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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 26 février 2020

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 6 février 2020, nous étudions le projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l’accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins qui sont ici par téléconférence et à ceux qui sont avec nous dans la salle de réunion. Par vidéoconférence, de Niagara Falls, nous accueillons Kevin Jacobi, directeur exécutif de CanadaBW Logistics, et de la Tanzanie, Eddy Peréz, analyste des politiques internationales de Réseau action climat Canada.
    Nous accueillons ici, à Ottawa, Jim Tully, vice-président exécutif de DECAST. Nous attendons sous peu Bob Benner, de Hamill Agricultural Processing Solutions.
    Nous allons passer à la vidéoconférence. Monsieur Peréz, vous êtes en Tanzanie et je crois comprendre que vous n’avez pas le meilleur lien au monde, alors nous allons commencer par vos commentaires, monsieur.
    Allez-y, s’il vous plaît.
    Je vous présente mes excuses pour la qualité de la vidéo. Je suis en Tanzanie, sur le territoire traditionnel des Wa-arusha.
    Au nom de Réseau action client Canada, nous vous remercions de nous avoir invités à prendre la parole devant le Comité permanent du commerce international.
    Réseau action climat Canada est le plus grand réseau d’organisations au pays qui travaillent sur la politique climatique et il est apparenté au plus grand réseau d’organisations environnementales au monde, qui chapeaute plus de 1 300 groupes dans le monde.
    J’aimerais commencer par exprimer ma solidarité à l’égard du travail accompli tout au long de 2018 et de 2019, et souligner et appuyer les commentaires d’organisations membres comme le Congrès du travail du Canada, Unifor, l’Assemblée des Premières Nations, les métallurgistes et de nombreux autres membres qui ont participé aux consultations et qui ont travaillé en étroite collaboration sur l’ALENA 2.0. J’appuie également les commentaires de nos alliés, comme le Conseil des Canadiens.
    Depuis plus de 25 ans, l’ALENA contribue au changement climatique, à la pollution toxique, à l’insécurité économique, à l’inégalité sociale et à la déréglementation environnementale. C’est le résultat d’un système commercial que le Canada a privilégié en faveur des sociétés plutôt que des gens.
    Dans le contexte de la crise climatique actuelle, nous ne pouvons pas continuer à promouvoir des modèles commerciaux qui nous enferment dans des accords commerciaux de plusieurs décennies qui rajoutent de l'huile sur le feu.
    Les questions que nous avons à vous poser sont les suivantes. L'ACEUM est-il du bon côté de l’histoire? Pouvons-nous sérieusement utiliser cet accord commercial pour lutter contre le changement climatique et la pollution toxique? En quoi la nouvelle version de l’ALENA est-elle différente de la précédente? Va-t-elle assurer ceux qui travaillent à l’intérieur et à l’extérieur de ce parlement que le Canada respectera ses obligations et ses responsabilités en matière de climat?
    Nous reconnaissons, cependant, que l’absence de toute disposition relative à la proportionnalité énergétique dans l’ALENA 2.0 est une nette victoire sur le plan environnemental. Il en va de même pour la suppression du RDIE. Mais est-ce suffisant?
    Les démocrates des États-Unis ont voté contre la ratification de l’accord parce qu’il ne s’attaque pas au changement climatique, la plus grande menace pour notre planète.
    Maintenant que le Canada envisage de ratifier cet accord, nous devrions nous concentrer sur la façon de créer des mesures de protection nationales pour faire en sorte que, même s’il met l'accord en oeuvre, il le fasse tout en respectant ses obligations en matière d’environnement et de climat.
    Permettez-moi de rappeler au Comité l’état actuel des choses.
    L'ACEUM omet d’aborder, de reconnaître ou même de mentionner la crise climatique. La plupart des dispositions du chapitre sur l’environnement sont vagues et demeurent en grande partie inapplicables. Le chapitre 28 offre aux sociétés de nouveaux moyens d’influencer la réglementation.
    Une attention considérable a été accordée aux subventions à la pêche. Toutefois, ce n’est manifestement pas le cas pour les subventions aux combustibles fossiles, qui sont tout aussi destructrices et qui racontent une triste histoire du soutien continu de l’Amérique du Nord à l’économie à forte intensité de carbone.
    L'ACEUM montre encore une fois le peu d'importance accordé au chapitre sur l’environnement, ce qui fait que certains gains, comme l’élimination du RDIE, sont sapés par l’absence totale de référence à la gouvernance environnementale; et il n’y a aucune mention de la DNUDPA.
    Cet accord mentionne à peine la pollution, et il ne contient pas de conditions précises et contraignantes pour régler le problème des rejets de polluants documentés. Il ne prévoit aucun système indépendant et exécutoire d’application des dispositions environnementales et il ne crée pas un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les abus environnementaux et d’intenter des poursuites.
    Comment pouvons-nous aller de l’avant?
    Voici, en bref, les recommandations du Réseau action climat.
    Selon nous, la lutte contre le changement climatique, à elle seule, ne résistera pas si elle ne garantit pas que les accords commerciaux protègent les droits des travailleurs et des peuples autochtones.
    Reconnaissant qu’en raison du contexte politique qui prévaut, le Canada n’a pas été en mesure d’assurer des progrès significatifs pour inclure le climat dans le texte actuel, ce n’est pas suffisant. Le Canada doit veiller à ce que cet accord commercial ne nous empêche pas de respecter nos obligations et nos engagements en matière de climat.
    Comment pouvons-nous aller de l’avant?
    Le Canada s’est engagé à augmenter ses objectifs climatiques et à atteindre un bilan de zéro émission d’ici 2050. Le Canada s’est engagé à fournir de nouvelles contributions déterminées à l’échelle nationale, et comme ces nouveaux CDN dépendent fortement de l’expansion de l’énergie renouvelable, il pourrait y avoir d’autres différends à venir et nous devons être prêts.
    Voici ce que nous vous encourageons à faire.
    Le Parlement devrait demander une analyse de la façon dont cet accord commercial peut soutenir la politique climatique, en particulier dans trois domaines clés. Il faut voir, premièrement, comment l'ACEUM facilite ou non le commerce de biens et de services écologiques et renforce la promotion des objectifs climatiques du Canada; deuxièmement, comment s'assurer qu'au moins les règles commerciales ne font pas obstacle aux objectifs de la politique climatique; troisièmement, quelle est l’incidence des accords commerciaux sur le transfert international des résultats d’atténuation en vertu de l’article 6 de l’Accord de Paris, particulièrement dans le contexte du système de plafonnement et échange Québec-Californie.

  (1545)  

     Enfin, nous avons beaucoup de retard par rapport à ce que nous devons faire. Dans cette crise climatique, l’atteinte des objectifs climatiques devrait être considérée comme une raison légitime de s’écarter des règles commerciales. De telles considérations sont envisagées dans l’Union européenne. Les clauses faibles, même lorsqu’elles sont exécutoires, ne garantissent pas qu’un accord commercial peut être considéré comme un outil de lutte contre le changement climatique.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Peréz.
    La parole est à M. Jacobi.
     Merci beaucoup. Je suis heureux qu’on m’ait demandé de participer à cette conversation.
    Je m’appelle Kevin Jacobi. Je suis directeur général de CanadaBW Logistics, à Niagara Falls, en Ontario.
    Pour situer le contexte, mon entreprise se spécialise dans le développement des activités d'importation-exportation. Nous aidons les entreprises locales à répondre à leurs besoins en matière d’exportation et les entreprises internationales à s’établir ici, à Niagara, pour faire partie de notre collectivité et développer leurs entreprises au sein de l’infrastructure canadienne.
    Je suis ici pour parler en faveur de l’ACEUM et des ratifications en cours, dans l’espoir que cela apportera de la stabilité à nos entreprises.
    Nous avons un certain nombre d’entreprises dont les possibilités ont été grandement ébranlées par les changements tarifaires qui touchent des choses comme l’acier et l’aluminium. Notre clientèle établit, avec ses fournisseurs et les gens à qui elle vend des produits, des contrats qui peuvent durer plus de deux ou trois ans. Lorsque des tarifs sont imposés au milieu d’un contrat, nous n’avons pas la possibilité de nous adapter ou de faire évoluer ce que nous essayons de faire en tant qu’entreprises. Cela a une incidence sur nos marges ou détruit notre entreprise.
     Je travaille avec nos chambres de commerce, en plus d’être le directeur général de la Niagara Industrial Association et de la section de Buffalo Niagara du World Trade Center, et nous voyons que l'incertitude aura des conséquences dramatiques si l'accord n’est pas ratifié.
    Nous espérons que sa ratification assurera la stabilité du marché. Nous comprenons qu’il y aura des avantages et des inconvénients, selon le secteur d’activité de nos entreprises. Cependant, nous aurons des règles en place pour pouvoir prendre des décisions que nous pourrons évaluer et prévoir au-delà du court terme. Nous sommes certainement en train... Je pense que nous avons très peu de temps devant nous pour ratifier l’accord, compte tenu du climat politique aux États-Unis. Si nous n’agissons pas rapidement, nous risquons de rater notre chance.
    Niagara, qui est l’un des plus grands réseaux commerciaux au Canada, en tant que ville frontalière, a le poste frontalier le plus achalandé pour les gens qui font la navette entre le Canada et les États-Unis. C'est aussi le deuxième poste frontalier en importance pour ce qui est de la valeur totale du fret. Nous sommes l’une des rares régions de l’Ontario à avoir un excédent commercial.
    La ratification de l’ALENA 2.0 ou ACEUM renforcera notre capacité d’avoir un impact sur l’économie canadienne et d’attirer des entreprises et des investissements dans le cycle économique canadien. L’une des choses que nous faisons dans mon entreprise — ce que nous essayons d’accomplir ici —, c’est l'établissement d'un point d’atterrissage pour les entreprises internationales afin de leur permettre de développer des possibilités de fabrication et de commercialisation dans notre région pour mieux exploiter leur capacité de faire affaire à la fois avec le Canada et les États-Unis.
    Nous comprenons que le Canada est un très petit marché comparativement aux États-Unis. Cependant, nous sommes perçus partout dans le monde comme un marché stable, un endroit où faire des affaires dans un environnement qui respecte le commerce équitable et les autres cultures. Nous leur offrons un point d’atterrissage qui leur permet d’avoir un accès équitable au Canada et aux États-Unis et, bien sûr, au Mexique, dans une certaine mesure. Nous n’avons pas vraiment autant de débouchés de ce côté-là pour la région de Niagara.
    Nous espérons que le Comité suivra les conseils des personnes qui préconisent d'aller de l’avant avec la ratification et qu'il donnera aux entreprises canadiennes une plateforme stable pour nous permettre de faire croître nos collectivités.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup, monsieur Jacobi.
    Nous passons à M. Tully, de Decast.
     Bonjour. Je vous remercie de me permettre de comparaître devant le Comité.
     Je m’appelle Jim Tully. Je suis le vice-président exécutif de DECAST Limited.
    DECAST est un fabricant de produits d’infrastructure préfabriqués en béton et l'entreprise est située en bordure de Toronto. Nous employons directement plus de 500 personnes et notre chaîne d’approvisionnement touche 3 000 autres personnes.
    L’ALENA et maintenant l'ACEUM devraient ouvrir les marchés des deux côtés de la frontière, mais l’histoire nous a montré que ce n’est pas le cas. Il existe plusieurs politiques américaines qui ont touché les petites et moyennes entreprises comme DECAST: Buy America; Buy American; l’American Recovery and Reinvestment Act; et les décrets du président Trump sur le contenu américain.
     Dans le cadre de la politique Buy American, pour les projets de construction, les entrepreneurs doivent utiliser des matériaux de construction fabriqués à 100 % aux États-Unis, et plus de 50 % des matériaux provenant des États-Unis. Le Canada est exempté pour les contrats de plus de 10 millions de dollars; toutefois, la plupart des projets pour lesquels nous soumissionnons sont inférieurs à ce montant. De nombreux États et municipalités ont également des exigences de production géographique semblables.
    Dans ses décrets présidentiels, le président Trump a clairement déclaré qu’il voulait donner la priorité à Buy American et il a incorporé ce concept dans trois décrets touchant les politiques Buy America et Buy American. Ces décrets créent plus d’incertitude pour les entreprises comme DECAST.
    Le résultat direct de ces politiques est que le marché canadien des produits d’infrastructure est largement ouvert aux entreprises américaines, ce qui laisse libre cours aux prix abusifs et au dumping. En 2018, DECAST a perdu l’équivalent de 41 emplois à temps plein dans des projets à cause des importations de tuyaux d’acier américains. D’après ce que nous avons compris des prix pratiqués par les fabricants américains, le prix était égal ou inférieur au coût de fabrication. Pas plus tard que la semaine dernière, à Winnipeg, un fabricant de tuyaux américain du Texas a coupé l’herbe sous le pied aux producteurs de tuyaux locaux. Compte tenu de la distance à parcourir, ils vendent à un prix égal ou inférieur à leur prix de revient.
    En conclusion, pour aider les fabricants comme DECAST Limited, le Canada devrait imposer aux municipalités de la province la préférence en matière de contenu national dans le cadre de son financement de l'infrastructure. Selon les recommandations des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, ce type de préférence en matière de contenu national pourrait être mis en œuvre conformément au principe de réciprocité pour assurer un libre-échange véritable et ouvert.
    Merci de votre temps.

  (1555)  

    Merci beaucoup, monsieur Tully.
    Nous allons passer aux membres du Comité en commençant par M. Dowdall.
    Merci, madame la présidente, et merci à mon collègue Chris Lewis de m’avoir accordé ce temps aujourd’hui.
    En tant qu’ancien maire, directeur adjoint et président du conseil du comté de Simcoe, j’ai eu l’occasion, au fil des ans, de travailler avec l’organisation qui est ici aujourd’hui.
     Je tiens à vous remercier, monsieur Tully, d’être ici. Je sais que vous êtes un homme très occupé.
     Comme vous l’avez dit au début, votre entreprise a pris beaucoup d’expansion au fil des ans. Il y a eu des expansions en 2011, 2012 et 2016, et en 2019, je crois qu'il y en a eu une de 12 millions de dollars et 35 000 pieds carrés également. C’est une entreprise en pleine croissance.
    Elle a très bien réussi et a même célébré son 35e anniversaire. Dans l’économie d’aujourd’hui, il est incroyable de durer aussi longtemps. C’est un grand employeur qui, à l'occasion de son 30e anniversaire, a remis des chèques de 15 000 $ à deux organismes de bienfaisance locaux, le Women’s and Children’s Shelter, de Barrie et My Sister’s Place, de Alliston. Au fil des ans, cette organisation a donné beaucoup de temps et d’énergie, et c’est vraiment l’un des rouages clés dans Simcoe—Grey.
     J’ai eu l’occasion, par l’entremise de la Fédération canadienne des municipalités, d'aider à tirer parti de la croissance que vous avez eue dans l’industrie, et je sais qu’au cours des années, vous avez du parfois faire face à une lourde bureaucratie. De plus, nous avons eu la politique de l’acier pendant un certain temps et, finalement, la politique Buy American.
    Il est certain que notre parti croit au libre-échange, et idéalement avec moins d'ingérence du gouvernement. Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus sur la façon dont le libre-échange vous touche et, si nous pouvions égaliser les règles du jeu, comment cela fonctionnerait.
    J’ai une autre question. Je sais que 186 milliards de dollars ont été affectés aux municipalités pour des projets d’infrastructure qui, d’après ce que je comprends, ne sont pas prêts à temps. Pourriez-vous également nous parler du volume d’affaires que vous faites dans les villes et les municipalités? À quel point est-ce important pour les municipalités qui ont besoin de cette infrastructure et à quel point est-il important pour vous et votre organisation de prendre de l’expansion encore une fois?
     De notre point de vue, l’effet réel sur nous est que nous n’avons pas la capacité de soumissionner pour des contrats aux États-Unis. Cela nous est impossible à cause de l’incertitude causée par les politiques Buy America et Buy American et les décrets présidentiels. Lorsque le promoteur local qui nous a demandé de lui donner un prix détermine qu’il peut nous utiliser comme fournisseur, les soumissions sont déjà fermées. Il est trop tard. Donc, on nous empêche de soumissionner pour à peu près n’importe quel projet.
    La conséquence pour nous est que nos concurrents américains — je suis tout à fait en faveur d’une concurrence libre et ouverte lorsqu’elle est égale — ont la possibilité de venir au Canada soumissionner pour des contrats, et qu'ils utilisent des prix d’éviction lorsqu’ils viennent ici. Ils fixent des prix qui couvrent peut-être leurs frais généraux, mais sans se soucier des bénéfices. Ils font tout simplement du dumping. Si je vous disais quels étaient les prix offerts à Winnipeg, la semaine dernière, c’est ridicule. Ils viennent du Texas, et ils sont 25 % en dessous des entreprises locales. C’est inacceptable.
    Ils le font librement, sachant que nous ne pouvons pas prendre de mesures de rétorsion. C’est notre vrai problème. Comme je l’ai dit, de mon point de vue, la réciprocité est la réponse: « Si vous nous imposez ce genre de politique, nous faisons la même chose. » C’est la seule réponse évidente.
    Cela a fonctionné, il y a une dizaine d’années, lorsque la FCM a sondé le gouvernement fédéral et a réussi à mettre en vigueur une clause de réciprocité. Tout de suite, les États-Unis ont supprimé les limites imposées au Canada. Si nous pouvons le faire de nouveau, surtout dans le climat actuel, cela aurait un effet important et aiderait des entreprises comme la nôtre.

  (1600)  

    Pour revenir à l’importance de l’infrastructure pour la Ville de Toronto, par exemple, nos grandes villes qui en ont aussi besoin, le type de travail que vous faites et la façon dont cela pourrait avoir un effet, la partie américaine, si vous ne soumissionnez pas pour ces contrats, en quoi cela vous nuit-il... Toutes ces expansions correspondaient à peu près aux appels d’offres de l’époque. Vous faites le métro principal. Vous faites les grandes poutres que les gens voient lorsqu’ils roulent sur la 401, en Ontario. Je ne sais pas si vous pouvez faire le point sur l’importance de cela également.
    C’est extrêmement important pour nous. L’infrastructure est un élément important de notre production. Je vais vous donner quelques exemples. Dans la région d’Ottawa, nous travaillons avec les deux promoteurs du SLR. Nous fournissons toutes les poutres qui seront utilisées dans les sections élevées des lignes du SLR qui sont construites à Ottawa. Tout retard dans les projets d’infrastructure est un retard de travail pour nous. Nous insistons toujours pour que le financement circule librement et en temps opportun.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dhaliwal.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s’adresse à M. Eddy Peréz.
    M’entendez-vous?
    Oui.
    D’accord.
    Tout d’abord, je tiens à vous remercier de vos efforts en matière d’environnement. C’est formidable.
    Comme vous le savez très bien, nous croyons en l’environnement. Vous avez déjà mentionné que, d’ici 2050, nous n’aurons pas d’émissions nettes. Nous croyons que les engagements à l’égard de niveaux élevés de protection de l’environnement sont également un élément important des accords sur le commerce, car ils protègent nos travailleurs et notre planète, surtout lorsqu’il est question de l'ACEUM. Il s’agit du tout premier accord commercial comportant un chapitre exécutoire sur l’environnement. Cela remplace les accords distincts que nous avions dans les accords précédents.
    Comme je viens de la Colombie-Britannique, l’environnement marin est très important pour moi — Randeep vient de là aussi. Il maintient la qualité de l’air et lutte contre la pollution marine. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que ce sont là des mesures positives qui vont de l’avant?
     Il est juste de dire, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration, tout d’abord, que l’approche du Canada et des États-Unis en matière de commerce exige une certaine force exécutoire, par exemple, pour le chapitre sur l’environnement et d’autres chapitres. Cela dit, le caractère exécutoire ne signifie pas que les clauses que les pays acceptent de respecter sont assez ambitieuses pour garantir que le commerce entre deux ou trois partenaires continuera de contrer les changements climatiques.
    Permettez-moi de vous donner quelques exemples de choses qui ne sont pas dans l'ACEUM. Bien que cet accord apporte certains éléments clés et importants de progrès, il ne permet pas une meilleure protection du climat.
     Premièrement, il n’y a pas de normes climatiques contraignantes dans le texte. Des leaders démocrates clés ont voté contre cet accord, notamment le leader au Sénat pour les démocrates. Il a dit que l'accord ne réglait pas ou ne mentionnait pas la crise climatique.
    L’ALENA 2.0 actuel, loin d’inclure des normes climatiques, ne mentionne même pas les changements climatiques. Il s’agit d’une omission flagrante, puisque l’ALENA incite, en fait, les entreprises à se soustraire aux politiques américaines en matière d’énergie propre, qui ont été durement combattues, en allant au Mexique, par exemple, en éliminant des emplois et en causant la pollution climatique.
    Vous avez parlé de protection marine, et c’est une excellente chose. Comme je l’ai dit dans ma déclaration, les trois pays qui sont partenaires de l'ACEUM s’occupent des subventions à la pêche, mais il n’y a aucune mention, par exemple, de la façon dont les pays vont s’attaquer aux subventions aux combustibles fossiles et les réduire afin d’encourager et, en fait, d’arrêter la distorsion des marchés des énergies renouvelables.
    En ce qui concerne les normes relatives à la qualité de l’air, de l’eau et du sol, l’accord mentionne à peine la pollution et il ne contient pas de conditions précises et exécutoires pour traiter du déversement documenté de polluants.
    Par exemple, le texte reconnaît que la pollution atmosphérique constitue une grave menace pour la santé publique, et en ce sens, vous et moi sommes d’accord. Toutefois, il ne prévoit pas de règle contraignante unique pour réduire la pollution atmosphérique que l’ALENA a exacerbée.
    De la version de 2018 du texte à la révision de 2019, cette révision répète, en fait, les mêmes manquements et omet de fixer des limites essentielles pour la pollution de l’air, de l’eau ou du sol. Ce ne sont là que quelques exemples.

  (1605)  

    Monsieur Jacobi, votre ville est frontalière. Il en va de même pour Surrey, en Colombie-Britannique, et nous avons aussi beaucoup d’entreprises de logistique. Je vous remercie d’appuyer l'ACEUM.
    Pourriez-vous dire aux entreprises de logistique de ma région du monde en quoi cela les avantagera lorsqu’elles feront du commerce ou transporteront des marchandises à la frontière?
    Avec plaisir.
    Nous devons considérer que la ratification de l’ALENA 2.0 va au-delà des échanges commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Je suis très fier de ce que le gouvernement actuel et les gouvernements précédents ont fait pour créer des accords de libre-échange partout dans le monde.
    En participant aux accords de libre-échange nord-américains, nous permettons à nos partenaires des autres pays d’accroître leur présence dans nos collectivités en se servant d'entreprises de logistique comme la mienne, dans ma région, ou des entreprises de logistique de votre région. Cela permet d'inciter ces autres pays à établir des partenariats pour la fabrication et le développement de produits, qui sont des synthèses d’idées et d'éléments de travail de plusieurs pays, pour en faire des produits du Canada qui ont alors un meilleur accès à la chaîne d’approvisionnement Canada-États-Unis-Mexique.
    C’est ainsi que nous nous orientons...
    Merci beaucoup, monsieur Jacobi.
    Monsieur Dhaliwal, votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Savard-Tremblay.

[Français]

     Je remercie l'ensemble des présentateurs et des témoins aujourd'hui.
    Je voulais destiner mes questions à M. Peréz, mais l'image a l'air complètement bloquée. Je ne sais pas si la connexion est toujours là.
     Je suis là.
    Bonjour, monsieur Peréz.
    Je vous remercie de votre présentation éclairante.
    Vous me le direz si je me trompe, car je ne veux pas vous attribuer des propos qui ne sont pas les vôtres. En résumé, vous avez dit qu'il y a quelques progrès au chapitre de l'environnement par rapport à l'ALENA précédent, mais que c'est loin de ce que cela devrait être aujourd'hui, à l'ère des changements climatiques.
    C'est exactement cela. Vous avez fait un très bon résumé.
    Selon moi, il y a deux arguments principaux.
    Premièrement, malgré certains progrès, comme le système d'arbitrage en ce qui concerne les investisseurs et d'autres petits progrès en matière de protection de l'environnement, lorsqu'on regarde l'ensemble de l'œuvre, ce traité est très loin de permettre au Canada de respecter ses propres engagements climatiques. Selon moi, c'est une grande faiblesse de ce traité.
    Deuxièmement, il n'y a absolument pas de garantie que, une fois que le président actuel des États-Unis ne sera plus au pouvoir, certaines dispositions de l'actuel traité ne seront pas renforcées. Actuellement, il n'y a pas de processus de révision, par exemple quant à la coopération entre les trois parties, et il n'y a aucune mention de la crise climatique.
    Dans l'ensemble, ce sont de grandes faiblesses.

  (1610)  

    Il n'y a aucune mention de la crise climatique et aucune référence non plus aux accords environnementaux mondiaux.
    Il est fait mention de sept accords multilatéraux sur l'environnement, mais ce sont tous les mêmes qu'il y avait dans l'ancien accord. Il n'y a pas vraiment eu de changement ou de mise à jour, malgré le fait que le Canada a beaucoup évolué sur ces questions depuis 25 ans.
    Les engagements que le Canada a pris en 2019 démontrent une volonté d'avoir des engagements plus ambitieux, mais, malheureusement, ils ne sont pas reflétés dans l'accord avec le plus grand partenaire économique du pays.
    Vous dites que l'accord ne contient pas d'exigences fermes en matière climatique, mais y a-t-il des normes sur des aspects connexes, par exemple sur la qualité de l'air, la qualité de l'eau, la qualité de la terre?
    Oui, il y a quelques mentions. Il y a une volonté de réduire la pollution de l'air. Comme je l'ai dit tantôt, différentes dispositions concernent les subventions à l'industrie maritime, mais aucune mention spécifique ne force les États à respecter des engagements précis sur la pollution de l'air. Il n'y a pas non plus, au-delà de la disposition sur la proportionnalité, de dispositions pour s'attaquer à la question des subventions aux pétrolières.
    En cas de litige ou de problème, vous semblez vous réjouir quand même qu'on ait éliminé le chapitre 11, qui portait sur les investisseurs et l'État.
    Certainement, je m'en réjouis, et pour deux raisons.
    Le chapitre 11 favorisait un profond manque de transparence. Puisque vous l'avez étudié, vous savez que ce chapitre donnait aux entreprises un droit extrêmement abusif contre les gouvernements. Son élimination est donc un gain, dont je suis assez content. C'est une chose à laquelle nous avons travaillé avec les syndicats et d'autres groupes.
    Cependant, ce n'est pas suffisant. Je sais que le député du NPD a déjà demandé qu'il y ait plus de transparence lors des négociations de futurs accords. Je m'en réjouis, mais cela démontre qu'il faut régler d'autres questions quant à la façon dont le Canada s'engage, signe et ratifie d'autres accords commerciaux.
    Sur la question du système d'arbitrage, je dirais qu'il y a une dissonance cognitive de la part du gouvernement du Canada, qui a décidé de retirer ce mécanisme en ce qui concerne les États-Unis, mais qui continue de le valoriser et de le promouvoir lorsqu'il négocie des accords commerciaux avec d'autres partenaires.
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur Peréz.
    Votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Blaikie.
    Tout d’abord, je remercie tous nos témoins de comparaître devant le Comité aujourd’hui.
    J’aimerais poursuivre avec M. Peréz.
    Je crois que vous avez fait allusion à certains exemples, je me demande donc quels genres de mécanismes le Canada pourrait envisager de préconiser dans des accords commerciaux qui pourraient avoir un impact concret sur l’environnement. En particulier, nous savons que les États-Unis ne sont pas signataires de l’Accord de Paris, et c’est une chose que nous aimerions voir dans l’accord. Quels types de mécanismes devrions-nous proposer à nos partenaires internationaux pour essayer de lier les objectifs environnementaux aux objectifs économiques? Je pense que c’est essentiel pour réussir sur le plan environnemental.
    Merci, monsieur Blaikie, de votre question.
    Je pense qu’une bonne partie du contexte de l’absence de dispositions sur le climat dans le cadre de l'ACEUM est liée à [Difficultés techniques]. Nous devons en être conscients. Cela dit, il y a des façons pour le Canada de régler cette question à l’échelle nationale.
    Je sais que les députés ont demandé de l’information sur les répercussions économiques de l'ACEUM et son impact sur certaines industries, et la même chose s’applique au climat.
    Comme je l’ai mentionné au début de mon intervention, il pourrait être important de préciser comment l'ACEUM servira ou non les groupes respectueux du climat s'il est capable d’encourager l’échange de biens qui contribuent à réduire les émissions de carbone au fil du temps. C’est quelque chose que le Canada pourrait faire à l’échelle nationale. C’est juste pour le contexte de l'ACEUM.
    À l’échelle internationale, il faut commencer par inclure des engagements contraignants dans les accords sur le commerce pour que le Canada et les partenaires qui signent ce genre d'accords avec le Canada respectent leurs engagements en vertu de l’Accord de Paris. Pourquoi est-ce nécessaire? Parce que tous les partenaires qui ont signé l’Accord de Paris le font au niveau national. Les contributions déterminées au niveau national sont décidées et convenues au niveau national. La question de la souveraineté ne se pose pas pour le genre de choses dont le Canada pourrait se méfier parce que d’autres pays pourraient nous pousser à agir, étant donné que les engagements du Canada en matière de climat ont un caractère national. L’inclusion d'engagements contraignants pour que le Canada et les autres partenaires respectent leur contribution déterminée à l’échelle nationale pourrait constituer une première étape.

