux pour que ce projet de loi soit adopté tel quel.
    D'autres groupes me disent que des changements sont à recommander. Je me souviens que la discussion tournait à un moment autour des provinces. Je sais que la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse ont investi beaucoup de temps et d’énergie dans les langues parlées chez elles, et j’aimerais que d’autres provinces et territoires fassent de même.
    Ma question s’adresse aux deux organismes. Avez-vous eu des discussions avec d’autres organismes ou d'autres gens à travers le pays à propos des enfants qui fréquentent les écoles publiques?
    La Witsuwit’en Language and Culture Society emprunte beaucoup aux méthodes d’immersion qui sont utilisées en territoire secwepemc pour enseigner le secwepemctsin, la langue de Chase et de la région de Kamloops. C'est une relation vraiment bénéfique où nous pouvons partager des ressources.
    Il y a une école d’immersion sur le territoire des Secwepemc, où les gens ont élaboré beaucoup de méthodes différentes que nous pouvons utiliser dans notre propre foyer linguistique et aussi à l’école primaire de Witset. Le professeur de langue les rencontre régulièrement.
    Il n’y a pas beaucoup d’exemples auxquels nous raccorder ou de programmes avec lesquels collaborer, mais nous avons certainement établi des relations avec des gens qui font un travail semblable au nôtre, et nous essayons de progresser avec eux.
    Notre école primaire va mettre en ligne des jeux vidéo en langue witsuwit’en, en suivant le modèle mis au point à l’école du territoire des Secwepemc.
     Merci.
    C'est maintenant le tour de M. Hogg, pour sept minutes.
    Merci beaucoup de vos commentaires et de votre témoignage. Pour que ce soit bien clair, le but de l'exercice est de voir quelles améliorations nous pouvons apporter. Nous sommes certainement très ouverts à toutes vos suggestions.
    Une des difficultés que nous avons, c’est qu’il y a souvent des témoignages qui sont en contradiction avec d'autres, et nous devons donc porter des jugements. Les valeurs que certains d’entre vous ont soulignées à propos de l’objet général de la loi y jouent un rôle important. La façon dont nous commençons à formuler cela, espérons-le, renforce ce que vous dites.
    Il est clair que le commissaire et les directeurs, comme vous l’avez souligné à juste titre, doivent être des Autochtones au fait de ces langues. Ils auront la grande responsabilité de définir l’orientation et la forme que cela prendra. Les collectivités autochtones pourraient créer leurs propres conseils scolaires, par exemple. Il y a un certain nombre de choses qu’ils peuvent faire pour être capables de mener les actions qu'ils veulent à partir de là.
    Mme McLeod a parlé de la Colombie-Britannique, qui a accordé, je crois, environ 50 millions de dollars pour entreprendre l'examen des langues autochtones et des mesures à prendre à leur égard. Comment pensez-vous que cet argent sera réparti en Colombie-Britannique? Étant donné que cette province compte à elle seule près de la moitié des langues autochtones du Canada, comment pensez-vous que ce sera réparti? Avez-vous des principes ou des idées sur la façon de procéder?
    Comme nous l’avons mentionné dans nos commentaires, je crois qu’il est très important de travailler de nation à nation, et que chacune de ces nations détermine qui en est représentatif.
    Pour les Wet’suwet’en, je sais que nous sommes un peu particuliers en Colombie-Britannique parce que nous avons toujours un système intact de gouvernance ancestrale. À la Witsuwit’en Language and Culture Society, nous collaborons étroitement avec notre régime de chefs héréditaires, et avec les clans et les maisons qui gouvernent notre territoire. Je pense qu’il est vraiment important d’inscrire ici que l’argent versé n'est pas destiné seulement aux conseils de bande, parce qu’ils ont une portée géographique très limitée. Nous voulons que tous nos membres aient accès aux ressources et aux programmes linguistiques, pas seulement ceux qui vivent dans la réserve, où se limitent actuellement les pouvoirs du chef et du conseil. Nous voulons que les ressources aillent aussi à nos membres qui vivent hors de la réserve et peut-être même hors du territoire.
    Nous recevons beaucoup de demandes de matériel en ligne ou de cours sur Skype, et nous n’avons tout simplement pas les moyens d'y répondre. Je pense qu’il est très important, lorsqu’il s'agit de débourser des fonds, de traiter avec un groupe ou une instance capable de desservir l’ensemble de la nation et pas seulement la réserve.

  (1145)  

    Je crois comprendre que la province n’a pas encore décidé comment ces fonds seront alloués, alors on peut supposer, comme vous le décrivez, que des gens pourraient présenter une demande, n’importe quel particulier, n’importe quel conseil, n’importe quel organisme ou district scolaire pourrait présenter une demande. Est-ce comme cela que vous le voyez aussi?
    Je ne suis pas sûre. Ce sera intéressant de voir. Espérons que les fonds seront distribués équitablement entre les nations.
    Il sera intéressant de voir aussi, avec les subventions fédérales et provinciales qui pourront se coordonner à travers le pays, s’il y aura un ensemble de valeurs ou de principes qui s'appliqueront uniformément afin d'enrichir les enjeux. Avez-vous une idée de ce que pourraient être ces principes, à part l'accès pour tous dont vous avez déjà parlé?
    Non. La seule chose qui me vient à l’esprit, c’est que l’équité ne passe pas par l'égalité, ni l’égalité par l'équité. Comme je l’ai déjà dit, il y a tellement de langues en Colombie-Britannique par rapport au reste des provinces. Ce sera très différent. Le financement en Colombie-Britannique serait très différent de ce qu’il serait en Saskatchewan, par exemple.
     Monsieur Smith, pouvez-vous m’aider à comprendre en quoi votre territoire ancestral se distingue de celui de Nunavut Tunngavik ou en quoi il lui ressemble, que je me fasse une idée de ce que seraient les différences?
     La raison pour laquelle je suis ici, c’est pour dénoncer la situation désastreuse de la langue dans ma propre région inuite par rapport aux autres.
    Chez nous, la langue se meurt beaucoup plus rapidement que dans les autres régions inuites, qui ont au moins des outils à leur disposition, par l’entremise de leurs propres gouvernements, des outils qui peuvent servir à créer les bons mécanismes de revitalisation, tandis que notre région n’a rien d'autre qu’un gouvernement qui reconnaît notre langue.
    À propos de votre question sur le financement, notre territoire a reçu une augmentation, mais notre région, elle, a subi une réduction. Comment se fait-il que nous subissions des coupures alors notre région compte 19 % de toute la population autochtone du territoire? Cela n’a aucun sens. C’est pourquoi j’insiste aussi sur la nécessité d'organiser directement avec nous cette revitalisation, avec les ressources et les effectifs, afin que nous puissions tirer le maximum possible de ces programmes et de ces outils, pour nos enfants et pour tous les autres Inuits de ma région.

