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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 144 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 14 mai 2019

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bon après-midi. Bienvenue à la 144e séance du Comité permanent de la condition féminine. La réunion d'aujourd'hui est publique.
    Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la situation des femmes au ministère de la Défense nationale. Pour cette réunion, je suis heureuse d'accueillir, à titre personnel, la Dre Karen Breeck, médecin militaire à la retraite; Mme Grazia Scoppio, professeure agrégée à l'Académie canadienne de la Défense et au Collège militaire royal du Canada; et Marie-Claude Gagnon, fondatrice de It's Just 700.
    Je donne maintenant la parole à Mme Gagnon.
    Vous avez sept minutes.
    Bonjour. J'aimerais remercier le Comité de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je ferai part de mon point de vue en tant qu'ancienne militaire des Forces armées canadiennes, militaire survivante de traumatismes sexuels et fondatrice du groupe It's Just 700.
    Le groupe It's Just 700 a été établi à la suite des représailles en ligne découlant de l'examen externe de 2015 sur l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Je voulais créer un espace sûr dans lequel les victimes militaires pourraient tisser des liens avec leurs pairs et se renseigner sur les services et possibilités qui s'offrent à elles.
    Nous n'avons pas tardé à dégager les tendances et à cerner les lacunes dans les services qui nous sont fournis. Voici quelques éléments qui, à mon avis, méritent d'être étudiés.
    Premièrement, le manque d'indépendance du CIIS, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, par rapport aux dirigeants des Forces armées canadiennes a nui au soutien des victimes. Le Rapport annuel 2017-2018 du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle semble indiquer que le CIIS a amélioré son soutien en matière de consultation et de formation à l'intention des dirigeants des FAC, tandis que le soutien aux victimes demeure le même. Cela signifie que, pendant que le CIIS fournit des services pratiques aux dirigeants des FAC, les victimes obtiennent une écoute active au téléphone et un service d'aiguillage. On ne nous assigne pas de gestionnaire de cas, nous n'obtenons pas d'aide liée aux mesures d'adaptation, et personne n'est désigné pour défendre nos besoins. Je suis sûre que vous pouvez voir en quoi ces types de services auraient été utiles aux femmes qui ont témoigné devant vous la semaine dernière.
    C'est peut-être pour cette raison que, selon le même rapport, chez les dirigeants des FAC qui ont recours aux services du CIIS, la satisfaction générale s'élève à 87 %, tandis que chez les victimes, le taux de satisfaction générale est de 64 %. C'est peut-être la raison pour laquelle il y a eu une diminution du nombre de victimes qui font appel au CIIS et une augmentation du nombre de dirigeants des FAC qui y ont recours. Offrir ce type de soutien limité aux victimes signifie que seulement 2 % des 21 % des victimes ayant signalé une inconduite sexuelle ont communiqué avec le CIIS entre 2017 et 2018. Vu ce très petit échantillon, même le CIIS, dans son rapport, a exprimé sa préoccupation quant à sa propre capacité de donner une image précise des problèmes, tendances ou besoins en ce qui concerne les victimes.
    Deuxièmement, les programmes financés par le gouvernement pour les malades et les blessés ne devraient pas être axés uniquement sur les types de blessures habituellement subies par des hommes. Le même rapport a révélé que plus de la moitié des militaires victimes de traumatismes sexuels ont indiqué que le CIIS devrait inclure un soutien par les pairs et une consultation en personne. Selon le Quatrième rapport d'étape sur la lutte contre l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, le soutien par les pairs à l'interne n'aura pas lieu.
    Cela signifie que, même si les membres des Forces armées canadiennes qui ont une blessure liée au stress opérationnel — principalement des hommes — et leur conjoint bénéficient d'un soutien par les pairs offert par l'entremise des forces armées, nous, les militaires survivantes de traumatismes sexuels, serions orientées vers des groupes de victimes d'agression sexuelle, pour les femmes, dans la collectivité dans laquelle nous sommes affectées. Dans notre cas, l'application d'une norme de soins subsidiaire à l'écart de l'armée et de nos pairs au moyen d'un budget temporaire n'est pas la solution.
    Troisièmement, les politiques, les programmes et la recherche sont toujours en cours d'élaboration sans le prisme de l'ACS+, l'analyse comparative entre les sexes, et ne sont pas contestés. J'ai deux exemples récents d'initiatives des Forces armées canadiennes qui n'ont pas utilisé de prisme de l'ACS+. Le premier exemple a surgi lorsque j'ai tenté de consulter le site Web sur la transition des Forces armées canadiennes publié le 25 mars 2019. Comme vous pouvez le voir à l'annexe A de mes notes d'allocution, les seuls soins annoncés pour les malades et les blessés sur ce site Web sont dans le cadre du Programme de SSBSO, le Programme de soutien social aux blessés de stress opérationnel.
    Le Programme de SSBSO n'a pas pour mandat d'aider les militaires survivantes de traumatismes sexuels. Le seul groupe de soutien adapté aux femmes, aux militaires et aux civils, que j'ai trouvé en naviguant, était le site Web du Centre de santé mentale Royal Ottawa, où j'ai été accueillie par la phrase suivante: « Venez participer à des ateliers d'autosoins, d'apprentissage et de magasinage. »

  (1535)  

    J'ai trouvé le deuxième exemple en lisant le rapport de 2019 intitulé « Le suicide et la prévention du suicide dans les Forces armées canadiennes ». Tout comme le rapport de 2016, il ne couvre que le suicide chez les hommes. En tant que groupe minoritaire, les femmes membres des Forces armées canadiennes ne satisferont jamais au seuil requis pour faire l'objet d'une étude dans le cadre d'une enquête conçue pour une population homogène. Les Forces armées canadiennes doivent investir des ressources supplémentaires si elles veulent comprendre les besoins de leurs femmes.
    Je voudrais terminer par quelques questions ouvertes. Où est la surveillance indépendante? Qui défend les besoins des victimes et leur bien-être dans le cadre d'études comme celle-ci? Où est la reddition de comptes?
    Aucune entité ne devrait se surveiller elle-même. Cela ne fonctionne jamais. Cela n'a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais. À moins que la commission Deschamps soit pleinement mise en œuvre avec un organisme de surveillance externe et indépendant, une connaissance approfondie de l'armée, de ses structures et de ses défis, ainsi que la capacité de tenir les forces armées et la Défense nationale responsables de la surveillance, comme je l'ai dit précédemment, je ne peux prévoir de résultats percutants pour les femmes.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la Dre Karen Breeck.
    Docteure Breeck, vous avez sept minutes.
    Bonjour et merci à la présidente et aux membres du Comité de m'avoir invitée à assister à la réunion d'aujourd'hui. Je présente mes excuses à toutes les personnes présentes dans la salle et à ceux qui écoutent; je suis à la fin d'un rhume.
    Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de la semaine dernière. L'écoute de leurs histoires m'a donné le courage d'accepter d'être ici aujourd'hui. En tant que médecin militaire à la retraite, j'ai été profondément touchée par le fait que deux de vos quatre témoins la semaine dernière faisaient partie du personnel infirmier militaire. Je me suis toujours intéressée aux besoins en soutien médical spécifiques aux femmes soldats. J'ai passé la plus grande partie des 20 années de ma carrière au sein de la force régulière, à appuyer l'armée de l'air. J'ai eu la chance d'être sélectionnée pour une formation médicale avancée, obtenant à la fois une maîtrise en sciences de la santé en médecine du travail et un certificat en études des femmes.
    Ma résidence ultérieure en médecine s'est effectuée en médecine aérospatiale, une sous-spécialité de la médecine préventive. J'ai également eu l'honneur d'être présidente de la Fédération des femmes médecins du Canada et, depuis ma libération du service militaire en 2009, je continue à plaider en faveur de résultats équitables en matière de santé pour toutes les femmes militaires canadiennes.

  (1540)  

    Les témoignages de la semaine dernière ont fourni au Comité un certain nombre d'expériences directes survenues après la mise en œuvre de l'opération Honour. Je pense que nous pouvons tous convenir que, malgré les efforts sincères et le travail acharné de nombreuses personnes, l'opération Honour n'a pas atteint le degré d'efficacité que nous espérions tous.
    Il ne fait aucun doute que les forces armées ont parcouru un long chemin et méritent d'être reconnues et récompensées pour ce travail acharné. Cependant, en tant que médecin, je tiens à souligner qu'une part importante de ce dur labeur s'est réalisée au détriment des personnes les plus touchées. La semaine dernière, tous les témoins ont d'abord été touchés par leur incident en milieu de travail; elles se sont ensuite senties responsables de nommer le problème dans le cadre de leurs traitements ultérieurs, de déterminer le meilleur moyen de résoudre ce problème et de plaider en faveur de changements systémiques.
    D'après mon expérience, les stress chroniques liés à ces événements et à d'autres conséquences en milieu de travail finissent toujours par avoir des effets négatifs sur la santé et le bien-être des personnes. Ces problèmes de santé sont donc pour la plupart des blessures et des maladies évitables liées au service. Si j'avais fermé les yeux et écouté les témoignages de la semaine dernière, ils auraient facilement pu être pris pour des conversations que j'ai eues régulièrement dans mon cabinet de médecin il y a 30 ans. Bien que les choses aient beaucoup changé, beaucoup de choses n'ont pas changé.
    Les FAC ont ordonné à leurs gens de mettre fin au harcèlement. Ça n'a pas fonctionné. Les FAC ont ordonné à leurs gens de respecter les politiques en matière de harcèlement. Cela n'a pas fonctionné. Cependant, ma question est la suivante: pourquoi faut-il s'en étonner, et s'agit-il d'un cas particulier aux Forces armées canadiennes?
    Dans le domaine médical, les National Academies of Sciences, Engineering and Medicine aux États-Unis ont publié un rapport complet en juin 2018 sur le harcèlement sexuel et ses effets sur les femmes dans des domaines d'études à prédominance masculine. Rien n'a démontré que des politiques, des procédures ou des considérations juridiques entraîneraient à elles seules une réduction des taux de harcèlement sexuel. Tous ces facteurs sont importants, mais insuffisants pour que l'on apporte les changements nécessaires dans la lutte contre le harcèlement sexuel. Selon l'avis récapitulatif, nous devions nous concentrer sur un changement global à l'échelle du système qui inclut la culture et le climat.
    On a beaucoup parlé de la culture militaire des Forces canadiennes et de son caractère sexuel ou simplement normatif masculin. Quoi qu'il en soit, on se vante fièrement que c'est une culture qui est plus forte que la politique.
     Einstein nous a mis en garde: nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec les mêmes schèmes de pensée que nous avons utilisés lorsque nous les avons créés. Ce qui est peut-être le plus nécessaire ici, c'est un moment où nous devrions faire une pause; une réinitialisation, un changement de paradigme. Peut-être avons-nous besoin d'une solution de transformation plutôt que d'un autre comité qui formule des recommandations, ce qui aurait la même incidence en aval que de déplacer les chaises longues sur le pont du Titanic. Il est peut-être temps que nous sortions de la pensée linéaire politique et militaire traditionnelle et que nous reconnaissions que la culture et le genre sont deux sujets propres au contexte qu'il vaut mieux traiter en tant que systèmes complexes. Ils sont également connus comme des problèmes pervers.
    En tant que médecins, nous utilisons ces approches dans les soins de santé. Nous savons que, si nous voulons apporter des améliorations à un système de soins de santé, nous devons l'examiner selon une approche holistique et dynamique. En tant que médecins militaires, nous avons un cadre de base quant à la façon dont nous tentons d'optimiser des milieux de travail sains et de remplir notre mandat de maintien en poste de la main-d'œuvre, et ce n'est jamais une seule chose. C'est toujours une multitude de choses qui doivent toutes se produire en même temps.
    Avant tout, nous devons toujours, toujours nous concentrer sur la prévention. En outre, ce n'est pas l'un ou l'autre. Il s'agit de prévention et de dépistage, ainsi que de diagnostic précoce, de soins immédiats et de réadaptation. De plus, comment pouvons-nous vous remettre au travail et, si nous ne pouvons pas le faire, comment pouvons-nous vous rendre le meilleur possible? Enfin, il s'agit de boucles de rétroaction avec des garanties de qualité constante entre tous ces niveaux. C'est ce dernier élément — les boucles de rétroaction — qui constitue souvent la clé la plus importante de la réussite.
    Comment pouvons-nous appliquer cette approche et aborder ces changements de culture nécessaires afin que nous puissions intégrer véritablement, définitivement et pleinement les femmes dans les FAC? J'ai des recommandations spécifiques dans chacune de ces quatre catégories, mais pour des raisons de temps, je vais en venir à ma conclusion.

