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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 022 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 mars 2021

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Étant donné que nous avons le quorum et que tout va bien sur le plan technique, je déclare ouverte la présente séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Je vais d'abord souligner que nous nous réunissons, à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 25 février 2021, le Comité poursuit son étude de l'objet du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    L'œuvre d'art que vous voyez derrière moi est une photo d'un ensemble remarquable de sculptures qui se trouve près de mon bureau, sur le lieu de la bataille de Stoney Creek de 1813. Il s'agit de quatre aigles de granite de neuf pieds sur lesquels sont gravés des symboles et du texte. Les sculptures sont installées sur une place circulaire. L'artiste, David General, est membre de la nation Oneida, qui fait partie des Six Nations de la rivière Grand. Cet artiste a un style distinctif dans ses interprétations des traditions culturelles des collectivités Haudenosaunee et Anishinabek pour illustrer le thème de la guérison et de la réconciliation. Je suis certain que c'est dans cet esprit que nous allons effectuer nos travaux aujourd'hui.
    Les membres du Comité et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue de leur choix. Vous pouvez choisir la langue en cliquant sur le globe qui se trouve au bas de votre écran, au centre. Vous pouvez choisir l'anglais ou le français. Lorsque vous prenez la parole, veuillez vous assurer que votre caméra est activée et veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre microphone doit être en sourdine.
    Nos témoins sont prêts. Nous accueillons Brenda Gunn, une professeure à la Faculté de droit de l'Université du Manitoba. Nous recevons également des représentants du Indigenous Resource Network, à savoir Arnie Bellis, président, et Heather Exner-Pirot, conseillère en recherche. Je crois que nous avons convenu que Thierry Rodon, qui comparaît à titre personnel, fera aussi partie de ce premier groupe de témoins.
    Madame Gunn, vous avez la parole pour six minutes.
    [La témoin s'exprime en mitchif nordique ainsi qu’il suit:]
    Tawnshi. Brenda Gunn niya. Winnipeg ni weekin. Ma famee Red River ouschi.
    [La témoin fournit une version en anglais dont voici la traduction:]
    Bonjour, je m'appelle Brenda Gunn. J'habite à Winnipeg et ma famille est originaire de la rivière Rouge.
[Traduction]
    Je suis métisse et, comme le président l'a mentionné, je suis professeure agrégée à la Faculté de droit de l'Université du Manitoba. Depuis près de 20 ans, je travaille dans les domaines du droit international et du droit constitutionnel, notamment dans le domaine de l'application au Canada du droit international en matière de droits de la personne. J'ai rédigé un manuel sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies et j'ai fait de nombreux exposés sur cette déclaration et la façon de commencer à la mettre en œuvre au pays.
    Aujourd'hui, je vous parle depuis le territoire du Traité no 1 et de la terre natale de la nation métisse, mon territoire natal. Je tiens à saluer le peuple algonquin, car la Chambre des communes se trouve sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité aujourd'hui. Je suis très reconnaissante d'être ici et je tiens aussi à saluer les autres témoins.
    Je dois dire d'abord que le 22 mars 2018, j'ai comparu devant votre comité au sujet du projet de loi C-262. Lorsque j'étais en train de préparer mon exposé d'aujourd'hui, je me demandais ce que je devrais dire, en réfléchissant à ce qui a changé et évolué au cours des trois dernières années. Je revenais toujours à la même réflexion: il est terrible que nous ayons perdu ces trois années, qui auraient pu servir à élaborer un plan d'action national s'appuyant sur les travaux de la Commission de vérité et réconciliation et de l'enquête nationale; ce sont trois années durant lesquelles les peuples autochtones ont continué d'afficher des résultats sur le plan socioéconomique et en matière de santé plus faibles que ceux du reste de la population canadienne. Trois ans, c'est une longue période. En fait, pour ma fille, c'est toute sa vie.
    Je suis en faveur du projet de loi, car j'estime qu'il constitue un pas important vers la réconciliation, vers la reconnaissance des droits fondamentaux de la personne et vers un Canada plus juste et plus équitable pour tous.
    Lorsque je parle de la Déclaration des Nations unies et de la raison pour laquelle je crois qu'elle constitue un cadre pour la réconciliation, je mets souvent en lumière quatre paragraphes clés du préambule, que je vais vous lire maintenant.
    Le premier se lit comme suit: « Affirmant que les peuples autochtones sont égaux à tous les autres peuples, tout en reconnaissant le droit de tous les peuples d'être différents, de s'estimer différents et d'être respectés en tant que tels ».
    Le deuxième est celui où l'ONU se dit « Préoccupée par le fait que les peuples autochtones ont subi des injustices historiques à cause, entre autres, de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d'exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts ».
    Le troisième est le paragraphe où l'ONU affirme être « Convaincue que la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans la présente Déclaration encouragera des relations harmonieuses et de coopération entre les États et les peuples autochtones, fondées sur des principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l'homme, de non-discrimination et de bonne foi ».
    Enfin, le quatrième paragraphe est celui dans lequel l'ONU « Proclame solennellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui constitue un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel ».
    Ce que ces quatre paragraphes du préambule me disent, c'est que nous devons cesser au Canada de croire au mythe selon lequel la reconnaissance des droits des peuples autochtones va déchirer en quelque sorte le Canada. Nous devons accepter le fait que les peuples autochtones sont brisés, qu'ils ont payé un prix trop élevé pour le développement du Canada, et ce, pendant trop longtemps. Nous devons accepter que la réconciliation passe uniquement par la reconnaissance des droits des peuples autochtones et par le passage d'une relation coloniale à une relation fondée sur la justice, la démocratie, le respect des droits de la personne, l'absence de discrimination et la bonne foi.
    À la lumière de cette compréhension de la raison d'être de cette déclaration et de son importance au Canada, je tiens à souligner un aspect essentiel des droits fondamentaux inclus dans la Déclaration des Nations unies. Précisément, je tiens à souligner que la Déclaration des Nations unies inclut des droits économiques, sociaux et culturels dans des domaines comme les droits linguistiques, l'éducation, les soins de santé, le logement et le développement économique, qui sont tous essentiels à l'exercice des droits civils et politiques.
    Dans le système international des droits de la personne, il n'existe aucune hiérarchie des droits.

  (1115)  

    Dans le cadre du projet de loi C-15, l'élaboration d'un plan d'action national est essentielle pour garantir que les droits économiques, sociaux et culturels obtiennent la même attention et la même considération que les droits politiques et civils.
    Durant le long débat sur le projet de loi C-262, des propos alarmistes ont malheureusement été formulés. Ils ont fait naître de l'incertitude, des préoccupations à propos du droit des peuples autochtones au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et l'idée que les peuples autochtones pourraient essayer de stopper tous les projets d'exploitation des ressources.
    Selon moi, ces prétendues préoccupations mettent en lumière la nécessité de mieux comprendre au Canada la Déclaration des Nations unies et la nécessité d'un effort coordonné pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies dans le droit canadien en s'appuyant sur la jurisprudence en matière de droits internationaux de la personne des 20 dernières années, sur laquelle est fondée la Déclaration des Nations unies. Le Canada a pris beaucoup de temps à exprimer son soutien à l'égard de la Déclaration des Nations unies. Il y a beaucoup de travail à faire. Nous avons perdu beaucoup de temps et le temps est venu de passer à l'action.
    Bien que le projet de loi C-15 ne réglera pas tous les problèmes et n'éliminera pas toutes les tensions entre les peuples autochtones au Canada, cette mesure législative peut faire partie de la solution. Le projet de loi C-15 prévoit des étapes essentielles vers l'élaboration d'un plan pour mettre en œuvre les droits fondamentaux des peuples autochtones. Il comporte des mesures importantes de reddition de comptes pour s'assurer que le Parlement joigne l'acte à la parole. Il contribue à dissiper des malentendus à l'égard de l'application au Canada de la Déclaration des Nations unies.
    Marsi. Je vous remercie et je serai ravie de répondre à vos questions.
    Je vous remercie beaucoup, madame Gunn.
    La parole est maintenant au président de l'Indigenous Resource Network, Arnie Bellis, et à Heather Exner-Pirot, conseillère en recherche.
    Vous disposez de six minutes. Allez-y.
    Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser au Comité.
    Je m'appelle Arnie Bellis. Mon nom en haïda est Gwaii Gwanglan. Je suis membre du Staa’stas Eagle Clan au sein de la nation haïda.
    J'ai bien des choses à dire. La jeune femme qui a parlé avant moi a très bien résumé l'histoire du Canada et de sa relation avec les Premières Nations.
    J'ai tendance à me reporter à la Constitution canadienne, pour laquelle nous nous sommes battus durant les guerres mondiales. Elle fait état du multiculturalisme, des droits et de toutes ces choses merveilleuses dont nous bénéficions.
    C'est curieux que les peuples des Premières Nations aient dû s'adresser à la Cour suprême à de nombreuses reprises pour que leurs droits soient maintenus et examinés.
    Je vais laisser les statistiques parler d'elles-mêmes en ce qui a trait à l'emploi, à l'incarcération, etc. Ces statistiques en disent long.
    Cela fait plus de 10 000 ans que nous utilisons les ressources du Canada, et cela nous a permis de développer une société très sophistiquée. Nous nous sommes retrouvés assujettis à la Loi sur les Indiens, et des gens ont travaillé très fort pour nous amener à penser comme eux, sur le plan de la religion, et pour nous faire abandonner notre mythologie.
    Dans une certaine mesure, notre esprit a été paralysé. Nous sommes maintenant de nouveau sur la bonne voie, et nous cherchons à utiliser nos ressources pour améliorer certains aspects, comme la culture et la mythologie. En vertu de la Constitution du Canada, nous avons l'autorisation de le faire.
    Je tiens à mentionner que la population du peuple haïda est passée de 12 000 à 580 en raison de la variole. Nous essayons encore de définir notre relation avec le Canada, où tout le monde pourrait trouver son compte, car c'est une relation qui fonctionne dans les deux sens.
    Nous avons créé l'Indigenous Resource Network pour nous exprimer au nom des travailleurs des Premières Nations. Nous sommes une jeune organisation non partisane. Nous avons senti le besoin de participer à la présente discussion pour tenter de faire progresser la relation entre les Premières Nations et le Canada, et l'industrie également.
    J'ai travaillé longtemps avec l'industrie et je suis parvenu à des solutions très positives pour les deux parties.
    J'ai étudié le projet de loi C-15 et j'ai participé à un certain nombre de tables rondes, de consultations et de conférences Zoom, et nos membres ont fait de même. Heather vous en dira davantage à ce sujet.
    Le développement économique fait partie de la discussion. C'est l'un des aspects. Il y a d'autres aspects sur lesquels il faut se pencher. J'ai parlé de l'environnement, de la culture et d'autres choses de cette nature.
    Nous sommes conscients qu'il y a d'autres éléments, notamment les investissements. Pour prendre davantage notre place, nous avons besoin d'investisseurs. Les Premières Nations n'y échappent pas. Nous aimons attirer des investisseurs, mais nous ne voulons pas tout céder, pour ainsi dire. Nous sommes tout à fait conscients que nous avons besoin des investissements.

  (1120)  

    Cela étant dit, je vais entrer dans le vif du sujet. Nous aimerions participer à l'élaboration du plan d'action, et je crois que nous pourrions avoir une très bonne conversation claire sur la façon de renforcer la relation et de favoriser une meilleure compréhension. Il y a maintenant une compréhension entre les Premières Nations et le Canada, qui s'améliore au fil du temps.
    J'ai discuté avec un ami du Business Council of British Columbia, et je sais que la situation entourant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones nuit déjà un peu aux investissements. Nous devons nous préoccuper de cela si nous voulons attirer des investissements au sein des peuples autochtones.
    Monsieur le président, j'aimerais vous remercier encore une fois et j'aimerais remercier Romeo Saganash et les personnes qui ont mené à bien ce projet de loi afin que nous puissions en discuter. J'ai des amis qui ont passé beaucoup d'années aux Nations unies et qui ont consacré une bonne part de leur temps à cette réalisation. J'aimerais leur dire hawaa et les remercier beaucoup pour le sacrifice qu'ils ont fait d'être loin de leur famille. Je tiens à le souligner.

  (1125)  

    Merci, monsieur Bellis. Le temps imparti est écoulé.
    D'accord.
    Vous pourrez aborder les points qu'il vous reste durant la période des questions, et s'il y a quoi que ce soit qui n'a pas été mentionné, sachez que nous allons accepter pendant encore un certain temps des mémoires écrits. Si vous estimez qu'un point n'a pas été traité, n'hésitez pas à nous en faire part par écrit.
    La parole est maintenant à Thierry Rodon pour six minutes. Allez-y.

