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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 décembre 2020

[Enregistrement électronique]

  (1640)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 12e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Français]

     Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 29 octobre 2020, le Comité entreprend son étude sur l'octroi des licences d'exportation d'armes, avec une attention particulière sur les licences d'exportation vers la Turquie.

[Traduction]

    Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'invite tout le monde à laisser son micro en sourdine sauf pour parler. Il faudra aussi adresser ses commentaires à la présidence. Quand il vous restera 30 secondes pour poser vos questions ou pour parler, je vous ferai signe avec ce carton jaune qui fait désormais partie du paysage. Les services d'interprétation sont accessibles à partir de l'icône du globe au bas de votre écran.
    Chers collègues, nos témoins ont accepté de rester jusqu'à 17 h 45. Cela nous donne une heure complète avec eux. Je propose que nous poursuivions sur cette lancée.

[Français]

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.

[Traduction]

    Nous accueillons Justin Mohammed, militant des droits de la personne et des politiques d'Amnistie internationale Canada, ainsi que Stacia Loft, stagiaire en droit. De Project Ploughshares, nous accueillons Cesar Jaramillo, directeur exécutif, et Kelsey Gallagher, chercheur. De l'Institut Rideau des affaires internationales, nous accueillons Peggy Mason, présidente.
    Sans plus tarder, nous allons commencer par les représentants d'Amnistie internationale. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Vous avez la parole.
    Permettez-moi d'abord de souligner que je me joins au Comité depuis le territoire algonquin non cédé d'Ottawa, en Ontario.
    Nous tenons à remercier le Comité de nous avoir invités, surtout en cette Journée internationale des droits de l'homme. Nous souhaitons à tous les membres du Comité une bonne Journée internationale des droits de l'homme.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, comme vous le savez peut-être, le Canada a adhéré au Traité sur le commerce des armes, ou TCA, en septembre de l'an dernier, après quoi ce texte est devenu exécutoire pour le Canada en droit international. Il s'agit d'une convention importante qui peut aider à prévenir la perpétration de crimes internationaux graves, dont les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. C'est pourquoi Amnistie internationale a fait campagne au Canada et partout dans le monde pour encourager les États à adopter des lois nationales qui mettent pleinement en œuvre les conditions du traité.
    Amnistie internationale est encouragée par la décision du Comité d'étudier les contrôles, les protocoles et les politiques entourant l'octroi et le gel des exportations d'armes. Cependant, nous rappelons respectueusement au Comité que ces mesures ne sont tout simplement pas des lois. Il faut commencer par veiller à ce que le cadre juridique du Canada mette pleinement en œuvre toutes les obligations juridiques internationales prévues dans le traité.
    Le projet de loi C-47, modifiant la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, la LLEI, a été présenté pour mettre en œuvre le TCA, et il a renforcé le régime canadien de contrôle des exportations. Toutefois, le régime juridique et réglementaire qu'il a créé n'a pas permis de mettre pleinement en œuvre le traité. Plusieurs organismes de la société civile ont présenté des mémoires sur ces lacunes au Comité sénatorial des affaires étrangères en novembre 2018, puis, de nouveau, quand Affaires mondiales Canada a entrepris des consultations en vue d'élaborer un ensemble de règlements qui allaient accompagner le projet de loi C-47 en avril 2019.
    Je vais simplement vous donner deux exemples qui ont été soulignés dans ces mémoires. Premièrement, l'article 6 du Traité sur le commerce des armes interdit de façon absolue certains transferts d'armes, comme ceux qui violent les embargos ou les transferts d'armes du Conseil de sécurité de l'ONU, dès lors qu'on sait que les armes vont être utilisées pour la commission d'un génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. L'interdiction absolue de telles exportations n'existe pas en droit canadien.
    Deuxièmement, on constate aussi des lacunes dans le processus d'exportation d'armes des États-Unis. Un soi-disant permis d'exportation général permet d'exempter presque toutes les exportations d'armes américaines de l'examen prévu aux articles 6 et 7 du TCA. De telles exemptions ne sont pas autorisées en vertu du traité.
    Comme mes collègues vous l'expliqueront plus en détail, le fait de ne pas intégrer pleinement le TCA dans le droit canadien a pour conséquence que le Canada continue d'exporter des armes qui pourraient être utilisées pour commettre des crimes internationaux graves.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Stacia Loft, qui poursuivra notre témoignage.

  (1645)  

    Notre compréhension du processus d'examen des exportations du Canada après le projet de loi C-47 s'appuie sur le rapport final d'Affaires mondiales Canada concernant les exportations d'armes vers l'Arabie saoudite. Le ministre des Affaires étrangères a ordonné aux fonctionnaires de rendre public le document plus tôt cette année. Il y a certes lieu de saluer cet exercice de transparence, mais il faut dire que le rapport final révèle de graves lacunes dans le processus d'évaluation des exportations du Canada.
    Premièrement, ce rapport laisse entendre, à tort, que la définition de « risque sérieux » devrait tenir compte de la question de savoir s'il est possible de déceler un comportement répétitif relativement aux violations des droits de la personne. Ce n'est pas le bon critère en vertu du TCA. La perspective de risque existe, et c'est ce dont il faut tenir compte. Bien que le comportement répétitif puisse être un indicateur de risque, il n'est pas un déterminant du risque. Il indique un seuil plus élevé que celui exigé par le traité.
    Deuxièmement, le rapport final ne s'appuie pas sur des rapports autorisés par des organisations de défense des droits de la personne ou de la société civile, qui documentent depuis longtemps les violations des droits de la personne en Arabie saoudite et les violations possibles du droit international et du droit humanitaire. Il est également sélectif dans son traitement du rapport de 2019 du groupe d'experts éminents de l'ONU. Enfin, il comporte des erreurs d'interprétation en droit humanitaire international. Par exemple, il ne tient pas compte des préoccupations exprimées au sujet des fusils utilisés par les tireurs d'élite, affirmant qu'ils servent au ciblage de précision et qu'ils sont donc moins susceptibles d'entraîner des pertes civiles.
    Bien que de tels fusils soient un moyen de guerre autorisé, cela ne signifie pas que les méthodes d'utilisation sont conformes. Un fusil de tireur d'élite entre les mains d'une personne qui l'utilise pour cibler des civils ne représente pas moins une violation du droit humanitaire international. Si c'est là toute la rigueur qu'on applique aux questions de droit international humanitaire en matière d'exportation d'armes par le Canada, c'est là que le bât blesse.
    Pourquoi le Canada a-t-il besoin d'un système de contrôle des exportations plus rigoureux, plus précisément d'un système qui mette pleinement en œuvre le TCA? Le cas de l'Arabie saoudite est un exemple. Le bilan de ce pays en matière de droits de la personne est incontestable. Il est de notoriété publique qu'il viole les droits de la personne, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Tout cela soulève des questions. Si l'on considère que, dans une telle situation, il n'existe pas de risque que des armes canadiennes soient utilisées pour commettre de graves violations contre les droits de la personne et le droit humanitaire international, alors quand va-t-on estimer qu'un tel risque existe?
    En conclusion, Amnistie internationale propose deux recommandations à l'intention du Comité. Je serai brève.
    Premièrement, le Canada devrait modifier sa législation nationale pour s'assurer qu'il respecte entièrement les modalités du TCA. Entretemps, le gouverneur en conseil pourrait prendre des règlements donnant force de loi à ces obligations.
    Deuxièmement, et nous finirons là-dessus, le Canada devrait réévaluer les permis d'exportation dès que des violations du droit international humanitaire et du droit international en matière de droits de la personne, ou dès que des cas de violence fondée sur le sexe sont allégués par des organismes d'enquête nationaux ou internationaux, ou par des organisations de défense des droits de la personne ou encore par des organismes de la société civile.
     Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Mohammed et madame Loft.
    Nous allons maintenant donner la parole aux représentants de Project Ploughshares, qui auront également cinq minutes pour leur déclaration liminaire.
    C'est à vous.
     Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité.
    Distingués membres du Comité, contrairement à ce que prétend le gouvernement, le Canada n'a pas l'un des meilleurs systèmes de contrôle des exportations au monde.
    Et ce n'est pas là une question d'opinion ou d'interprétation. Les rapports annuels sur les exportations militaires canadiennes préparés par Affaires mondiales Canada confirment un fait indéniable, à savoir qu'aujourd'hui, la plupart des exportations d'armes canadiennes contribuent à soutenir des régimes autocratiques, à perpétuer des conflits armés ou à permettre la violation des droits de la personne.
    Un exemple récent concerne les exportations militaires canadiennes vers la Turquie. On a constaté la présence de capteurs optiques produits en Ontario par L3Harris Wescam dans de nombreuses autres zones de conflit, notamment en Syrie, en Irak et en Libye. Plus récemment, l'Azerbaïdjan s'est servi de tels capteurs dans des attaques contre des cibles arméniennes dans le Nagorny-Karabakh. Ces exportations présentent un risque important de violation des droits de la personne et du droit humanitaire international. Dans le cas de la Libye, elles constituent une violation flagrante d'un embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité de l'ONU.
    La suspension par le Canada des exportations d'armes vers la Turquie après le signalement de cas d'utilisation abusive était bienvenue et nécessaire, mais si l'on se fie à l'histoire récente, elle pourrait être de courte durée.
    C'était la quatrième fois en un peu plus de trois ans que le Canada annonçait la suspension des permis d'exportation vers un pays accusé de violation du droit international. Deux de ces incidents concernaient l'Arabie saoudite, la principale destination des exportations d'armes canadiennes, et l'un des pires violateurs des droits de la personne sur la planète. Chaque fois que la suspension a été levée, les médias ont relâché leur attention. Dans le cas des exportations saoudiennes, les suspensions n'ont pas empêché une seule exportation parce qu'elles ne s'appliquaient qu'aux permis futurs.
    Il est troublant de constater que l'industrie canadienne de l'armement est désormais liée de façon inquiétante à des régimes déshonorants engagés dans certains des conflits les plus dévastateurs du monde. Nous sommes conscients que ce point de vue s'oppose au discours soigneusement élaboré du gouvernement sur les normes élevées de rigueur et de transparence qui sont censées guider les décisions du Canada en matière d'exportation d'armes, mais les preuves sont solides et convaincantes.