  (1545)  

    Le présent Comité a été créé avec un mandat spécifique pour déterminer si le gouvernement du Canada a fourni aux FAC toutes les ressources dont elles ont besoin. Je vous donne une réponse claire et simple: non.
    Il y a seulement 30 ans, les Forces armées canadiennes, les FAC, étaient fort légitimement une culture et un milieu de travail conçus par les hommes, pour les hommes et à propos des hommes. Dans les années 1980, lorsque les forces armées ont reçu l'ordre d'ouvrir aux femmes les 75 % de leurs emplois précédemment occupés par des hommes, le gouvernement du Canada a pris une décision cruciale. Il a été décidé que la décision juridique devait être mise en œuvre au sein des FAC sans examen simultané et systémique du haut vers le bas ni soutien financier désigné visant à garantir que l'intégration d'une perspective des genres soit mise en place avec succès.
    L'intégration d'une perspective des genres a plutôt été laissée en grande partie aux femmes sur les lignes de front, comme celles qui ont témoigné devant vous la semaine dernière et qui, au cours des 30 dernières années, ont dit: « Nous avons besoin d'aide. » Depuis 30 ans, les femmes canadiennes ont répondu à l'appel, ont signé sur la ligne pointillée et ont tenté de faire de l'armée un meilleur milieu de travail pour les personnes qui venaient après elles, souvent au détriment de leur propre santé et bien-être. Depuis 30 ans, elles attendent que le gouvernement du Canada, leur employeur, fasse la moitié du chemin afin qu'elles puissent avoir droit à leurs propres examens systémiques descendants.
    Les FAC ont besoin de plus d'argent, de personnes, de formation et de données. Le ministre de la Défense nationale et le ministre d'Anciens Combattants ont besoin d'un financement stratégique pour la pleine intégration non pas seulement de l'ACS+, mais de l'ACSG, l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre, dans l'ensemble du MDN, des FAC et d'ACC. Qui plus est, ces ministères ont besoin d'argent pour établir un partenariat en matière de santé et de politiques avec les IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada, afin d'accroître la qualité de la science du sexe et du genre pour les femmes militaires. Les blessures et les maladies liées au service causées par le harcèlement sexuel chronique et les agressions sexuelles qui se perpétuent dans notre propre milieu de travail ne sont pas la guerre pour laquelle les femmes que j'ai connues se sont enrôlées.
    De nombreux autres problèmes qui touchent les femmes des forces armées ne se limitent pas au harcèlement et aux traumatismes sexuels. Nous sommes impatientes de collaborer avec le gouvernement du Canada, notre employeur, pour régler tous ces problèmes.
    C'est excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Scoppio.
    Madame Scoppio, vous avez sept minutes.

[Français]

     Je ferai mes commentaires en anglais, mais je répondrai à vos questions, qu'elles soient en anglais ou en français.

[Traduction]

    Je suis honorée d'être ici et j'aimerais remercier la présidente et le Comité de m'avoir invitée.
    Je suis Grazia Scoppio, doyenne des Études permanentes et professeure au Département des études de la défense du Collège militaire royal du Canada, le CMRC. On m'a demandé de comparaître à titre personnel, en raison de mon expertise. Je parlerai donc en mon propre nom et non pour le ministère de la Défense nationale.
    Je vais vous donner un bref aperçu de mes recherches sur la diversité ainsi que quelques observations tirées de mes recherches récentes sur le genre dans les collèges militaires. Je terminerai par quelques commentaires tirés de mon expérience personnelle en tant qu'universitaire au CMRC et au MDN.
    L'un de mes principaux domaines de recherche en tant qu'universitaire est le multiculturalisme, l'intégration des immigrants et la diversité. Depuis mon arrivée au CMR en 2002, j'ai dirigé plusieurs études sur la diversité dans les organisations, y compris au sein des FAC. Par exemple, j'ai réalisé une étude comparative sur les stratégies de diversité dans les forces armées et les forces de police au Canada, en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Dans une étude de suivi, je me suis rendue en Nouvelle-Zélande pour voir comment les Maoris étaient intégrés dans les forces de défense néo-zélandaises.
    Au cours des dernières années, j'ai mené une étude avec une équipe de chercheurs sur les questions de genre dans les collèges militaires canadiens. J'organise actuellement un groupe international sur les perspectives internationales de la participation des immigrants à l'armée. C'est juste pour vous donner un aperçu.
    En ce qui concerne cette recherche internationale sur la diversité dans les organisations militaires, le Canada réussit relativement bien dans certains domaines, comme l'ouverture de toutes les professions militaires aux femmes depuis 1989, à l'exception des sous-marins, qui ont été ouverts en 2001 à la suite d'une décision du Tribunal canadien des droits de la personne selon laquelle les FAC doivent lever toutes les restrictions en matière d'emploi et intégrer les femmes dans toutes les professions militaires.
    Le Canada dispose également de la Loi sur l'équité en matière d'emploi qui s'applique aux FAC depuis 2002 et qui exige notamment la collecte de données autodéclarées sur les groupes désignés et l'établissement de plans et d'objectifs d'équité en matière d'emploi. De toute évidence, ces changements étaient une réaction à des obligations juridiques et législatives plutôt que des initiatives proactives.
    Je vais maintenant présenter quelques observations découlant plus particulièrement de mes recherches sur le genre dans les collèges militaires canadiens.
    En 2016, mon équipe de recherche et moi-même avons entamé une étude, à la demande du CMR, afin de déterminer si le processus de recrutement des collèges était entaché de préjugés sexistes et d'examiner l'expérience des élèves-officiers des collèges militaires par rapport à ceux des universités civiles. L'étude a adopté une évaluation comparative entre les sexes, l'ACS+, comme cadre de conception et d'analyse, en trois étapes.
    Au cours de la première étape, nous avons analysé les données existantes sur les postulants au PFOR — le Programme de formation des officiers - Force régulière — et les recrues, de 2006 à 2016. L'analyse a révélé une tendance à la baisse de la représentation des postulantes au PFOR et des recrues féminines. De plus, la proportion de postulantes était constamment supérieure à la proportion de femmes recrutées au fil des ans. En moyenne, les femmes représentaient environ le quart des postulantes, contre 17 % seulement de recrues féminines.

  (1550)  

    Le pourcentage le plus élevé de femmes recrutées était dans des professions de soutien comme les soins de santé, l'administration et la logistique. De nombreuses femmes n'étaient pas inscrites dans la profession de leur choix, et le pourcentage de recrues féminines à qui un programme d'études de leur choix était offert était inférieur à celui des hommes.
    Au cours de la deuxième étape, nous avons réalisé des sondages et mené des entretiens avec des élèves-officiers du PFOR dans les collèges militaires et les universités civiles. Les principales constatations liées au processus de recrutement ont révélé que, même si les répondants n'ont pas fait état de l'existence de préjugés sexistes, ils ont connu des retards et d'autres difficultés au cours du processus. De plus, on a constaté des différences entre les sexes et les origines ethniques dans les raisons de l'adhésion aux FAC, ce qui laisse croire qu'il faut redoubler d'efforts pour adapter le marketing et la sensibilisation à des groupes comme les femmes, les minorités visibles ou les hommes en particulier. En outre, les recruteurs devraient fournir de l'information plus réaliste et uniforme afin que les femmes et les hommes soient informés de la même manière au sujet des carrières militaires.
    Les principales conclusions liées à l'expérience dans les collèges militaires ou les universités civiles ont révélé que, dans l'ensemble, les hommes et les femmes des collèges militaires percevaient davantage de différences entre les sexes que leurs homologues des universités civiles. À titre d'exemple, un plus grand nombre de cadettes que de cadets ont subi un préjugé sexuel, et moins de femmes que d'hommes ont déclaré avoir été traités de manière respectueuse. Certains élèves-officiers, hommes et femmes, ont cité la différence dans le test d'aptitude physique chez les hommes et les femmes comme une source d'inquiétude quant à l'égalité des normes entre les sexes.
    Plus de 80 % des femmes et des hommes dans les universités civiles recommanderaient à leurs amis de postuler par l'entremise du PFOR afin d'être admis dans une université civile. Cependant, seulement la moitié des hommes et des femmes élèves-officiers des collèges militaires recommanderaient à leurs amis de postuler par l'intermédiaire du PFOR afin de fréquenter un collège militaire, pour diverses raisons. Dans l'analyse qualitative, le manque de leadership, le harcèlement et ce qu'ils considéraient être un environnement d'apprentissage inférieur dans les collèges militaires par rapport aux universités civiles figuraient parmi les raisons mentionnées.
    Globalement, ces résultats laissent croire qu'il faudrait améliorer le climat organisationnel, la culture et l'environnement des collèges militaires, tout en augmentant la représentation des femmes afin de renforcer l'intégration d'une perspective des genres et de rendre l'expérience des femmes et des élèves-officiers plus positive.
    La troisième et dernière étape de l'étude comprenait des sondages et des entretiens avec des postulants au PFOR, et le rapport est toujours en cours.
    Enfin, je conclurai par quelques commentaires tirés de mon expérience personnelle en tant qu'universitaire au CMR au sein du ministère de la Défense nationale. J'ai commencé ma carrière universitaire au MDN en 2002 en tant que chef de section à l'Académie canadienne de la Défense, l'ACD. En 2013, je suis devenue doyenne associée aux Études permanentes au CMR, ce qui a mené à ma nomination actuelle en 2017 au poste de doyenne des Études permanentes au CMR. Parallèlement, je continue à enseigner au Département des études de la défense du CMR.
    Je pense que pour être une dirigeante efficace dans le secteur de la défense, il est important de bien comprendre la culture militaire ainsi que celle d'autres organisations travaillant en collaboration avec la défense.
    Il est également important d'avoir la capacité de travailler dans un environnement dominé par les hommes, car le pourcentage de femmes occupant des postes de direction au sein du MDN n'est pas très élevé. Par exemple, au CMR, moins de 25 % des professeurs civils sont des femmes. Actuellement, je suis la seule femme doyenne. Avant moi, il n'y a eu que deux femmes doyennes. L'une d'elles a été doyenne des arts pendant deux ans, elle n'a donc pas terminé son mandat. L'autre a été doyenne des arts par intérim pendant un an.
    Pour être efficace en tant que femme dans le domaine de la défense, il est important de posséder à la fois des compétences techniques et générales, notamment beaucoup de résilience, d'empathie, des compétences interpersonnelles, des compétences interculturelles et de solides compétences en communications.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de présenter mon point de vue.

  (1555)  

    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous allons maintenant passer aux questions, qui durent sept minutes. Nous allons commencer par Eva Nassif.
    Madame Nassif, vous avez la parole pour sept minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord remercier les témoins de leurs présentations enrichissantes.
    Ma question s'adresse à Mme Scoppio.
    Vous avez dit être membre des cadets et avoir occupé le poste de doyenne.
    Je n'étais pas membre des cadets. Je suis doyenne. Nous avons fait une recherche sur les cadets.
    D'accord.
    Vous parlez de 2001, de cette époque.
    En quelle année était-ce?
    Excusez-moi. Vous voulez savoir en quelle année...
    En quelle année êtes-vous devenue doyenne?
    C'était en 2017.
     D'accord.
    En matière d'analyse comparative, pourriez-vous relater votre expérience personnelle et nous dire si cette analyse est pratiquée au sein des Forces armées canadiennes?
    De quelle analyse comparative parlez-vous?
    Je parle de celle en lien avec le recrutement des cadets et des comportements dans ce milieu.
    D'accord.
    Comme je l'ai dit, nous avons trouvé qu'il y avait des différences de perception de leur expérience entre les cadets inscrits dans les collèges militaires et les cadets recrutés par les Forces canadiennes, mais qui étudient dans des universités civiles.
     Ces derniers sont évidemment moins nombreux. À titre illustratif, notre échantillon de cadets-officiers inscrits dans les collèges militaires était de 925, pas loin de 1 000, comparativement à moins de 150 pour les cadets inscrits dans les universités civiles, si je me rappelle bien. Cela étant dit, nous avons quand même été surpris de constater autant de différences dans la perception que ces cadets avaient de leur expérience, en général plus positive dans les universités civiles que dans les collèges militaires.
    M'avez-vous demandé de vous parler aussi de mon expérience personnelle?
    Oui.
    Il est très difficile, madame, d'être la seule femme doyenne dans un environnement complètement dominé par des hommes. C'est très difficile.
    Selon vous, quel pourcentage des fonctionnaires qui travaillent au ministère de la Défense nationale s'identifient comme femmes?
    C'est une bonne question.
    Dans les postes de soutien, il y a beaucoup de femmes. Par contre, dans les postes de gestion dont vous avez parlé...
    Des postes comme le vôtre.
    ... il n'y en a pas beaucoup.
     Je regrette, mais je n'ai pas le pourcentage exact sous la main.
    Est-il possible de comparer la représentation des femmes dans des postes de gestion comme ceux que vous avez mentionnés tout à l'heure — je parle ici de gestion intermédiaire et supérieure, comme votre propre poste de doyenne — à celle des femmes au sein du ministère? Est-elle semblable ou moindre?
    Au ministère, beaucoup d'unités intègrent militaires et civils. La situation est semblable au collège militaire, où civils et militaires travaillent en équipe. Ce que je tiens à vous dire, cependant, c'est que les postes de gestion sont souvent occupés par des hommes. Par exemple, dans le cas des doyens, aucune femme n'occupe ce poste de gestion de l'enseignement au collège.

  (1600)  

    Pouvons-nous parler brièvement de diversité et de la représentation au sein des Forces canadiennes des femmes issues de minorités?
    Bien sûr. Il existe des objectifs d'équité en matière d'emploi. Par contre, ces objectifs ne sont pas atteints pour les minorités visibles et pour les Autochtones, pas plus qu'ils ne le sont pour les femmes.
    En vous fondant sur votre expérience comme doyenne d'un collège militaire, que faudrait-il faire pour améliorer l'intégration des femmes et leur maintien en poste?
    Comme le disait la Dre Breeck, l'adoption de politiques pour favoriser l'équité en matière d'emploi est un bon départ. Cependant, cela s'inscrit dans un processus global qui doit couvrir tout le cheminement de carrière, de comment rendre un poste attirant à comment maintenir la personne dans ce poste, en passant par l'étape de son recrutement. Nous devons adopter une approche holistique, surtout dans le cas d'organisations dont la mentalité est très fermée et très masculine et n'est pas tellement ouverte à d'autres points de vue ou cultures.
    Merci beaucoup.
    Docteure Breeck, vous avez relaté vos 20 ou 30 ans d'expérience au sein des Forces canadiennes et vous avez parlé de l'opération Honour. Vous avez notamment dit qu'aucune des politiques en place ne fonctionnait, et qu'il fallait aller plus loin, cerner le problème et trouver la solution. Pourriez-vous préciser votre pensée?

