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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 avril 2021

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Soyez les bienvenus à la 25e séance du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. De formule hybride, cette séance a lieu conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021. Le compte rendu sera publié sur le site Web de la Chambre des communes. La webémission montre toujours la personne qui a pris la parole plutôt que la totalité du Comité.
    Aujourd'hui, le Comité poursuit son étude de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes.
    Permettez-moi quelques observations à l'intention des témoins. Quand vous êtes prêt à prendre la parole, veuillez cliquer sur l'icône de votre microphone pour l'activer. On adresse ses observations à la présidence. Pour entendre l'interprétation en vidéoconférence, un bouton, dans le bas de l'écran, permet de choisir entre l'anglais, le français ou la langue en train d'être parlée. Pour faciliter la tâche des interprètes, ayez un débit lent, une diction nette. Entre vos prises de parole, désactivez votre micro.
    Accueillons maintenant notre témoin. Il s'agit du grand prévôt des Forces canadiennes, le brigadier-général Simon Trudeau.

[Français]

     Je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre présentation, et vous pouvez commencer immédiatement.

[Traduction]

    Madame la présidente, bonjour. Je suis le brigadier-général Simon Trudeau, grand prévôt des Forces canadiennes et commandant du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes. J'occupe ce poste depuis mai 2018.
    Je suis heureux de vous parler du rôle important que le grand prévôt joue dans les Forces armées canadiennes et du travail de mon organisation concernant le très important sujet d'étude de votre comité.
    Je vous fournirai le plus de renseignements possible, tout en soulignant que je ne pourrai formuler aucune observation ni vous communiquer de détails sur les enquêtes en cours. Avec ses quelque 1 800 membres, le Groupe de la Police militaire compte parmi les 10 plus grands services de police du Canada. Il fournit des services professionnels de police, de sécurité et de détention au ministère de la Défense nationale et aux Forces armées canadiennes dans toute la gamme des opérations militaires menées au Canada et à l'étranger.
    Je suis extrêmement fier des femmes et des hommes qui en font partie. Ce sont des agents de police professionnels, et je profite de l'occasion pour saluer les efforts remarquables qu'ils déploient afin de protéger nos bases et nos escadres partout au Canada et d'appuyer les opérations des Forces armées canadiennes dans le monde entier.
    Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes est une unité indépendante qui relève directement de moi; il lui incombe de mener une enquête, de faire rapport et de porter des accusations quand des infractions graves d'ordre militaire ou criminel sont commises et quand surviennent des affaires délicates à la Défense nationale, y compris des plaintes concernant l'inconduite sexuelle.
    Comme tout service de police, nous nous adaptons aux circonstances, à la lumière des pratiques exemplaires et des recommandations d'experts de l'extérieur. Pour donner suite aux recommandations formulées dans le rapport Deschamps, le Service national d'enquête a mis sur pied des équipes d'intervention en cas d'infraction sexuelle, les EIIS. Depuis 2016, ces équipes d'enquêteurs dévoués fournissent des conseils d'experts sur l'exécution des enquêtes concernant les infractions sexuelles. Elles accroissent la capacité du Service national d'enquête de protéger et de soutenir les victimes d'inconduite sexuelle en identifiant les auteurs d'infractions sexuelles criminelles, en faisant enquête sur eux et en aidant à les poursuivre en justice.
    Le Service national d'enquête mène aussi son propre programme de services aux victimes de crimes, pour les aider en les dirigeant vers les ressources appropriées et veiller à les tenir constamment informées de l'évolution des enquêtes et des procès. L'an dernier, nous avons décidé de doter ce programme de postes civils à temps plein pour garantir l'optimisation des services offerts aux victimes, pour qu'elles se sentent appuyées et en sécurité.
    Bien que je relève du vice-chef d'état-major de la défense pour ce qui concerne la gestion globale du programme de la police militaire, nous menons nos enquêtes de façon indépendante pour garantir l'intégrité du processus d'enquête, tant pour les victimes que pour les prévenus. Le grand prévôt demeure un acteur indépendant au sein du système de justice militaire, et nous veillons à ce que les membres de la police militaire et du Service national d'enquête disposent des ressources et du soutien dont ils ont besoin pour remplir leur mandat fondamental d'agents de police.
    À titre de chef de police, je tiens à assurer aux membres du Comité et tout le personnel du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes qu'ils peuvent avoir confiance dans l'indépendance de notre processus et dans les capacités professionnelles de la police militaire.
    Notre organisation apprenante s'efforce constamment d'améliorer ses processus, de manière à mieux appuyer les victimes et mieux servir la collectivité de la Défense. Je tiens à encourager quiconque songe à se manifester à le faire en sachant que notre organisation veillera à l'application régulière de la loi.
    Je vous remercie de votre invitation et je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Madame Sahota, vous ouvrez le bal. Vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci, général, d'être ici et merci pour votre exposé.
    Vous avez parlé d'enquêtes. Mes questions suivront ce filon.
    Comment savez-vous quand entreprendre une enquête?
    Merci pour la question.
    Nous entreprenons une enquête après qu'une plainte a été déposée auprès de la police militaire ou du Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Nous pouvons également prendre connaissance d'un problème qui mérite enquête, au hasard d'une enquête en cours, pendant laquelle on découvre d'autres aspects sur lesquels il faudra enquêter. Une enquête peut également être ordonnée par moi ou par le commandant du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.

  (1105)  

    Quelqu'un peut-il vous faire prendre conscience de la possibilité de la commission d'actes répréhensibles sans présenter de preuves, mais vous faire quand même entreprendre une enquête?
    Si j'ai bien compris, quelqu'un peut-il rapporter une allégation ou faire part d'inquiétudes à la police militaire? Bien sûr. N'importe qui peut porter plainte ou lui rapporter une allégation. Elles font alors l'objet d'une évaluation. Si l'affaire mérite enquête, nous rassemblerons les faits, nous analyserons les éléments de preuve et nous porterons, au besoin, des accusations.
    Si des actes répréhensibles ont pu être commis, mais qu'on n'en possède pas encore de preuve, feriez-vous enquête?
    Toutes les allégations ou les plaintes portées à la connaissance de la police militaire font l'objet d'une enquête exhaustive et mûrement réfléchie. C'est un processus. Après avoir rassemblé les faits et analysé les éléments de preuve, on détermine, par exemple, s'il y a lieu de porter des accusations.
    Qui détermine qu'une affaire mérite enquête?
    Pour les plaintes portées à notre connaissance, nous, la police militaire, c'est nous qui déterminons si une allégation mérite enquête par la police. La police militaire pourrait être saisie d'une affaire qui pourrait faire l'objet d'une meilleure enquête ou d'un meilleur examen par la chaîne de commandement, par exemple, ou d'un autre processus dans les Forces armées canadiennes.
    Comment détermine-t-on qu'une enquête est complète?
    Quand les enquêtes sont exhaustives — c'est un processus, comme je viens de l'expliquer —, elles sont toutes soumises, et les dossiers aussi, à un processus rigoureux de vérification et de contrôle de la qualité.
    Pouvez-vous en dire un peu plus sur le processus d'examen visant à évaluer l'efficacité et la minutie d'une enquête?
    Merci pour la question.
    La plainte est déposée. Elle est confiée à un enquêteur. L'enquêteur se rend au bout de son enquête. Il y a régulièrement interactions avec les différents niveaux de supervision. Arrive ensuite un processus rigoureux, au Service national des enquêtes des Forces canadiennes, pour revoir tous les aspects de l'enquête, du plan d'enquête à la détermination, à la fin, de la nécessité, le cas échéant, de porter des accusations, en passant par l'enquête proprement dite.
    D'après les médias, des officiers supérieurs se sont ingérés dans des enquêtes du ressort du Service national des enquêtes. Est-ce possible?
    Ce service est tout à fait indépendant de la chaîne de commandement.
    De plus, en ma qualité de grand prévôt, c'était manifeste, en 2011, quand le chef d'état-major de la défense a modifié la structure de commandement et de contrôle de la police militaire et corrigé les pouvoirs, les responsabilités et les obligations de rendre compte du grand prévôt. Très explicitement, elles accordaient au grand prévôt le commandement intégral sur toutes les polices militaires participant au maintien de l'ordre. De plus, en sa qualité de commandant de la police militaire, le grand prévôt est également indépendant de la chaîne de commandement.
    Ordinairement, quels sont les grades des membres de l'équipe d'enquête?
    Ils vont de caporal-chef à adjudant en passant par sergent. Il peut aussi y avoir des adjudants-maîtres et des officiers.
    Des protocoles régissent-ils l'affectation des grades en fonction de la nature de l'enquête?
    Non. Tout dépend des compétences et de l'expérience de tel enquêteur dans telle enquête, dans toute la gamme des enquêtes qu'effectue le Service national des enquêtes.
    En votre qualité de grand prévôt, vous êtes brigadier-général. Comment est-ce que ça influe sur votre capacité de faire enquête sur des allégations visant des généraux et des amiraux?

  (1110)  

    Ça n'a aucune influence, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire. Je suis indépendant de la chaîne de commandement. Nous faisons des enquêtes, ce qui est un processus. Peu importe le grade ou le statut de l'enquêté, toutes les enquêtes se déroulent de la même manière.
    La parole est maintenant à Mme Dhillon, qui dispose de six minutes.
    Bonjour, brigadier-général.
    Pour commencer, reportons-nous en 2017. Votre service a fait enquête sur des dossiers d'agressions sexuelles qui ont eu lieu entre 2010 et 2016. Ces dossiers avaient été classés non fondés. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire ce qui avait conduit à cet examen interne?
    Je vous remercie pour la question.
    L'enquête, le Programme d'examen des agressions sexuelles, a été lancée en 2018. Elle faisait suite à des articles qui, je crois, avaient été publiés dans le Globe and Mail selon lesquels la police, ordinairement, codait mal les dossiers non fondés d'agression sexuelle.
    Nous avons employé le modèle d'une équipe d'examen externe pour examiner nos dossiers. De 2010 à 2018, on avait attribué le code « non fondé » à 126 dossiers d'agression sexuelle. Nous avons monté une équipe externe pour les examiner de façon indépendante. L'équipe comprenait notamment l'avocat d'une victime, un procureur civil ayant l'expérience des agressions sexuelles, une infirmière spécialiste des soins en traumatologie, un représentant du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et un représentant de la GRC.
    Pendant l'examen, l'équipe a observé que les enquêteurs avaient noué d'excellents rapports avec les victimes, ce qui a également validé, pour nous, la formation adoptée de son propre chef par le Service national des enquêtes, en 2016, pour des entrevues tenant compte des traumatismes subis.
    L'examen externe a été pour nous un modèle couronné de réussite, et nous pouvons le répéter au besoin.
    Merci pour ces précisions.
    De plus, vous avez fait allusion à des erreurs de codage. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le codage et ses implications? Merci.
    Comme je ne suis pas spécialiste du codage des infractions, je m'en tiendrai à des généralités.
    Le Centre canadien de la statistique juridique emploie un système de codage des infractions. Après l'examen des dossiers classés non fondés par de nombreux services de police, il a examiné les modalités du codage des infractions. La police, pour les besoins de la statistique, doit employer pour chaque infraction un code précis, toujours le même.
    D'accord. C'est là qu'on a commis des erreurs de codage.
    À l'époque, une erreur systémique découlait, je crois, de l'ignorance de la signification de « non fondé ». C'est ce qui a conduit à l'erreur de codage de certaines agressions.
    D'accord.
    D'après l'examen interne de 179 dossiers non fondés, 23 ont été désignés pour une enquête approfondie. Tout d'abord, que signifie pour vous ce bilan pour les méthodes d'enquête?
    Il m'est difficile d'entrer dans les détails des 23 cas, mais les résultats de l'examen externe montraient bien qu'il y avait des aspects à approfondir, à cause des erreurs de codage.
    Nous en avons tiré de précieuses leçons et nous avons reçu de bons conseils de l'équipe d'examen externe sur l'élaboration d'une politique, la mise au point d'une formation et d'autres conseils pour affiner certains éléments de nos processus, notamment les enquêtes sur les agressions sexuelles. Nous y avons vu une expérience d'apprentissage et une excellente occasion de consulter de façon générale des spécialistes de l'extérieur sur la façon d'améliorer nos enquêtes.
    Comment se déroule le processus secondaire d'enquête, et quels sont certains des critères actualisés d'enquête?