  (1650)  

     Le monde en prend bonne note. En septembre de cette année, le Groupe d'éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen, mandaté par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a publié un rapport qui confirme non seulement la tendance des violations des droits de la personne commises par toutes les parties au conflit, mais aussi le rôle que le Canada et d'autres exportateurs d'armes ont joué auprès des parties au conflit pour perpétuer la crise.
    On constate un écart criant entre la rhétorique et la pratique au sujet des exportations d'armes canadiennes. Il est grand temps que le Parlement exerce une surveillance stricte sur cet aspect important de la politique étrangère du Canada. Un point de départ pourrait être la création d'un sous-comité du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international pour assurer le respect du droit national et international, y compris les obligations du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes.
    Je vais céder la parole à mon collègue Kelsey Gallagher.
    Merci, monsieur Jaramillo.
    Et merci au Comité de son accueil.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, au cours des dernières années, le Canada a exporté en Turquie d'importants volumes de capteurs de surveillance et d'acquisition de cibles L3Harris Wescam fabriqués au Canada, qui sont utilisés par l'armée turque. Ces capteurs sont généralement fixés sous les ailes d'aéronef et de drones, et ils servent à surveiller des cibles potentielles au sol. Toutefois, il ne faut pas les confondre avec de simples caméras. La variante des capteurs canadiens exportés en Turquie, le Wescam MX-15D, est également munie d'un marqueur laser qui sert à diriger les munitions vers leurs cibles. Elles sont essentielles à la conduite des frappes aériennes modernes.
    La majorité des capteurs fabriqués au Canada et exportés en Turquie sont utilisés sur le drone turc Bayraktar TB2 et ils l'ont aussi largement été au combat dans plusieurs zones de conflit. La Turquie les a par ailleurs fournis à ses alliés en Libye et dans le Nagorny-Karabakh. La fourniture par la Turquie de capteurs Wescam à ses alliés est un exemple classique de détournement, soit le transfert illicite de systèmes d'armes à des utilisateurs non autorisés. Le fait que des armes canadiennes soient détournées vers la Libye est particulièrement inquiétant, car cela constitue également une violation de l'embargo sur les armes imposé par les Nations unies il y a près de 10 ans contre ce pays.
    Le détournement est interdit en vertu du Traité sur le commerce des armes, auquel le Canada est partie. Par conséquent, le gouvernement du Canada a l'obligation, en vertu du droit international, de lutter contre le détournement illicite des systèmes d'armes, ce qui s'applique incontestablement à la Turquie. Tandis que la suspension temporaire des exportations d'armes du Canada vers la Turquie est un pas dans la bonne direction, cette mesure se fait attendre depuis longtemps. Selon un rapport de l'ONU publié l'an dernier, depuis mai 2019, voire plus longtemps, la Turquie détourne des drones vers la Libye, y compris le Bayraktar TB2 qui est invariablement équipé de capteurs Wescam fabriqués au Canada. À elles seules, ces conclusions auraient dû faire ressortir clairement le risque important associé à ces exportations d'armes.
    Compte tenu du comportement effronté de la Turquie en Libye, Affaires mondiales Canada n'aurait pas dû être surpris d'apprendre que les mêmes armes canadiennes alimenteraient la guerre dans le Nagorny-Karabakh. De toute évidence, la fourniture d'armes par la Turquie à l'Azerbaïdjan a eu une influence considérable sur l'issue de ce conflit.
    Pour s'acquitter de ses obligations en vertu du droit international, le gouvernement du Canada devrait cesser complètement d'exporter de tels systèmes d'armes vers la Turquie ou courir le risque de ne pas respecter les cadres internationaux de contrôle des armements auxquels il a volontairement adhéré.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Notre dernier exposé sera présenté par l'Institut Rideau des affaires internationales.
    Madame Mason, vous avez la parole pour cinq minutes.