[Français]

    Je vous remercie grandement de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
    Je suis professeur de science politique à l'Université Laval, mais je travaille plus particulièrement sur les questions autochtones, notamment sur les politiques autochtones du Canada et d'ailleurs. C'est donc dans cette perspective que je vais livrer mon discours. Je travaille aussi à un projet de recherche sur les relations entre les communautés autochtones et les compagnies minières au Canada, en Australie, en Fenno-Scandie et en Nouvelle-Calédonie. Il porte plus particulièrement sur les questions de la mise en œuvre du consentement préalable, libre et éclairé et sur l'acceptabilité sociale des projets miniers dans les communautés autochtones.
    Je ne vous parlerai donc pas de l'aspect du droit, même si je connais bien les questions qui s'y rattachent, mais plutôt des enjeux et des rapports de force qui sont en train de se créer au Canada. Je vais m'attarder sur la question de l'incertitude, puisqu'on la comprend très mal. En fait, je pense qu'on vit actuellement de l'incertitude relativement aux grands projets.
    Contrairement aux politiques autochtones habituelles du Canada, qui tendent à maintenir la relation coloniale qui a été établie depuis 1867 au moyen de la fameuse Loi sur les Indiens ou « Loi sur les sauvages », comme on la connaissait à l'époque, il s'agit d'une politique qui se démarque, car elle se concentre sur la relation entre le Canada et les premiers peuples. Il s'agit d'un changement qu'on a vu avec le nouveau ministère des Relations Couronne-Autochtones. C'est pour cette raison que je suis très favorable à l'adoption de cette loi, qui va permettre de changer cette relation. En fait, cela a un peu commencé, mais c'est surtout symbolique. Je pense qu'il est nécessaire d'avoir une loi à cet égard, même si elle est imparfaite — les lois sont toujours imparfaites — et qu'on peut la critiquer, avec raison.
    Selon moi, la loi doit reconnaître qu'une relation avec les autochtones, les premiers peuples, doit être établie et qu'il faut trouver des solutions. À mon avis, le projet de loi a la potentialité de participer au processus de réconciliation qui est en cours, mais avec beaucoup de ratés. On a tous vu l'intervention armée de la GRC contre un groupe autochtone, les Wet’suwet’en. Ce sont ces questions qu'il faut se poser. Ce sont des choses qui se passent actuellement.
    Je suis heureux de voir que des consultations sont menées auprès des peuples autochtones, même si, à mon avis, elles devraient être élargies. Je vais y revenir, parce qu'il faut se demander qui doit être consulté en lien avec ces questions. Présentement, on consulte les grandes organisations nationales autochtones, ce qui est une bonne chose, mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin.
    Je vais maintenant revenir à la question de l'incertitude, parce que les commentateurs qui s'opposent à cette loi en font souvent mention. Cela m'étonne un peu, puisque, selon moi, l'incertitude est actuelle. Ce n'est pas la loi qui va la créer. En ce moment, au Canada, il y a une incertitude pour ce qui est du développement de grands projets, surtout des projets linéaires, mais aussi en ce qui a trait aux projets miniers. D'ailleurs, je connais un peu mieux ce sujet. En général, les projets miniers posent moins problème, parce que moins de parties sont impliquées. Cependant, ils peuvent créer des tensions extrêmement fortes.
    Voici quelques exemples, que vous connaissez tous. Tout d'abord, il y a le projet Trans Mountain, qui a donné lieu, pour une rare fois, à une décision du Cabinet, mais cette dernière a été annulée par la Cour supérieure de l'Alberta. Ensuite, il y a le projet Coastal GasLink; j'en ai brièvement parlé lorsque j'ai mentionné l'intervention de la police contre un groupe, les Wet’suwet’en, qui s'opposait à ce gazoduc. Enfin, il y a un autre cas que nous connaissons moins, soit celui de la mine Mary River, au Nunavut, exploitée par l'entreprise Baffinland, dont les projets d'agrandissement sont menacés, même s'ils avaient le soutien des organisations inuites.
    Ceux qui connaissent l'entente relative au Nunavut savent que des processus particuliers ont été mis en place relativement aux consultations et à l'approbation des projets, même si l'approbation relève finalement du gouvernement fédéral. Toutes ces procédures devaient mener au consentement. Or il n'y a pas eu consensus, puisque les communautés inuites sur le terrain se sont opposées à l'agrandissement, ont bloqué l'aéroport et ont finalement mis en danger l'agrandissement de cette mine.

  (1130)  

     Je dirais que nous ne savons pas encore comment obtenir un consentement préalable, libre et éclairé. Le fait d'avoir un projet de loi qui aide à mieux le définir contribuera à éviter tous ces conflits.
    En effet, l'incertitude est dans les conflits, pour l'instant. Il en restera toujours puisque nous ne pouvons pas éliminer tous les conflits, mais le fait de ne pas avoir de façon claire d'agir sur ces questions pose un certain problème. Le fait de ne pas avoir pris en compte les droits des peuples autochtones a créé d'importants coûts à la société canadienne. Si nous ne voulons pas y penser sur le plan du droit, nous pouvons y penser sur le plan économique.
    En fait, au cours de mes recherches, j'ai observé que les communautés autochtones se sont approprié le consentement préalable, libre et éclairé. Elles le mettent en œuvre pour l'instant de la seule façon qu'elles peuvent le faire, c'est-à-dire en établissant un rapport de force. M. Saganash pourra peut-être vous en parler, mais les Cris ont une politique très claire mentionnant qu'aucune mine n'ouvrira sur leur territoire s'ils ne donnent pas leur accord. C'est une façon d'établir un rapport de force, et ils l'ont établi. Ce peut aussi être fait au moyen de barrages et de blocages d'aéroports, entre autres.
    Il est donc important que le consentement préalable, libre et éclairé soit mieux intégré au cadre juridique. C'est ce que le projet de loi C-15 essaiera de faire et cela pourrait contribuer à diminuer cette incertitude.
    J'aimerais maintenant vous parler de quelques recommandations ou conclusions qui découlent de mes recherches, mais qui pourraient éclairer votre comité.
    Tout d'abord, définir le consentement préalable, libre et éclairé n'est pas un problème. Nous savons ce qu'est le consentement. Il y a toutefois deux questions plus complexes, à savoir: quand a-t-on besoin d'obtenir le consentement et sur quel projet?
     Nous avons une piste avec la cause Delgamuukw et la question du consentement, qui existe déjà en droit canadien. Je n'exposerai pas cela de façon détaillée.
    Ensuite, et c'est peut-être le plus important, il faut savoir qui doit consentir. Savoir qui doit donner son consentement est d'ailleurs un problème qui découle beaucoup de la relation coloniale entre le Canada et les communautés autochtones, avec des gouvernements traditionnels et des gouvernements canadiens.
    Je vous remercie

[Traduction]

    Merci, monsieur Rodon.
    Passons maintenant directement aux questions.
    Dans un premier temps, chaque intervention durera six minutes.
    Monsieur Schmale, allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les témoins, bonjour.
    Nous entendons beaucoup d'excellents témoignages, et je tiens d'abord à dire que, de ce côté-ci, nous sommes ici pour appuyer l'esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Elle ne manque pas d'éléments qui nous conduiront vers la réconciliation et un dialogue digne de ce nom.
    Comme beaucoup d'entre vous le savent et comme certains d'entre vous en ont témoigné, elle pose des difficultés avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et, plus particulièrement, avec la signification de « consentement ».
    Je pose ma première question à l'Indigenous Resource Network. D'après votre site Web, votre organisation sait que les investissements dans vos terres et vos gens tombent sur des obstacles et que le projet de loi C-15, faute d'une définition convenable, pourrait en ajouter un autre et, peut-être, faire mourir l'idée d'investir dans les emplois et dans les potentialités de certaines de vos communautés.
    Voulez-vous formuler des observations à ce sujet?

  (1135)  

    Peut-être, monsieur Bellis, vous me permettrez de me lancer la première pour ensuite compléter ma réponse.
    Je suis ravie d'être ici. Je me nomme Heather Exner-Pirot et je suis conseillère en recherche pour le réseau.
    La réponse à votre question est oui. Comme M. Bellis l'a dit, nous avons fait une recherche sur le projet de loi C-15 et nous entretenons d'étroites relations avec certains joueurs de l'industrie. Nous nous sommes adressés à des responsables des secteurs minier, pétrolier et gazier, hydroélectrique, ferroviaire ainsi qu'à des investisseurs et gestionnaires de caisses de retraite et de fonds privés.
    Des discussions assidues avec nos homologues du Conseil des ressources indiennes, de la First Nations LNG Alliance et de la Coalition des Premières Nations pour les grands projets nous ont permis de nous faire une idée des conséquences pratiques de l'adoption du projet de loi C-15.
    L'inquiétude est palpable. Si vous ne le croyez pas, adressez-vous aux investisseurs. Si votre principe directeur est que les Premières Nations, les Autochtones, méritent le développement économique et la mise en valeur de leurs ressources, c'est presque certainement la meilleure occasion de le faire. Ensuite, il est certain que nous tenons à un climat favorable à la mise en valeur des ressources au Canada.
    De la discussion avec toutes ces personnes, il ressort, eh oui!, la perception que le Canada n'est pas un bon endroit pour investir et qu'il présente un risque. Le projet de loi C-15 est un autre facteur d'augmentation du risque, faute d'expliciter ce que le consentement exige. Est-ce une résolution d'un conseil de bande? Un référendum? Qui est l'organisme représentatif? Les chefs héréditaires? Le conseil de bande? N'importe quel membre d'une nation? Toutes ces questions sans réponse ne font qu'accroître le risque pour les capitaux.
    On nous a dit qu'il était très difficile d'investir en territoire autochtone, parce que c'est très risqué. Je pense que vous savez tous que les Autochtones se sont impliqués davantage, particulièrement depuis le jugement sur l'obligation de consulter, rendu en 2004-2005. D'employés, ils sont devenus entrepreneurs et ils commencent maintenant à être actionnaires. Pour s'assurer d'attirer des capitaux, réaliser leurs propres projets d'exploitation des ressources, être leurs propres promoteurs, les nations autochtones doivent verser une indemnité de risque.
     Comme M. Bellis l'a dit, le conseil des affaires de la Colombie-Britannique lui a avoué que, du fait de l'adoption du projet de loi 41 de cette province, cette indemnité a été de 1 %. C'est le chiffre avancé. C'est la prime de risque qui y affecte les projets de mise en valeur des ressources depuis l'adoption de cette loi.
    Mes antécédents personnels et professionnels me font aspirer à ce que les Autochtones bénéficient entièrement de la mise en valeur de leurs ressources. Je comprends qu'on annonce un boum des produits de consommation et que nous sortons, pour ainsi dire, de la pandémie de COVID-19. Mais, si nous ajoutons trois années d'incertitude, pendant l'élaboration d'un plan d'action, qui hypothéqueront la capacité des investisseurs désireux d'investir dans la mise en valeur des territoires autochtones, conformément au désir des Autochtones, ça met en jeu des dizaines de milliards de dollars. J'en suis franchement persuadée.
    J'ignore si vous voulez en dire davantage, mais nous avons tous entendu les débats de la Chambre. Le gouvernement, de son propre aveu, affirme que le projet de loi C-15 n'accorde pas un droit de veto. Pourtant, il refuse de définir ce qu'est le consentement.
    Sur les craintes et l'incertitude, vous avez raison. Même un facteur de risque de plus de 1 % sur un investissement est susceptible, en de nombreux endroits, de faire fuir les investisseurs, leur argent et leurs projets de mise en valeur des ressources. Pas nécessairement ces seuls projets. Presque tous. Cette majoration de l'incertitude nuit à l'indispensable réconciliation économique.
    Aucun Autochtone à qui j'ai parlé ne s'est dit opposé à la déclaration des Nations unies et aux principes sur lesquels elle repose. Tous se gardent bien de ne pas affirmer tout haut qu'ils ne veulent pas de loi concernant cette déclaration, parce que là n'est pas l'idée.
    Inutile de jeter le bébé avec l'eau du bain. On peut amender le projet de loi pour lui donner la clarté nécessaire, assurer aux investisseurs la certitude voulue et autoriser les investissements en territoire autochtone sans renoncer à tout le reste des droits et aux modalités de leur application pour améliorer beaucoup d'autres aspects du mieux-être des Autochtones.
    Il y a des amendements... Nous ne sommes pas juristes. Ni nos membres. Je suppose que votre travail consiste à tourner le projet de loi de manière à ne pas décourager des milliards de dollars d'investissements. Les investisseurs et le secteur diront que le projet de loi fera fuir les capitaux et ne rendra pas le Canada propice aux investissements.
    C'est exactement notre position. Merci de l'avoir bien mieux exprimé que moi.
    Fondamentalement, nous essayons de dire comme vous, de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Le projet de loi et son objectif comportent beaucoup d'excellents passages, mais un élément important pose problème. Comme vous l'avez dit, c'est notre travail de législateurs d'agir sans augmenter l'incertitude, pour éviter des années de batailles juridiques et, peut-être, le saut à 2 à 3 % du facteur de risque de 1 %, ce qui signerait l'arrêt de mort de presque toutes les occasions à saisir.

  (1140)  

    Oui. Beaucoup de...
    Exactement à la fin du temps convenu. Merci beaucoup.
    Puis-je seulement demander à Mmes Bérubé et Gill si l'interprétation allait bien? Je faisais la navette entre les deux langues, et j'ai trouvé que le français était confus. Est-ce que l'interprétation se passe bien?
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Battiste, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Le 12 septembre 2007, plus de 143 pays ont avalisé la recommandation du Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour élargir la portée des droits de la personne et des libertés fondamentales grâce à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je suis simplement stupéfait de ce que la partie la plus vulnérable de l'humanité puisse trouver tant d'alliés aux Nations unies.
    Madame Gunn, je sais que vous avez personnellement une longue expérience des recours aux Nations unies, que vous avez créé le manuel de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et y avez sensibilisé les éventuels intéressés. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de l'importance de cette déclaration? Les problèmes soulevés l'ont-ils été relativement aux catastrophes économiques dont parlent encore les habitants de ces 143 pays qui ont décidé d'accorder aux Autochtones les droits minimaux de la personne dans le monde?
    Merci de votre question. Je ferai de mon mieux pour y répondre.
    J'essaierai de le faire par la bande et de peut-être répondre en même temps aux tendances que je discerne sur la scène internationale.
    Il importe vraiment pour votre comité et pour le Parlement de savoir que, à l'étranger, on accepte de plus en plus l'obligation, pour les entreprises, de soutenir les droits de la personne. Actuellement, on négocie un traité international contraignant sur cette obligation.
    Peu à peu, s'impose à l'étranger l'application de la déclaration de l'ONU, laquelle englobe le droit des Autochtones à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, dans certaines circonstances. J'espère que le Canada, qui se considère comme un chef de file des droits de la personne, continuera de participer constructivement aux discussions pour la promotion des droits de la personne.
    Même si nous continuons, ici, à lancer l'alerte, on n’entend rien à l'étranger. En fait, même la Banque mondiale, dans son cadre environnemental et social pour les opérations de financement des projets d'investissement, ESS7, ou garde-fous proposés pour les peuples autochtones, précise que l'un des critères à respecter pour être admissible au financement de cette banque est le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
    Peut-être que les investisseurs se disent préoccupés, mais je peux vous dire que, à l'étranger, on s'attend à ce que l'industrie soutienne les droits fondamentaux de la personne. La déclaration de l'ONU n'est qu'un endroit vers lequel nous pouvons nous tourner pour comprendre leurs droits.
    Comme j'y ai fait allusion dans ma déclaration préliminaire, la déclaration de l'ONU n'est pas le seul texte utile. Il est très manifeste, dans le cadre d'autres traités internationaux contraignants sur les droits de la personne dont le Canada est signataire, que les peuples autochtones ont un droit de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Mentionnons entre autres le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
    Tout en voulant être conscients des répercussions économiques, nous devons également reconnaître que, en ce moment même, beaucoup de peuples autochtones paient le développement au prix fort. Peut-être s'agit-il d'une évolution dans certains coûts et avantages économiques de certains travaux de mise en valeur, mais je ne perçois pas, dans l'examen du projet de loi, la mise hors jeu du Canada. En fait, nous avançons de front avec ces développements internationaux. Si rien ne se produit, ça se fera ailleurs. Aussi bien nous mettre tout de suite à l'ouvrage pour nous assurer que nos façons de faire, au Canada, respecteront les normes internationales.