  (1150)  

    Merci.
    Madame McLeod, vous avez cinq minutes.
    Monsieur Smith, j’aimerais reprendre là où j’ai laissé et vous donner la chance d’étayer davantage vos trois recommandations, parce que je sais que vous étiez à l'étroit dans vos 10 minutes. Je voudrais les comprendre un peu mieux tous les trois.
    Je vais essayer d’être aussi clair et bref que possible.
    La première chose sur laquelle j’ai insisté, c’est que l’Inuit Nunangat soit reconnu dans tout le Canada comme la région linguistique de l’inuktut.
    Puis-je intervenir?
    D’autres témoins nous ont dit que le projet de loi devrait comporter un addenda qui donnerait des précisions sur les différentes langues.
    Pensez-vous que ce serait l'endroit où signifier cette reconnaissance?
    Lors de la discussion précédente, nous avons souligné que cette mesure offrait le degré de reconnaissance possible à ce moment-ci, alors oui, pour cette partie.
    Quant au commissaire, je pense avoir déjà répondu en lien avec ce que j’ai dit à M. Hogg sur la façon dont le gouvernement de ma région gère ses affaires linguistiques. C’est pourquoi j’ai insisté sur la préoccupation que nous avons à l’égard d’un autre commissaire. Nous avons vu dans notre région un commissaire qui n’a aucun pouvoir, aucune capacité, aucune autorité, etc. La personne est en fait française maintenant, si je ne m'abuse, et nous assistons à une revitalisation du français dans une région où moins de 5 % de la population parle cette langue, alors ils font du bon travail dans ce domaine, mais il n’y a rien en ce qui concerne les langues autochtones. Si nous avons d'un commissaire au niveau fédéral, nous devons établir une relation directe avec lui afin de nous assurer que l’inuktut soit reconnu et que les outils nécessaires à sa pratique soient fournis.
    Mon autre point concerne le financement et l’établissement d’une relation de travail directe. Je viens de souligner que le gouvernement de ma région a reçu une augmentation des fonds alors que les peuples autochtones, non seulement nous, mais aussi les différentes Premières Nations plus au sud, ont subi des compressions. Il y a une incongruité lorsqu’un gouvernement — le gouvernement fédéral dans ce cas-ci — fournit des fonds et ne respecte pas ses obligations, ou élabore ses plans sans notre collaboration et notre contribution, par exemple.
    Madame Wickham, vous avez soulevé un très bon point au sujet des groupes auxquels on accorde une reconnaissance. Cela va changer également, bien sûr, à mesure que les nations se reconstitueront ou deviendront plus fortes. Vous avez suggéré qu’on prête une attention particulière au libellé à cet égard pour répondre aux besoins des différentes communautés à l’échelle du pays. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, nous dire quelle partie du projet de loi porte sur cette question?
     Je représente les Wet’suwet’en. Comme je l’ai dit, nous sommes dans une situation unique en Colombie-Britannique. J’ai entendu dire que seulement trois nations de la Colombie-Britannique ont un système de gouvernance traditionnel intact. Cela signifie que leurs systèmes de gouvernance précèdent l’arrivée des Européens et qu’ils ont continué de fonctionner tout au long de l’interdiction des potlatchs, lorsque le Canada a rendu leur pratique illégale. Les Wet’suwet’en font partie de ces nations. Nous pratiquons encore nos bathlats ou nos potlatchs, notre système de festins, à ce jour. Cette fin de semaine, j’ai un bathlat avec mon clan.
    À mon avis, ce gouvernement n’a pas reconnu notre système de gouvernance, ni aujourd’hui ni historiquement. Des organismes comme la Witsuwit’en Language and Culture Society n’ont pas pu présenter de demande de financement pour les langues autochtones. On nous a refusé du financement fédéral parce que nous ne sommes pas reconnus comme représentants de la nation et que seules les réserves sont reconnues. Nous aimerions que le libellé soit modifié afin qu’il soit juste pour les nations comme la nôtre qui ne dépendent pas du système de chefs et de conseils de bandes.

  (1155)  

    Merci.
    Monsieur Long.
    Bonjour à mes collègues.
    Bonjour à nos témoins, et merci beaucoup.
    Madame Wickham, vous avez mentionné, et cela m’a frappé parce que je l’ai entendu lors de témoignages précédents, que cette mesure devrait porter sur les enfants. Évidemment, certains des territoires et des collectivités autochtones sont vastes, comme les trois témoins l’ont mentionné, je crois. Comment ce projet de loi s’adresse-t-il aux enfants qui ne vivent pas dans une collectivité qui aurait des infrastructures, un gouvernement, ce genre de choses? Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont le projet de loi C-91 s’adresse à eux et s’occupe d’eux?
     J’essaie de penser à un exemple, parce que je suis prête à répondre pour ce qui est du territoire des Wet’suwet’en.
    C’est très bien. Vous pouvez répondre à cette question, ou simplement de façon générale.
     Je crois qu’il est vraiment important que nos enfants aient accès à la langue au sein du système scolaire. Je suis enseignante de formation, alors je vais parler un peu de notre programme.
    En Colombie-Britannique, notamment, nous mettons davantage l’accent sur les connaissances traditionnelles, alors la langue pourrait certainement être visée.
    Ce que nous désirons réellement, à mon avis, c’est que les langues autochtones soient protégées et officialisées sur leur territoire. Par exemple, nous voudrions que les noms de lieux traditionnels des Wet’suwet’en soient reconnus avec des panneaux sur le territoire des Wet’suwet’en, qui englobe Burns Lake, Houston et Smithers — ce sont les municipalités situées sur notre territoire.
    Ailleurs en Colombie-Britannique, les panneaux d’arrêt affichent les langues autochtones locales, par exemple, un peu comme on le fait pour le français et l’anglais. En traversant Ottawa depuis l’aéroport, nous avons observé cela. Je pense que c’est vraiment ce que nous voulons souligner, que nous devons protéger nos langues autochtones et les rendre officielles sur leurs territoires respectifs.
    À Ottawa, ce serait l’anishinabe. À Kamloops, ce serait le secwepemctsin. En faire une réelle priorité communautaire et incorporer la langue dans les systèmes scolaires permettraient aux élèves, les Wet’suwet’en et tous les autres, d’y avoir accès.
    Je sais qu’à l’école secondaire de Smithers, par exemple, dans les cours d’études des Premières Nations britanno-colombiennes, en douzième année, la plupart des étudiants sont non-Wet’suwet’en et cela crée de très riches possibilités de réconciliation à ce niveau. C’est ce que nous espérons voir sur nos propres territoires aussi.
    Merci beaucoup, c’est une excellente réponse.
    Vous avez aussi mentionné trois phases que j’ai trouvées très intéressantes. Vous avez parlé de revitalisation, de stabilisation et de prolongation.
    Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment vous voyez le projet de loi C-91 quant à la phase de prolongation?
    Je dirais brièvement que la prolongation est repoussée à un avenir très lointain pour nous à l’heure actuelle.