[Traduction]

    Si je comprends bien, il s'agit de parler davantage de la façon d'améliorer encore l'Opération Honour.
    Oui.
    Encore une fois, avec la précision de l'interprétation, je pense assurément que de nombreuses choses positives ont résulté de l'opération Honour. Je ne dis pas que tout ne va pas bien de ce côté. L'opération n'est probablement pas aussi rapide et aussi diversifiée que ce que la plupart des gens auraient espéré.
    Je ne suis pas une experte de l'Opération Honour en particulier. Je suis libérée du service militaire depuis quelques années. Je n'arrête pas de trouver des femmes récemment libérées qui ont également eu des problèmes dans le cadre des forces armées, pour qui des choses se sont clairement passées depuis la mise en place de l'Opération Honour. Marie-Claude Gagnon serait certainement beaucoup plus en mesure d'en parler concrètement.
    Quel problème essayons-nous de résoudre? Lorsque nous examinons d'autres lieux et d'autres feuilles de route, toutes les statistiques donnent à penser que le climat et la culture doivent faire partie de l'ensemble. Il convient d'étoffer des domaines incluant ces aspects dans l'Opération Honour.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant aux sept prochaines minutes et nous entendrons Rachael Harder.
    Merci beaucoup à chacune d'entre vous d'avoir pris le temps de venir ici et de faire part de certaines de vos réflexions personnelles, en fonction de vos interactions avec les autres.
    Madame Gagnon, j'ai reçu un courriel d'une personne qui a été victime d'agression sexuelle pendant plusieurs années au cours de son mandat dans les FAC. Elle a servi comme technicienne médicale pendant 22 ans. Pendant la durée de son service, elle a vécu des choses horribles. Une de ses déclarations m'a abasourdie. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Elle a déclaré que, à son avis et à la suite de procédures judiciaires — elle a franchi toutes les étapes — au bout du compte, la personne qui l'avait agressée plusieurs fois au cours des années avait plaidé coupable et s'était vu imposer une amende de 1 000 $... Il s'agissait essentiellement d'une tape sur les doigts.
    Elle a dit que cela détruit toute confiance dans les hommes et votre confiance dans le fait que les FAC vous protégeront en tant que soldat au combat ou en tant que femmes en garnison. Il n'y a pas de lieu sûr pour les victimes. Les victimes sont traitées de manière horrible une fois qu'elles se sont manifestées!
    Son histoire correspondrait-elle aux autres histoires que vous avez entendues des femmes avec lesquelles vous échangez sur les plateformes de médias sociaux et ces dernières années au cours desquelles vous avez participé à la défense des droits?

  (1605)  

    Malheureusement, c'est une situation assez courante. Beaucoup de gens voient l'action de ce qui s'est produit comme le traumatisme, mais on omet d'examiner ce qu'on appelle le traumatisme secondaire, qui est la façon dont la personne est traitée après coup. Ce n'est pas nécessairement unique à l'armée, mais c'est vraiment présent là-bas.
    Le devoir de signaler rend la situation très difficile, parce que vous n'avez nulle part où dénoncer la personne en toute sécurité. Votre conjoint ou votre époux pourrait avoir un devoir de signaler, tout comme votre voisin. Vos collègues, les gens avec qui vous vivez et mangez, tous ceux qui vous soutiennent après vos multiples déplacements et peut-être même des membres de votre famille en service, ont tous un devoir de signaler. Votre fournisseur de soins de santé et votre prêtre ont aussi ce devoir. Cela veut dire que vous serez extrêmement isolé, car si vous parlez, sans que vous le vouliez, des choses se mettront en place — vous perdrez le contrôle —, et ce service...
    Si vous regardez le projet de loi à ce moment-ci, on fournit moins de mesures de soutien pour les victimes en service. Le système de justice militaire prévoit pour ces victimes moins de services et de mesures de soutien que le système civil, où elles reçoivent un soutien aux victimes par des gens qualifiés pour faire ce travail. Même avec le nouveau projet de loi, en ce moment, ces types de services seront dilués, car on ajoutera une responsabilité de plus au poste d'une personne. Ce pourrait être un officier d'artillerie qui fournit ces services à l'occasion. Il n'est pas équipé et n'est pas sensibilisé aux traumatismes.
    La prise de mesures d'adaptation et toutes ces choses ne sont pas quelque chose qui sont laissées aux soins d'un professionnel. C'est laissé à la chaîne de commandement. C'est incohérent. Il n'y a pas de soutien si vous êtes perdu et traumatisé une nouvelle fois dans le cadre du processus entier.
    J'ai fait une recherche informelle auprès de mon groupe, en demandant combien de personnes avaient divulgué ce qui leur était arrivé et combien avaient été en mesure de rester en service. Seulement 7 % des gens ont dit qu'ils ont été en mesure de rester après avoir divulgué leur traumatisme sexuel dans l'armée.
    Qu'est-ce qui amène une personne qui témoigne à partir? La plupart de ces personnes n'avaient pas l'intention de s'en aller, mais c'est le traitement qu'elles ont reçu qui ont créé ce lieu où elles ont dû partir.
    L'universalité du service est une autre chose dont les gens ne tiennent pas compte. Si vous ne vous remettez pas sur pied assez rapidement, on pourrait vous considérer comme mentalement inapte à rester en service, et alors, vous ne perdez pas juste votre emploi; c'est toute votre carrière que vous perdez. Vous devez refaire une formation dans un nouveau domaine. Ce n'est pas comme si vous passiez d'un lieu à un autre, vous devez parfois refaire tout votre cheminement de carrière, selon le type de compétences que vous possédez.
    Oui, d'une certaine façon, il y a eu une pause à ce type de sortie, mais cela continue d'arriver. Ce qui pousse un si grand nombre de gens à quitter l'armée après avoir divulgué un incident, c'est habituellement le manque de soutien et le traumatisme secondaire qui se produit dans leur lieu de travail et leur milieu de vie. Si vous êtes sur un navire, évidemment, c'est là que vous vivez et mangez, donc ce sont habituellement les mêmes personnes.
    À mon avis, c'est ce qui crée le traumatisme secondaire. C'est ce dont la personne parle.
    Merci beaucoup.
    À votre avis, que peut-on faire pour empêcher que ces types de scénarios se produisent au départ au sein des Forces armées canadiennes?
    Votre question porte-t-elle sur la prévention des incidents ou des traumatismes secondaires supplémentaires?
    Je dirais sur le fait de prévenir la survenue de l'incident proprement dit dès le départ.
    À mon avis, on exerce peut-être beaucoup de pressions pour mettre des femmes dans des endroits sans nécessairement réfléchir à leur sécurité. Par exemple, les conseillers en matière d'égalité entre les sexes étudient en ce moment la société civile et la sécurité des personnes lorsque les militaires arriveront, mais examinent-ils les gens en uniforme et leur sécurité lorsqu'ils sont déployés? Je n'avais pas le droit de verrouiller ma douche quand j'étais en mer. On m'a dit de ne pas le faire. Quand j'ai parlé du fait que des gens entraient quand je ne la verrouillais pas, on m'a dit de prendre ma douche le soir. Vous n'avez pas le droit de verrouiller votre douche, car si vous vous frappez la tête, quelqu'un doit être en mesure de vous aider.
    Ces genres de choses ne tiennent pas compte du facteur sexospécifique. J'aimerais mieux courir le risque de me frapper la tête contre le mur et verrouiller ma douche. C'est la même chose avec votre chambre à coucher. Lorsque vous dormez, vous ne pouvez pas verrouiller votre porte, parce que la personne suivante doit vous réveiller pour votre quart de travail. Dans mon cas, un système d'intercommunication aurait pu être utilisé. J'étais la seule dans mon dortoir.
    Voilà des exemples où, si vous êtes dans un contexte de déploiement de sous-marins ou ailleurs, vous pouvez regarder l'environnement et vous demander ce qu'il est possible de faire pour empêcher que des choses se produisent. Quelles sont les choses inutiles que nous faisons juste parce que nous sommes très habitués d'être seulement avec des hommes et que nous n'avons pas vraiment dû réfléchir à ces choses?

  (1610)  

    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Rachel Blaney.
    Madame Blaney, la parole est à vous, pour sept minutes.
    Je tiens à vous remercier tous énormément d'être ici aujourd'hui.
    Je vais encore une fois commencer par vous, madame Gagnon. Je suis désolée, vous essayez juste de boire.
    Vraiment, une des choses qui ont eu un effet sur moi, c'est quand vous avez parlé de l'autosurveillance, ainsi que la question que vous avez posée à la dernière personne également. C'est ce même genre d'idée: on n'a pas cette sécurité. Je me demande si vous pourriez dire au Comité en quoi les traumatismes sexuels en milieu militaire diffèrent d'autres traumatismes sexuels en milieu de travail.
    Je dirais que c'est la combinaison d'un très grand nombre de facteurs. Nous parlons d'un milieu de travail dominé par des hommes, oui, mais les gens qui s'enrôlent dans l'armée sont extrêmement jeunes. J'avais 18 ans. Certaines personnes ont même 16 ans. À cet âge, vous êtes vraiment jeune, peu instruit et très naïf. Vous vous en allez dans un endroit isolé, sans votre famille et votre système de soutien. Vous vous en allez dans un milieu de travail inconnu où des gens vous disent quoi faire, et vous devez juste les écouter et tout absorber. Vous croyez vraiment tout ce que vous entendez. C'est une forte hiérarchie, avec beaucoup de pouvoir — c'est décentralisé — accordé à des gens qui ne sont pas nécessairement qualifiés pour gérer ces choses. Il n'y a pas de politiques ni de définitions établies à l'égard de préoccupations en matière de sécurité. Qu'est-ce qu'une préoccupation en matière de sécurité? Nous ne le savons pas. On laisse à la chaîne de commandement le soin de prendre une décision.
    Il y a peu d'expertise sur le harcèlement en milieu de travail parmi les gens qui doivent prendre des décisions sur des mesures d'adaptation et accorder des choses lorsque des gens viennent demander de l'aide. D'autres milieux de travail peuvent compter sur ces experts nécessaires. Bien sûr, c'est un milieu de travail dominé par des hommes dans un environnement assorti de vieilles politiques qui n'ont pas nécessairement été remaniées et de pratiques qui ne s'harmonisent pas toujours avec l'ACS+, ce qui veut dire que vous devez vous battre pour obtenir des choses supplémentaires dans le système.
    Il y a de l'uniformisation et de l'assimilation, comme dans une fraternité. C'est très fort. Quand vous allez dénoncer quelqu'un, c'est considéré comme une dénonciation, pas comme autre chose. Des représailles sont associées à cela. C'est ce qui génère habituellement le traumatisme secondaire au sein de votre petite communauté de travailleurs.
    Bien sûr, nous disposons de systèmes de soins de santé et de justice distincts. Ils ne sont pas examinés aussi souvent ni ne sont nécessairement sexospécifiques. C'est aussi un enjeu lorsque vous cherchez à obtenir des soins et des mesures de soutien, parce que la modernisation n'est pas faite de façon équivalente... peut-être que la Dre Breeck pourrait vous en parler.
    Une lente récupération peut faire en sorte que vous ne respectiez pas l'universalité du service. Cela veut dire la perte de votre carrière. C'est une autre chose qui ne vous arrive pas dans de nombreux autres milieux de travail.
    L'obligation de prendre des mesures d'adaptation n'existe pas. L'armée est exemptée de cette obligation, car vous n'avez pas besoin d'en prendre si la personne ne respecte pas cette universalité du service.
    Bien sûr, votre vie sociale et vos conditions de travail s'entremêlent totalement, et habituellement même la personne que vous épousez. Tout est interrelié, et il n'y a donc pas de séparation. Lorsque vous dénoncez quelqu'un, ce sont vos voisins, c'est la personne avec qui vous vivez, celle avec qui vous êtes mariée... Tout le monde se trouve à l'intérieur de cette même bulle.
    Une des choses que vous avez fait ressortir très clairement dans votre témoignage, et nous l'avons assurément entendu de façon répétée, c'est l'absence de services et de mesures de soutien pour les femmes qui vivent cette expérience. Si vous pouviez recommander une chose pour améliorer la situation des femmes, quelle serait-elle?
    Comme on veut déjà avoir plus de femmes, car évidemment, cela finirait par produire quelques changements, je crois que ce serait d'établir une norme, un peu à la manière de la Loi sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario, en vue de faire avancer certaines choses.
    En ce moment, tout comme la Dre Breeck l'a dit, c'est une approche ascendante dont les femmes font partie et où nous devons lutter nous-mêmes contre des choses systémiques. Beaucoup d'entre nous occupent les rangs inférieurs au début, et nous n'avons donc pas le pouvoir d'imposer ces choses. Quelqu'un devrait venir imposer des normes, de sorte qu'il ne revienne pas aux gens au sein des rangs — les rares femmes — de tout remettre en question. Cela se traduit par des congédiements inutiles, ce qui mène à un moins grand nombre de femmes, donc c'est un genre de cercle vicieux.