  (1615)  

    Compte tenu du coût de la bureaucratie et de tout le reste, je n’ai pu m’empêcher d’écouter l’un de nos autres témoins qui a comparu devant le Comité parler des produits qui viennent du Texas et qui sont vendus à des prix inférieurs aux nôtres. Bien sûr, l’autre coût est le coût environnemental que représente le transport des tuyaux à partir du Texas, contrairement à l’achat local.
    Il me semble que, lorsque nous parlons de dispositions environnementales et d’une sorte de budgétisation du carbone ou d’une façon d’essayer de tenir compte du coût environnemental, l'absence de réciprocité du côté des prix pose réellement des problèmes, mais nous ne voulons pas non plus, je pense, inciter les gens à acheter des produits venant de loin alors qu’il existe de bonnes solutions de rechange locales. Il y a des coûts environnementaux, et lorsque nous parlons d’essayer d’incorporer des mesures environnementales dans un accord commercial, le genre de mécanisme dont nous parlons pourrait consister à travailler avec les pays pour avoir un moyen d’évaluer ces produits, du moins pour certains types de produits ou au-dessus d’un certain seuil.
    Je ne sais pas ce que vous en pensez ou si vous avez d’autres propositions concrètes, mais je serais heureux de les entendre.
    Ce que vous avez mentionné est une première étape. Vous vous souviendrez peut-être, par exemple, que lorsque l’Ontario a voulu accorder la priorité à ses propres produits d’énergie renouvelable, elle a été poursuivie. Je pense qu’un élément clé que nous devons comprendre, c’est que si nous ne nous attaquons pas à ce problème correctement — la façon dont vous l’avez expliqué est très claire —, alors que nous continuons de nous engager à atteindre des cibles climatiques et à réduire nos émissions, nous serons obligés d’acheter des biens qui nous permettront de réduire les émissions. Si cela n’est pas bien traité dans les accords sur le commerce, nous permettons déjà qu’il y ait de futurs différends, parce que nous n’avons pas les mécanismes nécessaires pour permettre à ces produits de venir au pays ou, par exemple, comme vous l’avez dit, pour encourager les produits locaux d’énergie renouvelable.
    L'ACEUM continue de distribuer des cadeaux aux entreprises et permet, par exemple, de modifier les lois et la réglementation, ce qui pourrait avoir une incidence importante sur l’évolution de l’industrie des énergies renouvelables au Canada, aux États-Unis et au Mexique.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Peréz.
    Nous allons passer à M. Kram.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d’être parmi nous aujourd’hui pour nous faire part de leurs points de vue.
    Monsieur Tully, je m’intéresse particulièrement à votre expérience en matière de soumissions pour des contrats du gouvernement américain. Pourriez-vous nous expliquer le processus que suit votre entreprise lorsque vous soumissionnez pour un contrat du gouvernement américain plutôt qu’un contrat canadien?

  (1620)  

    Généralement, un constructeur ou une grande firme d’ingénierie nous demande si nous pourrions fournir une soumission pour un projet donné. Je dirais que pour 99 % des contrats pour lesquels nous avons été invités à soumissionner aux États-Unis, au bout du compte, notre soumission n’a pas été retenue. simplement parce que l'entreprise en question ne pouvait pas s'assurer qu'elle pouvait accepter le produit en raison de l’incertitude créée par les politiques qui existent aux États-Unis.
    Là où nous avons eu du succès, c’est lorsque nous avons établi des partenariats avec des producteurs locaux américains et subventionné, en quelque sorte, ce qu’ils produisaient dans le cadre d’un projet. À part cela, nous n’avons pas vraiment réussi.
    Quelles politiques des États-Unis en particulier sont les plus problématiques pour vous?
    Buy America. Buy American.
    D’accord. Cela se passe-t-il aussi au niveau des États ou seulement au niveau du gouvernement fédéral?
    Jusqu’au niveau municipal...
    D’accord.
    ... parce que lorsqu’on va au niveau municipal, on finit souvent par avoir affaire à des gens qui croient que Buy America veut dire construit aux États-Unis, provenant des États-Unis. Ils ne comprennent pas vraiment la mécanique de la chose, c’est-à-dire que ce sont les matières premières utilisées dans le produit qui doivent provenir des États-Unis; par exemple, l’acier utilisé dans le produit.
    En théorie, nous pourrions répondre aux exigences, mais le temps que tout le monde comprenne cela, que vous remplissiez tous les documents nécessaires — et la durée du processus d’appel d’offres est de trois à quatre semaines —, vos chances sont nulles.
    D’accord. Vous avez parlé de votre idée d'une réciprocité à l'égard de la préférence en matière de contenu national. Est-ce que vous envisagez cela aux niveaux fédéral et provincial au Canada? Pourriez-vous nous expliquer comment cela fonctionnerait?
    Par le passé, nous nous sommes concentrés sur la FCM et nous avons essayé d’agir à ce niveau en préconisant la réciprocité, comme vous l’avez fait il y a une dizaine d’années lorsque vous avez réussi à contourner ces politiques et que les produits canadiens ont été acceptés.
    Nous ne sommes pas un énorme exportateur. Nous faisons du béton. Le béton est gros et lourd. Il est difficile de l’exporter, alors nous nous concentrons sur le Nord-Est des États-Unis lorsque nous vendons des produits. Nous sommes allés jusqu’à Myrtle Beach, au sud.
    Lorsque nous parlons de réciprocité, nous voulons simplement avoir la possibilité d’aller là-bas si nous le pouvons. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. On nous enlève notre marché au Canada en nous imposant des prix d’éviction parce que c'est un marché ouvert. Je crois fermement au libre-échange. J’ai travaillé dans 50 pays différents au cours de ma carrière, et j’y crois fermement, mais si on veut imposer des restrictions sur ce qu’on considère comme le libre-échange, comme le font souvent les États-Unis, nous devrions en faire autant en disant que dès qu’ils laisseront tomber les leurs, nous abandonnerons les nôtres. Pour moi, c’est une façon simple et efficace de garantir que le libre-échange est bien le libre-échange.
    Il y a un certain nombre d’années, j’ai comparu devant le conseil régional de Peel, et Hazel McCallion s’est levée pour dire qu'il n’y avait pas de libre-échange et qu'il n’y en avait jamais eu. Cela arrive souvent à cause des petits accords parallèles qui surgissent et qui touchent différentes entreprises au Canada.
    Si le nouvel accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique prévoit une entente à cet égard, si vous commencez à conclure des accords parallèles, alors nous allons faire la même chose...
    D’accord.
    Merci beaucoup, monsieur Kram.
    Nous allons passer à Mme Bendayan.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Rapidement, et avec tout le respect que je dois aux témoins qui ont comparu devant le Comité cet après-midi, je tiens à ce qu’il soit bien clair qu’une majorité écrasante de démocrates aux États-Unis — 193 — ont voté en faveur de cet accord, et seulement 38 d’entre eux ne l’ont pas fait.
    Ma question s’adresse à M. Jacobi, de CanadaBW Logistics. Merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd’hui. Si je comprends bien la nature de votre entreprise, vous aidez les entreprises canadiennes locales à étendre leurs activités d’exportation. Est-ce exact?

  (1625)  

     L’un des défis que nous devons relever, en tant que collectivité frontalière, c’est que nous dépendons beaucoup de l’interaction entre le Canada et les États-Unis. C’est l’endroit idéal pour exporter, parce que c’est rapide et facile. Nous pouvons littéralement voir l’autre pays de l’autre côté de la rivière, dans la région de Niagara.
    Au cours des dernières années, il y a eu beaucoup d’incertitude quant à notre capacité d’expédier des marchandises ou d’obtenir des contrats aux États-Unis. Grâce aux consulats canadiens partout dans le monde, on nous a aidés à trouver d’autres débouchés dans d’autres pays pour exporter nos produits — ces longues chaînes d’approvisionnement. Nous nous sommes trop fiés à une voie bien définie. Nous devons commencer à construire d'autres chaînes pour que si quelque chose tourne mal, nous ayons encore d’autres possibilités. C’est la diversification qui s'impose.
    De plus, si l'accord est ratifié, la diversification qui en résultera nous permettra d’établir des partenariats et des ponts entre les autres accords sur le commerce, ce qui nous permettra d’avoir un meilleur accès au marché américain grâce à des partenariats commerciaux issus de nos autres accords, comme l’AECG et d’autres ententes semblables.
    Environ combien de vos clients, des entreprises canadiennes que vous aidez à exporter, exportent aux États-Unis ou au Mexique?
    Nous avons un peu plus de 70 clients avec lesquels nous travaillons directement ici, qui sont en fait établis à Niagara. Je dirais qu’environ 60 % d'entre eux exportent aux États-Unis.
    Au Mexique... Nous n’avons pas beaucoup de gens qui vont aussi loin, mais nous avons des clients qui développent leurs filières vers le Brésil et la Grande-Bretagne. Grâce à l’accord de libre-échange avec l’Ukraine, nous avons établi une voie d'accès, tout comme pour la Chine et d’autres pays asiatiques avec lesquels nous travaillons.
    Vous avez dit que vous êtes situé dans la région de Niagara. J’ai vu que vous étiez à environ une heure de trois postes frontaliers différents avec les États-Unis. Avez-vous choisi cet endroit pour des raisons stratégiques, afin d'être près de notre principal partenaire commercial?
    Oui, tout à fait. Je suis né et j’ai grandi à Niagara, alors je suis très chanceux d’avoir cette possibilité. À moins de 10 heures de route — essentiellement un trajet de camion à partir de Niagara —, nous avons plus de 140 millions de consommateurs nord-américains à notre portée. C’est une part importante. Non seulement cela aide nos entreprises locales à développer ces routes commerciales vers les États-Unis, sur lesquelles nous comptons, mais cela nous permet aussi d’établir des partenariats et de créer des possibilités de fabrication avec des entreprises internationales pour faire croître notre collectivité ici également.
    Vous avez abordé la question de la stabilité et de la certitude. Est-ce que l’existence d’une certaine entente, comme celle qui est négociée présentement, l'ACEUM, aide les entreprises comme la vôtre? Diriez-vous que la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés lorsque les États-Unis ont indiqué qu’ils ne voulaient pas poursuivre l’ALENA était préoccupante ou inquiétante?
    Tout à fait. Essentiellement, les entreprises se sont mises à attendre. Nous n’étions pas certains du climat ou de la façon dont les choses allaient évoluer. L'ALENA allait-il être déchiré et non ratifié? Allions-nous en revenir, par défaut, à l’Organisation mondiale du commerce, qui a perdu beaucoup de mordant dans sa capacité d’appliquer ses règles et règlements?
    Beaucoup de gens sont restés assis sur leurs projets et sur leur argent. Les investissements internationaux ont été réduits parce que les entreprises internationales n’ont jamais vu l’avantage d’investir dans les infrastructures ou la fabrication dans notre région, parce qu’elles ne savaient jamais si elles auraient accès au marché qui les attirait.
    L'incertitude nous place dans cette situation. Nous devons savoir. Nous comprenons que ce ne sera pas parfait pour tous les secteurs. Il s’agira d’un document évolutif qui devra être ratifié, élaboré et amélioré, mais au moins il nous donnera une voie et une base solide pour aider à établir ces conversations.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Carrie.
    Madame la présidente, je vais partager mon temps avec M. Lewis.
    Je tiens également à dire quelque chose aux fins du compte rendu. Le secrétaire parlementaire ne cesse de dire que les démocrates et les républicains ont voté en faveur de cet accord aux États-Unis, comme il fallait, bien sûr, s'y attendre. Selon l'étude d'impact économique faite par les États-Unis, l'ACEUM aura un impact positif net de 68 milliards de dollars aux États-Unis.
    À ce que je sache, nous sommes des députés canadiens dont le travail consiste à analyser cet accord pour le Canada. Je ne sais pas si les témoins sont au courant de ce qui s'est passé plus tôt, mais je leur signale que nous venons tout juste, aujourd'hui même, de recevoir l'étude d'impact économique du gouvernement.
    La semaine dernière, l'Institut C.D. Howe a affirmé très clairement que cette entente, comparativement à celle que nous avons déjà, aura chez nous un impact négatif net de 10 milliards de dollars américains, soit 14 milliards de dollars canadiens. Ce que nous essayons de faire de ce côté-ci... Monsieur Jacobi, je veux que vous sachiez que l'accord sera adopté. Il va être adopté cette semaine et envoyé au Sénat. Nous allons donc de l'avant, mais nous devrons malheureusement... Bon, je retire le mot « malheureusement » et je dis plutôt qu'heureusement nous allons faire preuve de diligence raisonnable et veiller à ce que le gouvernement demeure sur la sellette, au moins pour ce qui est des programmes et des mesures de soutien à mettre en place à l'intention des familles et des entreprises touchées par l'accord.
    Quant aux propos de M. Tully, il a raison. Il y a 10 ans, M. Harper a négocié une exemption de la politique Achetez américain pour les entreprises canadiennes. La négociation de cet accord offrait la possibilité d'en faire autant, mais, malheureusement, en raison de la faiblesse du leadership de notre premier ministre, cela ne s'est pas fait.
    Je tiens à ce qu'une chose soit bien claire, car j'entends sans cesse dire que les démocrates et les républicains ayant appuyé cet accord, nous devrions aussi y être favorables. Non. Nous sommes des députés canadiens. Nous sommes ici pour travailler pour les Canadiens, pour veiller à ce que les intérêts des Canadiens soient pris en compte dans cet accord.
    Monsieur Lewis.

  (1630)  

    Merci, madame la présidente.
    Merci à mon collègue, M. Carrie. Je reprends ses propos à mon compte.
    Monsieur Peréz, je le répète, nous avons enfin, ce matin seulement, reçu du gouvernement l'étude de l'impact économique. Ce qui est curieux, c'est qu'il n'a pas comparé l'accord à quoi que ce soit. Il ne l'a pas comparé à l'ALENA, ni au niveau le plus bas, ni comment... Il n'a fait aucune comparaison.
    Cela peut sembler un peu étrange, mais, en ce qui concerne précisément le changement climatique, pour peu qu'on se fie au texte de l'ACEUM, nous ne savons pas s'il nous permettra d'atteindre nos cibles ou quel effet il aura, faute de pouvoir faire quelque comparaison que ce soit.
    À quoi voudriez-vous le comparer? Aimeriez-vous qu'il soit comparé à l'ALENA? Avez-vous des idées à ce sujet?
    Il n'est fait aucune mention du climat dans le texte actuel, et nous ne pouvons donc pas, pour l'instant, faire l'analyse de l'incidence de cet accord commercial en matière de climat et sur les cibles canadiennes liées à l'Accord de Paris, par exemple, ou à d'autres accords environnementaux multilatéraux qui ne sont pas mentionnés dans le texte révisé.
    On peut faire la comparaison avec beaucoup de choses, pas forcément avec l'ALENA. Au cours des deux dernières années, des membres du gouvernement libéral, en particulier M. Trudeau, ont voyagé partout dans le monde pour signer de nouveaux accords commerciaux qui sont qualifiés de progressistes du fait qu'ils comportent certaines dispositions, par exemple, sur l'environnement, les droits des travailleurs, l'égalité des sexes, les droits des Autochtones et ainsi de suite. En faisant la comparaison avec ces autres accords commerciaux signés par le Canada, on constate une grande différence entre ce que le Canada a négocié, d'une part, avec les États-Unis et, d'autre part, avec les pays du Mercosur et de l'Union européenne, particulièrement pour ce qui est du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
    Je pense donc que ce que le Réseau Action Climat Canada demande pour l'instant, c'est une clause nationale permettant au Canada d'évaluer la façon dont l'ACEUM aide les entreprises d'énergie renouvelable à investir aux États-Unis ou de déterminer s'il y a des biens en provenance des États-Unis ou du Mexique importés au Canada qui contribuent à la réduction des émissions canadiennes de gaz à effet de serre. Lorsqu'on commence à faire ce genre d'analyse, on obtient de l'information qui n'existait pas auparavant.
    L'autre élément que j'aimerais souligner, c'est le Cadre pancanadien sur les changements climatiques, qui est la contribution répartie à l'échelle nationale décidée par le Canada dans le cadre de l'Accord de Paris, et les modalités de sa mise en application au Canada, en comparaison avec la façon dont d'autres pays s'y prennent pour atteindre leurs cibles climatiques.
    Il existe donc pour le Canada beaucoup de possibilités d'examiner et de comparer la façon dont les accords commerciaux qu'il signe avec l'Union européenne, le Mercosur et les États-Unis influent sur l'objectif du Canada en matière de changement climatique.

  (1635)  

    Merci beaucoup.
    Je suis sûr que mon temps est écoulé.
    C'est le cas, mais j'accorde toujours un peu plus de temps aux intervenants.
    Monsieur Dhaliwal.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à M. Tully, vice-président exécutif de Decast.
    Je crois savoir que vous fournissez également des services d'ingénierie. Est-ce le cas?
    C'est exact.
    Lorsque, dans le passé, nous examinions d'autres accords commerciaux, tous ceux que nous avons entendus, comme les architectes qui sont venus témoigner ici, ont dit que ces accords aideraient les sociétés d'ingénierie. Êtes-vous de cet avis?
    Je serais probablement d'accord, mais cela ne s'applique malheureusement pas à notre situation, puisque nos activités d'ingénierie se limitent à nos propres produits. Nous ne sommes donc pas exportateurs de services d'ingénierie. Nos services sont internes. Nous sommes un cabinet de génie-conseil agréé, mais nous nous en tenons à nos propres produits.
    C'est bon à entendre.
    M. Carrie disait que nous devrions aider des entreprises comme la vôtre. Notre gouvernement a investi 125 milliards de dollars dans l'infrastructure. En quoi cela aide-t-il des entreprises comme la vôtre?
    Eh bien, c'est une somme faramineuse. Permettez-moi d'y aller d'une déclaration quelque peu protectionniste. C'est l'argent des contribuables canadiens qui sert à financer les infrastructures canadiennes. Il serait bon que les entreprises canadiennes puissent obtenir une juste part des contrats d'infrastructure.
    Lorsque des entreprises canadiennes sont en quelque sorte entravées dans d'autres pays dont les entreprises peuvent venir ici pour profiter de la manne à laquelle je contribue par les impôts que je paie, cela n'est pas sans me heurter.
    Je suis très heureux que le gouvernement investisse tout cet argent pour financer les infrastructures. J'aimerais qu'il veille à ce que les entreprises canadiennes aient leur juste part du gâteau.
    Vous avez dit que vous employez 500 personnes directement et 300 indirectement.
    Il y a 3 000 emplois indirects.
    Concernant ces 500 employés, une fois l'ACEUM ratifié, pensez-vous que votre entreprise devra procéder à des licenciements ou qu'elle pourra survivre en maintenant son effectif actuel?
    Ce qui me dérange dans cet accord de libre-échange, ce sont les aspects secondaires. S'il s'agissait uniquement de libre-échange, nous en bénéficierions probablement. Il serait avantageux pour nous de pouvoir dire que nos portes sont ouvertes à la participation américaine et que les États-Unis sont tout à fait ouverts à la participation canadienne. Si c'était vraiment le cas, nous en bénéficierions probablement du fait que nous avons une installation ultramoderne, que nous sommes, à notre avis, parmi les meilleurs au monde dans notre domaine et que nous pouvons être concurrentiels quant aux coûts et, assurément, soutenir la concurrence sur nos marchés.
    Or, comme je l'ai dit, nous ne sommes pas sur un pied d'égalité à l'heure actuelle, et s'il y a moyen pour le gouvernement fédéral de faire en sorte les règles du jeu soient équitables, ce sera alors avantageux pour toutes les entreprises canadiennes.
    Le libre-échange, s'il s'agit vraiment de libre-échange, est une excellente chose. Lorsqu'un accord prévoit des ententes accessoires, comme nous l'avons vu par le passé, alors ce n'est pas vraiment du libre-échange, mais une entrave pour nous.
    D'accord.
    Ma question s'adresse à CanadaBW Logistics.
    Monsieur Jacobi, quand votre temps de parole a expiré, vous étiez en train de répondre à une question sur les entreprises qui pourraient bénéficier de l'accord. Y a-t-il quelque chose que vous n'avez pu dire?

  (1640)  

    Certainement.
    Je pense que le plus important, c'est de tourner son regard vers l'extérieur. Grâce à nos consulats partout dans le monde, nous avons d'excellentes possibilités de nouer des liens avec des entrepreneurs et des gens qui voient le Canada comme une destination positive. Il ne s'agit pas seulement de débarquer leurs produits pour les vendre sur notre marché, mais aussi de construire une deuxième résidence ou une usine.
    Mon entreprise a accru sa capacité de montrer à ces entrepreneurs que Niagara est un endroit très propice pour faire des affaires, pour élever une famille et pour établir un centre de fabrication ayant accès à un très vaste marché de consommation.
    Nous sommes très chanceux à Niagara d'avoir un excédent commercial. Notre région exporte plus qu'elle importe. Nous sommes une voie de passage entre beaucoup de ces espaces. Il y a une valeur à cela, et je dirais qu'il serait utile pour beaucoup de nos collectivités centrales de se tourner vers d'autres pays et d'établir des relations en vue de se renforcer elles-mêmes et d'apporter de nouvelles ressources et d'ouvrir de nouvelles voies pouvant contribuer à l'essor des entreprises autour d'elles.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Savard-Tremblay.

[Français]

     Je vais poursuivre ma conversation avec M. Peréz au sujet du volet environnemental.
    Comme on le sait, et comme cela a été rappelé plus tôt, les États-Unis ne sont pas signataires de l'Accord de Paris. Vous nous disiez que les traités environnementaux mentionnés dans le chapitre sur l'environnement remontent à l'époque de l'ALENA.
    Il faut réfléchir à cela, car nous formons le comité permanent qui aura éventuellement à se pencher sur de futures ententes. Lorsque nous signons un traité avec un pays signataire de l'Accord de Paris, faudrait-il toujours qu'il soit explicitement mentionné dans l'accord en question que l'ensemble des dispositions sont astreintes à l'Accord de Paris?
    Oui, c'est exactement cela.
    Je pense qu'il faut même aller un peu plus loin.
    Comme je l'ai dit dans mes commentaires du début, il faut quand même réfléchir, comme on le fait déjà lorsqu'on signe des traités de libre-échange. Les dispositions qui ne sont pas respectées peuvent forcer la suspension d'un traité de libre-échange.
    Il faut que ce volet soit ajouté lorsqu'on parle de la manière dont des États qui signent des traités de libre-échange respectent leurs engagements environnementaux et climatiques contenus dans l'Accord de Paris. Je réponds donc par l'affirmative à votre premier point, mais j'irais encore plus loin et je chercherais comment, dans le renforcement de ces mesures, on peut viser même la suspension.
    Je veux être certain de bien comprendre. Vous dites que, si une situation d'échange commercial allait à l'encontre des standards climatiques, on suspendrait le libre-échange dans ce domaine?
    L'exemple parfait est l'Union européenne. Il y a déjà eu une proposition de la part d'un grand nombre d'États de l'Union européenne pour suspendre un traité de libre-échange avec une tierce partie. Un État peut suspendre tout le traité, et non pas seulement le chapitre sur l'environnement, lorsque l'autre partie ne respecte pas ses obligations en matière de contributions déterminées à l'échelle nationale dans l'Accord de Paris.
    Ces discussions sont déjà en cours. Je pense que la suspension est une mesure de dernier recours, mais entre le choix que vous avez donné et la suspension, beaucoup d'autres mesures peuvent être prises afin d'assurer que les deux parties s'engagent à, non seulement respecter leurs engagements, mais aussi à contribuer à rendre leurs objectifs beaucoup plus ambitieux en lien avec les objectifs de l'Accord.

  (1645)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Peréz. Je suis désolée de devoir vous interrompre. Toutes mes excuses.
    La parole est à M. Blaikie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Tully, j'aimerais vous parler un peu plus de la réciprocité. Je pense que c'est peut-être une idée avec laquelle les néo-démocrates sont plus à l'aise. Dans bien des cas, nous avons eu tendance à critiquer le libre-échange.
    Je ne crois pas que votre histoire soit unique. Nous avons entendu des éleveurs de bétail, par exemple, dans le cadre de l'AECG, qui croyaient obtenir un accès sans entrave aux marchés. En fait, on a demandé aux producteurs laitiers de faire des sacrifices pour obtenir cet accès aux marchés. Nous apprenons maintenant qu'il y a des objections à certaines pratiques d'assainissement ici en Amérique du Nord, si bien qu'ils n'ont pas vraiment accès à ce marché en Europe.
    Pensez-vous qu'il est juste de dire que les gouvernements de différentes allégeances ont été trop enthousiastes à l'idée du libre-échange, au point parfois de s'aveugler sur la réalité de ce que font nos partenaires commerciaux?
    À mon sens, en me fondant sur ce qui s'est produit par le passé, les accords de libre-échange conclus entre différents pays comportent toujours des échappatoires, et celles-ci sont sans cesse mises à profit — comme dans le cas des producteurs laitiers — pour cibler différents secteurs en invoquant une petite clause qui fait qu'il est difficile pour les producteurs des secteurs visés de bénéficier réellement du libre-échange.
    Je me trompe peut-être, mais le Canada semble unique en ce sens qu'il offre un accès aux marchés pratiquement sans entraves sous les auspices d'un accord commercial et qu'il réagit plutôt mollement devant nos partenaires commerciaux qui n'offrent pas le même accès. Au pays, on nous sert l'argument politique selon lequel ces sacrifices sont justifiés parce que nous avons un accès égal au marché, puis nous entendons qu'en fait...
    Y a-t-il beaucoup de gens aux États-Unis qui disent ne pas pouvoir accéder au marché canadien, que les Canadiens rusent pour les bloquer, qu'il en va de même en Europe? J'aimerais savoir qui sont vos homologues de l'autre côté de la frontière qui ont le même ressentiment à l'égard du Canada que celui que les entreprises canadiennes ont à l'égard de certains de nos partenaires commerciaux.
    Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous, Canadiens, avons tendance à être trop accommodants et que nous ouvrons nos portes pour que tout puisse entrer. Je suis président de l'American Concrete Pressure Pipe Association et également président de la Canadian Concrete Pipe & Precast Association.
    De l'American Concrete Pressure Pipe Association, je vais vous donner une petite idée des commentaires que j'ai reçus de mes homologues, qui sont présidents ou vice-présidents principaux de nos concurrents américains. Pour tout dire, ils se moquent de nous. Ils savent qu'ils peuvent venir ici ouvertement et que nous n'avons aucun espoir d'aller là-bas. Tel est mon combat.
    Le Canada doit faire preuve d'un peu plus de fermeté.
    Vous pouvez deviner un peu la frustration que cela me cause.
    M. Daniel Blaikie: Oui.
    M. Jim Tully: J'ai discuté avec les municipalités jusqu'à en perdre la voix. J'ai comparu devant de nombreux conseils pour leur dire: « Accordez-nous au moins l'équité. » C'est tout ce que nous demandons. Nous ne demandons pas de mesures protectionnistes. Nous leur demandons de réagir, et rapidement, quand des mesures sont mises en place pour restreindre nos échanges commerciaux.
    Simplement un traitement égal…
    C'est juste.
    … rien de plus.
    Merci beaucoup. Voilà qui termine cette série d'interventions.
    Y a-t-il d'autres questions?
    Monsieur Fast, c'est à vous.
    Merci.
    Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de poser quelques questions.
    Tout d'abord, j'aimerais apporter une clarification pour le compte rendu.
    M. Dhaliwal a laissé entendre qu'environ 125 milliards de dollars ont été investis pour l'infrastructure dans notre économie. En fait, selon le plus récent rapport du directeur parlementaire du budget, il s'agit de moins de 14 milliards de dollars. Ce rapport qui date de 2018 fait état de 14 milliards de dollars seulement d'investissements pour l'infrastructure dans notre économie. Je ne pense pas, bien honnêtement, que le chiffre soit beaucoup plus élevé depuis ce temps; nous aurions vu une stimulation économique beaucoup plus importante.
    J'ai une question pour vous, monsieur Tully. Merci de vous être déplacé.
    L'Accord de libre-échange nord-américain aurait pu être l'occasion de mettre fin aux tracas causés par la politique Achetez américain, source perpétuelle de problèmes et de heurts entre nos deux pays, les États-Unis restreignant les possibilités des entreprises canadiennes de participer à de grands projets d'infrastructure, alors que nous, Canadiens, n'imposons pas de mesures de ce genre aux entreprises américaines qui font des affaires ici. L'Accord de libre-échange nord-américain était l'occasion idéale de régler ce problème.
    Êtes-vous déçu que l'accord ne traite pas de ce problème?