  (1145)  

    Ma recherche sur la déclaration m'a conduit à découvrir sa genèse, étalée sur 30 années, grâce à la contribution de milliers d'Autochtones de partout sur la planète. Quand vous avez créé le manuel de cette déclaration, vous avez commencé à organiser des séances partout au Canada. Nous en avons coordonné une ensemble, à Halifax.
    Pouvez-vous nous parler du consensus sur cette déclaration dont vous ont parlé les universitaires autochtones et d'autres personnes autochtones? Quelles étaient leurs opinions sur ces séances que vous avez organisées?
    Mon expérience internationale me permet d'affirmer que beaucoup de peuples autochtones se sont tournés vers les instances internationales quand, ici, au Canada, ils éprouvaient des difficultés et qu'ils étaient déçus dans leur attente d'un règlement.
    Ce que j'ai vu et entendu et même ce que je continue d'entendre, aujourd'hui, au travers des discussions sur le projet de loi C-15, c'est qu'il est maintenant venu le temps de reconnaître ces droits fondamentaux et inhérents des peuples autochtones. Nous ne pouvons plus continuer de les traiter comme des peuples inférieurs. Voilà pourquoi j'ai lu des paragraphes du préambule. Il est vraiment venu le temps, pour le Canada, de reconnaître les peuples autochtones comme des peuples. Une trop grande partie du droit canadien se fonde sur ces idées racistes... comme dans le jugement Johnson c. M'Intosh, en 1823, selon lequel les peuples autochtones étaient de féroces sauvages dont l'occupation était la guerre.
    Maintenant, en 2021, nous devrions commencer à rejeter ces idées et à collaborer avec les Autochtones pour concrétiser ces droits fondamentaux de la personne.
    L'important est que ce projet de loi contient beaucoup de sagesse. En effet, il ne suffit pas de dire que nous acceptons la déclaration de l'ONU, mais, en fait, il nous oblige à concocter un plan pour la mettre en oeuvre. Sur les inquiétudes soulevées, sur le plan national d'action, c'est maintenant et ici le moment et le lieu de discuter de certaines de ces questions et d'y trouver des réponses. Le projet de loi comporte en lui-même un mécanisme pour répondre à ces préoccupations et de ne pas seulement affirmer que nous sommes inquiets des éventuelles répercussions, mais d'examiner et de faire aboutir un plan qui assure que les peuples autochtones et les Canadiens profiteront des mises en valeur.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Madame Gill, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier l'ensemble des témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Je sais que M. Saganash n'est pas encore avec nous, mais j'aimerais saluer le travail qu'il a fait au cours de la dernière législature. Je l'ai vu se battre pour son projet de loi, qui ressemble évidemment au projet de loi C-15, sur lequel nous nous penchons aujourd'hui.
    Je veux également saluer les membres des Premières Nations qui, au cours des siècles, ont fait en sorte que nous étudiions aujourd'hui ce projet de loi. Comme l'a mentionné M. Rodon, cela est symbolique. Je crois que tout ce que nous sommes capables de trouver dans le symbolique et qui peut devenir concret est nécessaire. Je suis donc heureuse de pouvoir être avec vous aujourd'hui.
    Je poserai une question au professeur Rodon.
    Monsieur Rodon, dans la dernière parution de la revue Recherches amérindiennes au Québec, vous avez consigné plusieurs textes portant sur la question du consentement préalable, libre et éclairé.
    Pouvez-vous nous parler plus amplement des usages politiques de cette notion?
     Je vous remercie, madame Gill. Je peux certainement le faire.
    Nous avons publié un numéro spécial de la revue Recherches amérindiennes au Québec sur le sujet. Il y a peu de littérature en français sur la question; il y en a un peu plus en anglais, mais pas tellement.
    L'idée était véritablement de regarder comment c'est mis en œuvre en pratique plutôt que dans des textes de loi et des déclarations. C'est un peu la question que nous nous posions. Je ne sais plus si j'ai eu le temps de le dire lors de ma présentation. Toutefois, quand nous parlons avec les membres des communautés autochtones, nous constatons qu'ils considèrent que c'est un de leurs droits. C'est le cas, d'ailleurs, car c'est dans la Déclaration.
    Il ne s'agit donc pas de savoir s'ils ont ou pas ce droit au consentement libre, préalable et éclairé. Ils considèrent l'avoir et, de facto, ils essaient de le mettre en œuvre. On le voit partout. Chez les Cris, c'est très clair, même s’ils n'utilisent pas le terme de cette façon. En fait, l'une de mes étudiantes a mené des entrevues non pas avec les Cris, mais avec des gens de la région de l'Abitibi et du Nord-du-Québec. Ces derniers ont dit très clairement que, si les Cris s'opposaient à un projet, celui-ci n'aurait pas lieu. Ce n'est pas un droit de veto; c'est juste une réalité politique dans laquelle les Cris sont un acteur suffisamment important dans le Nord-du-Québec pour décider si un projet est acceptable et s'il bénéficiera à leur communauté.
    Comme on l'a mentionné, dans d'autres cas, il y a évidemment plus de conflits. Dans ces cas, les acteurs n'ont pas le rapport de force que les Cris ont su établir au fil des ans. Je ne le dis pas de façon négative, au contraire. C'est tout à leur honneur d'avoir été capables de reprendre le contrôle sur leur territoire.
    Dans les autres cas, des acteurs, comme les Wet'suwet'en, en Colombie-Britannique, et les communautés de Pond Inlet et de Clyde River, au Nunavut, prennent en main ce consentement et bloquent des aéroports et des routes, entre autres. Selon moi, Mme Exner-Pirot a soulevé un bon point sur la question des investissements. Cependant, l'incertitude est déjà là; ce n'est pas la loi qui va la créer, puisqu'elle est déjà sur le terrain.
    Au Québec, il existe un projet de gazoduc qui passerait par le Nord. La question du consentement va se poser très rapidement. Pour l'instant, nous n'avons pas vraiment d'outils pour régler la situation. Il faudra faire confiance aux législateurs et à ceux qui regardent ce qu'ils font, pour voir comment on peut mettre en œuvre ce consentement afin de renforcer la certitude quant au projet.
    On aura plus de certitude grâce à la reconnaissance des droits des Autochtones. Ce n'est pas en ne les reconnaissant pas qu'on aura plus de certitude; on aura juste plus de problèmes. C'est un peu ce que nous avons vu dans nos différentes études de cas, qui étaient plutôt centrées sur le Québec, mais aussi en Colombie. L'une de nos étudiantes a écrit là-dessus. Si ce sujet vous intéresse, vous devriez lire certains de ces articles.

  (1150)  

    Je vous remercie, monsieur Rodon.
    À la fin de votre présentation, vous avez évoqué des questions qui se posaient sur le consentement libre et éclairé. Vous parliez de la définition, qui peut poser problème. Je sais que vous ne pouvez pas donner de définition, mais vous pourriez peut-être dresser les contours de ce problème.
     Vous avez également parlé des questions à savoir quand on peut utiliser le consentement et qui doit le donner. Mme Gunn l'a d'ailleurs souligné tout à l'heure.
    Pourriez-vous parler davantage de ces multiples questions?
    Au sujet de la question du consentement libre, préalable et éclairé, une tension se pose entre deux idées. D'abord, il y a une version procédurale selon laquelle l'idée n'est pas d'obtenir un consentement, mais seulement de prendre des mesures qui pourraient mener à un consentement. Il suffirait de faire cela. C'est un peu ce qu'a fait le gouvernement canadien jusqu'à présent. On fait des consultations et on prend la décision à la fin.
    Il y a aussi l'idée d'un consentement plus substantif selon laquelle la communauté doit donner clairement son consentement. Cela peut se faire de différentes façons, entre autres au moyen d'un partenariat entre la communauté et la compagnie minière ou gazière.
    L'élément le plus difficile est vraiment de déterminer qui accorde le consentement. En faisant mes recherches, j'ai vu que c'est toujours cette question qui se pose. En fait, c'est la question de la légitimité des structures de gouvernance. Au Canada, les communautés autochtones se donnent elles-mêmes de plus en plus de structures de gouvernance, mais il reste encore beaucoup d'endroits où la situation est semblable à celle des Wet'suwet'en et où la gouvernance est celle de la Loi sur les Indiens et des conseils de bande. Selon moi, c'est une gouvernance coloniale, car elle tire sa légitimité de la Loi sur les Indiens et pas de la population et des gouvernements traditionnels encore en place. C'est un mot...

[Traduction]

    Je suis désolé, mais nous avons pris plus que le temps prévu. Peut-être que ça reviendra sur le tapis plus tard.
    Actuellement, je crois que Mme Gazan allait prendre la parole au nom du NPD.
    Oui, monsieur le président. Je vous remercie.
    Je pose ma première question à Mme Exner-Pirot.
    Vous avez parlé de trois années d'incertitude, parce que c'est le temps maximal prévu dans le projet de loi C-15. Vous dites que ça entraîne des coûts pour les investisseurs. Je voudrais que vous nous en disiez un peu plus sur la divulgation des risques dans les règles commerciales internationales, particulièrement en ce qui concerne les revendications territoriales. Dans notre pays, les régions qui continuent de faire l'objet de différends, de revendications territoriales, précisément... Dans ce cas-là, négocions-nous des accords commerciaux internationaux fondés sur un mensonge?

  (1155)  

    Je voudrais bien vous répondre. Je ne suis pas spécialiste des investissements, mais je dirai seulement que je pense que le plan d'action est un excellent moyen. Mme Gunn l'a également dit. Je pense que beaucoup seraient heureux si nous pouvions nous focaliser sur le plan d'action, accorder la loi au plan d'action et...
    J'ai très peu de temps. Je pose la question, parce que nous savons que la divulgation des risques est un avertissement à donner aux investisseurs, pour tout investissement, pour ce qui concerne le respect de la loi. Je demandais seulement qu'on m'éclaire sur cet aspect.
    Ma prochaine question, pour Mme Gunn, est que notre Constitution de 1982 reconnaît et affirme les droits des Autochtones et les droits issus de traités, un concept général, d'une certaine ambiguïté. Nous le savons. Ç'a été un problème constant dans la définition du concept de droits des Autochtones. Croyez-vous que le projet de loi C-15, qui affirme l'application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au Canada, dissipera une partie de cette ambiguïté?
    Je vous remercie de la question, madame Gazan. Je vais essayer d’y répondre le plus rapidement possible.
    La Constitution originale comprenait l’idée d’essayer de négocier une meilleure compréhension de l’article 35 au moyen des tables rondes constitutionnelles qui devaient se pencher sur l’autonomie gouvernementale, en vain. Nous nous sommes retrouvés dans une situation très regrettable, au Canada, où c’est une expression générale, soit « droits ancestraux ou issus de traités », qui est protégée par la Constitution et, comme les négociations ont été infructueuses, vous avez raison, on laisse le soin aux tribunaux de trancher. Il continue d’y avoir des litiges sur la portée de ces droits et des négociations également.
    Je pense que le projet de loi C-15 et la Déclaration des Nations unies sont utiles, car ils aident à mieux comprendre ce que sont les droits ancestraux ou issus de traités. La Déclaration contient toute une liste de droits qui nous aident à comprendre. Je dirais simplement que, surtout, de mon point de vue, l’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que des droits civils et politiques est vraiment importante, en particulier quand on pense aux femmes autochtones. Je pense que l’enquête nationale ainsi que l’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes autochtones disparues et assassinées mettent en évidence la mesure dans laquelle les droits économiques, sociaux et culturels sont particulièrement importants pour les femmes autochtones et pour l’égalité. Nous n’avons pas vu un grand succès dans les contestations relatives aux droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution ou la Charte, et je pense donc que le projet de loi C-15 peut aider à rendre les choses beaucoup plus claires.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s’adresse à M. Rodon. Bon nombre des préoccupations qui sont soulevées concernent le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Je me demande si vous pouvez expliquer au Comité ce qu’est, selon vous, la différence entre les notions de consentement et de veto.

[Français]

     C'est une question qui se pose.
    Selon moi, quand on parle de veto, c'est qu'on veut désamorcer politiquement cette question. Je ne crois pas que les Autochtones cherchent à mettre leur veto. Ce qu'ils cherchent à établir, c'est une relation. Évidemment, le droit de dire non fait partie de la relation et de la discussion, mais le veto est utilisé dans des situations où les gens disent oui ou non.
     Je pense que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, c'est une relation. Dans cette relation, c'est aux deux acteurs de trouver des solutions pour arriver à réaliser le projet. Dans certains cas, le projet ne sera pas réalisable. On a documenté le cas de Matoush, qui concernait une mine d'uranium sur le territoire de la communauté crie de Mistissini.
    Bref, ce n'est vraiment pas un veto. Si on le perçoit ainsi, c'est qu'on voit cela comme un rapport de force, ce qui est souvent le cas, actuellement, puisque cela se passe ainsi. En ayant une loi, on sort de cette logique de veto. Il s'agit de voir si les parties peuvent s'entendre. À la fin du processus, qui vise à obtenir ce consentement, on ne peut plus parler de veto, même si on a le droit de dire non, car le veto est un refus qui a été exprimé dès le début au sujet d'une question.
    C'est donc ainsi qu'on doit considérer cette question. Tout le monde a quelque chose à gagner là-dedans. Souvent, une des façons très simples d'obtenir le consentement des Autochtones, c'est d'en faire des partenaires dans le cadre des projets. On le voit de plus en plus, et c'est une façon de régler la question du veto.