  (1115)  

    Pourriez-vous préciser? Je ne suis pas certain d'avoir compris.
    Sur les 179 dossiers non fondés, par exemple, 23 ont fait l'objet d'une recommandation d'enquête plus poussée. Comment cette deuxième vague d'enquête s'est-elle déroulée? Quels sont certains des critères qui permettent à ces 23 dossiers d'être désignés pour une enquête plus approfondie et l'obtention de plus d'éclaircissements?
    Merci pour la question.
    Je ne connais pas les détails, mais il est sûr que, après cette recommandation, on les a attribués à un enquêteur qui ferait une enquête complète sur le dossier, puis s'occuperait des éléments qui se sont peut-être révélés avoir besoin d'un complément d'enquête. Ensuite, l'enquête a été rouverte et elle s'est déroulée conformément aux protocoles du Service national des enquêtes.
    J'ai encore 30 secondes. Grâce à cet examen externe, vous avez dit que vous aviez obtenu de bons conseils et une excellente réaction concernant l'ancienne méthode et celle qui a fait l'objet de l'examen. Pouvez-vous, s'il vous plaît, en dire un peu plus sur les plus grandes différences marquées, en 15 secondes?
    Merci.
    Les plus grandes ont certainement été, pour nous, le codage et la nécessité de nous assurer d'avoir vraiment utilisé les bons codes d'infraction. De plus, la politique exige pour tout cas sans fondement ou tout rapport définitif sur un dossier non fondé la signature du commandant de l'unité et son étude par le commandant, pour un meilleur contrôle de la qualité et une meilleure supervision des dossiers ainsi codés.

[Français]

     C'est excellent.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Larouche pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie, brigadier-général Trudeau, d'être parmi nous aujourd'hui dans le cadre de cette importante étude.
    Au Comité permanent de la condition féminine, nous essayons de voir comment les victimes peuvent être mieux accompagnées. C'est le but de notre étude. D'un point de vue plus féministe, il s'agit de déterminer comment les femmes peuvent prendre leur place dans l'armée.
    Vous avez parlé de processus, de collaboration et de communication. Comment la communication se fait-elle entre l'ombudsman des Forces armées ou la police militaire et vous-même, en tant que grand prévôt des Forces armées canadiennes? Comment peut-on établir la collaboration qu'il y a entre vous?
    L'ombudsman peut-il venir vous voir lorsqu'il reçoit des plaintes pour inconduite sexuelle, par exemple?
    Je vous remercie de votre question.
    Il n'y a pas de relation officielle entre l'ombudsman et mon bureau, mon poste. Par contre, comme n'importe quelle organisation à l'intérieur des Forces armées, l'ombudsman pourrait renvoyer une plainte ou des éléments d'une plainte à la police militaire ou au Service national des enquêtes des Forces canadiennes, où les éléments de la plainte seraient évalués et où l'on déterminerait si une enquête est nécessaire.
    De quel type d'évaluation s'agit-il?
    Lorsque la police militaire ou le Service national des enquêtes reçoit une plainte ou une allégation de quelque sorte que ce soit, on détermine si la plainte ou l'information atteint le seuil requis pour qu'une enquête policière ait lieu. Il est possible que ce ne soit pas le cas.
    Nous cherchons à comprendre quels problèmes affectent le processus de dénonciation d'inconduite sexuelle dans l'armée.
    Avez-vous autre chose à ajouter au sujet de ce processus de dénonciation? Les gens savent-ils précisément où diriger leurs plaintes, par exemple?
    Je vous remercie de votre question.
    Je trouve très important, en tant que chef de police, que les membres des Forces armées et le ministère de la Défense nationale sachent où nous joindre et comment transmettre l'information. C'est pour cette raison que beaucoup de nos contacts se trouvent dans les pages Web. C'est facilement accessible.
    J'en ai parlé longuement, mais je crois que nous aurions avantage, mon équipe et moi, à trouver des façons de communiquer encore plus et d'informer les membres de la communauté de la Défense sur les façons de nous joindre, que ce soit pour nous parler de leurs problèmes ou pour nous transmettre une plainte.

  (1120)  

     Il y aurait un problème sur le plan de la communication, comme vous venez de le mentionner.
    Je suis persuadé que nos informations et la façon de rendre des comptes sont assez bien comprises du côté policier, mais je suis d'avis que nous pouvons toujours nous améliorer.
    En ce qui concerne la nécessité de l'identification des victimes, quelles informations doivent-elles nécessairement dévoiler si elles veulent aller plus loin dans le processus et savoir où déposer leur plainte, par exemple?
    Parlez-vous d'une victime qui voudrait rester anonyme?
    Est-il nécessaire que la victime s'identifie au Bureau du Conseil privé ou ailleurs? Que doit-elle dévoiler? Jusqu'où doit-elle aller?
    Une victime peut faire une plainte anonyme. Elle n'est pas tenue de s'identifier.
    D'accord.
    Selon vous, quelles sont les failles dans le processus de dénonciation d'inconduite sexuelle dans l'armée en ce qui a trait aux démarches des victimes? Avez-vous des exemples à nous donner?
    Vous parlez des failles du système. Pour moi, en tant que chef de police, l'important est de s'assurer que les gens font confiance au processus et qu'ils savent comment fournir de l'information à la police militaire et référer une plainte.
    J'aimerais prendre un moment pour mentionner un aspect qui n'est pas toujours connu. Les victimes peuvent accéder à un officier de liaison de la police militaire par l'entremise du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle. Il y a en permanence un officier qui a beaucoup d'expérience en enquête à l'intérieur du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, ou SNEFC.
    Les victimes ou les plaignants peuvent rester anonymes. Cet officier leur explique le processus d'enquête et les aide à décider s'ils iront ou non de l'avant et s'ils déposeront une plainte. Si la personne est prête à transmettre sa plainte à la police, l'officier de liaison de la police militaire coordonne la plainte, qui va être envoyée au détachement du SNEFC responsable de l'enquête.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente merci à vous, également, brigadier-général.
    Vous venez tout juste de dire que votre bureau est tout à fait indépendant. Pourtant, vous relevez du vice-chef d'état-major de la défense, qui, bien sûr, relève du chef d'état-major de la défense.
    Qu'arrive-t-il si ces derniers sont les accusés? De qui alors relevez-vous?
    Merci pour la question.
    Si le vice-chef ou le chef d'état-major est visé par une allégation, l'indépendance de mon bureau fait que l'enquête a lieu comme pour n'importe qui d'autre, sans égard au grade ou au statut.
    Vous n'êtes donc pas tenus de rendre des comptes à ce stade-ci.
    Puisque l'unité est indépendante, je n'ai pas l'obligation de faire rapport.
    Bien.
    Lors de son témoignage, Stéphanie Raymond a dit entre autres avoir essayé de porter plainte à plusieurs reprises, mais n'avoir reçu aucune information sur son dossier. En fait, elle a entendu son commandant et d'autres personnes concernées parler de l'affaire dans les couloirs, mais personne ne s'est adressé à elle directement.
    Pouvez-vous expliquer pourquoi les choses se sont passées ainsi, et pourquoi une telle situation s'est produite?
    Bien sûr. Je peux dire que pour toute plainte adressée à la police militaire, nous avons nos propres systèmes de protection de l'information, et seuls les membres de la police militaire ont accès aux renseignements ou aux détails de l'enquête. Nous trouvons important de protéger ces renseignements pour assurer l'intégrité de l'enquête et de la procédure établie.

  (1125)  

    Comment le commandant de Mme Raymond aurait-il pu découvrir l'information? Vous avez dit relever des commandants, il me semble. Est-ce exact? Avez-vous dit rendre des comptes aux commandants?
    Non, je ne relève pas personnellement des commandants.
    De quelle façon le commandant en question a-t-il pu être mis au courant? Comment a-t-il eu vent de la situation?
    Tout dépend de l'origine de la plainte. Si le signalement est adressé à la chaîne de commandement, la police militaire peut recevoir des plaintes qui ont d'abord été divulguées à la chaîne de commandement, puis qui lui sont renvoyées. Cependant, dès que la police militaire devient responsable de la plainte, l'information est gérée dans nos propres systèmes, et nous la protégeons pour assurer l'intégrité de l'enquête et de la procédure établie.
    Je suis inquiète, car nous avons beaucoup entendu parler de la culture délétère qui règne, ainsi que de la crainte de dénoncer en raison des représailles. Les victimes subiront une forme quelconque de répression ou de discrimination qui, comme nous l'avons vu, incite bien des femmes à abandonner l'ensemble de leur carrière.
    Vous parlez de votre indépendance et de la protection des plaignantes, mais ce n'est pas vraiment ce qui se passe sur le terrain. Comment expliquez-vous ce phénomène?
    D'une perspective policière, lorsqu'une plainte est déposée, je veux d'abord et avant tout offrir un soutien aux victimes, et assurer l'intégrité de l'enquête et de la procédure établie pour toutes les personnes impliquées.
    Nous avons notre propre programme de services aux victimes. Comme je l'ai indiqué, nous le dotons de postes civils à temps plein. Nous allons plancher sur des normes et des politiques. Nous allons les élaborer et nous améliorer à ce chapitre, car nous nous soucions d'aider les victimes et savons qu'il s'agit d'un volet important de la procédure.
    Pour ce qui est des victimes, les services aux victimes ont notamment pour rôle de les tenir informées du processus d'enquête, et même des procédures judiciaires.
    De plus, du côté de nos ordonnances, nous y avons intégré de manière proactive les dispositions du projet de loi C-77 et certains éléments de la Charte des droits des victimes. Le tout se trouve dans nos nouvelles ordonnances du programme de services aux victimes. Nous y avons intégré de façon proactive les obligations qui découlent du projet de loi C-77. Ces obligations consistent à tenir les victimes informées du processus afin qu'elles aient leur mot à dire tout au long de celui-ci et qu'elles en comprennent chaque étape, du dépôt d'une plainte jusqu'aux procédures judiciaires.
    Ce que j'essaie cependant de comprendre, c'est comment il peut y avoir un clivage aussi profond entre... Il est évidemment essentiel de mettre en place tous ces processus et de garantir l'indépendance de votre bureau, de vos agents et de ceux qui font enquête. Ce n'est pourtant pas ce qui se passe, ou ce qui s'est passé. Nous en avons vu de nombreux exemples. Dans ce cas, comment comptez-vous améliorer la situation à l'avenir?
    Veuillez m'excuser, mais votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant entamer le deuxième tour, à commencer par Mme Alleslev, qui a cinq minutes.
    Je vous remercie infiniment, madame la présidente.
    Je remercie le témoin d'être avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais si possible poursuivre sur le même sujet. Nous avons entendu le témoignage du commandant du SNEFC, et c'est maintenant à votre tour de comparaître. On dirait que vous voulez nous donner l'impression que tout fonctionne comme sur des roulettes, que le système est efficace et que les auteurs d'agressions sexuelles, d'inconduites sexuelles ou d'abus de pouvoir font l'objet d'enquêtes indépendantes, sont accusés puis sont tenus responsables selon la gravité de l'infraction commise.
    Cependant, le général Vance, l'amiral McDonald et l'amiral Edmundson ont fait l'objet d'allégations, et d'autres victimes se sont manifestées. Nous constatons donc qu'une tendance se dégage, de sorte que les choses ne se passent probablement pas aussi rondement.
    Pouvez-vous nous confirmer maintenant qu'à vos yeux, tout fonctionne exactement comme il se doit, et que rien n'aurait dû être fait différemment depuis mai 2018, selon vos mécanismes de reddition de comptes?