  (1650)  

    Tout à fait. De plus, comme je l'ai déjà dit, il contient des échappatoires qui permettent de conclure de petits accords parallèles ou de s'entendre sur des changements à y apporter.
    La politique Achetez américain est vieille de plusieurs décennies, mais de ne pas en parler et de dire que le Mexique et le Canada sont exemptés de toutes ses dispositions, cela me semble... Je suis peut-être naïf, mais quand je me suis lancé dans ce domaine, je me suis dit: « Oh, le libre-échange, tout est ouvert. » Par la suite, commencent à apparaître ces petits accords parallèles et je me suis dit: « Eh bien, peut-être pas aussi ouvert qu'il ne paraît. » C'est un combat gigantesque. Si on avait pu s'entendre là-dessus, ou si seulement il était possible de le faire, ç'aurait été fantastique.
    Quand le premier ministre a ouvert tout grand les bras, disant à Donald Trump qu'il était heureux de renégocier l'ALENA, et qu'il nous a affirmé qu'il allait conclure un accord plus avantageux que celui qu'on avait déjà, je l'ai cru sur parole. Malheureusement, l'énoncé des incidences économiques qui vient d'être publié ne compare pas ce que le Canada obtiendra aux termes du nouvel accord avec ce que nous avions en vertu de l'ALENA existant. Ce document porte sur la différence entre ce que le Canada obtiendra en vertu du nouvel accord et ce que nous aurions si l'ALENA disparaissait, ce qui n'est pas du tout le critère de comparaison qui avait été établi pour la négociation du Partenariat transpacifique. Ce n'est pas ce critère qui avait été appliqué aux évaluations de l'impact économique du PTPGP. En fait, de tout le temps que j'étais ministre du Commerce, je ne crois pas que nous ayons une seule fois utilisé ce critère comme base de référence. Nous avons toujours comparé un nouvel accord à celui qui existait auparavant.
    Je trouve très décevant que cet accord, qui était censé être avantageux pour tout le monde — ce sont là les paroles du premier ministre —, soit en fait moins favorable au Canada, à quelque aune qu'on le mesure. Lorsque les fonctionnaires américains en parlent, ils disent avoir obtenu, au bout du compte, une bien meilleure entente, ce qui laisse supposer que le Canada est perdant. Nous avons raté une belle occasion d'éliminer les irritants de la politique Achetez américain, qui continuent d'envenimer nos relations bilatérales.
    J'ai une question pour M. Jacobi. Je vous remercie d'avoir attendu si patiemment.
    Brièvement, je vous prie.
    Vous avez parlé de la valeur de l'ALENA comme plateforme mondiale permettant au Canada d'accéder aux marchés mondiaux, surtout à la lumière de l'AECG et du PTPGP. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Bien sûr.
    Je vais peut-être commencer par un exemple, celui d'une entreprise américaine qui s'est réinstallée ici au début de 2019. Elle fabrique un tissu exclusif, antimicrobien et anti-inflammable, donc il ne brûle pas très facilement. Elle avait développé les fibres et elle les produisait aux États-Unis. Bien qu'il s'agisse d'une entreprise américaine, la plus grande partie de sa production était destinée à Europe. Du fait de certaines difficultés liées au commerce entre les États-Unis et l'Europe, beaucoup de ses contrats se trouvaient bloqués ou interrompus. Elle a appris qu'elle pouvait déménager sa production à Montréal et, une fois installée au Canada, bénéficier d'un meilleur accès au marché européen grâce à l'AECG.
    C'est ce que nous observons. Il s'agit d'un défi, bien sûr. J'aurais aimé trouver plus d'avantages dans l'ALENA. Sur ce point, je suis d'accord. Je suis fier de ce que les gouvernements précédents ont fait. Je suis également fier de ce qu'ils ont essayé de faire dans ce cas-ci parce que je pense que nous sommes dans une ère sans précédent pour ce qui est de la façon dont les États-Unis négocient sous l'impulsion présidentielle.
    Monsieur Jacobi, je suis désolée, mais je dois vous interrompre.
    Nous allons passer à M. Sheehan.
    C'est une excellente discussion. Nous avons parlé de politique américaine, de politique canadienne et d'autres comparaisons. Voilà 23 années que je suis en politique, la plus grande partie de ce temps au niveau municipal, et je comprends donc de quoi il retourne quand M. Tully ou mon ami de Niagara parlent de soumissions pour les marchés publics, de processus municipaux d'adjudication et tout le reste. Une chose qu'il importe de clarifier, c'est que la différence entre les systèmes américain et canadien tient en grande partie aux programmes d'achat local — j'appelle ainsi par commodité les programmes Achetez américain et d'achat au Canada —, la grande majorité des programmes d'infrastructure relevant en fait des gouvernements provinciaux et territoriaux là où ils existent.
    Dans notre système fédératif — j'ai aussi étudié en sciences politiques à l'Université du Michigan —, c'est passablement différent. Le gouvernement fédéral, par le truchement de nos programmes existants de financement des infrastructures, transfère des fonds aux provinces et aux territoires. Les provinces concluent ensuite des ententes avec les municipalités, etc., et la réalisation des travaux d'infrastructure se fait à l'échelon local.
    Si je suis au courant de tout cela, c'est que je viens de Sault Ste. Marie, où nous fabriquons beaucoup d'acier. Je suis toujours très intéressé de voir la quantité maximale d'acier dans le programme d'infrastructure. J'avais même présenté une motion d'initiative parlementaire à ce sujet et, ce faisant, j'en ai appris beaucoup plus. De fait, la grande majorité des programmes d'infrastructure sont du ressort des provinces ou des territoires. Nous devons donc travailler en étroite collaboration avec nos homologues de l'Ontario, de l'Alberta ou des Territoires du Nord-Ouest pour adopter ces dispositions en vue d'obtenir des avantages locaux. Il faudrait qu'il y ait une campagne Achetez Ontario pour les programmes d'infrastructure de l'Ontario. Je sais que le gouvernement libéral précédent avait proposé un tel programme, mais il a été annulé par l'actuel gouvernement Ford.
    Voilà l'une des questions dont nous sommes saisis. Il est important de tenir cette discussion, mais il y a une grande divergence entre nos gouvernements. Bien sûr, il y a encore des programmes fédéraux, y compris dans le domaine de la défense. Algoma Steel a en effet réussi à décrocher un contrat fédéral, un programme d'achat au Canada, si vous voulez. En matière de sécurité nationale, le ministre peut imposer certaines dispositions aux entreprises participant au processus contractuel. Celles-ci ne doivent pas influencer le processus ou favoriser Algoma Steel, Stelco ou telle entreprise d'ingénierie pour l'obtention du contrat, mais des dispositions spéciales peuvent, en vertu d'un avis au titre de la sécurité nationale, imposer un regroupement en faveur d'une entreprise canadienne.
    Algoma Steel a eu... non pas de la chance, mais du succès. La chance, c'est la rencontre de la planification et d'une circonstance opportune. Je me souviens d'avoir déjà entendu cela. Elle a réussi à obtenir le regroupement des constructions navales de la Marine royale canadienne prévues dans le programme actuel. Cela va créer des emplois. Cela signifie du travail pour beaucoup d'ingénieurs. Déjà, des ingénieurs canadiens travaillent d'arrache-pied à Sault Ste. Marie pour…

  (1655)  

    Ils pourraient venir de la Colombie-Britannique.
    Oui, les gens de la Colombie-Britannique peuvent aussi soumissionner.
    Je pense que c'est ce qu'il faut bien souligner. Nous ne voulons pas laisser cela sur la table. Si nous décidons d'aller de l'avant — et je vais poser la question à M. Tully —, il serait peut-être utile d'adresser une recommandation, par l'entremise de nos analystes, à notre greffière, invitant le Comité à recommander aux provinces et aux territoires de prévoir un programme d'achat en Ontario ou en Alberta en vue de bénéficier de ce financement de l'infrastructure sans précédent qui a été annoncé.
    Pensez-vous que ce serait une recommandation valable, monsieur Tully?
    Tout à fait. Ma réponse a deux volets. Vous avez dit qu'une bonne partie du financement provient des provinces et des territoires. La politique Achetez américain est liée au financement fédéral, qu'il passe par un État ou une municipalité. C'est la disposition dérogatoire qui a été introduite. Ce serait l'option d'achat au Canada.
    Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a aussi du financement qui provient de l'Ontario ou qui provient d'une municipalité pour certains projets. C'est la raison pour laquelle nous avons passé tant de temps — et j'en ai passé beaucoup — ces dernières années à faire des démarches auprès de la FCM et au niveau municipal.
    Pour revenir à ce que disait Daniel tout à l'heure, en tant que Canadiens, nous sommes trop accommodants. Nous le sommes. Nous nous retournons et nous disons que nous avons un accord de libre-échange et que nous ne devrions rien y changer. C'est pourquoi j'ai tant insisté sur la réciprocité. Ne le faites pas à moins qu'ils ne vous le fassent. Je suis d'accord, mais faites-le s'ils ne font rien.

  (1700)  

    Merci beaucoup, monsieur Sheehan.
    Je vous remercie tous, monsieur Tully et les autres. Vos témoignages ont été très instructifs. Nous vous savons gré d'avoir consacré temps et efforts pour nous faire part de vos réflexions aujourd'hui.
    Je vais suspendre la séance pour quelques minutes, le temps que l'autre groupe de témoins s'installe.
    Merci beaucoup à tous.
    Merci.
    La séance est suspendue.

  (1700)  


  (1705)  

    Nous reprenons nos travaux. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 6 février 2020, nous étudions le projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l'accord entre le Canada, les États-Unis d'Amérique et les États-Unis mexicains.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
    Nous accueillons Brian P. McGuire, président-directeur général d'Associated Equipment Distributors, qui témoignera par vidéoconférence depuis l'Illinois, et Greg Johnston, président de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens, également par vidéoconférence, depuis Toronto.
    Nous entendrons également Garry Neil, consultant en politiques culturelles chez Neil Craig Associates, et Angella MacEwen, économiste principale, Services nationaux, Syndicat canadien de la fonction publique.
    Nous allons commencer par M. McGuire, qui témoignera par vidéoconférence.
    Vous avez la parole, monsieur. Allez-y, je vous prie.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité et autres témoins, je vous souhaite le bonsoir.
    C'est pour moi un honneur de présenter au Comité, ce soir, des observations au nom de l'Associated Equipment Distributors, l'AED.
    Madame la présidente, je tiens également à souligner publiquement le travail que vous avez accompli au fil des ans dans le domaine de la construction et des infrastructures et, bien sûr, à vous remercier d'avoir accepté de prendre la parole devant les membres de notre association réunis à Ottawa au cours de la dernière législature. Votre leadership est hautement apprécié par nos membres des deux côtés de la frontière.
    L'AED est l'association commerciale internationale qui représente les entreprises qui vendent, louent, entretiennent et fabriquent de l'équipement utilisé dans les chantiers de construction, les mines, la foresterie, la production d'électricité, l'agriculture et les activités industrielles, équipement qui est essentiel à la construction et à l'entretien des infrastructures cruciales, notamment les routes, les ponts, les canalisations et les voies d'eau. De plus, nous fournissons de l'équipement essentiel aux secteurs des ressources naturelles et de l'agriculture partout au Canada.
    Nos sociétés membres sont implantées au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Au Canada, nos membres sont présents en plus de 420 endroits et emploient 27 000 hommes et femmes qui travaillent avec dévouement dans des carrières enrichissantes. En Amérique du Nord, chaque année, ces petites et moyennes entreprises familiales génèrent des revenus de plus de 60 milliards de dollars américains. Bien qu'elle soit basée aux États-Unis, l'AED est une association commerciale vraiment internationale. Je signale que le conseil d'administration de l'AED aura pour président, en 2021, un dirigeant d'entreprise canadienne.
    L'AED a été, tant au Canada qu'aux États-Unis, l'un des grands promoteurs de la modernisation de l'accord commercial trilatéral nord-américain. En tant qu'organisation favorable au libre-échange, nous avons fait de la ratification de l'accord une priorité stratégique à Washington. À cette fin, l'AED a travaillé en étroite collaboration, et de façon bipartisane, avec les leaders du Congrès, et j'ai eu l'honneur d'être présent le mois dernier à la Maison-Blanche pour la signature de l'accord.
    Je tiens à féliciter toutes les parties pour les efforts qu'elles ont déployés en vue de conclure un accord commercial trilatéral qui continuera d'harmoniser les intérêts du Canada, des États-Unis et du Mexique. Toutefois, il est maintenant temps que le Canada se joigne à ses partenaires américain et mexicain pour ratifier l'Accord Canada-États-Unis-Mexique en adoptant sans tarder la loi habilitante à la Chambre des communes, puis au Sénat du Canada, afin de procurer au secteur canadien de l'équipement la certitude commerciale dont il a grand besoin.
    Le secteur canadien de l'équipement, qui est tributaire du commerce transfrontalier entre les États-Unis et le Mexique, est particulièrement vulnérable à l'incertitude économique du fait de la quantité de biens et d'objets de commerce essentiels qui, jour après jour, traversent la frontière sud du Canada. Cela rend une prompte approbation essentielle à la prospérité de notre industrie. La livraison efficace d'équipement lourd, de pièces de machinerie et de services contribue à maintenir les coûts à un bas niveau pour nos clients — agriculteurs, constructeurs de routes, entrepreneurs —, ainsi que pour les gouvernements provinciaux et locaux partout au pays. La hausse des coûts se traduit par la réduction des sommes à investir dans les entreprises, dans les salaires des employés et dans la création d'emplois. Les retards dans la livraison des produits créent des inefficacités et retardent les grands projets d'infrastructure qui sont avantageux pour les citoyens canadiens et pour le commerce.
    La ratification de l'ACEUM serait une victoire pour tous les Canadiens, et sa prompte ratification est essentielle à la prospérité du secteur de l'équipement. L'AED est d'avis que l'ACEUM établit un juste équilibre entre la protection des intérêts du Canada et la libre circulation des biens et des objets de commerce en Amérique du Nord.
    Nous avons exhorté Ottawa et Washington à mener les négociations de bon train et n'avons pas manqué de faire valoir les avantages, pour les deux pays, de conclure rapidement un accord afin de susciter la confiance des entreprises, qui est un moteur clé des nouveaux investissements dans les secteurs de la construction, de l'énergie et de l'agriculture. Nous avons fait tous les efforts possibles pour que le Canada et les États-Unis soient au courant des difficultés qui découleraient d'une mauvaise entente ou d'un long processus.
    Si je comparais devant vous aujourd'hui, c'est pour vous faire sentir l'urgence de la situation et pour insister sur le besoin que nous avons d'une solution rapide. Le Mexique et les États-Unis ont ratifié cet accord et sont prêts à aller de l'avant. L'AED demande aux parlementaires canadiens de ratifier l'accord dans les meilleurs délais.
    Si des modifications sont proposées, l'accord devra être rouvert. Les entreprises des secteurs des ressources naturelles, de la construction et de l'agriculture se trouveront aux prises avec des retards.
    Les intervenants de toutes les industries ont largement appuyé les concessions faites par le Canada et par les États-Unis pour en arriver à cet accord. Il est temps d'aller de l'avant.

  (1710)  

    En terminant, je tiens à féliciter l'équipe de négociation du Canada pour les efforts de collaboration qu'elle a déployés auprès de ses homologues des États-Unis et du Mexique. Je tiens également à remercier les membres du Comité, sans égard à leur appartenance, qui s'emploient à faire en sorte que l'accord puisse faire l'objet d'un examen approfondi, tout en veillant à ce que sa mise en vigueur ne soit pas retardée. En modernisant et en renforçant les liens commerciaux entre les trois pays, l'ACEUM aidera à rétablir la prévisibilité et la certitude commerciale sur les marchés nord-américains de l'équipement, créant ainsi un environnement favorable à l'investissement, à la création d'emplois bien rémunérés et à une croissance soutenue.
    Je remercie le Comité de son attention.
    Merci beaucoup, monsieur McGuire.
    Nous passons maintenant à M. Johnston, de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens.
    Allez-y, monsieur.
    Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du Comité. Je m'excuse de n'avoir pas pu comparaître en personne aujourd'hui, mais Dame Nature nous avait, à l'évidence, préparé une surprise. C'est pour moi un privilège de prendre la parole devant vous et, comme toujours, je félicite le Comité d'avoir accueilli directement les créateurs.
    Aujourd'hui, mes propos porteront essentiellement sur la prolongation de la durée du droit d'auteur et sur les avantages qu'une ratification immédiate et sans complications aurait pour les créateurs.
    Il importe de signaler que la prolongation de la durée du droit d'auteur est largement soutenue par la communauté créative au Canada français et au Canada anglais, en Amérique du Nord par Music Creators North America et mondialement par le CIAM, le Conseil International des Créateurs de Musique, dont le siège est à Paris, qui représente quelque 500 000 créateurs de musique professionnels dans le monde. En dehors de la communauté des créateurs proprement dite, la ratification est appuyée par les collectifs canadiens SOCAN et CMRRA, ainsi que par nos partenaires éditeurs Music Publishers Canada, au Canada anglais, et l'Association des professionnels de l'édition musicale, au Québec. C'est important en soi, et j'exhorte le Comité à garder cette unanimité présente à l'esprit tout au long de ses délibérations.
    Quelle est l'importance du droit d'auteur? Le droit d'auteur n'est pas une abstraction pour nous. Il ne s'agit pas simplement du fruit des réflexions de professeurs de droit. Il ne s'agit pas non plus d'un moyen pour plumer les consommateurs. Le droit d'auteur est tout simplement notre monnaie, notre gagne-pain, notre capacité de nourrir nos familles et de payer nos impôts. C'est notre survie.
    Quelle est la situation réelle des créateurs? Permettez-moi de m'exprimer sans détour: les créateurs canadiens sont menacés. Les perturbations numériques, les exonérations de responsabilité et les exemptions exagérées ont toutes contribué à créer un environnement que l'on ne peut qualifier que de précaire. Dans un marché de plus en plus mondialisé, la domination des entreprises américaines de diffusion en continu exacerbe le problème en raison du manque de visibilité canadienne et de l'absence d'investissement dans la création de contenu national. Outre la directive de l'Union européenne sur le droit d'auteur, le rapport Yale publié récemment par le gouvernement propose des solutions essentielles à la viabilité des créateurs et un retour indispensable à un marché numérique plus équilibré, un marché qui soit viable pour les créateurs au Canada et à l'échelle mondiale.
    Pourquoi prolonger la durée du droit d'auteur? La prolongation de la durée n'est que l'un des nombreux problèmes auxquels sont confrontés les créateurs, mais il est d'importance vitale. Plus de 60 pays, dont la France et l'Union européenne, les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni, ont adopté la règle de « la vie plus 70 ». L'harmonisation avec nos partenaires commerciaux dissipe la confusion sur les marchés, favorise l'investissement international et apporte un leadership crucial en matière de protection de la PI. De nombreux créateurs peinent à atteindre une stabilité financière à long terme. Les REER et bien d'autres instruments financiers ne sont tout simplement pas à la portée de certains membres de notre communauté. La prolongation de la durée augmente la valeur des droits d'auteur, car leur valeur est souvent calculée en fonction de la durée future de la monétisation d'un catalogue, ce qui améliore notre capacité de léguer des ressources financières de quelque importance à nos héritiers. On n'a qu'à songer à la mort tragique et prématurée de Stan Rogers, qui a laissé derrière lui une veuve dans la vingtaine et un petit enfant, pour comprendre les conséquences profondément humaines et morales que la prolongation de la durée peut avoir sur notre communauté musicale.
    Qu'en est-il de partenaires du secteur de l'édition? Pour de nombreux créateurs canadiens, les éditeurs de musique offrent des partenariats importants et des sources d'investissement dans les carrières. La prolongation de la durée augmente la période de monétisation pour les éditeurs. Cette prévisibilité financière à long terme constituera pour nos partenaires un soutien crucial à l'investissement dans la carrière des créateurs. Le Comité a entendu des arguments selon lesquels la prolongation de la durée n'est avantageuse que pour les éditeurs. C'est une grave distorsion. Il faut se rappeler que chaque dollar gagné par un éditeur est directement lié à l'œuvre d'un créateur. Dans la plupart des cas, nous, les créateurs de musique, recevons entre 50 et 75 % des recettes provenant de l'utilisation de nos œuvres. Les créateurs de musique canadiens qui sont indépendants et qui publient à compte d'auteur toucheront dans bien des cas 100 % des recettes. Omettre l'apport du créateur dans l'équation, c'est déshumaniser le processus, nous exclure de la discussion et minimiser notre contribution déjà sous-estimée à la chaîne de valeur.

  (1715)  

    Je vais maintenant parler du fardeau de l'enregistrement. Grâce à nos sociétés de perception des droits, nos œuvres sont déjà enregistrées avec précision et sûreté. L'ajout d'un autre niveau de bureaucratie est non seulement inefficace et superflu, mais il est aussi onéreux, voire prohibitif, pour nos héritiers et nos partenaires éditeurs. Les niveaux supplémentaires d'enregistrement ne peuvent que mener à la confusion, à la redondance et à la possibilité d'abus.
    En conclusion, la protection progressiste de la PI est la pierre angulaire de l'innovation et de la créativité. Une loi sur le droit d'auteur bien pensée et équitable favorise des écosystèmes stables, durables et démocratiques pour les créateurs. À l'heure actuelle, les créateurs canadiens sont mieux traités dans beaucoup d'autres pays que dans le leur. Les pays ayant adopté la règle de « la vie plus 70 » favorisent la création de communautés culturelles dynamiques qui profitent tant aux consommateurs qu'aux créateurs, sans les conséquences néfastes graves et hyperboliques que certains prédisent à tort. J'exhorte le Comité à reconnaître les avantages économiques, culturels et moraux qu'une ratification sans complications apporterait à notre communauté et aux innombrables personnes qui jouissent de nos œuvres et qui s'en inspirent.
    Je tiens à vous remercier, madame la présidente, ainsi que les membres du Comité, de m'avoir donné l'occasion de parler directement des préoccupations des créateurs. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci de votre attention.

  (1720)  

    Merci beaucoup, monsieur Johnston.
    Nous passons maintenant à Angella MacEwen, économiste principale, Services nationaux du Syndicat canadien de la fonction publique. Bienvenue au Comité.
    Je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole au nom du Syndicat canadien de la fonction publique, le SCFP, qui est le plus grand syndicat au Canada, puisqu'il représente plus de 700 000 travailleurs dans l’ensemble du pays et environ 2 000 syndicats locaux différents qui œuvrent dans divers secteurs du public et du privé.
    Le SCFP se réjouit des améliorations apportées à l’ALENA mis à jour, mais il croit qu’il subsiste des lacunes qui constituent autant d'obstacles à l’efficacité de la lutte contre les changements climatiques, par exemple, et à la protection des services publics. Il n'est pas d'avis non plus qu'il y ait suffisamment d’information sur les dispositions régissant la coopération en matière de réglementation.
    À notre avis, l’accord n'est pas progressiste. On pourrait plutôt le considérer comme une amélioration modérée apportée à un modèle dépassé et inefficace de traité sur le commerce et l’investissement.
    Nous nous félicitons des changements apportés au chapitre consacré à la propriété intellectuelle que les démocrates de la Chambre aux États-Unis ont pu négocier en décembre. Ils nous éviteront les augmentations prévues du coût des médicaments. Selon le texte initial, nous aurions été tenus de prolonger les périodes de protection des données sur les médicaments biologiques de 8 à 10 ans. Ces périodes plus longues repoussent la mise en marché des versions génériques moins coûteuses de médicaments biologiques. Ce sera utile lorsque nous mettrons en place un programme national universel d’assurance-médicaments, car il sera d'autant plus abordable. Ce même chapitre permet également une réglementation canadienne de la perpétuation des brevets, une pratique par laquelle les pharmaceutiques apportaient des changements mineurs et sans importance médicale aux médicaments pour obtenir un nouveau brevet. La version précédente ne permettait pas d'interdire ce moyen de gonfler le prix des médicaments sans que les patients en tirent quelque avantage, mais nous serons maintenant en mesure de réglementer cette pratique. Nous sommes très heureux de ces modifications, car il nous semble vraiment important de nous doter d'un programme national d’assurance-médicaments.
    Les droits des travailleurs ont été renforcés grâce au nouveau mécanisme d’intervention rapide entre le Canada et le Mexique. Vous ne l'ignorez pas, si, dans un lieu de travail donné, on soupçonne des violations de la liberté d’association ou des droits à la négociation collective, qui sont des droits constitutionnels au Canada, un groupe indépendant d’experts peut faire enquête. L’une des lacunes de ce mécanisme, c’est qu’il limite les types de travail visés. Sont exclues l'agriculture, l'exploitation forestière et la pêche, où beaucoup de violations des droits des travailleurs migrants seraient commises. Ce mécanisme de réponse rapide exclut essentiellement les travailleurs migrants, même si les droits de ceux-ci figurent dans l'ensemble du chapitre qui porte sur les droits des travailleurs.
    Nous sommes réconfortés du fait que la charge de la preuve pour les infractions en matière de travail et d’environnement a changé; toutes les infractions sont maintenant présumées avoir une incidence sur le commerce et l’investissement, à moins de preuve à l'effet contraire. Ce qui avait été montré dans l'expérience américaine, c’est que cette petite disposition exigeait qu'on prouve l'existence d'un lien avec des violations commerciales. Il était donc à peu près impossible d’assumer la charge de la preuve. Son élimination donne la possibilité d’appliquer le chapitre sur le travail. Il faudra voir comment les choses se passeront, mais c’est certainement encourageant. Il s’agit d’une amélioration importante par rapport à l’accord initial sur la main-d’oeuvre de l’ALENA. Dans un libellé clair, chaque pays s'engage à mettre en œuvre des politiques qui protègent les travailleurs contre la discrimination salariale et en matière d'emploi fondée sur le sexe, notamment en ce qui concerne la grossesse, le harcèlement sexuel, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les responsabilités en matière de soins, ce qui est vraiment important. Cette approche intègre une optique sexospécifique au chapitre sur le travail.
    Nous trouvons encourageant que le chapitre sur l’environnement reconnaisse maintenant les obligations que les pays peuvent avoir en vertu de certains traités internationaux sur l’environnement. Il arrive souvent, pensons-nous, que nous signions des traités internationaux sans être contraints de les respecter; ils ne sont pas aussi contraignants qu’un traité commercial et, par conséquent, le traité commercial l’emporte toujours sur le traité en matière d'environnement. Si nos traités commerciaux soulignaient l’importance des traités sur l'environnement ou sur le travail que nous avons signés, cela aiderait à préserver l'équilibre. Que l’Accord de Paris sur le climat ne fasse pas partie des traités reconnus constitue un problème. Cela signifie que l’ALENA continue de faire abstraction de la menace des changements climatiques et limite les réponses des gouvernements à la crise.
    Nous savons que le Canada doit réagir rapidement à la crise climatique et qu'une transition équitable et rapide de l’économie ne se fera pas sans des services publics élargis, une propriété publique plus étendue et la revitalisation des secteurs sans but lucratif. Il y aurait aussi des avantages à ce que l'État joue un rôle beaucoup plus important dans la réglementation de l’économie et propose une orientation de l'économie au moyen de stratégies industrielles vertes. L’Ontario, par exemple, a fait des efforts en ce sens, mais elle s'est heurtée à des restrictions imposées par les accords commerciaux en matière de marchés publics.

