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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 décembre 2020

[Enregistrement électronique]

  (1205)  

[Traduction]

    J’aimerais souhaiter la bienvenue à tout le monde à la huitième réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Nous entamons la première séance sur le travail non rémunéré des femmes. Pour ceux d’entre vous qui se joignent à nous en tant que témoins, je vous remercie de votre présence.
    Nous nous réunissons dans ce format hybride conformément à l’ordre de la Chambre du 23 septembre 2020. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. La webdiffusion montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l’ensemble du Comité.
    Pour assurer le bon déroulement de la réunion, voici quelques règles.
    Les membres et les témoins peuvent s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Les services d’interprétation sont disponibles au bas de votre écran. Choisissez le parquet, l’anglais ou le français.
    Pour les membres qui participent en personne, procédez comme vous le feriez habituellement lorsque le Comité se réunit. Les masques sont obligatoires lorsqu’il n’est pas possible de s’éloigner physiquement, sauf si vous êtes assis.
    Avant de parler, veuillez attendre que je dise votre nom. Si vous êtes en vidéoconférence, veuillez cliquer sur l’icône du microphone pour l’activer. Pour les personnes présentes dans la pièce, votre microphone sera contrôlé comme d’habitude. Je vous rappelle que tous les commentaires des membres et des témoins doivent être adressés à la présidence, et que lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
    Je voudrais vous présenter nos témoins. De la Société Alzheimer du Canada, nous accueillons la Dre Saskia Sivananthan, chef de la direction scientifique, du transfert et de l’échange des connaissances. Du Congrès du travail du Canada, nous avons Vicky Smallman, directrice nationale des Droits de la personne. D’Oxfam Canada, nous recevons Diana Sarosi, directrice, Politiques et campagnes.
    Chacune d’entre vous disposera de cinq minutes pour faire ses remarques avant de passer à la série de questions.
    Sur ce, docteure Sivananthan, nous allons commencer par vous. Vous avez cinq minutes.
     Merci, madame la présidente, et bonjour aux membres du Comité permanent de la condition féminine.
    La Société Alzheimer du Canada apprécie l’occasion qui lui est donnée de contribuer à l’importante étude du Comité sur le travail non rémunéré. Aujourd’hui, j’aborderai la façon dont le rôle essentiel des soins non rémunérés, en particulier en ce qui concerne les soins aux personnes atteintes de démence, est presque entièrement invisible dans notre société.
    Voici le point essentiel de ce groupe d’experts: la prestation de soins est essentielle à notre tissu social. Le travail de soins incombe principalement aux femmes, ce qui a des conséquences négatives directes pour elles en tant que personnes et pour la société dans son ensemble. Nous demandons instamment au Comité de façonner et d’orienter les changements politiques afin qu’ils reflètent une réalité fondamentale: il ne s’agit pas seulement d’un problème féminin. Il s’agit d’une crise, qui a de graves conséquences pour tous les Canadiens.
    J’aborderai cette question à travers trois points clés: la mesure, la reconnaissance et la rémunération.
    Plus d’un demi-million de Canadiens vivent actuellement avec la démence. Elle se caractérise par une série de symptômes qui, avec le temps, détruisent la capacité d’une personne à fonctionner et à accomplir des tâches quotidiennes que nous considérons comme allant de soi. Il en résulte un besoin de soins personnels 24 heures sur 24, et personne ne survit à la démence.
    En fait, un Canadien sur deux est touché par la démence. Les femmes représentent les deux tiers de toutes les personnes diagnostiquées et plus de 60 % des aidants sont des femmes. D’après ces chiffres, six membres de ce comité permanent pourraient devenir des aidants.
    L’incidence de cette situation est multigénérationnelle. Les épouses ont plus de chances de devenir les aidantes de leur mari que l’inverse, et les filles représentent plus d’un tiers de tous les aidants de personnes atteintes de démence. Sans un soutien adéquat à domicile et dans la communauté pour les personnes atteintes de démence, ces soins incombent en grande partie aux femmes.
    Quelle en est l’incidence?
    Lisa Raitt, ancienne députée, s’occupe à plein temps de son mari qui a reçu un diagnostic de démence il y a cinq ans, à l’âge de 56 ans. Comme beaucoup de femmes, Lisa met en balance de multiples responsabilités: la maternité, son travail et le soutien à son mari. Elle est incapable d’exercer d’autres activités tant que son mari ne dort pas ou qu’elle n’a pas d’aidant rémunéré pour la soutenir. Voici ce que dit Lisa:
... [il faut parler de] la quantité de pression que subit le soignant... [et] si peu de gens en parlent de manière significative dans la société... Je suis l’infirmière qui enregistre toutes les réactions et les traitements... Je suis dépassée... beaucoup de gens... meurent à cause des soins qu’ils prodiguent… le stress les tue...
    En termes de mesure, environ 20 % des femmes sont obligées d’abandonner complètement leur travail pour devenir aide-soignantes à plein temps. Cette situation entraîne de multiples conséquences pour l’économie. Qu’advient-il des impôts municipaux et fédéraux lorsque des milliers de femmes quittent la vie active? Qu’advient-il des investissements réalisés par l’État dans l’éducation d’une femme ou par une organisation dans sa carrière? Dans un ménage à deux revenus, que se passe-t-il lorsque l’un d’entre eux est perdu?
    La prestation de soins n’est pas seulement une question féminine.
    En termes de reconnaissance, la démence elle-même est déjà marquée par la stigmatisation associée à la maladie, mais cette stigmatisation s’étend également aux aidants familiaux. Les études successives démontrent que les soins ont des répercussions graves et durables sur la santé mentale et physique des personnes qui assument cette responsabilité. Si l’on ajoute à cela la stigmatisation sociale, les effets négatifs sur la santé s’accentuent non seulement pour ces personnes, mais aussi pour le système de santé dans son ensemble.
    En termes de rémunération, les femmes des communautés noires, autochtones et autres communautés de couleur ne sont pas seulement celles qui courent le plus grand risque de se retrouver atteintes de démence, elles sont aussi les principales fournisseuses de soins, qu’elles soient rémunérées dans des établissements de soins de longue durée ou non rémunérées au sein de leur famille et de leur communauté. Pourtant, leurs compétences et leur force sont rarement reconnues, valorisées ou correctement rémunérées, même lorsqu’elles sont payées. En fait, les soins non rémunérés sont importants pour l’activité économique et constituent une contribution indispensable à la société, tout comme le travail des médecins, des enseignants et du personnel des forces armées. Tous assurent le bien-être de nos citoyens, mais personne ne demanderait à l’un d’entre eux — chirurgien, soldat ou enseignant — d’offrir ses services gratuitement.
    Le rapport de 2015 de l’organisation Alzheimer Disease International a mesuré les répercussions mondiales de la démence. Les coûts des soins informels et non rémunérés représentent 40 % du coût global de la démence, qui, au Canada, dépasse les 10 milliards de dollars par an.
    Ce sont les femmes qui assurent la plus grande partie des soins, rémunérés ou non, dans le monde entier, et cette activité est systématiquement sous-estimée. Non seulement ce travail doit être rémunéré, mais la prestation de soins doit être une priorité économique offrant une stabilité et une formation adéquate aux personnes qui doivent assumer cette responsabilité, et nous devons faire des efforts pour effacer les tares qui s’y rattachent.