  (1130)  

     Je vous remercie de poser la question.
    Je ne peux pas parler de l'ensemble du système, mais uniquement de ce que je connais, à savoir le Groupe de la police militaire. Vous avez abordé l'indépendance de l'unité. Je suis fonctionnellement indépendant de la chaîne de commandement. Lorsque nous recevons des renseignements et que nous menons une enquête, celle-ci est indépendante de la chaîne de commandement. Dans mon rôle de grand prévôt, je ne communique à personne les détails des enquêtes en cours qui sont liés aux fonctions de police.
     Nous avons apporté quelques changements au processus. Nous avons modifié notre programme de services aux victimes en créant les équipes d'intervention en cas d'inconduite sexuelle, ou EIIS. Cet exemple découle directement du rapport Deschamps et vise à accroître la capacité, les connaissances et l'expertise relatives aux enquêtes sur les infractions sexuelles criminelles. Notre organisation tire des leçons, et nous avons apporté des changements aux politiques et aux programmes. Sur le plan de l'indépendance, je peux vous assurer que nos enquêtes sont menées de façon autonome.
    Vous recommandez au Comité de ne rien faire en matière de changements, de reddition de comptes ou d'examen structurel ayant trait au grand prévôt et à la police des Forces armées canadiennes, puisque tout fonctionne exactement comme il se doit et que nous n'avons pas besoin de nous y attarder.
     Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le juge Fish, qui effectue un examen indépendant de la Loi sur la défense nationale. Je lui ai fait part de certaines idées visant à renforcer l'indépendance de la police militaire au sein du cadre législatif. J'attends avec impatience les recommandations qu'il formulera à la suite de son important travail d'examen de la Loi sur la défense nationale.
    Vous dites donc que notre comité n'a pas besoin de formuler des recommandations puisqu'une autre entité s'en charge.
    Non. Ce que je dis, c'est que le juge Fish a réalisé un examen de la Loi sur la défense nationale, de certains volets de la police militaire et du cadre législatif entourant le grand prévôt des Forces canadiennes. Dans ce contexte, je lui ai fait part de certaines façons dont le cadre législatif pourrait renforcer l'indépendance de la police militaire.
    J'aimerais que nous revenions sur le fait de mener une enquête sur le chef d'état-major de la défense. Disons qu'une personne vous fait part d'une rumeur, à vous ou à votre organisation. Veuillez nous expliquer comment vous traiteriez une allégation semblable, en l'absence de plainte. Il s'agirait d'une rumeur d'acte répréhensible possiblement commis.
    Je vous remercie de la question.
    Tout d'abord, nous recevrions l'allégation de plainte. Vous dites qu'elle porterait sur le chef d'état-major de la défense?
    Oui.
    Une telle allégation serait renvoyée à... Si l'information est adressée à moi ou au SNEFC, nous procéderons à une évaluation de l'allégation. Si elle répond aux critères, une enquête sera lancée.
    Et ensuite…
    Votre temps est écoulé.
    Mme Sidhu a maintenant la parole cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Général, je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui.
    J'espère que les témoignages que nous entendons au sein du Comité orienteront nos efforts et ceux du gouvernement dans le but de réformer la réponse des forces armées aux signalements d'agressions.
     Général, votre bureau a commencé à passer en revue des allégations qui avaient initialement été jugées sans fondement. Quelles recommandations importantes l'équipe d'examen externe a-t-elle mises en lumière jusqu'à présent?
    Je n'ai pas la recommandation précise sous les yeux, mais de façon générale, elle portait sur certaines politiques et sur la formation des enquêteurs. Cependant, l'examen a également permis de corroborer des choses que nous faisons, comme les soins tenant compte des traumatismes. C'est important. Aussi, d'autres recommandations portaient plutôt sur le contenu de la formation et sur l'objet des recherches dans certains dossiers. Ces recommandations ont ensuite été soumises au commandant du SNEFC. Elles lui ont été envoyées, et il va certainement en tenir compte et les mettre en œuvre.

  (1135)  

    Sur le même sujet, général, pouvez-vous expliquer le genre de formation que suivent les agents pour qu'ils soient en mesure de traiter comme il se doit les signalements d'agression sexuelle et les victimes d'un tel traumatisme?
     Lorsque les membres du SNEFC arrivent à l'unité, ils suivent un programme de stage d'une année. Ils reçoivent la même formation de base que tous les membres du Service. Ils complètent également un cours d'enquêteur de la police militaire à l'académie, qui dure environ six semaines. Ils suivent ensuite divers cours sur les enquêtes d'ordre sexuel et les techniques d'entrevue.
    Cette année, lors de la semaine de familiarisation, le commandant a commencé à dispenser à tous les nouveaux enquêteurs du Service national des enquêtes une formation sur les entrevues qui tiennent compte des traumatismes, et il souhaite que tous les enquêteurs du SNE la suivent. Nous croyons que cette formation est utile.
     En plus des représentants du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, l'équipe d'examen externe compte également un défenseur des droits des survivants et un représentant des services aux victimes du Centre d'intervention en matière d'inconduite sexuelle, ou CIIS. Quels sont les avantages d'avoir des experts en défense des droits des victimes au sein de l'équipe d'examen? Quelles ont été leurs observations?
    Je n'ai pas leurs commentaires exacts, mais je trouve que leur apport a été très précieux. Le SNE a accueilli favorablement ces remarques. Les défenseurs des droits des victimes nous aident également à comprendre les situations du point de vue de la victime. Ils permettent vraiment de saisir ce qu'une victime ressent et ce dont elle a besoin. Ces gens nous aident aussi à mener des entrevues qui tiennent compte des traumatismes et à interroger les victimes dans cet esprit.
     Chose certaine, alors que nous dotons le programme de services aux victimes d'un nouveau coordinateur et gestionnaire, qui a été embauché et qui commencera la semaine prochaine, je serais tout à fait disposé à consulter des ressources externes, comme le CIIS ou d'autres organisations afin de vraiment intégrer les pratiques exemplaires à notre programme.
    Je vous remercie.
    Comment les organismes sous votre supervision collaborent-ils avec le CIIS?
    Comme je l'ai expliqué plus tôt, nous avons un agent de liaison de la police militaire au sein du CIIS. Il y a donc un lien. Nous avons échangé des pratiques exemplaires avec eux, et nous sommes régulièrement en communication avec le CIIS.
    Général, avez-vous d'autres recommandations à l'intention de notre comité?
    Pour ma part, je recommanderais au Comité de mieux expliquer le rôle de la police militaire au milieu de la défense, et d'en dire plus sur ce que nous faisons et sur notre indépendance afin d'éliminer les obstacles au signalement.

[Français]

    Merci.
    Madame Larouche, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur le grand prévôt, d'être avec nous aujourd'hui. Selon ce que vous dites, il y aurait des problèmes très limités. En fait, vous dites qu'il n'y en a pas vraiment et que votre ministère peut répondre et donner suite immédiatement à toutes les plaintes. C'est ce qu'on comprend de vos propos.
    Alors, où est le problème, selon vous?
    Par exemple, dans le cas de l'affaire Vance, si la victime était venue vous voir, est-ce que la cause aurait abouti?

  (1140)  

    Je vous remercie de votre question.
    N'importe qui peut venir porter plainte à la police militaire. Comme je l'ai expliqué auparavant, nous sommes indépendants de la chaîne de commandement. Nous aurions évalué la plainte et nous aurions décidé de lancer une enquête.
    Tout à l'heure, vous avez parlé des problèmes liés à la codification, notamment en ce qui concerne les cas qui sont jugés non fondés.
    Quelle proportion des plaintes d'inconduite sexuelle aboutit à une reconnaissance de culpabilité?
    Est-ce que le nombre est faible? Si c'est le cas, qu'est-ce qui explique cela? Quels sont les obstacles qui font que la plupart des plaintes n'aboutissent pas à une reconnaissance de culpabilité?
    J'aimerais apporter des précisions quant aux codifications dont je parlais tantôt. Elles s'appliquent aux infractions, pas nécessairement aux résultats des processus judiciaires.
    Comme service de police, nous faisons une enquête, nous évaluons les faits et la preuve et nous déposons des chefs d'accusation. Les résultats des processus judiciaires ne sont pas de ma compétence. Les raisons pour lesquelles un procureur prononcera un verdict de non-culpabilité ou qu'une décision de la Cour ira dans ce sens, sont hors de ma sphère d'expertise.
    Le seuil de...

[Traduction]

    Pardonnez-moi, mais le temps est écoulé.
     Nous allons maintenant écouter Mme Mathyssen, qui a deux minutes et demie.
    Je vous remercie infiniment.
    Vous avez dit qu'il y a bel et bien des problèmes dans le système. Vous voulez faciliter la tâche aux femmes qui veulent dénoncer, de façon à ce qu'elles connaissent mieux le système et qu'elles soient au courant de votre indépendance et des options qui s'offrent à elles.
    Encore une fois, je veux revenir au témoignage que Mme Raymond a prononcé devant notre comité, étant donné que nous l'avons entendu récemment et qu'il était très percutant. Elle a dit que si elle a pu obtenir une justice convenable, c'est uniquement parce qu'elle a entamé des démarches en dehors de l'armée.
    Si c'est vrai, pouvez-vous aider les victimes à suivre cette voie?
    Une victime peut déposer une plainte auprès de n'importe quel service de police, qu'il soit civil ou militaire. Si c'est la police civile qui reçoit la plainte, elle sera soumise au même processus, dans le but d'établir la compétence et de déterminer qui fera enquête.
    Cependant, une victime peut porter plainte auprès du service de police de son choix.
    Y a-t-il des cas où vous préconisez cette voie ou intervenez en ce sens? Si la victime s'adresse d'abord à vous, lui recommandez-vous de suivre une autre voie?
    Je peux difficilement répondre puisque chaque cas est différent. Il faudrait que l'équipe d'enquête évalue la situation et en discute pour déterminer la compétence.
    J'aimerais faire suite à ce que ma collègue essayait de dire au sujet de... Nous revenons ensuite à ma question sur le fait qu'en définitive, vous rendez des comptes au vice-chef d'état-major de la défense et au chef d'état-major de la défense. S'ils font l'objet d'une plainte et que vous décelez un comportement inapproprié, à qui adressez-vous l'information?
     De toute évidence, vous relevez d'eux. À qui présentez-vous ensuite l'information, si votre unité est vraiment indépendante?
    Puisque des enquêtes sont en cours, je m'abstiendrai de faire tout commentaire à ce sujet.
    Il n'y a pas…
    La parole est maintenant à Mme Alleslev.
    Je vais accorder deux minutes et demie à Mme Alleslev, puis à Mme Zahid.
    Je vous remercie.
     J'aimerais connaître la réponse. Nous ne cherchons pas à obtenir de l'information sur l'enquête en cours. S'il s'avérait, à l'issue de votre enquête, que des accusations devaient être portées contre un CEMD, quel serait le processus?

  (1145)  

    La décision serait rendue à la fin de l'enquête.
     En effet. Dans ce cas, qui porterait les accusations, et de quelle façon?
    C'est le SNEFC qui prend la décision de porter des accusations.
    Le Service n'aurait besoin d'informer personne. Il porterait des accusations contre le CEMD sous votre autorité?
    Le SNEFC a le pouvoir de porter des accusations.
    D'accord, il n'aurait besoin d'informer personne. Il pourrait simplement aller de l'avant et porter des accusations.
    En général, selon l'issue des enquêtes, il arrive que certains détails deviennent publics. Par exemple, lorsque des accusations sont portées à la suite d'une enquête, des détails sont rendus publics.
    Oui, mais c'est votre organisation qui porte les accusations. Puisque vous êtes une entité indépendante, vous n'auriez pas besoin d'informer qui que ce soit. Vous pourriez simplement porter des accusations contre le CEMD si votre enquête le justifie.
    Le SNEFC a le pouvoir de porter des accusations de façon indépendante. Le Service n'a pas besoin de demander la permission pour le faire.
    Qui vérifie le SNEFC pour s'assurer que l'enquête a été menée, que des mesures convenables ont été prises et que les allégations ont été examinées comme il se doit?
    Qui vérifie le tout pour s'assurer que le Service a agi indépendamment et que l'enquête était complète?
    Comme je l'ai déjà expliqué, la procédure est la même, quel que soit le grade ou le statut de la personne visée. Nous veillerons à ce qu'il y ait pleinement...
    Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Vous devez vérifier. Qui revérifie pour s'assurer que cela a été fait convenablement, peu importe le rang ou le processus? Qui audite cela?
    Comme je l'ai dit précédemment, les enquêtes font l'objet d'un processus de validation rigoureux qui suit la chaîne de commandement.
    Mais des erreurs sont parfois commises. Je veux savoir qui audite.
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de Mme Zahid, qui dispose de trois minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, brigadier-général Trudeau, de comparaître devant le Comité et de nous faire part de vos observations dans le cadre de notre étude.
    En 2018, vous avez lancé le Programme d'examen des agressions sexuelles servant à établir un mécanisme d'examen ouvert et transparent des dossiers d'agression sexuelle jugés non fondés qui ont fait l'objet d'une enquête par la police militaire. Le Programme d'examen des agressions sexuelles s'appuie sur une équipe d'examen externe, pour l'étude de ces dossiers. Pourquoi trouvez-vous important qu'une équipe d'examen externe mène les enquêtes sur les agressions sexuelles?
    Je vous remercie de votre question.
    Il nous semblait important de pouvoir compter sur un processus ouvert et transparent pour nous aider dans cet examen. Ces personnes sont bien sûr des experts dans le domaine des agressions sexuelles. Nous voulions savoir ce que nous pouvions améliorer et obtenir des conseils de la part d'organismes externes sur la façon dont nous pouvons mieux servir la communauté et, bien entendu, mieux soutenir les victimes au fil du temps.
    Pouvez-vous nous fournir des précisions sur les personnes qui réalisent ces examens — nous dire qui elles sont? Sont-elles des membres des Forces armées canadiennes?
    Nous avons eu, entre autres, une personne venant du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, le CIIS, une infirmière en soins de traumatologie de la Défense nationale, une personne de la GRC et une défenseure des victimes d'Ottawa, je crois. Il y a également eu un procureur de la Couronne spécialisé dans les agressions sexuelles. À un stade de l'examen, nous avons eu un cas impliquant des enfants. Nous avons alors eu recours à un expert des services à l'enfance pour nous aider dans l'examen du cas.
    Le modèle d'équipe d'examen externe est conçu de telle sorte que nous pouvons personnaliser l'expertise dont nous avons besoin pour nous aider à examiner des cas particuliers.