  (1200)  

    Combien de temps?
    Des années.
    Avant une prolongation, il faudrait avoir une stabilisation, et la population qui parle couramment la langue diminue rapidement. Comme je l’ai dit, l’âge moyen est de 70 ans, et seulement 3 % de notre population parle cette langue couramment au sein de...
     Pensez-vous pouvoir obtenir une prolongation dans 10 ans?
    J’ai bon espoir que oui.
    D’accord, merci.
    Les cloches semblaient sonner pendant une seconde, puis elles se sont arrêtées, alors je vais tenter de savoir de quoi il s’agissait.
    Cela met fin à la première heure. J’aimerais vraiment remercier tous les participants de leurs témoignages d’aujourd’hui. Cela a été très utile et vous avez apporté beaucoup d’idées intéressantes que tout le monde peut prendre en considération.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pour nous préparer à accueillir notre prochain groupe de témoins.
    Merci.

    


    

  (1205)  

    Nous reprenons nos travaux et nous accueillons maintenant, pour la deuxième heure, le président de l’ITK, Natan Obed; Tim Argetsinger, conseiller politique; et William David, conseiller juridique.
    Veuillez commencer par votre déclaration, après quoi nous passerons aux questions.
    Nakurmiik. Merci, madame la présidente.
    Je remercie les membres du Comité d’avoir permis à l'Inuit Tapiriit Kanatami de témoigner devant vous aujourd’hui. Je tiens également à souligner la présence de Duane Smith, président de la Société régionale inuvialuite, membre du conseil d’administration de l’Inuit Tapiriit Kanatami, qui vient de comparaître devant le Comité.
    Le peuple inuit partage une langue commune, l’inuktut, qui a de nombreux dialectes, et l’inuktut est le terme que nous avons décidé d’utiliser pour désigner notre langue inuite. Il y a beaucoup de discussions dans notre communauté quant à la définition de ce terme, mais en fin de compte, il y a la définition des mots et l’étymologie des mots, mais il y a aussi nos mots qui sont utilisés pour la pratique politique. L’Ontario est peut-être un mot autochtone, mais vous connaissez tous l’Ontario comme quelque chose de très différent, comme espace politique. Nous sommes en train de développer notre autodétermination, et les mots que nous utilisons en inuktut sont très utiles à cet égard.
    La plus grande partie de notre peuple vit dans 51 collectivités de l’Inuit Nunangat, terme que nous utilisons pour décrire notre patrie. L’Inuit Nunangat est une région géographique, politique et culturelle distincte qui représente près du tiers de la masse terrestre du Canada et la moitié de son littoral.
    Parmi les Inuits de l’Inuit Nunangat, 84 % disent pouvoir parler l’inuktut, ce qui fait de notre langue la langue autochtone la plus résiliente au Canada. Cependant, une image plus complexe de notre réalité linguistique se dessine lorsqu'on examine la capacité de conversation et la langue des ménages: 58 % des Inuits de l’Inuit Nunangat déclarent être en mesure de parler suffisamment bien l’inuktut pour soutenir une conversation, et seulement 40 % déclarent que l’inuktut est la langue la plus utilisée à la maison.
    L’inuktut a le statut de langue officielle dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Au Nunavut, les droits des locuteurs inuktut sont confirmés par la Loi sur la protection de la langue inuite. L’inuktut a le statut de langue officielle dans la région autonome du Nunatsiavut, qui relève également de la compétence de Terre-Neuve-et-Labrador.
    Une loi nationale est nécessaire pour tirer parti des droits existants quant à notre langue et pour compléter les initiatives mises de l’avant par les gouvernements territoriaux et les Inuits dans tout l’Inuit Nunangat. L’ITK reconnaît donc le rôle positif que peuvent jouer les lois nationales pour combler les lacunes législatives et politiques qui permettent le maintien de la discrimination contre les locuteurs inuktut. La nature précise de cette discrimination et ses incidences négatives sur la vie quotidienne des locuteurs inuktut sont décrites en détail dans le mémoire que l’ITK a présenté au Comité.
    À l’heure actuelle, le projet de loi C-91 est loin de respecter l’engagement pris par le gouvernement du Canada d’élaborer une loi fondée sur les distinctions. Sur la base de cet engagement, l’ITK a accepté de participer à cette initiative législative dès le début. Dans la déclaration commune rendue publique lors du lancement de cette initiative législative, le 15 juin 2017, la ministre Joly, moi-même, le chef national Bellegarde et Clément Chartier, président du Ralliement national des Métis, avons convenu de « [travailler] en collaboration, de façon transparente et sur une base distincte, en vue d’élaborer conjointement une législation nationale sur les langues des Premières Nations, des Inuit et des Métis dont le contenu rendra compte des contextes géographiques, politiques, législatifs et culturels distincts qui influeront sur la revitalisation, le rétablissement, la préservation, le maintien et la promotion des langues ».
    Tout au long de cette initiative et jusqu’à récemment, nous avions cru comprendre qu’il y aurait des dispositions communes dans la loi, et qu’il y aurait ensuite des articles fondés sur des distinctions en fonction des besoins et des réalités propres aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis. Le projet de loi C-91, dans son libellé actuel, ne tient absolument pas compte du statut unique de l’inuktut et des besoins pratiques de ses locuteurs. En l’absence de dispositions spécifiques à l’inuktut dans le projet de loi C-91, l'ITK propose donc des amendements qui contribueraient à faire en sorte que nos priorités de longue date en matière de langue soient reflétées dans cette mesure.
    Remédier à ces problèmes est une priorité nationale pour les Inuits depuis plus d’un demi-siècle. L’ITK a été créée en 1971, en grande partie pour faire progresser les mesures législatives et politiques nécessaires à la revitalisation, au maintien et à la promotion de notre langue. Ces modifications sont nécessaires pour respecter l’engagement du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones et tous les Canadiens d’élaborer des lois fondées sur les distinctions.