  (1210)  

    Je suis désolée. Votre temps est écoulé. Nous nous réjouissons à la perspective d’entendre le reste pendant les questions.
    La parole est à Mme Smallman, du Congrès du travail du Canada, pour cinq minutes.
    Je vous remercie de m’avoir invitée à participer à la discussion d’aujourd’hui. Je suis heureuse de représenter plus de trois millions de travailleurs qui font partie du Congrès du travail du Canada et qui oeuvrent dans tous les secteurs de l’économie au pays.
    Je suis ravie que le Comité ait décidé d’étudier plus en profondeur le travail non rémunéré des femmes, problème systémique permanent qui a été exacerbé par la pandémie de COVID-19 d’une manière bien décrite par le témoin précédent.
    La réalité brutale est que notre économie — notre société — ne peut pas fonctionner sans le travail non rémunéré des femmes. On suppose, sans le dire, que les femmes et les fournisseurs de soins seront simplement là quand il faut faire quelque chose, et cette idée a été bien illustrée cette année.
    Les stéréotypes et les rôles sexospécifiques sont profondément ancrés et sont systémiques. Il ne s’agit pas seulement de familles individuelles et de la personne qui fait la cuisine, les poubelles ou la lessive; les conséquences de cette charge inégale se reflètent également dans les taux salariaux, la participation au marché du travail, les revenus de toute une vie et la progression de la carrière.
    Il est difficile d’aborder réellement la question de la répartition inégale du travail non rémunéré, en particulier les soins non rémunérés, sans considérer sérieusement la question des soins rémunérés — qui les offre et quels sont leurs salaires et leurs conditions de travail — ainsi que la question de la manière dont les soins sont dispensés et qui y a accès.
    C’est pourquoi le mouvement syndical a demandé la création d’une commission sur l’économie des soins, ayant pour mandat d’étudier, de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie de soins pour le Canada, qui permettrait de créer une stratégie de marché du travail large et inclusive pour obtenir des emplois de soignants de qualité et équitables; d’examiner le travail de soignant rémunéré et non rémunéré et d’élaborer une feuille de route pour répondre à la demande croissante de soins; et de réduire et de redistribuer le travail de soignant non rémunéré des femmes en améliorant l’accès aux services publics de soins pour les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées.
    En 2018, l’Organisation internationale du travail a publié une excellente étude intitulée « Prendre soin d’autrui: un travail et des emplois pour l’avenir du travail décent ». Selon cette étude, « Aucun progrès notable de l’égalité entre hommes et femmes au travail ne pourra avoir lieu si l’on ne s’attaque pas d’abord aux inégalités dans les activités de soin non rémunérées, ce qui suppose de reconnaître, de réduire et de redistribuer effectivement ces dernières entre femmes et hommes, ainsi qu’entre famille et État. »
    Le rapport de l’OIT présente un « cadre des “5R“ du travail décent dans les activités de soin à autrui » qui appelle à des politiques visant à « reconnaître, réduire et redistribuer les activités de soin à autrui non rémunérées; rétribuer équitablement le personnel du soin à autrui, tout en offrant plus d’emplois et un travail décent; garantir représentation, dialogue social et négociation collective aux travailleurs du soin à autrui. »
    Chaque partie de ce cadre comprend un ensemble de recommandations stratégiques. Une commission sur l’économie des soins pourrait examiner comment le cadre des 5R pourrait être mis en œuvre en contexte canadien.
    S’il est tentant de se concentrer sur la répartition inégale des responsabilités de soins au sein des ménages, il ne suffit pas de chercher des moyens d’encourager les hommes à assumer davantage de responsabilités. Nous devons également examiner les moyens de réduire la charge globale des familles en matière de soins et de faire en sorte que l’État assume sa juste part de responsabilité. Des services publics de qualité sont essentiels à la réduction et à la redistribution des soins.
    Un changement de mentalité s’impose donc, les droits de la personne étant au cœur d’une nouvelle approche. Les soins sont une préoccupation collective, et pas seulement une affaire familiale privée. Les personnes qui ont besoin de soins — les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées — devraient avoir droit aux soins dont elles ont besoin pour les soutenir, et les services de soins devraient être considérés comme une infrastructure sociale essentielle.
    Nous devons agir maintenant. Le besoin de soins ne fera qu’augmenter avec le vieillissement de notre population. La COVID-19 a rendu cette crise imminente encore plus évidente, en révélant toutes les lacunes et les fissures de notre système fragmenté et précaire. Pendant trop longtemps, les politiques budgétaires axées sur l’austérité ont présenté les soins comme une ponction sur les finances publiques plutôt que comme une infrastructure sociale nécessaire pour assurer la solidité des communautés, réduire les inégalités et soutenir la participation au marché du travail.
    L’approche canadienne en matière de soins fondée sur le marché et le transfert de nombreux services de soins à des entreprises à but lucratif ont fait baisser les salaires et les conditions de travail d’une main-d’œuvre essentiellement féminine, dont beaucoup de membres sont racialisées. Une telle situation a une incidence directe sur la qualité des soins en général, ce qui a été démontré dans les soins de longue durée tout au long de cette pandémie, avec des résultats tragiques. Pour ceux qui ne peuvent pas trouver ou payer les services, le fardeau incombe souvent aux soignantes.
    Notre défi collectif est de trouver des moyens de soulager les pressions à court terme de la pandémie tout en introduisant des changements intégrés à long terme qui permettront de mettre en place des systèmes de soins solides pour nous aider à surmonter les crises futures. Bien qu’il soit difficile de faire deux choses à la fois, je suis convaincue que nous pouvons y arriver.