  (1150)  

    Leur donnez-vous de la formation avant qu'ils s'attaquent aux examens? De quel type de formation s'agit-il?
    Nous leur donnons de la formation sur la protection de la vie privée. Nous avons consulté le Commissariat à la protection de la vie privée avant d'entreprendre ce programme.
    Nous leur donnons également de la formation sur la forme que prennent nos rapports de police. Dans le cadre de l'examen, ils ont accès au rapport de police complet. Nous devons les former à certaines des procédures opérationnelles normalisées de la police militaire quant à la structure de nos rapports. Nous les laissons ensuite procéder à l'examen et formuler des conseils.
    Je dois des excuses au Comité. Je ne sais pas à quoi je pensais quand je regardais l'horloge. Nous avions en fait du temps pour des interventions de cinq minutes.
    Nous allons revenir à Mme Alleslev et lui accorder deux minutes, puis ce sera Mme Zahid pour deux minutes également. Vous aurez donc la période complète de cinq minutes.
    Madame Alleslev, c'est à vous.
    Merci. Je me demandais ce qui se passait.
    Merci au témoin.
    Je me demande si vous pouvez nous donner de l'information sur les statistiques que vous tenez. Tenez-vous un registre de toutes les allégations ou plaintes qui sont portées à votre attention? Les catégorisez-vous en fonction de la nature de l'allégation?
    Tenez-vous un registre du nombre de cas qui sont renvoyés par votre organisation à la chaîne de commandement, ainsi que du nombre de cas où des accusations sont portées, notamment des accusations réduites par rapport à celles qui ont été portées au début du processus?
    Le grand prévôt des Forces canadiennes produit un rapport annuel qui est mis à la disposition du public. Ce rapport contient une annexe qui rend publiques toutes les statistiques relatives aux enquêtes sur les infractions et les crimes sur lesquels nous enquêtons.
    Est-ce qu'on y trouve même les cas que vous estimez ne pas justifier une enquête? Je n'ai pas vu cette information.
    Si une plainte ou une allégation est transmise à la police militaire et qu'elle ne correspond pas au seuil requis, alors nous n'enquêtons pas sur cette infraction.
    Vous ne gardez pas de trace du nombre de cas qui ne correspondent pas au seuil établi par rapport au nombre de cas qui y correspondent.
    Je crois que cette information serait saisie dans notre base de données.
    Nous avons également entendu qu'il y a eu des cas où des preuves ont été perdues ou altérées, ou que les accusations ont dû être abandonnées en raison de problèmes liés aux preuves. Tenez-vous également un registre de ces cas?
    Il y a naturellement une politique sur les preuves. Oui, nos preuves sont consignées dans nos dossiers.
    C'est maintenant au tour de Mme Zahid, qui dispose de trois minutes.
    Ma collègue Anita Vandenbeld va utiliser ces deux minutes.
    Très bien.
    Merci de témoigner et de répondre à nos questions.
    Vous avez mentionné le projet de loi C-77 dans une partie de votre témoignage. Je sais que certains disent qu'il n'est pas encore en vigueur, mais de nombreux éléments sont déjà en place. Vous en avez mentionné certains, y compris, bien sûr, l'objectif premier du projet de loi C-77, qui est la Déclaration des droits des victimes.
    Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu de la façon dont le projet de loi C-77 est mis en œuvre et déployé, et des changements apportés en conséquence.
    Je crois qu'il a gelé.
    Est-ce qu'il a entendu ma question?
    Je ne crois pas qu'il soit toujours connecté. Je crois que nous l'avons perdu.
    Faisons une pause.

  (1150)  


  (1155)  

    Nous avons perdu le brigadier-général. Je voulais le remercier, mais nous allons passer à notre deuxième groupe de témoins.
    Je suis ravie d'accueillir Allan English, professeur associé au Département d'histoire de mon alma mater, l'Université Queen's, et Alan Okros, professeur au Département des études de la défense du Collège militaire royal du Canada.
    Chacun de vous dispose de cinq minutes pour présenter sa déclaration liminaire. Nous allons commencer par M. English.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
    J'enseigne l'histoire militaire canadienne au département d'histoire de l'Université Queen's. J'ai également enseigné à des officiers supérieurs au Collège des Forces canadiennes à Toronto. J'ai servi pendant 25 ans dans l'Aviation royale du Canada et les Forces armées canadiennes en tant que navigateur aérien.
    Le chef d'état-major de la défense par intérim, le lieutenant-général Wayne Eyre, a déclaré que l'opération Honour était terminée et que les FAC allaient « [élaborer] un plan délibéré pour aller de l'avant ». Aujourd'hui, j'examinerai brièvement quatre mesures qui, selon le lieutenant-général Eyre, feraient partie de ce plan: l'exécution d'un examen externe des FAC et de leur culture, le renforcement de la formation, l'amélioration du recrutement et le rétablissement de la « confiance là où elle a été trahie ».
    L'examen externe réalisé en 2015 par la juge Deschamps sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel au sein des FAC, les rapports du gouvernement et les nombreux articles et exposés universitaires ont nettement mis en évidence la nature des problèmes et leurs solutions. Il ne s'agit pas maintenant de cerner les problèmes au moyen d'un autre examen externe ou, comme l'a dit le lieutenant-général Eyre, d'écouter et d'apprendre, mais de s'attaquer réellement aux problèmes.
    Le lieutenant-général Eyre a déclaré que les FAC renforceraient la formation jusqu'au point où les membres des FAC se feraient constamment rappeler la forme que prennent les droits. Cependant, selon l'évaluation réalisée par le vérificateur général en 2018 de la formation des FAC sur les comportements sexuels inappropriés:
Nous avons constaté que les séances d’information et de formation offertes par la chaîne de commandement n’avaient pas aidé les militaires à mieux comprendre comment intervenir auprès des victimes et leur venir en aide, mais qu’elles avaient plutôt suscité de la confusion, de la frustration et de la crainte, en plus d’avoir miné l’esprit de camaraderie.
    Les récits personnels de femmes qui sont en ce moment ou qui ont déjà été membres des FAC ont confirmé ces constatations. Elles ont déclaré que la formation était souvent dispensée par des membres supérieurs non qualifiés de l'unité, qui en profitaient pour critiquer certains aspects de l'opération Honour et pour reprocher aux femmes de l'unité de causer des problèmes ou de nuire à la cohésion de l'unité.
    Le lieutenant-général Eyre a également réitéré les engagements passés des FAC visant à améliorer les processus de recrutement afin d'augmenter le nombre de femmes dans les FAC, le dernier objectif étant que les femmes représentent 25 % des FAC d'ici 2026. Cependant, un rapport du vérificateur général de 2016 a noté qu'en l'absence d'objectifs ou de stratégie, les FAC avaient peu de chances d'atteindre cet objectif. Le rapport a également étayé des défaillances de longue date du système de recrutement et de maintien en poste des FAC, qui remontent à près de 20 ans et que les FAC ont négligé de corriger.
    Enfin, le lieutenant-général Eyre a déclaré que de nouveaux efforts seraient déployés pour « rétablir la confiance là où elle a été trahie ». Cependant, l'un des objectifs de l'opération Honour était de « regagner la confiance de nos militaires ». Avec l'opération Honour, les FAC ont tenté de lutter contre l'inconduite sexuelle dans leurs rangs par un « engagement direct, délibéré et soutenu de la part des dirigeants des FAC et de toute la chaîne de commandement ». Les récentes révélations sur l'inconduite sexuelle de certains hauts dirigeants des FAC laissent penser qu'ils ont perdu la confiance de leurs subordonnés et qu'ils seront donc incapables d'apporter des changements à l'avenir sans une surveillance externe efficace.
    En conclusion, les mesures qui doivent être prises pour lutter contre l'inconduite sexuelle au sein des FAC sont bien connues. Cependant, pour réussir, elles doivent faire l'objet de la surveillance soutenue et active d'un organisme véritablement indépendant. Cet organisme devrait être externe au ministère de la Défense nationale et aux FAC, car la haute direction du MDN comprend de nombreux anciens membres des FAC à la retraite qui ont fait partie des problèmes dans le passé. Si la planification détaillée et la mise en œuvre de solutions aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les FAC doivent faire intervenir des membres des FAC, il faudrait que leurs actions soient soumises à l'examen d'un organisme indépendant ayant le pouvoir d'exiger le respect de ses directives.

  (1200)  

    Pendant cinq ans, les dirigeants des FAC n'ont pas eu la volonté ou la capacité de traiter efficacement les cas d'inconduite sexuelle dans leurs rangs. Par conséquent, une surveillance externe est la prochaine étape logique à franchir pour faire face à ce problème. Sinon, les FAC vont s'engager sur la même voie que celle qui les a menés à l'échec par le passé.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Avant que nous passions à M. Okros, je constate que le brigadier-général est de retour.
    Merci beaucoup. Nous vous avions perdu. Vous pouvez faire une dernière observation en réponse à la question de Mme Vandenbeld.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?
    Oui. Elle concerne la mise en oeuvre du projet de loi C-77.
    J'ignore à quelle étape on en est dans la mise en œuvre du projet de loi C-77, mais je peux vous dire que nous avons intégré de manière proactive certains éléments de la Charte canadienne des droits des victimes dans nos politiques, nos ordonnances et nos PON.
    Excellent.
    Je vous remercie chaleureusement, monsieur le brigadier-général, de vous être joint à nous et d'avoir répondu à nos questions. Nous allons avoir une discussion captivante; je vous invite à rester, si vous le voulez.
    Nous passons maintenant au professeur Okros. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente. De nos jours, nous connaissons tous les plaisirs de la connectivité.
    Je m'adresse à vous depuis Toronto, le territoire traditionnel des Mississaugas de Credit, des Chippewas et des Wendats.
    Je travaille sur les questions de harcèlement dans les FAC depuis plus de 40 ans, à titre de membre et d'universitaire. À mes yeux, la version actuelle du film comprend des forces et des faiblesses.
    Nous savons que l'opération Honour n'a pas donné les résultats escomptés; vous voulez savoir pourquoi. La raison tient à une compréhension incomplète des problèmes qui a conduit à l'élaboration de solutions incomplètes, sous-tendue par une réticence à analyser d'un œil critique certains aspects de la culture et de l'identité des FAC.
    Au cœur du problème se trouve le fait qu'on en parle comme si c'était une question d'inconduite sexuelle. Il se peut bien que certains membres des Forces armées canadiennes en importunent d'autres en leur faisant des avances, mais le problème principal n'a rien à voir avec le sexe. Si je vous frappais avec une pelle, vous ne diriez pas que j'ai commis un acte de jardinage inapproprié. En réalité, c'est une question de pouvoir. Un langage codé sur le plan sexuel ou racial est employé pour établir et contrôler les hiérarchies sociales définissant qui est important et qui ne l'est pas.
    Mille fois répété, ce supplice de la goutte porte atteinte à la confiance en soi, à l'identité et au sentiment d'appartenance. Comme vous l'avez entendu la semaine dernière, le traumatisme sexuel dans le contexte militaire constitue un préjudice moral grave.
    La voie commence à élargir un peu le cadre du problème. Elle reconnaît l'existence de facteurs culturels pouvant multiplier les cas d'inconduite sexuelle. Toutefois, la porte n'est que légèrement ouverte. La principale omission est la réticence persistante à nommer le pouvoir et les masculinités militarisées. Pour cela, il faudrait faire une analyse attentive et critique de la façon dont l'armée conçoit le soldat, le marin et l'aviateur, sans oublier le chef et le commandant. Nous devons examiner les processus institutionnalisés et systémiques qui façonnent l'identité militaire et nous poser la question: quelle part de son identité une personne doit-elle abandonner pour réussir dans les FAC?
    La majorité des dirigeants des Forces armées canadiennes n'ont jamais eu à réfléchir à cette question. Les gauchers savent qu'ils vivent dans un monde de droitiers, mais les droitiers, eux, l'ignorent. Lorsque le monde est conçu pour nous, nous ne le remarquons pas. La plupart des hauts gradés sont parfaitement à l'aise dans les FAC. Ils continuent donc d'utiliser des termes et de tenir des propos qui, selon eux, interpellent l'ensemble des effectifs, mais qui servent en fait à accentuer l'identité dominante, renforçant ainsi les hiérarchies sociales et donnant à certains le sentiment d'être isolés, ignorés ou non valorisés pour ce qu'ils sont.
    Parmi les analyses effectuées, j'attire votre attention sur le rapport publié en 2016 par la commission américaine pour l'égalité des chances, dans lequel sont nommés 12 facteurs augmentant le risque de harcèlement en milieu de travail. Les FAC affichent un classement assez élevé pour plusieurs d'entre eux: de fortes disparités de pouvoir, l'incitation à la consommation d'alcool, un effectif jeune, l'utilisation d'un langage grossier, une culture dominée par un seul sexe et un effectif homogène. Seuls deux de ces facteurs sont abordés dans la voie actuelle.
    Pour s'attaquer en bonne et due forme aux facteurs institutionnels et systémiques qui créent les conditions dans lesquelles un langage à caractère sexuel est utilisé pour rabaisser les autres, les Forces armées canadiennes doivent cesser de mettre l'accent sur la personne. Les cas de harcèlement et le fait qu'ils sont peu signalés ne sont pas dus à une ignorance de la définition de ce qui est inapproprié ou de la procédure à suivre pour faire un rapport. Ces conditions sont le fruit de facteurs sociaux bien ancrés qui ont été créés intentionnellement par les FAC. S'attaquer à ces facteurs signifie remettre en question certains principes fondamentaux de la profession, des éléments qui sont essentiels à la réussite, mais qui peuvent aussi créer des conditions malsaines, par exemple l'obéissance à l'autorité, le conformisme normatif, la loyauté envers le groupe, le recours au pouvoir et la pratique de juger les autres pour voir s'ils sont à la hauteur.
    Enfin, il est maintenant clair que certains hauts gradés n'ont pas lutté de manière efficace contre les problèmes d'inconduite sexuelle. Certains se sont enfermés dans un mutisme éthique et moral, tandis que d'autres membres des FAC vivent dans un univers parallèle. Il y a des hommes qui ne comprennent véritablement pas ce que les femmes ou d'autres personnes vivent en ce qui concerne leur carrière, leur milieu de travail ou leurs collègues. Ils tiennent pour acquis que leur expérience est aussi celle de tous les autres. Ils n'ont jamais examiné d'un œil critique les questions de privilège et d'avantage. Ils n'ont jamais constaté la manière dont d'autres sont tenus à l'écart, marginalisés ou désavantagés. Ils ne voient pas les mécanismes sociaux informels que les victimes de harcèlement utilisent pour faire comprendre à l'idiot d'arrêter.