  (1210)  

     Elles permettraient à notre peuple de jouir des droits de la personne et des libertés fondamentales auxquels tous les peuples ont droit, y compris dans les domaines politique, économique, social, culturel et autres de la vie publique.
    Dans le mémoire que nous avons présenté au Comité, l’ITK a donc proposé des amendements au projet de loi C-91 qui obligeraient le ministre à élaborer une annexe distincte à cette loi relativement à l’inuktut. Cette annexe pourrait comprendre des dispositions portant entre autres sur les domaines suivants: l’utilisation de l’inuktut dans la fonction publique fédérale; des normes régissant le soutien financier fédéral à l’inuktut et des niveaux précis de financement; et des mesures visant à appuyer la prestation de programmes et de services en inuktut en matière d’éducation, de santé et d’administration de la justice.
    Les amendements que nous proposons au projet de loi C-91 sont conformes aux documents et aux commentaires que les Inuits ont fournis au ministre du Patrimoine canadien au cours des deux dernières années, ainsi qu’aux priorités du gouvernement fédéral, notamment en ce qui concerne l’accès aux services fédéraux pour les personnes qui parlent l’inuktut.
    Les Inuits font face à des obstacles linguistiques importants lorsqu’il s’agit d’accéder aux services publics, surtout dans les régions à majorité inuktut du Nunavut et du Nunavik. Ce problème est particulièrement aigu dans l’application de la loi, où le nombre limité d’agents de la GRC qui parlent inuktut contribue à la sous-déclaration des crimes violents, et de la violence familiale en particulier.
    De plus, en 2018, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a étudié les risques pour la sécurité publique qui découlent du nombre limité de locuteurs inuktut au sein de la Garde côtière canadienne. Le Comité a recommandé que la Garde côtière canadienne recrute des gens qui parlent inuktut. Des obstacles semblables sont bien documentés dans le système judiciaire du Québec. Le refus du gouvernement fédéral de fournir des services en inuktut dans l’Inuit Nunangat a même miné la capacité dudit gouvernement de s’acquitter de son obligation de consulter les Inuits et de tenir compte de leurs besoins. C’était le cas en 2017 lorsque la Cour suprême du Canada a statué en faveur de la communauté de Clyde River, au Nunavut, et a constaté que le processus de consultation de l’Office national de l’énergie sur les essais sismiques dans la région avait été vicié, entre autres, parce qu’on n’avait pas communiqué avec les Inuits dans notre langue maternelle.
    L’ITK exhorte le Comité à prendre des mesures concrètes pour régler les problèmes persistants en adoptant les amendements que nous proposons aujourd’hui. Les amendements proposés, si nécessaires à la dignité de notre peuple, sont modestes par rapport aux droits dont jouissent les locuteurs des deux langues officielles du Canada, tant dans notre patrie que dans l’ensemble du pays.
    Les Inuits s’attendent à ce que chacun d’entre vous fasse preuve de la créativité et du courage politique nécessaires pour nous aider à mettre fin à la discrimination à laquelle un trop grand nombre de personnes qui parlent l’inuktut font face dans leur vie quotidienne et à remplacer les symboles par un soutien fédéral efficace et percutant pour les efforts visant à renforcer et à revitaliser notre langue dans tout l’Inuit Nunangat.
    Nakurmiik.

  (1215)  

    Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses.
    Nous allons commencer par M. Anandasangaree, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Obed, de votre exposé.
    J’aimerais que vous me donniez une idée de la prestation de services en inuktut, en ce qui concerne, par exemple, le système d’éducation actuel.
    Combien d’enseignants sont actuellement disponibles pour enseigner l’inuktut aux enfants dans les différentes régions?
    Je n’ai pas de chiffres précis, mais je vais vous donner une idée générale du système d’éducation actuel.
    Dans un certain nombre de nos 51 collectivités, l’inuktut est la principale langue d’enseignement entre la maternelle et la quatrième année. Dans de nombreuses collectivités, c’est de la maternelle à la deuxième année ou peut-être seulement à la maternelle. Mes enfants, à Iqaluit, ont appris l’inuktitut comme première langue d’enseignement de la maternelle à la 4e année.
    Des efforts ont été déployés pour que les gouvernements augmentent le nombre d’enseignants parlant l’inuktut grâce à des programmes de baccalauréat en éducation pour les Inuits dans des administrations particulières. Tout cela se fait en marge. Il ne s’agit pas d'en venir à utiliser l'inuktut dans l'enseignement de la maternelle à la 12e année, mais de nous assurer que les petits progrès que nous avons réalisés au fil du temps continuent d’exister.
    Je crois que vous avez mentionné quatre domaines très précis: l’éducation, les soins de santé, le système de justice et les services de police. Y a-t-il actuellement suffisamment de locuteurs qui sont en mesure d’offrir ces services dans les différentes régions?
    Il semble que l’écart que nous avons... Bon nombre de vos recommandations suggèrent qu’il devrait y avoir une disposition, dans les différentes régions, en inuktut. Y a-t-il suffisamment de gens qui pourraient occuper ces postes si nous empruntons cette voie?
    Si vous continuez systématiquement à laisser mourir notre langue, alors oui, c’est une prophétie qui se réalisera.
    La Loi sur les langues officielles prévoit qu’une population linguistique minoritaire anglophone ou francophone a des droits quant à son éducation et à la capacité d’accéder aux services gouvernementaux, lorsqu’un certain seuil est atteint. Nous n’avons pas ces droits. Dire que les ressources sont limitées et que, par conséquent, nos droits ne seront pas exercés ou maintenus n’est pas la façon dont notre pays envisage sa Loi sur les langues officielles pour les francophones ou les anglophones, et je ne suis pas prêt à participer à une telle discussion.
    À l’inverse, le gouvernement serait peut-être irresponsable de s’engager à légiférer s’il ne peut mettre ce droit en oeuvre. Un exemple est la langue de service. Il pourrait être très difficile de mettre cela en oeuvre. Tout cela exige un plan. Je pense que c’est là le fond de la question. Il faut un plan pour former des locuteurs qui parlent couramment et pour les recruter dans les différents domaines de travail, par exemple, dans la fonction publique. Le fait de l'inscrire tout de suite dans la loi pourrait être problématique, en ce sens que ce serait un engagement à faire quelque chose qui n’est pas immédiatement faisable. C’est probablement réalisable à long terme.
    Comment combler cet écart?