  (1200)  

[Traduction]

     Je n’ai qu’une autre question à ce sujet.
    Votre temps est écoulé, madame Gazan. J’en suis désolé.
    J’ai tellement de questions. Merci, monsieur le président.
    Je le sais.
    Le temps est écoulé. Nous pourrions suspendre la séance et accueillir le prochain groupe de témoins et, je l’espère, M. Saganash et nos autres invités, ou nous pourrions passer à un second tour.
    Avez-vous une préférence, messieurs Schmale et Anandasangaree? Nous prolongerons la réunion au besoin au moyen d’une motion plus tard, mais qu’en pensez-vous?
    Monsieur le président, je crois que si nous sommes prêts à prolonger la réunion, d’une demi-heure par exemple, alors je propose que nous fassions un second tour, plus court. La durée des interventions pourrait être de trois minutes pour le Parti conservateur et le Parti libéral et d’une minute et demie pour le NPD et le Bloc québécois. Nous pourrons ensuite passer au prochain groupe.
    D’accord. Est-ce que cela vous va, monsieur Schmale?
    Cela me va.
    Et vous, mesdames Bérubé et Gazan? Est-ce que tout le monde est d’accord? Bien.
    Nous allons continuer.
    Monsieur Vidal, c’est à vous. Vous disposez de trois minutes.
    Un certain nombre de personnes ont parlé du plan d'action aujourd'hui. J'aimerais poser une brève question à Mme Exner-Pirot.
    Je crois comprendre que dans sa forme actuelle, le projet de loi actuel exige l'élaboration d'un plan d'action, comme c'était le cas du projet de loi C-262. Or, selon le projet de loi, le plan d'action n'a pas à faire état des cibles ou des résultats attendus. Plus tôt, Mme Gunn a dit que, depuis 2018, trois années ont été perdues concernant l'élaboration d'un plan d'action. Elle a également dit que c'était maintenant et ici le moment et le lieu de trouver des réponses à bon nombre des questions.
    Il me semble que Nouvelle-Zélande ait réglé la question. Elle fait le gros du travail et elle met en place son plan d'action avant la mise en œuvre de la mesure législative.
    Madame Exner-Pirot, pouvez-vous nous expliquer ce que pourrait être, du point de vue de votre organisation, l'intérêt de mettre en place le plan d'action avant de mettre en œuvre la mesure législative pour dissiper une partie de l'incertitude des investisseurs dont vous avez parlé?
    Il ne s'agit pas seulement des investisseurs. D'autres organisations autochtones s'intéressent au développement des ressources et ne veulent pas de cette incertitude. Les personnes avec lesquelles nous avons pu discuter s'entendent pour dire que le plan d'action serait un excellent moyen. Nous avons de nombreuses idées concrètes sur ce qui ferait en sorte qu'il serait plus facile pour les populations autochtones d'attirer des capitaux. Je pense aux normes ESG, à l'approvisionnement, etc. Je sais que nos partenaires ont des idées aussi.
    Je pense que plus il est clair dans le projet de loi que le plan d'action précisera que le statu quo sera maintenu jusqu'à ce que le plan d'action soit accepté, mieux ce sera. Ensuite, on pourra procéder à la consultation.
    Je sais que beaucoup de gens s'inquiètent du fait qu'il n'y a pas eu assez de temps, que cela semble précipité, et je pense que s'il était entendu que le plan d'action est le cadre dans lequel nous pouvons décider ce qui sera différent, ce qui changera et quels seront les effets concrets du projet de loi C-15, cela répondrait à bien des préoccupations.
    Je suis sûre que si vous parlez à d'autres personnes dans l'industrie ou à des gestionnaires de caisses de retraite, ils pourraient dire la même chose, mais il est certain que les organisations autochtones avec lesquelles nous travaillons ont de nombreuses idées concernant le plan d'action et préfèrent que ce soit le moyen choisi.
     Il reste une minute.
    Merci. Je serai très bref.
    Voulez-vous intervenir aussi, madame Gunn?
    Vous avez parlé du fait que trois années ont été perdues. Dans tout ce processus, y a-t-il quelque chose qui a empêché le gouvernement de commencer l'élaboration du plan d'action qui aurait fait en sorte que, trois ans plus tard, la mesure législative serait beaucoup plus claire?
    Je pense que concrètement, et vous êtes mieux placé que moi pour savoir comment fonctionne le gouvernement, il n'y a rien eu. Il y avait, bien sûr, les défis que nous voyons. Nous avions tous consacré beaucoup de temps et d'efforts au projet de loi C-262. Il avait été adopté par la Chambre. Il avait franchi de nombreuses étapes au Sénat également. Je pense que nous nous attendions tous à ce qu'il devienne une loi. Nous avons tous dû changer d'approche lorsque le projet de loi est rapidement resté en plan au Sénat.
     Je pense qu'il a fallu du temps pour formuler une autre approche après cela. Je pense que si nous ne pouvons pas simplement établir un plan d'action en premier lieu, c'est parce que la Déclaration des Nations unies, en droit canadien, est déjà pertinente et utilisée par les tribunaux. Je pense que nous voulons, autant que possible, avoir une approche coordonnée. S'il est important que la Déclaration puisse être utilisée devant les tribunaux si nécessaire, nous ne voulons pas nous fonder sur cela.
    Je pense que je changerais la question pour dire que si nous n'agissons pas et que nous ne clarifions pas cette reconnaissance que la Déclaration des Nations unies trouve application en droit canadien, nous laissons aux tribunaux le soin d'interpréter le tout à leur façon. Il en résulte une plus grande incertitude et davantage d'irrégularités, par exemple, entre les tribunaux provinciaux et parfois dans ce que nous voyons dans les tribunaux fédéraux.

  (1205)  

    Je vous remercie. Merci d'essayer de respecter les limites de temps que nous avons.
    C'est au tour de M. van Koeverden, qui dispose de trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. Vos témoignages sont vraiment très utiles pour nous tous. Merci à bon nombre d'entre vous du travail considérable que vous accomplissez dans ce dossier. Pour être tout à fait honnête, je dirais que bon nombre d'entre nous abordent ce sujet avec un regard neuf. Vos années de travail et les efforts considérables que vous avez déployés sont vraiment utiles.
    J'ai d'abord une question pour Mme Gunn. Elle porte sur l'interprétation du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause comme un veto. Je pense que le mot « veto » est défini. Peut-être que la notion de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est un peu plus ambiguë. Je suis vraiment préoccupé par l'amalgame que l'on fait entre ces deux notions. J'aimerais avoir un peu plus de renseignements à ce sujet.
     Puisqu'il s'agira probablement de ma seule question, pourriez-vous nous donner votre point de vue sur la participation et la capacité de dire non? Je crois qu'une pleine participation inclut la capacité de dire non.
    Merci.
    Merci.
    Je pense qu'il est vraiment important de rappeler que la Déclaration des Nations unies n'est pas sortie de nulle part. Cela revient à la question du député Battiste.
    En fait, 20 ans de jurisprudence et d'études à l'échelle internationale nous aident à comprendre la Déclaration des Nations unies. Si nous disons ici, au Canada, que nous ne la connaissons pas, c'est uniquement parce que nous n'avons pas cherché. Je suis ravie de fournir à ce comité diverses études qui ont été réalisées et qui ont vraiment permis de préciser les choses. Je peux fournir des décisions sur la façon dont l'ONU comprend la notion le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
    Nous nous concentrons beaucoup sur le consentement. Le consentement est vraiment inclus pour s'assurer que les peuples autochtones qui comprennent très bien leurs droits participent à la prise de décisions qui ont des répercussions sur leurs droits. Je pense que vous avez tout à fait raison d'établir un lien entre le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et le droit des peuples autochtones de participer à la prise de décision. À l'échelle internationale, l'idée est que l'inclusion des peuples autochtones, y compris l'obtention de leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, nous aide à prendre de meilleures décisions, des décisions qui restent valables.
    Enfin, je pense que cette question du veto laisse entendre que nous n'avons pas de discussions. C'est à cet égard qu'il est important que nous nous rappelions qu'il y a aussi le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Lorsqu'on réunit ces quatre concepts, l'idée est de s'assurer que les peuples autochtones sont présents, qu'ils participent au processus et qu'ils peuvent fournir les renseignements nécessaires. Il s'agit de s'assurer qu'il y a cette idée d'échanges qui nous permettent de comprendre les préoccupations qui pourraient être soulevées, d'avoir des occasions d'essayer de les apaiser et de travailler ensemble pour arriver à une solution. Voilà le sens qui est donné au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
    Il ne reste que 30 secondes.
    Merci.
    Allez-y, monsieur van Koeverden.
    Je redonne la parole au président, étant donné que notre temps est limité.
    Merci beaucoup.
     Merci, madame Gunn.
    Merci.
    Madame Bérubé, vous disposez d'une minute et demie.

[Français]

    Je remercie tous les témoins qui sont présents aujourd'hui.
    Je représente la circonscription d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou. Nous en avons parlé plus tôt lorsque nous avons abordé les Cris.
    Monsieur Rodon, vous avez parlé de certains pays qui ont déjà adopté la Déclaration. Pouvez-vous nous dire quelles difficultés ils ont eues en lien avec la mise en œuvre de ce texte?
    À ma connaissance, aucun pays n'a adopté de loi de mise en œuvre. Par contre, certains pays reconnaissent la Déclaration dans leur loi constitutive, notamment la Colombie, laquelle a choisi une mise en œuvre procédurale. Cela signifie qu'il s'agit uniquement d'un processus. Une fois que ce dernier est respecté, le projet peut aller de l'avant, que la communauté s'y oppose ou non.
    J'ai écrit plusieurs articles avec Martin Papillon à ce sujet, en français et en anglais. Nous défendons une vision plus substantive du terme. Comme vient de l'expliquer Mme Gunn, le consentement est une relation. Je prends l'exemple des Cris, qui ne disent pas non à un projet avant de l'avoir entendu, et dont la politique minière prévoit qu'ils rencontreront toutes les compagnies minières intéressées pour discuter avec elles avant de décider s'ils vont ou non de l'avant.
    C'est ce type de relation qu'il faut avoir, une relation bénéfique pour tous. Un investisseur ne perdra pas de temps à préparer un projet qui ne se concrétisera pas, ce que nous voyons de plus en plus au Canada. À mon avis, le risque est là. Nous devons avoir un processus assez clair entourant ce que nous attendons, qui doit décider du consentement et comment y parvenir. Les communautés doivent en faire partie. Le consentement libre, préalable et éclairé ne relève pas que des gouvernements, mais aussi des communautés touchées.

  (1210)  

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre.
    C'est à vous, madame Gazan. Vous disposez d'une minute et demie.
    Merci.
    Ma dernière question s'adresse à M. Rodon. Je vous avais posé une question sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
    Croyez-vous que le fait de rendre les choses plus claires dans le cadre de ce projet de loi permettra d'éviter que les projets ne se retrouvent devant les tribunaux? Je dis cela parce que nous savons que c'est un élément qui préoccupait Mme Exner-Pirot, mais pensez-vous que le manque de clarté et les précisions que le projet de loi apportera contribueront à améliorer les relations, de même que les projets à l'avenir?

[Français]

    C'est exactement ce que je défends. Je pense que d'avoir un processus plus clair et une relation avec les Autochtones à laquelle ils participent pleinement évitera un certain nombre de problèmes, que ce soit les tribunaux, les barrages ou les interventions de la GRC.
    Je ne sais pas si vous avez vu la couverture étrangère de l'intervention de la GRC chez les Wet'suwet'en, mais elle n'est pas à l'avantage du Canada ni à l'avantage des investissements au Canada. Tout le monde est perdant dans ce genre de situation.
    Avoir un processus plus inclusif dans lequel les Autochtones participent à la prise de décision aidera beaucoup. Cela ne résoudra pas tous les problèmes, il en restera. Cela offrira toutefois un climat plus intéressant aux investisseurs. En Nouvelle-Zélande, le fait que les Maoris participent à la prise de décisions ne pose pas de problèmes.
    Penser que la participation des Autochtones limitera les investissements représente un point de vue étroit. À mon avis, ce sera le contraire et cela ne pourra pas être pire que ce l'est actuellement. Je pense qu'il faut agir. Le projet de loi C-15 est une façon de le faire, mais ce n'est pas la seule.