  (1725)  

     Nous sommes convaincus que, pour qu’une nouvelle génération, en commerce, puisse opérer une transition rapide, il faut examiner les obstacles que dressent les accords commerciaux.
    Le chapitre sur la coopération en matière de réglementation consacre l’approche actuelle du Canada de la réglementation. Il donne aux intérêts industriels multinationaux plusieurs points d’entrée dans son régime de réglementation. L’une des questions clés est l’accent mis sur la réglementation fondée sur des preuves scientifiques. Cela semble louable, mais le recours au principe de précaution s'en trouve limité. L’Europe utilise ce principe pour imposer sa réglementation en matière de santé et de sécurité. Imaginez: on peut montrer pourquoi tel produit risque de causer du tort, mais on ne peut le réglementer tant qu'il n'a pas été mis sur le marché et n'a pas causé un préjudice. Il y a là un problème.
    Globalement, selon nous, il faudrait considérer notre approche en matière de commerce et d’investissement comme un moyen d’améliorer notre bien-être financier et social, et non comme une fin en soi. À l'avenir, les propositions d'un programme commercial progressiste devraient être jugées en fonction de principes comme les droits de la personne — y compris les droits sociaux, les droits culturels et environnementaux —, et les droits des personnes et leurs droits environnementaux devraient avoir préséance sur ceux des entreprises et des investisseurs. Il faut imposer des obligations juridiquement contraignantes aux sociétés transnationales. Ces traités ne devraient pas porter uniquement sur les droits des sociétés transnationales; ils devraient aussi les astreindre à leurs responsabilités.
    Les gouvernements démocratiques doivent maintenir leur espace politique pour poursuivre et prioriser leurs actions dans l’intérêt public. On nous dit souvent que cela est possible, mais encore et encore, nous nous heurtons à des gouvernements qui se disent incapables de faire telle ou telle chose parce qu’ils ont signé un accord commercial qui leur impose des contraintes. Lorsque c’est le cas, il y a conflit. Une approche respectueuse du climat devrait être adoptée dans toute initiative qui touche le commerce et les investissements. C’est désormais absolument incontestable.
    Nous sommes également déçus qu’il n’y ait pas de consultations publiques complètes et transparentes avant que le gouvernement fédéral ne ratifie l’accord. Nous recommandons que, à l’avenir, les délibérations du Comité soient éclairées par une analyse indépendante des répercussions de l’accord sur notre économie. L’analyse devrait tenir compte des critiques du modèle informatique d'équilibre général (modèle IEG) actuel pour l’évaluation économique et, comme l'ont souligné les témoins précédents, examiner le point de comparaison. La comparaison se fait-elle avec la situation qui existerait sans l'ALENA ou avec celle qui existait antérieurement?
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame MacEwen.
    Nous allons maintenant entendre M. Neil, de Neil Craig Associates.
     Merci beaucoup, madame la présidente. Et merci aux membres du Comité.
    C’est au moins la quatrième fois que j’ai le plaisir de comparaître devant le Comité. Je l'ai déjà fait en avril 1999, en décembre 2002 et en mai 2018. Je pense avoir aussi comparu quelques fois dans les années 1990, mais je n'en ai pas retrouvé de trace. Chaque fois, je suis venu ici pour parler de l’exemption culturelle, de l’exception culturelle, pour expliquer pourquoi il est essentiel de préserver la souveraineté qui permet au Canada de mettre en œuvre les politiques d'intérêt public nécessaires pour appuyer les artistes canadiens; les producteurs de films, d’émissions de télévision et de disques; les éditeurs de livres et de revues; les musiciens; les acteurs; les artistes visuels; et d’autres qui sont si essentiels à l’édification de notre pays.
    Je tiens à souligner que chaque parti politique représenté ici aujourd’hui a joué un rôle important en veillant à ce que nos politiques culturelles soient plus ou moins soustraites à nos obligations commerciales internationales. L’exemption initiale de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis a été négociée par le gouvernement conservateur de Brian Mulroney. J’ai siégé au Groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur (GCSCE) des arts et de la culture lorsque John Crosbie était ministre du Commerce et que l’accord de libre-échange, l'ALE, est devenu l’ALENA.
    Les gouvernements libéraux qui se sont succédé ont maintenu l’exemption et appuyé le rôle de premier plan joué par le Canada dans la négociation de la Convention de 2005 de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l’UNESCO, sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
    Le Québec a joué un rôle crucial dans la négociation de la Convention de l’UNESCO, et le Bloc québécois a été un ardent défenseur de l’exception culturelle. Le NPD est un vigoureux défenseur des arts et de la culture au Canada, ainsi que de l’exemption culturelle. Je tiens également à souligner la présence parmi nous de l’honorable Ed Fast, qui était ministre du Commerce lorsque l’Accord de libre-échange Canada-Corée a été négocié, et cet accord prévoit une exemption culturelle.
    J'ai trois messages principaux à communiquer aujourd'hui au Comité. Premièrement, il devrait appuyer la ratification la plus rapide possible de l'ACEUM, dont l'exemption culturelle est beaucoup plus forte que celle de l’ALENA original. Compte tenu de la faiblesse des dispositions culturelles de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), il est essentiel que le Canada bénéficie d’une exemption dans son accord commercial le plus contemporain.
    Deuxièmement, le Comité doit comprendre les limites de l’exemption culturelle de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, l'ACEUM. Elle n'est pas parfaite. Sa définition est désuète et fait problème. Et l'exemption s’accompagne de l'obligation de modifier des politiques. Elle comporte aussi d’autres limites.
    Troisièmement, le Comité doit examiner le lien entre l'ACEUM et d’autres accords commerciaux, d'autant plus que nous continuons de traiter de questions culturelles avec notre puissant voisin du Sud.
    Pourquoi est-il important de ratifier l'ACEUM? Plus d'un s'en étonnera, mais la réalité, c'est qu’il n’y a pas d’exemption culturelle dans l'ALENA original. Celui-ci incorpore plutôt par renvoi les dispositions culturelles de l’ALE entre le Canada et les États-Unis. Comme ce dernier était un accord venant d'en bas, il avait une portée étroite. L’ALENA est un accord venant d'en haut, c’est-à-dire qu’il vise tous les secteurs économiques, y compris ceux qui se développeront à l’avenir.
    On peut donc soutenir que l’exemption culturelle ne portait que sur le nombre limité de secteurs économiques visés dans cet accord bilatéral, ce qui met en péril des politiques plus contemporaines liées, par exemple, aux services en ligne, sur demande, comme Netflix. Ce problème important est réglé dans l'ACEUM, et je félicite Steve Verheul et son équipe de l’avoir compris, car l’exemption culturelle est directe et complète. Les mesures adoptées ou maintenues par le Canada à l’égard d’une industrie culturelle sont exemptées. Cela comprend le chapitre sur le commerce numérique.
    Certes, il est important de ratifier l'ACEUM, mais je vous prie de le faire en comprenant bien les limites de son exemption culturelle. Dans tous les accords commerciaux importants que nous avons conclus depuis 1987, nous avons fait la même chose. En théorie, nous avons une exemption culturelle. En pratique, nous sacrifions certaines politiques culturelles et nous limitons notre capacité de mettre en œuvre de nouvelles politiques. C’est le cas dans l'ACEUM.
    La définition de la notion d'« industries culturelles » est identique à celle de l’ALENA original. Il s’agit d’une définition de 1987 qui ne s'étend pas aux arts visuels, aux arts de la scène et à l’artisanat. Vous êtes trop jeunes, la plupart d’entre vous, pour même savoir ce que signifie l'expression désuète « forme exploitable par machine », mais vous la trouverez dans la définition. Il est peu probable qu’une telle définition soutienne les politiques et les programmes dont les Canadiens auront besoin pour un médium différent que des artistes pourraient utiliser plus tard pour créer leurs œuvres.

  (1730)  

     La disposition de dérogation est maintenue. Il s’agit d’une disposition autorisant des mesures de rétorsion d’effet commercial équivalent contre toute mesure de soutien aux industries culturelles que le Canada devrait mettre en œuvre à l’avenir.
    Il y a une nouvelle disposition sur le règlement des différends. Bien qu’il soit bon que le Canada puisse maintenant contester une mesure de rétorsion, les pouvoirs de l’arbitre comprennent celui de déterminer si la mesure du Canada relève bien de l’exemption culturelle au départ.
    Le libellé incroyablement alambiqué et obscur de l’article 32.6.3 semble permettre aux États-Unis de prendre des mesures de rétorsion contre les entreprises de l’industrie culturelle canadienne dans des proportions supérieures à la norme de l’effet commercial équivalent.
    L'ACEUM contient un certain nombre de changements qui portent expressément sur la politique de radiodiffusion. Il y notamment l’obligation d’annuler la décision du CRTC sur la substitution simultanée des messages pendant le Super Bowl. J’aimerais beaucoup que quelqu’un m'interroge à ce sujet, car je pourrais vous raconter l’histoire secrète de cette décision du CRTC. Soit dit en passant, c’est une bonne décision. Elle permet l’élargissement des droits des stations frontalières américaines en vertu de nos règles de retransmission, et elle garantit que les services d'achat à domicile aux États-Unis seront pris en charge par des distributeurs canadiens de télévision par câble, par satellite et par protocole Internet.
    L'ACEUM exige également que le Canada apporte des modifications à la Loi sur le droit d’auteur, comme vous l’avez déjà appris. Certaines sont très positives, comme mon collègue Greg Johnston l’a souligné au sujet de l’augmentation de la durée de la protection du droit d’auteur, mais d’autres sont un peu plus problématiques. Par exemple, bien que les modifications concernant les mesures techniques de protection et l’information sur la gestion des droits soient mineures, les règles détaillées concernant les recours civils et pénaux pour l’altération des serrures numériques et des filigranes risquent d’exercer des pressions sur le système canadien pour qu’il mette en place des sanctions plus sévères.
    L’accord nous permet également de maintenir notre régime d’avis et avis de responsabilité, lorsqu’un fournisseur de services Internet est informé d’une violation du droit d’auteur, mais il établit le régime d’avis et de retrait des États-Unis comme la norme. Cela aussi limitera la capacité du Canada de faire évoluer ses propres lois.
    Enfin — et j’exhorte mon collègue, M. Johnston, à s'intéresser à cette question —, une nouvelle disposition de l’accord exige le traitement national, l'obligation du traitement national pour toutes les mesures relatives au droit d’auteur. Cela annulera notre capacité actuelle de distribuer des redevances uniquement aux Canadiens, à moins qu’il n'y ait un droit réciproque dans le pays partenaire, et cela fera diminuer les paiements aux artistes canadiens. Même s’il ne s’agit pas d’une somme énorme, cela fera diminuer certains paiements.
    Compte tenu de toutes ces difficultés et de tous ces défis liés à l'ACEUM, pourquoi recommander une ratification urgente tout de même? À cause, tout simplement, du PTPGP. Pour dire les choses carrément, cet accord commercial est de loin le pire pour la culture que le Canada ait jamais négocié. Bien entendu, le PTPGP a été au départ le Partenariat transpacifique, dont la plupart des termes ont été repris par renvoi dans le PTPGP.
    Le Partenariat transpacifique, le PTP, réserve à la culture un traitement atroce. Il n’y a pas d’exemption culturelle, et la disposition du préambule qui reconnaît l’importance de la diversité culturelle est tout simplement inexacte. Le préambule dit « que le commerce et l’investissement peuvent multiplier les occasions d’enrichir l’identité et la diversité culturelles au pays et à l’étranger ». Je vous dis que, sans réglementation, le commerce et les investissements internationaux favorisent l’homogénéisation et non la diversité culturelle.
     Le Canada a timidement tenté de protéger un espace qui lui permettra d’élaborer des politiques culturelles en formulant une réserve à l’égard des engagements pris dans un certain nombre de chapitres du PTP, mais il est essentiel de comprendre qu’une réserve n’est pas une exemption. Elle est à sens unique. Elle n’est pas mutuelle, et en droit commercial international, cela est assujetti aux principes de statu quo et de réduction. Si vous modifiez une politique réservée dans un accord, vous ne pouvez pas la renforcer, seulement l’affaiblir, et toutes les parties présument que la réserve finira par être éliminée.

  (1735)  

    Pourriez-vous conclure, monsieur Neil?
    D’accord.
    Si je parle du PTPGP comme d’un enjeu important, c’est qu’il est lié à l'ACEUM. Nous savons tous qu’il est inévitable que les États-Unis cherchent à réintégrer le PTPGP, et il y a un autre principe en droit commercial international que le Canada doit appliquer contre ce qui sera une pression énorme de la part de nos alliés. Il dit que le dernier accord conclu par deux parties sur un sujet donné l’emporte lorsqu’il y a des règles contradictoires, parce qu'il s'agit de leur interprétation la plus contemporaine des questions en cause.
    En ce qui concerne les questions culturelles canadiennes...
     Monsieur Neil, je dois vous interrompre.
    Encore une phrase.
    Allez-y.
    En ce qui concerne la culture canadienne, ce serait le PTPGP, si nous ne ratifions pas l'ACEUM. Si nous ratifions rapidement l'ACEUM, les dispositions de cet accord sur la culture, qui sont beaucoup plus strictes, l'emporteront.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Neil. Je suis sûre qu’il y aura beaucoup de questions.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence.
    Je m'adresserai pour commencer à M. McGuire. Tout d’abord, je tiens à vous remercier, monsieur, de tout le travail que vous avez accompli et du soutien que vous avez apporté pour que cet accord se concrétise. Les membres du Comité se sont rendus aux États-Unis à quelques reprises, et il était vraiment agréable de voir que le milieu des affaires américain appuyait la conclusion d’un accord.
    En quelques mots, vous avez laissé entendre que nous retardions la ratification de l'accord. Je tiens à rectifier les faits. Selon des rumeurs qui ont eu cours à Washington, les conservateurs essaieraient de ralentir le processus. Si vous parlez à vos amis là-bas, sachez que les conservateurs ont laissé le projet de loi franchir la dernière étape à la Chambre en six jours de séance. Il en a fallu 16 pour la loi de mise en œuvre originale que nous avons proposée, le projet de loi C-100. Les conservateurs ont proposé de faire une étude préliminaire au printemps, mais le gouvernement libéral a refusé d'agir avant les élections. Nous avons également offert de revenir au début de décembre pour nous occuper de la question, et le gouvernement libéral a également rejeté cette offre. Je tiens à ce que ce soit clair. Le projet de loi finira par être adopté, mais, de notre côté, personne ne cherche à en ralentir l'étude.
    Que pensez-vous de la clause d’achat aux États-Unis? L'ancien premier ministre, M. Harper, a réussi à obtenir une exemption pour le Canada. D’après ce que je comprends, ce texte accorde une exemption au Mexique, mais pas au Canada.
     Qu’en pensez-vous? Qu’en pensent vos membres, étant donné que bon nombre de ceux qui achètent votre équipement construisent des infrastructures et soumissionnent pour des travaux d’infrastructure? Avez-vous quelque chose à dire de cette clause d’achat aux États-Unis? Nous avons eu l’occasion d'en négocier l'exclusion puisque, normalement, c’est censé être un accord de libre-échange. Mais malheureusement, nous n’avons pas réussi.

  (1740)  

    Je vous remercie de me donner l’occasion d'intervenir.
    AED s’est toujours opposée aux dispositions de cette nature, qu’elles soient proposées au Congrès américain ou dans le cadre d’accords commerciaux. Notre position à leur égard, c’est que nous ne les avons jamais appuyées, et nous continuons de nous y opposer. Comme vous pouvez l’imaginer, la plupart de nos équipements sont fabriqués de pièces qui proviennent de sources multiples, de sorte que ces dispositions ne favorisent pas de bonnes pratiques commerciales dans le secteur de l’équipement.
    Cela a été extrêmement décevant pour bon nombre de nos intervenants.
    Dans le groupe de témoins précédent, juste avant vous, nous avons entendu quelqu'un qui est actif dans la construction d’infrastructures. Il craint fort d'éprouver des problèmes, puisque le gouvernement n’a pas réussi à faire retirer ces dispositions de l'accord.
    Merci de votre intervention. Il est bon de voir que, des deux côtés de la frontière, l'attitude est similaire. Nous pouvons peut-être faire quelque chose pour faire avancer notre cause.
    Monsieur Neil, je m'adresse à vous. Tout d’abord, merci d’être parmi nous.
    Nous avons entendu un autre témoin, que vous devez connaître. Il s'agit de Michael Geist, un expert de premier plan dans le monde. Il a travaillé non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il a également signalé les problèmes que l'ACEUM présente. Il a eu une réflexion que je dirais plus grave. Selon lui, nous avons bien cette exemption culturelle, mais elle est assortie d'un certain coût, puisque nous nous exposons à des mesures tarifaires de rétorsion. Sauf erreur, il a cité l’article 32.6.4 de l'ACEUM, dont vous avez aussi parlé dans votre déclaration liminaire. La formulation de l’article 32.6.3 présente aussi des problèmes. Il y a fort à craindre que l'éventail de nos choix de politique ne soit limité au fur et à mesure de l'évolution qui transformera le domaine numérique.
    Qu'en pensez-vous? Vous voulez que cet accord soit ratifié, j'en suis conscient, et je comprends pourquoi. De ce côté-ci, nous n’allons certainement rien faire pour ralentir les choses, mais nous voulons faire preuve de diligence raisonnable.
    À votre avis, monsieur, y a-t-il une solution à cet échec flagrant de l'accord? Il y a un problème à s'exposer à ces droits tarifaires ou à accepter que soient limitées nos options de politique dans le domaine numérique, qui évolue très rapidement. Avez-vous un... [Difficultés techniques]?
     Merci.
    C’est intéressant, car je connais très bien Michael Geist. Lui et moi nous sommes opposés sur bien des sujets, mais je ne suis pas vraiment en désaccord avec lui sur ce point-ci.
    Vous devez vous interroger sur la gravité de la menace que représente toute disposition permettant des représailles. L’ALENA comportait une disposition de cette nature. Il n’y a eu qu’un seul cas dans notre histoire où les États-Unis ont seulement menacé de prendre des mesures de rétorsion. Ils n’ont pas exercé de représailles, mais la menace a été brandie. C’est le seul cas.
    Oui, s'il y a toujours des risques de représailles, cela m’inquiète. Nous avons tous raison de nous en inquiéter. Je me serais senti beaucoup mieux si cette disposition avait été retirée de l’accord, mais elle ne l'a pas été. À tout prendre, si nous avons l'avantage de l’exemption culturelle d'une part et, de l'autre, un risque théorique de représailles supplémentaires, dont nous n'avons jamais souffert par le passé, il vaut la peine de s'engager dans cette voie.
    Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les limites que nous avons déjà acceptées et imposées. Nous réduisons en quelque sorte la portée de notre politique culturelle dans le cadre de chacun de ces accords commerciaux.
    Merci beaucoup, monsieur Neil.
    Je suis désolé, monsieur Carrie, mais votre temps de parole est écoulé.
    À vous, monsieur Sarai.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à vous remercier tous, bien sûr. Vous venez tous d’horizons différents, et vous avez analysé l'accord.
    Ma première question s’adresse à Mme MacEwen. Vous êtes très bien informée. Vous avez fait dans l'intérêt de vos membres une vaste analyse en fort peu de temps.
    Selon vous, l'accord sert les droits des travailleurs mieux que tout ce que nous avons connu par le passé. Vous avez affirmé que les dispositions sur les médicaments biologiques sont bien meilleures, ce qui facilitera la mise en œuvre d'un futur régime d’assurance-médicaments. Il y a d’autres avantages, je crois. Je ne peux pas vous citer avec exactitude, mais, pour ce qui est de l’assurance-médicaments, l'accord sera favorable, d’après ce que vous avez dit.
    Vous, votre syndicat ou d’autres syndicats comme le vôtre, avez-vous été consultés de façon aussi détaillée au sujet d’autres accords commerciaux ou est-ce une première? Cela se fait-il depuis un certain temps?

  (1745)  

    Avant d’être l'économiste du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), j’exerçais les mêmes fonctions au Congrès du travail du Canada. J’ai certainement participé à des consultations sur des accords commerciaux antérieurs sous le gouvernement de Stephen Harper. Ces consultations se faisaient dans un sens seulement. Des webinaires, par exemple. Si nous posions des questions, il n'en était pas tenu compte.
    Il est certain que pendant le processus de l’ALENA, nous avons pu nous présenter à des négociations. Nous pouvions poser des questions aux négociateurs. Le personnel a passé beaucoup de temps avec nous et était prêt à nous rencontrer régulièrement. Je tiens à dire que ceux qui s'occupaient des questions de travail ont été formidables. Ils ont passé beaucoup de temps avec nous et ont vraiment été extraordinaires, mais d'autres l'étaient aussi. Ils étaient heureux que nous contestions leur point de vue sur l’accord commercial et heureux de discuter avec nous de façon vraiment productive, ce qui a été précieux. J’espère vraiment que cela va continuer, parce qu’il n’y a rien qui l’exige. La volonté politique du gouvernement actuel a permis que cela se produise.
    Je suis heureux de l’entendre. J’espère que, à l'avenir, tous les gouvernements, celui-ci et les autres considéreront toujours le travail comme un facteur important et essentiel.
    Avez-vous pu faire ou avez-vous fait une analyse économique pour vos membres ou le secteur public canadien sur les conséquences d'un accord, d'une absence d'accord, de l'accord ici proposé, par exemple? Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? L’accord protégerait-il les emplois actuels ou pourrait-il en créer davantage?
    Avez-vous fait ce genre d’analyse?
    C’est l’un des problèmes que présente notre façon de négocier les accords commerciaux: nous ne connaissons pas les modifications qui seront apportées tant qu'il n'est pas... Nous n'avons pris connaissance de l'ensemble de l'accord qu'en décembre, parce que les États-Unis y ont apporté des changements. Il est très difficile de faire une évaluation des répercussions économiques tant que l’accord n’est pas définitivement établi, alors nous n’avons pas eu l’occasion de la faire.
     Nous avons fait des projections concernant le coût des médicaments. Nous savons que l'accord va améliorer la situation, surtout par rapport à ce que prévoit le PTP. C’est fantastique.
    Apparemment, au cours des premières négociations sur l’ALENA sous le gouvernement de Brian Mulroney, de très nombreuses données étaient disponibles et communiquées sur les modèles économiques et la nature de l'impact sur l'industrie. Vous pourriez peut-être vous adresser à ceux qui étaient au gouvernement à l’époque, qui savaient ce qui était accessible sur le plan de la modélisation et ont permis de diffuser cette information pendant le déroulement des négociations.
    Nous n’avons pas eu accès à ce type de données, mais nous avons certainement fait de notre mieux.
     Merci.
    Je m’adresse maintenant à M. Johnston, de l’Association des auteurs-compositeurs. Je crois comprendre que votre préoccupation concerne le droit d’auteur, c’est-à-dire un droit qui durerait pendant toute la vie de l'auteur plus 70 ans, plutôt que 50. Si j’ai bien compris ce que j’ai entendu, pas seulement dans le monde culturel, mais aussi dans d’autres secteurs du droit d’auteur dont des représentants sont venus témoigner, la crainte tient davantage au risque de représailles américaines, si jamais nous devions changer notre norme. Toutefois, ai-je raison de dire que les États-Unis ont un droit d’auteur qui s'étend sur la vie de l'auteur plus 70 ans et que, si on adoptait la même norme, cela ne constituerait ni un préjudice ni une menace?
    En fait, la ratification de la prolongation de la durée du droit d’auteur crée des possibilités d’investissement pour les éditeurs canadiens qui doivent administrer les droits d’auteur américains pendant toute la durée prévue, alors que, dans l'état actuel des choses, les oeuvres tomberaient dans le domaine public plus tôt au Canada qu’aux États-Unis, et ce serait un désavantage pour un éditeur canadien, qui ne serait pas en mesure de percevoir et d’administrer les droits aussi longtemps qu’un éditeur américain.
    C’est une chose qui pourrait probablement... Cela doit plutôt relever d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE). Je ne m’intéresse pas à la question depuis très longtemps, mais il semble que nous pourrions continuer dans la même voie même après la ratification de l'ACEUM. Il ne me semble pas que les dispositions relatives au droit d’auteur, en tant que telles soient négociées dans cet accord.

  (1750)  

    Je ne suis expert ni en politique ni en droit. Je m’en remets à la compréhension plus précise de M. Neil. De façon générale, cependant, nous voulons que l'accord soit ratifié, et nous voulons une ratification sans entraves. Nous ne voulons pas qu’il y ait un processus de réenregistrement après 50 ans. Nous voudrions simplement harmoniser nos dispositions avec celles de la majorité de nos partenaires commerciaux.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Savard-Tremblay, vous avez la parole.

[Français]

    Je remercie l'ensemble des témoins de leurs présentations.
    Je m'adresse à M. Neil concernant la question de l'exception culturelle. Comme vous l'avez dit, cela a été un grand combat dema formation politique, mais aussi du Québec, par le passé, pour que cela soit reconnu et inscrit à l'UNESCO.
    Vous avez mentionné qu'il y avait un progrès dans l'ACEUM, comparativement à l'ALENA, parce que l'exception culturelle y est mentionnée. Toutefois, il y a eu différentes façons de mettre en place des exemptions dans les accords. Dans certains cas, tel que l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, l'AECG, c'était l'exemption par chapitre. C'est donc dire que l'exception culturelle ne s'appliquait pas à l'ensemble de l'Accord, mais là où elle était mentionnée.
    Dans le cas de l'ACEUM, de quel type d'exemption s'agit-il?

[Traduction]

    C’est une exemption universelle. C’est une exemption à l’égard de toutes les dispositions.
    Permettez-moi de faire une brève comparaison avec l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, l’AECG. La différence avec l’AECG, la différence entre l’AECG et le PTPGP, c’est que les exemptions culturelles chapitre par chapitre étaient mutuelles. Le Canada et l’Europe ont convenu que les industries culturelles seraient soustraites à ces obligations. Il y a une définition asymétrique — pour nous, ce sont les industries culturelles et pour l’Europe, ce sont les services audiovisuels —, mais il existe une compréhension mutuelle. Ces exemptions mutuelles chapitre par chapitre sont étayées par une forte reconnaissance de notre soutien commun à la Convention de l’UNESCO. C’est une façon absolument excellente de gérer les exemptions, mais elle est unique parce qu’elle se fonde, d’une certaine façon, sur la Convention de l’UNESCO.
    À mon avis, une future stratégie commerciale progressiste pour la culture reposerait sur la Convention de l’UNESCO, dont les deux parties sont signataires, comme fondement essentiel.

[Français]

    De façon générale, vous semblez donc assez satisfait des dispositions concernant la culture dans l'Accord. Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à Mme MacEwen, économiste principale aux Services nationaux, du Syndicat canadien de la fonction publique.
    Vous semblez également satisfaite des parties qui touchent le travail.
    La semaine dernière, des intervenants nous disaient que la plupart des dispositions relatives au travail ayant réellement du poids ne touchent que l'industrie automobile et que, pour le reste, il s'agit plutôt d'intentions. Êtes-vous d'accord sur cette critique?

[Traduction]

     Il y a certainement des parties du chapitre sur le travail qui traduisent un idéal, mais il y a aussi des exigences, surtout en ce qui concerne le Mexique et le droit à la négociation collective.
    À l’heure actuelle, seulement 1 % des syndicats du Mexique sont démocratiques et indépendants. Le gouvernement actuel voulait apporter des changements à cet égard, et le chapitre sur le travail et l’accord parallèle avec le Mexique ainsi que le mécanisme d’intervention rapide leur donnent tous une tribune et les aideront à agir sur le plan intérieur.
    Cela fera une grande différence en donnant aux travailleurs mexicains des syndicats démocratiques, mais cela fixera aussi un certain minimum et nous permettra de déposer des plaintes au sujet des violations des lois du travail et, espérons-le, d’apporter des changements.
    Il y a de meilleures dispositions d'application qu’il n’y en a jamais eu dans un accord commercial.

  (1755)  

[Français]

    Ce sont donc des mécanismes qui ne touchent que le Mexique. Vous ne mentionnez que le Mexique.
    Cela s'applique-t-il uniquement au Mexique?

[Traduction]

    Il y a un accord parallèle unique avec le Mexique qui porte sur ce qu’on appelle les « syndicats jaunes ». Le mécanisme d’intervention rapide a été prévu entre le Canada et le Mexique, et entre les États-Unis et le Mexique; il ne s’applique pas entre le Canada et les États-Unis. Il y a donc ces deux éléments. Pour ce qui intéresse le Canada, seul le Mexique est concerné.
    Le chapitre sur le travail est trilatéral; il lie les trois pays. Nous pouvons déposer des plaintes de violation des conditions de travail en invoquant le chapitre sur le travail et nous aurons de bien meilleures chances de succès. La charge de la preuve était conçue de façon telle qu'il était impossible d'avoir gain de cause dans un règlement de conflit de travail, mais nous espérons maintenant que ce sera possible.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Blaikie.
    Merci, monsieur le président, et merci beaucoup à tous les témoins d’être parmi nous.
    Madame MacEwen, je voudrais revenir sur certains de vos commentaires au sujet des consultations. Certes, nous avons entendu dire qu’un certain nombre d’organisations ne sont généralement pas satisfaites du niveau de consultation, et elles sont plus nombreuses que celles qui estiment avoir été davantage entendues. Toutefois, comme vous le dites, cela dépend de la culture politique du moment et des caprices du gouvernement. Il est toujours bien que le vent souffle dans la bonne direction, mais cela ne vaut pas une garantie.
    Le NPD a essayé de faire intégrer les consultations au processus de négociation. Nous nous réjouissons que le gouvernement s'engage à rendre publics au moins ses objectifs initiaux de négociation avant d'amorcer les pourparlers et à fournir une évaluation de l'impact économique. Victoire étrange, car cela semble obéir à la loi du simple bon sens. Chose certaine, dans beaucoup d'autres pays qui sont nos partenaires commerciaux, cela fait partie du processus. Voilà que le Canada s'y met. C'est une bonne première étape.
    Pourriez-vous expliquer un peu plus l'importance de la participation citoyenne? Qu'est-ce que cela signifie, pouvoir entretenir, en vertu d'une politique ou d'une loi, des attentes claires quant au type d’information que les Canadiens peuvent recevoir de leur gouvernement au sujet de la négociation d’accords commerciaux? Quelle différence cela peut-il faire?
     C’est une question difficile. Les États-Unis ont un processus beaucoup plus transparent qui donne un rôle aux législateurs. Le Canada n’a rien de tel. Il y a aussi aux États-Unis un processus qui permet aux lobbyistes, ou aux gens qui veulent participer aux consultations d’obtenir des renseignements que les négociateurs possèdent, mais qui ne sont pas publics. Ils peuvent signer pour obtenir ce droit et donner leur avis sur l’impact possible dans leur domaine d’expertise. Ce sont des dispositions utiles que nous pourrions emprunter aux États-Unis. C’est une excellente idée, dans le commerce progressiste, d’avoir plus de transparence et notamment de faire intervenir les législateurs dès le début. Une plus grande transparence est utile.
    Nous avons constaté que ceux qui ont les ressources et les connaissances nécessaires pour participer à ces réunions ont pu y assister, et il est donc moins probable que vous entendiez, disons, des groupes de lutte contre la pauvreté que la Cattlemen’s Association. Les négociateurs sont souvent entourés d’intérêts plus puissants et ils sont moins en contact avec les intérêts moins puissants. En ce sens, il y a un déséquilibre. Le Canada et les États-Unis, en particulier, ont une économie tellement intégrée que la ligne de démarcation n’est pas toujours fondée sur des motifs nationaux. L’industrie des deux côtés de la frontière peut loger à la même enseigne.
    Le clivage se fait entre l’intérêt public et l’intérêt des sociétés. Les consultations sont structurées de telle façon qu'elles ne permettent pas de parvenir efficacement à un certain équilibre. L'absence d'analyse économique indépendante ne favorise pas l'équilibre non plus. Une analyse économique a son utilité. Une analyse indépendante serait préférable, car elle reposerait sur de meilleurs choix. À l’heure actuelle, on peut faire beaucoup d’hypothèses dans un modèle IEG. Que les hypothèses varient, et on obtient une croissance de 3 % au lieu de 2 %. Il faut que le choix des hypothèses repose sur l'information la plus solide au lieu de dépendre des résultats politiques recherchés. Il serait peut-être souhaitable que le directeur parlementaire du budget fasse ce choix.
    Voilà qui est utile pour la transparence et pour le débat public, car il arrive souvent que les gens s’intéressent à la première ligne: les producteurs laitiers seront touchés, le commerce transfrontalier s'en ressentira ou bien il y aura plus d'attente aux douanes. Il y aura un impact appréciable sur la vie des gens, mais nous ne saurons à quoi nous en tenir qu'après la signature, quand l'accord aura déjà des conséquences.