  (1655)  

    Le Canada a besoin d'un organisme indépendant et impartial de contrôle des exportations d'armes. Depuis que je suis devenue présidente de l'Institut Rideau, en juin 2014, nous suivons, bon an mal an, la longue et sordide saga de nos exportations d'armes vers l'Arabie saoudite.
    Ces exportations se sont poursuivies en dépit d'une répression interne odieuse au Royaume d'Arabie saoudite, d'assassinats planifiés par l'État pouvant atteindre le territoire canadien et, ultime tache, d'un rapport d'expert des Nations unies sur les droits de la personne nommant explicitement et humiliant les exportateurs d'armes, y compris le Canada, l'Iran et le Royaume-Uni pour avoir « contribué à perpétuer le conflit » au Yémen et pour les souffrances humaines quasi inimaginables qu'il a engendrées.
    Et hélas, ce n'est pas tout.
    Comme vous l'avez entendu, Project Ploughshares a documenté de façon exhaustive le fait que la technologie canadienne des drones exportée en Turquie est utilisée dans les conflits en Libye, en Syrie et en Irak. Les allégations selon lesquelles la Turquie aurait transféré ce matériel à des groupes armés en Libye, contrairement à l'embargo obligatoire sur les armes imposé par le Conseil de sécurité de l'ONU il y a 10 ans, sont particulièrement choquantes.
    Il y a aussi ce qui se passe au Nagorny-Karabakh.
    Nous avons été témoins d'une tendance cynique à Affaires mondiales Canada à suspendre les nouvelles licences d'exportation sous les projecteurs des médias, à annoncer une enquête interne, puis à lever la suspension dès que le battage médiatique s'estompe, tout en continuant dans la plupart des cas les exportations réelles de toute façon, en vertu des permis existants.
    Le rapport d'Affaires mondiales, qui justifie la levée de la dernière suspension d'exportation d'armes dans le cas de l'Arabie saoudite, soutient même que, malgré les appels répétés des experts de l'ONU afin que tous les pays cessent leurs exportations d'armes, les armes canadiennes ne sont pas visées. C'est ce qui a amené le groupe d'experts des Nations unies, dans son rapport suivant, celui de septembre 2020, à désigner explicitement le Canada. Jamais, l'ancienne ambassadrice que je suis n'aurait imaginé voir le nom du Canada dans un tel rapport.
    Je pose la question: à quoi sert-il qu'Affaires mondiales enquête sur lui-même?
    Le conflit d'intérêts est évident, car Affaires mondiales Canada poursuit deux objectifs de politique contradictoires, soit permettre la vente d'armes à des acheteurs étrangers, d'une part, et respecter les obligations internationales et nationales visant à protéger les droits de la personne et la sécurité internationale qui exigent des limites strictes sur les ventes, d'autre part. De plus, quand le ministre annonce une enquête d'Affaires mondiales, il demande en fait aux fonctionnaires de déterminer s'ils lui ont donné de mauvais conseils la première fois. Quelle est la probabilité qu'ils le fassent?
    Le nouveau cadre réglementaire en place, qui a permis au Canada d'adhérer au Traité sur le commerce des armes impose des limites juridiques strictes au pouvoir discrétionnaire du ministre d'approuver les exportations, mais ce ne sont pas ces dispositions telles qu'elles sont rédigées qui font problème. Le problème, c'est la loi telle qu'elle est appliquée ou, plus précisément, telle qu'elle n'est pas appliquée.
    Comment le gouvernement du Canada peut-il être obligé d'agir conformément aux lois canadiennes? À l'heure actuelle, le seul recours dont disposent les citoyens, à part la cour de l'opinion publique, consiste à traîner le gouvernement du Canada en Cour fédérale, mais les procédures judiciaires sont longues et coûteuses, et interviennent nécessairement a posteriori. C'est pourquoi nous avons besoin d'un nouvel organisme indépendant pour administrer de façon impartiale nos exportations d'armes conformément aux lois canadiennes et internationales.
    Au nombre des arguments en faveur de cette mesure, mentionnons l'absence de conflit d'intérêts de la part des administrateurs entre la promotion du commerce et le respect des droits de la personne, les embargos sur les armes prononcés par les Nations unies et d'autres obligations juridiques du Canada; le fait qu'on n'ait pas demandé aux fonctionnaires d'examiner leurs propres recommandations antérieures; et un avis juridique indépendant et expert fondé sur toutes les preuves disponibles, ainsi que d'autres compétences requises pour guider les décisions. De plus, un comité de la Chambre des communes pourrait être chargé d'assurer la surveillance parlementaire, comme l'a recommandé aujourd'hui Project Ploughshares. L'avantage ultime pour les élus est de faire en sorte que la politique intérieure ne soit plus montrée du doigt.
    Entretemps, Affaires mondiales peut prendre deux mesures immédiates pour améliorer son lamentable bilan. Premièrement, le ministère pourrait entreprendre des consultations sur la création d'un groupe consultatif indépendant, comme cela avait été promis en avril 2020, et, deuxièmement, il pourrait mandater un avis juridique d'expert indépendant sur la conformité aux obligations juridiques internationales du Canada dans le cadre du processus actuel de demande de permis d'exportation d'Affaires mondiales.
    Merci beaucoup.

  (1700)  

     Merci, madame Mason.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions qui sera de six minutes.
     Monsieur Chong, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais parler des pouvoirs conférés par la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. J'aimerais entendre Mme Mason et les témoins de Project Ploughshares à ce sujet. Je crois comprendre qu'il y a un certain nombre d'années, ces pouvoirs ont été délégués à Affaires mondiales, à un niveau inférieur à celui du ministre, et que, il y a plusieurs années, ces pouvoirs délégués ont été révoqués pour être remis au cabinet du ministre.
    Avez-vous des renseignements à ce sujet, madame Mason, monsieur Jaramillo ou monsieur Gallagher?
    J’ai participé à la dernière mise à jour des lignes directrices sur le contrôle des exportations en 1986, sous le gouvernement Mulroney. À ce moment-là, sauf dans les situations controversées, les permis d’exportation devaient être envoyés au bureau du ministre. À ma connaissance, le ministre est tenu depuis un certain temps d’approuver les permis.
    Quelqu’un du Project Ploughshares veut-il intervenir à ce sujet?
    Auparavant, le ministre avait presque tous les pouvoirs nécessaires pour autoriser toutes les exportations vers n’importe quelle destination, peu importe le bilan du destinataire sur le plan des droits de la personne.
    Récemment, dans le cadre du projet de loi C-47, qui visait à préparer le Canada à adhérer au Traité sur le commerce des armes, les choses ont évolué pour le mieux. Il y a maintenant ce qu’on appelle la clause du risque substantiel en vertu de laquelle, si Affaires mondiales Canada détermine qu’il existe un risque ou une possibilité de mauvaise utilisation d’une exportation donnée, le ministre a non seulement le pouvoir, mais aussi l’obligation de refuser ladite exportation. Nous sommes maintenant dans une position beaucoup plus solide.
    Comme l’a dit ma collègue, Peggy Mason, de l’Institut Rideau, c’est la loi. Il y a toujours un écart entre la loi telle qu’elle est rédigée et la loi telle qu’elle est appliquée. C’est l’application de la loi qui comporte de graves lacunes.
    Soyons clairs, vous comprenez que les pouvoirs ne sont plus délégués et qu’ils sont entre les mains du ministre.
    C’est exact. C’est ce que nous croyons comprendre.
    J’ai une brève question à ce sujet.
    Savons-nous ce qu’il est advenu de l’évaluation des risques effectuée par les fonctionnaires d’Affaires mondiales relativement à ces exportations d’armes vers la Turquie? En connaissons-nous la conclusion? Était-ce pour recommander que les permis soient approuvés ou pour recommander qu’ils soient refusés?
    Je vais répondre en premier. Pour autant que nous sachions, l’évaluation est toujours en cours. En fait, nous n’avons pas eu de nouvelles. La dernière fois que nous avons entendu parler de l’enquête, c’était dans le Globe and Mail du 30 octobre.
    Je ne parle pas de l’enquête. Je parle de l’évaluation initiale des risques qui a dû être effectuée par les fonctionnaires avant que le ministre n’approuve le permis.
    Encore une fois, c’est une excellente question à laquelle nous n’avons pas de réponse, parce que c’est vraiment la...
    Nous non plus. C’est pourquoi je vous ai posé la question.
    Mais il y a un autre aspect à cela. C’était dans le contexte d’un embargo complet imposé par le Canada.
    Je sais.
    Pourquoi, le 16 avril, je crois, le gouvernement a-t-il changé sa décision de suspendre toutes les exportations d’armes vers la Turquie?
    Il appartiendra aux fonctionnaires de répondre à cette question parce qu’aucune information publique n’a été donnée.
    Nous ne savons rien non plus. C’est pourquoi je pose la question.
     Dans le rapport de Project Ploughshares, j’ai noté que les exportations militaires canadiennes vers la Turquie sont passées de 4 millions de dollars en 2016 à 152 millions de dollars l’an dernier. Je sais que vous n’en connaissez pas la composition exacte, mais peut-on supposer que la grande majorité de ces systèmes sont des systèmes optiques de l’industrie Wescam?