[Traduction]

    Merci, monsieur Rodon.
    Monsieur Melillo, allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de trois minutes.
    Merci, monsieur le président. Je ne savais pas si j'allais avoir du temps. Je suis ravi d'avoir la possibilité de poser des questions.
    Je vais peut-être revenir sur certains sujets qui ont déjà été abordés afin d'obtenir un peu plus de précisions.
    Évidemment, il a été beaucoup question du consentement, de l'importance du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et de ce que cela signifie pour différentes personnes.
    Peut-être vais-je d'abord m'adresser à Mme Gunn. Évidemment, les opinions varient beaucoup; tout dépend à qui l'on parle. Vous avez mentionné que l'ONU a fait des travaux pour essayer d'y voir plus clair. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

  (1215)  

    Oui, je suis ravie de poursuivre la discussion.
    Si je remonte au début des années 2000, l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies a réalisé une étude sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause qui a établi une bonne partie des normes sur le type d'information... sur la signification de « donné librement » et de ce que nous entendons par « préalable » et « consentement ». Je pense que cela a ensuite été suivi par l'étude du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, en 2018, lorsqu'on a étudié une approche du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause basée sur les droits de la personne.
    En ce qui concerne l'idée d'un veto, on précise que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause vise, en fait, encore une fois, à protéger les droits que nous reconnaissons de manière générale dans la Déclaration des Nations unies. Ainsi, au sujet du consentement, le Mécanisme d'experts indique qu'il existe des circonstances — et elles sont énoncées dans la Déclaration des Nations unies — dans lesquelles les États sont tenus d'obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones et que l'élément de consentement inclut l'idée que les peuples autochtones ont le droit de dire non, qu'ils peuvent refuser de donner leur consentement après avoir évalué les choses et conclu qu'il n'est pas dans leur intérêt d'accepter la proposition, et que le refus de donner leur consentement est censé convaincre l'autre partie de ne pas prendre le risque d'aller de l'avant.
    Le Mécanisme d'experts a également indiqué que les arguments relatifs à la question de savoir si les peuples autochtones disposent d'un droit de veto à cet égard semblent largement miner la légitimité du concept de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».
     Il s'agit vraiment d'inclure les peuples autochtones dans le processus pour nous assurer que nous protégeons leurs droits ou que nous comprenons en quoi divers projets peuvent avoir des répercussions sur leurs droits.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Melillo.
    Madame Zann, nous allons terminer cette première partie de la réunion avec vous. Vous disposez de trois minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci beaucoup aux témoins.
     Je vous parle depuis la Nouvelle-Écosse, le territoire non cédé des Micmacs.
    Madame Gunn, dans son rapport, la Commission de vérité et réconciliation demande aux gouvernements d'adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et d'élaborer un plan d'action pour atteindre les objectifs de la Déclaration. Il en est également question dans le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
    Pourriez-vous expliquer pourquoi vous pensez que la Commission de vérité et réconciliation et l'Enquête nationale insistent toutes les deux sur le fait que la Déclaration des Nations unies est un élément clé de la réconciliation, et expliquer pourquoi ce document international est si essentiel pour favoriser la réconciliation ici, au Canada, en particulier en ce qui concerne les femmes et les filles disparues et assassinées?
    Merci. Je vais essayer de répondre brièvement.
    Je voulais faire allusion à mes observations préliminaires, mais je vais m'efforcer de demeurer davantage dans le concret.
    Je pense que la Commission de vérité et réconciliation a misé sur la Déclaration des Nations unies comme cadre pour la réconciliation parce qu'elle a constaté que les États qui ont fondé leurs lois et leur compétence sur des idéaux et des doctrines racistes — comme celle de la découverte qui découle de l'idée que les Autochtones étaient, comme je l'ai indiqué, de féroces sauvages ne cherchant qu'à faire la guerre — s'en sont servi comme justification pour porter atteinte à leurs droits fondamentaux.
    Les Nations unies ont fait valoir qu'il était grand temps que nous nous attaquions véritablement à ces problèmes, mais aussi, ce qui est vraiment important, que ce processus de reconnaissance des droits intrinsèques et fondamentaux des Autochtones en tant que personnes doit s'accompagner d'une évolution de notre relation avec eux grâce à l'abandon de l'approche colonialiste qui amène un État à penser de façon paternaliste, comme cela transpire à l'occasion dans les lois canadiennes, qu'il a complètement l'ascendant sur les peuples autochtones.
    En reconnaissant les droits des peuples autochtones tels qu'énoncés dans la Déclaration des Nations unies, nous serons mieux à même d'opérer cette transformation et de nouer des relations plus harmonieuses. Nous pourrons ainsi établir ces relations sur de nouvelles bases. La Déclaration parle d'une relation fondée sur les principes de la justice, de la démocratie, du respect des droits de la personne, de la non-discrimination et de la bonne foi. Il ne faut plus se limiter à un modèle de domination coloniale — qui a pu être la base de cette relation par le passé —, mais plutôt nous efforcer de redéfinir cette relation en nous appuyant sur le respect de ces principes fondamentaux.

  (1220)  

    C'est exactement le temps que vous aviez. Je suis désolé de vous interrompre.
    Me permettez-vous de dire un mot au sujet de l'enquête sur les femmes autochtones?
    Allez-y.
    À mon point de vue, la Déclaration des Nations unies est importante du fait qu'elle reconnaît les droits économiques, sociaux et culturels, soit des éléments comme le logement, l'éducation et le droit d'occuper un emploi. Ce sont autant de facteurs que la commission d'enquête a jugés fondamentaux pour la protection des femmes autochtones.
    Merci beaucoup.
    Un grand merci à nos témoins de ce premier groupe.
    Nous allons maintenant devoir nous interrompre très brièvement, le temps de faire quelques tests de son avec nos prochains témoins.

  (1220)  


  (1225)  

    Mesdames et messieurs les membres du Comité et les témoins, nous avons le quorum et nous reprenons donc nos travaux.
    Nous accueillons notre second groupe de témoins, soit M. Saganash, Mme Lightfoot et Mme Augustine dans cet ordre.
    Monsieur Saganash, je crois comprendre que c'est un sujet que vous connaissez assez bien. Je vais donc vous laisser le soin de partir le bal.
    Vous avez la parole pour les six prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous les membres du Comité. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous et à vous présenter mes observations avant de répondre à vos questions.
    L'Assemblée générale des Nations unies a réaffirmé au moins 10 fois par voie de consensus la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Aucun vote n'a été nécessaire. Nous pouvons donc affirmer aujourd'hui qu'aucun État du monde ne s'oppose à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C'est le sens qu'il faut donner à ce consensus.
    En décembre dernier, l'Assemblée générale des Nations unies a souligné que la Déclaration « a eu une influence positive sur l'élaboration de plusieurs constitutions et statuts aux niveaux national et local, en plus de contribuer au développement progressif de cadres et de politiques juridiques sur les plans national et international. »
    La Déclaration des Nations unies reconnaît, comme le mentionnait Mme Gunn, un large éventail de droits économiques, sociaux, culturels, politiques, spirituels et environnementaux. Il s'agit de droits intrinsèques ou, pour utiliser notre terminologie, préexistants. Il est donc urgent que le Canada reconnaisse enfin ces droits et les inscrive dans la législation fédérale.
    Je me réjouis de constater que le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, s'inspire de mon propre projet de loi d'initiative parlementaire, le C-262, en allant même plus loin à certains égards. J'ai multiplié les rencontres et les conférences un peu partout au Canada, et je peux vous dire que le projet de loi C-262 a toujours été largement appuyé aussi bien par les Autochtones que par le grand public. Le dépôt d'un projet de loi d'initiative parlementaire n'est pas chose facile. Mon premier projet de loi sur la Déclaration des Nations unies, le C-641, a été déposé en décembre 2014. Il a été défait en deuxième lecture en avril 2015. En avril 2016, je suis revenu à la charge avec le projet de loi C-262, une version améliorée du précédent. La Chambre des communes a adopté ce projet de loi en troisième lecture le 30 mai 2018. Malheureusement, l'obstructionnisme de quelques sénateurs a sonné le glas du projet de loi en juin 2019, soit quelques jours à peine avant le décès de ma mère.
    Par conséquent, j'appuie sans réserve le dépôt du projet de loi C-15 par le gouvernement fédéral à la Chambre au début de décembre 2020. Il m'apparaît plus facile pour un projet de loi gouvernemental de cheminer dans le processus parlementaire à la Chambre et au Sénat. Le projet de loi C-15 confirme que la Déclaration établit les normes minimales à respecter pour assurer la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones. J'ajouterais la sécurité à cette liste. Comme on l'indique au deuxième paragraphe du préambule, ces normes minimales doivent être mises en oeuvre au Canada.
    Étant donné que je suis moi-même un survivant des pensionnats indiens, je suis tout particulièrement heureux de constater que le projet de loi C-15 fait référence dans son préambule aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice des commissaires de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, deux instances qui réclament la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies.
    Il est important de souligner que les 17 paragraphes du préambule du projet de loi C-15 ont des effets juridiques marqués. On y trouve un contenu significatif qui s'ajoute à celui des sept dispositions du projet de loi et qui doivent être pleinement prises en considération. À titre d'exemple, le paragraphe 9 précise que les doctrines fondées sur la supériorité, comme celles de la découverte et de la terra nullius, sont racistes, sans valeur juridique et moralement condamnables. Le paragraphe 10 indique que l'on rejette également toute forme de colonialisme et que le gouvernement du Canada s'est engagé à promouvoir des relations fondées sur les principes de justice, d'égalité, de non-discrimination et de respect des droits de la personne.

  (1230)  

    Le paragraphe 11 du préambule insiste sur la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples autochtones. La Cour suprême du Canada a également confirmé nos droits intrinsèques et préexistants en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
    Le paragraphe 12 du préambule du projet de loi C-15 demande au gouvernement du Canada d'admettre que toutes les relations avec les peuples autochtones doivent être fondées sur la reconnaissance et la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autodétermination, y compris le droit à l'autonomie gouvernementale.
    Comme cela est précisé dans les deux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, le Canada a l'obligation expresse de reconnaître et de respecter notre droit à l'autodétermination. Comme vous le savez, monsieur le président, cette obligation existe depuis la ratification de ces deux pactes internationaux par le Canada en 1976.
    Je veux aussi profiter de l'occasion pour signaler deux problèmes avec le libellé actuel du projet de loi C-15. Premièrement, il y a certaines disparités entre les versions anglaise et française que l'on doit corriger sans tarder.
    L'autre problème concerne l'article 4 du projet de loi dans sa version anglaise. Le libellé actuel amalgame à tort deux objectifs bien distincts pour en faire un seul qui semble renvoyer uniquement au plan à proprement parler. C'est carrément inapproprié et contraire à l'intention du projet de loi C-262.
    On devrait donc plutôt lire à l'article 4:
The purposes of this Act are:
    Les éléments a) et b) suivraient.
    Je pense que c'est tout le temps que j'avais.
    Je serai ravi de répondre aux questions des membres du Comité.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Saganash.
    Mme Sheryl Lightfoot, professeure à l'Université de la Colombie-Britannique, comparaît à titre personnel.
    Vous avez six minutes. À vous la parole.
    Bonjour à tous.
    Je veux d'abord souligner que la séance se tient en présentiel sur le territoire du peuple algonquin et que j'ai le privilège de vivre et de travailler sur le territoire de la Première Nation de Musqueam à partir duquel je me joins à vous virtuellement ce matin pour ceux qui sont sur la côte Ouest et cet après-midi pour ceux qui sont plus à l'est.
    Je suis une Anishinaabe de la bande ojibwée du lac Supérieur. Je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits et politiques concernant les Autochtones du monde à l'Université de la Colombie-Britannique.
    J'ai eu l'honneur de comparaître devant votre comité il y a trois ans, soit en avril 2018, lors de l'étude du projet de loi C-262 par le Parlement. Comme bien d'autres universitaires, défenseurs et membres des Premières Nations, j'ai été bien sûr très déçue que ce projet de loi ne soit pas adopté.
    Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait ravie d'être des vôtres aujourd'hui en espérant voir le Parlement corriger sans tarder les erreurs du passé en adoptant le projet de loi C-15. Je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître.
    Les textes internationaux traitant des droits de la personne comme la Déclaration des Nations unies sont conçus aux fins d'une mise en œuvre pleine et entière dans les différents contextes nationaux. Au sein des cercles universitaires spécialisés dans ces questions juridiques, on parle souvent de ritualisme des droits. En bref, cela signifie que des États tiennent un certain discours sur les tribunes internationales où il est question de droits de la personne, mais agissent à l'inverse à l'intérieur de leurs frontières.
    Dans mes travaux de recherche en science politique, j'ai pu observer une tendance que j'ai qualifiée d'« adoption sélective ». Ainsi, certains États essaient de diluer les droits établis dans la Déclaration des Nations unies en se limitant à mettre en œuvre certains d'entre eux pour écarter les autres de leur propre chef. Il est tout à fait moralement inacceptable de choisir ainsi certains droits de la personne que l'on va respecter pendant que d'autres sont mis de côté.
    Je tiens à souligner que ces phénomènes du ritualisme des droits et de l'adoption sélective ne sont pas l'apanage d'un seul gouvernement ou d'un parti politique en particulier. Des gouvernements de toute allégeance ont rompu à répétition leurs engagements envers les peuples autochtones. On n'a pas manqué de transgresser des traités et de réinterpréter, voire de carrément ignorer, certains jugements de la Cour suprême tout en présentant le Canada comme un modèle mondial en matière de démocratie et de respect des droits de la personne.
    Il va de soi que plusieurs s'interrogent sur le sérieux de la démarche du Canada pour la réconciliation. J'ai moi-même entendu certains Autochtones très frustrés affirmer que c'en est fini de la réconciliation.
    Que devons-nous faire? Faut-il abandonner ou bien continuer d'essayer de trouver de meilleurs outils?
    J'appuie sans réserve le modèle de mise en œuvre proposé au départ par Romeo Saganash dans les projets de loi C-641 et C-262 qu'il a déposés au Parlement. Ce modèle, qui sert de base au projet de loi C-15, comporte différents éléments que j'estime cruciaux.
    D'abord et avant tout, il exige une collaboration avec les peuples autochtones. Il nécessite en outre des mesures concrètes, y compris une réforme juridique et, comme on l'a indiqué précédemment, l'établissement d'un plan d'action. Il requiert par ailleurs la production de rapports publics et la reddition de comptes.
    Mes travaux universitaires s'articulent en grande partie autour de comparaisons du vécu des peuples autochtones un peu partout dans le monde. J'estime que le projet de loi C-15 permet de faire avancer le débat planétaire à ce sujet et constitue un bon exemple à suivre pour d'autres pays.
    En examinant ce qui se passe ailleurs dans le monde, on peut constater que différents États ont adopté des lois et des politiques aux fins de la mise en œuvre de la déclaration. Comme les membres du Comité ont pu l'entendre lors de la première heure de séance, on peut donner l'exemple de la Nouvelle-Zélande où un plan d'action national est en cours d'élaboration.
    En outre, plusieurs pays d'Afrique ont aussi adopté des lois et des politiques nationales afin de concrétiser leurs engagements en faveur de la déclaration. Parmi les autres mesures essentielles, notons les réformes constitutionnelles et l'Amérique latine qui est particulièrement proactive en la matière.
    La Déclaration a de plus été citée dans différentes décisions de tribunaux nationaux, du Belize jusqu'au Botswana, en passant par le Canada, le Chili, la Colombie, le Guatemala, le Kenya, le Mexique et la Fédération russe.