  (1220)  

    Nos droits linguistiques existent aujourd’hui. Ce projet de loi vise à permettre au Canada de respecter ses propres obligations en vertu du droit international et de la Constitution. Ce n’est pas nécessairement la même chose que d’avoir une discussion sur la capacité. La capacité d’exercer nos droits et la capacité de doter tous les postes nécessaires pour le faire sont deux concepts complètement différents.
    Nous luttons pour obtenir les dispositions nécessaires au renforcement des capacités dans l’espace législatif qui nous encadre. Cela va à l’encontre des 151 dernières années de non-respect de nos droits linguistiques. Il n’est pas surprenant que notre langue diminue dans un environnement où elle n’a pas le même niveau de droits et de respect que les deux langues officielles du pays. Notre pays a tenté d’éliminer les langues autochtones de façon systématique, et c’est encore une excellente occasion de résister à cela. La législation et la possibilité d’un développement conjoint étaient une occasion que nous pensions pouvoir saisir et qui allait au-delà des symboles pour essayer de trouver une façon pratique de mettre en oeuvre nos droits. Nous avons toujours espoir que cette innovation pourra se produire, et notre mémoire montre que c’est la voie à suivre.
    Merci.
    Nous pouvons passer à Mme McLeod, s’il vous plaît, pour sept minutes.
    Merci, monsieur Obed, de votre exposé.
    Vous n’avez pas mâché vos mots dans votre communiqué de presse après la présentation de ce projet de loi. Vous avez été cité, je crois, disant que ce projet de loi était symbolique, de mauvaise foi, qu’il avait été rédigé à huis clos dans un système colonial, qu’il était imposé. Ce sont des mots très forts qui témoignent de votre mécontentement.
    Le gouvernement évoque une mesure législative élaborée conjointement, et nous sommes peut-être dans le même cas que pour le pipeline Trans Mountain, lorsqu’il était question de consultations avec les collectivités qui allaient être touchées, mais que les mots ne se traduisaient pas en actes. Nous ne sommes pas au courant de ce qui s'est passé derrière les portes closes.
    Qu’est-ce qui vous a gêné au point de critiquer si sévèrement le résultat?
     Je me reporte à nouveau à la déclaration conjointe du 15 juin 2017 faite dans le foyer de l’édifice du Centre, où nous nous sommes tous engagés à travailler ensemble, de façon transparente et fondée sur la distinction, à l’élaboration conjointe d’une mesure législative. Nous avions une liste de différentes choses au sein de la loi, y compris des contextes géographiques, politiques, législatifs et culturels distincts qui ont une incidence sur la revitalisation, le maintien et la promotion de la langue. Cela faisait suite à un certain nombre de discussions menées par la ministre du Patrimoine canadien, mais était également soutenu par les déclarations publiques du premier ministre au sujet de l’ambition d’une loi sur les langues autochtones.
    Tout cela nous a amenés à accepter l'élaboration conjointe. Nous aurions pu dire non à ce moment-là. C’est vraiment un élément clé. Il y a une démocratie inuite dans ce pays. Les peuples autochtones ont des droits. Nous avons le droit à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale. Le gouvernement du Canada n’a pas le pouvoir exclusif sur l’espace politique que nous occupons. Nous avons choisi de venir à cette table. Nous avons choisi l'élaboration conjointe et nous avons choisi de passer d’innombrables heures de notre temps au niveau national et avec nos régions pour défendre notre position afin de mettre en pratique nos droits linguistiques acquis et pour améliorer l’avenir des Inuits. Jamais au cours de ce processus nous n'avons obtenu de réponse à nos propositions ni, en fin de compte, le respect des principes fondamentaux sur lesquels nous nous étions tous entendus dans le projet de loi qui a franchi les étapes de la première et de la deuxième lecture.
    Le préambule parle de l’importance des peuples autochtones, de l’importance de notre langue et des torts causés. Oui, il est important que cela figure dans le préambule d’une mesure législative. Si un commissaire aux langues autochtones était prévu dans le contexte d’articles de loi fondés sur les distinctions et que cela faisait partie d’une loi, nous verrions probablement les choses de façon très différente et nous serions beaucoup plus à l’aise.
    Le fait que cette loi consiste essentiellement à mettre en place un commissaire fédéral est très loin des attentes que nous avions. En ce qui concerne l'élaboration conjointe, nous ne considérons pas que cela soit identique à la consultation. S’il s'agissait vraiment d'une élaboration conjointe, des parties de cette loi seraient représentatives de ce que souhaitaient les Inuits.

  (1225)  

    Comme vous le savez, l’APN et le RNM l’appuient. La question est de savoir si le projet de loi, tel qu’il est rédigé, causera du tort. Si rien n’est changé, cela pourrait-il causer du tort, selon vous?
     Je peux apporter une réponse partielle à cette question.
    À l’heure actuelle, dans deux de nos quatre régions — le Nunavik et le Nunatsiavut —, les principales sources de financement officiel et dédié aux langues sont issues du programme de l’Initiative des langues autochtones, qui est administré par le ministère du Patrimoine canadien.
    À notre connaissance, le projet de loi propose de remplacer ce programme par un commissariat aux langues. Le commissaire aux langues officielles aura des fonctions qui pourraient avoir ou non une incidence positive sur les Inuits et sur leurs efforts de revitalisation, de maintien et de promotion de la langue inuite. En l’absence de la seule source actuelle de financement fédéral dédié dans au moins deux de ces régions, on pourrait faire valoir que les dispositions proposées dans le projet de loi actuel constitueraient en fait un recul pour ces deux régions.
    J’ai posé une question au premier groupe de témoins et je vais la poser de nouveau. Si rien n’est fait dans le sens des recommandations que vous avez formulées, diriez-vous que ce projet de loi ne devrait pas être appuyé?
     Nous demeurons optimistes quant au fait que le processus d’élaboration conjointe n’est pas terminé et que les dispositions proposées par les Inuits peuvent peut-être se retrouver dans une annexe de la loi ou être intégrées lors de lectures ultérieures du projet de loi. Nous ne sommes pas encore prêts à abandonner.
    C’était une bonne réponse politique. Merci.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de votre présence et de vos exposés.
    D’autres témoins nous ont dit qu’il y avait 11 langues officielles dans les territoires. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n’indique pas clairement comment les provinces et les territoires seront inclus dans le modèle de financement. Je suis également préoccupée par la façon dont une province ou un territoire intégrera les langues aux programmes d’études.
    Pouvez-vous nous dire comment ce processus a fonctionné dans le Nord et comment, selon vous, les langues devraient être incluses dans les programmes d’éducation provinciaux et territoriaux?