  (1800)  

    Exactement. Merci beaucoup.
    Me reste-t-il un peu de temps?
    Oui, il vous reste une minute et demie.
    Un autre témoin — peut-être représentait-il le CCPA — nous a dit que, si nous voulions tirer le meilleur parti possible du mécanisme de règlement des différends entre États, il était important d’avoir un processus national qui permet essentiellement aux intervenants de faire valoir qu’il y a une bonne raison de poursuivre l’un de nos partenaires commerciaux aux termes de l’ACEUM. Il s’agirait d’un processus indépendant et si on constatait qu’il y a lieu de donner suite, Il y aurait alors une obligation ou des ressources pour le faire, de sorte qu’il n’appartienne pas seulement au gouvernement ou aux gens qui ont les ressources de faire pression sur le gouvernement pour qu’il défende leur cause.
    Avez-vous une opinion sur ce genre de mécanisme? D’autres aspects de l’accord seraient-ils favorisés par ce genre de processus national?
    Oui, il faut absolument renforcer ce processus national. Dans de nombreux accords commerciaux ou en vertu des règles de l’OCDE, nous avons un point de contact national qui peut proposer ses bons offices. S’il y a un désaccord, ces gens peuvent dire qu’ils fourniront un lieu neutre pour se rencontrer. Cependant, il n’y a pas là de pouvoir d’enquête, pas de mandat pour s'en charger. Lorsque je travaillais au CTC, nous avons déposé une plainte, entre le Canada et la Colombie, en vertu du chapitre sur le travail. Le ministère du Travail a fait enquête. Il a pris les choses en main et a produit un rapport fantastique, mais rien ne les y obligeait.
    Merci beaucoup.
    Grâce à sa bonne volonté, cela s'est fait, mais...
    Merci.
    Nous allons passer à M. Fast.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais revenir sur la question de M. Blaikie au sujet du processus.
     Monsieur McGuire, vous rappelez-vous quand les législateurs américains, les représentants, ont reçu l’évaluation des répercussions économiques de cet accord?
     Non, je ne le sais pas. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Il faudrait que je vous communique l'information plus tard.
    Si je vous disais que c'est en avril 2019 et qu’elle a été publiée en ligne en avril 2019, cela vous semblerait-il exact?
    Je vous fais confiance.
    C’est là qu’intervient la question du processus. L’évaluation de l’incidence économique a été faite pour les législateurs américains il y a de nombreux mois, avant que la Chambre des représentants n’ait à voter. En fait, la Chambre des représentants a exigé que des changements soient apportés à l’accord, des changements ont été apportés à l’accord — probablement en se fondant non seulement sur l'interprétation de l’accord par les représentants, mais aussi sur l’évaluation de l'incidence économique — et ensuite, l'accord a été soumis au Canada pour ratification.
    Savez-vous que c’est notre dernière réunion pour discuter de cet accord ici, au Comité, avant que nous passions à l’étude article par article?
    C’est ce que je crois comprendre.
     Savez-vous que l’évaluation de l'incidence économique menée par le ministère a été déposée aujourd’hui pour examen par les parlementaires?
    Encore une fois, je me fie à ce que vous dites.
    Vous comprenez donc que le processus des deux côtés de la frontière est très différent. Celui du côté américain a clairement donné aux décideurs américains l’occasion d’examiner l’accord, d’examiner l’évaluation de l’incidence, de proposer d’autres modifications, puis de ratifier l'accord. Maintenant, c'est notre tour, mais nous n’avons pas la possibilité, très franchement, d’apporter d’autres modifications. Vous avez souligné vous-même l’urgence de la situation; vous nous encouragez à agir rapidement.
    Maintenant, comme l’a dit mon collègue, M. Carrie, nous voulons régler cette question de façon respectueuse, mais délibérée, et faire preuve de diligence raisonnable pour nous assurer que cet accord est vraiment dans l’intérêt du Canada. Je pense que votre organisation chevauche la frontière. Elle compte des membres des deux côtés de la frontière, n’est-ce pas?

  (1805)  

    C’est exact.
    Je tiens à vous assurer que nous n’essayons d’aucune façon de retarder cet accord, mais nous allons faire preuve de diligence raisonnable dans la mesure où nous le pouvons, en fonction de notre processus ici au Canada. Je dois vous dire franchement que je suis très déçu que ce n’est que maintenant, juste un peu avant minuit, que nous recevons l’évaluation de l'incidence économique du gouvernement fédéral. C’est honteux.
    J’aimerais maintenant poser une question à M. Johnston et peut-être à M. Neil.
    Le nom de Michael Geist a été mentionné, et monsieur Johnston, vous avez fait l’éloge de la proposition de prolonger la durée du droit d’auteur pour la porter de 50 à 70 ans. Comme vous le savez probablement, Michael Geist a peut-être une opinion un peu différente de la vôtre. Il a dit que cet accord coûtera cher aux Canadiens et que les avantages seront minimes. Je crois qu’un rapport du ministère de l’Industrie qui a été publié il y a quelques années pointait vers les mêmes constatations. La conclusion a été qu’en fin de compte, cela coûtera plus cher aux consommateurs, étant donné que les redevances supplémentaires sont en grande partie envoyées à l’étranger.
    J’aimerais que vous répondiez tous les deux assez rapidement, si vous le voulez bien.
    Je vais commencer.
    Je tiens à souligner que le droit d’auteur concerne les droits des artistes. Il s’agit des droits de personnes qui créent des oeuvres qui sont ensuite exploitées économiquement par d’autres. Toute protection accrue des droits de ceux qui créent ces oeuvres est positive.
    Il y a un déséquilibre économique entre les artistes, d’une part, et les producteurs culturels, d’autre part. Il y a aussi une solution à ce problème, qui consisterait à restreindre le risque pour les artistes de céder leurs droits d’auteur, mais pour le moment, il n'existe pas de tel mécanisme et, en raison de ce déséquilibre économique, les artistes sont parfois obligés de céder leurs droits. Malgré tout, notre droit d’auteur porte essentiellement sur les droits des artistes, et des redevances supplémentaires sont versées aux créateurs des oeuvres artistiques.
    Monsieur Johnston, veuillez répondre rapidement, si possible.
    Je suis d’accord avec M. Neil. J’ai parfois l’impression, quand M. Geist dit que cela coûtera plus cher aux consommateurs, que les créateurs sont censés assumer tous les coûts pour les consommateurs et qu’ils ont la responsabilité de s’assurer que les consommateurs ne dépensent pas plus. Cela semble un peu hors de notre portée. C’est de notre droit d'auteur qu'il s'agit, et nous méritons d’être rémunérés à juste titre en vertu des lois sur le droit d’auteur.
     D’accord, merci beaucoup, monsieur Johnston.
    Nous allons passer à M. Dhaliwal.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leurs commentaires.
    Ma question s’adresse à Mme MacEwen.
    Lorsque M. Harper était au pouvoir, son approche était toujours à prendre ou à laisser.
    J’aimerais obtenir un peu plus de précisions. Lorsque tous ces accords ont été négociés, sous la direction de M. Harper, vous avez constaté qu’il n’y avait aucune participation de la part de vos collègues, que vous n'aviez pas du tout été consultés.
    Nous avons reçu des appels, mais on nous donnait très peu d’information. Cela se passait après la ronde de négociations, et il n’y avait vraiment pas de possibilité de donner son avis avant que le processus parlementaire ne soit enclenché.
    Le processus n’a toujours pas changé pour permettre aux gens d’intervenir plus tôt.
     Comment avez-vous vécu la situation de l'ACEUM en particulier? Avez-vous été inclus? Le gouvernement a-t-il été proactif ou avez-vous dû demander de l'information? C’est ce que je veux savoir.
    Tout à fait, le gouvernement — soit les fonctionnaires qui étaient chargés d’établir les priorités de négociation et de mener des négociations —, ont communiqué avec les syndicats et ils ont organisé des rencontres collectives avec ceux-ci. Ils ont rencontré des représentants de la société civile, toujours collectivement. Ensuite, ils ont dit que ceux qui voulaient traiter d'un sujet en particulier, ceux qui avaient des questions au sujet du chapitre sur les services ou du chapitre sur la coopération en matière de réglementation, pouvaient demander de rencontrer des négociateurs en particulier. Ils ont été très généreux de leur temps.
    Donc, vous avez pu rencontrer n’importe lequel des négociateurs.

  (1810)  

    La personne, quelle qu'elle soit, que nous voulions rencontrer...
    Vous avez eu votre...
    ... nous avons pu la rencontrer.
    Donc, vous étiez satisfaits du processus. Croyez-vous que d’autres progrès seraient encore possibles à l’avenir?
    Assurément. On peut faire d'autres progrès en rendant ce processus obligatoire afin qu’il ne soit pas ponctuel, en incluant les législateurs, et en faisant l’évaluation de l'incidence économique plus tôt.
    Pour ce qui est des États-Unis, tout est inscrit dans leur procédure accélérée; des dates limites sont prévues pour la présentation au Congrès de l’évaluation de l’incidence économique. Dans l’état actuel des choses, nous avons été inclus dans la discussion, ce qui nous a permis de conclure une meilleure entente que ce que nous aurions pu obtenir autrement. Le chapitre sur le travail en particulier a été grandement amélioré par les échanges avec les groupes syndicaux. Cependant, nous ne pouvons pas faire de changements maintenant. Il est trop tard.
    C’est fait maintenant. L'ACEUM...
     Il n’y a toutefois eu aucune possibilité, entre la signature de l’accord et sa ratification, de donner plus de rétroaction, comme cela s’est produit aux États-Unis.
    D’accord.
    Cela dénote simplement la différence de notre processus.
    Dans l’ensemble, pensez-vous qu'il s'agisse d'une situation gagnante pour les travailleurs et non seulement, comme cela a toujours été le cas, pour les entreprises?
    Non. Je pense qu’il s’agit toujours d’un modèle commercial défaillant qui ne profite pas aux travailleurs. Il profite aux plus puissants et nuit aux moins bien nantis. L’incidence de cet accord commercial est inégalement répartie entre les gens qui ont beaucoup d'argent et de pouvoir et ceux qui n'en ont pas.
    Toutefois, nous avons été reçus et écoutés, et des changements ont été apportés en fonction de nos commentaires, ce qui était bien.
    Je suis heureux de vous l’entendre dire.
    Me reste-t-il du temps? D’accord.
    Ma prochaine question s’adresse à l'Associated Equipment Distributors.
    Monsieur McGuire, cet accord ne va-t-il aider que les équipementiers des États-Unis, ou aidera-t-il aussi les équipementiers canadiens?
    Nous croyons que l’accord aide à la fois les distributeurs et les fabricants des deux pays.
    Hier, des équipementiers de la Saskatchewan sont venus témoigner. Ils ont dit que les États-Unis ont proposé de nouvelles exigences qui auront des répercussions négatives sur leur secteur. Êtes-vous au courant de situations de ce genre?
    Personnellement, je ne sais pas de quoi il est question ici. Il faudrait que je fasse des recherches.
    Je peux vous dire que nos membres n’ont rien indiqué de la sorte, dans le domaine de l’équipement, que ce soit du côté de la fabrication ou de la distribution.
     Merci beaucoup, monsieur Dhaliwal.
    Nous allons passer à M. Kram.
    Merci, madame la présidente.
    Madame MacEwen, vous avez parlé de l’importance d’une analyse indépendante des accords commerciaux. Je suis tout à fait d’accord avec vous. L’Institut C.D. Howe a publié la semaine dernière une analyse indépendante. Il a tiré quelques conclusions dans cette analyse. Il a dit qu'en raison du nouvel ALENA, le PIB du Canada allait diminuer de 14,2 milliards de dollars. Que les exportations du Canada vers les États-Unis diminueraient de 3,2 milliards de dollars, et que les importations des États-Unis vers le Canada augmenteraient de 8,6 milliards de dollars. Lorsque nous avons reçu l’évaluation de l'incidence économique du gouvernement, plus tôt aujourd’hui, on pouvait y lire que l’accord était formidable, parce que tous les chiffres augmentaient. Cela s’explique par le fait que l’évaluation du gouvernement n'a pas tenu compte de l’ancien ALENA, et qu'elle part du principe qu'il n'existait auparavant aucun accord de libre-échange avec les États-Unis ou le Mexique.
    Compte tenu de l’importance de cette information, je me demande ce qu’il serait possible de faire pour s’assurer que les membres du SCFP et les fonctionnaires en général puissent toujours fournir des renseignements importants, exacts et honnêtes aux politiciens et à l’ensemble de la population?
    C’est une très bonne question.
    Je pense qu’il est bon d’avoir l’estimation de l’Institut C.D. Howe pour pouvoir la comparer à l’estimation du gouvernement et montrer quelles étaient les différentes hypothèses. Souvent, quand on fait une analyse économique, les résultats dépendent vraiment des hypothèses. Vous allez obtenir des réponses très différentes selon les hypothèses de départ. Il n’est souvent pas utile de n’avoir qu’une seule base de comparaison pour bien comprendre les répercussions de l’accord. Il y a donc lieu de rendre les données disponibles et d'expliquer en toute transparence la façon dont la décision a été prise — rendre le modèle utilisé accessible au public et permettre à d’autres de l’appliquer.
    Il serait également utile de confier cette responsabilité au Bureau du directeur parlementaire du budget, par exemple, pour améliorer la transparence. Je ne pense pas que nous devrions nous en remettre à l’Institut C.D. Howe ou à d’autres groupes pour faire cela chaque fois. Il est utile qu’ils aient mené cette étude, et je suis heureuse qu’elle ait été faite, parce que cela souligne que les choix qui orientent la modélisation sont vraiment importants.

  (1815)  

    Nous avons aussi entendu plus tôt aujourd’hui que les analyses économiques de haut niveau de ce nouvel ALENA sont en cours depuis au moins septembre 2017. Que peut-on faire pour s’assurer que même ces analyses de haut niveau peuvent être diffusées au public et aux politiciens plus tôt que dans le cas présent? Il serait préférable que ce soit plus tôt qu’aujourd’hui, comme ce fut le cas.
    Entièrement d'accord. Aux États-Unis, l'accord a été publié il y a plus d’un an, je crois. Le fait de mettre cette information à la disposition du public et de permettre aux gens de faire cela... Je crois comprendre que c’est ce qui s’est produit dans le cadre de l’ALENA, l'accord initial. L’information avait été rendue publique et les gens comprenaient les données auxquelles ils avaient accès et dont ils avaient besoin pour modéliser les différences. Par exemple, si nous refaisions ce qui a été fait pour l’automobile — et qui a bien changé les choses —, que nous bâtissions un modèle, je suppose que les hypothèses comportementales seraient vraiment déterminantes. Qu'est-ce que cela donnerait?
    Je comprends que les accords commerciaux sont souvent secrets, mais il serait très utile d’avoir des modèles du domaine public et de disposer des données nécessaires pour faire nos propres simulations.
    D’accord. Merci beaucoup.
    C’est tout, madame la présidente.
    Il vous reste 40 secondes, monsieur Kram.
    D’accord, je ne peux pas résister. Monsieur Neil, pourriez-vous nous raconter l’histoire des publicités du Super Bowl?
    Merci.
    CTV a payé beaucoup d’argent pour les droits de diffusion du Super Bowl. Ils l’ont fait en se fondant sur la politique selon laquelle ils pouvaient substituer... Tous les Canadiens qui regardaient l'événement auraient dû voir leurs publicités. La valeur économique pour CTV était assez élevée. Certains Canadiens se sont plaints de cela, mais la réalité aujourd’hui, c’est qu’on peut regarder toutes les publicités du Super Bowl en ligne avant le Super Bowl. CTV doit consacrer 30 % de l’argent qu’elle tire de ces publicités à des émissions canadiennes. C’est beaucoup d’argent. Une proportion de 10 % de cet argent... S’ils font 100 millions de dollars, ils doivent dépenser 10 millions de dollars pour des séries dramatiques et des comédies scénarisées.
     Merci, monsieur Neil.
    Une bonne partie de l’argent va à la programmation canadienne.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons à Mme Bendayan.
    Merci.
    Je commencerai par poser mes questions à Mme MacEwen.
    Je vous ai entendu dire plus tôt dans votre témoignage que vous avez été à l'emploi du Congrès du travail du Canada. Quel poste y occupiez-vous?
    J’y étais également économiste principale.
    Vous étiez l’économiste principale.
    Depuis combien de temps êtes-vous économiste?
    J’ai obtenu mon diplôme en 2007.
    À titre d’économiste principale au Congrès du travail du Canada, vous avez également acquis une expérience d’autres accords commerciaux.
    Oui.
    Vous êtes actuellement économiste en chef du Syndicat canadien de la fonction publique, n’est-ce pas?
    C'est exact.
    Combien de personnes ou d’employés votre organisation compte-t-elle?
    Le SCFP représente 700 000 travailleurs au Canada. Je travaille au bureau national ici, à Ottawa. Je pense que le bureau national compte environ 600 personnes qui travaillent pour le syndicat national.
    Vous avez dit tout à l’heure, en réponse à une question précédente, qu’il est très difficile de faire une évaluation de l'incidence économique tant que l’accord n’est pas conclu.
    Pouvez-vous préciser votre pensée à ce sujet?
    Des modifications réglementaires touchant la propriété intellectuelle, la protection culturelle ou la prolongation du droit d’auteur ont des répercussions économiques.
    Comme les trois derniers accords portaient surtout sur les tarifs, on pouvait modéliser un changement de 1 % apporté à différents tarifs, et c’était plus simple. Toutefois, nous avons maintenant éliminé en grande partie les droits tarifaires, et nos traités sur le commerce et l’investissement portent sur des aspects plus abstraits. Le libellé précis de l’accord détermine vraiment ses répercussions.
    Il faut analyser ce libellé avec précision et l’interpréter pour établir les hypothèses qui vont sous-tendre votre modèle.

  (1820)  

    À votre avis, il faudrait attendre, par exemple dans le cas de l'ACEUM, les changements qui seront apportés à la fin de décembre...
     Ce que l'on aurait pu faire avec l'ACEUM, c’est de mener une analyse économique interne des priorités de la négociation. Cela aurait pu nous aider à établir nos priorités de négociation. Que voulons-nous obtenir? Ensuite, une fois nos ébauches initiales obtenues, nous aurions pu refaire les calculs. À ce moment-là, nous aurions utilisé ces renseignements pour déterminer si nous voulions apporter d’autres changements, ou si nous avions besoin de le faire. Si nous avions constaté une incidence négative inattendue sur les industries culturelles du Québec, par exemple, et que c’était un facteur plus important que nous l’avions estimé pendant les négociations, nous aurions pu accorder alors une plus grande priorité à la modification du libellé.
    Assurément. Je suis d’accord avec vous pour ce qui est de la position de négociation et de l'objectif, mais lorsqu'il est question d’un accord commercial aussi complexe que l'ACEUM dans un contexte politique où l'on ne sait pas où ces négociations pourraient nous mener, il faut convenir que, comme vous l’avez dit, nous devions attendre que l’accord soit conclu avant d'en faire une évaluation de l'incidence économique.
    Pour faire une évaluation de l'incidence économique, non, mais pour mener l’évaluation finale, oui.
    Merci.
    Ma prochaine question s’adresse à M. Neil.
    Monsieur Neil, vous avez mentionné que l’exemption culturelle prévue dans l'ACEUM est beaucoup plus importante que celle qui était prévue dans l’ALENA initial. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet dans le peu de temps qu’il nous reste.
    Le problème avec l’exemption culturelle dans l’ALENA initial, c’est qu’elle ne faisait qu’incorporer dans les conditions de l’ALENA l’exemption culturelle de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.
    La portée de cette exemption avait été tirée de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et elle était limitée. Elle se limitait aux éléments couverts par l’ALE. Il y avait un trou béant qui aurait facilement pu être exploité. Il y a eu quelques cas au fil des ans où cela est devenu évident. Cette fois-ci, l'exemption culturelle est claire, directe et globale. Le libellé précise que les industries culturelles sont exemptées des modalités de cet accord, un point c’est tout.
    Merci beaucoup, monsieur Neil.
    Je remercie sincèrement tous nos témoins; encore une fois, c’est toujours très instructif.
    Je vais suspendre la séance quelques instants, le temps que le prochain groupe de témoins s’installe.

  (1820)  


  (1835)  

     La séance est ouverte. Conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 6 février 2020, nous étudions le projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique.
    Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins de ce soir. Merci d’être venus. Je suppose que je pourrais demander à quoi ressemble le temps à l’extérieur, parce que la plupart d’entre nous sommes à l’intérieur depuis un certain temps, mais au moins, vous avez réussi à vous rendre, peu importe la quantité de neige tombée. Nous apprécions votre présence.
    Du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, nous accueillons Bob Fay, directeur, Économie mondiale; de Kalesnikoff Lumber Co. Ltd., Ken Kalesnikoff, directeur général; de Woodtone Industries, Kevin Young, président-directeur général, et Francis Schiller, conseiller.
    Par vidéoconférence de Guelph, en Ontario, nous accueillons Linda Hasenfratz, directrice générale de Linamar Corporation, et de Vancouver, en Colombie-Britannique, Andy Rielly, de Rielly Lumber Inc.
    Bienvenue à tous. Nous vous remercions de votre présence.
    Monsieur Fay, je vous cède la parole pour cinq minutes.
     Bonsoir, et merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l’occasion de présenter le point de vue du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale.
    En guise d’introduction, je vous signale que nous sommes connus comme le « CIGI ». Nous sommes un centre d'études et de recherche indépendant qui fait abstraction de tout intérêt partisan sur la gouvernance mondiale sis à Waterloo, en Ontario, et nous menons des recherches sur l’économie mondiale, la sécurité, la politique et le droit international, en mettant l’accent sur les enjeux de l’économie numérique. Dans ce contexte, mes commentaires porteront sur le projet de loi C-4, les données et la propriété intellectuelle.
    Le Canada a consacré des ressources et des efforts considérables à de nouveaux accords commerciaux pour renforcer les règles du jeu en matière de commerce international, et avec raison. Le commerce est au cœur de notre prospérité. De nouveaux accords commerciaux sont nécessaires pour ouvrir de nouveaux marchés et préserver les anciens, et des règles révisées sont nécessaires, à mesure que les économies se transforment, afin de réduire le plus possible les frictions commerciales.
    Nous comprenons très bien que des compromis ont dû être faits au cours des négociations de l'ACEUM et qu’il a fallu faire des choix difficiles. Comme nous croyons que la ratification de cet accord éliminera une partie de l’incertitude commerciale qui a freiné la croissance économique, mes observations ne visent pas à retarder la ratification.
     Mon objectif ce soir consiste plutôt à souligner comment les engagements pris dans le cadre de l’ACEUM relativement aux données et à la propriété intellectuelle peuvent empêcher le Canada d’innover et d’élaborer ses propres politiques nationales. Je ferai ensuite quelques suggestions sur la voie à suivre.
    En particulier, l'ACEUM ne tient pas compte de la façon dont évolue la nature du commerce et de ses répercussions. On s'éloigne des notions d'économies d’échelle et de ratio coûts-efficacité pour passer, premièrement, à la création de biens intellectuels, deuxièmement, à l'utilisation croissante des mégadonnées en tant qu'actifs économiques et sociaux et, troisièmement, à la nécessité de protéger les actifs qui en résultent.
    Ce que le Canada accepte en la matière a des répercussions très vastes pour le pays dans de nombreux domaines prospectifs, y compris notre capacité d’exploiter les données dans de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, ainsi que les politiques nationales fondamentales liées à la protection de la vie privée, à la sécurité, à la propriété intellectuelle, à l’investissement étranger direct, à la concurrence et à l’innovation.
    Oui, cette liste est longue, et elle touche tous les aspects de notre économie et, en fait, de notre vie quotidienne, mais nous abordons ces questions actuellement dans une perspective purement commerciale, au moyen d’un accord commercial dominé par les intérêts américains. J’aimerais également souligner que les lettres de mandat récentes chargent les ministres d’ISDE, de Patrimoine canadien et de la Justice de la tâche principale qui consiste à coordonner les nouveaux droits numériques et axés sur les données, une reconnaissance des enjeux sociétaux importants liés à l’utilisation et à la monétisation des données personnelles.
    En effet, les données constituent une ressource extrêmement précieuse. Statistique Canada, grand bien lui fasse, a estimé la valeur des données canadiennes à plus de 200 milliards de dollars, ce qui représente environ les deux tiers de la valeur de nos actifs pétroliers. Ce chiffre est extrêmement élevé, mais il est minime par rapport à d’autres pays, notamment les États-Unis. Par exemple, la capitalisation boursière de Facebook, d’Amazon, de Netflix et de Google, aux États-Unis, est d’environ 4 billions de dollars américains, et cette valeur élevée résulte de leur position de monopole et de leurs énormes dépôts de données.
    De plus, ces entreprises consolident leur position sur le marché à chaque minute au moyen de l’acquisition continue de toutes les variétés de données grâce à la participation des utilisateurs à leurs plateformes et à la protection féroce de leurs actifs à l'aide d'une combinaison de la règle de facto, en l’absence d'une réglementation nationale, d'accords commerciaux qui enchâssent les flux de données ouvertes, d'une solide protection de la propriété intellectuelle de leurs données et de leurs actifs en IA, de la prise de contrôle d’entreprises innovantes par l’entremise de leurs vastes réserves de liquidités, de l’acquisition des meilleurs talents, et des puissantes asymétries d’information qu’ils acquièrent avec leurs données et leurs technologies.
    En fin de compte, les données constituent leur propriété intellectuelle, et leurs intérêts sont inscrits dans le chapitre de l'ACEUM qui concerne l'économie numérique.
    Trois exemples d’engagements dans cet accord commercial les favorisent.
     Le premier est le traitement de la localisation des données. Cette partie de l’accord est brève, mais elle n'est pas si inoffensive qu'elle n'y paraît. « Une Partie n’exige pas d’une personne visée qu’elle utilise ou situe des installations informatiques sur son territoire comme condition à l’exercice des activités commerciales sur ce territoire. » Du point de vue commercial, c’est tout à fait logique, mais cela pose problème pour de nombreux aspects non économiques. Si nous pensons par exemple au partenariat de ville intelligente à Toronto qui se déroule actuellement avec Sidewalk Labs, qui est une filiale d’Alphabet, les Canadiens souhaiteront peut-être que les données détaillées que l'entreprise obtiendra dans cette ville demeurent au Canada et ne soient pas transférées aux États-Unis, mais le Canada pourrait ne pas être en mesure de l'exiger.