  (1235)  

    Les institutions nationales responsables des droits de la personne dans des pays comme l'Indonésie, la Malaisie, la Namibie, la Fédération russe et les États-Unis ont utilisé la Déclaration comme cadre de contrôle pour la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones à l'échelle nationale. La Déclaration est aussi mise en oeuvre par des instances régionales comme par exemple l'Union européenne, l'Organisation des États américains, la Commission africaine et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. La Cour interaméricaine des droits de l'homme s'est également largement inspirée de la déclaration des Nations unies.
    Depuis maintenant plus d'une décennie, la Déclaration sert de base à l'établissement de lignes directrices et de normes à l'échelle internationale. Différentes organisations se sont donné des politiques et des lignes directrices pour aller dans le sens de la Déclaration. À titre d'exemple, et ma collègue Mme Gunn en a déjà cité quelques-uns, je pourrais vous nommer le Programme de développement des Nations unies, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, la Banque asiatique de développement et l'UNESCO. Plusieurs agences et programmes des Nations unies se sont penchés sur les questions relatives aux droits des peuples autochtones dans le contexte des pratiques d'affaires et des activités commerciales. Les signataires des conventions internationales se servent par ailleurs de plus en plus de la Déclaration des Nations unies pour déterminer dans quelle mesure ces droits sont respectés, ce qui donne force obligatoire à la Déclaration dans la mise en oeuvre de ces conventions.
    Disons tout simplement que le projet de loi C-15 représente la meilleure approche que j'aie pu observer à la grandeur de la planète pour la mise en oeuvre des droits de la personne, du fait qu'il combine tous ces éléments. En adoptant le projet de loi C-15, nous prêcherons vraiment par l'exemple auprès du reste du monde. Je sais que d'autres gouvernements et des peuples autochtones d'autres régions du monde surveillent de très près ce qui se passe ici.
    La semaine dernière, mon collègue Joshua Nichols de l'Université de l'Alberta et moi-même avons publié un article d'opinion au sujet de ce processus de réconciliation qui reste inachevé. La Cour suprême a reconnu que la réconciliation est un impératif constitutionnel. Comme nous l'écrivions dans cet article, la Cour parlait ainsi d'une démarche beaucoup plus approfondie et difficile que le simple fait d'essayer de cohabiter. Pour qu'il y ait réconciliation, il faut que les droits et les titres intrinsèques soient reconnus de façon véritablement significative dans la pratique. Nous écrivions également que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont jusqu'à maintenant laissé cette tâche cruciale aux bons soins des tribunaux et qu'ils font ainsi fausse route.

  (1240)  

    Madame Lightfoot, nous avons nettement dépassé le temps imparti. Il faut que nous gardions du temps pour tous les tours de questions.
    Si vous le permettez, j'aurais seulement une dernière phrase en guise de conclusion.
    Si le Canada est sérieux dans son objectif de réconciliation, il doit adopter une approche différente. La Déclaration est la base qui convient à cette fin et le projet de loi C-15 nous offre un processus clair et bien adapté pour parvenir à concrétiser ces engagements. Merci.
    Merci beaucoup.
    Notre dernier témoin pour ce groupe est la présidente et chef du Congrès des peuples autochtones, Mme Lorraine Augustine.
    Madame Augustine, vous avez six minutes.
    J'aimerais d'abord vous dire quelques mots au sujet du Congrès des peuples autochtones. Comme vous le savez sans doute, nous sommes l'une des cinq organisations nationales autochtones, et nous existons depuis plus de 50 ans. Nous représentons les Indiens inscrits et non inscrits, les Métis et les Inuits du Sud vivant hors réserve. C'est simplement pour vous donner une idée des bases de notre organisation.
    Bien que je sois assurément favorable à la Déclaration des Nations unies en tant que femme autochtone, que personne autochtone et que dirigeante autochtone, je trouve problématique la définition utilisée. Je parle de celle donnée au début du projet de loi qui indique que « peuples autochtones » s'entend au sens que lui donne la Loi constitutionnelle de 1982 qui précise que ce terme regroupe les Indiens, les Inuits et les Métis.
    Je constate malheureusement que le Canada a adopté une définition distincte qui inclut les Premières Nations, les Inuits et les Métis et qui est utilisée fréquemment dans les documents et les lois. À mon sens, le terme « Premières Nations » n'a pas de valeur juridique. J'estime que si le Canada compte adopter ce projet de loi, il convient de s'assurer que lorsque nous parlons des « peuples autochtones », cela englobe la totalité des Autochtones, car la Déclaration ne précise pas si elle s'applique aux Autochtones vivant dans les réserves ou à l'extérieur ou aux Indiens inscrits ou non. On parle simplement des peuples autochtones de ce pays.
    Si l'on jette un coup d'œil rétrospectif à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, on constate que l'on y condamne d'emblée le colonialisme et toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination dont ils s'accompagnent, sous quelque forme et en quelque endroit qu'ils existent. Comment peut-on donc envisager d'adopter au Canada une loi qui n'inclurait pas tous les peuples autochtones et qui écarterait d'entrée de jeu la vaste majorité des Autochtones qui ne sont pas inscrits et qui ne vivent pas dans une réserve? Comment pouvez-vous affirmer que vous voulez travailler avec tous les peuples autochtones?
    J'aimerais vous citer l'article 2 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones: « Les Autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l'objet, dans l'exercice de leurs droits, d'aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones. »
    À la lecture de cet article, je m'inquiète du fait que la disposition en question ne soit pas déjà mise en œuvre au Canada. Le Canada l'a pourtant adoptée aux Nations unies. J'ai participé aux discussions à ce sujet aux Nations unies et j'étais même présente lors des pourparlers constitutionnels de 1982. Je suis active depuis un bon moment déjà. Ce qui m'inquiète surtout... Je suis tout à fait favorable à l'intention visée par la Déclaration des Nations unies. C'est une excellente chose. Je m'inquiète toutefois de son éventuelle mise en œuvre au Canada vu que le libellé et le préambule dans leur forme actuelle font en sorte que 80 % des Autochtones au Canada seraient laissés pour compte.

  (1245)  

    C'est vraiment ce qui m'inquiète dans ce préambule et ce projet de loi. Si vous voulez proposer des mesures touchant les Autochtones au Canada, vous devez y inclure tous les Autochtones du Canada et non quelques groupes sélectionnés. Par « sélectionnés », j'entends les Indiens inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens.
    C'est mon point de vue, et je tiens à vous remercier de m'avoir permis de le présenter au Comité. Je vous en suis reconnaissante, et je répondrai à toutes vos questions. J'ai hâte d'y répondre.
    Merci beaucoup, madame Augustine. C'est très apprécié.
    J'aimerais vous demander une motion pour prolonger la séance. Notre première série de questions nous mènera au-delà de l'heure juste, donc j'aurais besoin d'une motion afin de la prolonger...
    Je la propose.
    Merci. La motion est proposée par M. Schmale.
    (La motion est adoptée.)
     La motion est adoptée. Cela nous permettra d'entendre deux pleines séries de questions.
    Le prochain intervenant, selon ma liste, est M. Viersen, qui disposera de six minutes.
    Monsieur Viersen, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier et à remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Nous étudions un projet de loi assez court, en réalité. Je l'ai à l'écran. Nul besoin de défiler très longtemps pour parvenir à la fin. Je pense qu'une fois imprimé, il tient probablement en deux pages, environ, après quoi il y a l'annexe, qui contient toute la Déclaration de l'ONU.
    Selon moi, le coeur du projet de loi se trouve à l'alinéa 4a):
4 La présente loi a pour objet:
    a) de confirmer que la Déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien;
    C'est probablement l'essentiel de ce projet de loi. La deuxième partie vise à établir un cadre de mise en oeuvre.
    Je demanderai à chacun des témoins, un à un, de me dire s'ils appuient le projet de loi dans sa forme actuelle. Vous pouvez peut-être simplement me répondre par oui ou non.
    Monsieur Saganash.
    Il me fait un signe d'appui du pouce.
    Puis-je connaître l'avis des autres témoins aussi?
    Madame Augustine.
    Je ne l'appuie pas dans sa forme actuelle.
    Très bien.
    Je poserai aussi la question à notre troisième témoin, Mme Lightfoot.
    Oui.
    Oui.
    Merci. Je l'appuie même si j'entends les doléances de Mme Augustine et de ceux qui réclament des modifications. Je pense qu'il y a des solutions possibles grâce aux discussions et au travail de ces comités. Je pense qu'il est très important d'écouter chacun. Même M. Saganash voulait obtenir des précisions et des correctifs. Je pense que c'est le but du travail de ce comité, mais de manière générale, oui, je l'appuie.

  (1250)  

    Madame Lightfoot, je poursuivrai la conversation avec vous. Quelle serait votre première recommandation d'amendement à ce projet de loi?
    Je laisserai le processus suivre son cours, parce que je pense que vous devez entendre les groupes concernés, les titulaires de droits eux-mêmes, comme Mme Augustine le disait, et les laisser vous faire des propositions. Je ne suis moi-même pas une titulaire de droits au Canada, je tiens à le préciser, donc je ne parlerai pas au nom de ceux qui le sont.
    Je demanderai maintenant à M. Saganash de nous expliquer comment la Déclaration peut s'appliquer en droit canadien pour améliorer la jurisprudence actuelle et pousser encore plus les gains chèrement acquis devant les tribunaux. Ne risquons-nous pas de compromettre certaines décisions des tribunaux en adoptant un tout nouveau système de droit au Canada?
    Permettez-moi de dire d'emblée que les tribunaux ont déjà confirmé la disposition que vous venez de nous lire. Les tribunaux utilisent la Déclaration de l'ONU, ils la citent pour interpréter le droit, au Canada, et ce, depuis de nombreuses années. Nos tribunaux des droits de la personne, provinciaux et fédéral, utilisaient la Déclaration de l'ONU avant même qu'elle ne soit adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU.
    Le projet de loi C-15 vient confirmer ce que les tribunaux nous disent déjà et l'interprétation qu'ils font des instruments internationaux de protection des droits de la personne comme la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    À mon avis, ce que ce projet de loi vient ajouter, c'est que... À titre de député, vous savez que le ministre de la Justice a l'obligation, en vertu de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, de veiller au préalable à ce que tout projet de loi soit conforme à la Charte des droits et libertés. Nous n'avons pas l'équivalent pour les droits autochtones et les droits issus de traités au Canada. C'est ce que nous apportera le projet de loi C-15.
    À ce sujet, monsieur Saganash, si j'entre « projet de loi C-15 DNUDPA » dans Google, le premier résultat que j'obtiens me mène vers un article de l'APTN sur les problèmes entourant les consultations sur le projet de loi C-15. C'est la difficulté à laquelle nous serons confrontés pour le faire appliquer en droit canadien.
    Quelle est l'entité qui régit l'opinion autochtone au Canada? Ce sera le grand défi.
    Monsieur Viersen, avant de répondre à cette question, j'aimerais connaître votre interprétation de ce en quoi consistent des consultations. Je vous prierais de définir ce que vous entendez par là, parce que...
    Je parle du droit d'être consulté, du besoin d'être consulté, qui a été défini par les tribunaux.
    Nous avons reçu un mémoire des fournisseurs d'électricité du pays, qui nous expliquent comment ils ont amélioré de A à Z leur processus de consultation au cours des sept dernières années pour respecter ces décisions des tribunaux.
    C'est l'inquiétude que tout cela crée. Ne va-t-on pas instaurer un tout nouveau système?
    Je m'excuse de vous interrompre, retenez ce que vous alliez dire. Je suis certain qu'on en discutera...
    Le temps passe très vite, monsieur le président.
    Je suis désolé, mais nous devons respecter le temps imparti.
    Retenez ce que vous vouliez dire.
    Monsieur Gary Anandasangaree, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, permettez-moi de souligner que je m'exprime devant vous depuis les terres non cédées du peuple algonquin, à Ottawa.
    Je tiens à remercier tous les témoins, particulièrement mon bon ami, M. Romeo Saganash. Il nous manque cruellement, au Parlement, mais je sais qu'il n'est pas bien loin quand nous avons besoin de lui.
    Merci, Romeo, du leadership incomparable que vous exercez.
    J'ai été témoin de votre bon travail sur le projet de loi C-262, depuis son dépôt jusqu'à son étude par la Chambre, de tout le travail que vous y avez investi. Je tiens à vous en remercier, et bien sûr, je vous remercie également du travail que vous avez fait pour mener à l'établissement de la DNUDPA.
    J'aimerais que vous me donniez une idée, Romeo, de toute la mobilisation que vous avez faite avant de déposer le projet de loi C-262. Vous avez déjà siégé à ce comité, et quand nous nous rendions dans les diverses régions du Canada, les gens venaient constamment vous voir en vous disant: « M. Saganash, vous êtes venu ici cet été. Vous êtes venu nous parler. »
    Vous avez abondamment mobilisé les gens pendant tout le processus, sur le projet de loi C-262. Pouvez-vous peut-être nous donner une idée de l'étendue de vos efforts à l'époque où vous prépariez ce projet de loi?