  (1615)  

    Oui, c'est le cycle qui se poursuit.
    Une autre chose qui est ressortie dans ce que vous avez dit plus tôt concernait le suicide, la prévention du suicide et le fait que les rapports ne se penchent que sur le suicide des hommes. Je me demande si vous pourriez en parler un peu plus.
    Encore une fois, l'enquête a été effectuée pour un groupe homogène et elle portait sur des données qualitatives. On recherchait des chiffres. S'il n'y avait pas assez de femmes qui se suicidaient, on n'était pas en mesure de voir les besoins.
    Je serais surprise que vous arriviez à obtenir assez de femmes, avec un taux de représentation de 15 %, pour effectuer une enquête et une étude décentes sur ces choses. Vous devez trouver d'autres moyens de mener ces genres d'études lorsqu'il y a des minorités. Si vous utilisez la même formule que celle qui s'applique à des groupes à prédominance masculine, vous n'obtiendrez jamais ces résultats. Vous avez besoin de données qualitatives ou vous devez regrouper les données avec celles d'autres premiers répondants ou les comparer à celles des États-Unis. Il y a d'autres moyens de le faire.
    Cela exige des ressources et une expertise supplémentaires. Si les gens veulent obtenir ces chiffres, ils peuvent les découvrir, mais ils doivent y mettre l'argent nécessaire.
    Merci.
    Docteure Breeck, dans votre exposé, vous avez parlé de la nécessité des groupes de rétroaction. Pourriez-vous juste me dire brièvement à quoi cela ressemblerait?
    Je crois que, tout particulièrement dans le contexte militaire, les groupes de rétroaction font partie de ce qui manque vraiment. Comment les vases clos communiquent-ils ensemble? Comment les données sont-elles communiquées de façon appropriée et comment pouvez-vous obtenir une rétroaction immédiate? Lorsque nous commençons à penser à des gens, nous utilisons cette désignation politique, nous disant que le jour où nous prendrons notre retraite, nous appartiendrons soudainement à un ministère différent de celui auquel nous appartenions auparavant, mais nos problèmes de santé et nos obligations sont exactement les mêmes. Soudainement, on se retrouve divisé entre ces deux ministères.
    Je suis peut-être maintenant à la retraite, auquel cas seulement Anciens Combattants est au courant des blessures qu'on m'a diagnostiquées. C'est peut-être une blessure que d'autres personnes subiront évidemment pendant qu'elles seront toujours en service. Nous n'avons pas les ressources et les mandats pour pouvoir déceler ces tendances lorsqu'elles se produisent à ACC.
    La rétroaction en amont, c'est de dire: « Hé, nous avons remarqué que vous blessez des gens d'une façon qui est évitable, parce que c'est fait par l'intermédiaire de ministères différents et que nous n'avons pas consacré les fonds supplémentaires voulus pour recueillir les données sous cette forme et pour combler ces lacunes ».
    Nous n'avons pas besoin de continuer de réinventer la roue, ce qui ne se fait qu'au gouvernement fédéral. Au gouvernement provincial, tous ces groupes de rétroaction sont obligatoires. Pour notre part, ils nous font défaut.
    Merci
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Rachel Bendayan. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Merci de votre témoignage aujourd'hui.

[Français]

     Madame Gagnon, je vais vous poser ma question en anglais, étant donné que votre témoignage était en anglais, mais sentez-vous bien à l'aise de répondre en français également.

[Traduction]

    J'ai déjà été avocate, et nous avons entendu plusieurs témoins faire état de leur incapacité de payer pour une représentation juridique en tant que victimes, ainsi que les raisons qui l'expliquent, dans les processus des forces armées. Je me demande si, dans votre organisation de bénévoles, des avocats fournissent des conseils juridiques à des victimes et si vous êtes d'accord avec la proposition selon laquelle nous devrions payer les frais juridiques des victimes, ou du moins, les aider à le faire, pour qu'elles puissent être représentées par un conseiller professionnel durant le processus de règlement des litiges.
    Par rapport à la première question, non, nous ne fournissons pas ce service, mais quelques personnes qui détiennent une expérience juridique le font, et nous renvoyons les gens vers des personnes qui peuvent offrir ce service s'ils sont prêts à payer pour cela. Absolument, vous devriez retenir les services d'un conseiller juridique. C'est l'option choisie par les États-Unis. Lorsque le projet de loi, qui est l'équivalent du projet de loi C-77, leur a été présenté, ils ont dit que la liaison n'était pas suffisante et qu'ils devaient en réalité fournir des conseils en bonne et due forme, compte tenu de la façon dont le processus était fait. Un très grand nombre de politiques sont vieilles, et ainsi de suite. Ils ont besoin d'aide supplémentaire juste pour pouvoir obtenir le même niveau de service que les civils.
    Je dirais aussi que notre devoir de signaler fait en sorte que c'est encore plus important, car si vous forcez quelqu'un à s'adresser aux tribunaux, que se passe-t-il s'il est poursuivi par la suite? C'est déjà arrivé à quelques occasions dans mon groupe, où, par la suite, c'étaient eux qui se faisaient poursuivre. Qui paie pour cela? Qui paie la note même s'ils ont été forcés de divulguer un renseignement?
    Disons que vous êtes superviseur et que vous dites que votre employé, votre subordonné, vous a agressé. Si l'on reconnaît qu'un acte sexuel a été commis, mais que la partie touchant le consentement était incertaine, dans l'armée, vous pourriez être plus tard accusé d'avoir eu une relation antagoniste — et ça ne s'arrête pas là. Une autre personne a été accusée de consommation d'alcool par des mineurs après son signalement de l'incident. Celui-ci a été envoyé au tribunal civil... Mais l'intéressée a été accusée au tribunal militaire, conformément aux mesures disciplinaires concernant la consommation d'alcool par des mineurs.
    Si nous forçons des gens à faire des divulgations, je crois qu'ils doivent recevoir une protection égale, parce qu'ils peuvent rapidement devenir les accusés.

  (1620)  

    Merci beaucoup, c'est très utile.
    Docteure Breeck, vous avez dit dans votre témoignage que vous aviez quatre recommandations particulières. Je sais que vous avez eu très peu de temps pour présenter votre déclaration liminaire. Je me demande si vous aimeriez profiter de l'occasion pour faire connaître vos recommandations au Comité.
    Malheureusement, j'ai plus de quatre recommandations. J'ai quatre catégories de recommandations. Je vais peut-être juste parler des principales.
    Après avoir écouté les témoignages de la semaine dernière, je sais que la formation revient très souvent. Si je devais mettre l'accent sur la prévention, tout d'abord... ce n'est pas juste après que les gens viennent nous voir. C'est la façon dont le gouvernement du Canada communique avec les Canadiens au sujet de ce qu'est l'armée et de qui nous sommes, et de qui est déjà attiré vers nous. Qu'est-ce que les Canadiens savent et comprennent au sujet de l'armée et comment les attirons-nous? Comment les sélectionnons-nous ensuite? Une fois qu'ils auront franchi la porte, comment les formerons-nous au sujet de la culture des FAC et de ce que nous voulons qu'elles incarnent? Encore une fois, avec cette idée de réinitialisation, avons-nous besoin de faire un réexamen conscient de la doctrine de la profession des armes et de ce qu'est un bon soldat canadien? Plutôt que l'ensemble des documents et des visualisations, et des histoires entendues hier, quels sont les attributs et les ensembles de compétences? À quoi ressemble un bon soldat canadien de demain?
    Faites une ACSG complète sur l'expérience d'un militaire pour vous assurer dès le départ que nous détenons l'équipement, les politiques et le soutien médical voulus pour tout le monde qui s'enrôle, et que les femmes ne sont clairement pas toujours « l'autre » et celles pour qui on doit prendre des mesures d'adaptation. Nous sommes donc clairement une membre d'équipe valorisée à part entière. À mon avis, cela aiderait aussi à prévenir certaines des blessures que nous observons chez une proportion supérieure de femmes.
    Continuez à offrir toute cette formation à tous les militaires du rang et dans tout le cycle professionnel, car à mesure que nous gravissons les échelons, nous devenons davantage un leader et influençons de plus en plus les autres. Il ne doit pas s'agir d'une éducation ponctuelle; elle doit se poursuivre jusqu'aux échelons supérieurs.
    Un universitaire que j'ai entendu parler plusieurs fois est un ardent défenseur d'une formation particulière pour tous nos officiers généraux. Étant donné qui ils sont, il doit s'agir d'un counseling individuel qui explore précisément leurs propres préjugés implicites et explicites personnels, pour qu'ils soient au courant du message qu'ils envoient peut-être à leurs subordonnés. Encore une fois, notre culture comporte souvent deux volets par rapport à ce qui est dit et à ce que les gens entendent: la partie officielle et l'autre, informelle. Sans ce type de formation, comment saisissons-nous cela, lorsque nos dirigeants disent parfois tous les bons mots, mais que ce n'est pas ce qui est entendu?
    Nous devons aussi examiner nos comportements militaires désirés et appliquer consciemment à la fois la carotte et le bâton. Nous sommes très bons pour ce qui est du bâton. Nous nous améliorons, parce que nous portons des accusations. Toutefois, comme vous l'avez entendu dire à de nombreuses occasions, portons-nous des accusations ou faisons-nous les choses appropriées, de manière transparente, opportune et conforme? Les peines sont-elles proportionnelles aux crimes? Il y a encore beaucoup de décalage.
    À ma connaissance, nous avons fait peu de choses jusqu'ici pour ce qui est des carottes. Comment récompensons-nous le bon comportement? Comment intégrons-nous cela dans nos rapports, notre système de rapport d'appréciation du personnel? Comment l'intégrons-nous dans nos promotions et nos primes de rendement? Si nous passons à la sélection, comment pouvons-nous établir un diagnostic précoce?
    Nous possédons tous nos téléphones maintenant et avons tous des applications. Comment pouvons-nous les utiliser comme outil de surveillance et d'alerte rapide qui pourrait en fait effectuer des sondages ou fournir des commentaires sur le climat de travail, où je peux juste dire: « Hé, j'ai vu telle chose qui est arrivée au travail aujourd'hui », et nous apprenons immédiatement, à l'échelon organisationnel, qui a des problèmes, qui a besoin d'aide supplémentaire dans son leadership, des examens à 360 degrés.
    De plus, à ma connaissance, nous sommes la seule armée qui ne compte pas de psychologues cliniciens militaires. Beaucoup travaillent à contrat. Nous n'en avons pas en uniforme. Encore une fois, ce seraient des personnes qui agiraient à titre préventif. En tant que personne qui faisait des consultations postérieures au combat, la moitié de mon travail consistait à accompagner les gens dans le cadre de leurs tâches courantes. Vous repériez ceux qui étaient déjà stressés. Vous essayiez toujours de régler les problèmes des gens avant qu'ils ne tombent malades. Encore une fois, l'idée de psychologues cliniciens est utilisée de façon très vigoureuse aux États-Unis. Ils sont présents dans tous les milieux de travail. Votre aumônier est présent. Votre psychologue se trouve en milieu de travail pour prendre un café avec vous, au lieu d'attendre que vous soyez déjà si mal en point que vous deviez entrer dans le système de santé. Nous pouvons faire beaucoup plus de choses en matière de prévention à un stade précoce.
    La justice réparatrice est un sujet qui doit encore être abordé dans une multitude de domaines différents. Beaucoup de gens adorent leur emploi et leur carrière, mais ils veulent un peu de justice, et la justice réparatrice pourrait améliorer la situation.
    J'ai une autre page. Je vais attendre pour le reste au cas où quelqu'un d'autre aurait d'autres questions.

  (1625)  

    Ce sont là quelques excellentes recommandations.
    Au nom du Comité, je tiens vraiment à remercier la Dre Karen Breeck, Mme Grazia Scoppio et Marie-Claude Gagnon. Merci beaucoup d'être venues.
    Nous allons suspendre les travaux pour deux minutes afin de changer les groupes de témoins, puis nous reprendrons.

  (1625)  


  (1630)  

    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue à la 144e séance du Comité permanent de la condition féminine.
    Pour la deuxième heure, nous sommes heureux d'accueillir Denise Preston, directrice exécutive, Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle; Alain Gauthier, directeur général, Programme de gestion intégrée des conflits et des plaintes; et la Cmdre Rebecca Patterson, directrice générale, Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle, du ministère de la Défense nationale.
    Nous allons commencer par la Cmdre Patterson.
    Veuillez commencer. Vous avez sept minutes.
    Bonjour, et merci de me fournir l'occasion de contribuer à cette étude sur la situation des femmes au ministère de la Défense nationale et dans les Forces armées canadiennes. Je crois savoir que, dans le cadre de votre étude, vous souhaitez entendre parler de l'opération Honour.
    Le vice-chef d'état-major de la Défense avait hâte d'être ici aujourd'hui pour contribuer à votre étude, mais il doit maintenant comparaître devant le comité plénier cette semaine, et on m'a donc demandé de le représenter. Je ne suis qu'une pâle copie, mais je vais essayer.
    Je suis accompagnée aujourd'hui, comme vous l'avez dit, de Mme Denise Preston, directrice exécutive du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, et de M. Alain Gauthier, directeur général du Programme de gestion intégrée des conflits et des plaintes. Nous avons l'intention de faire le point sur les efforts des Forces armées canadiennes pour nous attaquer aux inconduites sexuelles, et nous sommes ici pour répondre à toutes vos questions.
    De plus en plus, l'opération Honour fait des Forces armées canadiennes un environnement plus sécuritaire et accueillant pour tous, et les dirigeants des Forces armées canadiennes sont déterminés, plus que jamais, à éradiquer les inconduites sexuelles. En février dernier, notre quatrième rapport d'étape sur l'opération Honour a été publié. Ce rapport présentait un aperçu exhaustif de ce que les Forces armées canadiennes ont accompli à ce jour, dans un effort pour éliminer les inconduites sexuelles. Il offre également une analyse, des statistiques et des renseignements sur une diversité d'initiatives qui ont été entreprises dans l'ensemble des Forces armées canadiennes.
    Mes commentaires aujourd'hui constitueront un bref synopsis de ce rapport et aborderont quelques-uns des plus récents faits nouveaux concernant l'opération Honour.