  (1205)  

    Il se peut que des hauts gradés apprennent qu'un incident est survenu à la cantine, mais que les deux parties ont eu une discussion et que le tout est réglé; ils croient donc qu'il n'y a eu ni préjudice ni faute. Ils ne reconnaissent pas que tout ce que la partie lésée peut espérer obtenir, ce sont des excuses faites à contrecœur qui ne répareront pas le préjudice moral subi et qui ne l'empêcheront pas de vivre dans la peur.
    Certains hauts gradés affirment en toute honnêteté n'avoir jamais été témoins d'incidents d'inconduite sexuelle. La raison est qu'ils portent des œillères culturelles qui leur permettent de ne pas les voir. C'est là un des éléments principaux du changement culturel que les Forces armées canadiennes doivent entreprendre.
    Ma question pour le Comité est la suivante: quels conseils allez-vous fournir aux dirigeants des Forces armées canadiennes pour faire en sorte qu'ils adoptent des mesures efficaces?
    Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Mme Wong lancera la première série de questions. Vous disposez de six minutes.
    Je suis si fière d'être entourée d'historiens, car à l'époque où j'étais professeure, j'enseignais l'histoire mondiale et je faisais aussi beaucoup de recherche sur la culture. Je me trouve donc dans mon élément.
    Monsieur English, le 26 février, vous avez comparu devant le Comité permanent de la défense nationale dans le cadre de son étude sur le harcèlement sexuel dans les FAC, à laquelle il a mis fin récemment. Durant la déclaration préliminaire que vous avez faite ce jour-là, vous avez souligné qu'au cours des 30 dernières années, les Forces armées canadiennes n'ont pas réussi à mettre en oeuvre un « changement culturel complet ».
    L'opération Honour constitue la dernière tentative par les FAC d'apporter un tel changement. À votre avis, l'opération Honour a-t-elle été un succès? De quelle manière a-t-elle échoué? Vous avez abordé le sujet durant votre déclaration préliminaire, mais j'aimerais que vous nous fournissiez plus de détails.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie. Je suis heureux d'être ici à titre d'historien. Je vais laisser M. Okros parler pour lui-même, mais il n'est pas historien.
    Une députée: Ha, ha!
    M. Allan English: Ce n'est pas grave.
    L'opération Honour a échoué essentiellement juste... D'après la juge Deschamps, la cause principale de l'inconduite est la culture toxique et très sexualisée des Forces armées canadiennes, d'où sa recommandation de procéder à un « changement culturel complet ».
    La première réaction a été celle du général Tom Lawson, qui était chef d'état-major de la défense à l'époque. Il a déclaré: « Je n'accepte pas les dires selon lesquels ce type de comportement fait partie de notre culture militaire ». Cette attitude est toujours présente aujourd'hui; elle est reflétée dans la dernière stratégie d'intervention en matière d'inconduite sexuelle, La voie vers la dignité et le respect, qui ne demande qu'un réalignement culturel, comme s'il s'agissait d'un problème mineur.
    À mon avis, toutes les activités entreprises au cours des 30 dernières années ont échoué parce que les FAC ne sont pas prêtes à changer leur culture ou en sont incapables.

  (1210)  

    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse aussi à vous, monsieur English. Pouvez-vous établir un parallèle entre l'opération Minerva et l'opération Honour, que ce soit par rapport aux échecs essuyés, aux leçons apprises, aux réussites connues, aux stratégies employées, etc.? C'est une question plutôt ouverte, monsieur English.
    Je vous remercie pour la question. Je suis professeur d'histoire; je suis habitué aux questions ouvertes.
    L'opération Minerva faisait partie d'un ensemble de mesures d'intervention mises en œuvre dans les années 1990 en vue de résoudre ce que Maclean's avait appelé la crise des viols dans les Forces armées canadiennes. Elle faisait également partie des mesures d'intégration des femmes dans les Forces canadiennes exigées par la Commission canadienne des droits de la personne. Un rapport sur l'opération Minerva publié par le chef du service d'examen est toujours disponible en ligne; il décrit les causes de l'échec de cette opération.
    Ces causes sont presque exactement les mêmes que celles qui ont mené à l'échec de l'opération Honour. Les dirigeants supérieurs ne s'étaient pas réellement engagés à la mener à bien; les mesures prises étaient nombreuses, mais inefficaces; elle ne faisait pas l'objet d'un examen continu, ce qui a aussi été un énorme problème dans le cas de l'opération Honour. Au bout du compte, il s'est passé exactement la même chose qu'avec l'opération Honour: l'équipe originale mise sur pied pour la mettre en œuvre a été réintégrée dans l'organisation et dégradée peu à peu, jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
    Dans un rapport que j'ai préparé en 2016 à l'intention de l'équipe d'intervention stratégique en matière d'inconduite sexuelle, j'ai écrit qu'elle n'avait qu'à lire le rapport sur l'opération Minerva publié en 1998 par le chef du service d'examen pour savoir exactement quoi éviter. J'ignore si quelqu'un l'a lu, mais voilà la réponse courte.
    Je vous remercie, monsieur English.
    Vous avez mentionné que l'opération Honour n'avait pas de « stratégie directrice ». À qui reviendrait la tâche de mettre au point une telle stratégie? Le bureau du ministre y contribuerait-il? À votre avis, quel rôle le ministre de la Défense nationale devrait-il jouer, le cas échéant, dans l'élaboration des lignes directrices? Le ministre aurait-il dû faire quelque chose pour assurer l'atteinte des objectifs de l'opération Honour?
    D'après ce que j'ai compris, le ministre a délégué cette tâche au chef d'état-major de la défense. Le 15 août 2015, le chef d'état-major de la défense a ordonné au vice-chef d'état-major de la défense de mettre au point une stratégie pour l'opération Honour dans un délai de 45 jours, soit avant le 30 septembre 2015. Or ce travail n'a jamais été fait. Comme il n'y avait pas de surveillance externe et comme aucun membre interne ne semble avoir remarqué l'omission, l'opération Honour n'a jamais été dotée d'une stratégie, malgré l'ordre donné par le chef d'état-major de la défense.
    Monsieur English, vous avez aussi mentionné dans un témoignage précédent que l'adhésion des hauts gradés était essentielle à la réussite de l'opération Honour et qu'il y avait un manque d'acceptation généralisé parmi les dirigeants des FAC.
    D'autres témoins — plus précisément l'ombudsman — nous ont dit, à nous et au comité de la défense nationale, que le manque d'adhésion des dirigeants ne se limitait pas aux FAC. Le ministre...
    Je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Hutchings. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie les deux témoins de leur présence. Les informations dont vous nous faites part sont indéniablement précieuses.
    Monsieur Okros, le Comité a une occasion unique d'étudier l'inconduite sexuelle en se fondant sur l'analyse comparative entre les sexes, ainsi qu'en adoptant une approche centrée sur les survivantes et axée sur les traumatismes. Vous avez beaucoup travaillé sur le dossier de l'amélioration de l'efficacité opérationnelle militaire en menant des recherches sur les femmes et la diversité.
    Pouvez-vous nous expliquer quelles pourraient être les conséquences directes d'un changement de culture et de politique en matière d'inconduite sexuelle sur l'efficacité opérationnelle militaire?

  (1215)  

    J'ai quelques observations à ce sujet. Un des éléments critiques est le fait que dans les forces armées, tout le travail est effectué en équipe. Le premier objectif de tout chef est de former des équipes cohésives et efficaces qui travaillent bien ensemble. Or les équipes ne peuvent pas être efficaces quand leurs membres adoptent ce type de comportements et quand certaines personnes sont marginalisées, tenues à l'écart et lésées. C'est là un des éléments principaux nuisant à l'efficacité opérationnelle.
    Selon moi, cela nous ramène à vos questions concernant les mesures à prendre. L'accent doit être placé sur la mise sur pied d'équipes inclusives au sein desquelles tous les membres se sentent valorisés et auxquelles ils peuvent tous participer pleinement. Il faut aussi aller plus loin, car je le répète, nous savons également que la diversité est un véritable atout pour les équipes. Les perspectives uniques de diverses personnes ayant des vécus différents rendent les équipes plus fortes. C'est vraiment un défi dans le contexte des forces armées puisqu'un des objectifs de la socialisation professionnelle est de transformer le civil en soldat, en marin ou en aviateur. Ce faisant, tous finissent par adopter la même identité et la même mentalité. Par conséquent, certains processus de socialisation professionnelle érodent la diversité essentielle au succès des missions.
    Je vous remercie pour votre réponse, monsieur.
    Monsieur English, vous avez mené des recherches sur la culture militaire du point de vue canadien. D'après vos constatations, qu'est-ce qu'une culture militaire? Aussi, quelles sont les différences entre les agressions sexuelles commises dans le milieu militaire et celles qui se produisent dans le contexte civil, et quelles mesures pouvons-nous prendre à l'égard des défis propres aux forces armées?
    Finalement, qu'avez-vous découvert dans le cadre des recherches que vous avez menées du point de vue international sur les mesures de lutte contre les agressions sexuelles au sein des forces armées? Quels exemples en provenance d'autres pays pourraient orienter les changements de politiques à apporter dans les Forces armées canadiennes?
    Je vais tenter d'être bref.
    Je pourrais donner un séminaire de deux heures à ce sujet.
    En gros, c'est la culture qui dicte la manière dont les choses devraient être faites. Il existe une culture officielle, soit les règles, la réglementation, etc., ainsi qu'une culture informelle. Quelqu'un a déjà dit que la culture ne fait toujours qu'une bouchée de la politique. Dans les faits, c'est la culture informelle qui dicte ce qui se passe au sein de l'organisation. Les dirigeants vous disent comment ils voudraient que les choses se passent, puis les autres vous disent comment elles se passent réellement. La clé est donc la culture informelle. Dans toute organisation, chacun apprend que l'approche officielle n'est pas celle qui est suivie.
    La seule différence entre le milieu civil et la culture militaire, c'est le pouvoir de la hiérarchie et des individus. Un commandant a le droit, en vertu de la loi, d'ordonner à quelqu'un de mettre sa vie en péril. C'est la seule profession au Canada où ce droit existe; il s'agit d'un pouvoir remarquable.
    Comme M. Okros l'a dit, il y a la nécessité de travailler en équipe, et comme la lieutenante-colonelle Eleanor Taylor l'a dit, les gens choisissent parfois de tolérer l'inconduite sexuelle parce que se faire rejeter par son équipe peut être pire.
    Je vais m'arrêter là, sinon je parlerai trop longuement. J'espère que ces observations vous sont utiles.
    Oui, c'est le cas.
    Pourriez-vous nous parler des stratégies qui sont utilisées dans d'autres pays pour remédier au problème des agressions sexuelles dans l'armée et qui pourraient nous servir d'exemples pour apporter des changements à la politique dans les Forces armées canadiennes?
    Je peux vous dire, très brièvement, que la culture militaire canadienne est devenue très proche de la culture militaire américaine qui, selon les chercheurs américains, est encore plus toxique que la nôtre. Au sein de l'armée américaine, on encourage et on permet, en fait, les agressions sexuelles, alors elle n'est pas un très bon modèle.
    Je n'en connais pas beaucoup d'autres, si ce n'est un peu celle de l'Australie et du Royaume-Uni. Leurs bilans ne sont pas mieux que le nôtre, alors je crains malheureusement de ne pouvoir vous en dire plus.
    Espérons que nous pourrons devenir des chefs de file un jour.
    Monsieur Okros, compte tenu des répercussions opérationnelles des agressions sexuelles dans l'armée, avez-vous des recommandations pour s'attaquer aux racines du problème? Vous avez parlé de hiérarchie et de pouvoir. Avez-vous des recommandations à nous faire?
    J'ai quelques observations à ce sujet.
    Il s'agit de comprendre et de sensibiliser. Je ne parle pas d'éducation, et surtout pas de formation PowerPoint. Il s'agit de comprendre comment les gens se perçoivent et perçoivent les autres et de les sensibiliser. Cela fait partie de ce dont je parlais dans ma déclaration liminaire. Trop de gens en uniforme pensent que tous les autres vivent la même expérience qu'eux. Il faut tout d'abord qu'ils comprennent que d'autres vivent leur carrière militaire très différemment. C'est le point de départ, à mon avis.
    Je sais que le temps file, alors je vais m'arrêter ici.