  (1230)  

    Votre témoin précédent, Duane Smith, a parlé de la façon dont les administrations ayant de multiples langues autochtones les ont historiquement sous-financées, mais aussi de la nécessité d’un changement fondamental. C’est la raison pour laquelle nous parlons, dans le cadre de ce projet de loi, d’une approche de l’Inuit Nunangat qui permettrait de répondre à nos besoins grâce à des politiques et des dispositions législatives spécifiques, ainsi que des processus réglementaires particuliers qui s’y rattachent, afin de veiller à ce que nos 51 collectivités soient desservies exactement de la même façon et à ce que nos droits soient uniformément respectés, peu importe l'endroit où vous vous trouvez dans l’Inuit Nunangat.
    Je pense que le problème vient en partie du fait que la structure de la Confédération ne laisse pas de place pour l’Inuit Nunangat. Lorsque nous présentons ce sujet et cette idée, cette promotion de nos droits de façon cohérente, à ce gouvernement qui veut renouveler sa relation avec nous, nous ne voyons pas d’acceptation ou d’innovation. Il nous est alors impossible d'arriver aux solutions pratiques qui sont proposées au moyen d’une approche parfois très logique et simple, principalement parce que c’est nouveau.
    En démantelant l’ancienne façon de faire les choses, surtout dans le cadre de l’Initiative des langues autochtones qui, pendant la majeure partie des 10 à 15 dernières années, a fonctionné essentiellement avec des peuples autochtones en concurrence les uns avec les autres et avec le fait que Patrimoine canadien décide quels projets autochtones ont sa préférence, au lieu que ce soient les peuples autochtones eux-mêmes qui disposent du financement et du pouvoir de décision appropriés pour la promotion de la langue, de manière à pouvoir choisir de structurer les interventions... C’est ce que nous essayons de faire.
    Nos préoccupations sont nombreuses en matière de non-respect de nos droits linguistiques. Ce projet de loi ne réglera pas tous les problèmes. Il faudra aussi des réflexions supplémentaires avec les provinces et les territoires, mais ce pourrait être un bon point de départ. Nous espérons que les amendements que nous proposons pourront être intégrés au projet de loi.
    Je suis heureuse d’entendre que vous êtes optimiste, tout comme moi.
    Nous avons l’occasion de poser des questions et de présenter nos idées et nos suggestions au gouvernement. Avez-vous eu l’occasion de communiquer avec un ministre au sujet des recommandations que vous faites ici aujourd’hui?
    Nous avons eu plusieurs occasions de discuter avec le ministre Rodriguez et, auparavant, nous avons eu des rencontres régulières avec la ministre Joly pour l’ensemble de l’initiative. Avoir accès au ministre et lui remettre des conseils ne constitue pas le défi, selon nous.
    Certains des processus techniques supérieurs auxquels nous avons participé n’ont pas été aussi constructifs dans leur ensemble. Nous avons eu des conversations amicales dans de nombreuses salles différentes. Comme je l’ai déjà mentionné, nous avons passé énormément de temps à présenter nos points de vue et nos positions au ministère du Patrimoine canadien sur ce projet de loi et sur l’élaboration des dispositions que vous voyez ici. Nous ne voyons pas le résultat de ces conversations dans le projet de loi lui-même. À un moment donné, après que l'on ait parlé de l’importance des langues autochtones et que l'on se soit félicité de la reconnaissance de nos droits et de leur mise en oeuvre dans le cadre de la loi, tout semble s'être arrêté.
     Nos témoins précédents ont dit que les langues officielles doivent être reconnues et que les langues autochtones doivent être incluses dans la définition du gouvernement fédéral de langue officielle au Canada, comme vous le disiez ici ce matin.
    Pouvez-vous nous répéter pourquoi c’est si important, afin de réitérer votre point de vue?

  (1235)  

     Le statut des langues officielles entraîne la reconnaissance des droits, ce qui est pertinent parce qu’un recours en découle. Le statut de langues officielles permet au gouvernement fédéral de soutenir les Inuits. Il en va de même pour les gouvernements provinciaux et territoriaux.
    J’aimerais simplement souligner, au sujet du statut des langues officielles, que cela a été présenté comme une possibilité au début de cet exercice. Plutôt que de tout bonnement demander le statut de langues officielles, nous, Inuits, avons fait preuve de souplesse en élaborant une description assez détaillée d'une étape supplémentaire en vue de parvenir à cet objectif final. Je crois que nous l’avons fournie au Comité. C’est une très longue série de dispositions législatives et cela ne concerne pas nécessairement la concrétisation du statut de langues officielles. C’est ce que nous considérons comme les précurseurs nécessaires et les étapes progressives pour éviter les perturbations qui découleraient d’une simple déclaration au départ.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Long, pour sept minutes.
    Monsieur Obed, merci beaucoup d’être venu et de nous avoir présenté votre exposé.
    Je pense que nous pouvons tous convenir que l’objectif est de répondre au plus grand nombre possible de vos préoccupations. Je respecte le fait que vous exprimiez des préoccupations et des divergences. De toute évidence, nous espérons que les amendements nous permettront de renforcer les capacités afin que les droits linguistiques, vos principales préoccupations, soient protégés.
    Voici la première chose dont je veux parler. J’ai entendu vos préoccupations concernant l’inuktut, mais j’aimerais savoir ce que vous pensez des autres langues autochtones parlées dans l’Inuit Nunangat. Pensez-vous que le projet de loi aiderait à les protéger?
    J’aimerais simplement savoir de quelles langues vous parlez, parce que l’inuktut est la seule langue autochtone parlée dans l'ensemble de l’Inuit Nunangat.
    Je m’excuse. Il s’agit simplement de vos réflexions sur les autres langues autochtones parlées dans l’Inuit Nunangat. N'y en a-t-il qu'une?
    La définition de l’Inuit Nunangat précise qu'il s'agit de la somme des quatre régions visées par le règlement des revendications territoriales. Il s’agit donc d’une population majoritairement inuite. Il peut y avoir des résidants non-inuits, parlant une langue autochtone dans nos communautés, mais pour ce qui est de l'existence de droits des minorités francophones dans le territoire du Nunavut, il se trouve qu'aucun peuple autochtone de ce groupe linguistique n'est majoritaire dans l’Inuit Nunangat.
    Pensez-vous que le projet de loi C-91, dans sa forme actuelle, protégerait les langues minoritaires? Parce que l’une des préoccupations exprimées par d'autres témoins était simplement le fait que certaines collectivités possèdent une infrastructure — des écoles, des systèmes, des choses en place —, mais que d’autres n'en ont pas.
    Croyez-vous que le projet de loi C-91 les inclura, ou avez-vous des amendements à proposer pour vous assurer que leurs droits et leurs langues soient également renforcés et protégés?
    Je m’attends à ce que les Premières Nations et les Métis collaborent de façon constructive avec le gouvernement pour répondre aux besoins de leurs populations fondés sur les distinctions. Je ne peux parler que des considérations propres aux Inuits dans ce projet de loi.
    Cela dit, si vous regardez la loi dans son état actuel, vous verrez qu’il y a deux éléments principaux. L’un est la création d’un commissaire aux langues et l’autre, qui est nouveau pour le gouvernement et pour nous, est la capacité du gouvernement de conclure des ententes linguistiques directement avec les représentants des peuples autochtones. Nous soutenons que cela existe sans le projet de loi. La façon dont le bureau du commissaire fonctionnera et les rôles qu’il est censé jouer... Le fait qu’un commissaire puisse dire au gouvernement du Canada qu’il continue de ne pas mettre en oeuvre les droits linguistiques des peuples autochtones ne fait que poursuivre la conversation que nous avons avec vous aujourd’hui. La capacité du commissaire aux langues officielles de régler ce problème et d’obliger le gouvernement du Canada... Je ne sais pas où réside ce pouvoir, mais nous ne le voyons pas dans les attributions du commissaire.