[Français]

     L'opération Honour a été lancée en 2015. Au cours des dernières années, nous avons beaucoup évolué et nous sommes sûrs d'avoir établi des bases solides pour faire face efficacement aux infractions de nature sexuelle, ainsi que pour soutenir tous ceux et celles qui en sont affectés.
    Il est cependant important d'établir d'emblée que, bien que nous nous soyons consacrés à la recherche d'idées pour améliorer notre approche, nous n'avons pas eu que du succès. Nous reconnaissons qu'il y a encore beaucoup à faire. Notre expérience et nos analyses nous ont permis de beaucoup apprendre dans le cadre de notre collaboration avec le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, de l'évaluation du Bureau du vérificateur général du Canada, ainsi que des commentaires formulés par des experts et des intervenants externes.

  (1635)  

[Traduction]

    Certaines des mesures que nous avons mises en œuvre en cours de route ont entraîné des conséquences imprévues, et quelques initiatives et changements n'ont pas produit le résultat escompté. Par exemple, nous n'avons pas réalisé suffisamment de progrès dans des domaines comme les changements culturels et stratégiques. Cela a compromis nos efforts généraux.
    Nous avons reconnu qu'il est nécessaire de travailler davantage, particulièrement en ce qui a trait aux 10 recommandations présentées par Mme Deschamps, responsable de l'examen externe. Ces 10 recommandations demeurent le paramètre principal pour évaluer nos progrès, et nous sommes déterminés à les mettre en œuvre dans toute la mesure du possible. Cet engagement est explicitement annoncé dans la politique de défense — « Protection, Sécurité, Engagement ».
    L'inconduite sexuelle, toutefois, est un enjeu difficile et complexe, comme la Dre Breeck l'a mentionné, et il demeure encore beaucoup de choses à apprendre. À la lumière des conclusions du vérificateur général et de notre propre examen interne de l'opération Honour, nous avons évalué nos progrès relatifs à la mise en œuvre des recommandations et déterminé les rajustements nécessaires dans notre approche pour atteindre cet objectif.
    À l'heure actuelle, nous estimons que deux des recommandations de la responsable de l'examen externe ont été pleinement concrétisées. La première est la reconnaissance du problème: les Forces armées canadiennes ont reconnu que nous avons un problème grave. La deuxième est de s'engager à s'y attaquer, et de simplifier le processus de résolution du harcèlement, ce qui comprend le harcèlement sexuel.
    Une recommandation de plus s'est concrétisée d'une façon qui répond à l'intention de la recommandation, tout en maintenant la conformité avec les paramètres structurels et fonctionnels des Forces armées canadiennes ainsi qu'avec ses champs de compétence; c'est de permettre aux victimes d'agression sexuelle de demander le transfert de la plainte vers les autorités civiles.
    Nous continuons de réaliser des progrès à des degrés divers par rapport aux sept recommandations restantes, soit d'établir une stratégie qui produira un changement de culture; de créer un centre de responsabilisation; de permettre aux militaires de signaler les incidents de façon indépendante sans déclencher un processus de plaintes officiel; d'élaborer des définitions et une terminologie; d'élaborer une approche stratégique unifiée; de confier au centre de responsabilisation la responsabilité d'assurer, de coordonner et de surveiller le soutien aux victimes; et de confier au centre de responsabilisation la responsabilité d'élaborer le programme de formation et d'assurer le suivi de la formation sur toutes les questions qui ont trait à la conduite sexuelle inconvenante.
    Je vais maintenant rapidement décrire ce que nous faisons pour combler ces lacunes.
    Nous procédons actuellement à l'élaboration d'un plan de campagne pour concentrer nos efforts sur les prochaines étapes. Ce plan s'appuiera sur les conseils d'experts externes. Il renfermera des lignes d'efforts claires, ainsi que des ressources dédiées pour assurer la réussite. Il stimulera notre travail dans des domaines comme la prévention, la mobilisation, l'élaboration de politiques, le changement de culture et le soutien aux victimes.

[Français]

     Le soutien aux victimes a été notre effort principal et continue de l'être pour la prochaine étape de l'opération Honour. Notre priorité sera de nous assurer que les personnes affectées ont toujours la conviction que les Forces armées canadiennes les soutiendront pleinement lors des processus juridiques et administratifs. Nous verrons à ce que ces personnes aient pleinement accès à tout le soutien et aux services nécessaires pour se remettre entièrement du mal qui leur a été causé.

[Traduction]

    Le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle joue un rôle essentiel pour ce qui est de fournir...
    Nous parlerons du Centre en répondant aux questions.
    La relation des Forces canadiennes avec le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle continue d'évoluer, et notre objectif est d'atteindre une capacité qui sera utile aux Forces armées canadiennes, sans nuire à l'indépendance du Centre.
    Qu'il n'y ait aucun doute; les Forces armées canadiennes sont entièrement engagées à cet égard. Maintenant plus que jamais, nous sommes impressionnés par l'ampleur du problème et les difficultés auxquelles nous faisons face pour régler efficacement les cas d'inconduite sexuelle.
    Merci, madame Patterson.
    La prochaine est Mme Preston. La parole est à vous, pour sept minutes.

  (1640)  

[Français]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur la situation des femmes au ministère de la Défense nationale. Je suis heureuse d'être ici pour faire le point sur l'évolution du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et pour vous donner un aperçu des projets sur lesquels mon équipe et moi travaillons.

[Traduction]

    Depuis sa création en septembre 2015, le CIIS a axé ses activités sur la prestation de services d'intervention et de soutien aux membres des Forces armées canadiennes affectés par de l'inconduite sexuelle. À raison de 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, le Centre offre aux militaires des services confidentiels, bilingues et axés sur le client qui sont accessibles pour les membres des FAC peu importe où ils se trouvent dans le monde. Les conseillers du Centre ont tous une expertise dans le travail avec les survivants de traumatismes sexuels et n'ont pas le devoir de signaler.
    Bien que ces services aient comblé une lacune critique, ils ne sont pas suffisants pour répondre à l'éventail des besoins des militaires affectés en raison de la complexité de l'environnement des FAC. II est également nécessaire d'améliorer la coordination des services de soutien et d'offrir de la formation spécialisée pour ceux qui fournissent du soutien.
    Ces observations, jointes aux résultats des examens internes ainsi qu'aux observations et aux recommandations du Bureau du vérificateur général, ont fait ressortir la nécessité d'une révision et d'une expansion importante du mandat et du rôle du CIIS. C'est pourquoi nous avons rédigé en priorité une version révisée de notre nouveau mandat. Ce mandat appuie l'approche globale de l'Équipe de la Défense en matière d'inconduite sexuelle en fournissant des conseils spécialisés sur toutes les questions relatives à l'inconduite sexuelle, en surveillant la mise en oeuvre des politiques, des programmes et des services par les FAC ainsi qu'en offrant des interventions et des services de soutien complets, exhaustifs et fondés sur des données probantes.
    Voici un aperçu de la façon dont nous prévoyons nous acquitter de ce mandat. Pour commencer, nous sommes en train d'élaborer un programme amélioré de coordination de l'intervention et du soutien, aussi connu sous le nom de service de gestion de cas. Ce programme offrira un soutien mieux coordonné et plus large aux membres des FAC qui ont été victimes d'inconduite sexuelle, qu'ils aient ou non signalé l'incident.
    Les militaires auront un point de contact unique au CIIS, qui fournira des services de gestion de cas, de l'aide pour naviguer dans les services ou les processus internes et externes, du soutien en personne, de l'aide pratique pour remplir les formulaires ou les déclarations des victimes et de l'accompagnement. Ces services seront offerts aux militaires affectés, avec leur consentement, dès la première divulgation jusqu'au moment où ils indiqueront que le soutien n'est plus nécessaire.
    Le modèle est fondé sur les meilleures pratiques dans le domaine; en fait, nous avons embauché un consultant externe ayant des décennies d'expérience dans un programme de soutien aux victimes provincial parallèle pour nous conseiller. Le programme est également fondé sur les lacunes relevées dans les examens internes et externes des services des FAC offerts aux victimes et sur les consultations avec les membres retraités et actifs des FAC qui ont été victimes d'inconduite sexuelle.
    Nous voulons nous assurer que les militaires sont au centre de notre intervention et que leurs besoins guident nos actions.

[Français]

     Deuxièmement, le Centre financera également, par l'entremise d'un programme de contribution, les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle situés à proximité des 10 plus grandes bases ou escadres au Canada. Cela permettra d'augmenter les options de soutien à l'extérieur des Forces armées canadiennes. Ce programme en est à sa phase de conception et n'a pas encore été lancé.
    Troisièmement, le Centre jouera un rôle important dans l'orientation de la stratégie nationale d'aide aux victimes, qui en est aux premières étapes de planification.

[Traduction]

    En ce qui a trait à la prestation de conseils d'experts, le CIIS a formulé des recommandations sur un certain nombre de documents stratégiques récents, ainsi que sur le contenu et le processus d'élaboration de la nouvelle politique sur l'inconduite sexuelle. Parmi les autres exemples, mentionnons la participation au Programme d'examen des agressions sexuelles établi par le grand prévôt des Forces canadiennes dans le but d'examiner les cas non fondés d'agression sexuelle remontant à 2010, la prestation de conseils sur les cas d'inconduite sexuelle dans le système de justice militaire ou d'autres processus de plaintes et la participation à de nombreux groupes de travail pertinents avec des partenaires des FAC.
    Ces exemples témoignent de la reconnaissance accrue, par les FAC, de la nécessité et de la valeur de conseils spécialisés liés à l'inconduite sexuelle et de la crédibilité accrue du CIIS. Ces types d'engagements sont essentiels à l'amélioration des services coordonnés de soutien aux victimes.
    Bien que je m'efforce de travailler en collaboration avec les Forces armées canadiennes, je demeure déterminée à assurer l'indépendance du Centre, comme le recommande l'Examen externe en 2015. Un conseil consultatif externe a été créé l'an dernier pour renforcer et soutenir l'indépendance du Centre.

  (1645)  