  (1220)  

    Excellent.
    Nous passons maintenant à Mme Larouche.

[Français]

    Vous disposez de six minutes.
    Messieurs Okros et English, je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Vos points de vue d'historiens nous rappellent que le problème, la culture et les cas d'agression sexuelle dans l'armée canadienne remontent déjà à très loin. Des choses ont été faites, mais la situation n'a pas bougé assez rapidement.
    Il y aurait tellement de choses à dire. D'abord, monsieur Okros, vous avez parlé de la culture dans l'armée canadienne. J'aimerais vous en entendre parler en lien avec l'opération Honneur, La voie vers la dignité et le respect.
    Quel est votre souci concernant les critères de sélection des dirigeants qui sont abordés dans La voie vers la dignité et le respect?
    Parlez-nous du processus qui implique un changement de culture. Que pensez-vous de La voie vers la dignité et le respect?

[Traduction]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Comme je l'ai mentionné, je pense qu'il faut procéder à deux changements importants.
    Il faut tout d'abord, comme je l'ai dit, procéder à un virage en faveur de l'inclusion. L'armée s'emploie vigoureusement à imprégner les gens d'une même identité, alors elle doit permettre et accepter d'avoir des équipes inclusives.
    Il faut ensuite accorder plus d'importance à l'évaluation des capacités et de l'efficacité des dirigeants à créer des équipes solides. Dans certains cas, les dirigeants sont récompensés pour avoir accompli une tâche, mais on ne prend pas assez le temps d'en examiner le coût.
    Certaines équipes sont laissées pour compte parce qu'elles sont épuisées et brisées et qu'elles n'arrivent plus à fonctionner. Je pense que les dirigeants devraient être tenus responsables des équipes qu'ils forment et des équipes qu'ils laissent derrière eux lorsqu'ils sont affectés à un nouveau poste.

[Français]

     Il y a donc l'obligation de rendre des comptes pour les dirigeants, mais il y a aussi la question de la formation.
    J'aimerais revenir sur ce sujet.
     Mme Julie S. Lalonde est venue témoigner devant le Comité.
     Comment expliquez-vous ce qui lui est arrivé durant une formation qu'elle donnait au Collège militaire royal de Saint-Jean, où elle expliquait avoir reçu beaucoup de commentaires disgracieux de la part des gens en formation qui se trouvaient devant elle?
    Êtes-vous surpris de la réaction des militaires pendant que Mme Lalonde essayait de les sensibiliser aux cas d'agression, entre autres?

[Traduction]

    J'aimerais souligner tout d'abord qu'à titre de membre du Département des études de la défense, j'enseigne principalement au Collège des Forces canadiennes, plutôt qu'au Collège militaire royal. Toutefois, je pense, premièrement, que le contexte dans lequel Mme Lalonde a fait son exposé n'avait pas été bien préparé, malheureusement. Je ne pense pas que le sujet a été bien amené. Je ne pense pas que le sujet était bien compris. Je ne pense pas qu'il y avait des hauts dirigeants dans la salle pour veiller à ce que le dialogue soit respectueux. Je pense que les autorités du Collège militaire royal ont tiré des leçons sur la façon de tenir des séances plus réussies par la suite.
    Deuxièmement, je pense que certains des messages qu'elle voulait véhiculer aux cadets étaient nouveaux pour eux. Elle s'attaquait aux mythes entourant le viol, et dans la plupart des universités canadiennes, il y avait eu de très bonnes discussions entre les étudiants sur ces questions. Je ne pense pas qu'il y ait eu de discussions entre les cadets au Collège militaire royal à ce sujet, alors je ne pense pas qu'ils étaient bien disposés à écouter, à comprendre et à réagir. Je sais que d'autres efforts ont été déployés par la suite au Collège pour veiller à ce que les cadets comprennent mieux certaines de ces questions.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à M. English.
    Dans vos présentations, vous avez parlé de votre objectif pour 2026. Comment faire pour travailler sur cet objectif et l'améliorer? J'aimerais vous entendre davantage sur les problèmes de recrutement et de rétention.

  (1225)  

[Traduction]

    La plupart de mes observations à ce sujet reposent sur le rapport du vérificateur général de 2016 sur le recrutement et la rétention. C'est celui qu'il faut consulter, je crois, car il comprend beaucoup de détails sur tout ce qui ne fonctionne pas dans le système de recrutement et de rétention des Forces canadiennes.
    On mentionne également qu'on parle de ces mêmes problèmes depuis 2002 et que rien n'a changé. C'est pourquoi je suis d'avis qu'il est crucial d'avoir une surveillance externe. Les forces continuent de promettre qu'elles apporteront des changements, mais sans surveillance externe, rien ne se fait, et le vérificateur général ne peut faire que des recommandations. Il recommande, mais rien ne se fait. Selon les derniers chiffres que j'ai en main et qui datent de 2020, et suivant les objectifs de 2016, le pourcentage de femmes dans les Forces canadiennes devraient se situer à 19 %, alors qu'il est à 15,8 %, disons 16 %, aujourd'hui. Les Forces canadiennes tirent de l'arrière par 3 %, et selon le vérificateur général, sans plan, sans stratégie et dans un système qui ne fonctionne pas, elles n'y arriveront pas.

[Français]

    Cela crée encore beaucoup d'inégalités entre les genres.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme Mathyssen pendant six minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Lors du témoignage que nous avons entendu pendant la séance précédente, j'ai trouvé inquiétant d'entendre le brigadier-général du bureau du prévôt répéter qu'il était indépendant et que son bureau fonctionnait de façon totalement indépendante de la structure de commandement. Il ne semblait pas voir la nécessité de procéder à des changements.
    Nous avons pourtant entendu dire à maintes reprises, par Mme Deschamps, par vous deux ici aujourd'hui, et dans toutes les études publiées par le vérificateur général que l'indépendance est la clé. Pouvez-vous nous parler de la contradiction entre ce que nous venons d'entendre et ce qu'on nous a répété tout au long de cette étude — et ce que vous nous avez dit vous-mêmes aujourd'hui — au sujet de l'indépendance de la seule entité au sein des Forces armées canadiennes qui pourrait porter des accusations et qui pourrait mener ces enquêtes criminelles sur les inconduites à caractère sexuel?
     Madame la présidente, si vous le permettez, je vais commencer et céder ensuite la parole à mon collègue.
     Suivant le témoignage du précédent témoin, je pense qu'il faut être conscient que ces situations ne se produisent pas en vase clos. Lorsqu'elles se produisent, il y a habituellement des témoins. Il y a des gens à qui les amis parlent. Lorsqu'une personne prend la décision de porter plainte officiellement, elle peut souvent le faire auprès de la chaîne de commandement. Des gens sont au courant de la situation avant que la plainte arrive au Service national des enquêtes des Forces canadiennes et qu'il y ait une enquête officielle.
    Nous sommes aussi conscients que dès le début d'une enquête, malgré les mises en garde des enquêteurs, les gens vont parler à d'autres gens après avoir été interrogés. Un des problèmes qui en découle, ce sont les rumeurs. Cela ne peut jamais se faire totalement en vase clos.
    Je ne dirais pas que le problème est lié aux processus internes. Je sais que la police militaire travaille fort pour s'assurer que ses enquêtes sont menées de façon très professionnelle, mais je pense qu'il faut être conscient qu'elles ne se déroulent pas en vase clos. Je pense au contexte plus large des collègues et des supérieurs qui peuvent être en partie au courant, qui sont disposés à parler de certaines choses... Très honnêtement, je dirais que nous avons vu dans l'opinion publique au cours des trois derniers mois moult conjectures au sujet des officiers supérieurs, même si l'enquête n'est pas encore terminée.
    Il faut situer le tout dans un contexte social plus large, ce qui nous ramène à la culture. Il faut que le respect de la confidentialité fasse partie de la culture. Il faut que les gens comprennent qu'il n'est pas approprié d'en parler. Quand j'entends une rumeur juteuse, je ne vais pas en parler à mes amis et l'afficher sur Facebook. C'est ce genre de respect pour ses collègues qui doit faire partie de la culture afin de réduire les torts qui sont causés lorsque les gens s'expriment et dénoncent une situation.
    Je vous remercie.

  (1230)  

    Il faut se rappeler que tous ceux qui baignent dans la culture militaire sont influencés par cette culture informelle, y compris les agents de la police militaire, les juges militaires, les procureurs, tout le monde. Le pouvoir discrétionnaire est très souvent présent dans le système. Il l'est dans les règlements, et les commandants, les enquêteurs, les superviseurs jouissent tous d'un pouvoir discrétionnaire. Si ce pouvoir discrétionnaire est influencé par le fait qu'ils ne croient pas en l'existence d'un problème, ils vont donc utiliser ce pouvoir d'une façon qui peut causer du tort au plaignant.
    Au bout du compte, ils font partie intégrante de la structure de commandement. Même s'ils disent qu'ils n'en font pas partie, ils ne peuvent pas en être séparés. C'est ce que vous...
    Ils peuvent se trouver à l'extérieur de la structure de commandement, mais ils ne sont pas à l'extérieur de la culture. Ils incarnent cette culture, et ils progressent ou ne progressent pas dans cette culture. Cela exerce plus d'influence que tout diagramme officiel ou toute chaîne de commandement.
    Mme Stéphanie Raymond nous a parlé notamment de l'idée voulant que ceux qui montent en grade deviennent bien vus. Ils sont protégés. On leur donne beaucoup de... Nous parlions de pouvoir aujourd'hui, mais ce pouvoir ne fait que continuer à croître. Cela se voit du bas jusqu'au haut de l'échelle. En tant que chef d'état-major de la défense, la personne qui occupe le poste est, selon ce à quoi on s'attend, celle qui a le plus de pouvoir, celle qui est le mieux vue, et ceux qui l'entourent — et espérons qu'un jour ce poste sera occupé par une femme — sont tous protégés.
    Vous avez dit qu'il existe des influences culturelles formelles et informelles. Les dirigeants sont censés parler, du moins, des influences formelles, mais s'ils n'assument pas cette responsabilité, que se passe-t-il? J'aimerais aller plus loin pour parler, en fait, des dirigeants politiques qui n'assument pas la responsabilité de certaines actions.
    Pouvez-vous me dire tous les deux ce que vous en pensez?
    Je peux commencer par parler des influences formelles et informelles. Je ne suis pas un expert dans le domaine des dirigeants politiques, alors vous pourriez vouloir en parler avec des politicologues. Je vais m'en tenir au domaine militaire.
    Dans l'armée, il existe aussi un leadership formel et informel, et les dirigeants bien vus possèdent beaucoup d'attributs qui sont conformes à la culture, alors si on est en présence d'une culture toxique et misogyne, les gens qui s'y conforment montent en grade et sont admirés.
    Sans changement de culture, malheureusement, en présence de ces influences, les gens admirent ces dirigeants. Nous avons beaucoup d'exemples où les victimes sont intimidées. Pour les bonnes ou les mauvaises raisons, les gens admirent les dirigeants et les suivent. Sans changement de culture, il n'y aura guère d'autres changements, à mon avis.
    Très bien. Nous passons à notre deuxième série de questions, en commençant par Mme Sahota pendant cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie les témoins également.
    Vous avez parlé de changer la culture et ma question va dans ce sens. Nous avons entendu dire dans les médias et les témoignages au sein de notre comité et de celui de la défense nationale que des allégations d'abus de pouvoir et d'inconduite sexuelle contre des généraux et des amiraux demeurent non résolues. Vous avez parlé du pouvoir immense de la hiérarchie.
    Selon vous, monsieur English, les futures tentatives d'apporter des changements culturels dans les Forces armées canadiennes risquent-elles d'être vouées à l'échec si les hauts dirigeants actuels ne sont pas tenus responsables de leurs infractions passées?
    C'est une question délicate. Je vais poursuivre sur les changements culturels. Une des bonnes façons de changer la culture, c'est de changer le profil démographique de l'effectif, d'où l'idée d'accroître le pourcentage des femmes à 25 % et de changer le leadership.
    C'est un long processus, et les forces armées sont très bonnes dans les activités radicales de courte durée, mais moins bonnes dans les activités à long terme comme le changement culturel. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut un organisme externe pour que ses dirigeants aient à rendre des comptes. S'ils disent une chose et en font une autre, l'organisme externe sera là pour les rappeler à l'ordre. Il ne s'agira plus seulement d'un rapport auquel ils pourront répondre qu'ils vont essayer de nouveau.
    On en revient à dire qu'en ayant un organisme de surveillance externe performant et indépendant qui a les pouvoirs d'ordonner des changements, on peut arriver à obtenir des résultats.