  (1705)  

    Oui, c’est ce que nous croyons comprendre. Nous pouvons en juger à l’examen du rapport annuel sur les exportations militaires déposé le 31 mai. La majorité des exportations vers la Turquie font partie de la catégorie 2-15 du groupe 2 de la LMTEC, qui concerne l’optique, l’imagerie et ce genre de choses.
     J’aimerais avoir votre avis d’expert à ce sujet. Dans quelle mesure ces systèmes de drones ont-ils changé la donne dans le récent conflit dans le Caucase? Ont-ils joué un rôle mineur dans ce qui s’est passé ou ont-ils plutôt profondément changé la donne dans l’équilibre du pouvoir dans la région?
     On en a beaucoup parlé. D’après la majorité des rapports disponibles, ils ont surtout équipé le drone Bayraktar TB2. Les BT2 fournies par la Turquie à l’Azerbaïdjan ont largement changé la donne. Ils ont permis aux forces azerbaïdjanaises de frapper plus loin et plus vite, et, d’après ce que j’ai lu, les forces arméniennes n’ont pas vraiment eu l’occasion de se défendre contre les drones. D’entrée de jeu, cela a créé un changement dans le conflit.
    Merci.
    Madame Mason, avez-vous un commentaire, un point de vue ou une opinion d’expert sur l’usage de ces drones dans ce récent conflit?
    Je vais simplement faire écho à ce qu’ont dit les représentants de Project Ploughshares.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    La parole est maintenant à Mme Fry, pour six minutes.
    Allez-y, s’il vous plaît.
    Je dois dire que tous vos rapports sont très détaillés. Ils parlent d’obligations juridiques, surtout en ce qui concerne la Turquie, qui continue de détourner les ventes d’armes en contradiction avec le droit international. Je n’essaie pas de dire que le Canada n’a rien à voir là-dedans, mais quel est le rôle des pays de l’OTAN qui continuent de permettre à la Turquie de violer le TCA? Croyez-vous — et quelqu’un qui connaît les tenants et aboutissants de cette question, comme Mme Mason, pourra nous le dire — que le Canada ne peut rien faire parce que des membres de l’OTAN, comme le Royaume-Uni et les États-Unis dont vous avez parlé, exercent des pressions sur les autres membres pour qu’ils maintiennent le statu quo et acceptent les violations pour diverses raisons géopolitiques?
    Quelqu’un peut-il répondre à cette question? La question est tendancieuse. Je ne connais pas la réponse parce qu’aucun d’entre nous ne sait ce qui se passe ici, mais pouvez-vous me dire, madame Mason, comment cela fonctionnerait à l’intérieur de l’OTAN? Ensuite, M. Jaramillo pourra répondre.
    Merci beaucoup.
    Tout d’abord, je ne suis pas au courant de telles pressions, mais il y a beaucoup plus important, soit que la question n’est pas là. Le Canada a des obligations juridiques, qu’il a librement contractées au regard du Traité sur le commerce des armes. S’agissant d’embargos sur les armes, il y a aussi des obligations qui ont été imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il incombe au gouvernement du Canada de respecter et de mettre en œuvre intégralement les lois canadiennes. D’un point de vue pratico-pratique, les pays de l’OTAN ont toutes sortes d’opinions et de positions au sujet de la Turquie, mais le plus important est que chaque pays a l’obligation souveraine de s’acquitter pleinement de ses obligations en vertu de ses lois nationales et des lois internationales. Nous ne pouvons pas nous excuser ou dire: « Quelqu’un a exercé des pressions sur moi pour que je ne respecte pas la loi canadienne. »
    Merci, madame Fry. C’est une excellente question.
    Nous entendons souvent des membres de l’OTAN — et pas seulement dans ce cas-ci, mais de façon générale — parler de la nécessité de maintenir l’interopérabilité militaire, raison souvent invoquée pour expliquer ces transactions douteuses. Cependant, comme Mme Mason l’a dit, ce n’est pas du tout une excuse pour ne pas respecter la loi. Le Traité sur le commerce des armes et les lois canadiennes ne prévoient aucune exemption au nom de l’interopérabilité militaire ni pour toute autre raison. Le Canada a l’obligation de faire respecter la loi, tout comme d’autres pays qui peuvent aussi encourager les comportements. Le mauvais comportement des autres États n’excuse pas le mauvais comportement du Canada, pour ainsi dire.

  (1710)  

    Merci.
    Vous avez parlé de la nécessité de modifier les lois nationales relativement au TCA. Selon vous, quels amendements devrions-nous apporter? Je pensais que la loi était déjà précise et conforme au TCA, mais notre loi nationale devrait-elle être modifiée davantage? Comment pouvons-nous éviter la politique intérieure?
    On sait ce qui se passe à la période des questions quand, après une simple question, tout se transforme en champ de mines politique et que les choses s’embrouillent, au lieu que nous examinions clairement nos lois et nos obligations. Comment pouvons-nous modifier le projet de loi C-47? Devrait-il être modifié? Quelles mesures devrions-nous prendre ensuite pour nous assurer...?
    Vous avez parlé d’un groupe de surveillance indépendant qui aurait une position claire au sujet de ses obligations juridiques, de son indépendance juridique, etc., un groupe qui pourrait devenir réalité. Comment échapper aux affres de cette politisation des débats qui nous guette à la Chambre des communes dès qu’il sera question de ce projet de loi, dès qu’il faudra voter à son sujet, parce ce que tout le monde s’adonnera à des jeux politiques? Que faire? Je pose cette question non pas parce que je suis partisan, mais parce que je ne veux pas que le nom du Canada soit traîné dans la boue sur la scène internationale et que nous ne respections pas nos obligations. À quoi devrait ressembler la législation nationale?
     Merci.
    La première partie de votre question porte sur ce qu’a dit Justin Mohammed, d’Amnistie internationale, plus précisément au sujet du fait que le projet de loi C-47, qui vise à permettre au Canada d’adhérer au Traité sur le commerce des armes, ne met pas en œuvre toutes les obligations du Traité sur le commerce des armes. J’aimerais lui demander de répondre à cette partie de la question.
    En ce qui concerne l’organisme indépendant, je fais ici une proposition radicale en termes traditionnels.
    Oui, je sais.
    Ce n’est pas vraiment radical quand on considère le genre de monde dans lequel nous vivons maintenant, avec le genre de défis et le genre de « nouvelle pensée » dont nous avons besoin. Ce n’est pas du tout aussi radical que cela, mais c’est radical pour la vieille diplomatie d’Affaires mondiales.
    Si la décision finale était prise par un organisme indépendant, les parlementaires n’y participeraient pas. Le rapport serait présenté au Parlement, qui pourrait débattre de l’opportunité d’adopter une nouvelle loi, etc., mais les décisions seraient prises au départ par l’organisme indépendant.
    Rappelons-nous, par exemple, le scandale du thon contaminé dans les années 1980, à la suite duquel, le ministre a perdu son pouvoir de renverser les conclusions des inspecteurs. Il en a découlé certaines avancées comme en matière de salubrité des aliments à Agriculture Canada. Le mandat d’exécution du programme de promotion alimentaire a alors été confié à une agence distincte, l’Agence canadienne d’inspection des aliments.
    C’était en 1997. Ce n’est pas que nous ne pouvons pas faire ce genre de choses. C’est simplement qu’avec la diplomatie, parfois, dans ces domaines, les choses semblent plus difficiles qu’elles ne le sont en réalité.
    Madame Mason, je crains que nous devions nous arrêter là. Merci beaucoup.
    Merci, madame Fry.