Au cours des derniers mois, le conseil consultatif externe a joué un rôle déterminant en fournissant des conseils d'experts et des recommandations sur d'importants documents provisoires directement liés a la mise en oeuvre de l'opération Honour et aux recommandations de la responsable de l'examen externe. Ces documents comprennent une définition plus claire de l'inconduite sexuelle et un arbre décisionnel pour guider les militaires de la chaîne de commandement dans leurs interventions en cas d'incidents signalés. Un élément important de l'arbre décisionnel est l'orientation sur les moyens d'inclure, de conseiller et d'informer les militaires affectés à chaque étape du processus.
    Je crois que les conseils et l'expertise externe sont essentiels au succès de la mise en oeuvre de l'opération Honour ainsi qu'au mandat du Centre. En fait, j'encourage mon équipe à chercher des conseils et de l'expertise à l'extérieur aussi souvent que possible. C'est pourquoi, en décembre dernier, le CIIS a organisé un Forum sur l'inconduite sexuelle où des partenaires du Groupe des cinq se sont réunis pour la première fois afin de proposer une compréhension commune de ce qui est essentiel pour améliorer le soutien aux victimes d'inconduite sexuelle dans leurs armées et renforcer les initiatives de prévention.
    Je me suis engagée entièrement dans le forum parce que nous avions l'occasion incroyable d'échanger des pratiques exemplaires sur la façon de traiter efficacement les cas d'inconduite sexuelle dans nos organisations respectives et de mieux répondre aux besoins des militaires.
    L'une des meilleures pratiques issues de ce forum a été l'importance d'ancrer notre travail dans un cadre de prévention fondé sur des données probantes. J'ai récemment embauché un expert possédant de nombreuses années d'expérience cliniques, de recherche et d'administration dans la prévention, l'évaluation et le traitement de l'inconduite sexuelle. Cette personne élaborera un plan de prévention exhaustif et contribuera à affiner la politique concernant les agresseurs.
    Pour ce qui est de la diversité, les résultats de l'Enquête de Statistique Canada sur l'inconduite sexuelle indiquent que les membres de la communauté LGBTQ2 présentent des taux plus élevés de victimisation. Le personnel du CIIS a reçu une formation spécialisée d'organismes communautaires et recherche des façons d'améliorer la prestation des services afin de mieux répondre aux besoins de ces groupes et d'autres groupes spécialisés.
    Les besoins des divers clients seront pris en compte dans la Stratégie nationale d'aide aux victimes qui est en cours d'élaboration. Je cherche aussi à augmenter l'expertise sur ces sujets des membres du conseil consultatif externe.
    Enfin, alors que nous continuerons de cerner les tendances nouvelles et d'y réagir en fournissant des conseils d'experts et en surveillant les efforts des FAC, je continuerai de mettre l'accent sur la prestation de soins efficients, efficaces et empreints de compassion qui répondent aux besoins des militaires, afin d'aider les militaires touchés à revenir dans un milieu de travail sain et respectueux.
    Merci.
    Excellent, merci beaucoup.
    Enfin, nous passons à Alain Gauthier. Vous avez sept minutes... ou est-ce que vous favorable à...?
    D'accord, très bien. Nous allons reprendre vos sept minutes.
    Nous allons commencer par notre période de questions de sept minutes. La première à poser des questions est Salma Zahid.
    Madame Zahid, la parole est à vous, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Nous avons entendu divers témoins dans le cadre de l'étude. Une plainte que de nombreux témoins ont formulée au cours des dernières semaines, c'est que le processus de plaintes est géré par leur chaîne de commandement, même si, souvent, le problème réside au sein de cette chaîne de commandement.
    Une suggestion qui nous a été donnée, c'est de rendre le processus complètement indépendant, géré par une organisation distincte au sein des Forces armées canadiennes et du MDN. Croyez-vous que cette suggestion soit réalisable?
    Je vais commencer par Mme Patterson.
    Merci de votre question.
    Les Forces armées canadiennes sont une organisation assez complexe, et le rôle de la chaîne de commandement au sein de cette organisation est absolument essentiel.
    Une des choses qui sont absolument capitales si nous voulons pouvoir maintenir l'efficacité opérationnelle, c'est de savoir ce que font nos gens et comment ils se portent. Il serait certainement difficile d'avoir un système de plaintes complètement extérieur à la chaîne de commandement.
    Je crois toutefois que votre question comprend deux parties. Une partie semble mettre en cause une personne dans sa chaîne de commandement qui est en fait l'auteure de l'incident. À mesure que nous allons de l'avant — et nous avons parlé d'essayer de fournir aux gens sur les premières lignes les outils dont ils ont besoin pour gérer les incidents —, il est très clair que, s'il y a une relation entre les deux, une telle personne serait exclue du processus.
    L'autre chose que nous avons essayé de faire, c'est de mettre l'orientation...
    Est-ce qu'on le fait ou dites-vous que ça sera présenté?
    On le fait en ce moment. Nous venons juste de publier un certain nombre de documents.
    Même si les politiques ne changent pas les choses, la formation qui les accompagne le fait. Tout est interrelié, et même si nous avons certainement fourni à la chaîne de commandement l'orientation sur la façon de gérer efficacement une plainte, qui est une question de processus, ce qui a été absolument essentiel, c'est d'obtenir et d'intégrer les conseils du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle pour mettre immédiatement de l'avant les besoins de la personne touchée.
    Même si je ne peux pas parler d'un cas particulier, s'il arrive qu'une personne dans la chaîne de commandement soit accusée d'avoir posé un geste, elle sera retirée, et on cherchera d'abord à soutenir la personne dans le cadre du processus.
    Ensuite, nous avons également publié un manuel. Vous vous dites: « Oh mon Dieu, pas un autre manuel », mais une chose au sujet de la culture militaire, c'est que nous aimons pouvoir lire. Ce manuel n'a pas pour seul but de réaliser un processus, mais il s'intéresse aux besoins de la personne touchée. La personne visée peut aussi le lire et elle saura ce qu'elle peut demander.
    Enfin, je vais revenir au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle. Une partie du processus consiste à s'assurer que la personne touchée reçoit les bons soins et les bonnes mesures de soutien, à la mettre en communication par l'entremise de sa chaîne de commandement immédiate et de recommander qu'elle appelle le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, qui fournit également du soutien.
    Le fait d'avoir un système qui est complètement externe aux Forces armées canadiennes est une question complexe, et nous avons en place un processus qui essaie de créer et d'éviter ce conflit auquel vous faites allusion.

  (1650)  

    Madame Preston, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Je ne peux pas dire si c'est faisable ou non, ou si les FAC peuvent la mettre en œuvre ou le feront, mais c'est assurément une des recommandations que nous avons présentées lorsque nous avons fourni, essentiellement, une note d'information aux FAC sur toutes les choses qui devraient être prises en considération dans l'élaboration de la nouvelle politique sur l'inconduite sexuelle. Il s'agissait d'explorer un certain nombre de questions au sujet du signalement, y compris la faisabilité d'un certain type de processus d'enquête à l'extérieur de la chaîne de commandement.
    Madame Patterson, comment procédez-vous à l'éducation et à la sensibilisation au sujet des droits que possèdent les gens? Il est aussi très important que tous connaissent leurs droits et sachent ce qu'ils peuvent demander.
    J'aimerais renvoyer la question à M. Gauthier, car le Programme de gestion intégrée des conflits et des plaintes est une bonne illustration d'un système qui vous montre non seulement que nous avons éliminé des aspects, mais aussi comment nous éduquons les gens pour qu'ils sachent ce pourquoi ils possèdent des droits au sein du système, y compris la chaîne de commandement, le répondant et le plaignant.
    Monsieur Gauthier, je vous demanderais de bien vouloir expliquer le travail que vous avez fait.
    En date de juillet 2018, nous avions créé 16 centres d'excellence à l'échelle du pays et investi dans 48 tout nouveaux postes civils. Ce sont des personnes qui ont été formées au sein du ministère de la Défense nationale pour fournir aux membres des FAC un endroit sécuritaire où ils peuvent aller poser des questions relativement à leurs problèmes.
    Ces spécialistes ont été formés pour s'occuper de tous les problèmes ou pour aiguiller les gens au bon endroit, qu'il s'agisse de harcèlement, de discrimination, de racisme, de problème de paye, d'alcoolisme ou de santé mentale. Grâce à l'équipe dans ces endroits, nous avons créé un protocole avec le CIIS, les installations de santé mentale qu'on a dans chaque base et d'autres instances encore afin qu'il soit même possible d'aiguiller les membres vers des services locaux, comme des refuges.
    Ils encadrent les membres des FAC dans un contexte d'absolue confidentialité parce que ces civils n'ont aucun devoir de signalement. Dans le cas précis d'une inconduite sexuelle, si nous constatons qu'il faut fournir une assistance ou des directives, alors les gens seront immédiatement aiguillés vers le CIIS. Ils fournissent l'orientation relativement au dossier, puis cela nous revient.
    C'est une des façons que nous avons utilisées pour créer de toutes nouvelles capacités et de tout nouveaux services à l'intention des membres des FAC afin de préciser les enjeux et de les encadrer afin qu'ils puissent les régler.
    Dans le cadre du dernier groupe de témoins, il a été dit qu'il n'y avait aucun psychologue clinique militaire là-bas. Croyez-vous qu'il faut des psychologues?
    Veuillez répondre brièvement, en 10 secondes.
    Malheureusement, cela échappe à la portée de mon travail. Cependant, je connais l'incroyable valeur des psychologues cliniciens qui soutiennent les membres des Forces armées canadiennes.

  (1655)  

    C'est excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Rachael Harder.
    Madame Harder, vous avez sept minutes.
    Merci.
    Commodore Patterson, vous avez parlé d'un certain nombre de choses faites en réaction au rapport communiqué il y a environ un an. Dans certaines parties de votre déclaration préliminaire que vous n'avez pas eu le temps d'aborder, mais qu'on a, ici, par écrit, vous avez parlé de chercher d'autres mesures. Je me pose quelques questions. Premièrement, est-ce que d'autres mesures sont prises en considération quant au fait que nous sommes en 2019 et que, comme un certain nombre de nos témoins l'ont dit, les Forces armées canadiennes changent?
    De plus en plus, les forces sont en train de devenir un centre axé sur les connaissances, plutôt qu'une entité axée sur le combat. Par conséquent, cela change le type de personne que nous voulons recruter. Cela change assurément la donne. De plus, il y a davantage d'occasions pour les femmes qui s'enrôlent d'avoir une famille, alors les enfants font maintenant partie de l'équation, mais, d'après ce que j'ai compris, à la lumière des témoignages que nous ont fournis des témoins, les politiques n'ont pas suivi le rythme de la réalité, soit qu'une personne peut avoir des enfants ou qu'il peut y avoir des mères ou des pères monoparentaux qui ont la garde de leurs enfants.
    Quel type de politiques prévoyez-vous de mettre en œuvre pour tenir compte de ces changements au sein de la société?
    Je vous jure que je n'essaie pas d'éluder vos questions, mais, encore une fois, cela échappe à mon portefeuille actuel. De façon très générique, vous avez peut-être entendu parler de quelque chose qu'on appelle le Cheminement, une initiative qui tient compte de tout le cycle de vie d'une personne voulant s'enrôler dans les Forces armées canadiennes, du moment de son recrutement et possiblement jusqu'à la fin de sa vie. À partir de là, on met les gens au centre de tout ce que nous faisons; cela inclut examiner les politiques liées à la famille et à la façon dont les familles sont gérées.
    Ces travaux sont en cours. Je suis très désolée, je ne peux pas vous répondre de façon précise, mais c'est quelque chose dont on tient compte, en essayant de cerner les obstacles systémiques afin de permettre à tout le monde de s'enrôler, peu importe la situation familiale. C'est assurément une priorité en tant qu'institution dans le cadre de notre politique « Protection, Sécurité, Engagement ».
    Encore une fois — vous ne pourrez peut-être pas formuler de commentaires là-dessus non plus —, une autre recommandation qu'un témoin a formulée tenait au fait qu'une femme pourrait peut-être décider si elle veut passer par les Forces armées canadiennes ou un tribunal des droits de la personne pour faire entendre sa cause. Avez-vous l'impression qu'on pourrait envisager une telle chose?
    Je suis désolée. Je ne peux pas formuler des commentaires précis à ce sujet. De façon très générique, l'attente, c'est d'utiliser les processus actuels au sein du système en premier, puis de se tourner vers les droits de la personne.
    Monsieur Gauthier, pouvez-vous en dire plus? Puis-je partager mon temps de parole avec mon collègue?
    Bien sûr.
    Les plaintes liées aux droits de la personne font partie de mon portefeuille.
    Absolument rien n'empêche un membre des FAC de se tourner directement vers la commission pour déposer une plainte. La commission décidera si elle préfère s'occuper directement de la plainte — et elle a la capacité de la conserver, de s'en occuper, d'enquêter et de la trancher — ou en discuter avec les forces armées dans le but d'utiliser le mécanisme actuel.
    Cependant, dans chaque cas, c'est une discussion qui a lieu.
    J'ai cru comprendre que les griefs doivent passer par toutes les étapes au sein des FAC avant qu'une personne puisse déposer une plainte à l'extérieur, disons, devant un tribunal des droits de la personne ou la commission. N'est-ce pas là la vérité?
    Si la personne a entrepris un processus et que le processus de grief est enclenché, encore une fois, rien ne l'empêche de se tourner vers la commission pour plaider sa cause. La commission lui demandera habituellement d'attendre qu'une décision soit rendue dans le cadre du processus de grief.
    Si la personne se tourne rapidement vers la commission et que c'est la première chose qu'elle fait, encore une fois, rien n'empêche une telle situation et il y a des dossiers dont la commission a dit vouloir s'occuper directement.
    Une des préoccupations qui ont été soulevées par deux ou trois témoins que nous avons accueillis ici, c'est que ces personnes étaient au beau milieu de procédures des CAF relativement à leur grief et qu'on se renvoyait la balle. Elles ont pu très bien décrire leur situation et, à la lumière de ce qu'elles nous ont dit, je suis assez d'accord avec elles.
    Essentiellement, leur dossier était maintenu au sein des FAC afin qu'elles ne puissent pas se tourner vers la commission, parce que la commission disait ne pas être prête à entendre leur dossier tant que le dossier n'était pas clos au sein des FAC. On dirait qu'il y a peut-être un genre de stratagème utilisé, dans ce cas-là, pour s'assurer que les membres restent dans les engrenages des Forces armées canadiennes, au sein des FAC, ce qui les empêche de se tourner vers une assistance extérieure et d'obtenir un soutien externe. Est-ce vrai?

  (1700)  