  (1235)  

    Monsieur English, vous avez dit dans un témoignage précédent — et je reprends le fil des questions de ma collègue, la députée Wong — que l'adhésion des dirigeants est essentielle pour que l'opération Honour réussisse. Vous avez aussi dit que le manque d'acceptation est omniprésent dans l'ensemble de la direction au sein des Forces armées canadiennes. À la lumière du témoignage d'autres témoins, tant au comité de la défense nationale qu'ici — en particulier celui de l'ombudsman — il semble que le manque d'adhésion et d'acceptation des dirigeants ne se limite pas aux Forces armées canadiennes. Le ministre de la Défense nationale a fermement refusé d'accepter quelque part de responsabilité que ce soit dans la culture endémique de harcèlement sexuel au sein des forces et est allé jusqu'à faire porter le blâme aux fonctionnaires, ce qui entre en contradiction totale avec d'autres témoignages.
    Monsieur English, à quel point était-il important pour le ministre de la Défense nationale d'adhérer aux recommandations de la juge Deschamps et d'être partie prenante de la stratégie d'orientation concernant l'opération Honour? Quels problèmes cela crée-t-il lorsque le ministre refuse d'accepter la responsabilité des échecs de ce qui se passe sous sa direction?
    Je vais vous parler du point de vue d'un historien. Nous nous intéressons au passé. Je ne suis pas très doué pour le présent, alors vous pourriez vouloir poser la question à mes étudiants dans 20 ans lorsque tous les documents seront disponibles.
    Une des méthodes de travail qu'utilisent les historiens, c'est d'examiner un dossier complet. À l'heure actuelle, malheureusement, nous n'avons que des récits incomplets des événements. Permettez-moi de remonter à une période où on a procédé à des changements réels dans les Forces armées canadiennes avec une surveillance externe. Cela s'est produit après l'affaire en Somalie.
    Le ministre s'est impliqué directement dans les changements, et il s'est heurté à beaucoup de résistance de la part des hauts dirigeants des forces armées. Il a fait appel à un comité de surveillance du ministre, dont certains membres avaient siégé à la commission sur la Somalie. Ils l'ont conseillé directement et il a imposé les changements. À partir de cet exemple historique, que ce soit le ministre ou un organisme externe — et c'est sans doute pourquoi cet organisme doit être totalement extérieur au ministère de la Défense —, on peut voir que les changements passent, historiquement, par une personne qui veut procéder à des changements.
    Ce que nous ont servi jusqu'à maintenant les dirigeants, y compris le ministre, ce sont des platitudes et des politiques qui ne s'attaquent pas aux racines de l'inconduite sexuelle. Le ministre est naturellement responsable de la gestion de l'ensemble des Forces canadiennes.
    Monsieur English, pouvez-vous nous dire ce qui, selon vous, devrait être fait aux échelons supérieurs de la direction?
    Je répète que je suis historien, et qu'à ce titre, je n'ai pas suffisamment d'information sur le sujet. Vous pourriez, encore une fois, vouloir parler à un politicologue. Il s'agit pour moi d'affaires courantes, et je ne m'occupe pas d'affaires courantes. Je suis désolée.
    Nous passons maintenant à Mme Vandenbeld pendant cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je veux commencer par faire écho au rôle des historiens. J'ai fait mes études de doctorat avec M. Bercuson et M. Granatstein à l'époque, alors je suis aussi historienne.
    Ma première question s'adresse à M. English.
    Vous avez beaucoup parlé de la chaîne de commandement et des disparités de pouvoir. Selon des témoignages que nous avons entendus au Comité, il est très difficile et extrêmement compliqué de dénoncer une agression sexuelle et un agresseur lorsque l'agresseur est un supérieur. Je me demande si vous avez des recommandations qui permettraient de créer un meilleur environnement pour que les personnes puissent le faire.
    Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais je dirais simplement que ce n'est pas un problème propre aux forces armées. Nous avons vu beaucoup d'exemples dans les médias d'autres organisations où des gens sont intimidés, harcelés et empêchés de le faire.
    Je pense que la clé réside dans le fait d'avoir un organisme n'ayant aucun lien avec l'organisation pour s'occuper des plaintes. Si on peut le faire et que l'organisme a son mot à dire sur ce qui se passe au sein de l'organisation, je pense qu'il est possible alors d'apporter des changements. C'est à peu près tout ce que j'ai à dire à ce sujet.
    Je vais poser la même question à M. Okros.

  (1240)  

    Je vous remercie. Je vais faire deux observations.
    Je pense qu'il est important notamment de faire la distinction entre une enquête officielle sur une inconduite sexuelle — et je pense que vous avez reçu des recommandations claires voulant qu'il soit nécessaire d'avoir plus d'indépendance dans ces processus — et l'autre élément dont nous avons parlé, soit la culture.
    Mettre en place des mécanismes pour permettre aux militaires, et en particulier aux subalternes, de le signaler s'il se passe quelque chose qui n'est pas correct, qu'il s'agisse d'un leadership toxique, d'un environnement de travail empoisonné ou malsain... Donner l'occasion aux gens de signaler que quelque chose ne va pas et de dire « venez voir ce qui se passe » permet de remonter à la source du problème et peut, en fait, nous amener à prévenir les torts dès le départ. D'autres mesures peuvent ensuite être mises en place et peuvent, je pense, accroître la confiance des victimes à aller de l'avant pour porter plainte.
    Merci, monsieur Okros.
    Dans quelle mesure est-il important de disposer d'un organe indépendant de conseillers spécialisés dans les traumatismes pour prodiguer des conseils aux victimes, aux survivants, tout au long du processus de signalement?
    Je pense que ces personnes sont essentielles et, comme on l'a mentionné, je crois, dans le témoignage précédent, je dirais qu'il ne s'agit pas seulement de soutenir les victimes. C'est la partie qui, selon moi, est essentielle au programme de sensibilisation qu'on doit offrir dans l'ensemble des forces armées. Encore une fois, mon commentaire concernait les personnes qui sont devenues éthiquement insensibles et moralement silencieuses. Elles ne sont pas conscientes des conséquences des traumatismes. Elles ne comprennent pas où les gens vivent et ce à quoi ils sont confrontés.
    Je pense qu'il faut mettre en place un important programme de formation tout au long de la chaîne de commandement pour sensibiliser les gens afin qu'ils comprennent les dommages et les préjudices. C'est pourquoi j'ai parlé de « préjudice moral ». C'est, je pense, une facette importante de la formation qui doit vraiment être dispensée.
    J'ai trouvé très intéressant ce que vous avez dit dans vos remarques sur ce qui fait un bon soldat, un bon marin ou un bon aviateur. Qu'est-ce qui fait un bon leader ou un bon commandant? Quels sont les caractéristiques et les traits de caractère? Ces éléments renvoient à la façon dont nous définissons des concepts comme la force et la bravoure.
    Nous entendons trop souvent des choses comme: « Vous savez, c'est un coureur de jupons, mais c'est un bon soldat. » Vous ne pouvez pas être ces deux choses à la fois. Comment créer une culture où les caractéristiques qui définissent un bon soldat ne peuvent pas inclure — elles doivent exclure — des choses comme les types de comportements dont nous parlons?
    Si vous me le permettez, j'aimerais répondre en premier. M. English et moi-même connaissons bien l'ouvrage « Servir avec honneur », et j'aimerais souligner qu'il y avait une raison précise pour faire le lien avec le mot « honneur ». Le concept est qu'il ne suffit pas de faire le travail, de faire son devoir. Il faut le faire de façon honorable. Je pense que dans certaines parties des Forces armées canadiennes, ce message n'est malheureusement pas passé.
    Je pense que l'accent, la reconnaissance... Les Forces armées canadiennes sont au service des Canadiens et, au bout du compte, ce sont les Canadiens qui doivent regarder leurs militaires avec fierté. Je pense que l'une des choses que ce comité et le Parlement dans son ensemble peuvent faire est d'aider les Canadiens à dire ce qu'ils attendent de leurs militaires, et je crois que les Canadiens s'attendent à ce que leurs militaires soient honorables. C'est l'un des messages clés que je voudrais communiquer.

[Français]

     Madame Larouche, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Je remercie encore une fois les deux témoins de leur comparution. Il est très intéressant d'entendre le point de vue d'historiens sur la question des agressions dans les Forces armées canadiennes.
    Monsieur Okros, vous avez parlé de masculinité militarisée. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce phénomène? Quel est votre point de vue sur ce dernier?

[Traduction]

    Comme nous le savons, les masculinités et le patriarcat sont les modes de fonctionnement de nombreuses sociétés. Ils créent des systèmes et des structures qui privilégient les hommes et occasionnent des défis et des problèmes aux femmes, ainsi que des discriminations à leur égard.
    Quant au concept des masculinités militarisées, il est pratiqué de manière très significative dans un contexte militaire. Encore une fois, il renvoie aux éléments dont nous avons parlé: la construction du prototype du soldat idéal, la manière dont le leadership et le commandement sont exercés et la façon dont le pouvoir et les privilèges sont accumulés et mis en pratique. Ces éléments sont différents et uniques dans un contexte militaire. Les nombreux écrits dans ce domaine nous disent que nous devons les remettre en question. Nous devons opérer des changements fondamentaux, en commençant par veiller à ce que ceux qui ont accumulé ces privilèges voient et comprennent ce qu'ils sont devenus et l'influence que cela a eue sur eux et sur leur vision du monde.
    Mon dernier commentaire bref est que l'armée est l'une des professions les moins autoréflexives de toutes. Dans de nombreuses autres professions — dans le domaine de la médecine et de la religion organisée, par exemple —, les praticiens sont constamment encouragés à réfléchir à la manière dont leur pratique professionnelle influence leur vision du monde. Il serait utile que l'armée s'engage dans cette voie, de manière assez systématique.

  (1245)  

[Français]

    Monsieur Okros, dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de l'égalité des chances et des 12 facteurs qui augmentent le risque de harcèlement au travail. De quelle façon ces 12 facteurs réduisent-ils l'égalité des chances au détriment des femmes au sein des Forces armées canadiennes? Pourquoi est-il plus difficile pour une femme de se sentir protégée?