[Français]

     Vous avez maintenant la parole pour six minutes, monsieur Bergeron.
    Je vais continuer dans la même veine, monsieur le président.
    On a bien vu que le ministre des Affaires étrangères disposait de pouvoirs importants, bien que ces pouvoirs soient bien paramétrés. On a vu que le ministre cherchait justement à ne pas porter seul le singe sur les épaules, pour reprendre l'expression courante.
    On l'a vu dans le dossier concernant la suspension du moratoire sur la vente d'armes à l'Arabie saoudite, alors que, en plein milieu du confinement lié à la pandémie, le ministre a pris cette décision, ce qui a surpris un peu tout le monde.
    J'ai eu l'occasion de communiquer avec le ministre, qui m'a dit qu'un rapport relativement indépendant lui avait été soumis et qu'il montrait que l'on pouvait aller de l'avant. J'ai donc demandé à voir ce rapport. Or, à ma grande surprise, c'était un rapport interne du ministère des Affaires étrangères, qui était manifestement conçu de façon à avaliser et à légitimer la levée de ce moratoire.
    On pouvait lire dans ce rapport des arguments faisant état de violations des droits de la personne, mais de violations qui, jusqu'à un certain point, n'avaient pas été suffisamment documentées. C'est un argument que l'on a entendu jusqu'à plus soif, ces dernières semaines, de la part d'Affaires mondiales Canada.
    Le ministre a ajouté qu'il s'entourerait d'une espèce de comité de sages pour le conseiller dans ce type de circonstances. Or, pour ma part, je n'ai pas vu la moindre trace de ce comité de sages. Ai-je raté un épisode?
    Avez-vous été informé de la mise sur pied dudit comité de sages — je m'adresse à l'ensemble des témoins — qui informe ou conseille le ministre quant aux décisions qu'il doit prendre sur le plan des ventes d'armes canadiennes?

  (1715)  

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Si vous me permettez d’en parler brièvement, nous avons été surpris par la levée du moratoire sur l’Arabie saoudite, même si nous en étions au principe d’une vente d’armes à l’Arabie saoudite « quoi qu’il arrive ». Comme vous l’avez dit, c’est une décision qui a été prise en plein milieu d’une pandémie. Il a fallu près de deux ans après l’assassinat brutal de Jamal Khashoggi par les autorités saoudiennes au consulat d’Istanbul. Le moratoire a été adopté très peu de temps avant que le Canada ne se range à la décision du Conseil de sécurité des Nations unies de demander un cessez-le-feu et peu de temps avant que le Canada ne perde les élections à un siège au Conseil de sécurité des Nations unies. Face à tout cela, il y a donc bien matière à redire au sujet de la justification donnée pour cette décision malavisée, puisque le risque associé aux exportations vers l’Arabie saoudite est manifeste.
    Je me fais l’écho des propos tenus par Mme Mason tout à l’heure, quand elle a dit que les exportations d’armes semblent être convenue, quoi qu’il advienne, si bien que tous les signaux d’alarme possibles ont été levés et que le gouvernement est toujours déterminé à honorer cette entente malheureuse.
    Pourrais-je aussi intervenir sur deux ou trois points.
     On a parlé des sages. Le ministre a annoncé qu’il allait mettre sur pied un groupe d’experts indépendants chargé de fournir des conseils, mais cela n’a pas encore été fait.
    On a aussi parlé de l’enquête en cours. Je pense que nous devrions prendre l’exemple de la Turquie. Dans les semaines qui ont suivi, le Globe and Mail a envoyé sur le terrain un journaliste indépendant pour prendre des photos en Arménie de l’équipement en question, ce qui a clairement démontré qu’il s’agissait de la technologie canadienne Wescam. Affaires mondiales a déclaré n’avoir dépêché personne sur place. Ensuite, on a demandé au ministère s’il allait envoyer quelqu’un pour vérifier, et il ne s’est pas engagé à le faire.
    Selon les rapports, il n’y a pas de preuves ou il manque de preuves sur le terrain, mais d’après ce que nous pouvons voir, aucun véritable effort n’a été déployé pour en trouver et les preuves documentées présentées par des organisations internationales comme Amnistie internationale, Oxfam et autres ne sont pas acceptées.
    Permettez-moi d’ajouter une chose sur la question du rapport final. Je juge important de reconnaître, premièrement, qu’en droit canadien, le pouvoir discrétionnaire entourant l’analyse qui doit être effectuée — d’après l’article 7 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation — est laissé au ministre. L’idée d’avoir un comité qui conseillerait le ministre peut être intéressante sur le plan théorique, mais nous n’avons pas de détails sur ce que le ministre a l’intention de faire de ces renseignements et sur la façon dont ceux-ci cadreront ou pas avec son obligation en vertu de la LLEI, la loi canadienne.
    Toujours au sujet du rapport final, il faut dire que celui-ci représente la première fois où l’on se penche sur le critère du risque substantiel, que mon collègue a mentionné. J’invite les membres du Comité à jeter un coup d’œil sur l’annexe de ce rapport qui explique comment le Canada doit interpréter cette notion de risque potentiel. C’est la première fois que nous avons une idée de la façon dont les fonctionnaires interprètent cette question. Si vous consultez cette annexe, vous remarquerez que des sections entières ont été caviardées et qu’on finit par ne pas mieux comprendre comment le gouvernement entend utiliser ces critères. Comme mon collègue l’a souligné, le rapport final contient de nombreuses références troublantes à la notion d’utilisation répétée. Ce n’est pas ainsi que l’analyse du risque est envisagée dans le TCA ni, d’ailleurs, dans la LLEI en droit canadien.