  (1255)  

    Premièrement, le projet de loi C-15 est presque identique au projet de loi C-262. Je pense que la mobilisation que nous avons suscitée autour du projet de loi C-262 a couvert pas mal tout le pays. J'ai rencontré des membres des communautés autochtones et non autochtones dans diverses assemblées publiques pour leur expliquer la teneur du projet de loi C-262 et de la déclaration de l'ONU, et j'ai répondu chaque fois à leurs questions et commentaires sur le projet de loi C-262.
    Je peux vous dire que je n'ai jamais quitté une seule assemblée publique, nulle part où je me suis rendu au pays, où les personnes, autochtones ou non, s'opposaient au projet de loi C-262 ou à la déclaration de l'ONU. Je pense que ce travail percolera sur le projet de loi C-15. Nous avons calculé que les organisations et communautés autochtones qui ont adopté des résolutions en appui au projet de loi C-262 représentaient environ un million d'Autochtones au pays. Il s'agit là d'une mobilisation en profondeur, complète, et je pense que nous pouvons bâtir là-dessus avec le projet de loi C-15.
    Merci, monsieur Saganash.
    Madame Lightfoot, pouvez-vous nous parler de la mise en œuvre de la déclaration de l'ONU en Colombie-Britannique? Il me semble que bon nombre des commentaires exprimés par ceux qui s'y opposent pourraient porter à croire que la mise en œuvre de cette déclaration en Colombie-Britannique a gravement nui à l'agilité des entreprises.
    Pouvez-vous nous expliquer comment elle a été mise en œuvre en Colombie-Britannique et en quoi c'est un succès ou un échec relatif?
    Je dois souligner que le projet de loi a été adopté à la fin de 2019, quelques mois à peine avant le début de la pandémie, donc je vous dirais que la mise en œuvre de cette déclaration en Colombie-Britannique demeure encore à un stade très embryonnaire. Nous attendons toujours de voir le plan d'action, mais tout a été un peu perturbé par la pandémie et les circonstances, dans la province, particulièrement dans les communautés autochtones.
    La province a présenté son premier rapport annuel, que vous trouverez en ligne grâce à une simple recherche sur Google. Il est très détaillé. Il présente beaucoup d'exemples de ses effets positifs en Colombie-Britannique. Bien sûr, on peut y lire des histoires moins réjouissantes aussi. À mon avis, c'est normal, dans toute conversation politique, dans tout contexte politique. Il y aura des succès, comme il y aura des échecs. C'est notre responsabilité de faire la part des choses.
    Il importe de souligner que ces succès et ces échecs coexistent simultanément. Je répète que c'est tout à fait normal. C'est la même chose partout au pays, toute politique aura ses succès et ses échecs, et il y aura toujours de la contestation. C'est un aspect normal de la politique, de toute décision politique.
    Pour répondre également à une observation précédente sur la nature de l'opinion autochtone sur ces questions, à l'échelle du pays, eh bien, cette opinion est tout aussi diversifiée que l'opinion parmi la population non autochtone sur n'importe quel sujet politique. Je tiens à vous signaler que cette norme, que ce qui nous semble normal dans la politique de tous les jours, s'applique aussi aux peuples autochtones.
    Merci.
    Je reviens à M. Saganash. Je sais que l'une des conversations récurrentes sur le projet de loi C-262 portait sur la question du veto. Ce sont les mêmes préoccupations qui sont exprimées ici. Le projet de loi C-15 crée-t-il un droit de veto sur le consentement libre, préalable et éclairé? Peut-être pouvez-vous nous rappeler votre position à ce sujet?

  (1300)  

    Vous avez environ 30 secondes. La parole est à vous.
    Trente secondes? D'accord.
    J'en ai déjà parlé beaucoup. Le droit de veto et le consentement libre, préalable et éclairé sont deux concepts juridiques différents. L'un est absolu, il s'agit du veto, tandis que l'autre est relatif. Comme tous les droits de la personne, le droit à un consentement libre, préalable et éclairé est relatif. Il faut tenir compte de toutes sortes d'autres facteurs, des faits, des éléments de droit et des circonstances. Ce sont deux concepts juridiques très différents.
    Hier, j'ai fait parvenir au greffier une étude du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones sur le consentement libre, préalable et éclairé. Si ma mémoire est bonne, le paragraphe 20 de cette étude de l'ONU décrit les facteurs constitutifs ou les « éléments constitutifs du consentement préalable, libre et éclairé ». J'invite tous les membres du Comité à y jeter un coup d'œil.
    Merci beaucoup, monsieur Saganash.
    Madame Bérubé, vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

     C'est plutôt au tour de Mme Gill, monsieur le président.

[Traduction]

    Je suis désolé.
    Madame Gill, vous êtes la suivante.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je remercie également ma collègue.
    J'aimerais tout d'abord remercier M. Saganash. Je l'ai fait tout à l'heure, mais il n'était pas là. Je le remercie notamment de l'important travail qu'il a accompli au fil des ans et au cours de la dernière législature. Il travaille depuis 1982, comme l'ont fait remarquer Mme Lightfoot et Mme Augustine.
    Nous allons procéder à l'étude du projet de loi C- 15. Je sais que M. Saganash a déjà travaillé à un projet de loi semblable et qu'il existe des différences entre les deux projets. J'aimerais qu'il nous parle de ces différences du point de vue qualitatif. J'aimerais entendre ses commentaires, qui pourraient éclairer notre travail.
    Je vous remercie de votre question, madame Gill. C'est toujours un plaisir de vous revoir. Je vous remercie du travail que vous accomplissez au nom du Bloc québécois sur toutes ces questions.
    J'ai mentionné dans mon introduction le fait qu'il y avait des différences entre les versions française et anglaise du projet de loi C- 15. Le paragraphe 2(2) en est un bon exemple.
    On peut lire ceci dans la version anglaise:

[Traduction]

This Act is to be construed as upholding the rights of Indigenous peoples recognized and affirmed by section 35 of the Constitution Act, 1982, and not as abrogating or derogating from them.

[Français]

    Or on peut lire ceci dans la version française:
2(2) La présente loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; elle n’y porte pas atteinte.
    Il y a une différence entre les deux versions. Je préfère en fait la version française, qui est beaucoup plus claire quant à l'intention de cette disposition du projet de loi C- 15.
    Je trouve que c'est une excellente intervention. Nous devons travailler au même projet de loi, et non sur deux versions distinctes. Nous devons travailler tant en français qu'en anglais au même projet de loi. Je pense qu'il faudrait prendre cela en considération dès maintenant, en pensant aux témoins que nous recevrons et aux gens qui devront se pencher sur le projet de loi.
    J'ai une autre question à laquelle tout le monde est appelé à répondre, donc Mme Lightfoot ou Mme Augustine également. Dans son introduction, Mme Lightfoot a d'ailleurs parlé de la dilution des droits, ce qui m'a interpellée. Ce projet de loi veut assurer la mise en œuvre éventuelle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Or je m'inquiète du fait qu'il pourrait y avoir un glissement vers une dilution de ces droits.
    Je ne sais pas si quelqu'un est en mesure de parler de cette question bien vaste.

  (1305)  

[Traduction]

    Je m'y aventurerai, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Les autres témoins pourront essayer de vous répondre aussi.
    Nous sommes encore mis de côté dans ce projet de loi par l'approche du gouvernement fondé sur les distinctions. Il s'agit des droits en vertu de l'article 35. Selon les règles actuelles, je suis une Micmaque inscrite, une Indienne inscrite, mais compte tenu de l'endroit où j'ai choisi de vivre, on me dit que moi et d'autres membres de mon organisation et du congrès ne sommes pas titulaires de droits.
    Ce qui me dérange, dans ce projet de loi, c'est qu'il y aura des personnes laissées de côté. Ce projet de loi réaffirme que les peuples autochtones ont des droits (des droits issus de traités, des droits autochtones et d'autres droits), mais je ne suis vraiment pas d'accord avec cela à moins que le gouvernement ne permette vraiment à tous les Autochtones de s'en prévaloir. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
    Je ne suis pas certaine d'avoir répondu à votre question.

[Français]

    Vous nous avez transmis beaucoup d'informations, et vous avez répondu à ma question. En tant que législatrice, je peux donc améliorer mon travail.
    Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite ajouter quelque chose à ce sujet? Si personne ne veut prendre la parole, je vais poser une autre question.

[Traduction]

    Je m'excuse, il ne reste que deux secondes.

[Français]

    Mon temps de parole est-il déjà terminé?

[Traduction]

    J'en suis désolé, mais c'est beau de voir cette camaraderie.
    Oui, allez-y.
    Très brièvement, une des différences entre le projet de loi de la Colombie-Britannique et celui-ci, c'est que les organismes régissant les peuples autochtones sont inclus dans le projet de loi de la Colombie-Britannique. J'aimerais proposer que ce soit envisagé ici aussi.
    Merci.
    Madame Blaney, la parole est à vous pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages.
    Monsieur Saganash, je suis très heureuse de vous revoir.
    Je sais qu'en votre qualité de juriste, vous comprenez la différence entre le consentement libre, préalable et éclairé et le droit de veto. Je me demande si vous pouvez en expliquer la différence au Comité.
    Comme je l'ai déjà mentionné, je vous ai envoyé une copie de l'étude que l'ONU a réalisée sur le concept du consentement libre, préalable et éclairé. J'invite tous les membres du Comité à en prendre connaissance. C'est un document important à prendre en considération, surtout dans le cadre de votre étude du projet de loi C-15.
    Par « libre », on entend sans coercition ni d'intimidation. Je vous donnerai l'exemple du barrage du site C, dans lequel BC Hydro a intimidé les opposants au projet à coups de poursuites de 4,3 millions de dollars par personne. C'est ce qu'on appelle de l'intimidation. Ce n'est pas permis.
    Libre signifie exempt d’intimidation, de coercition.
    Par « préalable », on entend que les discussions consultatives avec les peuples autochtones potentiellement touchés par un projet doivent avoir lieu avant que toute décision ne soit prise quant au projet.
    On entend par « éclairé » que les personnes représentées doivent avoir accès à des études et à de l'information facilement accessibles. Par exemple, pendant longtemps, Hydro-Québec transmettait aux Cris des études sur les impacts de ses projets, mais exclusivement français, pas en anglais, ni en cri, donc nous ne pouvons pas être bien éclairés de cette façon.
    Ces trois choses doivent survenir avant que ne commence une activité, et c'est justement ce que disait Thierry Rodon, qui a témoigné devant le Comité pendant la première heure. J'ai lu son mémoire, et il rejoint ce que dit l'ONU sur le consentement libre, préalable et éclairé.
    Comme tous les droits de la personne, le droit à un consentement libre, préalable et éclairé est un droit relatif. Il faut donc prendre d'autres facteurs en considération, alors qu'un droit de veto est un concept absolu, qui ne tient pas compte des lois, des faits ou des circonstances en l'espèce.

  (1310)  

    Merci.
    Monsieur Saganash, le Comité a reçu une lettre dernièrement de la Confédération des Premières Nations du Traité 6, nous mettant en garde essentiellement contre le fait que le projet de loi C-15 aura pour effet de modifier la définition de « personne autochtone » telle qu'on l'entend dans le droit international.
    Pourriez-vous nous parler de ce point important? Les Nations unies ont-elles déjà adopté une définition de « peuple autochtone »?
    C'est une bonne question et une question importante, à mon avis.
    Je peux vous affirmer sans hésitation qu'aucun organisme des Nations unies, à ma connaissance, n'a adopté une définition de « peuple autochtone ».
    La seule définition que je connaisse est un projet de définition préparé en 1972 par Martinez Cobo, l'auteur d'une importante étude en cinq volumes qui a été remise aux Nations unies en 1978, si ma mémoire est bonne. Ce projet de définition, qui remonte encore une fois à 1972, n'a jamais été adopté par le Groupe de travail sur les populations autochtones, ou par un organisme des Nations unies.
    En fait, je peux même ajouter que les deux pactes internationaux dont j'ai parlé, et qui ont été signés par le Canada en 1976, soit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, parlent tous les deux, dans leur article premier, du droit des peuples autochtones à l'autodétermination.
    En droit international, le terme « peuple » n'a jamais été défini, alors il n'y a pas de définition de ce mot non plus.
    Je pense qu'il est important d'en être conscient, car à partir du moment où on décide de définir quelque chose, on en exclut d'autres, et à mon avis, c'est la principale raison pour laquelle les Nations unies n'ont pas adopté de définition de peuple autochtone.
    Les opposants au projet de loi C-15 s'inquiètent aussi du fait qu'il aura pour effet de canadianiser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Non, pas du tout. Ce n'est pas le cas. Je pense que le projet de loi C-15 ne vient que confirmer que cet instrument international relatif aux droits de la personne, comme tous les autres instruments relatifs aux droits de la personne, s'applique en droit, ce qui veut dire que tout tribunal, dans son impartialité, peut se référer à ce document international pour interpréter les lois du pays.
    C'est l'inverse, en fait. Je pense que c'est à partir d'un point de vue national que nous devons examiner ces documents pour interpréter les droits au pays, alors l'instrument est utilisé... dans ce sens.
    Merci, monsieur Saganash.
    Madame Gill, avez-vous un rappel au Règlement? Je vois que votre main est levée.

[Français]

     Oui, monsieur le président.
     M. Saganash a soulevé le fait que le projet de loi n'était pas le même dans les deux langues. J'aimerais que le Parti libéral me dise laquelle des deux versions doit prévaloir dans notre présente étude et si une motion sera déposée pour demander un projet de loi identique dans les deux langues?