  (1215)  

    Faisons en sorte que les soins appropriés deviennent une réalité au Canada, en commençant par la création d’une commission sur l’économie des soins pour élaborer notre feuille de route des 5R.
    Merci.
    Très bien, merci.
    La parole est maintenant à Mme Sarosi pour cinq minutes.
    Chers membres du Comité, je vous remercie d’avoir invité Oxfam Canada à faire un exposé sur l’importante question du travail non rémunéré des femmes.
    À Oxfam Canada, nous plaçons les droits des femmes et l’égalité des sexes au cœur de tout ce que nous faisons, tant ici au Canada que dans notre travail auprès de certaines des communautés les plus défavorisées du monde. En tant que confédération mondiale, Oxfam a tiré la sonnette d’alarme sur la montée des inégalités au cours de la dernière décennie.
    En 2019, les milliardaires du monde entier détenaient plus de richesses que 4,6 milliards de personnes réunies. Ce grand fossé est le produit d’un système économique sexiste et exploiteur qui valorise la richesse de quelques privilégiés, principalement des hommes, au détriment des milliards d’heures de travail dur et essentiel que les femmes et les filles accomplissent chaque jour.
    Comme nous l’a montré la COVID-19, une grande partie de ce travail de soins aux enfants, aux personnes âgées et aux personnes souffrant de maladies ou de handicaps physiques et mentaux et de travaux domestiques pour faire fonctionner les ménages est essentielle pour nos communautés, nos sociétés et nos économies, mais elle est presque entièrement non rémunérée et invisible.
    Ne vous y trompez pas, nos économies se construisent sur le dos des femmes, en particulier des femmes de couleur qui fournissent chaque jour 12 milliards d’heures de travail non rémunéré et sous-payé. La valeur monétaire du travail de soins non rémunéré des femmes âgées de 15 ans et plus dans le monde s’élève à au moins 10,8 billions de dollars par an, soit trois fois la taille de l’industrie technologique mondiale.
    Au Canada, les femmes consacrent 50 % plus de temps que les hommes aux soins non rémunérés. Malgré l’augmentation de la participation des femmes au travail rémunéré et l’évolution des normes sociales autour du modèle de l’homme pourvoyeur, la participation des hommes au travail de soins non rémunéré n’a pas augmenté de manière substantielle. Au contraire, les femmes ont assumé une double charge de travail rémunéré et de soins non rémunérés, augmentant leur temps de travail total et réduisant leur capacité de repos.
    Le double fardeau du travail rémunéré et non rémunéré a été considérablement exacerbé par la pandémie de COVID-19. Dans une étude menée par Oxfam en juin sur les répercussions de la pandémie sur le travail de soins non rémunéré au Canada, quatre Canadiens sur dix ont déclaré que, en raison de la pandémie et des mesures de distanciation sociale, la quantité de travail domestique et de soins de leur ménage avait augmenté, la majeure partie du travail revenant aux femmes. Plus de 70 % des femmes interrogées ont déclaré se sentir plus anxieuses, déprimées, isolées, surchargées de travail ou malades parce qu’elles devaient assumer encore plus de tâches non rémunérées en raison de la pandémie.
    Le travail non rémunéré est l’un des plus grands déterminants de la sécurité économique des femmes. Au niveau mondial, 42 % des femmes ne peuvent pas obtenir d’emploi parce qu’elles sont responsables de toutes les tâches de soins, contre seulement 6 % des hommes. Au Canada, trop de femmes sont coincées dans des emplois à temps partiel et contractuels en raison de leurs responsabilités de soins.
    La pandémie a gravement aggravé l’insécurité économique des femmes. Prenons l’exemple d’Asha, spécialiste de la communication âgée de 32 ans, qui n’a cessé d’être promue dans son entreprise au cours des dernières années. Elle était en congé de maternité avec son premier enfant jusqu’en avril de cette année. Puis elle est retournée travailler à plein temps sans possibilité de garderie et sans famille élargie pour l’aider. Comme son conjoint exerçait une activité essentielle, elle restait régulièrement debout jusqu’à 2 ou 3 heures du matin pour respecter les délais au travail tout en s’occupant de son nouveau bébé. En octobre, Asha a quitté son emploi.
    Les femmes vivant dans la pauvreté et les minorités ethniques et raciales souffrent plus gravement des retombées sociales et économiques de la pandémie. Dans la même étude d’Oxfam citée plus tôt, les femmes autochtones et les femmes noires ont fait état de difficultés plus importantes que leurs homologues blanches en raison de l’augmentation des tâches ménagères et de soins occasionnée par la COVID-19. Les femmes autochtones étaient trois fois plus nombreuses que les répondantes blanches à dire qu’elles avaient dû renoncer à chercher un emploi rémunéré. Les emplois des femmes représentent 70 % de tous les emplois perdus en raison de la pandémie au Canada, et la participation des femmes à la population active est tombée à 50 %, soit le taux le plus bas depuis plus de 30 ans.
    Le meilleur investissement que le Canada puisse faire à l’heure actuelle pour faire face aux retombées sociales et économiques généralisées de la récession provoquée par la pandémie — qu’on appelle maintenant la « récession de la femme » — et pour remettre les femmes au travail est d’investir dans les services de garde d’enfants. Après avoir traîné les pieds pendant des décennies et laissé les soins aux forces du marché, l’inaction du gouvernement a entraîné le quasi-effondrement du secteur pendant la pandémie, laissant davantage de familles sans soins essentiels.
    Une récente enquête sur les garderies agréées au Canada a révélé que 70 % d’entre elles ont licencié la totalité ou une partie de leur personnel, et que plus d’un tiers des garderies au Canada ne sont pas sûres de pouvoir rouvrir.