  (1720)  

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    C’est de nouveau M. Harris qui va lancer la dernière série de questions. Vous avez six minutes, monsieur Harris, s’il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    Je remercie nos témoins de leur témoignage sur ce sujet fondamental. Nous avons, bien sûr, des obligations en vertu du TCA et en vertu de la loi, et comme cela a été souligné, il y a certaines différences entre les deux. Je vais toutefois vous poser une question avant d’attaquer ce sujet.
    Dans le cas de la Turquie, nous parlons des drones et de la technologie des drones. Nous savons, d’après votre propre analyse, qu’il n’est pas nécessaire de constater des infractions systématiques pour déterminer qu’il existe un risque important. La technologie des drones comporte-t-elle, en soi, un risque important de violation des obligations internationales en matière de droits de la personne ou de nos obligations en vertu du traité? Je vous invite tous à répondre rapidement par oui ou par non, car je pense que, dans certains cas, on considère qu’il s’agit d’une violation. C’est certainement le cas de la Libye à cause de l’embargo — c’est évident —, mais pour tirer une telle conclusion, faut-il faire une évaluation pays par pays ou déterminer que l’utilisateur ultime avait des exigences ou encore qu’on avait des renseignements le concernant?
    Nous pourrions peut-être commencer par Amnistie internationale.
    Merci de votre question, monsieur Harris. Je crois que mes collègues de Project Ploughshares et peut-être de l’Institut Rideau en auront plus à dire.
    Il y a une chose que je tiens à mentionner et qui est importante à cet égard, particulièrement dans le cas de la Turquie. Il s’agit du paragraphe 7(7) du TCA qui parle de la notion selon laquelle, même après qu’une exportation a été autorisée, l’État importateur doit régulièrement donner des renseignements en cours de route. Je pense que c’est là un des éléments qu’il convient de retenir dans le dossier turc.
     C’est une autre question que j’aimerais aborder. Comme cela fait partie des exigences du TCA, mais pas du droit canadien, je pense que c’est important.
    Je m’adresse maintenant aux représentants de Project Ploughshares. Pensez-vous que la technologie des drones est... Il ressort qu’elle est la cause d’importantes violations des droits de la personne, mais estimez-vous que cette arme représente un risque important?
    Oui, si ce n’est qu’il faut partir du principe que les exportations doivent être évaluées au cas par cas. À elle seule, la technologie ne représente qu’une partie du problème, et il faut tenir compte du profil de l’utilisateur final et de tout précédent le concernant pour se faire une idée du tableau complet sur le plan du risque.
    Merci.
    Je veux ajouter que je suis d’accord. C’est du cas par cas, mais c’est une arme exportée et c’est bel et bien une arme.
    Pour revenir sur un point que j’ai soulevé plus tôt, cette technologie est essentielle pour permettre à l’utilisateur final de lancer des frappes aériennes modernes. Sans cette technologie, les drones que la Turquie a utilisés en Libye, dans le Nagorny-Karabakh, en Syrie et en Irak seraient incapables de conduire des frappes aériennes modernes telles que nous les connaissons.
    Non seulement il s’agit d’armes exportées, mais il faut en outre les considérer comme des armes au plein sens du terme en raison de leur capacité.
    Bien entendu, ils ont aussi la capacité de rester stationnaires ou de s'immobiliser sur place et d’identifier des cibles pour les forces terrestres ou d’autres forces d’artillerie, de sorte qu’ils peuvent être impliqués dans d’autres violations, même s’ils ne participent pas directement à des attaques qui elles-mêmes violent les obligations internationales en matière de droits de la personne. C’est un autre facteur qui a été porté à notre attention au sujet des drones.
    C’est exact.
    Cela me satisfait.
    L’idée d’obliger les États à réévaluer une licence en vigueur lorsque de nouveaux renseignements deviennent disponibles me préoccupe. En octobre 2019, lorsque le Canada a suspendu les licences d’exportation d’armes vers la Turquie — seulement l’octroi de nouvelles licences, comme vous l’avez souligné, sans effet sur les licences en vigueur —, on nous a dit qu’il existait déjà 15 licences, couvrant jusqu’à 60 caméras, y compris des caméras de remplacement au cas où celles-ci seraient endommagées. Il n’y a eu aucune interférence dans ce cas.
    Il semble que ces caméras ont continué d'être exportées, même après la nouvelle suspension, en avril 2020, des exportations d’armes vers la Turquie, en vertu des licences précédemment octroyées.
    Puis-je vous demander si cela constituerait en soi une violation du Traité sur le commerce des armes, par opposition au droit canadien en particulier?
    Je pose la question à quiconque souhaite y répondre.

  (1725)  

    Puis-je intervenir en premier?
    Allez-y, madame Mason.
    La partie la plus fondamentale d’une licence d’exportation est une autorisation accordée à certains utilisateurs en particulier à des fins précises. Si l’une ou l’autre de ces conditions est violée par détournement vers un utilisateur non autorisé ou par une utilisation non autorisée, il s’agit d’une violation des modalités de la licence d’exportation. Par conséquent, le gouvernement a le plein pouvoir, voire l’obligation en vertu du Traité sur le commerce des armes et de la loi canadienne, de mettre fin aux exportations.
    Même en vertu des licences déjà en vigueur?
    Oui. En fait, il est très inhabituel de conserver les licences déjà en vigueur. Tous les autres pays — et en ce qui concerne l’Arabie saoudite, la plupart de nos alliés — ont effectivement suspendu les exportations avec effet immédiat.
    La Belgique, par exemple, n’exporte pas au Canada les tourelles dont sont munis les véhicules blindés canadiens, parce que le Canada exporte ces véhicules en Arabie saoudite. Une interdiction générale d’exporter ces tourelles au Canada a été décrétée en Belgique en raison du contexte qui existe actuellement au Yémen et en Arabie saoudite.
    Le fait que le Canada dise qu’il y a un moratoire, alors que c'est faux puisque la suspension ne vise que les nouvelles licences, est vraiment très troublant. Ce n’est pas une pratique qui est courante chez nos pays alliés.
    Madame Mason, nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci beaucoup, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour. La première série de questions, d’une durée de cinq minutes, est réservée à M. Morantz.
    Merci à tous d’être ici aujourd’hui.
    Même si je n'ai pas une longue expérience du Parlement — je n’ai été élu qu'en octobre 2019 — et des travaux en comité, je ne pense pas avoir entendu une série de témoignages plus accablants concernant le comportement de notre gouvernement, qui se targue pourtant de sa transparence dans tous les aspects de sa conduite.
    Il me semble que c’est vraiment la racine du problème, parce que nous ne savons pas pourquoi les licences d’exportation pour la dernière série de drones Wescam vers la Turquie ont été approuvées. Nous savons qu’il y a eu un échange entre le premier ministre et le président Erdogan à la fin d’avril, et que les licences ont été approuvées par la suite.
    Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est que nous savions déjà à ce moment qu’il y avait un problème de détournement. Ces drones canadiens se sont retrouvés en Libye plus d’un an avant que les drones canadiens vendus à la Turquie ne se retrouvent également dans le conflit dans le Haut-Karabakh. Si les évaluations des risques sont prises au sérieux, comment est-il possible que le gouvernement fédéral approuve la vente de ces drones aux Turcs encore une fois, sachant que la Turquie, pays pourtant allié de l’OTAN, avait déjà violé les modalités de l’accord en détournant la technologie vers la Libye?
    Peut-être qu'un représentant de Project Ploughshares pourrait répondre en premier?
     Nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants de l’évaluation des risques, mais je tiens à souligner que nous savons sans l’ombre d’un doute qu’il y a eu détournement. Il ne s’agit pas d’une opinion, de spéculation ou d’interprétation, et nous n'essayons pas ici d’exagérer les éléments probants perçus. La preuve est solide. Il y a eu détournement, point à la ligne. En fait, nous sommes surpris que l’enquête prenne autant de temps et qu’ils n’aient pas encore pris de décision sur ce qui va se passer.
    Vous avez raison. Cela aurait dû se faire à l’étape de l’évaluation des risques parce qu’il y avait un précédent, et les exportations qui ont maintenant été découvertes au Nagorno-Karabakh n’auraient jamais dû se produire. La seule conclusion que nous pouvons tirer — nous suivons les travaux des Committees on Arms Export Controls du Royaume-Uni depuis plus de 30 ans, et nous avons assisté à chaque conférence du Traité sur le commerce des armes —, c’est que le processus d’évaluation des risques est très imparfait. Quiconque en doute devrait se demander comment nous pouvons vendre des armes à l’Arabie saoudite, l’un des pires pays pour contrevenir aux droits de la personne sur la planète. Comment expliquer que nous vendions des armes à la Turquie, quand nous savons très bien qu’elle détourne ces armes, autrement que par l'inefficacité de notre processus d’évaluation des risques?
    Ces incidents ont placé la barre incroyablement bas.