    Non. Ce n'est pas ce que j'ai vu...
    Il n'y a aucun mécanisme du genre qui est utilisé?
    J'ai vu des exemples clairs de personnes qui se tournaient vers la commission, et c'est à la commission de décider si elle s'occupe du dossier ou non. C'est elle qui décide.
    Toujours?
    Toujours.
    Madame Patterson, vous avez aussi dit qu'il y a un manuel et vous avez un peu rigolé, sachant que c'est un peu risible qu'il y ait un manuel.
    Encore une fois, un certain nombre de témoins ont parlé du fait que oui, il y a des politiques. Il y a des politiques à n'en plus finir, mais les gens ne demandent pas de nouvelles politiques. Ils demandent qu'on prenne des mesures relativement aux politiques actuelles. Ils demandent que les protocoles appropriés soient respectés et que la culture change.
    Quelle serait votre réponse à cela?
    Je crois qu'il faut commencer au niveau de base. La raison de mon commentaire sur le manuel, c'est que, si vous dites que c'est une autre politique, en fait, ce n'est pas une politique. C'est un outil et un guide utile. Il y a une différence. C'est quelque chose qui est utilisé sur le terrain, et je vois qu'on donne le nom de « politique » à tout alors que ce ne sont pas des politiques. Dans notre culture — nous sommes nombreux — le fait d'avoir accès aux outils, ainsi qu'à une application qu'on peut utiliser de partout dans le monde, est quelque chose de très précieux.
    Pour ce qui est de la politique, une approche stratégique unifiée est l'une des recommandations du rapport Deschamps, et nous travaillons activement là-dessus. Comme c'est toujours le cas, c'est un enjeu complexe. Nous voulons nous assurer de réaliser à cet égard un processus ACS+ pour nous assurer de tenir compte de tous les aspects.
    De plus, mon travail consiste à être une traductrice universelle et à m'assurer que les conseils que nous recevons du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et, au bout du compte, du conseil consultatif externe, peuvent être lus et utilisés au sein des FAC. Ce processus consultatif et ce processus d'élaboration prennent du temps. Là où nous en sommes actuellement, c'est que nous avons des outils utilisables et utiles que nous avons mis en place en attendant de définir une politique unifiée.
    J'aimerais revenir sur votre commentaire initial, sur l'utilité des politiques. Ce dont les gens sur le terrain ont besoin, c'est un outil qui est utilisable. Un arbre décisionnel. Il faut savoir de quelle façon prendre soin des gens. Ce n'est pas seulement un manuel qui s'applique... Il ne suffit pas de dire à la chaîne de commandement: « Voici votre livre de recettes. » C'est aussi pour les gens qui sont touchés et qui peuvent y avoir accès de partout dans le monde. Il est très important de mettre ces éléments utiles en place.
    Pour revenir à la question de l'éducation...
    Je vais devoir vous interrompre, parce que nous avons beaucoup dépassé le temps dans le cadre de cette intervention. Je vais maintenant céder la parole à Rachel Blaney.
    Madame Blaney, vous avez sept minutes.
    Je tiens à tous vous remercier d'être là aujourd'hui.
    Ma première question est destinée à la commodore Patterson. Je suis vraiment heureuse que vous soyez là. Je suis une très fière représentante de la 19e Escadre Comox, et je dois dire que je suis honorée de faire du merveilleux travail avec ces gens. Je suis toujours impressionnée par les personnes qui servent notre pays.
    Dans votre mémoire, vous avez parlé du fait que vous élaborez actuellement un plan de campagne sur la marche à suivre à l'avenir. Je suis curieuse. Pouvez-vous nous parler de ce à quoi cela ressemble et nous dire si les femmes qui ont vécu ces expériences vous ont aidée à élaborer le plan?
    Merci.
    J'ai déjà eu une unité à Comox. J'adore l'endroit.
    Ma réponse comporte en fait deux volets. Nous avons un plan de campagne, mais nous élaborons aussi une stratégie de prévention et une stratégie de changement de culture dont nous avons parlé. Nous en sommes aux premières étapes d'un plan de campagne pancanadien des forces armées pour essayer d'éliminer certaines des différentes cloisons qui ont de toute évidence été mentionnées ici. De quelle façon peut-on commencer à harmoniser toutes ces diverses approches?
    Durant la première phase, nous misons sur des intervenants de toutes sortes de groupes maintenant. L'un des groupes est le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle. Nous en arrivons à un point où, essentiellement, il s'agira de définir qui, au sein des Forces armées canadiennes, sera responsable de la mise en œuvre tout en s'assurant que tout cela est logique.
    Puis, tandis que nous entreprendrons le processus d'élaboration continue, on se tournera à nouveau vers le CIIS. Encore là, c'est un groupe qui inclut le point de vue des personnes touchées. Encore une fois, nous voulons que ce soit un processus indépendant, afin que ces gens puissent conserver leur indépendance, mais nous voulons aussi que les conseils qu'ils obtiennent soient très clairs et précis. Nous les avons inclus, du point de vue des intervenants représentés par l'intermédiaire du CIIS, et, par conséquent, nous allons de l'avant avec le plan de campagne. Je vais maintenant céder la parole à Mme Preston, qui vous parlera de ce qui se produit ensuite.

  (1705)  

    Je veux tout simplement ajouter deux ou trois choses.
    Le rôle du CIIS consiste essentiellement à défendre les intérêts des victimes, les enjeux des victimes ou leur point de vue. C'est quelque chose que nous faisons de deux ou trois façons différentes.
    Dans un premier temps — comme je l'ai mentionné précédemment —, tous mes employés ont de l'expertise en ce qui a trait au fait de travailler auprès des victimes de traumatisme sexuel, alors ils fournissent leurs propres conseils liés à leur expertise professionnelle. Nous obtenons aussi les conseils directement auprès des personnes qui ont vécu de telles choses. Un membre de notre conseil consultatif externe a vécu une telle expérience.
    De plus, un membre travaille actuellement avec nous pour créer une stratégie officielle de mobilisation des intervenants, parce qu'une partie du défi auquel nous sommes confrontés — en ce moment —, c'est qu'une bonne partie de notre travail de mobilisation a été fait de façon ponctuelle, ou en tête-à-tête avec des personnes avec lesquelles nous interagissons ou le groupe It's Just 700, qui a déjà été créé. Nous savons que nous n'avons pas accès à toute la gamme de voix que nous voulons représenter, alors nous élaborons une stratégie de mobilisation des intervenants afin de pouvoir inclure ces voix de façon systématique dans tout ce que nous élaborons.
    Merci.
    Je vais revenir à vous, cependant, parce que je crois — et j'ai bien aimé l'ajout — qu'un des défis est lié à la culture. C'est l'une de ces réalités, lorsque c'est tout à fait normal — quand c'est la façon dont les choses ont toujours été faites — qu'il soit très difficile de changer pour passer à autre chose.
    Je réfléchis à cette stratégie de changement de culture. Quels sont les problèmes précis auxquels vous êtes confrontés, les défis qui, une fois surmontés, permettraient vraiment de changer la donne?
    Comme vous le savez, c'est un problème auquel la société est confrontée, et nous sommes un microcosme de cette société.
    Le défi, c'est de pouvoir définir ce à quoi le changement doit ressembler. Ce que nous savons, c'est que chaque mesure que nous prenons est fondée sur le respect et la dignité. Il faut revenir aux éléments de base, comme on dit. Que sont les Forces armées canadiennes? Quelles sont nos valeurs? Quelle est notre éthique et quel est notre éthos? Quelqu'un a parlé de « Servir avec honneur ». C'est en fait un document qui décrit l'éthos de la profession des armes.
    Ce sur quoi on se penche, cependant, c'est la façon dont nous définissons ce retour à nos fondements éthiques, ce à quoi nous croyons et ce à quoi notre culture devrait ressembler. C'est la première étape, et ce travail est en cours.
    Le défi, c'est qu'il n'y a pas de feuille de route. Par conséquent, ce que nous espérons faire, tandis que nous réfléchissons à la philosophie en tant que telle qui sous-tend le changement de culture devant survenir au sein des FAC, c'est de regarder tout cela du point de vue de la prévention, parce que je ne crois pas que ce qui importe, c'est que je parle d'inconduite sexuelle. Cela pourrait s'appliquer au harcèlement, au racisme, ou à n'importe quoi d'autre, si nous avons un principe fondateur qui est le respect et la dignité pour tous.
    Notre défi, alors, consiste à déterminer de quelle façon on définira tout cela. L'une des choses auxquelles nous accordons beaucoup de valeur, ce sont les conseils externes, et c'est la raison pour laquelle nous sommes heureux de... Nous comparaissions devant le conseil consultatif de Condition féminine Canada ce matin. Quel groupe fabuleux. Quelle organisation fabuleuse pouvant nous aider à changer et à définir là où nous devons aller.
    C'est la raison pour laquelle, tandis que nous examinons qui essaie de définir la stratégie... Mme Preston et moi travaillons en collaboration en tant que coprésidentes pour définir là où nous voulons aller. Nous voulons pouvoir sortir des sentiers battus pour proposer de nouvelles idées.
    Une chose que je peux vous confirmer, c'est qu'il y a un fort désir de déterminer de quelle façon on apportera ce changement, et on nous a donné une certaine marge de manœuvre pour essayer de déterminer ce que nous voulons faire, là où nous voulons aller et de quelle façon on peut y arriver.
    Encore une fois, je dis que les conseils externes sont toujours très bienvenus, surtout lorsqu'il est question de recherche universitaire et ainsi de suite. Et c'est difficile.
    Voulez-vous que je cède la parole à Mme Preston?

  (1710)  

    Je me demande... parce que je crois que ce doit vraiment être axé sur les gens qui ont vécu de telles expériences... Leur voix doit tout simplement devenir plus solide et plus forte dans cet environnement.
    Absolument.
    L'une des recommandations qu'on a entendues plus tôt ce matin, c'est qu'il doit y avoir une gestion de cas en tant que telle, ce qui, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, est en train de prendre forme. J'aimerais une mise à jour à ce sujet et aussi au sujet du soutien par les pairs et des rencontres en personne, parce que vous avez parlé de la capacité d'offrir les services, mais dans quelle mesure pouvez-vous les offrir en personne?
    Veuillez répondre brièvement, malheureusement.
    Vous avez raison: jusqu'à présent, ce que nous avons offert, c'est un centre d'appels 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour les gens, essentiellement. Cependant, là où nous nous en allons grâce au système de gestion des cas, c'est qu'on misera sur une fonction décentralisée, de sorte qu'il y aura des personnes représentées partout au pays et qu'on pourra offrir des services en personne.
    L'autre chose que nous élaborons — et j'en ai parlé dans mes commentaires —, c'est une stratégie de soutien national. À cet égard, nous allons réfléchir à la question du soutien de façon vraiment exhaustive en tenant compte de toutes sortes de mécanismes différents, que ce soit le soutien en groupe, le soutien par des pairs ou l'utilisation des technologies pour les personnes dans des endroits éloignés, par exemple. On va aussi regarder les titres de compétence, la formation et l'évaluation.
    Nous adoptons un point de vue global sur la prestation du soutien dont les gens ont besoin.
    Excellent.
    Nous allons maintenant passer à Emmanuella Lambropoulos.
    Madame Lambropoulos, la parole est à vous pendant sept minutes.
    Merci d'être là aujourd'hui et de répondre à nos questions.
    Ce que nous vous avez présenté, ici, aujourd'hui — et ce qu'on peut voir sur papier — semble merveilleux. On dirait qu'il y a un plan solide en place et que tout fonctionne très bien. Puis, lorsqu'on entend des témoins, on entend exactement l'opposé, que rien de ces choses ne sont vraiment mises en œuvre au sein des FAC.
    Nous avons parlé rapidement du fait que la culture est à blâmer pour cette situation. Aussi, plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu des témoins de l'extérieur qui sont venus nous dire qu'ils constataient une différence de comportement en fonction du nombre d'années qu'une personne passait au sein des Forces armées canadiennes. Les choses semblaient empirer au fil du temps. Plus longtemps la personne se trouvait dans un tel environnement, pire était son comportement, à l'égard des femmes, par exemple.
    Je me demande, madame Patterson, puisque vous avez peut-être aussi une expérience de l'intérieur, s'il y a quoi que ce soit que vous voudriez ajouter? Pouvez-vous nous faire part de votre expérience en tant que femme au sein des FAC et d'où vous croyez que cela vient? Est-ce que cela vient des rangs inférieurs? D'en haut? Quelle est la raison?
    Je peux assurément parler de mon expérience, mais je crois que c'est très important de s'appuyer sur des données probantes, les données, afin de vraiment savoir d'où tout cela vient.
    Une chose qui, en 2015, n'existait pas... On se disait plus ou moins: « Je crois que c'est là où nous en sommes et que c'est ce à quoi ressemble la situation. » Nous avons reconnu le fait que nous n'avions pas ces types de données. Dans une organisation aussi vaste, du point de vue géographique tant que quantitatif au sein des Forces armées canadiennes, nous avons tout juste commencé en 2016 à ventiler les données. Nous commençons à comprendre, grâce aux extrants, là où ces choses se produisent et qui sont les responsables.
    Nous allons bientôt obtenir les résultats du deuxième sondage de Statistique Canada — la semaine prochaine, le 22 — et ils pourraient intéresser le Comité aussi. Nous allons avoir des données qui vont nous permettre de cerner d'où tout cela vient, qui est ciblé et ce qui se passe.
    Ce que nous savons actuellement, à la lumière du sondage de Statistique Canada réalisé en 2016... Non seulement cela a validé ce que Mme Deschamps avait à dire, mais nous avons aussi réalisé des sondages internes, les enquêtes « Prononcez-vous », grâce auxquels on a commencé à regarder d'où venait ce comportement. L'une des choses que nous savons, c'est que les femmes — et on valide ici ce qui a été dit — qui sont dans les rangs subalternes, les rangs les plus bas au sein de l'armée, habituellement dans la Force régulière, et pas dans les réserves à temps partiel, de même que les personnes de la communauté LGBTQ2 sont les plus susceptibles d'être ciblées.
    Pourquoi est-ce que cela semble pire à mesure qu'on vieillit? Je crois que tout cela se produit différemment à chaque niveau, en fonction de l'ancienneté des gens. Il y a des discussions générationnelles qu'on pourrait avoir, mais, ce qu'on essaie de faire actuellement, c'est d'obtenir les données, des données dont nous pouvons toujours faire un suivi.
    Pour terminer, je tiens à revenir à un des commentaires qui ont été formulés plus tôt, soit qu'il y a des données un peu partout. L'un des aspects les plus importants du plan de campagne dont on a discuté, c'est de procéder à des analyses. Nous avons maintenant des plateformes opérationnelles communes au sein des différents groupes qui recueillent ces renseignements pour les utiliser, afin que nous puissions commencer à faire le lien — par voie électronique — entre les données.
    C'est quelque chose qu'il serait opportun de surveiller, afin de savoir où et comment ces incidents se produisent.