  (1220)  

    L'engagement du gouvernement à investir de manière soutenue et à long terme des montants importants dans la création d'un système canadien d'éducation préscolaire et de garde d'enfants, annoncé dans le discours du Trône et souligné dans la mise à jour économique de l'automne, arrive au moment critique. Pour réaliser le réseau public de garderies dont le Canada a besoin, l'impulsion fédérale est nécessaire.
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé. Il faudra entendre le reste en réponse à des questions.
    Commençons les questions par Mme Wong, qui dispose de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie également les témoins.
    Voilà certainement un sujet qui me tient beaucoup à cœur. J'ai déjà travaillé avec la Société Alzheimer du Canada et, c'est certain, j'ai déjà entendu parler de tous les défis, particulièrement de ceux qui se posent aux soignants, professionnels ou bénévoles.
    Vous mettez le doigt dessus. Il y a tellement d'enjeux importants qui touchent les soins familiaux, ce travail non rémunéré surtout féminin. Qu'en est-il de l'appui des employeurs, parce que, très souvent, les femmes chargées des soins doivent s'absenter du travail et laisser passer des possibilités de promotion, parce qu'elles veulent consacrer plus de temps aux soins? En même temps, les collègues, qui, peut-être, se chargeront des autres responsabilités délaissées par la personne absente s'interrogent sur ses absences répétées et sur le fait que sa tâche leur échoit toujours.
    Bien sûr, la pandémie a déjà compliqué les choses à la maison, mais qu'en est-il du milieu de travail en général? Puis-je demander à la Dre Sivananthan ce qu'elle en pense, s'il vous plaît.
    Oui, je suis en mesure de le faire. Merci d'avoir soulevé la question.
    Votre remarque très judicieuse comporte deux facettes. La première, et vous avez absolument raison selon le point de vue du milieu de travail, est que le fait de donner des soins, rémunérés ou non, a de lourdes conséquences sur les femmes, mais, d'après moi, la question revient à savoir comment encadrer les soins, économiquement. Comme on considère la proche aidance comme du travail non rémunéré, sans valeur ajoutée, c'est ainsi qu'on la considère aussi en milieu du travail.
    Voilà pourquoi il est essentiel que nous reconnaissions ce que sont les soins, la valeur qu'ils apportent et que nous les rémunérions comme tels, ce qui en ferait une responsabilité non concurrente. On valorise ainsi les soignants, qui fournissent des services essentiels à l'économie. Voilà comment, je pense, ça nous aiderait à reconnaître la prestation de soins et à en faire avancer le dossier.
    Vous avez absolument raison.
    D'autre part, les soignants sont parfois seulement des amis. Pour certaines personnes âgées et d'autres, qui sont éprouvées et sans famille, des amis devront donc se charger de ce genre de responsabilité.
    Je reviens maintenant aux soins pour les soignants. Qu'en est-il? Jusqu'ici, vous avez dit qu'ils n'étaient pas rémunérés et qu'ils souffraient de stress et d'anxiété, particulièrement en cette période de pandémie. Quel genre de soutien allons-nous... À certains, nous pourrions seulement leur accorder une journée de congé, si quelqu'un pouvait se charger de leurs responsabilités pendant ce temps. C'est comme des soins de jour d'une durée d'une journée pour les personnes âgées dont elles sont chargées ou pour les malades de l'alzheimer. Bien sûr, en raison de la pandémie, c'est très exigeant.
    Ma question, pour vous encore, docteure Sivananthan, c'est que, d'une part, nous apprécions leur travail et, d'autre part, nous devons prendre soin de ces soignants. Par exemple, en Angleterre, une association nationale de soins recommande des politiques au gouvernement britannique et le genre de soutien à accorder. J'ai été en mesure de la visiter quand j'étais ministre. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

  (1225)  

    Oui, absolument. Merci beaucoup pour cette question.
    Je pense que le Canada peut devenir un chef de file vraiment efficace en matière de politiques et de lois régissant la prestation de soins. Dans mon rôle antérieur, alors que je faisais partie de l'équipe mondiale de lutte contre la démence de l'Organisation mondiale de la Santé, c'était l'un des problèmes auxquels nous nous intéressions. Qu'ont fait les pays, sur le plan législatif et celui des politiques pour reconnaître et rémunérer les soignants? Très peu, hélas! L'Irlande, par exemple, en 2017, a reconnu les soignants et les a rendus admissibles à des prestations en espèces. C'est donc l'un des moyens qu'une politique pourrait contribuer à mettre en place, mais, à part cet exemple, il y en a très peu d'autres. Je pense que ça revient à ce que vous disiez plus tôt, sur la prolongation des heures de travail, prolonger les prestations tout comme nous le ferions pour les femmes qui viennent d'accoucher, en reconnaissant leurs responsabilités de soignantes et en les rémunérant, par des modifications appropriées aux politiques et aux lois.
    Qu'en est-il du mieux-être mental? Les atteintes à ce mieux-être sont actuellement un sujet de discussion. Il est indispensable à la motivation des soignants non rémunérés, à qui il faut faire savoir qu'ils ne sont pas seuls. Que proposeriez-vous?
    Malheureusement, votre temps vient de s'écouler.
    Madame Sidhu, vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être ici et de nous communiquer ces précieux renseignements.
    Docteure Sivananthan, c'est très intéressant ce que vous avez dit sur les soins aux soignants. Voilà pourquoi notre gouvernement a reconnu ces soins par sa prestation canadienne pour proches aidants, parce que nous en connaissons la très grande importance pour les familles.
    Sans aucun doute, la pandémie a été des plus dévastatrices dans les établissements de soins de longue durée. Notre responsabilité fondamentale à nous tous est de nous assurer que nos personnes âgées sont en sécurité et qu'elles sont bien soignées. Cette semaine uniquement, notre gouvernement a annoncé l'affectation de 1 milliard de dollars pour le Fonds pour les soins de longue durée. En partenariat avec les provinces et les territoires, nous élaborerons une norme nationale pour les établissements de soins de longue durée. Nous avons également consacré les plus gros investissements de l'histoire de notre pays aux soins communautaires et à domicile.
    Docteure Sivananthan, à part ces investissements, que peut faire le gouvernement fédéral pour aider les personnes âgées à vieillir dans le confort de leur chez-soi? Que peut-il faire aussi pour assurer la sécurité et le mieux-être des membres de la famille qui veulent leur donner des soins?
    Je tiens d'abord à répondre à votre première observation et à féliciter le gouvernement d'avoir fait ces investissements et de s'être engagé à produire ces normes nationales si essentielles aux soins de longue durée. Dans ce secteur où la majorité des préposés aux bénéficiaires, encore une fois, sont des femmes et des femmes de couleur, une partie du problème provient de leur rémunération insuffisante. On ne leur accorde pas les prestations nécessaires. On ne leur procure même pas un emploi convenable à plein temps, ce qui les oblige à essayer de joindre les deux bouts par du travail à temps partiel en divers endroits. L'autre jour, le directeur de l'un de ces établissements me parlait de la difficile obligation dans laquelle beaucoup d'entre elles devaient cesser ce travail pour accepter celui que leur offre la succursale locale de la société des alcools de l'Ontario, parce qu'elles...
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Six députés libéraux sont actuellement branchés.
    Je crois que monsieur...
    J'invoque le Règlement. Je suis ici en qualité de membre associé, et si Mme Sidhu devait s'en aller pour raisons familiales, je la remplacerais encore, comme ç'a été prévu à la dernière séance.
    C'est exact. Merci.
    Désolée pour l'interruption.