  (1730)  

    C’est clair. Je veux dire que c'était à prévoir pour le détournement vers la Libye. C’est tout simplement très curieux. Nous demanderons peut-être au ministre de revenir à un moment donné pour lui demander comment cela a pu se produire. C’est vraiment curieux.
    Ce qui est encore plus curieux, c'est que la Turquie est un allié de l’OTAN. Je soupçonne qu’ils sont fâchés contre nous parce que nous avons cessé de délivrer des licences d’exportation pour le moment. Dans quelle mesure le problème du détournement est-il répandu? Que font les autres pays? La Turquie est-elle le seul pays à le faire, ou y a-t-il d’autres pays de l’OTAN qui achètent des armes et les vendent dans d’autres zones de conflit?
    Le détournement n’est pas nécessairement très rare, et il a des répercussions négatives. La prolifération des armes a évidemment des effets négatifs et elle alimente les conflits. Cependant, d’autres pays, des alliés du Canada, se sont surpassés pour tenter d’endiguer la menace de détournement. Nous avons vu des exemples positifs de la façon de procéder dans d’autres États parties au Traité.
    Un exemple que nous pourrions examiner est le régime de vérification après l’expédition. Par exemple, l’Allemagne et la Suisse ont en quelque sorte intégré un instrument à leur autorisation. Lorsqu’ils autorisent des licences d’exportation, il y a essentiellement une disposition selon laquelle, si un risque est décelé, les représentants du pays exportateur d’armes peuvent s’adresser au destinataire, se rendre sur place et enquêter pour s’assurer que tout est en règle. C’est une mesure que le Canada pourrait prendre immédiatement pour combler cette lacune en matière de connaissances.
    Comme l'a dit mon collègue Cesar, force est de constater l'échec lamentable de l’évaluation des risques menée par le Canada. Si la société civile peut trouver des exemples de détournement à partir de Waterloo, en Ontario, Affaires mondiales pourrait certainement en faire plus avec les ressources incalculables dont ce ministère dispose.
     Merci.
    Je n'ai plus de questions, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Morantz.
    La parole est maintenant à M. Fonseca, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de s’être joints à nous.
    Je crois comprendre qu’en vertu du Traité, le ministre doit examiner la licence individuelle, l’utilisation finale prévue et l’utilisateur. S’il y a des preuves que les réponses déclarées ne sont pas les bonnes, comme dans le cas d'un détournement, le ministre a alors des motifs de suspendre la licence.
     C’est exactement ce qui s’est passé au Nagorno-Karabakh. Je vais demander à M. Jaramillo de nous dire si c’est ce qui s’est passé au Nagorno-Karabakh.
    Oui, monsieur Fonseca. Merci. C’est très juste.
    Comme je l’ai dit dans mes remarques liminaires, ce n'est pas la première fois que le gouvernement, confronté à une surveillance accrue de la part des médias, annonce une suspension. Je rappelle aux membres du Comité qu’il ne s’agissait pas d’un cas où le gouvernement a été proactif en identifiant ce détournement au Nagorno-Karabakh. C’est le résultat des pressions exercées par la société civile et les médias pour que ces allégations soient mises au jour. Nous n’avons pas constaté de proactivité de la part du gouvernement.
    En réaction à l’attention médiatique, le gouvernement a annoncé quatre fois au cours des trois dernières années des suspensions semblables. Trois des quatre licences — et le dossier de la quatrième est toujours en attente — ont été rétablies. Chaque fois, la suspension coïncide avec une surveillance accrue de la part des médias, et lorsque l’attention des médias est relâchée, le gouvernement rétablit les licences. C’est un fait. Dans les trois derniers cas, le gouvernement a rétabli les licences octroyées à l’Arabie saoudite et à la Turquie après la première annonce selon laquelle nous ne leur en vendrions plus.
    Comme nous en sommes au quatrième cas, nous devons prendre cette suspension avec un grain de sel. Ce n’est pas une question de mauvaise foi. Il s’agit simplement d’examiner les précédents récents. Chaque suspension finit par être rétablie. Nous espérons que celle-ci tiendra, mais il y a deux leçons à tirer. Premièrement, le gouvernement n’est pas proactif. Il a simplement été confronté aux preuves qui lui ont été présentées. Deuxièmement, toutes les suspensions semblables imposées dans les dernières années n’ont pas été maintenues. Les exportations ont donc recommencé.
    Nous espérons que ce ne sera pas le cas avec la plus récente suspension annoncée.

  (1735)  