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à Mme Mathyssen pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Okros, je n'ai pas eu l'occasion d'entendre votre réponse à ma question précédente sur les différentes formes de leadership — le formel et l'informel — et ce que nous devons voir. Vous avez vraiment très bien décrit les différents privilèges et pouvoirs. Je pense qu'il est un peu ironique qu'une institution de privilèges et de pouvoir comme le Parlement essaie d'enquêter sur les militaires afin qu'ils puissent mieux assumer leurs responsabilités. Pourriez-vous nous parler du leadership nécessaire, de la base au sommet?
    Comme ma collègue Mme Sahota, j'ai mentionné la nécessité pour les politiciens de faire preuve de leadership eux aussi.
    Je vais aborder deux aspects.
    Lorsque j'étais en uniforme, j'étais responsable de l'équipe qui a élaboré la doctrine de leadership actuelle, donc je la connais assez bien. Elle a été élaborée en 2003-2004. À l'époque, nous avons cherché à l'enrichir en utilisant les perspectives et la compréhension du genre, mais je dois dire qu'elle est incomplète.
    Si nous examinons les écrits sur le leadership ces jours-ci, nous constatons que des travaux ont été réalisés sur le leadership authentique, le leadership inclusif, le leadership fondé sur le caractère et la compréhension de la nature sexuée des différences dans le leadership, à la fois dans la façon dont le leadership est exercé et dans la façon dont diverses personnes réagissent au leadership. Il y a beaucoup de travail à faire dans ces domaines, et très honnêtement, je pense que cela s'applique à ceux qui occupent des postes de haut niveau et ont le privilège d'assumer des charges publiques. Il devrait y avoir des mises à jour et des changements. Nous avons des traditions qui se perpétuent.
    Le dernier commentaire succinct que je ferai est que la plupart d'entre nous apprennent à exercer le leadership en observant les dirigeants au fil de leur carrière. Lorsque les seuls modèles que vous pouvez voir sont des hommes qui exercent des formes de leadership très masculines, il n'est pas surprenant que les hommes et les femmes qui évoluent dans ce système reproduisent ces modèles de leadership.
    Je pense que les Forces armées canadiennes travaillent avec beaucoup de diligence à former et à promouvoir non seulement les leaders féminins, mais aussi les personnes qui dirigent de différentes manières. Je pense que c'est une chose importante qui nécessite plus d'attention et plus de travail.
    C'est excellent.
    Nous allons maintenant passer à Mme Shin pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux deux témoins de s'être joints à nous aujourd'hui. En tant qu'ancien professeur d'anglais, j'apprécie vraiment la façon dont vous abordez cette question.
    Pendant la période des questions au sein de mon comité, mais aussi au sein du comité de la défense... Comme vous le savez peut-être, les libéraux ont mis fin aux discussions au sein du comité de la défense, et cette situation me préoccupe.
    Ce que je veux aborder avec vous deux aujourd'hui, c'est que nous tenons ces discussions parce qu'il y a manifestement un problème culturel qui traumatise à nouveau les femmes et les autres personnes vulnérables dans ce genre de situations. Il n'y a pas eu de changement, et je suis heureuse que vous parliez de changement culturel et de la manière dont il se produit réellement du côté de la culture non officielle.
    Lorsque j'ai parlé au ministre de la Défense nationale lors d'une réunion précédente, je n'ai cessé de revenir sur la question de savoir comment un changement culturel peut se produire s'il y a un manque d'honnêteté et de prise de responsabilité. Je pense que les discussions très importantes que nous menons aujourd'hui sont une occasion à saisir. C'est comme lorsqu'une personne atteinte d'un cancer subit une opération chirurgicale dans laquelle on lui enlève la tumeur avant de la recoudre. On lui enlève la tumeur cancéreuse pour qu'elle ait de meilleures chances de survie.
    Lorsque ces choses sont mises au jour, il ne sert à rien d'avoir ces discussions si on recoud le patient sans lui enlever la tumeur cancéreuse. Ce cycle ne sera pas brisé. Je pense donc que les parties responsables ont de nombreuses occasions de s'expliquer.
    Je sais qu'en tant qu'historiens, vous étudiez l'histoire pour éviter qu'elle ne se répète. C'est en partie la raison pour laquelle on étudie l'histoire, je pense, afin que la culture d'aujourd'hui ne se répète pas.
    Pouvez-vous nous dire comment les dirigeants de ce pays, qu'il s'agisse du ministre de la Défense ou du premier ministre, pourraient se montrer plus responsables dans ce processus et faire preuve d'humilité pour briser ce cycle et apporter ce changement culturel depuis le sommet de la hiérarchie?
    La question s'adresse à vous deux. Merci.

  (1250)  

    J'allais m'en remettre au spécialiste des sciences du comportement, car, en tant qu'historien, cette question me semble relever des affaires courantes.
    La métaphore que j'utiliserais est la suivante: si vous avez une épidémie de malaria, c'est bien de traiter les victimes de la maladie, mais tant que vous n'aurez pas asséché le marécage et éliminé les moustiques, vous devrez continuer à faire face au problème. Je pense que c'est le problème qui s'est produit avec l'opération Honour et celles qui l'ont précédée. On ne s'est pas débarrassé de la cause du mauvais comportement et, tant qu'on ne l'aura pas fait, il n'y aura pas beaucoup de changement.
    Merci.
    Le seul commentaire que je pense faire à ce sujet, c'est que j'ai entendu quelques témoins ici et dans d'autres comités faire des affirmations ou des allégations de prise de responsabilité au milieu d'un processus qui n'a pas encore été finalisé et décidé. Je dirais qu'il est primordial que les gens soient conscients de l'importance de s'assurer que, par exemple, les enquêtes actuelles sont menées à bien.
    De façon réaliste, comme d'autres l'ont dit — et comme les représentants de It's Just 700 l'ont dit, je pense, avec le communiqué qu'ils ont envoyé — ce que les membres des Forces armées canadiennes attendent, c'est que le Parlement fournisse des conseils et une orientation sur ce que les Canadiens attendent de leurs Forces armées canadiennes. Je pense que nous attendons tous avec impatience les résultats des rapports qui seront soumis par les deux comités, car les militaires peuvent bénéficier de conseils éclairés, que le Comité pourra leur fournir, espérons-le.
    Merci.
    Me reste-t-il suffisamment de temps pour poser une autre question?
    Il vous reste 30 secondes.
    Très rapidement, que faudrait-il faire pour sensibiliser ceux qui s'engagent dans ce genre de culture masculine toxique? Comment pourrait-on leur apprendre à comprendre le traumatisme que subit une femme afin qu'ils ne répètent pas ce genre de délits?
    Très brièvement encore, on y a fait allusion précédemment. Le général Eyre a évoqué la phase d'écoute, et je suis légèrement en désaccord avec mon collègue. Cette phase a commencé l'été dernier, lorsque le mouvement Black Lives Matter a progressé. Je pense que les hauts dirigeants ont reconnu qu'ils n'avaient pas entendu des voix diverses et qu'ils n'avaient pas entendu les expériences de nombreux membres de l'armée.
    Je sais qu'ils cherchent maintenant à les rejoindre et à les écouter, y compris le Groupe consultatif de la Défense pour les femmes et d'autres. Je pense que des efforts supplémentaires doivent être déployés pour s'assurer qu'il y a un mécanisme constant pour recueillir les témoignages, afin que les hauts dirigeants puissent entendre notamment ceux qui n'ont pas de pouvoir au sein de l'institution. Ce serait une chose essentielle à assurer afin d'éviter à l'avenir que les dirigeants soient détachés de ce que certaines personnes vivent.
    Madame Vandenbeld, la parole est à vous pour les cinq dernières minutes.

  (1255)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Okros, je suis très heureuse que vous ayez parlé du genre de discussions qui ont lieu en ce moment — les consultations, les groupes consultatifs et les consultations avec les survivants et les personnes touchées aux plus hauts niveaux. Je sais que, dès le début, l'opération Honour n'était qu'un point de départ. C'est une série de choses en constante évolution, dans laquelle s'inscrit la publication récente de « La voie vers la dignité et le respect » sur le changement de culture.
    Nous avons entendu parler plus tôt aujourd'hui du projet de loi C-77, qui instaure une déclaration des droits des victimes. Nous avons également entendu parler d'un examen de tous les cas d'inconduite sexuelle non fondés qui ont été présentés et d'un certain nombre de choses différentes, dont la moindre n'est pas, bien sûr, le comité consultatif que le ministre vient de mettre sur pied pour examiner le racisme, la discrimination, le sexisme et toute autre forme de discrimination et de préjugés.
    Monsieur Okros, dans quelle mesure est-il important que ce soit un moyen en constante évolution de trouver des solutions? Je sais qu'on nous a dit que le ministre est tout à fait ouvert à la recherche d'autres solutions et d'autres processus, et qu'il est aussi ouvert, en fait, aux recommandations de ce comité, fondées sur la trentaine de témoignages et les 25 heures que nous avons consacrées à l'étude, ainsi qu'à celles du comité de la défense. Dans quelle mesure est-il important que ce processus soit en constante évolution?
    J'ai deux commentaires à formuler.
    Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est important, et je suis tout à fait d'accord sur l'évolution. L'un des défis de l'opération Honour était qu'il y avait une finalité. La société canadienne n'a jamais cessé d'évoluer et, par conséquent, les Forces armées canadiennes doivent continuellement évoluer. Je pense que ces processus seront utiles et nécessaires à l'avenir.
    L'autre commentaire que je ferais est que, bien qu'on s'efforce de rejoindre les gens, il faut, encore une fois, comprendre les conséquences du traumatisme sexuel militaire. Il faut comprendre qu'il y a encore des personnes qui ne sont pas capables ou désireuses ou en position de se manifester et de parler. Je pense qu'une partie de ce travail doit consister à rejoindre les organisations et les collègues avec lesquels ces personnes sont disposées à parler, afin qu'elles puissent faire entendre leur voix.
    Le dernier commentaire succinct que je ferai est que nous devons faire très attention aux personnes qui parlent au nom des autres. Je ne peux pas parler au nom des membres des forces armées, et je ne peux certainement pas parler au nom des femmes. Je pense que c'est préoccupant lorsque des personnes choisissent de parler au nom d'autres groupes.
    On se concentre beaucoup en ce moment sur les violences sexuelles vraiment flagrantes, les cas les plus connus, mais dans quelle mesure relèvent-elles de ce dont vous avez parlé, à savoir les signaux que les gens s'envoient les uns aux autres pour assurer leur pouvoir et la façon dont ils diminuent les autres en se servant du langage? Je l'ai aussi observé ici dans le contexte politique, où les gens me désignent dans les médias ou en public par mon prénom plutôt que par mon titre.
    De quelle manière devons-nous traiter ces types de signaux, ces manières inconscientes de désigner quelqu'un ou de diminuer son statut, afin d'être en mesure de prévenir ce type de comportement dès le départ?
    Encore une fois, je voudrais faire deux brefs commentaires.
    Cette démarche fait partie de la connaissance de soi et de la compréhension de soi. Je pense que plus nous pouvons prendre des mesures pour aider les gens... Je dois dire que je suis le meilleur exemple ici. Les vieux hommes blancs comme moi, en particulier, doivent vraiment ouvrir les yeux et commencer à apprendre. Nous devons également examiner les coutumes et les pratiques qui renforcent ces choses. On peut en observer un exemple simple dans ce comité. L'ordre des interventions et la durée des questions signalent une hiérarchie du pouvoir. Nous devons réfléchir au message qui est véhiculé. Qui est la personne la moins importante sur cet écran en ce moment? Quels sont les moyens par lesquels nous pouvons niveler ou aborder ces questions ou faire en sorte que ceux qui ont l'impression d'être les moins importants aient encore le pouvoir de s'exprimer et de dénoncer la situation?
    C'est complexe. Toutes les organisations, toutes les institutions, la pratiquent. Il faut des communications ouvertes. La chose la plus importante à laquelle je veux revenir est qu'il faut que les voix les plus faibles puissent être entendues le plus possible.
    C'est très profond.
    Enfin, quelle est l'urgence de la situation?
    C'est urgent. Des gens souffrent encore. Nous avons des membres en interne dans l'armée. On l'a dit. Ils ont perdu confiance. Il faut la rétablir de toute urgence. Les Canadiens doivent avoir confiance en leurs militaires. Ils doivent avoir la certitude que lorsque des jeunes femmes, des jeunes hommes et des personnes d'identités diverses choisissent de servir le Canada en uniforme, ils seront traités avec respect et auront de bonnes carrières, bien remplies et significatives. Il faut communiquer ce message efficacement.
    Merci.

  (1300)  

    C'est très bien dit.
    Je tiens à remercier nos deux témoins pour leur excellent témoignage aujourd'hui, et je tiens à assurer à tous les membres du Comité que vous êtes tous très importants et que vous aurez tous exactement le temps que vous méritez.
    Plaît-il aux membres du Comité de lever la séance?
    Puisque c'est le cas, la séance est levée. Nous nous verrons jeudi.
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