  (1715)  

    Merci.
    Madame Preston, de votre côté... encore une fois, cela semble parfait sur papier. Y a-t-il des façons, selon vous, dont on pourrait donner plus de mordant à tout cela, faire en sorte que les membres des FAC doivent respecter les politiques adoptées afin qu'on mette vraiment ces choses en pratique?
    Pour commencer, je tiens à vous remercier d'avoir reconnu que vous nous entendez dire des choses positives. Nous estimons assurément que beaucoup de travail a été fait au cours des trois dernières années. Nous avons beaucoup de pain sur la planche, beaucoup de choses en cours d'élaboration qui, selon moi, changeront de façon importante l'intervention en cas d'inconduite sexuelle, aussi bien du point de vue du soutien global que nous fournissons aux gens touchés que lorsque vient le temps d'examiner un certain nombre de choses liées à la déclaration, pour essayer de régler certaines des conséquences inattendues cernées dans le rapport du vérificateur général. Nous nous penchons sur l'élaboration des politiques. Essentiellement, nous travaillons très dur sur beaucoup de choses que Mme Deschamps avait recommandées en 2015.
    Ce que j'espère, c'est que, dans un an, les FAC seront différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. Je ne suis pas sûre qu'on verra les chiffres chuter, mais, ce qu'on verra, c'est un cadre plus solide au chapitre des politiques ou des mécanismes de recours ainsi qu'un cadre de soutien et d'évaluation, afin qu'on puisse mieux faire les choses à l'avenir.
    Madame Bendayan, vouliez-vous poser une question?
    Ma question est destinée à la commodore. Encore une fois, merci d'être là. Pour me faire l'écho de certains des commentaires positifs de ma collègue, je tiens à vous remercier au nom de nous tous de servir notre pays et d'être une femme dirigeante dans l'armée. Je suis sûre que beaucoup de jeunes cadettes vous admirent.
    Je suis sûre que vous comprenez, vu certaines des questions qui vous ont été posées, que beaucoup de témoins sont venus nous raconter des histoires tragiques liées à leur expérience. Bon nombre de ces personnes avaient vécu du harcèlement ou de l'inconduite sexuelle dans l'armée et ont été très peinées d'apprendre, au bout des processus auxquels elles ont dû se soumettre, que les sanctions imposées à leur agresseur — même lorsqu'il était jugé coupable — étaient de petites amendes ou une tape sur les doigts, comme cela a été dit.
    Je ne suis pas sûr que vous ayez ces statistiques avec vous aujourd'hui, mais pouvez-vous essayer de fournir au Comité certaines statistiques liées aux sanctions imposées aux agresseurs trouvés coupables au terme du processus de règlement des différends des FAC, afin que nous puissions mieux comprendre les résultats au cours des dernières années?
    Nous allons assurément prendre note de cette question.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour d'interventions de cinq minutes chacune. Nous allons commencer par Rachael Harder, puis revenir à Eva Nassif.
    Madame Harder, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Madame Patterson, lorsqu'on vous a interrompue, vous alliez dire quelque chose au sujet de l'éducation, je crois. Vous rappelez-vous ce que vous alliez dire?
    J'allais parler de l'atelier « Le respect au sein des FAC », qui était mentionné dans le rapport du BVG comme étant de toute évidence une approche très utile lorsque vient le temps de modifier les attitudes et les croyances. L'atelier Le respect au sein des FAC est dirigé par des animateurs experts qui sont tous des civils. C'est un processus d'une journée dans le cadre duquel les participants examinent tout, des préjugés inconscients qui influent sur leurs décisions à la façon dont ils prennent en considération la position des personnes touchées par l'inconduite sexuelle et les incidents connexes. On y aborde aussi des choses comme une formation en intervention des témoins, qui est en fait une norme de l'industrie en la matière. Tout le monde peut en bénéficier grâce à l'outil décisionnel exposant la façon dont on peut réellement l'appliquer parce que, souvent, les personnes sont choquées lorsqu'elles sont témoins d'incidents d'inconduite sexuelle dans l'ensemble du spectre. C'était le genre de formation sur lequel je voulais attirer votre attention.
    L'essentiel, c'est qu'on ne fait pas que passer les gens un après l'autre. On regarde vraiment quels sont les résultats, en commençant par ce que les gens ressentent et leur impression, tout de suite après la séance, au sujet de ce qu'ils en ont retiré. De plus, tandis que nous allons de l'avant et que nous élaborons le cadre de gestion du rendement, quelles sont les répercussions de ces interventions?
    Pour terminer, il y a un cycle d'amélioration continue. Tandis que nous transférons ces processus au CIIS, le programme mise sur des experts en la matière pour que nous puissions nous assurer que la formation reste bien ciblée et exacte. On veille aussi à ce qu'elle ne cause pas la « mort par PowerPoint ». On va au-delà de ça. On permet une discussion ouverte, ce qui est un outil d'apprentissage extrêmement incroyable selon moi. Les membres des Forces armées canadiennes réagissent très bien jusqu'à présent.
    Je crois que c'est ce que j'allais dire.

  (1720)  

    C'est bien.
    À la lumière de vos observations de l'intérieur, quels sont, selon vous, les facteurs qui peuvent empêcher les femmes d'entrer dans les Forces armées canadiennes?
    Nous savons que nous ne sommes pas capables d'attirer et de maintenir en poste le nombre de femmes ayant été établi comme étant l'objectif ultime, soit 21 ou 25 %, si je ne m'abuse. Pourquoi?
    Des recherches ont été réalisées sur les obstacles liés au recrutement et au maintien en poste. Cela ne relève pas du domaine de l'opération Honour — nous pourrons fournir de l'information là-dessus aussi par la suite —, mais il est cependant question des raisons pour lesquelles les gens partent. Ce qui a été intéressant, c'est que, les gens partent entre autres parce qu'ils arrivent à la fin de leur contrat et qu'ils veulent essayer d'autres choses.
    Ce qui est capital si l'on veut maintenir en poste des femmes, ce à quoi on réfléchit beaucoup, c'est qu'il faut assurément s'attaquer au problème de l'inconduite sexuelle, de façon à ce que non seulement les femmes se sentent en sécurité à l'intérieur dans leur environnement de travail mais aussi pour qu'elles se perçoivent elles-mêmes comme étant dans un environnement sécuritaire. La plupart des membres des Forces armées canadiennes ne posent pas des gestes d'inconduite sexuelle, mais peu importe. Ce qui importe, c'est comment on se sent.
    Exactement.
    L'autre chose que nous savons, parce que je suis aussi la championne de la Défense pour les femmes — c'est ce que je viens de vous dire — c'est que l'un des autres principaux enjeux qui sont ressortis de notre recherche sur le maintien en poste était le besoin d'un programme de mentorat sexospécifique. Une des choses que nous avons mises en place, par l'intermédiaire de notre groupe sur l'équité en matière d'emploi — je travaille avec l'Organisation consultative des femmes de la Défense pour les femmes militaires et civiles de la Défense —, c'est un programme de mise à l'essai d'un mentorat sexospécifique dans le cadre duquel nous avons des membres, des militaires et des civils de... Ce sont des femmes. Ce sont des membres de la communauté LGBTQ2+.
    Ce système est là non pas pour remplacer ce qu'on fait habituellement au sein de la chaîne de commandement, mais pour donner à ces gens un endroit où poser les questions très précises. Comment avez-vous réussi à être déployée pendant 13 mois en tant que mère? C'est ce que j'ai vécu. De quelle façon avez-vous fait face à tout ça en tant que couple de militaires? De quelle façon puis-je, étant dans une relation de même sexe, obtenir les avantages et les droits auxquels je suis admissible?
    Nous avons en fait mis tout ça en place et nous le mesurerons. Encore une fois, c'est un essai actuellement, parce que nous ne voulons pas créer un train fou qui sera hors de contrôle, mais c'est en place.
    L'autre chose, comme vous l'avez mentionné précédemment, pour ce qui est des politiques familiales, du fait de pouvoir prendre la parole et s'exprimer lorsqu'on compose avec tous ces petits irritants liés au service, qu'il s'agisse de l'uniforme ou du réaménagement des horaires de travail...tout ça vous affecte.
    Nous savons que l'Organisation consultative des femmes de la Défense est une tribune très efficace où les femmes peuvent se réunir pour s'exprimer et s'identifier.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nos dernières questions reviennent à Eva Nassif.
    Madame Nassif, la parole est à vous pour cinq minutes.

[Français]

     Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec ma collègue Mme Rudd.
    Je remercie tous les témoins de leurs présentations.
    Ma question s'adresse à la commodore Patterson et à Mme Preston.
    On a parlé de l'opération Honour et de ses 10 objectifs. Vous avez dit que deux ou trois objectifs avaient été atteints. Il en reste donc sept. Pourquoi n'a-t-on pas encore atteint les autres objectifs? C'est sûr que cela ne fait pas longtemps qu'on a mis en place ce processus et ces recommandations, mais que faut-il pour réaliser les sept recommandations?

  (1725)  

    Si c'est possible, j'aimerais répondre en anglais. Ce sera plus facile pour moi.

[Traduction]

    Oui. Je n'y vois pas d'inconvénient.
    En ce qui concerne les sept recommandations restantes, les travaux avancent rondement et nous les avons presque terminés. Cependant, je crois que la question est la suivante: quand atteindrons-nous les objectifs? Ce qui est très important pour nous, c'est qu'il s'agit de recommandations très complexes. Ce n'est pas comme si la réponse se trouvait dans le premier document venu.
    Je pourrais bien sûr passer en revue les sept recommandations restantes, si vous le voulez.
    La culture, selon moi, est la chose la plus difficile à changer.
    Absolument. Nous travaillons sur la stratégie de changement de culture, mais plutôt que de seulement le faire de façon cloisonnée relativement à l'inconduite sexuelle, nous tentons de faire un lien avec toutes les autres initiatives en cours au sein du ministère afin que nous puissions mettre sur pied une stratégie de changement de la culture — parce que c'est une question de respect et de dignité pour tous — qui est harmonisée.
    Vous avez raison de dire que le défi est là, mais nous avons franchi la ligne de départ et nous avançons vers notre objectif.
    Un certain nombre de recommandations sont liées directement au centre pour la reddition de comptes. Je vais céder la parole à Mme Preston, qui vous en parlera. Je suis là pour la soutenir au besoin, mais elle peut assurément vous en parler.
    Oui, bien sûr.
    C'est vrai que le rapport de Mme Deschamps contenait 10 recommandations, mais bon nombre d'entre elles étaient liées aux responsabilités attribuées à ce centre indépendant. Lorsque le ministère a préparé la réponse à son rapport, il a créé une équipe d'intervention stratégique du côté des FAC, une équipe menée par la cmdre Patterson, qui a mis en place le centre d'intervention que je dirige.
    Cependant, l'attribution des responsabilités à ces deux organisations n'a pas été faite conformément à ce que Mme Deschamps avait envisagé, et c'est quelque chose dont nous avons maintenant pris conscience... En quelque sorte, nous l'avons toujours su, sur le terrain, tandis que nous jouions nos rôles, mais lorsque le vérificateur général est venu réaliser la vérification l'année dernière, il a formulé un certain nombre de recommandations et d'observations très similaires à celles de Mme Deschamps, et c'était lié à l'attribution des responsabilités.
    C'est le processus que nous réalisons actuellement. Essentiellement, nous révisons nos deux mandats afin, en gros, de transférer au CIIS un assez bon nombre de responsabilités que les FAC avaient conservées. C'est très important lorsqu'on pense que ces responsabilités seront maintenant assumées par des gens qui ont une expertise en la matière.
    Nous allons étayer les politiques. Nous allons étayer la formation en plus d'en assurer le contrôle. Nous allons faire beaucoup plus des choses que Mme Deschamps avait envisagées. De cette façon, nous appliquons, selon moi, probablement trois ou quatre des recommandations, et ce sont des travaux qui sont en cours à l'heure actuelle.
    J'ai une minute. Ce sera rapide.
    J'ai un petit-fils qui en est à sa troisième année en tant que réserviste, et je dois vous dire que c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. J'espère que c'est un changement générationnel — assurément, de son point de vue, je crois que c'est le cas —, mais, ensuite, je m'inquiète lorsque j'entends tout ça, lorsqu'on est plongé dans la culture, elle prend le dessus en quelque sorte.
    Je suis heureuse d'entendre qu'il y a beaucoup de conseils qui viennent de l'extérieur, mais je crois que nous devons reconnaître qu'un changement de culture s'impose et que, comme vous l'avez mentionné, ce n'est pas facile.
    J'ai deux ou trois questions rapides. Vous avez parlé d'un centre d'appels accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Combien de personnes travaillent dans ce centre d'appels?
    Vous voulez dire les effectifs totaux ou au sein de l'équipe de counseling?
    Je parle de l'ensemble.
    En tout, il y a 26 fonctionnaires.
    D'accord. Et avez-vous dit que 48 conseillers civils sont maintenant en formation?
    Non. Les 48, ce sont les personnes qui travaillent dans le cadre du programme de M. Gauthier.
    Ils reçoivent une formation relativement à cet aspect de leur travail. C'est exact?
    Ils sont déjà déployés à l'échelle du pays.
    Combien de centres de ressources y a-t-il?
    Il y en a 16.
    Vous avez mentionné une disposition liée au service « en personne ». Qu'est-ce que cela signifie?
    Cela signifie qu'on s'assurera... Puisque nous décentralisons le service, nous allons créer des centres. Nous n'avons pas encore décidé si ces centres seront situés dans les bases ou les escadres, si on les trouvera dans les centres régionaux ou si, même, ils pourraient se trouver dans les mêmes locaux que le système de gestion intégrée des conflits et des plaintes, mais, ce qui est sûr, c'est que les centres sont situés dans des endroits où les gens peuvent se rendre pour recevoir des services en personne.
    Excellent. Au nom du Comité, je tiens à remercier Mme Preston, Alain Gauthier et la cmdre Patterson. Merci beaucoup d'être venus et d'avoir témoigné.
    Nous allons nous rencontrer à nouveau à 8 h 45 jeudi. L'endroit reste à déterminer. On se verra à ce moment-là.
    La séance est levée.
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