  (1230)  

    Il n'y a pas de mal.
    Bref, ces préposées travaillaient dans la succursale locale de la société des alcools, parce qu'elles y trouvaient plus de stabilité et une meilleure rémunération. Même pour les soignants rémunérés comme les préposés aux bénéficiaires, c'est un problème. Mais, pour les soins communautaires et à domicile, la façon, pour l'État, de s'approprier davantage le dossier et le faire vraiment évoluer, c'est de prévoir des mesures de soutien plus robustes pour ces soins, de sorte que les personnes âgées, les personnes souffrant de démence et leurs soignants bénéficient des mesures appropriées pour vieillir à la maison et dans leurs communautés.
    Merci.
    Voici une question pour l'un ou l'autre des deux autres témoins: notre gouvernement reconnaît qu'un nombre extraordinaire de victimes de la pandémie étaient des femmes — vous avez fait allusion aux femmes de couleur et aux femmes autochtones —, mais nous allons de l'avant avec notre plan de création d'un système canadien d'éducation préscolaire et de garde d'enfants. À commencer par le secrétariat fédéral qui appuiera ce travail et les investissements nouveaux pour appuyer les éducateurs de ces enfants, comment les investissements dans l'éducation préscolaire et la garde des enfants ainsi que les soins de longue durée contribuent-ils à aplanir les obstacles et les difficultés qui vont de pair avec le travail non rémunéré?
    Je peux me lancer.
    Les investissements annoncés cette semaine ont été très bien accueillis. La création du secrétariat est une étape essentielle dans la construction d'un réseau canadien complet d'éducation préscolaire et de garde des enfants. Ce qui, ensuite, doit suivre, et sans délai, c'est le financement nécessaire à la durabilité du système. Sinon, nous ne nous rapprocherons pas de l'accès universel nécessaire pour redistribuer équitablement le fardeau actuellement supporté par les femmes et permettre leur intégration dans la population active.
    Madame Sarosi, j'ignore si vous avez quelque chose à ajouter.
    Je voudrais parler de la façon dont cet argent sera dépensé. Visiblement, il est destiné, grâce à des transferts, aux provinces et aux territoires. Actuellement, il n'y a pas assez de moyens de mesure ni d'objectifs pour s'assurer que l'argent accroîtra le caractère abordable, la qualité et la souplesse de la garde des enfants. C'est un aspect à renforcer grâce au cadre multilatéral actuellement en place avec les provinces.
    Tout en effleurant ce qui a déjà été dit, je voudrais également souligner les grandes différences entre les soins aux personnes âgées et la garde des enfants. La garde des enfants offre vraiment aux femmes une porte d'entrée dans la population active, dont, sinon, elles seraient privées, parce qu'elles ont des enfants à la maison. Ce n'est pas tout à fait comme les soins aux personnes âgées, par exemple. La garde des enfants est une sorte de tremplin pour propulser davantage de femmes dans la population active.
    Je suis désolée. Le temps est écoulé pour cette question.
    Madame Larouche, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Je remercie beaucoup les témoins de leurs témoignages, qui sont touchants.
    On constate que le travail invisible est beaucoup plus répandu qu'on pourrait le croire et qu'il touche beaucoup plus d'aspects qu'on le pense, qu'il s’agisse de bénévoles, des proches aidants ou des femmes soutenant leur famille.
    Cela dit, on manque peut-être de données. J'ai beaucoup de discussions avec une association importante chez moi, au Québec, qui s'appelle l'Afeas. J'aimerais vous poser des questions à la suite de mes discussions avec cette association.
    Quelles sont les statistiques depuis le début de la pandémie sur la charge du travail invisible pour les femmes et pour les hommes? A-t-on des chiffres là-dessus? Peut-on les comparer avec ceux d'avant la pandémie?
    Il y a eu des informations sur les incidences dans le secteur économique, par exemple. Pourquoi n'y en aurait-il pas sur le travail invisible aussi?
    Il me semble que Statistique Canada devrait se pencher sur cette question, alors que les organisations, même bien financées, n'ont pas la possibilité ou même la capacité de tracer un portrait complet du travail invisible au Canada.
    En quoi cela serait-il important d'avoir un portrait beaucoup plus représentatif de la réalité?

  (1235)  

[Traduction]

    Je peux peut-être répondre rapidement. C'était une excellente question, et les données sont extrêmement importantes pour nous aider à élaborer une réponse stratégique cohérente à un problème systémique. Dans son Enquête sociale générale, Statistique Canada analyse l'emploi du temps. Il faut ce genre d'enquête, mais il est extrêmement important d'avoir une sorte d'aperçu des changements causés par la pandémie dans les soins non rémunérés ou l'emploi du temps des Canadiens. Les données existent dans une certaine mesure; mais elles risquent de ne pas avoir été recueillies aussi régulièrement qu'il aurait fallu.
    C'est vraiment ce qui a impulsé l'enquête d'Oxfam Canada, en juin, parce que nous estimions que les données et notre compréhension des changements causés par la pandémie étaient insuffisantes. Comme je l'ai dit, la charge de travail a sans contredit augmenté, mais sans se répartir également entre les hommes et les femmes. Les femmes s'estiment donc vraiment les principales attributaires de ce surplus de responsabilités.
    Bien sûr, ça diffère selon que les écoles et les garderies sont ouvertes ou fermées. Il faudra même également en tenir compte en soi.
    Si vous permettez, considérez de plus que nous menons une enquête nationale auprès des soignants pour cerner exactement le même problème et comprendre ce que la pandémie a changé.
    Nous réalisons aussi un projet national visant à déterminer le cadre de la recherche pour examiner les données administratives et les données des systèmes de santé qui feront comprendre ce changement et comprendre aussi comment la pandémie a peut-être modifié l'accès au système de santé et les ressources dont les malades auraient besoin dans les soins à domicile et les soins communautaires. Bien sûr, de cette manière on pourrait indirectement mesurer l'impact subi par les soignants qui doivent alors compenser la perte d'accès.
    C'est une excellente question. Nos mesures doivent être justes, pour que proposions et appliquions les politiques convenables.