    Monsieur Jaramillo, je vous comprends, mais le ministre a suspendu les ventes le 5 octobre, et l’article du Globe — les médias, comme vous le dites — a paru le 30 octobre.
    Je n’ai pas les dates devant moi.
    Ce sont les dates que j’ai.
    D’accord. Je ne peux pas faire de commentaires éclairés à ce sujet parce que je n’ai pas mon calendrier sous les yeux. Il y a eu plusieurs reportages dans les médias et dans la société civile au sujet des ventes d’armes.
    Je tiens simplement à préciser les dates, et c'est ce que j'ai.
    De plus, monsieur Jaramillo, vous avez dit tout à l’heure, en réponse à d’autres questions, que nous sommes en meilleure position aujourd’hui. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui. L’un des grands avantages du processus législatif appelé projet de loi C-47, qui a mené à l’adhésion fort attendue du Canada au Traité sur le commerce des armes, a été la disposition sur le risque sérieux et l'expression « ne peut ». En raison de l’inclusion de la clause de risque sérieux, la prise en considération des facteurs de risque est désormais obligatoire.
     Auparavant, le gouvernement avait l’obligation de tenir compte de certains facteurs, mais tant que ces facteurs étaient pris en considération, le ministre pouvait essentiellement autoriser des exportations n’importe où. Maintenant, le ministre a une obligation en loi. Si un déclencheur lié aux droits de la personne est identifié, le ministre « ne peut » autoriser ces envois. Nous sommes maintenant dans une meilleure position, parce que le ministre, encore une fois, a l’obligation de refuser certaines licences d’exportation.
    La mesure dans laquelle cette obligation continuera d’être mise en œuvre reste à voir.
    Merci.
    Madame Mason, les États-Unis, sous le président Donald Trump, ont décidé de se retirer du Traité sur le commerce des armes. Il n’y a jamais eu de ratification par le Sénat américain. Quelles sont les perspectives d’une adhésion à plus grande échelle du Traité à court et à long terme?
    Il sera intéressant de voir ce qu’il adviendra avec la nouvelle administration, même si c’est le Sénat qui devra donner son approbation. Cela pourrait être difficile, mais c’est important.
     Il ne faut pas oublier qu’à au moins trois occasions, le Congrès, sur une base bipartite, a voté pour empêcher les exportations d'armes des États-Unis en Arabie saoudite. Seul le veto du président Trump a pu y faire obstacle. En ce qui concerne le Congrès, les États-Unis auraient dû cesser d'exporter des armes vers l’Arabie saoudite.
    Il se peut que les États-Unis ne ratifient pas le traité. Il est peu probable que la ratification du Traité soit adoptée au Sénat. Cela ne signifie toutefois pas que le Congrès cessera de faire pression en faveur du respect des obligations juridiques internationales.
     Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Fonseca.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous êtes le prochain à prendre la parole, et vous disposez de deux minutes et demie.
    Je tenterai de faire cela court, monsieur le président.
    D'abord, en ce qui concerne la question des caméras pour les drones turcs, je crois que le mal est fait dans la mesure où certains d'entre nous avons entendu de la bouche de l'ambassadeur turc au Canada que la Turquie avait développé une technologie typiquement turque pour la fabrication de ses drones. Ils peuvent alors maintenant se passer de la technologie canadienne, qu'ils ont probablement copiée, d'ailleurs.
    Je veux revenir sur une déclaration que Mme Mason a faite dans le cadre d'un mémoire présenté au comité sénatorial chargé de l'examen du projet de loi C-47. Elle y avait souligné la nécessité de prévenir les abus liés à la confidentialité commerciale.
    L'une des raisons pour lesquelles nous nous réunissons, c'est justement que, lors d'une audience de responsables d'Affaires mondiales Canada, plusieurs des questions que nous posions avaient pour réponse qu'on ne pouvait pas y répondre en raison du secret lié aux dispositions commerciales.
    Selon vous, madame Mason, comment pouvons-nous contourner cette difficulté à laquelle les parlementaires, entre autres, sont toujours confrontés lorsque vient le temps de discuter de ces questions avec les représentants d'Affaires mondiales Canada?

  (1740)  

[Traduction]

    Merci beaucoup d'avoir posé cette question.
    J’ai le regret de dire que c’est un autre domaine où Affaires mondiales abuse du prétexte de la « confidentialité commerciale ». En fait, l’OCDE a établi une définition de la confidentialité commerciale qui est interprétée de façon très précise comme concernant l’établissement des prix et la compétitivité des soumissions. Par conséquent, ce critère ne devrait certainement pas empêcher la communication de l’essentiel de l’information aux parlementaires et au public. Bien entendu, ce prétexte a été utilisé dans le cas de la vente d'armes à l’Arabie saoudite. Nous n’avons rien pu savoir. Il ne s’agissait pas seulement de confidentialité commerciale, mais c’était supposément une modalité de l’accord.
    J'aimerais maintenant souligner un point qui passe malheureusement inaperçu, à savoir que dans le plus récent rapport annonçant la levée de la suspension des exportations, le rapport d’avril 2020 sur l’Arabie saoudite, le ministre avait une bonne chose à dire, et c’est que dans le contrat renégocié avec l’Arabie saoudite, la pénalité a été éliminée. J'ai bien dit que la pénalité est éliminée si l’exportation contrevient à l’utilisation autorisée par l’utilisateur final autorisé.
    On y disait aussi qu’on pouvait donner beaucoup plus d’information sur le contrat, et que tout compte fait, on devrait pouvoir obtenir beaucoup plus d’information.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    La dernière série de questions revient à M. Harris, pour deux minutes et demie.
    Tout d’abord, je pense que vous avez tous dit que vous n’avez pas beaucoup confiance dans le processus d’évaluation mené par Affaires mondiales Canada et vous avez également fait des commentaires sur le manque de transparence de ce processus. On ne sait même pas combien de ressources sont affectées à cette tâche, semble-t-il. Mme Mason et l’Institut Rideau proposent de confier l'évaluation à un organisme indépendant.
    Madame Mason, est-ce une solution qui a été adoptée dans d'autres pays, ou serions-nous les premiers, comme nous l’avons été, bien sûr, dans d’autres domaines liés aux ventes d'armes à l'étranger, comme dans le dossier des mines antipersonnel et d’autres?
    Je n’ai pas fait d’examen exhaustif, mais je pense qu’il serait juste de dire que, parmi les pays occidentaux, ce serait une première. Le Canada serait un chef de file en montrant qu’il ne se contente pas de dire qu’il croit à un ordre international fondé sur des règles, mais qu’il joint aussi le geste à la parole.
    Pour autant que je sache, ce serait une première, mais je tiens à souligner que j’ai mentionné à la toute fin une mesure provisoire que le gouvernement pourrait prendre immédiatement. Si nos responsables disent qu’ils respectent le droit international et le droit canadien, cela ne devrait pas leur poser de problème. Il s’agit d’ajouter au processus existant l’exigence d’obtention d'un avis juridique d’expert indépendant à savoir si l’exportation proposée sera conforme aux obligations juridiques du Canada en vertu du Traité.
    C’est une mesure que nous pourrions adopter immédiatement. Ce serait un bon point de départ pour bien faire comprendre qu’il faut se fonder sur des preuves et sur des avis juridiques d’experts.
     Si vous me le permettez, je suis d’accord avec Mme Mason.
    De plus, entretemps, comme je l’ai dit plus tôt, nous recommandons que ce comité crée un sous-comité pour être informé à ce sujet, parce que le processus d’évaluation des risques est effectivement déficient. Il est réactif.
    Monsieur Fonseca, dans le Globe du 22 septembre, il est écrit que le Canada est accusé d’avoir manqué à ses obligations en vertu du Traité sur le commerce des armes. C’était avant que la décision ne soit prise. Déjà en septembre, c’était dans les médias, ce qui indique une évaluation ponctuelle des risques.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Oui, merci.
    Nous aimerions passer une autre heure avec vous. Nous devrons tous vous réinviter.
    Merci beaucoup, monsieur Harris.

[Français]

     Chers collègues, cela nous mène à la fin de notre séance, et presque à la fin de l'année parlementaire.

[Traduction]

    En notre nom à tous, je tiens à remercier nos témoins de nous avoir fait part de leurs connaissances et de leurs points de vue cet après-midi.

  (1745)  

[Français]

    J'aimerais également remercier notre merveilleuse équipe de la Chambre des communes, notre greffière, nos analystes, nos interprètes, nos techniciens et nos messagers.

[Traduction]

    À mes collègues du Comité et à nos équipes, merci de votre aide et de votre collaboration. Je vous souhaite, ainsi qu’à vos proches et à tous les Canadiens, de très joyeuses Fêtes. Joyeuse Hanoukka, joyeux Noël, joyeuse fête de Kwanzaa et mes meilleurs voeux de santé, bonheur et prospérité pour la nouvelle année.
    Sur ce, la séance est levée.
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