  (1840)  

     Deuxièmement, dans le cadre de l’ACEUM, la localisation est permise si les organisations recueillent, détiennent ou traitent de l’information sur ces activités pour un gouvernement ou au nom de celui-ci. Toutefois, pour des raisons de sécurité nationale, si les données étaient détenues par une organisation privée, l'ACEUM obligerait techniquement le gouvernement à autoriser la diffusion de ces données aux deux autres pays partenaires.
     Troisièmement, l'ACEUM renferme une disposition d’exonération pour libérer les plateformes numériques de la responsabilité du contenu qu’elles diffusent. D’une part, les défenseurs de la liberté d’expression estiment que c’est souhaitable. D’autre part, certains voient le détournement de plateformes comme Facebook et YouTube lors de votes récents, comme aux élections présidentielles américaines de 2016, comme des indications de l'absence de volonté ou de l’incapacité des gouvernements ou des plateformes numériques en matière de réglementation de leur contenu. Il s’agit d’un problème commercial parce que le modèle d’affaires des plateformes est soutenu par des flux de données transfrontaliers massifs.
    En résumé, on ne sait pas clairement avec quelle souplesse l'ACEUM permettra en bout de ligne au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux d’adopter de nouvelles lois et de nouveaux règlements pour atteindre des objectifs comme ceux de protéger la vie privée des gens, de prévenir les biais algorithmiques, de protéger les infrastructures essentielles, d'assurer la sécurité nationale ou de favoriser l'innovation au pays.
    Permettez-moi maintenant de conclure en formulant trois recommandations sur la voie à suivre. Premièrement, les négociateurs commerciaux doivent être mieux informés des vastes répercussions de l'économie axée sur les données et des conséquences des mesures déjà prévues dans l'ACEUM au chapitre de l'économie numérique et de celles qui pourraient être ajoutées à l’avenir au terme des négociations qui sont sur le point de commencer à l’OMC au sujet du commerce électronique. Nous ne devons pas oublier qu’il y a des intérêts directs qui sont omniprésents dans le monde numérique et que les accords commerciaux régionaux constituent un point d’entrée pour gérer l’espace politique dans des domaines qui vont bien au-delà du commerce numérique.
     Deuxièmement, il faut établir de nouvelles règles internationales dans les domaines du commerce, de l’investissement étranger direct et de la propriété intellectuelle. Dans ce contexte, le Canada pourrait faire pression en faveur de la création d’une nouvelle organisation mondiale chargée d’établir la gouvernance internationale en la matière. En nous inspirant de l’expérience du Conseil de stabilité financière, qui a été créé dans la foulée de la crise financière, nous avons présenté une proposition visant à créer un Conseil de stabilité numérique. Cette organisation élaborerait des normes, des règlements et des politiques dans les nombreux domaines que touchent les plateformes numériques, elle donnerait des conseils sur les mesures stratégiques nécessaires pour traiter les vulnérabilités en temps opportun, et elle veillerait à ce que ces travaux soient communiqués à d’autres organisations internationales comme l’OMC.
     Enfin, nous devrions utiliser l’examen semestriel intégré à l'ACEUM pour corriger certains des problèmes que je viens de décrire.
    Je vous remercie de votre attention, et je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

  (1845)  

    Merci beaucoup, monsieur Fay.
    Nous passons maintenant à M. Kalesnikoff, directeur général. La parole est à vous, monsieur.
    Wow. Mon témoignage va être un peu plus simple, et je pense que mon ami Andy Rielly a fait le bon choix de rester chez lui en Colombie-Britannique, parce que je vais probablement être coincé ici jusqu’au printemps, compte tenu de ce qui se passe à l’extérieur. Quoi qu’il en soit, merci de m'avoir invité.
    On m’a demandé de présenter ici le point de vue du gros bon sens en raison de mon expérience et de ma connaissance de l’accord sur le bois d’œuvre. Je tiens à préciser d'emblée que je ne suis un spécialiste ni de l’ALENA ni de l’AEUMC, puisque c’est apparemment ainsi qu'il s'appellera.
    Kalesnikoff Lumber a vu le jour en 1939 sous l'impulsion de trois frères, soit mon oncle Koozma, comme le sigle CUSMA que vous utilisez en anglais, et c'est ainsi que vous m’avez confondu dès le départ, Sam et Pete.
    Nous sommes passés d’une exploitation forestière au moyen de chevaux comptant environ huit personnes à une entreprise de 150 personnes à ce jour, et nous nous dirigeons vers un effectif de 200 personnes. Je représente la troisième génération au sein de notre entreprise. Mes deux enfants sont très engagés, ce qui est très inhabituel — ils gardent ainsi leur vieux père dans le droit chemin — et ils représentent la quatrième génération. Nous sommes situés à Thrums, en Colombie-Britannique, entre Castlegar et Nelson, dans les West Kootenays, à environ une heure de la frontière américaine.
    Qui sommes-nous? Par l'innovation, nous nous soucions de l’environnement, des collectivités, de nos employés, et c’est ce qui nous intéresse dans tout ce que nous faisons. Nous sommes toujours à la recherche de la prochaine occasion. Notre expérience dans l’industrie forestière et notre capacité d’être agiles et de maintenir notre réputation positive d’experts du bois nous ont permis non seulement de survivre, mais aussi de prospérer et de croître dans le contexte de l'évolution de l’industrie et d’être où nous sommes aujourd’hui.
    La valeur ajoutée est un élément important pour moi. Cela a toujours été important. Nous avons toujours cherché à ajouter le plus de valeur possible à chaque bille de bois que nous avons entre les mains. Nous prenons des décisions fondées sur l’optimisation de la valeur de cette bille en fonction de sa meilleure utilisation finale pour l'essence en question, pour nos clients, nos employés et même nos collectivités. Je crois que la valeur ajoutée crée également une industrie forestière diversifiée et grandement nécessaire.
    De plus, nous réinvestissons dans notre entreprise. En 1987, nous avons commencé par dépenser 5 millions de dollars pour une petite ligne de débitage de bois et, en 2000, nous avons investi 3 millions de dollars dans notre installation de transformation appelée Kootenay Innovative Wood. En 2005, nous avons installé une bouveteuse d'extrémité qui nous a coûté 800 000 $. Nous avons modernisé la scierie en 2012 à hauteur de 20 millions de dollars. En 2014, nous avons modernisé la raboteuse pour 6 millions de dollars, et nous venons tout juste d’annoncer notre projet dans l’industrie du bois massif, un investissement de 35 millions de dollars dans la région de Castlegar.
    Nous avons réussi à faire croître notre entreprise, une modeste exploitation forestière utilisant des chevaux à l'origine et, comme je l’ai dit, nous investissons maintenant dans cette installation de bois massif de calibre mondial à hauteur de 35 millions de dollars. Nous avons réussi tout cela malgré le fait que seulement 15 à 20 % de notre bois est en tenure forestière. Nous achetons plus de 80 % de nos billes sur le marché libre.
    L’un des grands avantages pour nous de nous lancer dans le bois massif, c’est simplement notre expérience de la fabrication spécialisée à valeur ajoutée, nos relations préexistantes et notre connaissance de ce qu’il faut pour grimper les échelons dans la chaîne de valeur.
     L’accord sur le bois d’œuvre comporte des inconvénients. Au fil des ans, les accords sur le bois d’œuvre ont injustement pénalisé le secteur manufacturier spécialisé à valeur ajoutée. Je vais vous donner un exemple. Une belle occasion se présentait à nous en 2006, si je me rappelle bien. C’était au moment où M. Emerson négociait l’accord. Nous venions tout juste de dépenser 800 000 $ pour l'achat d'une bouveteuse d'extrémités, c’est-à-dire une mise à niveau pour nous permettre de faire des planchers de résineux à extrémités bouvetées, qui seraient ensuite utilisés pour le laminage et le parement. Une règle précisait que si le produit était entièrement bouveté, soit les deux côtés et l'extrémité, il serait exempté. Or, notre négociateur a abandonné cette règle sans même se rendre compte de ce qu’il avait fait d’un seul trait de plume.
    Toutefois, cela nous a grandement nui. Nous n’avons même pas pu utiliser notre machine et nous avons perdu cet avantage. Cela a aussi touché Huscroft à Creston, Wynndel Box à Creston et Gorman Bros. à Westbank. Nous avions tous ces types de machines en cours d’installation.
    Plus tôt cette année, à cause de l’accord sur le bois d’œuvre et des droits de 20 % ou à peu près, nous avons dû prendre une décision très difficile et fermer l’usine de seconde transformation parce que nous ne pouvions pas nous permettre de fabriquer des produits qui étaient exportés aux États-Unis avec des droits de 20 % ou plus. Maintenant, nos employés, en raison de notre passage au bois massif, sont tous utilisés. Donc, personne n’a perdu d’emploi, mais cela nous cause beaucoup de problèmes. Nous avons aussi des clients avec nous depuis 20, 30 ou 50 ans avec lesquels nous ne pouvons pas faire affaire à cause de cet obstacle.

  (1850)  

     Comme nous sommes un petit exploitant, nous sommes plus agiles et nous sommes en mesure de développer des produits-créneaux, surtout des produits pour répondre aux besoins des clients. C’est ce sur quoi nous nous concentrons, et l’accord sur le bois d’oeuvre nous nuit constamment en ce sens.
    Et après? Pour réussir en affaires, nous avons besoin d’un environnement prévisible et favorable. C’est là où je pense vraiment que le gouvernement peut nous aider. Il nous faut aussi un accès libre et ouvert aux marchés. Des entreprises comme la nôtre ont l’habitude de s’engager envers leurs gens et leur milieu, de ne pas fermer la porte quand les choses se compliquent et encore moins de mettre la clé sous la porte. Les petites entreprises indépendantes comme la nôtre sont beaucoup plus souples et créent beaucoup plus de valeur que les simples 2x4. Nous avons simplement besoin de bonnes billes de bois pour fabriquer de bons produits à écouler sur des marchés ouverts. Dans notre cas, cela signifie prendre une matière ligneuse de qualité pour créer plus d’emplois et plus de retombées économiques par mètre cube, plutôt que de nous concentrer sur le volume. Toutefois, je me répète, l’accord sur le bois d’oeuvre fait obstacle.
     Je ne sais pas s’il est possible que l’accord sur le bois d’oeuvre soit intégré à l’ALENA. Il est probablement beaucoup trop tard. Toutefois, il aurait été très avantageux d’avoir une mesure de ce genre pour stabiliser l’industrie, surtout pour les petits fabricants indépendants, parce que c’est nous qui sommes véritablement touchés par ce genre de pénalité.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    Nous passons maintenant à Linda Hasenfratz, de Guelph, en Ontario. Bienvenue.
    Bonsoir, et merci beaucoup de m’avoir invitée à participer à vos consultations.
    Je vais dire quelques mots au sujet de Linamar. Nous sommes une entreprise de fabrication de pointe diversifiée qui produit environ 70 % de pièces d’automobile et 30 % de produits industriels divers, comme de l’équipement d’accès, de l’équipement de récolte, des pièces de véhicules commerciaux et des composantes énergétiques. Nos ventes sont d’environ 7,5 milliards de dollars. Au cours de neuf des dix dernières années, Linamar a connu à tous les niveaux une croissance dans les deux chiffres. Nous avons...

  (1855)  

    Un instant, je vous prie. Nous avons perdu le son. Nos techniciens vont arranger cela.
    Je vais donc céder la parole à M. Rielly.
     Merci beaucoup de m’avoir offert cette occasion de m’adresser au Comité.
    Je m’appelle Andy Rielly, et je suis président et propriétaire de la société Rielly Lumber. Nous sommes situés à West Vancouver, en Colombie-Britannique. Notre fabrique se trouve à Chilliwack, en Colombie-Britannique. Afin de contribuer à une discussion éclairée sur l’AEUMC, je vais vous donner un aperçu de notre entreprise et de la nature de ses activités, puis je décrirai les effets du différend commercial actuel avec les États-Unis sur le bois d’œuvre résineux et les raisons pour lesquelles l’AEUMC est important pour notre entreprise et pour l’avenir de notre secteur.
    Premièrement, la société Rielly Lumber a été fondée en 1995 pour fabriquer des éléments et des produits finis en cèdre rouge de l’Ouest. Dès le début, nous nous sommes donné pour mission de fabriquer les produits que les grandes scieries ne voulaient pas ou ne pouvaient pas fabriquer. Nous ne récoltons pas de billots, nous ne coupons pas de billots et nous ne détenons pas de tenure forestière de la Couronne. Nous achetons du cèdre rouge de l’Ouest pour fabriquer des produits finis.
    Les États-Unis constituent de loin le plus grand marché pour nos produits. De 1996 à 2001, les États-Unis et le Canada ont conclu une entente sur le bois d’œuvre résineux fondée sur un système de quotas. On accordait ces quotas aux entreprises canadiennes pour expédier sur le marché américain un volume de produits calculé en fonction du volume qu'elles avaient expédié pendant les cinq années précédentes. Comme Rielly Lumber n’avait commencé à produire qu’un an avant cela, nous n’avons obtenu aucun quota pour les États-Unis et avons donc perdu l'accès à notre marché principal. Les années suivantes, nous avons trouvé une façon d’obtenir des quotas pour expédier nos produits aux États-Unis. Nous avons continué de faire croître notre entreprise en nous consacrant à la fabrication et à l’embauche de travailleurs de la Colombie-Britannique.
    De 2001 à 2006, comme toutes les entreprises canadiennes, nous avons payé des droits exorbitants sur les produits finis expédiés aux États-Unis dans le cadre du différend sur le bois d’œuvre résineux qui s'est ensuivi et que nous avons nommé « Bois d'œuvre IV ». Ce différend sur le bois d’œuvre résineux ne s'est réglé qu’une fois que le Canada a gagné de nombreuses victoires juridiques devant l’OMC et surtout devant le tribunal de l’ALENA. À la fin de 2006, le nouvel accord sur le bois d’œuvre résineux prévoyait une période de 10 ans sans droits de douane pour les produits de grande valeur. Il ne prévoyait pas d’interdiction majeure d’exporter aux États-Unis. De plus, cet accord remettait à chaque entreprise canadienne plus de 90 % des dépôts douaniers qu’elle avait versés au cours des cinq années précédentes. Rielly Lumber a décidé d’investir ses dépôts de droits ainsi récupérés dans ses installations et son équipement de fabrication ainsi que dans la création d’emplois en Colombie-Britannique.
    Les 10 années suivantes se sont avérées relativement prospères. Nous avons fait croître notre entreprise. Tout allait bien jusqu’à ce que ce nouveau différend commercial, que nous avons nommé « Bois d'œuvre V », éclate en avril 2007. Nous avons de nouveau dû verser les droits exorbitants de 27 % du prix de vente de nos produits. On menaçait aussi de prélever des droits rétroactifs sur les produits que nous avions expédiés avant l'entrée en vigueur de ces nouveaux droits, en accroissant la gamme des produits visés. Nous nous sommes tous dit: « Bon, tout recommence... » Cette fois-ci, cependant, le conflit s'est avéré différent, il était pire que « Bois d'œuvre IV ». Lorsque nous avons ajouté les droits de 27 % au prix record des produits de cèdre, nos clients se sont tournés vers d’autres produits et vers d’autres espèces avec une rapidité ahurissante. Les nouvelles exigences en matière de cautionnement que les douanes américaines exigeaient obligeaient les petites et moyennes entreprises à verser de gros dépôts en espèces. Cela s’ajoutait au versement, tous les vendredis, des droits sur les produits expédiés la semaine précédente. La plupart des petites et moyennes entreprises au Canada ne peuvent pas continuer à verser les dépôts sur une base régulière et les cautionnements en espèces.
    Un autre aspect de ce différend réside dans le fait que de nombreuses grandes entreprises canadiennes ont fait d’énormes investissements aux États-Unis, ce qui a déplacé beaucoup d’investissements et d’emplois canadiens du côté américain pour éviter la barrière protectionniste. Comme Ken Kalesnikoff vient de le dire, pour échapper à la barrière protectionniste, de nombreuses entreprises à valeur ajoutée s'installent du côté américain de la frontière pour fabriquer leurs produits. Je vais vous donner une idée de l’effet que cela a sur notre entreprise. Le volume de vente de Rielly Lumber en 2019 est tombé à environ 62 % de ce qu’il avait été en 2016. Le nombre d’emplois dans notre usine a chuté de 41 à 23. Il s’agit d’une tendance alarmante pour les entreprises secondaires à valeur ajoutée de la Colombie-Britannique et du Canada.
    Je vais maintenant vous expliquer pourquoi l’AEUMC est important pour notre entreprise. Comme vous le savez, la plus grande partie du bois d’œuvre dans le premier accord de l’ALENA n’était pas assujettie à cela. Elle ne l’est pas non plus dans le nouvel AEUMC. L’élément le plus important du nouvel AEUMC, qui est vital pour nous, c'est le mécanisme de règlement des différends, connu auparavant sous le nom de chapitre 19.

  (1900)  

     Face à tous ces défis diplomatiques, les petites entreprises indépendantes ont besoin de règles exécutoires pour protéger leurs intérêts. Si notre pays n'exige pas le versement de droits réciproques sur les marchandises qui entrent chez nous, ce qui est peu probable de se concrétiser, les négociations du Canada dans le cadre de Bois d’œuvre V dépendront uniquement de ses victoires devant les tribunaux de [Difficultés techniques] l’ALENA et de l’AEUMC. Il ne faut pas oublier que les grandes entreprises ont fait d’énormes investissements aux États-Unis, donc qu’elles ne ressentent aucun besoin de faire pression sur nos gouvernements provinciaux pour régler le différend actuel. Des centaines de petites et moyennes entreprises canadiennes risquent de faire faillite si nous n'établissons pas ce système de règlement des différends et si nous ne réussissons pas à le faire fonctionner plus rapidement.
     Les nouveaux emplois dans l’industrie forestière ne viendront pas du secteur primaire. Ils viendront d'une augmentation de travail et d'un accroissement de la valeur des ressources que nous avons ici.
     Je vous dirais que la principale raison pour laquelle j’appuie l’AEUMC, c’est que Rielly Lumber est une entreprise canadienne. Nous voulons continuer à fabriquer au Canada, et nous n’avons pas l’intention de déménager de l’autre côté de la frontière [Difficultés techniques]. Le système de règlement des différends est essentiel pour notre entreprise, mais si nous réussissons à conclure un autre accord sur le bois d’œuvre résineux, nous protégerons les entreprises indépendantes.
    En terminant, je vous dirais que je travaille depuis 35 ans dans le secteur de la valeur ajoutée. Il nous a fait prospérer, ma famille et moi. À mon avis, il vaut la peine que nous nous battions pour ce secteur, et j’espère que vous êtes d’accord avec moi.
    Merci de m’avoir écouté.
    Merci beaucoup, monsieur Rielly.
    Nous allons revenir à Mme Hasenfratz pour voir si le système fonctionne.
    Parfait, alors madame Hasenfratz, à vous la parole.
     Bonsoir. Je vous remercie.
    Je vais d’abord dire quelques mots sur la société Linamar.
    Linamar est une entreprise de fabrication de pointe diversifiée. Notre production se compose d'environ 70 % de pièces d’automobile et de 30 % d'équipement industriel divers, comme de l’équipement d’accès et de l’équipement de récolte ainsi que des pièces de véhicules commerciaux et des composantes énergétiques. Nous avons un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de dollars. Nous comptons 27 000 employés dans le monde. Nous avons 61 fabriques situées dans 11 pays. Environ 40 % de nos usines et 11 000 de nos employés sont au Canada.
    Pour ce qui est du commerce, je trouve que les accords de libre-échange sont d’une importance capitale pour notre prospérité et notre compétitivité à l’échelle mondiale. À mon avis, il est absolument essentiel que nous ne perdions pas de terrain dans ce domaine clé, car les accords de libre-échange nous ouvrent de plus grands marchés où nous pouvons acheter et vendre. Ils nous ouvrent des débouchés commerciaux, ce qui favorise la croissance et réduit les coûts. Les accords de libre-échange influencent beaucoup la prise de décisions. Par exemple, les fabricants d'équipement d'origine d'automobiles s’installent au Mexique, ce qui leur ouvre l'accès aux marchés mondiaux.
    À mon avis, la ratification du nouvel accord de l’ALENA ici au Canada est absolument essentielle au succès économique continu du Canada. Les États-Unis sont depuis longtemps le plus important partenaire commercial du Canada, et vice versa. Comme vous le savez sans doute, le commerce avec les États-Unis représente plus de 75 % de nos exportations, soit 64 % de notre PIB. Nous ne pouvons vraiment pas nous permettre de mettre cela en péril et d'assumer les coûts exorbitants que des droits supplémentaires ajouteraient à nos transactions.
    L’ALENA a créé une prospérité inouïe pour les trois pays signataires depuis sa création en 1994. Le PIB des États-Unis a augmenté de 12 billions de dollars, atteignant 2,8 fois celui de 1994. Le PIB du Canada a augmenté de 1 billion de dollars, atteignant 2,7 fois celui de 1994. Le PIB mexicain a augmenté d’un demi-billion de dollars, soit près du double de ce qu’il était avant l’Accord.
    Soulignons également que l'ALENA a favorisé une optimisation complexe et profonde de la chaîne d’approvisionnement dans les trois pays. Il serait désastreux sur le plan financier d’essayer de démêler tout cela. On ne peut pas reconstituer des œufs brouillés. Dans le seul secteur de l’automobile, la construction de chaque véhicule cause en moyenne sept passages frontaliers entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. L’ajout de droits de douane à chacun de ces postes frontaliers entraînerait des coûts énormes pour les véhicules construits en Amérique du Nord et réduirait notre compétitivité.
    La société Linamar est un excellent exemple de cette intégration profonde. Nous avons un programme pour un bloc cylindrique que nous fabriquons et qui est coulé au Mexique, qui vient au Canada pour le préusinage, qui retourne aux États-Unis pour subir une autre transformation et qui nous revient au Canada pour l’usinage final. Nous l’expédions ensuite à nos clients américains pour qu’ils l’assemblent dans un moteur. Certains de ces moteurs reviennent au Canada pour être posés dans des véhicules, puis ces véhicules sont vendus au Canada et aux États-Unis.
    Pourquoi tant de complications? Nous tirons parti des grandes forces et des technologies qui ont été développées et perfectionnées dans chacun de ces pays. Au lieu que chaque pays mette ces technologies au point et investisse pour effectuer toute la transformation nécessaire à ses besoins individuels, nous mettons en commun nos besoins et nous nous concentrons sur les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement. Nous fabriquons ainsi d'excellents produits très concurrentiels que nous pouvons vendre dans de nombreux pays, et non uniquement en Amérique du Nord.
    Le nouvel accord modernise des éléments importants de l'ALENA en tenant compte de technologies et de réalités qui n’existaient pas il y a 25 ans, tout en maintenant, selon nous, des éléments fondamentaux cohérents de l’ALENA. Autrement dit, les chaînes d’approvisionnement existantes ne seront quasiment pas perturbées, ce qui est fondamental. En ce qui concerne l’industrie automobile, les changements apportés ne procurent aux entreprises canadiennes que des avantages et aucun inconvénient. La valorisation du contenu régional pourrait favoriser la création d'emplois dans le cas de certains constructeurs automobiles qui ne respectent pas la nouvelle norme. Je m'explique : des fabricants allemands pourraient décider de fabriquer chez nous. Un contenu à forte valeur de main-d’œuvre peut aussi être l’occasion pour des fournisseurs canadiens d’accroître leur part de marché en vertu de la clause concernant le contenu des véhicules.

  (1905)  

    N'oublions pas que nous n'attirons pas les occasions d'affaires en imposant des mesures protectionnistes. Nous gagnons des contrats grâce à l’innovation et à l’efficacité. Voilà sur quoi nous devrions tous nous concentrer pour éliminer les obstacles à la croissance.
    Des 61 usines de Linamar, celles du Canada sont les plus productives au monde. Nous avons ici l'équipe la plus talentueuse et la productivité la plus croissante, qui a d'ailleurs augmenté de 34 % au cours des six dernières années. Nos installations visent à l'améliorer continuellement.
    Nous pouvons faire concurrence à n’importe quel pays par nos produits, notre innovation et l’efficacité de nos procédés. Ces dernières années, nous avons investi des milliards de dollars dans nos usines canadiennes pour exécuter de nouveaux contrats, dont la presque totalité des produits, soit dit en passant, est expédiée aux États-Unis. Il est critique que le nouvel accord de l’ALENA soit ratifié pour que nos produits demeurent concurrentiels.
    Enfin, je voulais souligner l'importance d'agir au bon moment. Les États-Unis et le Mexique ont déjà pris des mesures pour ratifier l’accord dans leurs assemblées législatives respectives. Il est bien sûr important de bien comprendre l’accord et de le vérifier. Je suis heureuse que vous l'ayez fait, et je vous encourage à le faire. Il serait cependant risqué de prendre un retard excessif ou inutile ou de tenter de réécrire quelque chose qui, à mon avis, a été examiné aussi consciencieusement que possible.
    Les chefs d’entreprise de toute l’Amérique du Nord appuient la ratification rapide de l’accord — j’en ai parlé à un grand nombre d'entre eux — afin d'éliminer tous les droits de douane en Amérique du Nord, de rendre l’économie encore plus dynamique et concurrentielle, de stimuler l’investissement et, bien sûr, de soutenir la création d’emplois.
    Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à votre comité. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1910)  

    Merci beaucoup.
     Monsieur Young, de Woodtone Industries.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité et membres du personnel, je vous remercie de m'offrir cette occasion de vous parler du projet de loi C-4, du bois d’œuvre et de la société Woodtone. J'ai observé quelques points communs entre les exposés de ce soir.
    Je m’appelle Kevin Young et je suis président-directeur général de Woodtone Industries, une entreprise familiale qui gère ses installations à Chilliwack et à Armstrong, en Colombie-Britannique ainsi qu'à Everett,Washington. Notre société compte plus de 300 employés, et sa culture repose sur l'excellence et l'intégrité depuis 40 ans.
    La société Woodtone croit fermement que tout le monde devrait vivre dans une maison de grand style extrêmement durable sans pour autant nuire à l’environnement. Nos équipes conçoivent, fabriquent et commercialisent les produits de construction finis de Woodtone pour l’intérieur et l’extérieur des maisons. Notre famille Woodtone est fière d’offrir partout dans le monde des produits de construction finis de la plus grande qualité.
    Nous ne coupons pas d’arbres et ne produisons pas de 2x4, mais nous respectons et apprécions les producteurs primaires qui le font. La société Woodtone se spécialise dans la construction de produits de bois finis de grande valeur. Nos produits sont uniques en ce sens qu’ils n’ont pas de timbres de qualité et qu’ils ne sont pas destinés à la construction de structures. Tous nos produits sont préfinis — recouverts d'une teinture ou de peinture — et prêts à être installés dans les maisons nouvellement construites.
    Bien que nous vendions nos produits partout dans le monde, les États-Unis et le Canada demeurent nos principaux marchés. Nous respectons et appuyons les efforts que les gouvernements feront pour régler le différend sur le bois d’œuvre résineux après la conclusion de l’ACEUM.
    L’effet asymétrique du conflit du bois d’œuvre a été particulièrement dévastateur pour le secteur à valeur ajoutée et pour les travailleurs du Canada. Comme bien d’autres entreprises, la société Woodtone a dû prendre des décisions difficiles. Nous avons dû notamment réinstaller notre technologie, nos connaissances en transformation et certains emplois dans le Sud. En janvier 2018, nous avons annoncé le transfert de 20 emplois directs et de plus de 1 million de dollars en technologie de notre exploitation canadienne à notre installation d’Everett, dans l’État de Washington.
    Les producteurs primaires ont bénéficié d’une demande soutenue et de prix record pendant le différend, mais pas les transformateurs de la chaîne de valeur. Nous avons perdu des contrats d'exportation et des emplois. Cette dynamique se poursuit encore aujourd'hui. Nous sommes convaincus que jusqu’à 120 emplois directs et indirects dans le domaine des transports et dans d’autres domaines de nos fournisseurs en subissent aussi les retombées. Nous tenons à corriger cela avant qu’il ne soit trop tard. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.
    Nous ne voulons pas perdre l’occasion de rapatrier une partie des emplois de la fabrication de produits finis que le différend sur le bois d’œuvre ne touche pas. Nos produits échappent à la portée du différend sur le bois d’œuvre. Il est facile de les différencier à la frontière quand nous les exportons. Il nous faudrait à la frontière une solution qui satisfasse les autorités et qui soit facile à appliquer et à administrer pendant de nombreuses années à venir.
     Cela nous amène au projet de loi C-4. Nous appuyons le désir du Comité d'amender ce projet de loi pour créer un mécanisme d’étude des exportations de produits finis hors du cadre du différend. Plus précisément, nous demandons qu'un groupe d’experts examine les produits finis du bois conformément aux transactions commerciales antérieures entre le Canada et les États-Unis. À notre avis, il serait possible de le faire en amendant la référence au bois d’œuvre dans le projet de loi C-4. Les autorités américaines verront alors qu'il est possible d'appliquer et d'administrer le libellé sur la portée et de réduire les contournements.
    Parmi les résultats positifs de cet amendement, mentionnons la possibilité de relier les codes 4407 et 4409, ce qui aiderait les agents frontaliers locaux à traiter nos exportations avec confiance. Cette mesure serait similaire à celle que l'on a appliquée aux fabricants américains de contreplaqué pour les réintégrer dans l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.
    En votant à la majorité simple au cours de leur étude article par article, les membres du Comité pourront créer un examen indépendant en adoptant un amendement. Je ne demande pas au Comité d'autoriser la renégociation de l’ALENA ou du nouvel ACEUM. Il ne serait pas judicieux de rouvrir les négociations avec le Mexique ou les États-Unis. L’amélioration des dispositions du projet de loi C-4 sur le bois d’œuvre ne modifiera aucunement l’Accord. On peut adopter ou rejeter l’Accord, mais il est possible d'améliorer le projet de loi uniquement dans ce domaine.