[Français]

    Ces données sont très importantes, mais il faut aussi penser à offrir de l'aide aux gens qui font du travail invisible, notamment aux proches aidants. Cela passe par plus de soutien à domicile.
    Vous avez évoqué la question du système de santé. Cette semaine, le Bloc québécois a déposé une motion visant à féliciter les gens du domaine de la santé qui ont travaillé depuis le début la pandémie et à aider le système de santé, ce qui aiderait aussi les proches aidants.
    En quoi cela est-il important?
    Ce ne sont pas des normes nationales qui soigneront les gens, mais une augmentation à 35 % des transferts canadiens en santé au Québec et aux provinces ne pourrait-elle pas donner un peu de souffle au système de santé et permettre d'avoir plus de personnel mieux rémunéré et de reconnaître le travail de ceux qui accompagnent tous les jours les proches aidants?
    J'aimerais vous entendre sur le fait que nos systèmes de santé sont sous-financés au Canada.

[Traduction]

    Je suis absolument d'accord. À moins d'investir dans des systèmes de santé robustes et d'autres systèmes de soins, nous ne pourrons combler les lacunes que cette crise a révélées.
    Ce n'est pas seulement une question de financement. Il faut aussi une stratégie cohérente pour que l'expansion du système aide à soulager le fardeau supporté par les soignants non rémunérés, le travail invisible.
    Il faut un système élargi de soins à domicile. Il faut la sorte de soins de relève qu'on offre pour diminuer la pression sur les soignants familiaux. Il faut de meilleures options. Il faut que nous commencions par considérer comme un droit le besoin de soins, que ce soit des soins de santé, des soins à domicile, des soins pour les personnes handicapées ou la garde des enfants, plutôt que comme un poste de dépenses et un trou sans fond, pour construire les systèmes robustes qui nous aideront dorénavant.
    Excellent! Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci également à tous les témoins.
    Cette semaine, on nous a annoncé la mise à jour économique et financière. De plus, d'anciens membres ont discuté du crédit d'impôt pour les soignants. D'après moi, ce sont des demi-mesures, des mesures temporaires. Nous savons que de l'argent va à la garde des enfants, mais ce n'est pas les montants que les experts et les acteurs dans le système avaient réclamés — en fait, c'est beaucoup moins.
    Quand on a annoncé l'embauche de préposés aux soins de longue durée et un relèvement des salaires, je crois que le nombre visé était de 4 000. Il paraît que pour fournir les quatre heures de soins obligatoires quotidiens, uniquement en Ontario, il faudrait embaucher 10 000 auxiliaires et préposés de plus aux soins.
    Mme Sarosi a dit que tout cet argent offert ne semble pas conditionnel. Sur notre façon d'envisager désormais ces solutions à long terme et leur application, Mme Smallman a parlé de les mettre en œuvre en ayant le regard tourné vers un avenir lointain.
    Comment une mesure comme une loi sur la garde des enfants de portée universelle ou des normes nationales dans une loi sous le régime de la Loi canadienne sur la santé assureraient-elles cette universalité et cette équité? Comment aideraient-elles à construire ces systèmes?

  (1240)  

    C'est ce que demande le mouvement pour l'aide à l'enfance depuis de nombreuses années maintenant... de légiférer la garde d'enfants. Je crois qu'on revient à l'argument voulant que la garde d'enfants soit un droit, mais aussi à un changement de mentalité au sujet de ce qui constitue un investissement et de ce qui constitue une dépense. Les avantages d'un système public de services de garde au Canada seraient énormes. Il générerait des revenus de près de 29 milliards de dollars pour le gouvernement, ce qui permettrait de le rentabiliser. Il permettrait d'accroître l'emploi de 725 000 femmes au Canada et d'augmenter le PIB de 100 milliards de dollars par année dans 10 ans, soit la période nécessaire à la mise sur pied d'un tel système.
    Je crois que le temps est venu de cesser de voir ce projet comme une dépense budgétaire et de plutôt le considérer comme un investissement qui nous aidera à régler ces problèmes de façon systémique, au lieu de laisser les forces du marché ou des particuliers s'en occuper.
    J'aimerais ajouter quelque chose.
    Je suis tout à fait du même avis: le changement de perspective pour considérer la prestation desoins à titre de valeur ajoutée pour l'économie est essentiel en vue de l'élaboration des politiques. À l'heure actuelle, nous avons une stratégie nationale en matière de démence. Toutefois, elle n'est pas entièrement financée par le gouvernement fédéral et elle n'a toujours pas été mise en œuvre.
    C'est au fruit que l'on jugera l'arbre. La façon dont nous allons mettre en œuvre la stratégie orientera la façon d'établir la feuille de route. Il faut penser à la mise en œuvre de la stratégie. Pour appuyer les gens qui font un travail invisible et qui prodiguent des soins à la maison, dans les centres de soins communautaires et dans les établissements de soins de longue durée, il faut payer les préposés aux bénéficiaires, les rémunérer et... les avantages sociaux dont ils ont besoin et les rémunérer de manière appropriée pour offrir des soins à domicile et des soins communautaires de qualité.
    Le témoin précédent a parlé de l'inégalité des richesses. Les néo-démocrates s'efforcent de régler cette question, d'introduire une taxe sur la richesse et d'éliminer les échappatoires et les paradis fiscaux. Le gouvernement ne semble pas pressé de le faire.
    Nous avons parlé des inégalités relatives à la valorisation des travailleurs dans le système. Il faut bien sûr plus de travailleurs, mais il est aussi important de les payer. Le gouvernement avait promis un salaire minimum à 15 $, mais il n'a pas encore réalisé cette promesse. Il devait aussi mettre en oeuvre une loi sur l'équité en matière d'emploi, mais il ne l'a pas encore fait. Comment ces mesures aideraient-elles les travailleuses de tous les domaines?
    Je crois fermement que la loi sur l'équité en matière d'emploi aurait dû être en vigueur depuis un moment déjà. Bon nombre des travailleurs du domaine des soins sont visés par les lois du travail provinciales et territoriales. Il faudrait donc une mesure législative à cet égard. Toutefois, le leadership fédéral en vue d'augmenter le salaire minimum et d'assurer l'équité salariale de façon proactive est aussi très important pour nous aider à changer les choses à l'échelon provincial et territorial.
    Pour augmenter les salaires et améliorer les conditions des travailleurs du domaine des soins dans les établissements de soins de santé ou de soins de longue durée comme à domicile, il faut procéder à un examen et établir une stratégie cohérente. À l'heure actuelle, ces travailleurs ont de mauvaises conditions de travail et ne sont pas valorisés. Je reviens à la question précédente au sujet du besoin d'intégrer le droit aux soins à la loi et d'y associer des investissements, et de reconnaître dans cette loi que la qualité des soins dépend de conditions et d'un salaire décents pour les travailleurs. C'est ce qu'a fait l'Uruguay.

  (1245)  

    Voilà qui met fin à votre temps de parole.
    Nous allons passer à la deuxième ronde de questions. Madame Shin, vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie tous les témoins qui sont avec nous aujourd'hui pour parler d'un enjeu très important, surtout en cette période de pandémie, qui impose une charge supplémentaire aux femmes.
    Nous parlons d'un cadre et d'une stratégie fédérale. Pour comprendre à quoi cela pourrait ressembler, j'aimerais savoir si des statistiques sont disponibles sur les raisons pour lesquelles les femmes prodiguaient des soins non rémunérés avant la COVID-19. Par exemple, est-ce que c'était pour des raisons socio-économiques ou parce qu'il y avait certaines attentes sur le plan culturel? Est-ce que ces femmes font le travail de leur propre gré, parce qu'elles veulent assumer ce rôle, tout en reconnaissant qu'elles doivent renoncer à certains avantages, comme la pension et les revenus de retraite? Avez-vous des statistiques à ce sujet??
    Ma question s'adresse à tous les témoins.
    Je ne sais pas si les statistiques peuvent nous permettre de... L'étude de l'Organisation internationale du Travail à laquelle je fais référence est une étude mondiale, mais la dynamique relative aux attentes envers les femmes, à la prestation de soins non rémunérée et au nombre disproportionné de femmes dans le domaine des soins est bien documentée à l'échelle mondiale et au Canada également.
    L'étude de l'OIT représenterait un bon point de départ. Il y a aussi plusieurs enquêtes et publications de Statistique Canada, comme Femmes au Canada, qui abordent aussi cette dynamique. La réalité, c'est que toutes les femmes prodiguent des soins non rémunérés. Le problème, c'est que certaines femmes ont les moyens d'engager des gens pour faire ce travail, que ce soit des travailleurs domestiques ou autres. Ces travailleurs sont eux aussi sous-estimés et mal payés.
    Nous sommes dans une dynamique qui entraîne des conséquences négatives disproportionnées pour la sécurité et la justice économiques des femmes. Ce n'est pas vraiment une question de volonté individuelle; c'est un problème systémique bien ancré dans notre société.
    Merci.
    Comme la COVID-19 a entraîné des problèmes d'interaction en raison de la distanciation, à quoi ressemblent les services de relève pour les femmes qui prennent soin de proches dans ce contexte, et que pourrions-nous changer? Que peut faire le gouvernement fédéral pour aider ces femmes à avoir du répit?
    Je crois que l'absence de congés de maladie payés pour bon nombre de travailleurs représente une grande partie du problème. J'ai parlé du double fardeau des soins: le travail rémunéré et le travail non rémunéré. Si vous ne pouvez pas prendre une journée de congé au travail parce que vous n'avez pas de congés de maladie, cela ajoute à votre stress et à votre épuisement. Une chose aussi simple que l'accès à des congés de maladie payés représenterait une première étape utile.
    Merci.
    J'aimerais ajouter quelque chose: dans le domaine des soins à domicile, des soins communautaires et des soins de relève, nous avons reçu un nombre accru d'appels à l'aide de soignants qui sont en détresse parce qu'ils n'ont plus droit à un répit depuis le début de la pandémie. C'est particulièrement le cas de ceux qui prennent soin d'une personne atteinte de démence. Ces gens n'ont plus accès aux services de relève. Ils n'ont plus accès aux activités de jour pour les adultes. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, ils n'ont plus accès aux préposés aux bénéficiaires qui venaient à la maison les aider. Cette situation est en partie attribuable à l'augmentation de la charge de travail du personnel du domaine des soins à domicile et des soins communautaires, qui manque de ressources, puisqu'elles ont été affectées aux soins actifs ou aux soins de longue durée.
    Je vous remercie d'avoir posé la question parce que cela revient à la mise en oeuvre d'une stratégie. Dans le cadre de la Stratégie nationale en matière de démence, on parle beaucoup de la mise en oeuvre des soins à domicile et des soins communautaires, et du soutien nécessaire en vue d'offrir un répit suffisant aux soignants, et d'offrir du soutien et de la formation aux membres du personnel afin qu'ils puissent aider les gens qui souffrent de démence et ceux qui en prennent soin. C'est à cela que doivent servir nos efforts.

  (1250)  

    Merci.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles le secteur de la garde d'enfants fait face à des problèmes continus en matière d'embauche et de maintien en emploi. Les mauvaises conditions de travail mènent les femmes à l'épuisement. Elles n'ont pas droit aux avantages sociaux. C'est l'un des emplois les moins bien rémunérés et les plus précaires au Canada. Avec de telles conditions de travail, il est très difficile pour les femmes de préserver leur santé mentale.
    C'est très bien.
    Nous allons maintenant passer à Mme Dhillon. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins de leur présence. Merci aussi pour votre travail.
    Avant de commencer, j'aimerais préciser que les soins de santé relèvent de la compétence provinciale; je crois qu'il est très important d'apporter cette précision.
    J'aimerais aussi dire que le gouvernement a promis de s'investir dans les soins à domicile. Selon les études et les experts, il est très important pour les personnes d'un certain âge de pouvoir rester chez elles, dans le confort de leur domicile. Cela permet de prolonger la durée de vie, d'améliorer la santé et de maintenir une bonne santé mentale et émotionnelle.
    Nous avons pris soin de ma grand-mère. Elle a souffert d'AVC et était alitée. Toute la famille était là pour elle. Malgré toute cette aide, la situation était difficile et drainante sur le plan émotionnel, mental et social. Pour le travail, nous devions tous adapter nos horaires, mais nous ne voulions pas la placer dans une résidence. C'est une question de culture, aussi, je dois le dire. Nous ne plaçons pas nos aînés dans des résidences. C'était très difficile. Elle avait presque 80 ans et était alitée. Je vous écoute parler de la situation et je sais ce que vivent les aidants. Je suis de tout cœur avec eux.
    J'aimerais commencer avec Mme Sivananthan.
    Vous avez dit plus tôt que les femmes d'origine ethnique ou les personnes de couleur étaient celles qui se trouvaient les plus désavantagées dans ces situations. Avec la COVID-19, les choses n'ont fait que s'empirer. Il faut comprendre la source du problème. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi il en est ainsi. Pourquoi les personnes de couleur et les Autochtones sont-ils plus vulnérables à la COVID-19? Que pouvons-nous faire pour éviter que cela se reproduise à l'avenir? Est-ce qu'elles sont victimes de racisme ou de discrimination au départ et doivent par exemple travailler à la LCBO, comme vous l'avez dit plus tôt? Qu'est-ce qui fait que cette tranche de la société se retrouve à un niveau plus bas sur le plan social ou économique? S'il vous plaît, dites-nous-le et prenez votre temps. Merci.
    Je vous remercie pour votre question.
    Je vous remercie également pour vos commentaires, surtout ceux au sujet des soins que vous avez prodigués à votre grand-mère, parce qu'ils démontrent que vous comprenez bien la situation et qu'elle vous touche personnellement.
    Pour répondre à votre question au sujet des femmes racisées qui sont aussi soignantes, et comme vous l'ont dit d’autres témoins, il n'est pas seulement question de soins prodigués à des aînés ou à des personnes atteintes de démence. Ce sont l'ensemble des soins. C'est le cas pour la garde d'enfants également. La situation s'explique de nombreuses façons. Le statut socio-économique fait certainement partie des facteurs qui ont une incidence sur la situation, tout comme les facteurs sociaux.
    Je crois qu'il est important de souligner ceci: de façon sous-jacente, si nous accordions de la valeur à la prestation de soins sur le plan économique, et si nous rémunérions les gens qui prodiguent ces soins, nous n'aurions plus à nous poser ces questions au sujet des femmes racisées, parce que les gens seraient rémunérés de manière appropriée pour les compétences dont ils se servent pour aider les autres.
    En ce qui a trait à la démence, les personnes de couleur, les Autochtones et les membres des communautés noires sont plus à risque de la développer. J'aimerais que l'on puisse revenir à la source et comprendre que la prestation de soins est une valeur ajoutée pour l'économie. Si nous tenons compte de cette valeur ajoutée et que nous élaborons des politiques en conséquence, nous pourrons aborder la nature racisée de la prestation de soins également.

  (1255)  

    J'aimerais ajouter quelque chose: la seule façon de faire des profits avec la prestation de soins, c'est de réduire les salaires. La prestation de soins ne peut pas être remplacée ni automatisée. Donc, pour faire des profits, il faut réduire le salaire des travailleurs. C'est ce qui se passe dans le domaine depuis de nombreuses années, puisqu'il est géré par les forces du marché et de la concurrence. C'est pourquoi les investissements publics dans les soins sont si essentiels afin de maintenir les normes du travail qui assurent l'égalité, sans égard à l'identité raciale.
    Très bien. Merci à vous deux.
    Madame Smallman, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je suis tout à fait d'accord avec les deux autres témoins.
    Au fond, la situation émane de grandes tendances inégalitaires dans l'ensemble de la société. Pour régler le problème, il faut élaborer des politiques pour aider les personnes les plus désavantagées à la base.
    Si nous élaborons les politiques en tenant compte de ce point de vue intersectionnel axé sur le sexe et si nous songeons aux façons d'aider les personnes les plus touchées plutôt que de nous centrer sur les façons d'éviter de dépenser des fonds publics ou sur les façons pour les entreprises privées de faire du profit, alors nous arriverons peut-être à aborder certaines de ces tendances systémiques.
    Il faut aussi changer la façon de concevoir l'élaboration des politiques pour régler certains de ces problèmes systémiques.
    C'est excellent.
    Nous allons maintenant passer à Mme Larouche, qui dispose de deux minutes et demie.

[Français]

     En tant que porte-parole du Bloc québécois en matière d'aînés et de condition féminine, je remercie les trois témoins d'aujourd'hui.
    Vous mettez vraiment en évidence l'importance du travail invisible pour ces deux clientèles. Vous avez aussi parlé de la question de l'importance d'être mieux rémunéré. Il a même été question d'équité salariale.
    J'ai vraiment l'impression qu'on n'a plus de temps et de réunions à perdre pour étudier tous les dossiers que l'on veut mettre de l'avant. C'est pour cela que, bien humblement, je vais soumettre au Comité la motion suivante: « Que le Comité permanent de la condition féminine se réunisse au plus tard le lundi 7 décembre 2020 afin de terminer le débat entamé aujourd'hui sur les travaux à venir afin de maintenir l'horaire des travaux déjà prévus la semaine prochaine. »
    Je la soumets bien humblement, parce que vraiment je sens qu'on a beaucoup de pain sur la planche et j'ai l'impression qu'on ne peut plus se permettre de perdre une réunion, surtout sur la question du travail invisible.

[Traduction]

    Voulez-vous débattre de la motion?
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Allez-y, madame Dhillon.
    Est-ce qu'un avis de motion a été publié?
    La motion porte sur le sujet à l'étude.
    Elle ne porte pas sur le débat actuel; elle n'en fait pas partie.
    Merci.

[Français]

    Je dépose une motion sur-le-champ. On pourrait simplement voter pour voir s'il y a unanimité.
    Je propose humblement d'essayer de nous réunir d'ici lundi prochain pour que nous poursuivions nos travaux.

  (1300)  

[Traduction]

    Excusez-moi. La greffière m'avise que nous ne pouvons aborder la question dans le cadre de cette réunion. Il faut le faire dans le cadre des travaux du Comité.
    Il vous reste encore 30 secondes pour vos questions.

[Français]

    Quelqu'un veut-il terminer en rappelant l'importance du travail invisible et que la pandémie a révélé les inégalités entre les sexes? Justement, je vous ai entendues parler de ce sujet.

[Traduction]

    Je suis désolée; la greffière me confirme que ce n'est pas admissible.
    Nous en sommes malheureusement à la fin de notre réunion.
    Je tiens à remercier les témoins pour leurs excellentes interventions.
    Je rappelle aux membres du Comité de préparer leurs recommandations pour l'étude sur la COVID-19 d'ici lundi. Mardi, nous discuterons des travaux du Comité, bien sûr.
    La séance est levée.
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