  (1240)  

     Monsieur Obed, pourriez-vous commenter les déclarations d’autres dirigeants autochtones, comme Perry Bellegarde, qui a dit qu’il s’agissait d’une « loi historique »? Nous l’avons reçu la semaine dernière. Il a dit qu’aucune loi n’est parfaite, mais que c’est un excellent début et que nous devons maintenant travailler pour l’améliorer. Le président Clément Chartier a dit qu’il s’agissait de « réconciliation en action ». Pouvez-vous me donner votre point de vue et vos commentaires sur ce qu’ils ont dit?
    En vertu de l’article 35 de la Constitution, il y a trois peuples autochtones dans le pays: les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Ce à quoi vous vous heurtez ici, c’est l’idée que nous ne sommes pas homogènes. Nous avons des sociétés différentes et des besoins différents. Je pense que l’Ontario a parfois une vision du monde très différente de celle de l’Alberta, mais l’Ontario et l’Alberta sont deux provinces canadiennes. Elles font toutes deux partie du Canada, mais leurs points de vue diffèrent ainsi que leurs idéologies sous-jacentes sur ce qui a de l'importance et pourquoi.
    J’ai beaucoup parlé avec le chef national et aussi avec le président Chartier. Ils appuient les Inuits dans cet exercice et ils appuient une annexe inuite. Il y aura peut-être ensuite d’autres considérations concernant les Premières Nations et les Métis, mais ils ont appuyé l'approche adoptée par les Inuits, dans sa globalité.
    Diriez-vous que vous cherchez à obtenir le statut de langue officielle pour l’inuktut au niveau fédéral?
    Nous avons proposé des amendements dans notre mémoire. Le statut de langue officielle n'y figure pas comme l’une des dispositions que nous proposons. Nous vous incitons à vous concentrer sur les 10 dispositions qui figurent dans le mémoire que nous vous avons remis.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nous allons passer à Mme McLeod. Elle va partager son temps avec M. Shipley, je crois.
    Je pense que cette question s’adresse à M. Obed ou à M. David. Il me semble que l’article 6 a été bien accueilli par différents groupes dans tout le pays, mais un témoin a soulevé des préoccupations, disant que c’était la première fois qu’une mesure législative reconnaissait la question et se demandant si sa constitutionnalité serait contestée en raison d’une approche trop étroite. L'idée était que ce serait plus approprié dans le préambule. Je ne suis pas constitutionnaliste. J’aimerais beaucoup avoir l’opinion d’un constitutionnaliste à ce sujet.
    Je sais que c’est bien accueilli, mais quand certains se demandent si un projet de loi fera l'objet d'une contestation constitutionnelle, cela me met toujours en alerte. Monsieur David, en votre qualité d'avocat dans cette salle, ou monsieur Obed, j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je vais commencer, puis je céderai la parole à Will. J’étais dans la salle à New York lorsque la ministre Bennett a déclaré avec force que le Canada appuyait sans réserve la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Dans cette déclaration, il y a des articles précis sur les droits liés aux langues autochtones.
    Le gouvernement du Canada a déjà des obligations à l’égard des peuples autochtones et des langues autochtones, que la Couronne les reconnaisse ou non. Nous sommes dans un contexte positif où la Couronne a reconnu des instruments internationaux clés qui sont liés à cette question et a exprimé très fermement son appui.
    Je vais céder la parole.

  (1245)  