  (1915)  

    Nous désirons aider les membres du Comité à rédiger le libellé de cet amendement. Nous encourageons les membres du Comité à agir avec confiance, en s’appuyant sur les précédents et sur une politique publique saine dans l’intérêt du public. Notre approche est axée sur la collaboration et elle est réalisable. La société Woodtone ne sera pas seule à en bénéficier. D'autres entreprises de la Colombie-Britannique, du Québec et des provinces maritimes en profiteront également.
    Cette approche de la société Woodtone ne réglera pas le différend sur le bois d’œuvre, mais elle vise à sauver un secteur d'exportation qui ne devrait pas être assujetti au différend. Nous désirons prendre les mesures nécessaires pour répondre à ces préoccupations. Notre suggestion n'aura aucune incidence sur le Mexique. Elle ne concerne que les points d’entrée frontaliers locaux et elle aiderait les autorités locales à traiter nos produits finis.
    Nous remercions les membres du Comité de collaborer et d'avoir pris des initiatives positives pour que le projet de loi C-4 améliore les accords et les arrangements commerciaux que le Canada conclura à l'avenir.
    Nous remercions nos députés locaux et tous les membres du Comité de nous avoir invités à exprimer notre opinion. Ensemble, nous avons maintenant l'occasion d'améliorer le projet de loi C-4 et le commerce transfrontalier des produits finis qui ne sont pas contestés dans le cadre du différend.
    Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions et à entendre vos commentaires. Je souhaite au Comité beaucoup de succès et de sagesse dans ses travaux à venir.
    Merci beaucoup, monsieur Young.
    Nous passons maintenant à Michael Beck, directeur de l'exploitation de Capacity Forest Management.
    Je m'appelle Mike Beck et je planifie les opérations chez Capacity Forest Management. Nous avons fait affaire avec plus d'une vingtaine de clients chez les Premières Nations de la Colombie-Britannique. Nous aidons à obtenir des droits d'exploitation forestière en négociant de gouvernement à gouvernement, ainsi qu'avec des titulaires de permis. Nous avons aussi joué un rôle clé dans deux ententes de fondation qui ont été conclues en Colombie-Britannique, avec la bande shíshálh et la nation de Lake Babine.
    J'ai été invité à discuter des conséquences du différend sur le bois d'œuvre et des problèmes qu'il cause aux entreprises des Premières Nations et à leurs collaborations avec des titulaires de permis d'exploitation, des entreprises forestières et des scieries de la Colombie-Britannique.
    Comme vous le savez, quelques personnes ont déjà fait remarquer que l'accord sur le bois d'œuvre résineux est une question qui traîne depuis longtemps entre le Canada et les États-Unis. Essentiellement, il est échu depuis 2015. Le gouvernement actuel n'a pas semblé y accorder une grande importance dans les négociations et la ratification de l'accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Les litiges entourant la concurrence entre le Canada et les États-Unis sont un problème majeur découlant de deux visions différentes des principes de gestion forestière.
    Le conflit tient au fait que l'industrie américaine du bois d'œuvre s'oppose à la faiblesse des droits de coupe et des coûts de transport qu'on paye au Canada, ce qu'elle considère comme un avantage injuste équivalant à une subvention de notre industrie du bois d'œuvre. Les États-Unis imposent des droits et des tarifs au Canada depuis le début des années 1900, et le conflit n'est pas près de disparaître.
    Les principes de gestion forestière au Canada sont très différents, et ce n'est pas une mince affaire que de les comparer à ceux des États-Unis, comme en témoigne l'imposante littérature à ce sujet. Pour que le secteur canadien du bois d'œuvre soit prospère, il faut de la certitude et des prix équitables sur le marché. C'est pourquoi le gouvernement canadien doit mettre l'accord sur le bois d'œuvre à l'avant-plan et conclure une entente à long terme qui évite les mesures protectionnistes de part et d'autre de la frontière.
    Les grumes et le bois d'œuvre canadiens ont besoin d'un accès libre aux marchés mondiaux pour obtenir le meilleur prix possible. Les mesures protectionnistes en jeu ici imposent des coûts inutiles aux scieries canadiennes, et ces coûts sont refilés aux vendeurs de grumes, ce qui fait baisser les prix des grumes au pays. En vertu de décisions judiciaires et d'accords de réconciliation conclus récemment, les peuples autochtones sont maîtres des ressources forestières en territoire non cédé. Le gouvernement fédéral doit élaborer des politiques qui assureront le succès et la viabilité de l'industrie forestière et la création d'emplois intéressants à long terme, y compris dans les entreprises autochtones.
    Les droits compensateurs et les tarifs imposés par les États-Unis ont empêché d'obtenir le meilleur prix possible pour les grumes, ce qui s'est répercuté sur les marges de profit des entreprises autochtones qui vendent aux scieries canadiennes. Il est nécessaire de procéder à des réformes majeures et d'éliminer les restrictions sur les exportations de grumes pour dissiper l'incertitude dans l'industrie forestière canadienne et permettre d'obtenir le meilleur rendement et les meilleurs prix possible pour notre ressource renouvelable.
    Il faut éliminer les droits et les tarifs et ratifier un accord à long terme sur le bois d'œuvre si on veut une industrie forestière saine, durable et stable au Canada. Les répercussions sur les entreprises autochtones sont un autre élément crucial à considérer. Elles sont néfastes pour elles, ainsi que pour les ententes et les collaborations qu'elles ont avec des partenaires dans l'industrie.
    Le Canada doit contester et modifier la Loi sur les licences d'exportation et d'importation qui ratifierait l'accord sur le bois d'œuvre, car elle est lourde de conséquences. Les droits compensateurs et les tarifs actuels des États-Unis pèsent dans la réussite économique de l'industrie forestière canadienne, et dans celle des entreprises autochtones qui vendent leurs grumes à des scieries locales au Canada.
    Certaines bandes des Premières Nations du Canada, dans le cadre du processus de réconciliation qui donne lieu par exemple aux ententes de fondation, obtiennent le droit d'exploiter le bois d'œuvre de la Couronne en territoire non cédé. Ces débouchés forestiers, ces droits et ces permis d'exploitation leur procurent des avantages économiques et de la stabilité, des possibilités d'emploi et de formation à long terme, sans parler de futurs investissements dans des entreprises autochtones. Les droits et les tarifs imposés actuellement ont pour conséquence que les scieries locales au Canada fondent leurs prix d'achat des grumes sur les marchés actuels du produit, mais elles tiennent compte du pourcentage des tarifs et des droits si bien que les scieries se trouvent à payer pour réduire les prix des grumes, ce qui nuit aux entreprises et aux projets des Premières Nations.
    De plus, les droits compensateurs et les tarifs imposés par les États-Unis influent sur le bilan financier des entreprises des Premières Nations, qui cherchent à tirer le meilleur avantage économique des ressources forestières sur leur territoire non cédé.

  (1920)  

     À l'heure actuelle, avec les économies d'échelle qui se trouvent en amont chez les vendeurs de grumes, les Premières Nations sont doublement touchées puisque leurs entreprises ne recevront des États-Unis aucun remboursement de leurs dépôts une fois qu'un différend aura été réglé, vu que ces coûts-là sont généralement pris en compte dans les ententes sur le prix d'achat des grumes à la scierie locale dès le début des projets.
    Enfin, je reviens au mandat du gouvernement actuel, dont l'une des grandes priorités est la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada, et à sa volonté de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par des lois et des politiques fédérales qui permettront aux Premières Nations de répondre à leurs besoins de développement économique, social et culturel. Étant donné que le gouvernement n'a rien fait pour régler l'accord sur le bois d'œuvre résineux, qui est échu depuis longtemps, cela ne paraît guère important pour les entreprises forestières des Premières Nations et l'industrie forestière canadienne. Encore une fois, il faut ratifier l'ALENA, le projet de loi C-4, en ce qui concerne l'accord de longue date sur le bois d'œuvre, pour éliminer les tarifs et les droits, sans quoi les conséquences et les restrictions seront lourdes pour les entreprises forestières des Premières Nations.
    Pour ce qui est des répercussions que nous observons actuellement avec l'accord sur le bois d'œuvre résineux, certaines entreprises forestières des Premières Nations ont du mal à prospérer durablement. De plus, leurs ententes et leurs collaborations avec d'autres partenaires de l'industrie forestière canadienne créent des problèmes qui finissent par se répercuter sur les gains économiques des nations et des bandes. La baisse des prix sur le marché du bois d'œuvre, les droits et les tarifs imposés, qui forcent des scieries à fermer ou à réduire leur activité, créent également des problèmes autour des nations et des territoires. Nous voyons aussi de grands exploitants établir plus de scieries aux États-Unis qu'au Canada, à cause des droits et des taxes supplémentaires, afin d'être compétitifs dans le marché et de compenser leur dépendance à l'égard de l'approvisionnement local en grumes canadiennes. Ces déménagements font qu'il y a moins d'emplois bien rémunérés pour les Canadiens, comme pour les membres des Premières Nations, et moins de concurrence sur le prix des grumes pour les vendre à des prix inférieurs, ou mieux, avec ces fermetures de scieries.
    En terminant, je veux m'assurer que l'accord sur le bois d'œuvre résineux reste au sommet des priorités du gouvernement canadien et qu'il sera ratifié de telle manière que les entreprises autochtones pourront demeurer compétitives et ne seront plus pénalisées par les droits et les tarifs déloyaux et injustes des États-Unis sur le bois d'œuvre.
    Nous avons besoin que le gouvernement canadien défende nos systèmes de gestion forestière, qu'il conteste la prétendue subvention et qu'il supprime les tarifs et les droits compensateurs, puisque le bois est utilisé dans un large éventail de secteurs et n'est pas considéré comme un objet de subvention en vertu de la loi américaine. De plus, les mesures des États-Unis sont motivées par le protectionnisme plutôt que par des pratiques déloyales de gestion et de décision en matière de droits de coupe.
    Il sera crucial que le gouvernement, les entreprises forestières des Premières Nations et l'industrie forestière canadienne discutent de manière constructive et s'engagent à une ratification équitable de l'accord sur le bois d'œuvre résineux pour assurer la viabilité et la prospérité de la foresterie autochtone en particulier et canadienne en général.
    Voilà tout ce que j'ai à dire. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

  (1925)  

    Merci beaucoup, monsieur Beck.
    Nous allons passer à M. Waugh.
    C'est bon pour vous alors?
    M. Leblond est ici à titre personnel.
    Avez-vous une déclaration préliminaire à faire, monsieur?
     Oui. Merci, madame la présidente.
    Je vais m'exprimer en français, mais je prendrai volontiers vos questions en anglais.

[Français]

     Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous ce soir. D'abord, j'aimerais souligner que je suis ici à titre personnel. Mes commentaires et mes réponses n'engagent donc aucunement les organisations auxquelles je suis affilié.
    Je crois qu'il est primordial que l'Accord entre en vigueur le plus tôt possible, comme on l'a déjà mentionné, non pas parce qu'il s'agit d'un accord supérieur à l'ALENA, au contraire — à ce sujet, je vous recommande de consulter l'analyse effectuée par M. Dan Ciuriak pour l'Institut CD Howe —, mais parce qu'il faut éviter tout retour à l'incertitude qui a plané sur les négociations. Devant un refus par le Canada de mettre en vigueur l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, le président américain mettrait fort probablement à exécution sa menace de retirer les États-Unis de l'ALENA.
    Même si cette décision de la Maison-Blanche se retrouvait devant les tribunaux, un tel scénario aurait un effet très négatif sur l'ensemble de l'économie nord-américaine, notamment sur l'économie canadienne, puisque des investissements seraient retardés ou tout simplement déplacés vers les États-Unis. En effet, les entreprises se tourneraient vers les États-Unis en se disant que c'est le marché le plus important. De plus, les coûts de plusieurs transactions commerciales entre le Canada et les États-Unis pourraient augmenter afin de compenser le risque associé à la fin possible de l'ALENA. Il faut donc éviter ce scénario à tout prix.
    L'ACEUM n'est certainement pas parfait. Je suis certain que vous avez entendu plusieurs critiques de cet accord. Pendant le temps qu'il me reste, j'aimerais mettre l'accent sur deux éléments, dont un qui a déjà été mentionné par M. Bob Fay. J'aimerais cependant aborder ce sujet de façon un peu plus détaillée.
    Les engagements pris par le gouvernement canadien dans le cadre du chapitre 19, qui traite du commerce numérique, pourraient à l'avenir imposer des contraintes quant à la réglementation nationale que les gouvernements fédéral et provinciaux désireraient mettre en vigueur pour régir le flux des données entre le Canada et les États-Unis ainsi que l'espace numérique au Canada. J'aborde ce sujet en détail dans un document publié en octobre 2019 par le Centre for International Governance Innovation, où je suis agrégé supérieur.
    Par exemple, les entreprises américaines ou mexicaines , mais surtout américaines, pourraient faire pression sur le gouvernement américain pour qu'un différend soit déclenché au sujet d'un règlement imposant la localisation des données dans le secteur privé pour des raisons de protection de la vie privée ou de sécurité nationale. C'est là que se situe l'enjeu. Dans l'Accord, il y a une exception. On parle ici d'objectif légitime de politique publique. Or personne ne sait ce que cela veut dire. Ultimement, s'il y avait un différend entre le Canada et les États-Unis, par exemple sur la localisation des données, ce serait un groupe d'arbitres qui serait appelé à gérer ce différend. Il devrait déterminer ce qu'est un objectif légitime dans le cadre des politiques publiques canadiennes.
    La question est donc de savoir si nous voulons laisser des arbitres non élus, technocrates — même si ce fut établi par les deux parties — décider ce que le Canada peut faire ou ne pas faire. Il en va de même en ce qui a trait à l'article 19.7, selon lequel les fournisseurs de services informatiques ne peuvent pas être tenus responsables du contenu de leur plateforme. On reprend ici l'immunité qui se trouve dans l'article 230 du Communications Decency Act de 1996 des États-Unis.
    L'exception générale de l'OMC s'applique dans ce cas-ci, par exemple pour défendre la moralité publique. Le gouvernement canadien pourrait donc décider, pour des questions de moralité publique, d'établir des mesures pour rendre les entreprises comme Facebook qui transmettent du contenu responsables de ce dernier. Cela dit, Facebook pourrait faire appel au gouvernement américain, en invoquant précisément l'article 19.7, et dire qu'il s'agit de discrimination à son égard. En vertu de l'ACEUM, le Canada ne devrait donc pas appliquer une telle mesure. Bien sûr, cela aurait comme effet de créer un environnement plus contraignant pour les entreprises canadiennes, mais moins contraignant pour les entreprises américaines.
    La recommandation que j'aimerais faire à ce comité est la suivante: le gouvernement et ses partenaires devraient définir de façon détaillée ce qu'est un objectif légitime de politique publique, dans le contexte de l'Accord, pour que les entreprises aient davantage de certitude quant à la réglementation et à l'avenir, surtout en ce qui concerne les flux de données.

  (1930)  

     Enfin, il ne faut pas oublier que l'ACEUM possède une date d'expiration, soit 16 ans après son entrée en vigueur. Après six ans, l'Accord pourra être revu par les parties. Cependant, pour des entreprises qui font des investissements sur un horizon de plus de 15 ans, cette incertitude quant à l'existence de l'Accord pour une partie importante de la durée de vie de leurs projets d'investissement pourrait les amener à décider d'investir aux États-Unis plutôt qu'au Canada.
    Si on veut investir des dizaines ou des centaines de millions de dollars au cours des 20 ou 25 prochaines années et qu'on a le choix de le faire au Canada ou aux États-Unis, mais qu'on ne sait pas quel accord va s'appliquer dans 10 ou 15 ans, on pourrait décider d'investir aux États-Unis. Cela veut dire des investissements et des emplois perdus au Canada.
    En conséquence, le plus tôt les parties pourront donner une durée indéterminée à l'ACEUM, le mieux ce sera pour le Canada.
    Je vous remercie. Je serai heureux de répondre à vos questions, en français ou en anglais.

[Traduction]

     Merci beaucoup. Nous allons passer à nos membres.
     Monsieur Lewis.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup aux témoins d'être venus ce soir. C'est vraiment bon d'avoir des témoins pour parler du bois d'œuvre ce soir. Mieux vaut tard que jamais, un peu comme dans le cas de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique lui-même. Mieux vaut tard que jamais.
     Comme ce rapport que nous avons obtenu peu après le coup de midi aujourd'hui. Je l'ai parcouru, et je remarque dans le tout premier paragraphe de la page 2 qu'on parle d'une réduction de la bureaucratie à la frontière. Excellent.
     Je passe maintenant à la page 5 — je n'ai pas pu aller plus loin parce que l'ai reçu peu après midi aujourd'hui — où on peut lire:
Toutefois, les gains seront partiellement contrebalancés par un nouvel accès aux marchés des secteurs canadiens soumis à la gestion de l'offre et par des règles d'origine plus strictes pour les automobiles et les pièces d'automobiles qui feront probablement augmenter la production de pièces en Amérique du Nord, mais aussi grimper les coûts de production. En particulier, la mise en œuvre de l'ACEUM dans sa forme finale...
    Ma première question s'adresse à Mme Hasenfratz. Vous avez parlé d'un va-et-vient des pièces d'automobiles à travers la frontière, n'est-ce pas? On imagine donc que ce devrait être beaucoup plus fluide. Or, le rapport de l'Institut C.D. Howe laisse plutôt entendre qu'il y aura un resserrement des contrôles frontaliers.
     Nous savons bien que le gouvernement n'a pas consacré plus de temps, d'efforts ou d'argent à l'ASFC, qui sera pourtant chargée de surveiller ce va-et-vient et d'appliquer les tarifs.
     Ma question est double. Premièrement, est-ce qu'on craint dans le secteur des pièces d'automobiles qu'il y ait un problème à la frontière? Deuxièmement, l'industrie automobile aimerait beaucoup que l'ACEUM soit reporté à janvier 2021 en ce qui la concerne. Avez-vous la même ambition?
    Personnellement, je ne crains pas qu'il y ait du retard à la frontière. Je pense que lorsqu'une nouvelle situation se présente, il peut y avoir un peu de flottement et il faut un certain temps pour la prendre à bras-le-corps. Il y aura peut-être un problème, mais moi je n'y vois pas de risque majeur et mon équipe non plus.
     Pour ce qui est de reporter la mise en œuvre de l'Accord, je pense qu'on cherche surtout à mieux comprendre le fonctionnement de certaines règles. Il y a des détails qui ne sont pas clairs et c'est pourquoi on a parlé de reporter la mise en œuvre, juste pour s'assurer que tout le monde sait parfaitement comment les calculs fonctionnent, ce genre de choses.
    Merci beaucoup, madame Hasenfratz.
    C'est ainsi que je le comprends.
    Très bien. Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Young. J'ai écouté attentivement votre discours d'ouverture, qui était très intéressant.
    Quelle a été l'incidence du conflit du bois d'œuvre sur vos activités? Vous parlez de choix difficiles. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, ainsi que de l'incidence asymétrique du conflit sur vos activités et votre personnel?
    Je vous remercie de votre question.
    Il est évidemment très difficile de faire des choix lorsque vous avez 300 familles qui travaillent avec vous et que vous devez en laisser partir quelques-unes pour les embaucher ailleurs. Nous sommes une entreprise établie au Canada et, dans un monde idéal, nous aimerions voir plus de bois canadien transformé au Canada. Le problème que nous avons constaté, c'est que l'incidence des droits de douane est très asymétrique selon qu'on est un petit producteur indépendant ou un fournisseur de matières premières.
    À titre d'exemple, un fournisseur produit des 2x4 et les expédie aux États-Unis. Il paye des droits là-dessus. L'asymétrie, c'est que plus le bois est cher, plus mon intrant est cher. Cela devient mon coût. Par conséquent, plus j'ajoute de la valeur au Canada, plus élevés sont les droits que nous payons. Nous avons fait quelques calculs rapides. Nous payons environ trois fois le montant des droits pour chaque pied-planche de produit fini qui traverse la frontière.

  (1935)  

     Merci.
    Avez-vous un libellé à proposer pour un amendement — je crois que c'est ce dont vous parliez — et en quoi un amendement serait-il utile au juste?
    La réponse courte est oui, nous avons un libellé d'amendement, et nous l'avons d'ailleurs remis au Comité.
    Lorsque nous nous sommes adressés au département du Commerce en 2017, on nous a dit qu'il y avait deux sujets de préoccupation, l'identification et le contournement. On nous a suggéré de demander de l'aide au gouvernement du Canada. Si le gouvernement du Canada en faisait la demande au département du Commerce, alors nous pourrions aller de l'avant avec l'étude.
    Il s'agit simplement de revenir à ce qui se faisait avant et de se dire, bon, d'accord, voyons ce que... Cela remonte en fait à 1988, avec le contreplaqué. Tout ce qu'on a fait à l'époque, c'est jeter un coup d'œil. Les deux côtés de la frontière fabriquaient du contreplaqué, et on s'est penché là-dessus. On s'est échangé des lettres. L'amendement a permis de retirer le contreplaqué du différend sur le bois d'œuvre et de l'intégrer à l'accord de libre-échange, et c'est ainsi qu'il a pu être exempté des droits.
    L'amendement vise à dissiper les préoccupations du département du Commerce, à savoir si le Canada peut demander et fournir une étude sur les produits finis du bois. Il y a toutes sortes de fabricants au Canada. Il s'agit d'examiner leurs produits et de les décrire de façon à dissiper les préoccupations du département du Commerce.
    Merci beaucoup, monsieur Young.
    Monsieur Arya.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Fay, je suis très heureux que vous soyez venu nous parler de l'économie des données. Nous avons eu l'ALENA pendant longtemps. Nous avons maintenant ce nouvel accord, l'ACEUM, mais cela ne va pas tout bouleverser. C'est un bon accord, qui apporte une certaine stabilité à l'économie canadienne.
    Regardez ce qui s'est passé dans le domaine du commerce au cours des 8 ou 10 dernières années. Je crois qu'en 2011, nos exportations vers les États-Unis se chiffraient à quelque 315 milliards de dollars. L'an dernier, c'était 320 ou 324 milliards. Il y a une dizaine d'années, nos importations s'élevaient à environ 280 milliards de dollars. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'à 290 milliards.
    Cet accord est important. Il apporte de la stabilité à une bonne partie de l'économie, mais il n'aborde pas l'économie de l'avenir. Nous avons des industries sidérurgiques. Elles produisaient 16 millions de tonnes il y a 20 ans. Elles produisent à peu près la même chose aujourd'hui, 15 millions de tonnes. L'industrie de l'aluminium n'a pas vu augmenter sa capacité de stockage au cours des 15 dernières années.
    Essentiellement, c'est un bon accord, qui apporte de la stabilité. Cependant, il ne parle pas de l'avenir et de la direction que prend l'économie mondiale, c'est-à-dire qu'on s'en va vers une économie du savoir. Personne ici n'a parlé des logiciels qui guideront les véhicules autonomes. Personne n'a parlé de robotique. Personne n'a parlé de l'intelligence artificielle et de ses répercussions non seulement sur les entreprises canadiennes, non seulement sur l'économie, mais sur la société canadienne elle-même.
    Je suis heureux que vous ayez abordé le sujet. Comme vous l'avez souligné — et comme dans cet accord —, cela fait six ans qu'on attend notre négociateur. Nous sommes tous des décideurs. Nous sommes mieux à même de comprendre les répercussions de ces choses, de sorte que lorsque l'examen aura lieu dans six ans, nous pourrons les examiner plus attentivement.
    De toute évidence, les industries en place font beaucoup de lobbying, ce qui retient l'attention des législateurs, des décideurs, des négociateurs. Toutefois, ce délai de six ans nous donnera, espérons-le, la marge de manœuvre nécessaire pour examiner les autres aspects qui n'ont pas été pris en considération.
    Vous avez parlé de l'investissement direct étranger. Bien des gens ne savent pas que les deux tiers ou environ 65 % du commerce canadien est attribuable à des entreprises qui appartiennent à des investisseurs étrangers, des entreprises étrangères. Leur investissement direct joue un rôle très important dans l'économie canadienne et le commerce canadien. Elles contrôlent 65 % du commerce.
    Vous avez parlé du besoin de nouvelles règles internationales pour encadrer l'investissement direct étranger et la propriété intellectuelle. Laissons faire pour l'instant la propriété intellectuelle. Je sais que c'est une grosse affaire, une très, très grosse affaire. C'est notre prochaine ressource naturelle. C'est même la seule chose qui puisse remplacer les ressources naturelles.
    Pouvez-vous nous parler brièvement du changement fondamental que vous souhaitez voir sur la scène internationale en ce qui concerne l'investissement direct étranger?

  (1940)  

    Je vous remercie de votre question. J'ai écouté la conversation.
     Juste pour enchérir sur ce que vous avez dit, nous avons entendu le point de vue de l'industrie du bois d'œuvre. Nos ressources naturelles sont un important facteur de production dans notre économie, et nous avons besoin d'un accord commercial pour protéger ces secteurs et les aider à prospérer.
    Les données sont un facteur de production. Ce sont elles qui, avec l'analytique, détermineront la croissance à l'avenir.
    En ce qui concerne l'investissement direct étranger, je pense qu'il faut nous demander si nous allons laisser les multinationales qui dominent l'industrie des données mettre la main sur des entreprises innovatrices canadiennes ou s'il devrait y avoir un examen.
    Proposez-vous que nous contrôlions l'investissement direct étranger?
    Ce que je dis, c'est que nous devons réexaminer la façon dont les investissements multinationaux se font dans des secteurs clés de l'économie canadienne. Je ne dis pas que nous devrions les restreindre ou imposer de nouvelles règles. Je pense que nous devons examiner la situation et voir ce qui se passe exactement sur le terrain. Par exemple, Google affiche sur son site Web la liste des entreprises cotées en bourse qu'elle achète, mais il y a tout un secteur florissant de PME où des mainmises se produisent.
    Il y a beaucoup de nouvelles industries de technologie à Ottawa. Ottawa possède la plus grande grappe d'industries de haute technologie, des entreprises familiales pour la plupart. La région de la capitale nationale compte plus de 1 700 entreprises du savoir; personne ne semble le comprendre.
    Mais lorsqu'il y a quelque chose d'excitant ou de vendable...
    Faites un bref commentaire ou posez une question.
    ... elles changent de main. Oui, vous avez raison. Nous devrions nous pencher là-dessus.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Savard-Tremblay.

[Français]

     Je remercie l'ensemble des témoins de leurs commentaires très diversifiés. Plusieurs sont du même domaine, mais beaucoup ne le sont pas. Cette étude est donc très intéressante depuis le tout début.
    Je vous poserai sans doute ma première question, monsieur Leblond. À un certain moment, vous avez dit que l'ALENA serait supérieur à l'ACEUM. Je serais curieux de savoir pourquoi.
     En effet, la plupart des intervenants qu'on a entendus, mis à part ceux issus du secteur agricole, nous disaient surtout que, dans le pire des cas, c'était le statu quo ou, souvent, des insuffisances. Toutefois, on avait rarement des témoignages de recul, sauf dans le cas de ceux du domaine agricole.
     Je serais curieux de savoir à quel point vous voyez un certain déclin de la qualité dans l'ACEUM par rapport à l'ALENA.
     Je vous remercie de votre question.
    Ce n'est pas nécessairement un déclin ou une moins bonne qualité. Je me fie à des études faites par des économistes qui essaient de voir quelles seraient les conséquences sur le PIB, par exemple, pour l'ensemble de l'économie. Bien sûr, il y a toujours une marge d'erreur importante.
    L'étude la plus récente effectuée justement par M. Ciuriak pour l'Institut C.D. Howe démontre que, dans l'ensemble, il y aurait peut-être une baisse très minime. Cependant, dans d'autres accords, on s'attendait à un effet positif sur le PIB. Même la United States International Trade Commission, à Washington, est arrivée à la conclusion que, dans l'ensemble, le nouvel Accord aurait peu d'effet ou que, en tout cas, il serait minime. Elle avait d'ailleurs estimé que l'effet positif viendrait surtout de la réduction de l'incertitude par rapport au nouvel Accord.
    Sur le plan de la qualité, les Accords sont donc comparables. En effet, il y a certains éléments de modernisation, par exemple, dans le chapitre sur le commerce numérique. Par contre, comme je l'ai indiqué, ce chapitre est problématique relativement aux engagements que le Canada a pris par rapport à la réglementation des données de la sphère numérique qu'on aimerait faire ici. On sait que, dans le secteur agricole, certains ne sont pas contents.
    Ma référence était plutôt les analyses qui ont été faites. Toutefois, il semble clair qu'on ne fait pas un gain significatif. Dans l'ensemble, c'est un peu un statu quo.

  (1945)  

    Justement, les agriculteurs nous disaient qu'il y avait un recul, mais qu'il y avait un moyen de compenser. Par rapport au commerce numérique, y a-t-il moyen de compenser?
    Comme je l'ai expliqué, l'enjeu est surtout lié à la réglementation. Si l'on veut protéger les Canadiens de mauvais contenus ou d'éléments mis sur les plateformes numériques et qu'on décide d'aller de l'avant, les plateformes américaines peuvent dire qu'on ne peut pas le faire, parce que, justement dans l'Accord que nous avons signé avec eux, nous nous sommes engagés à ne pas les rendre responsables, alors que les entreprises canadiennes, elles, le sont.
    C'est aussi l'enjeu au sujet de Netflix et des taxes. Cette dernière ne paie pas la TPS, alors que les entreprises d'ici se plaignent en disant que leurs services sont taxés. Cela crée un environnement où la concurrence n'est pas nécessairement loyale. Aussi, cela nous interroge sur ce que nous voulons faire en tant que société et comme gouvernement pour protéger nos entreprises, les Canadiens et la sécurité nationale, entre autres.
    De plus, il y a un flou. C'est ce que je disais dans mes remarques. Effectivement, l'Accord dit qu'on peut faire exception pour des objectifs légitimes de politique publique.
    Toutefois, qu'est-ce que cela veut dire en pratique? Où est la limite? Idéalement, il faudrait essayer de le circonscrire, et l'Accord ne le fait pas, selon moi.
     On pourrait se retrouver avec des surprises dans quelques années, si on voulait justement resserrer les contrôles et la réglementation autour de la sphère numérique.
     Vous dites surtout qu'il y a un flou plutôt qu'une règle qui irait franchement à l'encontre de notre intérêt, quelque chose de vague.
    Il existe une institution qui s'appelle la Commission du libre-échange de l'ALENA, qui permet d'apporter des précisions et de faire une interprétation par la suite. Cela pourrait être éventuellement une voie à suivre. N'hésitez pas, autant que possible, à nous formuler des recommandations. Nous allons suivre cela avec un grand intérêt.
    Je vous remercie.
    Combien de temps me reste-t-il?

[Traduction]

     Il vous reste 45 secondes.

[Français]

    J'aurais voulu poser une question à tous ceux qui œuvrent dans le domaine du bois d'œuvre.
    Comme vous le savez sans doute, au Québec, le prix est fixé par le marché, ou plus précisément par un système de vente aux enchères. Ce régime n'est pas reconnu dans les accords, ce qui fait qu'en cas de différend commercial avec le gouvernement américain, on considère tout simplement l'ensemble du portrait canadien.
    Pensez-vous qu'il serait possible et utile de reconnaître formellement la distinction québécoise?

[Traduction]

    Je vais devoir vous demander d'essayer de trouver une autre façon de répondre à notre collègue, car son temps est écoulé.
    Je dois donner la parole à M. Blaikie.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Leblanc, il y a quelques années, nous avons eu un débat sur Cambridge Analytica. Certains parmi nous pensaient que le gouvernement devait adopter une approche plus législative.
    Si je comprends bien, vous pensez que cela ne serait plus possible en vertu de cette nouvelle entente.
     Ce n'est pas que cela ne serait pas possible, mais je me pose une question, et je ne suis pas le seul. Les Facebook et Google de ce monde offrent du contenu, mais pour l'instant, aux États-Unis et en vertu de notre accord, ils ont l'immunité. Ils ne peuvent pas être poursuivis. Ils font de l'autoréglementation, d'une certaine manière. La question qui se pose est la suivante: est-ce que nous devons réglementer le contenu qui se trouve sur ces plateformes? Cela se discute.
    Si, au Canada, à cause de Cambridge Analytica ou de la mauvaise information, nous rendions ces plateformes responsables de leur contenu, elles pourraient dire que notre réglementation ne s'applique pas à elles en invoquant une clause de l'Accord qui dit qu'elles n'en sont pas responsables. Il est important de rappeler que, dans le cas de Cambridge Analytica, c'est Facebook qui avait vendu des données alors qu'il n'aurait peut-être pas dû le faire. Dans cette éventualité, le Canada invoquerait l'exception prévue pour un objectif légitime de politique publique, mais est-ce qu'elle serait reconnue en cas de différend?
    Pour l'instant, nous n'avons pas de réponse à cela, mais, voulons-nous laisser, ultimement, un groupe de trois arbitres décider d'une question aussi importante pour l'avenir de l'économie et du pays?

  (1950)  

    Est-ce que les dispositions concernant la localisation des données rendent cela plus difficile de réglementer la vente de données lorsque celles-ci se trouvent dans un lieu où nos lois ne s'appliquent pas?
    Y a-t-il un risque que le Canada ne puisse pas réglementer l'utilisation des données canadiennes?
     C'est possible. Pour l'instant, l'Accord prévoit que les règles relatives à la protection de la vie privée s'appliquent aux données personnelles du secteur privé. Toutefois, si jamais nous changions les règles et qu'il y avait une plus grande contrainte concernant le transfert de données du Canada vers les États-Unis, les entreprises américaines qui voudraient avoir accès à ces données pourraient invoquer l'Accord en disant que nous exerçons une forme de localisation des données et que cela bloque la libre circulation des données. Elles pourraient dire que nous pouvons appliquer cette réglementation aux entreprises canadiennes sans problème, mais pas à elles. À ce moment-là, les règles du jeu ne seraient pas équitables, ce qui irait à l'encontre de la compétitivité des entreprises canadiennes dans ce domaine.
     Je vous remercie.

[Traduction]

    Cela nous ramène à certaines des observations préliminaires de M. Fay concernant...
    Il arrive, me semble-t-il, que certains signent des contrats à long terme sans comprendre la valeur future de ce qu'ils cèdent. Ce qui peut sembler une bonne affaire aujourd'hui, ils risquent de le regretter amèrement dans 10, 20 ou 30 ans, vous savez, s'ils n'ont pas la prévoyance ou s'ils n'ont pas ce qu'il faut pour comprendre la valeur de ce qu'ils vendent. Est-ce le cas?
    Il me semble qu'il y a beaucoup de choses que nous ignorons au sujet d'une industrie encore naissante; je ne pense pas me tromper sur ce point. Il me semble que cet accord consacre certaines politiques très sérieuses et de grande portée, alors que nous ne comprenons pas ce que nous concédons à ce stade-ci. Est-ce une évaluation juste que j'entends de votre groupe aujourd'hui? À votre avis, comment pourrions-nous essayer d'inventer des solutions pour atténuer ce problème?
    Il y a une chose que nous savons: il faut plus de données et plus de variétés de données. Les entreprises canadiennes sont en concurrence avec des géants multinationaux qui possèdent déjà d'énormes banques de données et, avec les flux de données ouvertes, nous renforçons leur position sur le marché. La question est: que pouvons-nous y faire? C'est ce que nous nous demandons, au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale.
    Je suis d'accord sur tout ce qu'a dit M. Leblond. Il y a des façons de nous pencher là-dessus, et de nous doter de nos propres banques de données. Le gouvernement a un rôle crucial à jouer là-dedans également. Il peut jouer un rôle extrêmement utile en aidant à soutenir les entreprises et à mettre des données à leur disposition. Il y a un collectif de brevets sur le point de démarrer dans un secteur donné. Donc, il y a des choses à faire. Pour moi, nous devrions faire de grands efforts dans ces domaines dès maintenant. Comme je l'ai mentionné, nous voulons utiliser cette période d'examen après six ans pour faire avancer des choses qui seront dans l'intérêt du Canada également.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons maintenant passer à M. Kram.

  (1955)  

    Merci, madame la présidente.
    Le député de Cypress Hills—Grasslands, Jeremy Patzer, se joint à la réunion.
    Je vais partager mon temps avec M. Patzer.
    J'adresse ma question à MM. Beck et Waugh.
    Étant donné où nous en sommes dans le conflit du bois d'œuvre résineux, pourriez-vous nous en dire plus sur les répercussions négatives qu'il aura sur les Premières Nations que vous représentez, et pour tous ceux qui voudraient acquérir de nouveaux droits de coupe et lancer une nouvelle entreprise d'exploitation forestière? Quelles sont les perspectives à cet égard?
     Je vous laisse répondre.
     L'impact direct se fera sentir sur le prix des billes. Ces coûts tiennent compte de ce que doivent payer les producteurs de bois d'œuvre — les droits de douane — et ils font baisser le prix des billes de bois que les scieries achètent aux Premières Nations. Bon nombre de ces exploitations ne sont pas viables à cause de cela — et une grande partie du bois n'est pas récoltée; une grande partie du bois reste en place; une grande partie du volume reste debout. Pour ce qui est des nouvelles exploitations forestières, sur le littoral de la Colombie-Britannique, de plus en plus de volume et de territoires exploitables sont octroyés aux Premières Nations, en ce moment même. Dans la situation économique actuelle, il est très difficile de lancer une nouvelle entreprise d'exploitation forestière. Si les droits sont réduits, il faut espérer que le prix des billes augmentera, et que nous pourrons lancer certaines de ces exploitations.
    Oui, c'est ce que j'avais.
    D'accord, merci.
    Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente?
    Trois minutes.
    D'accord, merci.
    Ma question s'adresse à MM. Fay et Leblond.
    Pourriez-vous décrire en quelques mots certaines des options de politique publique de haut niveau dont nous disposons pour réglementer les plateformes numériques comme Facebook et Google? En quoi le nouvel Accord de libre-échange nord-américain, le nouvel ALENA, limiterait-il les options des décideurs?
    Voulez-vous commencer?
    Je peux commencer.
    La réflexion se poursuit, mais j'ai déjà mentionné cette idée que — comme cela a été mentionné dans le cadre de l'examen du patrimoine — si nous devions traiter les médias sociaux comme des diffuseurs et voulions en réglementer le contenu, par exemple, et les tenir responsables de ce qu'ils publient en ligne — qui leur vient de l'actualité ou d'autres sources —, la question devient alors de savoir si ces entreprises soulèveraient une contestation au niveau de l'ACEUM et en vertu de l'article 19.17. Ce serait à voir. Bien sûr, il faudrait que ce soit un différend soulevé par le gouvernement américain. Il n'y a pas d'État investisseur dans ce cas-ci; ce ne serait pas les entreprises elles-mêmes. Alors, en cas de différend, un groupe spécial serait mis sur pied et devrait trancher. Il est très difficile, à ce stade-ci, de prévoir quelle serait la décision de ce groupe.
    S'il devait donner raison à Facebook ou à ce genre de médias sociaux, cela plomberait tout de suite ce que le Canada ferait. Pour moi, c'est un peu problématique. Sommes-nous en train de nous imposer des contraintes sur ce plan?
    Nous avons parlé de la vie privée des personnes. Plus tard, si nous voulions imposer plus de localisation de données, par exemple, au niveau fédéral ou même au niveau provincial... Le gouvernement du Québec parle d'aller dans cette direction. Que se passerait-il si, par exemple, le Québec faisait plus de localisation de données — pas pour ses fins gouvernementales, mais pour l'entreprise privée? Des entreprises basées aux États-Unis nous feraient alors valoir que c'est contraire à l'accord qui permet la libre circulation des données entre nos deux pays. Si nous les contestions et qu'un groupe spécial arrivait à la conclusion, par exemple, que ces règlements ou ces lois ne peuvent s'appliquer aux sociétés américaines, qu'arriverait-il? Le problème serait encore plus gros. Le Québec pourrait continuer de le faire, mais il y aurait une forme quelconque de compensation à payer par le gouvernement fédéral.

  (2000)  

    Monsieur Leblond, je suis désolée de devoir vous interrompre.
    Monsieur Dhaliwal.
    Merci, madame la présidente. Je remercie tous les témoins, particulièrement ceux de la magnifique Colombie-Britannique.
    Je sais que le conflit du bois d'œuvre résineux est une question clé pour vous, messieurs. Dans la dernière législature, notre comité s'est penché sur cet enjeu particulier, et a pu faire venir des témoins. Chaque fois que j'en ai eu personnellement l'occasion, j'en ai parlé à la ministre, pour que nous puissions garder la question à l'avant-plan. La ministre a toujours dit qu'elle a toujours été en contact avec l'autre camp — les Américains — dans ce différend et le règlement du différend.
    Monsieur Rielly, vous venez de parler de l'ancien chapitre 19 — aujourd'hui le nouveau chapitre 10 — et de la nécessité de nous assurer que chaque accord que nous signons à cet égard soit assorti d'un mécanisme robuste et équitable de règlement des différends.
    Pouvez-vous commenter?
    Ce chapitre 10 va-t-il aider les entreprises comme la vôtre?
    Oui. Selon moi, il ne va pas seulement aider notre entreprise. Il est essentiel, même pour les grandes entreprises comme celle de M. Kalesnikoff et les sociétés indépendantes qui font de la transformation à l'échelle du pays, de pouvoir compter sur quelque chose pour régler ce problème. Parfois, nous ne pouvons tout simplement pas convaincre les grandes entreprises de la nécessité de résoudre le problème, ou les gouvernements provinciaux de se mettre à l'écoute, de temps à autre, des grandes entreprises pour cela.
    Dans un monde idéal, il serait formidable d'inclure le bois d'œuvre résineux dans l'ACEUM. D'après mon expérience depuis 1984, il n'est tout simplement pas pratique d'espérer cela, car de l'autre côté de la frontière, il y a un grand groupe de personnes qui ne veulent pas que cela se règle et ne veulent pas un environnement de libre-échange. Cela a toujours été difficile. C'est essentiellement la raison pour laquelle j'estime que le système de règlement des différends prévu maintenant au chapitre 19 semble plutôt intact. C'est pourquoi je croirais que les petites et moyennes entreprises indépendantes diraient qu'il faut ratifier l'ACEUM, pour que nous puissions continuer avec ce système.
     Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Linamar Corporation. Madame Hasenfratz, vous avez mentionné que 70 % de votre entreprise travaille dans les pièces d'automobile, et 30 % dans d'autres choses, et notamment la fabrication de matériel. Ce nouvel accord, l'ACEUM, est-il avantageux pour la fabrication de matériel, en particulier, pour les sociétés que vous représentez?
    Vous voulez dire en dehors de l'automobile? Voulez-vous savoir quel est l'impact sur nos entreprises industrielles?
    Oui.
    Nous ne voyons pas de répercussions négatives pour notre entreprise de matériel agricole, dont le siège social est à Winnipeg, ou notre entreprise de matériel d'accès Skyjack, qui a son siège social ici à Guelph. Nous ne voyons pas de dangers pour l'une ou l'autre de ces entreprises.
    Dans les deux cas, tout le monde est gagnant.
    Oui.
    Me reste-t-il du temps?
    Oui, 50 secondes.
    Je passe à la Colombie-Britannique, ou à vous deux si vous avez un commentaire à faire sur le chapitre 10, l'ancien chapitre 19.
    Bien sûr. Je suis d'accord avec M. Rielly. Si nous n'avons pas cela, qu'avons-nous donc? Tel est le problème. L'Organisation mondiale du commerce, pour nous, semble avoir faibli. Nous avons besoin d'un mécanisme. Nous devons avoir quelque chose quand ces menaces injustes sont proférées... un moyen de les contester.
    Nous avons affaire à un énorme moteur aux États-Unis, avec leur coalition du bois d'œuvre résineux. Ils ont beaucoup de pouvoir. Ils ne lâchent pas et ne lâcheront pas prise, nous le savons tous.

  (2005)  

    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous passons à M. Hoback.
    Merci, madame la présidente.
    Madame la présidente, avant de commencer, je tiens à remercier tout le personnel, les employés de soutien qui sont ici depuis deux semaines, qui ont organisé tout cela et veillé à ce que nous ayons tout ce qu'il faut.
    Des députés: Bravo!
    M. Randy Hoback: Nous avons toujours dit que nous allions voter pour cet accord, mais nous avions bien des réserves à ce sujet. L'une de nos préoccupations concernait, bien sûr, le bois d'œuvre résineux. Il y a quelques années, nous avons élaboré un programme sur le bois d'œuvre résineux, et nous avons dû déplorer qu'une bonne partie des fonds n'ont pas été versés. Or, il est maintenant trop tard pour les distribuer.
     Je me suis penché sur le dossier du bois d'œuvre résineux. J'ai parlé à des gens du secteur dans tous les coins du pays — je n'ai parlé à aucun d'entre vous, ce qui est malheureux, mais je vous en parle maintenant — et j'ai compris que l'adoption de cet accord sera suivie d'un accord sur le bois d'œuvre, qui est déjà prêt à conclure. Avez-vous entendu la même chose?
    J'ai bon espoir que c'est le cas, mais je n'en suis pas convaincu. Je pense que c'est aussi dicté par ce qui se passe actuellement dans le système politique américain. J'aimerais bien croire qu'il se discute des choses en coulisse, mais personne à qui j'en ai parlé n'a pu le confirmer.
    La ministre exerce d'intenses pressions pour faire adopter cet accord, et les premiers ministres provinciaux aussi. En particulier, ils disent qu'il y a le bois d'œuvre qui traîne derrière tout cela, si bien qu'il faut en finir et régler le dossier du bois d'œuvre sans plus tarder. J'essaie tout simplement de comprendre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. J'espère qu'ils ont raison.
    Cela dit, s'il n'y a pas d'accord, comment pouvons-nous atténuer ce qui se passe maintenant? Que devons-nous faire?
    Nous devons conclure un accord. Comprenez-moi bien. Ce serait ma première priorité: obtenir un accord, régler la question des droits de douane et revenir au courant normal des affaires et à la stabilité. Dans cette optique, que faisons-nous?
    Eh bien, pour Woodtone et les sociétés qui nous ressemblent, je pense qu'en général, historiquement, l'approche a été que tout le monde est là ou que personne n'y est. Nous avons abordé la question pour le plus grand côté du triangle. Il y a une occasion à saisir ici.
    Nous sommes à un point d'inflexion unique pour ce qui est d'avoir un véhicule pour répondre aux besoins d'un secteur relativement petit de l'industrie du bois d'œuvre résineux. Il y a beaucoup d'affaires à faire dans le bois d'œuvre, beaucoup de produits du bois d'œuvre qui ne sont pas couverts. Nous en fabriquons nous-mêmes qui y échappent. Je pense que si nous pouvions attaquer leur problème avec une certaine urgence — dans notre cas particulier, j'ai dit que cet amendement touche plusieurs entreprises à l'échelle du Canada — cela pourrait apporter plus de certitude.
    L'incertitude qui règne dans notre secteur, nous l'avons tous dit, est grande. Dans notre cas, un amendement pourrait aider à apporter de la certitude à diverses entreprises.
    Y a-t-il un remplacement à court terme pour le marché américain?
    Non.
    Y a-t-il un remplacement à long terme, avec certains des nouveaux accords commerciaux comme l'Accord économique commercial et global, le Partenariat transpacifique, et ce genre de choses?
    Non, pas dans notre cas.
    Monsieur Kalesnikoff.
    Oui, j'ai un commentaire là-dessus. Une chose qui me fait très peur est ce nouvel accord. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial nous ont dit tous les deux de nous diversifier pour nous affranchir du marché américain, et nous l'avons fait, mais nous n'avons pas d'importations. Si un accord est conclu et que la coalition américaine veut vraiment une entente sur les quotas, nous sommes faits.
     Vous n'avez pas de...
    Non, parce qu'ils nous ont dit de diversifier, ce que nous avons fait.
    Vous parlez d'une entente. L'idée qu'il en existe une me laisse perplexe, mais je ne suis pas un expert. Ce qui nous arrive, à nous tous, y compris à M. Rielly, c'est que nous sommes tenus dans le noir la plupart du temps.
    Ces ententes sont conclues. Les grandes entreprises dont M. Rielly nous parle sont Canfor, West Fraser, Interfor et Résolu. Ce sont elles qui sont invitées et à qui on parle. À nous, on parle très rarement. Et c'est pourquoi je suis ici. Je vais être coincé à Ottawa parce que je voulais venir pour pouvoir vous le dire.
    Un député: L'endroit est magnifique.
    M. Ken Kalesnikoff: Je ne dis pas le contraire. Apparemment, nous ne pouvons pas aller patiner parce que la glace est pâteuse. J'ignore comment cela est possible par un froid pareil.
    Quoi qu'il en soit, au bout du compte, il faut que quelqu'un se mette à l'écoute des petits exploitants à l'échelle du pays. Ce n'est pas ce qui se passe, et c'est très frustrant pour nous, qui restons dans nos collectivités et qui employons les gens. Nous ne fermons pas, mais nous investissons.
    Le chiffre d'affaires de nos familles est de 68 millions de dollars par année. Nous investissons 35 millions de dollars. Savez-vous comment nous avons pu le faire? Nous avons donné nos maisons en garantie, ma maison et celles de nos deux enfants. Personne ici n'est au courant, mais c'est ici que se font les politiques, et les témoins que vous écoutez sont ceux qui ont de gros actionnaires. Ce n'est pas notre cas. Nous n'avons que nous-mêmes, et si nous n'y arrivons pas, la mamma ne sera pas contente.
    Pour en venir à votre question, M. Hoback — désolé, je deviens passionné — au bout du compte, je n'ai rien vu se passer. Il se passe peut-être quelque chose. Je ne me promène pas dans les couloirs ici, mais, logiquement, pourquoi en serait-il autrement? Les États-Unis détiennent toutes les cartes. La coalition est extrêmement forte. Ils attendent simplement. Ils se marrent à l'heure actuelle.
    Lorsqu'il y aura assez d'argent dans la tirelire et que nous commencerons à parler de le partager, alors peut-être qu'ils s'amèneront à la table et, s'ils en perdent quelques autres... Cette dernière contestation de l'ALENA, où leurs droits de douane pourraient être réduits... Sans cela, qu'aurions-nous? Cela continuerait.
    Désolé.

  (2010)  

    S'il vous plaît, ne faites pas...
    Si vous me permettez une intervention rapide...
    Oui, allez-y.
    Pour ajouter à certains des commentaires que vous avez entendus, je pense qu'il est important que les membres du Comité reconnaissent qu'ils ont le pouvoir, maintenant, de faire une différence. Il ne s'agit pas d'un pot d'or au bout d'un autre arc-en-ciel. Vous avez, maintenant, la capacité de tempérer le conflit du bois d'œuvre résineux pour un groupe de producteurs, et cela est de votre ressort, de votre compétence.
    Une partie du message de M. Young est que vous pouvez agir avec confiance en vous fondant sur les précédents et vous appuyant sur une saine politique publique. Dans l'intérêt public, vous pouvez proposer un amendement très concret qui retiendra plus d'attention à Washington que tout ce que nos négociateurs peuvent faire maintenant, en tirant parti de ce que vous avez devant vous pour l'améliorer, non pas pour les grands producteurs primaires dont on vous a dit qu'ils ont profité de prix élevés et d'une demande soutenue, mais plutôt pour les petites et moyennes entreprises qui investissent, donnent de l'emploi et tirent le maximum de valeur de ce côté-ci de la frontière.
    C'est pour cela qu'ils sont ici aujourd'hui. Pour vous dire que vous pouvez faire une différence dès maintenant avec un très petit amendement qui ne compromettra pas l'ALENA ou l'ACEUM. Il s'agit plutôt des modalités de mise en œuvre, et il y a des dispositions. Vous pouvez apporter un petit amendement qui améliorera les choses pour un groupe de producteurs de chez nous.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons à M. Sarai.
     Merci.
    Je vais partager mon temps avec Mme Bendayan.
    Je tiens d'abord à remercier toutes les scieries de la Colombie-Britannique qui sont représentées ici et ailleurs. Sachez bien que nous prenons la question très au sérieux. Toutes les scieries de ma circonscription — c'est moi qui ai le plus grand nombre de travailleurs du bois d'œuvre par habitant en Colombie-Britannique, me dit le COFI — sont comme vous, monsieur Kalesnikoff. Elles sont toutes indépendantes, elles ont toutes risqué leur maison et, en tant que député, j'essaie de les rencontrer régulièrement pour rester au fait de leurs difficultés.
    Avez-vous votre mot à dire au COFI? Vous n'en êtes pas membre?

  (2015)  

    Non.
     Nous écoutons tout le monde dans le cadre de chaque étude — qu'il s'agisse d'un producteur indépendant comme vous, d'un petit producteur avec 10 employés, ou avec 200 ou 2 000, ou de Linamar, avec son chiffre d'affaires de 7 milliards de dollars et ses 7 000 employés.
    Dans le cas du bois d'œuvre, nous nous battons. Si vous vous rappelez bien, le premier ministre a soulevé la question dès sa première rencontre avec le président Obama, qui ne connaissait même pas l'existence d'un différend. Ce n'est pas plus important que cela pour eux, alors que pour nous c'est gros. On m'a dit qu'il en a été question à chaque rencontre par après entre le président Trump et notre premier ministre. Mais vous connaissez la politique entourant la mise en place de ces droits compensateurs. Ils vous harcèlent et vous tiennent.
    Le mieux que le Canada puisse faire, selon moi, à moins que vous ayez autre chose à suggérer, c'est d'aller là où nous pouvons les contester. Nous avons réussi. Ma circonscription a une entreprise de métallurgie de l'acier qui compte 100 employés qui transforment de l'acier américain au Canada avant de le réexpédier aux États-Unis pour la construction. Il y a trois semaines, ils se sont vu infliger un droit de douane de 7 %. Nous avons eu gain de cause à la commission du commerce des États-Unis.
     Malheureusement, tels sont les défis auxquels nous sommes confrontés dans ce genre d'environnement commercial. Mais ce qui est bien, c'est que le Canada s'en tire généralement bien au bout du compte. Du moins, c'est ce que je crois. C'est pour cela que vous avez survécu jusqu'ici, même si votre tirelire ne contenait pas grand-chose par moments, mais nous espérons connaître de nouveaux succès.
    Monsieur Schiller, comment pensez-vous que nous pourrons modifier quelque chose très rapidement? Je ne pense pas qu'il soit plausible de le faire ici. Ce que vous demandez, c'est que nous exercions plus de pression sur les Américains pour obtenir un accord. C'est peut-être une possibilité, mais nous ne pourrons pas en profiter. J'ignore comment cela pourrait se faire dans un accord tripartite.
    Permettez?
    Bien sûr.
    L'occasion qui se présente à vous a ceci de merveilleux que le bois d'œuvre est couvert dans le projet de loi C-4. La référence au bois d'œuvre offre la possibilité de la modifier pour y inclure, dans le cas de M. Young, une étude indépendante des produits finis qui n'entrent pas dans la portée du différend. Nous ne parlons donc pas...
    L'objectif est que, si le règlement du différend a lieu, il ne devrait payer aucun des droits qu'il a déjà payés. Ai-je raison? Cela s'amplifie lorsque c'est 20 %. Et le vôtre augmente aussi, du fait de la valeur que vous ajoutez. L'objectif est de n'avoir aucun droit de douane et je pense que c'est ce que nous visons.
    En effet, mais en tant que législateurs, vous devez être conscients de l'effet asymétrique, ou des dommages, qui ont été infligés à l'industrie. Alors que les grands producteurs primaires bénéficient de prix record et d'une demande soutenue sans précédent, le secteur secondaire au Canada subit des impacts négatifs. Vous avez entendu parler de la nécessité de relocaliser des emplois en technologie.
    Aujourd'hui même, vous avez l'occasion de faire faire une étude indépendante pour rassurer les Américains sur ce secteur de volumes très précis, ce qui pourrait améliorer les choses. Cela n'aurait pas d'incidence sur l'accord, mais une incidence sur la mise en œuvre de l'accord. C'est du ressort du Comité.
    Madame la présidente, si vous me le permettez, un petit instant.
    Oui, allez-y.
    Le COFI représente un certain groupe en Colombie-Britannique.
    Ces groupes-ci sont des petits indépendants. Nous ne sommes pas représentés par le COFI, mais lorsqu'il y a...
     Votre ILMA, l'Interior Lumber Manufacturers' Association, dont je suis le président, comme M. Reilly est le président de sa société, ne reçoit pas d'invitation. C'est toujours le COFI qui est invité, et cela doit changer aussi. Quand ces gens-là parlent de leurs produits, ils parlent de colombages. Ils ne parlent pas de panneaux, de parements, de produits finis. C'est là que les choses doivent changer.
    Merci.
     Madame Bendayan.
    Désolée, il ne me reste pas grand temps. Je veux juste dire à M. Young et à M. Schiller que je sais que vous avez eu des réunions avec le bureau de la vice-première ministre aujourd'hui même. Je comprends ce que vous dites au Comité. Je pense que mes collègues d'en face vous comprennent aussi, et nous allons donc reprendre cela. Je ne suis pas certaine que l'on puisse modifier le projet de loi de mise en œuvre à ce stade-ci, mais nous pouvons certainement étudier les recommandations et ce que nous pouvons faire. Alors, reprenons cela. Merci beaucoup d'être venus à Ottawa et de vous être fait entendre aujourd'hui.
    Merci.
    D'accord, merci à tous nos témoins. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous donner vos conseils. Nous verrons demain où tout cela ira.
    Oui, monsieur Hoback.
    Si vous voulez libérer les témoins, c'est très bien, mais je veux simplement parler de...
    D'accord, je devrais donc libérer tous nos témoins. Je vous remercie de votre comparution.
    Si vous voulez poursuivre à huis clos, ce serait très bien aussi. À vous de décider.
    Eh bien, si nous voulons vraiment causer, nous pouvons. Rien ne m'empêche de déclarer le huis clos, n'est-ce pas?
    Ai-je l'appui du Comité pour poursuivre à huis clos?
    Des députés: D'accord.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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