  (1315)  

[Traduction]

    Je vais poursuivre la série de questions, si vous le permettez, et nous terminerons avec ce point.
    Monsieur Schmale, vous disposez de cinq minutes dans cette série de questions.
    C'est bon de revoir autant de visages familiers. Les discussions sont fort intéressantes jusqu'à maintenant.
    J'aimerais commencer par Mme Augustine, si je peux me permettre.
    J'ai noté que vous avez parlé brièvement du processus de consultation dans votre déclaration liminaire. Certaines organisations ont eu beaucoup de temps pour tenir des consultations, réfléchir et revenir avec des réponses, et d'autres non. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui, bien sûr. On revient encore une fois à la définition distincte qui inclut les Premières Nations, les Inuits et les Métis, trois organisations nationales à qui on a accordé au moins six mois pour tenir des consultations et se préparer. Le Congrès des peuples autochtones n'a eu que deux jours. Le ministère de la Justice nous a contactés à la 11e heure du 11e jour pour obtenir nos commentaires.
    Nous avons fourni nos commentaires. Nous n'allions pas refuser de le faire, puisqu'ils nous avaient contactés, et bien sûr, nous allons être là.
    C'est la différence dans le processus de consultations où d'autres avenues... Je reviens encore une fois à la définition distincte; l'interprétation se trouve même dans le projet de loi. Le Canada est le seul pays à avoir une interprétation de la notion de peuple autochtone, et c'est injustifié. Les peuples autochtones sont les peuples autochtones, et il ne devrait pas y avoir une définition distincte. De plus, nous avons fait l'objet de discrimination dans le processus de consultation. Nous n'avons pas eu la même chance de participer que d'autres groupes.
    Je pense que c'est un des éléments que nous avons mentionnés également lorsque nous avons discuté du plan de travail, c'est-à-dire que certains groupes lèvent la main pour dire qu'ils n'ont pas eu le temps nécessaire pour consulter et se préparer. À mon avis, c'est une des raisons qui font que cette étude est si importante, tout comme votre témoignage et votre participation aux discussions aujourd'hui, qui nous permettront, je l'espère, de présenter des recommandations.
    Madame Augustine, aimeriez-vous ajouter quelque chose au sujet du plan d'action ou d'autre chose? Je pense que vous en avez parlé dans votre déclaration.
    J'en ai parlé, en effet. Je pense que c'est une bonne idée d'avoir un plan d'action national, mais encore une fois, il faut qu'il soit inclusif. Le Canada a toujours eu cinq organisations nationales. Le Congrès a toujours été l'une d'entre elles, depuis l'époque où il s'appelait le Conseil national des Autochtones du Canada, le CNAC. Nous étions toujours à la table. Nous y étions toujours, mais nous n'y sommes plus, et depuis le dernier gouvernement, il semble que la situation soit encore pire. Nous avons besoin d'un plan national qui englobe tous les peuples autochtones, que ce soit par organisation ou par peuple. Il faut toutefois que nous ayons notre mot à dire dans tout cela.
    J'aimerais vous donner un exemple très rapidement. Dans le dossier des femmes autochtones disparues et assassinées, il y a un groupe de travail principal qui se penche sur un plan national. Ce groupe est tout sauf fonctionnel. Une organisation dit une chose, et l'autre dit autre chose. Le débat n'est pas censé être politique. Les gens sont censés travailler ensemble.
    Un plan d'action national réunissant tout le monde autour de la table mettra un frein à bien des progrès. J'en ai été témoin.
    Pour poursuivre dans la même veine, j'aimerais parler de ce dont nous avons discuté lors de la première série de questions, à savoir que nous ne nous sommes pas encore occupés de questions importantes, notamment celle du consentement. Pour les témoins actuels qui n'ont peut-être pas entendu ce que ceux du premier groupe ont dit, nous appuyons l'esprit du document. Je pense que nous avons un document qui contient un plan constructif pour l'avenir. Toutefois, là où le bât blesse pour nous de ce côté-ci, c'est que nous voulons voir la définition de consentement. Qu'est-ce que cela veut dire? Je ne sais pas si vous aimeriez commenter ce point.

  (1320)  

    La question s'adresse-t-elle à moi?
    Je peux vous la poser. Je peux aussi la poser aux autres témoins.
    Cela importe peu.
    D'accord, je vais commencer par vous et passer ensuite passer à...
    Soyez brève.
    Je pense que, oui, il faut que ce soit plus précis. Il faut que le consentement s'applique à tout le monde, à tous les Autochtones, dans les réserves, hors réserve, inscrits, non inscrits.
    Je vous remercie de vos réponses.
    Nous passons à une autre période de cinq minutes. Monsieur Battiste, c'est à votre tour, allez-y.
    Merci. J'aimerais commencer par poser une question à Romeo Saganash.
    Monsieur Saganash, je tiens tout d'abord à saluer votre travail dans ce dossier et les progrès réalisés à ce jour. Je vous suis profondément reconnaissant du travail que vous avez effectué au fil des ans. Comme vous le savez, mon père et Alex Denny, grand capitaine de la nation micmaque, se sont rendus aux Nations unies pendant des années pour tenter de concrétiser l'autodétermination des peuples autochtones.
    Vous avez mentionné un peu plus tôt que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le projet de loi C-15 sont des normes minimales, et quand on parle de droits, comme ceux prévus à l'article 35, on parle de droits inhérents préexistants. Le préambule de la déclaration parle de « la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples autochtones ».
    Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, pourquoi est-ce important de savoir qu'il s'agit de droits inhérents préexistants?
    Je pense qu'il est important de mettre à nouveau l'accent sur ce point. Quand on dit que nos droits sont inhérents ou préexistants, cela veut dire que personne ne nous a accordé ces droits, que nous les possédons en tant qu'Autochtones et que peuples autochtones.
    Le projet de loi vient reconnaître et affirmer un fait très essentiel et fondamental, soit que les 46 droits que la déclaration vient consacrer sont des droits inhérents et préexistants. C'est précisément la raison pour laquelle les tribunaux se servent de la déclaration des Nations unies pour interpréter les droits des Autochtones au pays et à l'étranger. Des pays précis ont été mentionnés. En Colombie, au Guatemala et au Belize, les tribunaux ont interprété les droits des Autochtones dans ces pays en s'appuyant sur le contenu de la déclaration des Nations unies, et pourtant ces pays n'ont pas un projet de loi comme le C-15 qui confirme que la déclaration s'applique à leurs lois nationales.
    Je pense que c'est l'élément important de la loi dans la présente discussion. Cela comprend, bien entendu, le droit à l'autodétermination et le droit au consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. Ce sont des droits de la personne. Nous sommes en 2021, et je pense qu'il est grand temps que tous les politiciens, tous les députés se lèvent pour reconnaître et défendre les droits de la personne des peuples autochtones, les premiers peuples dans ce pays.
    Beaucoup de gens se demandent si la déclaration des Nations unies crée de nouveaux droits. Beaucoup de gens soulèvent la crainte de voir la déclaration créer de nouveaux droits.
    Considérez-vous qu'il s'agit d'une réaffirmation des droits préexistants et des droits inhérents des êtres humains, des Autochtones au Canada, ou considérez-vous que cela crée de nouveaux droits?
    Je ne considère pas qu'il s'agit de nouveaux droits. Pendant longtemps, la présidente du Groupe de travail sur les populations autochtones répétait à chacune des séances de négociations que la déclaration ne créait pas de nouveaux droits et qu'elle ne faisait que confirmer les droits inhérents des peuples autochtones, leurs droits préexistants.
    Je pense que la question n'est pas pertinente dans mon esprit, car on confirme tant dans le projet de loi C-15 que dans la déclaration des Nations unies qu'il s'agit de droits préexistants et inhérents.

  (1325)  

    Je vous remercie, monsieur Saganash.
    Dans vos commentaires précédents, j'ai trouvé que votre analyse sur toute la question de la citoyenneté et de l'identité visait très juste. Je veux lire ce qui suit avant de passer à Mme Augustine pour avoir ses commentaires. L'article 33 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoit que:
Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions, sans préjudice du droit des autochtones d’obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l’État dans lequel ils vivent.
    Madame Augustine, vous avez cité l'article 35 de la Constitution, mais êtes-vous en désaccord avec cet article 33, qui prévoit que les peuples autochtones doivent avoir le droit de décider de leur propre appartenance?
     Non, je ne suis absolument pas en désaccord avec cela.
    Ce avec quoi je suis en désaccord... Je devrais pouvoir dire à quelqu'un « Je suis une femme micmaque. » Ce n'est pas parce que je suis membre de différentes organisations ou d'une bande que je ne suis pas une femme autochtone.
     Diriez-vous, comme il est clairement mentionné à l'article 33, qu'il revient au peuple micmac, et non pas à une entité extérieure, de décider qui est micmac?
    Dans une certaine mesure, oui, mais...
    Avec quel élément n'êtes-vous pas d'accord?
    Je suis d'accord avec cela.
    Ce avec quoi je ne suis pas d'accord, c'est que les Micmacs — monsieur Battiste, vous êtes originaire de la même région que moi, alors vous savez cela — décident qui est micmac, mais ils laissent encore de côté ceux qui ne vivent pas dans une réserve ou qui ne sont pas enregistrés ou ne peuvent pas l'être. Vous ne devez pas oublier cela.
    Je m'excuse de vous interrompre.
    Nous passons maintenant à Mme Bérubé pendant deux minutes et demie, puis à Mme Blaney pendant deux minutes et demie également.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie également tous les témoins présents aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Saganash.
    Je suis très heureuse de vous rencontrer de nouveau. J'aimerais que vous nous décriviez les notions d'autodétermination et de consentement à la lumière des droits ancestraux existants et du contexte canadien.
    C'est un élément important à considérer dans le débat entourant le projet de loi C-15.
    Ce qu'il faut comprendre dans tout ce débat, c'est que différents cadres juridiques s'appliquent aux droits des peuples autochtones. Évidemment, l'article 35 de la Constitution est un cadre juridique important. En fait, il s'agit d'un cadre constitutionnel. Les traités et le droit international sont d'autres cadres juridiques importants. Il y a également la loi autochtone. Nous avons nos propres lois.
    Ces quatre cadres juridiques sont distincts, mais ils se renforcent mutuellement et sont interreliés. Ce sont des cadres que nous pouvons utiliser en tant que peuples autochtones pour la défense de nos droits inhérents ou de nos droits issus de traités.
    Le projet de loi C-15 définit-il avec précision le consentement préalable, libre et éclairé?
    À mon avis, la réponse est non. Selon la façon dont les systèmes fonctionnent, les décisions ou les considérations juridiques des tribunaux dépendent des circonstances de la loi et des faits en lien avec une situation précise.
    Définir quelque chose en ce sens va éliminer un tas d'autres situations. Ce sont les juges des différents tribunaux qui devront considérer les différentes circonstances, les différents faits et les différentes lois, selon les circonstances.

  (1330)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur le greffier, avant de passer à Mme Blaney, qu'en est-il du temps par rapport à l'interprétation et au soutien technique?
    Un autre comité se réunit dans cette salle à 15 h 30, alors nous allons devoir terminer bientôt, soit à 14 heures au plus tard.
    Très bien.
    Monsieur le président, j'ai une déclaration de député à présenter, alors je dois me rendre à la Chambre et je vais devoir quitter bientôt moi aussi.
    D'accord. Puis-je demander à Mme Blaney de terminer sa série de questions avant de lever la séance? Est-ce que cela vous convient?
    Cela me convient, monsieur le président.
    Autrement, vous pouvez poursuivre et je vais devoir quitter.
    Nous allons donc procéder ainsi.
    Madame Blaney, vous avez deux minutes et demie. Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Saganash, si je peux revenir à vous, il y a certaines préoccupations qui ont été soulevées au sujet du paragraphe 2(2), la clause de non-dérogation, à savoir que cela maintiendrait le statu quo au sujet de la doctrine de la découverte et la notion de terra nullius qui ont été utilisées contre les peuples autochtones. Est-ce la compréhension que vous avez de ce paragraphe?
    Oui, j'ai entendu parler de ces préoccupations, mais ce n'est pas mon interprétation du paragraphe 2(2). C'est l'inverse. Si on lit attentivement la première phrase du paragraphe 2(2), il prévoit que:
La présente loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l'article 35
    C'est très clair pour moi. Il s'agit d'une mesure qui protège les droits que nous avons actuellement comme peuples autochtones dans ce pays, et non le contraire.
    Au sujet des autres préoccupations concernant la notion de terra nullius ou la doctrine de la découverte, je pense qu'elles sont rejetées catégoriquement et très clairement dans le préambule.
    À mon point de vue, le seul élément qui manque dans le paragraphe 2(2), pour préciser mon point, c'est le fait qu'il faut ajouter ce que la Cour suprême du Canada a dit au sujet des droits ancestraux et des droits issus de traités. Ils ne sont pas figés dans le temps et doivent continuer d'évoluer.
    J'ajouterais le paragraphe 2(4), après le 2(3), qui mentionnerait que les droits des peuples autochtones, y compris les droits issus de traités, doivent recevoir une interprétation souple pour permettre leur évolution au fil du temps et que toute approche constituant des droits figés doit être rejetée.
    Dans l'arrêt Sparrow, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'expression droits autochtones « existants » doit être interprétée avec souplesse pour permettre leur évolution dans le temps. Je pense donc, pour remédier aux préoccupations concernant le paragraphe 2(2), qu'ajouter un paragraphe de cette nature permettrait de clarifier la situation et l'intention du paragraphe 2(2).
    Merci, monsieur Saganash.
    Monsieur Melillo, compte tenu du temps qu'il nous reste, auriez-vous une question à poser à nos témoins?
    Monsieur le président, je vous remercie, mais suivant l'entente que nous avions, je suis partant pour clore la séance maintenant. Je n'ai rien de vraiment nouveau à ajouter, rien qui n'ait déjà été soulevé.
    Je vous remercie, toutefois.
    Je vous en suis reconnaissant.
    Madame Gill, les amendements seront permis et devraient être présentés pendant la partie de nos discussions portant sur l'étude article par article, alors il sera possible plus tard de présenter des amendements.
    Sur ce, je remercie sincèrement nos témoins. Je pense que nous avions le bon état d'esprit pour ce que nous tentons d'accomplir ici, et je vous en sais gré.
    Monsieur le président, puis-je vous interrompre?
    Vous vouliez parler de la traduction, des versions française et anglaise.

  (1335)  

    Je ne suis pas préparé pour en discuter maintenant.
    Monsieur Anandasangaree, allez-y.
    Je m'excuse, monsieur le président. Je pensais que c'était le cas, lorsque vous avez dit que cela ferait partie des amendements. S'il y a des problèmes, je pense que nous pouvons assurément nous en occuper en procédant à des amendements. Nous avons hâte de les recevoir. Monsieur Saganash, Mme Gill travaillera avec vous pour veiller à ce que l'esprit et l'intention du projet de loi se reflètent dans les deux langues officielles.
    Je pense que cela faisait partie de ma réponse à Mme Gill.
    Monsieur le président.
    Oui.
    Pourrais-je poser une question très rapidement à M. Saganash?
    Je suis désolé, mais nous devons techniquement quitter la salle.
    Je voulais prendre la place de M. Melillo s'il n'a pas de question.
    Je suis désolé. À titre de président, je vais remercier nos témoins et...
    Monsieur Saganash, je vous remercie de votre présence et de tout votre excellent travail.
    Madame Zann, vous pouvez présenter une motion d'ajournement, si vous le voulez. Merci.
    Je présente une motion pour, malheureusement, ajourner la séance.
    C'est adopté.
    La séance est levée.
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