     Je pense qu’il serait bon que vous fassiez une analyse plus approfondie à ce sujet.
     Tout ce que je veux dire, c’est qu’avec l’article 6, comme avec une bonne partie de la loi, il est très difficile de voir comment cela fonctionnerait en pratique. Je dis cela, car les droits des peuples autochtones sont reconnus et confirmés de façon générale à l’article 35, et il y a ensuite un cadre pour définir ces droits, soit par la common law, soit par des mécanismes fondés sur des traités.
    Une lecture restrictive de l’article 6, telle que la ferait probablement le ministère du Patrimoine canadien, dirait simplement que les droits linguistiques ne sont pas exclus de la définition de l’article 35. Ils font déjà partie des définitions de l’article 35, alors cela pourrait être assez redondant.
    D’un autre côté, quelqu’un comme moi lirait cela de façon aussi large que possible, pour dire que, là où des droits autochtones existent, l'élément linguistique est compris. Je ne crois pas que cela entraînerait nécessairement la mort du projet de loi. Je pense que cela pourrait contribuer à alimenter les différends au sujet de la portée à donner à l’interprétation de cet article.
    La seule autre chose que j’aimerais souligner, c’est que la reconnaissance ne se retrouve pas dans la loi, ce qui est vraiment intéressant. C’est presque comme s’il y avait une reconnaissance générale des droits énoncés à l’article 35, mais notre organisation et les Inuits en général se plaignent que la loi ne fournit aucun moyen de mettre ces droits en oeuvre. C’est une disposition étrange.
    Ce n’est pas quelque chose que je considérerais comme grave, mais je dirais que l’ambiguïté elle-même est potentiellement préoccupante aux yeux de certains.
    Merci.
    Monsieur Shipley, vous avez 45 secondes.
    J’ai une brève question, qui fait suite à une question posée tout à l'heure.
    Pour ce qui est de l’éducation — je crois qu’on a parlé d’un diplôme ou de cours de certification —, y a-t-il suffisamment d’éducateurs? Comment cela pourrait-il se concrétiser partout au pays?
    L’Inuit Tapiriit Kanatami collabore avec divers ministères fédéraux pour améliorer notre système d’éducation dans son ensemble. Nous essayons de mettre en oeuvre une stratégie nationale, de l’apprentissage et la garde des jeunes enfants jusqu'à l’enseignement primaire, secondaire et postsecondaire.
    Je pense à la logistique s'agissant des universités et des collèges. Comment cela serait-il mis en oeuvre, compte tenu de leur faible nombre probable?
    J’aimerais beaucoup avoir une discussion plus longue avec vous à ce sujet. C'est impossible en 15 secondes.
     Je dirais que la capacité de mettre en oeuvre une mesure législative est une chose très différente des droits et de la mise en oeuvre des droits que nous recherchons.
    J’aurais aimé avoir plus de temps pour cette réponse.
     Je vous remercie de votre concision. Merci de nous avoir donné une réponse.
    Nous passons maintenant à M. Hogg pour les cinq dernières minutes.
    Nous avons l'inconvénient de ne pas avoir sous les yeux le mémoire que vous avez présenté. Apparemment, la traduction est en cours et nous l’obtiendrons plus tard.
    J’ai l’impression de ne pas être aussi équipé ou aussi informé que je le voudrais. Je trouve que vous essayez d’interpréter en partie les choses et je suppose que nous le verrons lorsque nous recevrons votre mémoire.
    J’essaie de clarifier les différences qui, selon vous, ne sont pas représentées pour vous, mais qui le sont pour les deux autres groupes autochtones. Pouvez-vous m’en dire un peu plus au sujet des deux changements ou du changement qu’il faudrait apporter pour qu’il y ait équité?
    Ai-je bien compris?
    J’essaie de comprendre la question, mais je ne crois pas que ce projet de loi fasse quelque chose pour les Premières Nations ou pour les Métis qu’il ne fait pas pour les Inuits. Ce n’est pas l'objet de notre débat ici. Je pense que ce que nous recherchons, ce sont essentiellement des dispositions spécifiques aux Inuits, qui soient d’une nature différente de celles qui conviennent aux Premières Nations et aux Métis.
    Tim, voulez-vous ajouter quelque chose?

  (1250)  

     Bien sûr, je peux essayer de clarifier les choses. Je suis désolé que vous n’ayez pas reçu le mémoire qui a été remis au greffier jeudi dernier.
    Nous proposons, en ce qui concerne les amendements au projet de loi, qu’une disposition soit incluse après l’article 11 du projet de loi C-91, qui se lirait comme suit: « Le ministre doit poursuivre, en étroite consultation avec les organes directeurs autochtones pertinents, l’élaboration d’une annexe distincte à la présente loi, relative à l’inuktut. »
    Nous avons inclus une ébauche d’annexe que nous avons rédigée et elle propose ce que pourraient être ces dispositions particulières dans l'annexe. Ces dispositions s’inscrivent dans différentes catégories, soit le statut de l’inuktut, les principes, les définitions, le financement, l’éducation, la santé, la justice et la langue de travail dans les ministères et organismes fédéraux.
    Une question a été soulevée plus tôt au sujet de l’éducation et je pense qu’il y a peut-être un malentendu quant au motif de nos commentaires sur l’éducation. La disposition précise que nous envisageons d’inclure dans l’annexe elle-même dirait, ou pourrait dire, « Le gouvernement du Canada doit prendre des mesures efficaces pour appuyer la progression et la mise en oeuvre de l’éducation en inuktut dans l’Inuit Nunangat ».
    À l’heure actuelle, il y a une importante disparité dans le financement accordé par le ministère du Patrimoine canadien aux deux territoires dans le cadre des accords territoriaux sur les langues, que le ministère du Patrimoine canadien négocie bilatéralement avec les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. Une telle disposition pourrait donner l’occasion de négocier des ententes trilatérales avec le ministère et les gouvernements provinciaux et territoriaux dont relèvent les Inuits, afin d’assurer un financement adéquat des initiatives et des activités en matière d’éducation. À l’heure actuelle, en vertu de ces accords existants, les fonds, par exemple, qui sont fournis au gouvernement du Nunavut pour l’inuktut ne sont pas admissibles à l’utilisation par le ministère de l’Éducation du gouvernement public; toutefois, le financement de l’enseignement du français est inclus dans cet accord.
    Je ne fais que donner un peu de contexte à nos commentaires de tout à l’heure sur la nécessité d’un soutien équitable pour l’éducation dans tout l’Inuit Nunangat.
    Si cette annexe était incluse dans le projet de loi, y aurait-il une certaine équité concernant la loi telle qu'elle s’applique à tous les peuples autochtones, ou envisagerions-nous une annexe semblable pour d’autres groupes également?
    Cette loi et le projet de loi C-91 nous posent des problèmes, compte tenu de l’élaboration conjointe qui nous a été promise par le gouvernement du Canada et de nos attentes vis-à-vis d'un article propre à l’inuktut dans le projet de loi.
    Ce qui se passe avec les Premières Nations ou les Métis ne relève pas de notre compétence. Je dirais que cela relève davantage du gouvernement du Canada.
    Merci.
    J’aurais aimé savoir cela avant; nous aurions alors pu interroger d’autres témoins à ce sujet. Cela constitue probablement une attribution ou une interprétation importante dans ce cadre. Dans notre discussion...
    Cela vous amène à la fin de vos cinq minutes.

  (1255)  

    J’avais une très bonne question.
    J’ai l’impression d’être dans une bande dessinée qui finit par « C'est terminé. »
    Merci beaucoup. C’était très utile.
    J’aimerais expliquer que la raison pour laquelle il n’a pas été distribué, c’est qu’il doit être traduit. Nous l’avons reçu la semaine dernière, mais il doit être entièrement traduit avant d’être distribué au Comité. Tout le monde va recevoir l'ensemble des documents que vous nous avez fournis.
    Merci beaucoup de votre aide aujourd’hui.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU