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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 026 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 avril 2021

[Enregistrement électronique]

  (1135)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous reprenons nos travaux.
    La 26e réunion du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes se poursuit en public. Nous étudions les mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la Défense Jonathan Vance.
    Je vous signale qu'il n'y aura pas de webdiffusion de la séance d'aujourd'hui. Elle ne sera diffusée qu'en audio.
    Allez-y, monsieur Bezan.
    Merci, madame la présidente.
    Il est malheureux que la séance ne soit pas webdiffusée, mais le débat, au moins, sera public.
    Je présente de nouveau ma motion, dans sa version amendée. J'en fais la lecture:
Que le Comité permanent de la défense nationale, dans le cadre de son étude des mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la Défense Jonathan Vance et l'amiral Art McDonald, convoque Elder Marques à témoigner, que le témoin comparaisse individuellement pendant au moins deux heures, que la réunion soit publique et télévisée, que le témoin comparaisse dans les sept jours suivant l'adoption de la présente motion et que la date du rapport ne soit pas modifiée.
    Madame la présidente, je vais parler de cette motion.
    Comme nous n'avons pas pu terminer notre débat vendredi, je ne cacherai pas mon dépit devant les bouffonneries des membres de l'opposition libérale. Je suis très déçu, madame la présidente, que vous ayez abusé de votre autorité en suspendant la séance sans consentement. Sur ce point, les règles sont très claires: il faut le consentement pour suspendre une séance. Nous en avons déjà discuté. Voilà la deuxième fois que vous suspendez une séance sans consentement. Je vous demande, madame la présidente, de respecter aujourd'hui les souhaits du Comité.
     J'ai déjà exercé la présidence du Comité, comme d'ailleurs d'autres membres. Je crois qu'il incombe d'abord et avant tout à la présidence d'un comité de respecter la liberté de parole de tous les députés, y compris ceux qui siègent aux comités. Il est affirmé très clairement, au chapitre 3 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e édition, que nous jouissons de privilèges spéciaux, dont la liberté de parole.
    Je me bornerai à dire, lorsqu'il s'agit de suspensions — et je sais que vous y avez eu très librement recours pendant notre débat de vendredi —, qu'elles ne devraient être prononcées que pour rétablir l'ordre au comité, non pour étouffer le débat. J'admets volontiers que vous devez suspendre la séance pour un vote à la Chambre, ce qui est pratique courante. Nous serions plutôt enclins à accepter les suspensions pour raison de santé, mais cela ne devrait s'appliquer éventuellement qu'aux interprètes et au personnel de soutien de la Chambre des communes.
    Nous savons qu'à notre réunion de vendredi, le sous-greffier de la Chambre des communes a avisé tous les bureaux de nos whips respectifs qu'une suspension d'une heure serait nécessaire vendredi soir, mais que les travaux pourraient reprendre par la suite. Je demande, madame la présidente, lorsque nous recevons de telles directives des greffiers de la Chambre des communes, surtout du sous-greffier, que nous fassions un effort pour poursuivre, plutôt que pour clore le débat parlementaire.
    Je dirai aussi que les longues manœuvres d'obstruction auxquelles se sont livrés les membres libéraux ont été des plus désolantes, surtout pour les femmes qui portent l'uniforme. Au cours de la fin de semaine, j'ai reçu de nombreux courriels — je sais que beaucoup d'entre vous en ont aussi reçus, puisqu'ils m'ont été transmis en copie — de la part de militaires actifs, qui étaient aussi dégoûtés du spectacle donné vendredi par les membres libéraux du Comité.
    Madame la présidente, j'invite tous les membres ici présents à garder présents à l'esprit, pendant ce débat, les femmes en uniforme, et les autres militaires aussi, puisque nous savons que des hommes ont également été victimes d'inconduite sexuelle. Au lieu d'essayer d'empêcher des témoins de comparaître pour faire la lumière sur ce qui s'est passé exactement, sur qui savait quoi et à quel moment, nous devrions peut-être penser à ces femmes et tâcher d'obtenir les réponses auxquelles elles ont droit. Nous pourrons alors revenir au rapport de notre étude.
    Nous ne voulons pas retarder la rédaction de ce rapport. La clameur de membres qui prétendent que les partis de l'opposition cherchent à retarder le rapport... Il ne s'agit pas du tout de cela. Il nous reste en ce moment un témoin à entendre, et nous voulons le faire comparaître devant le Comité. Les analystes ont entendu tous les autres témoignages et délibérations et peuvent facilement rédiger le rapport avant la comparution de ce dernier témoin. Son témoignage pourra aisément être intégré au rapport.

  (1140)  

    Même si les membres libéraux y vont actuellement d'une pléthore de recommandations, nous savons qu'il faudra un certain temps pour discuter de la teneur du rapport et en arriver à un consensus. J'espère qu'à la fin de cette étude, nous aurons un consensus. Mais il se peut que nous soyons en train de constater que les libéraux ont déjà rédigé un rapport dissident et qu'ils ont leurs recommandations tout prêtes?
    Madame la présidente, je vous demande simplement de respecter chacun d'entre nous en tant que membres du Comité et de ne pas nous imposer des interruptions comme nous avons eu vendredi, lorsque votre décision a été cassée. Je demande que nos processus et procédures parlementaires, bien établis et enracinés dans l'histoire, soient bien appliqués et ne servent pas abusivement à nous empêcher pas de parler au nom de nos électeurs, de nous exprimer en tant que députés et de défendre la liberté d'expression.
    Merci de votre attention.
    Merci, monsieur Bezan.
    Il me semble que M. Baker est le prochain intervenant.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mon intervention porte sur la motion de M. Bezan.
    Je suis d'avis que nous ne…
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Allez-y, madame Gallant, et abstenez-vous, je vous prie, de pointer du doigt les autres membres du Comité.
    Je suis vraiment désolée.
    Oui, c'est à moi que vous devriez vous adresser.
    Je pensais que vous ne pouviez pas voir que j'essayais d'attirer votre attention.
    J'avais remarqué que Mme Alleslev avait levé la main, et on pourrait penser, avec deux greffiers ici, que la liste des intervenants serait bien tenue.
    Madame Gallant, s'il vous plaît. Les greffiers suivent l'ordre de la liste. Ils ne donnent préférence à personne. Nous voulions simplement nous assurer que la liste était exacte. Ce que je voyais à mon écran était différent de ce qui apparaissait à l'écran commun, et nous devions donc nous assurer que tout était dans le bon ordre. Je n'ai pas exactement la même image que vous à l'écran, mais si vous vous reportez à la liste des participants, du côté droit, vous verrez qu'elle montre exactement qui a levé la main et à quel moment. Par ailleurs, si nous nous étions réunis en personne, j'aurais pu, en effet, ne pas vous voir et ne pas suivre exactement l'ordre des interventions. Cependant, à l'écran, la fonction d'horodatage fait que la première personne à lever la main figure en tête de liste.
    Dans une réunion où les gens assistent en personne, je suppose qu'une telle erreur peut se produire, mais quand on utilise des moyens technologiques, le risque est beaucoup moindre.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Baker.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je disais que mon intervention porte sur la motion de M. Bezan.
    Je suis d'avis que nous n'avons pas besoin d'autres témoignages dans le cadre de cette étude parce que nous avons déjà entendu un grand nombre de témoins qui ont formulé des recommandations qui, je crois, sont très utiles à l'étude. M. Bezan en a parlé dans ses remarques liminaires. Beaucoup de témoins ont fait mention du rapport Deschamps. Je pense qu'il importe, bien sûr, de tenir compte de ce que les témoins nous ont dit dans le cadre de cette étude, mais je crois aussi qu'il ne faut pas perdre du vue tout le travail qui a été fait avant que le Comité entreprenne son étude.
    Je tiens à rappeler aux membres le contenu de ce rapport. L'un des points qui est revenu souvent au cours des témoignages devant le Comité, c'est la culture militaire. L'une des sections du rapport Deschamps portait justement sur ce sujet.
    J'aimerais vous en lire un extrait, car il est important de bien savoir ce qui a déjà été étudié et déjà recommandé. À mes yeux, cela montre pourquoi nous n'avons pas besoin d'entendre d'autres témoins.
    On lit, à la section 4 du rapport:
[...] le présent rapport ne cherche pas à saisir tous les aspects de la culture ou des nombreuses sous-cultures des FAC, la REE a constaté que certaines attentes et certains comportements culturels sont directement liés à la prédominance des comportements sexuels inappropriés au sein de l'organisation. Ainsi, toute discussion sur les causes et les conséquences du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans les FAC, de même que sur l'efficacité des politiques et des pratiques actuelles, doit commencer par un examen des normes culturelles sous-jacentes qui influencent la manière dont les militaires agissent entre eux, et ce qu'ils perçoivent comme une conduite acceptable.
    C'est ce que nous ont dit bon nombre des témoins qui ont comparu devant nous et qui ont parlé si souvent de culture. Je poursuis:
Selon Servir avec honneur : la profession des armes au Canada, publié une première fois par le CEMD en 2003 et révisé en 2009, « [l]'éthos militaire est [...]le fondement de la légitimité, de l'efficacité et de l'honneur des Forces canadiennes. » Parmi ses autres objectifs, l'éthos militaire « vise à établir la confiance qui doit exister entre les Forces canadiennes et la société canadienne; orienter le perfectionnement des [dirigeants] militaires qui doivent donner l'exemple de l'éthos militaire dans leurs actions quotidiennes; [...] [et] permettre l'autoréglementation professionnelle au sein des Forces canadiennes. » L'éthos militaire est alors essentiel pour créer et maintenir un degré élevé de professionnalisme au sein de l'organisation, et sous-tend le droit des FAC de s'autoréglementer au moyen d‘un système de justice militaire indépendant. C'est « le fondement de la légitimité, de l'efficacité et de l'honneur des Forces canadiennes ».
Le concept de l'éthos militaire prend appui sur le respect des valeurs qui sont protégées par la Charte canadienne des droits et libertés, et comprend le droit à la dignité et à la sécurité de la personne. Plus précisément, la DOAD 7023-0 Éthique de la défense souligne que le public canadien s'attend aux plus hautes normes de la part des militaires :
« Le MDN et les FAC font partie intégrante de la société démocratique canadienne et doivent en refléter les valeurs. Une culture de l'éthique robuste et dynamique est essentielle à l'efficacité du MDN et des FAC. De par sa nature, la défense nationale implique la possibilité de recourir à la force en réaction à toute la gamme de défis en matière de défense et de sécurité. Les Canadiens s'attendent donc à ce que les employés du MDN et les militaires remplissent toujours leurs fonctions en respectant les normes d'éthique les plus élevées. »
    Ce que je viens de vous lire est, il me semble, l'une des questions sur laquelle a porté notre discussion vendredi. Nous avons certainement discuté, au cours du débat et des audiences antérieures du Comité sur notre étude, de cette question — l'importance du fait que les Forces canadiennes reflètent les valeurs —, qui a été abordée dans le passage du rapport Deschamps que je viens de vous lire.

  (1145)  

    Il importe également, à mon avis, que les Forces canadiennes reflètent la société canadienne, tant sur le plan des valeurs que dans sa composition. L'une des choses dont nous avons beaucoup entendu parler, je crois, c'est le poids que cela peut avoir et la nécessité de s'assurer, en particulier dans le contexte de cette étude, que les femmes sont accueillies dans les Forces canadiennes et qu'elles y sont traitées avec le respect qu'elles méritent.
    Nous avons discuté de toute une série... Mes collègues se souviendront des discussions que nous avons eues et des témoins qui ont parlé des moyens à prendre pour faire en sorte que les femmes sont traitées de façon égale, puisque la plupart d'entre elles, dans la majorité des cas — peut-être pas toutes, mais la plupart — exercent des rôles traditionnellement réservés aux hommes. Les Forces canadiennes doivent mieux s'adapter et s'assurer que les femmes sont bien intégrées.
    Je pense que cela met bien en lumière certaines des choses que nous avons entendues de la part de certains témoins. Je poursuis:
Les dirigeants apprennent que le respect de la dignité des autres l'emporte sur tous les autres principes éthiques :
    En voici certains éléments:
« L'Énoncé d'éthique de la Défense comprend trois principes qui sont représentés par ordre d'importance, ce qui signifie qu'en temps normal, le premier a préséance sur le deuxième qui a préséance sur le troisième :
Respecter la dignité de toutes les personnes;
Servir le Canada avant soi-même;
Obéir à l'autorité légale et l'appuyer. »
Par ailleurs, les militaires appartiennent à la « profession des armes ». Le professionnalisme et l'éthos militaire sont deux concepts liés :
« La compréhension de la nature du professionnalisme militaire, de son rapport avec l'éthos militaire, ainsi que du rôle institutionnel capital des Forces canadiennes est cruciale pour combattre avec efficacité et pour rassurer les Canadiens, qui font confiance aux militaires professionnels pour défendre le pays avec honneur. Cela suppose le respect des normes les plus élevées de professionnalisme et une pleine conscience des obligations inhérentes au service militaire. »
Pour satisfaire aux attentes élevées du public canadien, les militaires :
« ont la responsabilité particulière de remplir leur fonction avec compétence et objectivité dans l'intérêt de la société. Ces professionnels sont régis par un code de déontologie qui établit des normes de conduite tout en définissant et réglementant leur travail. Ce code, dont les professionnels assurent eux-mêmes le respect, regroupe des valeurs reconnues comme légitimes par l'ensemble de la société. »
Le public canadien a accordé aux FAC le droit de s'autogouverner.
    Je pense que nous avons entendu parler de cette question d'autoréglementation dans un certain nombre de contextes différents tout au long de cette étude. Je pense donc qu'il est important de souligner ce point, comme l'ont fait certains témoins. Je poursuis:
À certains égards, ce droit est lié au fait que les Canadiens attendent des militaires qu'ils respectent des normes plus élevées de conduite que les Canadiens ordinaires, à cause du rôle unique que jouent les FAC dans la société canadienne et à l'étranger. Par conséquent, l'établissement d'un système de justice militaire, distinct du système de justice qui régit la conduite des Canadiens ordinaires, est motivé par l'obligation de faire respecter ces normes plus élevées. Comme l'a exprimé le juge Lamer dans l'affaire R. c. Généreux :
« Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. »
    Je pense que ce point est très pertinent. Je crois que certains témoins en ont fait mention. C'est un aspect intéressant sur lequel, il me semble, nous devons réfléchir: le rôle de la justice militaire et la façon de s'assurer que les victimes obtiennent justice. Comme le rappelle le rapport Deschamps, il existe un système de justice militaire distinct. Je sais que c'est une question qui intéresse particulièrement M. Bezan et que nous allons étudier. Je crois que c'est la prochaine question à étudier, si je ne m'abuse. J'espère que cela cadre bien avec le travail que nous avons fait ici, mais cette partie du rapport traite aussi de certaines des raisons pour lesquelles le système de justice militaire existe. Je pense qu'il est important de le souligner:
La Loi sur la défense nationale comprend le Code de discipline militaire (CDM) des FAC, le fondement légal sur lequel repose le système de justice militaire. De plus, des politiques sur les mesures administratives et correctives procurent aux dirigeants des FAC des outils précis pour intervenir afin d'assurer la conformité aux normes plus élevées. Là encore, comme on l'inculque à ces dirigeants :
« une autoréglementation efficace…

  (1150)  

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
… est nécessaire au maintien de la confiance du gouvernement et de la société au service desquels se trouve la force armée. »
    Allez-y, madame Gallant.
    Madame la présidente, j'ai invoqué le Règlement parce que M. Baker revient sur ce que nous avons déjà entendu au Comité. Je demande respectueusement que nous passions au vote ou peut-être à l'intervention de Mme Alleslev.
    Madame la présidente, je lui demanderais de trouver dans les bleus où il y a répétition parce que je ne suis pas du tout d'avis qu'il se répétait. Si vous pouviez nous indiquer où cela se trouve dans les bleus, ce serait très utile.
    C'est une question de pertinence.

  (1155)  

    En fait, c'est pertinent. Je suis en train de prendre des notes. Il y rappelle des choses dont je n'ai pas entendu parler depuis des années, et ce sont des principes très importants.
    Poursuivez, monsieur Baker.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à souligner que j'ai commencé en expliquant — j'ai essayé de le souligner — que non seulement c'est pertinent pour l'étude, mais que ce sont des points que nous avons entendus dans certains témoignages. J'essaie d'expliquer pourquoi je pense que nous n'avons pas besoin d'entendre de nouveaux témoins, en regard de ce que nous avons déjà entendu et du fait que ce que nous avons déjà entendu de la part de témoins se rattache à tout un ensemble de travaux antérieurs, dont le rapport Deschamps est une pièce majeure. Au cas où il y aurait un autre son de cloche sur les motifs que j'ai à en parler, voilà pourquoi.
    Je vais revenir un peu en arrière, question de m'assurer de n'avoir rien oublié. Voici ce que je lisais:
La Loi sur la défense nationale comprend le Code de discipline militaire (CDM) des FAC, le fondement légal sur lequel repose le système de justice militaire. De plus, des politiques sur les mesures administratives et correctives procurent aux dirigeants des FAC des outils précis pour intervenir afin d'assurer la conformité aux normes plus élevées. Là encore, comme on l'inculque à ces dirigeants :
« une autoréglementation efficace est nécessaire au…
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Merci, madame la présidente, d'avoir accepté mon rappel au Règlement. Nous débattons maintenant d'une motion et non de l'examen du rapport proposé. Nous semblons nous être engagés dans une discussion sur le rapport dont nous serons saisis, mais ce dont nous voulons débattre, c'est de la pertinence d'avoir... En fait, nous aimerions passer directement à la motion et voter sur la question de savoir si le témoin comparaîtra comme nous l'avons demandé.
    Je vous remercie, madame Gallant, mais il y a cinq autres personnes qui ont la main levée.
    Si vous voulez bien conclure, monsieur Baker, nous allons céder la parole à quelqu'un d'autre.
    Merci.
    D'accord. Alors madame la présidente, je vais finir ce que j'essayais d'expliquer pour souligner ce point important. En fait, je suis sur le point de conclure, alors je vais simplement lire mes dernières phrases.
Par conséquent, les dirigeants des Forces armées canadiennes (FAC) ont la responsabilité importante de veiller à ce que les membres soient traités avec dignité et de maintenir une norme de conduite professionnelle qui respecte la dignité de toutes les personnes. Ce n'est qu'en appliquant efficacement cette autoréglementation que les Forces pourront conserver la confiance du public.
     Je pense que ce point reprend ce que bon nombre de nos témoins nous ont dit, c'est-à-dire qu'il est important de maintenir l'autoréglementation suggérée dans le rapport Deschamps non seulement pour nous assurer que nous réglementons ces comportements et que l'inconduite est traitée de la manière qui convient, mais aussi pour maintenir la confiance du public canadien et, je dirais, la confiance des membres des FAC. Nos témoins nous en ont beaucoup parlé.
Malheureusement, il est ressorti des consultations que dans le cas des comportements sexuels inappropriés, la culture des Forces armées sur le terrain n'est pas, à bien des égards, à la hauteur des normes professionnelles établies par les politiques et décrites dans Servir avec honneur. La responsable de l'examen externe a plutôt observé un écart important entre l'aspiration des membres de l'Armée à incarner une éthique militaire professionnelle qui englobe le respect de la dignité de toutes les personnes, et la réalité vécue quotidiennement par de nombreux membres des FAC.
     Je vais donc conclure sur ce point extrêmement important, monsieur le président.
    Comme je viens de le dire, de nombreux membres des Forces armées ressentent un écart profond entre le désir de respecter des normes élevées et la vie réelle, et à mon avis, il faut combler cet écart. Plusieurs membres des FAC nous l'ont dit.
    Je tenais à souligner ces enjeux, madame la présidente, parce que, je le répète, nous avons entendus des témoins nous le dire dans une certaine mesure tout au long de cette étude. À mon avis, cela indique qu'il ne sera pas nécessaire d'entendre d'autres témoins. Sur ce, je cède la parole au prochain collègue.
    Merci.
     Merci, monsieur Baker.
    Madame Alleslev, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    C'est très déconcertant. Je n'ai pas besoin de rappeler à tous les membres du Comité que dans nos fonctions de représentants élus, nous devons faire preuve de loyauté envers notre pays avant tout, et cela avant notre parti et avant les gens. Nous sommes ici pour agir dans l'intérêt du pays.
    Madame la présidente, comme moi, vous avez prêté serment. Nous avons juré de servir et de défendre notre pays et les valeurs qu'il soutient. Notre armée défend ces valeurs, mais nous devons aussi les incarner.
    J'aimerais vous rappeler, madame la présidente, le libellé de notre parchemin de commission qui nous exhorte à inspirer confiance et à faire preuve de loyauté, de courage et d'intégrité. Madame la présidente, vous n'avez jamais manqué à ce serment.
    Les Canadiens comptent sur vous. Les hommes et les femmes en uniforme comptent sur vous pour montrer l'exemple et pour servir votre pays, votre comité et le Parlement avant vous-même.

  (1200)  

    J'invoque le Règlement, madame la présidente. À titre de distingués membres du Comité, nous ne remettons pas en cause l'intégrité de nos collègues. Mme Alleslev n'est pas loin de le faire dans ces remarques, et je lui demanderais de bien vouloir traiter tous nos collègues avec respect, dignité et intégrité.
    Poursuivez, madame Alleslev.
     Merci beaucoup.
    Je rappelle aux membres du Comité que cette présidente, à titre d'officier commissionné et de députée élue, ainsi que tous les autres députés, doivent faire passer leur pays avant leurs intérêts personnels.
    Ce n'est pas ce qui s'est produit. Madame la présidente, à la suite des mesures prises vendredi dernier, une motion a été présentée pour entendre un autre témoin, et vous l'avez jugée irrecevable. En réalité, il ne fait aucun doute que cette motion n'était pas irrecevable, parce qu'elle présentait simplement ce que nous allions étudier. Nous aurions présenté nos recommandations vendredi au plus tard, et nous aurions terminé le rapport de cette étude à une date ultérieure. La motion n'indique pas du tout que nous ne pourrions pas convoquer d'autres témoins. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un nouveau témoin. C'est une personne que nous essayons d'inviter à comparaître devant le Comité depuis le 8 mars.
    Nous avons contesté votre décision, et elle a été annulée, madame la présidente. De ce fait, vous avez suspendu la séance du Comité pendant 80 minutes pour nous punir d'avoir présenté cette motion sans donner un préavis de 48 heures, alors qu'en fait, nous respections le protocole; les motions que nous présentons sont généralement acceptées, car rien ne nous empêche de le faire. Votre devoir, madame la présidente, si j'ai bien compris, est de faciliter le processus de façon juste et honorable et non de punir les députés qui siègent au Comité.
    Ensuite, vous n'avez pas surveillé la pertinence des propos du débat et vous avez laissé les intervenants répéter sans cesse les mêmes arguments.
    Si la motion dont nous sommes saisis vise à faire comparaître un témoin en particulier, Elder Marques, alors le débat devrait porter sur cette question et non sur la question de savoir si nous avons suffisamment de recommandations pour ne plus avoir à l'entendre. Nous ne savons pas ce que les témoins nous diront tant que nous ne les écoutons pas. Il est inadmissible que notre débat porte sur le fait que nous avons tellement d'autres renseignements, qui ne concorderont peut-être même pas avec ce que le témoin va dire, que nous n'avons plus besoin de l'entendre.
    Nous comptons sur vous, madame la présidente, pour respecter la volonté de tout le Comité et pas uniquement celle de quelques députés libéraux. Il était clair vendredi que la volonté du Comité n'était pas de lever la séance, et madame la présidente, vous n'aviez pas la volonté du Comité de lever la séance. Il est clair que le Comité voulait mettre aux voix cette motion essentielle avant de lever la séance.
    Cette motion ne porte pas sur une simple procédure. Elle est d'une importance capitale. Ce comité est en fait notre dernière ligne d'attaque pour enquêter à fond les incidents d'inconduite sexuelle, d'abus de pouvoir, de harcèlement et de discrimination dans l'une des institutions les plus importantes de notre pays, les Forces armées canadiennes.
    Les témoins nous ont parlé des échecs continuels du processus. Nous ne savons toujours pas comment un chef d'état-major de la Défense peut demeurer en poste pendant trois ans sous des allégations d'inconduite sexuelle non résolues, ni pourquoi aucun examen de sécurité n'a été effectué. Il a également reçu sa rémunération à risque, une augmentation de salaire, et on l'a laissé devenir le chef d'état-major de la Défense qui a servi plus longtemps que tous les autres.
    Cette motion demande que nous entendions le témoignage d'une personne qui siégeait au Cabinet du premier ministre. Nous ne pourrons évaluer la responsabilité ministérielle que lorsque nous saurons qui savait quoi, et quand. Nous ne pouvons pas simplement croire le ministre de la Défense nationale sur parole, et le ministre de la Défense nationale nous a dit qu'il n'en savait rien. Il l'a dit à son chef de cabinet et il pense que ce dernier l'a dit à Elder Marques.

  (1205)  

     Nous ne savons pas à qui Elder Marques a dit cela, mais il est très important qu'il nous le dise, parce que le greffier du Conseil privé nous a dit qu'un plan avait été présenté au premier ministre pour retirer le chef d'état-major de son poste afin de nommer un nouveau chef d'état-major avant les élections.
    Cependant, pour une raison quelconque, cela ne s'est pas produit, et comme je l'ai dit, il a reçu sa rémunération au rendement à risque et une augmentation de salaire. Son mandat s'est prolongé, et il est devenu le chef d'état-major qui a servi le plus longtemps de tous. Comment cela a-t-il pu se produire, alors qu'il faisait face à des allégations non résolues d'inconduite sexuelle, lui, le plus haut fonctionnaire du pays?
    Nous sommes la dernière ligne de défense. Notre travail ne sera pas terminé tant que nous ne saurons pas exactement ce qu'Elder Marques, qui siégeait au Cabinet du premier ministre, savait, à qui il a parlé de cela et comment cela s'est produit.
    Oui, nous sommes responsables de corriger les processus, et nous avons entendu beaucoup de recommandations sur les processus, mais il ne s'agit pas seulement d'un processus. Il s'agit de savoir si les personnes qui occupent des postes essentiels ont suivi ces processus. Quand les gens ne font pas le travail qu'on leur a confié, nous devons déterminer comment réparer le système ou comment tenir ces gens responsables afin que cela ne se reproduise plus. Par conséquent, il est inadmissible que le gouvernement affirme que nous n'avons pas besoin d'entendre d'autres témoignages.
    Je le répète, il revient au Comité de prendre cette décision, et la volonté du Comité est d'entendre ce témoin essentiel. Nous ne pourrons apporter aucun changement si les personnes qui ont le pouvoir et la responsabilité de le faire n'agissent pas ou si elles entravent le processus en empêchant que des témoins présentent des renseignements cruciaux.
    Vous, madame la présidente, après ce que vous avez fait vendredi, êtes complice pour avoir empêché le Comité de faire ce qu'il voulait faire. Nous vous implorons donc de vous saisir des pouvoirs qui vous sont conférés et, avec loyauté envers notre pays et avec intégrité, d'avoir le courage de faire ce qu'il convient de faire — et non de choisir la solution de facilité — dans l'intérêt supérieur du pays, de la primauté du droit, de notre démocratie et de notre responsabilité sacrée envers nos concitoyens et nos concitoyennes des Forces armées canadiennes. Nous vous demandons de nous permettre de les honorer et de lutter pour qu'ils soient traités équitablement et qu'ils puissent servir sans subir de harcèlement et de discrimination.
    Nous ne pourrons accomplir notre travail de comité, assumer nos responsabilités de dernière ligne de défense, que si nous entendons le témoignage crucial d'Elder Marques et seulement si vous accédez de façon équitable, procédurale, ouverte et honnête à la volonté du Comité et dans l'intérêt supérieur de notre pays avant tout.
    Merci beaucoup.
    Bravo, bravo!
    Merci, madame Alleslev.
     Monsieur Spengemann, vous avez la parole.
    Madame la présidente, merci beaucoup.
    Bonjour, chers collègues, ou bon après-midi. Je suis heureux d'être de retour pour discuter de ce grave problème.
    Je dirai d'entrée de jeu que cette motion peut faire l'objet d'un débat et que les députés sont libres d'exprimer leur accord ou leur désaccord. J'invite mes collègues à ne pas sauter à des conclusions sur la volonté du Comité avant que nous ayons réglé ce problème. Je remercie mes collègues d'en face pour leurs observations.

  (1210)  

    Alors, mettons la question aux voix.
     Je suis désolé. Je crois que j'ai la parole, madame Alleslev. Merci de vos commentaires de tout à l'heure.
    J'essaie de dire que les députés sont libres d'exprimer leur désaccord, mais pas nécessairement pour souligner un aspect ou un angle particulier qu'ils retiennent dans cette motion. Ils devraient débattre d'une autre solution que le Comité pourrait adopter pour respecter la motion présentée. Cette motion vise à faire comparaître un certain témoin. L'autre solution serait peut-être de mener une discussion plus approfondie sur les recommandations découlant d'autres témoignages que le Comité a déjà entendus.
    Je pense que tous ces arguments, madame la présidente, — et je vous implore d'adopter mon point de vue —, seraient tout aussi légitimes que ceux que Mme Alleslev vient de soutenir.
    Chers collègues, je vous ramène aux remarques liminaires de mon collègue, M. Bezan. Il a insisté sur le fait que nous devrions avoir la liberté d'expression et que nous devrions encourager le débat au lieu de le clore. Cela s'applique également à la discussion que nous avons aujourd'hui.
    Madame la présidente, j'aimerais revenir sur le rapport Deschamps, et d'autres collègues voudront aussi présenter des commentaires à ce sujet. C'est l'un des rapports fondamentaux sur ce problème. Il a été publié il y a un certain nombre d'années. Ce rapport de la responsable de l'examen externe, comme on l'appelle aussi, date de 2015. Le pire qui puisse arriver à ce rapport est qu'on le relègue dans un tiroir physique ou virtuel, ou qu'il soit reconnu au moment de sa publication, mais qu'on n'en discute pas, ou encore que l'on n'en débatte pas ou qu'une fois de plus, on n'en applique pas les recommandations. Je pense que c'est la raison pour laquelle il est important que le Comité se renseigne sur les recommandations et sur les opinions formulées dans ce rapport et, en fait, dans un certain nombre d'autres rapports publiés au Canada et ailleurs dans le monde.
    Madame la présidente, j'aimerais dès le début de la discussion de cet après-midi présenter les 10 recommandations du rapport Deschamps qui reflètent vraiment ce que la responsable de l'examen externe suggérait aux Canadiens, puis inviter nos collègues de tous les partis à y réfléchir et à voir comment nous pourrons les intégrer dans notre étude.
    Voici la première recommandation du rapport Deschamps:
Reconnaître que les comportements sexuels inappropriés constituent un problème grave dans les FAC et s'engager à s'y attaquer.
    Pour notre comité, il s'agirait simplement d'accepter, de reconnaître et d'appliquer cette première recommandation. Ce problème très grave existe encore aujourd'hui, en 2021, dans les Forces canadiennes, particulièrement dans le cas de l'ancien chef d'état-major de la Défense.
    Madame la présidente, la deuxième recommandation de Mme Deschamps est la suivante:
Établir une stratégie qui produira un changement de culture afin d'éliminer le climat de sexualisation et de mieux intégrer les femmes et qui comportera une analyse des politiques des FAC pour s'assurer qu'elles sont inclusives.
    Les analyses comparatives entre les sexes et l'ACS+, comme on les appelle dans l'ensemble de la fonction publique, sont les pierres angulaires de l'engagement du Canada envers l'égalité entre les sexes. Mme Deschamps demande essentiellement au Comité de réfléchir à la façon de mettre en œuvre ce genre d'approche afin de modifier la structure même des Forces canadiennes, ce qui permettra d'en changer la culture.
    J'aimerais encore une fois attirer l'attention de mes collègues sur l'ouverture d'esprit de l'actuel ministre de la Défense nationale face à ce travail. Il a affirmé que nous devons effectuer un changement culturel complet et total et que le temps de prendre patience est terminé. Nous devons franchir cette porte. Nous avons la capacité d'appliquer cette recommandation et de suggérer les détails des changements à apporter pour faire progresser les Forces canadiennes. À mon avis, les membres du Comité se doivent d'accomplir ce travail en plus de la discussion que nous avons tenue sur la comparution des témoins.
    La troisième recommandation est la suivante:
Créer un centre indépendant de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle à l'extérieur des FAC qui aura la responsabilité de recevoir les signalements de comportements sexuels inappropriés, de mener les activités de prévention, de coordonner et de surveiller la formation, de faire de la recherche, de fournir le soutien aux victimes, de faire le suivi de la responsabilisation, et d'agir comme autorité centrale pour la collecte de données.
    Nous avons aussi entendu des témoignages liés à cette recommandation. On a mis sur pied le CIIS, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle. Notre travail de parlementaires représentant tous les partis consiste maintenant appliquer ces recommandations au contexte de 2021 et à accepter l'invitation du ministre de faire tout ce qu'il faut pour changer la culture des Forces canadiennes.
    La quatrième recommandation de la juge Deschamps est la suivante:
Permettre aux militaires de signaler les incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle au centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle ou de simplement demander des services de soutien sans être tenus de porter plainte officiellement.
     La sensibilité à la volonté des victimes et des survivants a été au centre de nos délibérations. Encore une fois, voici une recommandation qui va exactement dans ce sens.

  (1215)  

    Voici la recommandation cinq du rapport:
Avec le concours du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle:
    Suivent un certain nombre de points.
Élaborer une définition simple et large du harcèlement sexuel qui englobe toutes les dimensions des relations entre les militaires au sein des FAC.
Élaborer une définition du terme relation personnelle préjudiciable qui traite efficacement des relations entre personnes de différents grades...
Il est beaucoup question de la différence entre les niveaux d'autorité et de son importance.
... et qui comporte une présomption de relation personnelle préjudiciable applicable lorsque les personnes en cause détiennent des grades différents, à moins qu'elles aient divulgué leur relation de manière adéquate.
    C'est un point extrêmement pertinent et saisissant qui mérite l'attention du Comité au moment où il rédige l'ébauche de son rapport. La recommandation se poursuit ainsi:
Définir l'agression sexuelle dans la politique comme étant un attouchement de nature sexuelle, intentionnel non consensuel.
    Il s'agit là d'une recommandation très claire concernant la définition. Le Comité voudra peut-être l'adopter, la nuancer ou la modifier, comme il le juge approprié. Et voici la suite:
Fournir du soutien sur l'exigence du consentement, spécifiquement sur l'impact de certains facteurs sur le consentement véritable, comme l'intoxication, la différence de grade et la chaîne de consentement.
    Et voici la recommandation six du rapport:
Avec le concours du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, élaborer une approche unifiée portant sur les comportements sexuels inappropriés et inclure dans une seule politique rédigée en langage clair autant d’aspects des comportements sexuels interdits que possible.
    La dernière partie dit que la politique doit être accessible aux membres des Forces canadiennes de tous les niveaux d'expérience et de tous les grades.
    Et voici la recommandation sept:
Simplifier le processus de traitement des plaintes de harcèlement, notamment:
Transmettre les plaintes officielles aux cmdt, qui agissent comme arbitres des griefs.
Réduire l'importance accordée au MARC.
    La recommandation huit se lit ainsi:
Permettre aux victimes d’agression sexuelle de demander, avec le soutien du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, le transfert de leur plainte aux autorités civiles; le cas échéant, fournir aux victimes les raisons pour lesquelles le transfert est refusé.
    L'obligation de fournir les motifs est l'un des meilleurs outils de reddition de comptes. Une décision peut toujours être contestée, voire rejetée, mais les motifs nous maintiennent dans la sphère de l'administration de la justice parce qu'ils permettront de démontrer clairement pourquoi et comment la décision a été prise, comme le ferait n'importe quel juge dans le cadre de ses délibérations.
    J'ai presque terminé. Voici maintenant la recommandation neuf:
Confier au centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle la responsabilité d’assurer, de coordonner et de surveiller le soutien aux victimes, y compris la responsabilité d’agir comme défenseur des victimes engagées dans le processus de plainte ou d’enquête.
    Et enfin, la recommandation dix:
Confier au centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle la responsabilité d’élaborer, de concert avec d’autres experts en la matière des FAC, le programme de formation et la responsabilité principale d’assurer le suivi de la formation sur toutes les questions qui ont trait à la conduite sexuelle inconvenante.
    Ce sont là les 10 recommandations qui sous-tendent le rapport Deschamps, ou de la responsable de l'examen externe. Les collègues auront la latitude de commenter ou de préciser certaines parties de ce rapport présenté par la juge Deschamps.
    Je voulais simplement faire remarquer au Comité, une fois encore, que beaucoup de travail a été fait ici au Canada et ailleurs dans le monde. J'aurai peut-être l'occasion, dans de prochaines interventions, d'attirer l'attention du Comité sur une partie de ce travail.
    Ce travail nous amène là où nous devons aller, du moins vers des recommandations détaillées et des changements institutionnels qui sont recommandés notamment par l'OTAN, le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées et d'autres institutions qui ont déjà consacré beaucoup d'énergie à ces questions.
    Le Comité doit les examiner assez rapidement parce que nous sommes en train de rédiger notre rapport. Là encore, cela nous ramène à la motion originale et à mon évaluation de ce que le Comité pourrait et devrait faire, au lieu de partir à la chasse à de nouveaux témoins.
    Il y a vraiment des choses qui risquent de tomber dans l'oubli si nous nous plions dans une trop grande mesure aux arguments présentés par nos collègues conservateurs.
    Je vous remercie.
    Très bien. Merci beaucoup, monsieur Spengemann.
    Monsieur Barsalou-Duval, vous avez la parole, je vous en prie.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    J'ai écouté attentivement les propos de mes collègues. En toute transparence, je dois avouer que j'étais moins intéressé par ceux qui s'étaient prolongés et qui n'amenaient pas d'éléments nouveaux. Il y a eu beaucoup d'interventions qui, à mon avis, ont été faites plutôt dans l'objectif de meubler le temps du Comité que dans l'objectif de nourrir les débats et d'en arriver à une décision.
    Pour ma part, je tenais à avoir l'occasion de m'exprimer sur la motion qui est déposée aujourd'hui. Je pense que ce dont nous débattons en ce moment est quand même très important.
    Il y a plus d'une semaine, la partie gouvernementale avait sollicité notre collaboration, en nous disant qu'il serait important d'en arriver à produire un rapport pour qu'il y ait une suite aux travaux du Comité. Elle voulait que les victimes constatent que, au bout du compte, tout cela ne sera pas resté lettre morte, qu'il y aura des suites à cela. Elle voulait également que le gouvernement ait des pistes d'action, qu'on lui dise ce qu'il devrait faire et qu'on lui montre la direction à prendre.
    Nous avons été très sympathiques à cette idée. Nous trouvions qu'il était important qu'un rapport soit dressé par le Comité. C'est pour cette raison qu'à ce moment-là, nous avions voté en faveur de la motion. Nous voulions qu'un rapport soit produit par le Comité.
    Cependant, l'intention derrière cela n'a jamais été d'empêcher des témoins de comparaître devant le Comité, particulièrement des témoins importants comme M. Elder Marques. D'ailleurs, je tiens à souligner que, au moment où nous avons adopté ladite motion pour que le Comité en arrive à un rapport, il était encore possible que M. Marques comparaisse le vendredi.
    Malheureusement, nous avons constaté qu'il ne s'est pas présenté et je pense que la motion de mon collègue conservateur M. Bezan est devenue d'autant plus importante à partir de ce moment-là, c'est-à-dire vendredi dernier.
    Je suis très heureux qu'on ait tenu compte de notre volonté en acceptant l'amendement qui a été proposé afin que les travaux sur le rapport ne soient pas retardés en attendant la comparution de M. Marques, que nous espérons encore, puisqu'elle s'impose, selon nous.
    Je pense qu'avec cela, nous avons le meilleur des deux mondes. Nous avons la comparution d'un témoin très important, très attendu et qui a sûrement des choses importantes à nous dire. Sinon, j'ai de la difficulté à m'expliquer pourquoi il y aurait eu tant d'opposition à sa comparution de la part de la partie gouvernementale.
    D'ailleurs, j'étais un peu surpris qu'il y ait autant d'opposition à la présence de M. Marquez devant ce comité, parce que le gouvernement nous dit qu'il veut aller au fond de l'affaire, qu'il veut régler le problème et qu'il veut travailler pour les victimes. Nous serions portés à le croire, mais c'est surprenant quand on voit qu'on essaie d'empêcher des témoins clés de comparaître devant le Comité. On finit par se demander si, plutôt que de protéger les victimes, il ne cherche pas davantage à se protéger lui-même.
    J'espère que ce n'est pas le cas, parce que d'une part, cela serait irresponsable de la part du gouvernement et, d'autre part, cela serait déshonorant. Le gouvernement a la responsabilité de veiller à la justice et de voir à ce que les travaux se déroulent dans la transparence. Il doit aussi rendre des comptes à la population. Il ne doit pas faire entrave aux travaux du Comité.
    Le gouvernement répète lui-même que les comités sont indépendants du gouvernement. J'imagine qu'au-delà des intérêts partisans, du côté des représentants libéraux qui font partie du gouvernement, ils ont toute l'indépendance requise pour mener à bien les travaux du Comité. J'espère que, de leur côté aussi, ils voudront que nous ayons toute l'information et que nous soyons capables d'aller au fond des choses, sans toujours perdre du temps.

  (1220)  

     Au lieu de perdre du temps précieux, comme nous sommes en train de le faire, à cause de l'obstruction systématique du parti ministériel, nous aurions déjà pu recevoir M. Marquez au Comité. Nous aurions peut-être déjà pu commencer des travaux sur d'autres sujets importants pour la population.
    Je suis persuadé que ce ne sont pas tous les membres du Comité qui aiment les manœuvres qui ont cours en ce moment. J'invite donc tout le monde à prendre un peu d'air et à se demander ce qui serait la bonne chose à faire en ce moment. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose que d'accepter la présence d'un témoin. Je pense que, au contraire, s'il n'a rien à cacher, le gouvernement nous permettrait de l'accueillir.
    Qu'on reçoive le témoin, et le dossier sera réglé et tout le monde, rassuré. Nous pourrons alors entendre la version des faits de M. Marquez.
    Pour ma part, plus je vois l'insistance des libéraux à prendre toutes sortes de moyens pour empêcher M. Marquez de témoigner, plus j'ai la conviction que ce témoin devrait être présent au Comité.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (1225)  

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à vous, monsieur Bagnell.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Je remercie le député de son intervention.
    Je tiens à rappeler au Comité que les parlementaires qui siègent à des comités ne mènent pas d'enquêtes. Les enquêtes doivent être indépendantes. Les enquêtes pertinentes sont en cours, elles iront au fond des choses et l'information sera rendue publique.
    Pour donner suite aux propos de M. Spengemann concenant le commentaire de Mme Alleslev selon lequel nous empêchons la participation de témoins, comme l'a dit M. Bezan, les gens doivent avoir le droit de s'exprimer. Cette motion prolonge le débat pour des raisons qui ne me semblent pas évidentes.
    Tout commentaire que les membres du Comité veulent faire sur des sujets qui seraient plus pertinents pour prolonger un débat ou pour expliquer pourquoi il n'est pas nécessaire de le prolonger, ou tout autre commentaire... Si nous décidons de prolonger le débat comme nous sommes en train de le faire aujourd'hui, nous obtiendrons de précieux renseignements qui figureront au compte rendu. Si un député est d'accord avec quelque chose et le dit, rien n'empêche un autre député de le dire et de le répéter.
    Il y a eu un courriel et la personne concernée a refusé qu'il fasse l'objet d'une enquête. Comme l'a dit M. Wernick, cela ne menait nulle part. Les gens le savent dans ce cas particulier. Je ne sais pas ce qu'on pourrait apprendre de plus à ce sujet. Les milliers de militaires qui, comme je l'ai expliqué au cours d'une réunion précédente, ont été touchés par ce problème nous ont fourni beaucoup d'informations, sans compter les renseignements graves et parfois terribles que nous avons obtenus de militaires en service, de victimes.
    Comme l'a dit M. Bezan, nous devons respecter ces militaires. Je propose que nous leur témoignions notre respect en poursuivant notre travail. Si M. Bezan retirait sa motion au lieu de prolonger ce débat, nous pourrions aller de l'avant.
    Deuxièmement, M. Bezan a préjugé des recommandations. Je trouve cela très préoccupant étant donné que nous n'avons pas encore eu de discussion à ce sujet, d'après ce que j'ai entendu. Nous allons continuer à discuter des points soulevés par les libéraux.
    Comme l'a dit M. Barsalou-Duval, une partie importante des témoignages des militaires et des victimes porte sur le changement de culture, l'indépendance des processus et les répercussions. Les victimes sont terrifiées à l'idée de signaler des cas à cause des répercussions que cela peut avoir sur leur carrière.
    Je ne sais pas quelles recommandations M. Bezan veut remettre en question alors que nous n'en avons même pas encore discuté. Tout ce que j'ai entendu de la part des libéraux concerne ce que les victimes et les experts ont dit qu'il fallait faire. Pourquoi alors remettre en question ces recommandations?
    J'ai autre chose à ajouter. Je pourrais répéter certains témoignages juste pour dire que je suis d'accord et lire ce qu'ont dit ces témoins. Mais ce que je vais dire n'a encore jamais été dit. C'est un sujet que je voulais aborder lors de réunions précédentes, mais je n'en ai pas eu l'occasion.
    Je veux parler des modifications apportées aux directives administratives. C'est une information très importante qui va beaucoup plus loin que ce que propose la motion. Je veux parler des changements apportés dans la directive DOAD 9005-1 qui a remplacé la DOAD 5019-5
    J'ai lu ces directives il y a environ un mois parce que je m'intéressais aux changements apportés. J'ai lu ces directives qui portent sur la situation à l'étude. À première vue, les changements semblent très exhaustifs et positifs. La question que le Comité devrait se poser, et cela serait beaucoup plus utile que la motion dont nous sommes saisis, c'est pourquoi les choses ne changent-elles pas?

  (1230)  

    La nouvelle directive 9005 — officiellement la DOAD 9005-1, mais je parlerai de la directive 9005 — propose une démarche complètement différente de celle énoncée dans la directive 5019 pour le traitement préventif et réactif des allégations d'inconduite sexuelle.
    La directive 9005 propose une approche, en termes clairs et délibérés, qui donne une orientation que le lecteur n'aura pas le choix de suivre. Je trouvais que c'était un excellent changement, mais les victimes ont expliqué que cela ne fonctionnait pas. Cette directive a une portée plus large et comporte des définitions, des cadres et des points de vue bien précis, notamment qu'il faut apporter un soutien aux répondants et pas se limiter à gérer l'incident.
    Cette interprétation peut être défendue à la lumière de nombreux éléments du document de 30 pages. Je ne vais pas tous les lire, mais je vais en lire quelques paragraphes qui appuient cette affirmation et j'expliquerai ensuite à notre témoin — au lieu de celui qui est proposé, puisque nous avons déjà traité la question — pourquoi la directive 9005 n'est pas efficace.
    Excusez-moi un instant, monsieur Bagnell.
    Allez-y, madame Gallant.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Pour faire obstruction à l'audition de ce témoin, le gouvernement utilise maintenant des prétextes qui contredisent leurs arguments initiaux selon lesquels nous n'avons pas besoin d'entendre d'autres témoins. Le député se répète.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement, madame la présidente.
    Merci, madame Gallant.
    Madame Gallant, vos interventions doivent être des rappels au Règlement. J'ai interrompu le député au beau milieu de son intervention. Nous allons donc revenir à M. Bagnell.
    Je vous remercie.
    Si Mme Gallant veut faire de l'obstruction en invoquant continuellement le Règlement, je lui rappelle que cette motion concerne un témoin. Comme je l'ai dit au début, le Comité pourrait trouver des moyens plus efficaces s'il persiste à retarder davantage le débat.
    La directive 9005 sur l'inconduite sexuelle est structurée au moyen de libellés et de définitions spécifiques...
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Qui parle? Levez la main, s'il vous plaît, si vous voulez attirer notre attention.
    Allez-y, madame Alleslev.
    Mon honorable collègue, M. Bagnell, vient d'admettre qu'il fait de l'obstruction. Cela ne fait pas avancer le débat. M. Bagnell vient de dire qu'il retarde l'adoption de la motion.
    Madame la présidente, il n'agit pas de bonne foi. Ses propos n'apportent rien au débat. En fait, c'est lui-même qui a employé le mot « obstruction » — et je suppose que ses collègues seront d'accord. Par conséquent, il est de mauvaise foi et il porte atteinte au processus, nous empêche d'avancer et agit contre la volonté de ce comité.
    Je vous remercie, madame Alleslev.
    Madame la présidente, au sujet de ce rappel au Règlement, je ne pense pas que le Règlement fait un lien quelconque entre « obstruction » et « mauvaise foi ». Ce rappel au Règlement n'est donc pas recevable.

  (1235)  

    Merci.
    Revenons à M. Bagnell.
    J'ai aussi quelque chose à dire au sujet de ce rappel au Règlement. Le député du Yukon a dit que je faisais de l'obstruction, mais c'est complètement faux. J'essaie d'en arriver à la mise aux voix de la motion.
    Cela s'en approchait beaucoup... Je ne veux pas que... Je pensais que M. Bagnell accusait quelqu'un d'autre de faire de l'obstruction, je ne veux donc pas que personne ne soit accusé d'obstruction. Ce n'est simplement pas le cas.
    Revenons maintenant à M. Bagnell, je vous en prie.
    Madame la présidente. Je ne l'accuse pas. J'invoque le Règlement. Je ne l'accuse pas de faire de l'obstruction. Je lui fais remarquer qu'il fait de l'obstruction et qu'il n'existe aucune règle disant que l'obstruction ne relève pas de la mauvaise foi.
    Attendez. Je ne parlais pas de vous, madame Alleslev. Je parlais de M. Bagnell. Je pensais qu'il accusait quelqu'un de faire de l'obstruction, mais je n'avais pas compris. Il ne s'agissait pas de vous, madame.
    Revenons à M. Bagnell, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Tout ce que je disais, c'est que si le député de l'opposition retirait sa motion, les conservateurs ne seraient pas en train de prolonger ce débat au moment où les militaires ont vraiment besoin que les mesures que nous savons nécessaires soient prises dès maintenant.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    J'espère que vous voulez vraiment faire un rappel au Règlement et pas alimenter le débat encore une fois.
    Tous ces rappels au Règlement — et aucun d'entre eux n'était recevable — avaient tous pour but d'alimenter le débat. J'essaie d'être patiente, mais vous ne cessez pas de crier au loup. Chaque fois que vous invoquez le Règlement, ce n'est pas un rappel au Règlement et les collègues finiront par ne plus vous prendre au sérieux. Un rappel au Règlement doit être pris très au sérieux.
    Je vous remercie, madame la présidente, mais la seule façon de régler la question, ce n'est pas en supprimant ou en retirant la motion, mais plutôt en mettant fin au débat et de mettant la motion aux voix.
    Merci.
    S'il vous plaît, revenons à M. Bagnell.
    Je vous remercie.
    Comme je l'ai dit au début, nous avons un travail important à faire. Nous avons un rapport sur la COVID à produire. Nous sommes aux prises avec une pandémie qui a des répercussions sur les militaires comme sur nous tous. Nous avons un rapport sur la santé mentale à rédiger. Nous avons cet important rapport à produire pour proposer des changements positifs qui toucheront des milliers de militaires. Je pense que c'est de cela que nous devrions débattre aujourd'hui. C'est le résumé de ce que je disais.
    Pour reprendre là où j'en étais, l'article 2 de la directive 9005 décrit et circonscrit l'inconduite sexuelle de manière plus précise que la directive 5019. La directive 9005 énumère également diverses infractions d'inconduite sexuelle et, en particulier, cite le Code criminel canadien qui sert de cadre pour la définition énoncée dans la directive. La directive 5019 est générale et traite des troubles sexuels définis par l'APA; elle définit l'inconduite sexuelle comme étant des actes « à caractère sexuel ». Elle ne traite pas du harcèlement, de l'utilisation de la technologie pour causer du tort ni de l'évaluation comme forme d'inconduite sexuelle, qu'elle soit fondée sur le sexe, la sexualité, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. La directive 9005 définit également le milieu de travail et l'environnement de travail et énumère clairement les endroits où peut avoir lieu l'inconduite sexuelle. La directive 5019 est loin de traiter de ces questions.
    Les principes généraux qui sous-tendent ces deux directives — énoncés à l'article 3 de la 5019 et à l'article 4 de la 9005 — sont structurés différemment. La directive 5019 est formulée en termes simples et directs et vise à protéger l'institution, tandis que la principale préoccupation de la directive 9005 est de protéger la plaignante et la victime. La directive 5019 précise que les FAC s'engagent à enquêter sur les cas d'inconduite sexuelle et à les traiter le plus rapidement possible. La directive 9005 précise que les FAC s'engagent à faire trois choses: prévenir l'inconduite sexuelle, traiter les cas « le plus rapidement possible » — ces mots me déconcertent un peu, mais ce n'est qu'un aparté —, et soutenir les victimes d'une inconduite sexuelle.
    L'article 4 explique clairement le consentement ainsi que les préjudices et les traumatismes que peut subir une victime d'inconduite sexuelle. La directive 5019 porte davantage sur les préjudices causés à l'institution des FAC et à ses valeurs. C'est peut être vrai, mais cette directive omet de répondre, de manière objective, aux besoins de la plaignante ou de la victime.
    Je pense que toutes ces mesures devraient améliorer les choses et elles le font, mais pourquoi ne sont-elles pas efficaces? Dans la directive 5019, le paragraphe 3.7 et l'article 4 portent sur le « processus », tandis qu'à l'article 5 de la directive 9005, sous « Signalement », on peut lire que « tous les militaires ont le devoir de signaler », ce qui n'est pas énoncé explicitement dans la directive 5019. Des témoins nous ont dit que cela avait causé certains problèmes et que cela devait certes faire partie de notre débat sur nos recommandations des mesures à prendre.
    La directive 9005 énumère les conflits potentiels, les considérations et les fonctions de l'officier lorsqu'il doit déterminer s'il peut traiter la plainte pour inconduite de manière adéquate, s'il est tenu de signaler le cas et, s'il y a lieu, comment le faire. Par contraste, la directive 5019 est de nature très procédurale, un peu comme un organigramme. Elle ne mentionne aucun facteur à prendre ou non en compte, contrairement à la directive 9005 qui dresse une liste détaillée des facteurs à considérer.
    L'une des différences fondamentales entre les deux directives se trouve entre le paragraphe 5.5 « Considérations relatives aux signalements » et le paragraphe 5.16, « Représailles et comportements blessants ». J'ai posé les questions suivantes. Où est la défense dans le Code des valeurs et d'éthique et dans le Code de discipline militaire? Les représailles font-elles l'objet de sanctions suffisamment sévères? Parce que si des centaines de personnes étaient au courant ou impliquées et qu'il n'y a eu que quelques signalements, il va sans dire qu'il y a un problème. Je pense que c'est justement sur cela que la nouvelle directive met l'accent.

  (1240)  

     La DOAD 5019 utilise un libellé qui met davantage l'accent sur l'intimé, à l'article 6, « Traitement et réadaptation ». Bien que la DOAD 9005 ne décourage pas le traitement et l'aide pour ceux qui en ont besoin, le libellé met l'accent sur le plaignant, la victime, à l'article 7, « Soutien ».
    La chaîne de commandement peut faciliter les choses en gardant ouvertes les voies de communication ou en fournissant des ressources liées ou non aux FAC à titre de soutien. Le soutien doit être... D'après ce que nous ont dit les membres, les victimes doivent être indépendantes de la chaîne de commandement. La santé mentale et le bien-être sont également mis à l'épreuve, tout comme la discussion des difficultés en milieu de travail auxquelles un plaignant pourrait être confronté.
    La DOAD 5019 ne fait aucune mention de la responsabilité du commandant à l'égard des victimes, contrairement à la DOAD 9005. Tous les membres du Comité conviendront qu'il s'agit d'un changement très important, qu'il faut soutenir les victimes, ce dont les témoins ont confirmé la nécessité.
    Nous avons constaté que l'exigence législative voulant que les membres des FAC signalent tous les incidents d'inconduite, y compris les comportements sexuels inappropriés, a été renforcée par l'obligation de signaler prévue dans l'ordonnance de l'opération Honour. Cette exigence signifie que le commandant et les militaires au courant d'un incident devaient craindre des conséquences importantes s'ils ne signalaient pas un incident. Les victimes étaient donc tenues de signaler tout comportement sexuel inapproprié, qu'elles le veuillent ou non ou qu'elles soient prêtes ou non à le faire. Cela a découragé certaines victimes de divulguer les faits de peur d'être forcées de déposer une plainte officielle, ce qui a contribué à faire diminuer le nombre de signalements. Enfin, cela a imposé un lourd fardeau administratif à la chaîne de commandement et à la police militaire qui doivent gérer les plaintes.
    Comme je l'ai déjà dit, j'ai essayé de faire des recherches à ce sujet, pour savoir pourquoi cette obligation de signalement causait un problème aux victimes qui ne voulaient pas, par exemple, avoir une enquête susceptible de causer encore plus d'ennuis à la victime. C'est un point que nous devons examiner dans le rapport.
    L'une des recommandations veut que les Forces armées canadiennes établissent des lignes directrices claires à l’intention des membres sur le règlement imposant le signalement aux autorités compétentes de tout incident de comportement sexuel inapproprié. Ces lignes directrices devraient préciser quelles sont les autorités compétentes pour chaque type d’incident. Il faudrait viser à concilier la nécessité de protéger la sécurité de l’organisation et celle d’appuyer les victimes en leur permettant de divulguer un incident et de demander de l’aide sans être obligées de déclencher un processus officiel de signalement et de plainte. Nous devons étudier cette question très attentivement.
    Je vais en rester là. Je pourrai vous fournir d'autres renseignements plus tard, mais le fait est, et personne n'en a parlé, que la DOAD 9005 a remplacé la directive existante. Comme je l'ai dit, je l'ai lue il y a environ un mois, parce que je m'intéressais aux améliorations qui avaient été apportées. Il y a eu des améliorations au cours des dernières années, mais certaines d'entre elles, de toute évidence, ne donnent pas les résultats attendus. En remplaçant la DOAD, on a apporté de très bons changements, mais pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas? Les recommandations que nous formulerons devraient porter là-dessus.
    Je vais en rester là pour l'instant, mais je pourrais ajouter autre chose plus tard.

  (1245)  

    Merci, monsieur Bagnell.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
     Je vous remercie, madame la présidente.
    Nous prenons très au sérieux les allégations d'inconduite sexuelles et nous voulons donner aux survivantes et aux survivants le soutien dont elles et ils ont besoin. Comme l'a recommandé l'ancienne juge à la Cour suprême du Canada, Marie Deschamps, dans son rapport de 2015, nous avons mis en place le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, connu aussi sous l'acronyme CIIS. Ce centre occupera une place prédominante dans nos discussions et c'est la raison pour laquelle je me dois d'en expliquer le fonctionnement.
    Il s'agit en effet de l'autorité compétente qui enquête sur les allégations d'inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes. Il n'y a jamais eu d'explications sur le fonctionnement de ce service et je crois qu'il est important de le faire aujourd'hui.
    Le CIIS est un centre d'expertise dont le but est d'offrir un soutien confidentiel 24 heures sur 24 et sept jours sur sept aux membres des Forces armées canadiennes qui ont été ou qui sont victimes d'inconduite sexuelle. Les conseillers du Centre sont présents et disponibles afin d'aider et de conseiller les victimes sur les différentes options à leur disposition.
    Ce centre a pour but de soutenir les victimes d'inconduite sexuelle et de comportements sexuels inappropriés. À la demande des victimes, les conseillers peuvent faciliter l'accès à certaines ressources militaires ou civiles, que ce soit des services liés à la santé mentale, à la santé physique, des services de conseils, des services de soutien spirituel ou encore d'assistance administrative.
    Depuis août 2019, les membres des Forces armées canadiennes ont aussi accès au Programme de coordination de l'intervention et du soutien, qui offre maintenant les services d'un coordonnateur désigné et dévoué aux membres des Forces armées canadiennes qui ont été affectés par l'inconduite sexuelle. Ce nouveau programme permet donc un suivi personnalisé permettant de mieux aiguiller les survivantes et les survivants dans le système et le processus. Cet élément est très important, car, comme nous le savons tous, le ministre de la Défense nationale a déclaré que toutes les options étaient sur la table et que nous pouvions vraiment contribuer à améliorer la situation.
    Les échanges entre le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et les membres des Forces armées canadiennes sont confidentiels et peuvent aussi être anonymes. [Difficultés techniques] peut aussi donner des informations à des dirigeants ou à d'autres membres afin d'aider les membres des Forces armées canadiennes.
    Je vois que d'autres membres ont la main levée. Je continuerai donc plus tard à parler de cet important sujet.

  (1250)  

    Merci, monsieur Robillard.

[Traduction]

     Monsieur Spengemann, vous avez la parole.
     Madame la présidente, merci beaucoup.
    Chers collègues, vous vous souviendrez que, dans son dernier témoignage, Michael Wernick a fait référence à un rapport du Royaume-Uni, qu'il a appelé, je crois, le rapport Wigston. Le titre en est Report on Inappropriate Behaviours. Il est daté du 15 juillet 201 et il a été publié par le ministère de la Défense du Royaume-Uni.
    Mes collègues le savent, nous entretenons des relations très solides avec le Royaume-Uni, non seulement en matière de défense, mais aussi à bien d'autres égards, comme les relations parlementaires, les relations commerciales et les liens culturels, le Parlement du Royaume-Uni étant considéré comme le modèle des parlements, ainsi qu'n le qualifie parfois. Nous parlons aussi du système de Westminster. Ce rapport me semble pertinent par la teneur et la nature de ses recommandations.
    Avec votre indulgence, je profiterai de l'occasion pour offrir très brièvement mes condoléances à Sa Majesté la reine Elizabeth II, à la famille royale et au peuple du Royaume-Uni à l'occasion du décès de Son Altesse Royale le prince Philip, duc d'Édimbourg, qui, comme beaucoup d'entre nous le savent, s'est beaucoup intéressé aux questions de stratégie et de gestion militaires au sein du Commonwealth.
    Je voudrais porter le résumé de ce rapport à l'attention de mes collègues. Il fait moins de deux pages. Je vais simplement le lire dans son intégralité, et mes collègues constateront qu'il est très détaillé et qu'il est directement lié à ce dont nous discutons aujourd'hui.
    Voici donc le résumé:
Le 10 avril 2019, réagissant à des cas répétés de comportement inapproprié et, selon des allégations, illégal de la part de membres actifs des Forces armées du Royaume-Uni, le secrétaire d'État à la Défense a commandé un rapport urgent sur les comportements inappropriés dans les Forces armées. Le rapport, qui devait alors être déposé à la mi-mai 2019, devait comprendre une interprétation des éléments de preuve existants au sujet des comportements inappropriés dans l'ensemble des services; formuler des recommandations sur les mesures à prendre pour s'assurer que les Forces armées sont un employeur inclusif et moderne et donner des assurances à cet égard; cerner les domaines où d'autres mesures s'imposent, notamment des améliorations possibles des contrôles, des processus ou de la politique.
Il y a près de 250 000 personnes au ministère de la Défense, chez les militaires et dans la fonction publique, et la grande majorité d'entre elles sont très fières de protéger collectivement le Royaume-Uni 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les Forces armées du Royaume-Uni sont une force de combat formidable, et l'engagement de tous les militaires et civils qui les appuient est célébré à juste titre. En revanche, contraste consternant, des comportements inappropriés persistent, ce qui porte préjudice à certains, aux équipes qu'ils servent et, en fin de compte, aux résultats opérationnels. Il n'existe pas de portrait complet et unique des comportements inappropriés à la Défense, mais les données qui existent révèlent un niveau inacceptable de comportements inappropriés et un système sous-optimal pour y faire face lorsqu'ils se produisent. Ces comportements — et leurs conséquences pour les personnes touchées — nuit...
    Monsieur Spengemann, veuillez attendre un instant, s'il vous plaît.
    À vous, madame Gallant.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je crois comprendre qu'il s'agit du sommaire de l'étude sur l'inconduite sexuelle. Je ne crois pas que les membres du Comité en aient tous reçu le texte pour étude avant qu'il ne soit rendu public.
    Monsieur Spengemann, auriez-vous l'obligeance d'apporter des éclaircissements?
    Oui, madame la présidente, tout à fait. Merci.
    Le rapport est déjà du domaine public. On en a parlé brièvement. Il a été publié en 2019, et il a reçu depuis une réponse, en 2020, qui est également intéressante. M. Wernick a parlé de ce rapport dans son témoignage, mais seulement de façon très générale, en en mentionnant l'existence. Il n'a pas eu l'occasion à ce moment-là d'entrer dans les détails.
    Je soumets le résumé à l'attention de mes collègues pour une première étude, vu la profondeur, le niveau de détail et la pertinence des recommandations qu'il présente plus loin, comme on pourra le constater.
    Monsieur Spengemann, poursuivez.
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Si le député veut que ce texte fasse partie de la discussion sur l'étude dont nous allons discuter à huis clos, pourquoi ne le dépose-t-il pas simplement au lieu de nous faire perdre un temps précieux, puisque tout le monde a hâte de passer au vote sur la motion de M. Bezan?

  (1255)  

    Merci, madame Gallant.
    Monsieur Spengemann, poursuivez.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais poursuivre là où je me suis arrêté.
Ces comportements — et leurs conséquences pour les personnes touchées — nuisent à la réputation de courage, de détermination et de professionnalisme durement acquise par les Forces armées du Royaume-Uni, et ils ont presque certainement une incidence sur la capacité d'attirer, de recruter et de garder des talents dont les Forces armées et la fonction publique ont besoin. On n'a pas à choisir entre culture et rendement; s'attaquer à un comportement inapproprié améliore le rendement pour la Défense, et c'est du reste la bonne chose à faire.
La nécessité de lutter contre les comportements inappropriés est reconnue aux plus hauts niveaux de la Défense, et le présent rapport a confirmé que les politiques, la gouvernance et les programmes d'instruction visant à régler le problème sont dynamisés dans l'ensemble du Service naval, de l'Armée de terre, de la Royal Air Force et de la fonction publique. Il y a d'autres occasions de mettre en commun les pratiques exemplaires et d'apprendre des autres — à l'interne et avec nos alliés internationaux et d'autres organisations externes —, et nous faisons un certain nombre d'observations et de recommandations à cet égard. En dernière analyse, cependant, ce qui compte, c'est la détermination des dirigeants à changer la culture; tout le reste dépend de cette volonté:
    Un certain nombre de recommandations suivent:
Nous devons déployer des efforts accrus pour prévenir les comportements inappropriés. Il s'agit là d'un problème dont doit se saisir la chaîne de commandement pour le Service naval, l'Armée de terre et la Royal Air Force, ainsi que pour la gestion hiérarchique de la fonction publique. Il s'agit de faire preuve de leadership à tous les niveaux de l'organisation, d'établir la culture et les normes et de veiller à ce que les normes soient respectées de façon cohérente. Il faut aussi une formation efficace et dotée des ressources voulues, et un système de gouvernance ciblé qui, selon notre recommandation, doit comprendre une assurance centralisée et la compilation d'un ensemble unique de données et de statistiques sur les comportements inappropriés.
Nous devons mieux agir lorsque des comportements inappropriés se sont produits ou qu'il y a des allégations en ce sens. Nos propres enquêtes et les intervenants externes ont souligné à maintes reprises les lacunes du système actuel pour le signalement des plaintes de comportement approprié, les plaignants craignant d'être victimes de représailles ou croyant qu'on ne fera rien. L'ombudsman chargé des plaintes dans les Services juge que le système chargé des plaintes n'est ni efficient, ni efficace, ni juste. De plus, la forte surreprésentation des femmes et des minorités ethniques — et le manque de données sur les autres groupes minoritaires — dans le système des plaintes est une préoccupation très répandue. Il y a un besoin pressant de réformer le système des plaintes en y ajoutant: le signalement anonyme des comportements inappropriés; une ligne d'aide; un circuit parallèle à la chaîne de commandement pour signaler les plaintes; une équipe centrale chargée des plaintes dotée des moyens voulus pour étudier les allégations les plus complexes d'intimidation, de harcèlement sexuel et de discrimination.
Nous devrions établir une autorité de la Défense: elle travaillerait avec le chef du personnel de la Défense comme principal responsable au nom du chef d'état-major de la Défense et du secrétaire permanent. Elle serait notamment responsable de la politique et de la gouvernance à l'échelle de la Défense, de la conservation de toute l'information de gestion sur les comportements inappropriés; de l'activité d'assurance à l'échelle des Forces armées; de la mise en commun des pratiques exemplaires dans l'ensemble du dispositif de la Défense; de l'hébergement de l'équipe centrale chargée des plaintes relatives au service, appuyant la chaîne unique de commandement des Services.
Les faits qui trouvent un écho dans le présent rapport révèlent qu'un nombre important de membres du personnel ont subi de l'intimidation, de la discrimination et du harcèlement, y compris du harcèlement sexuel, mais qu'ils n'ont pas pu signaler les faits ou ont eu l'impression ne de pas pouvoir le faire; nous recommandons d'envisager un appel aux témoignages des personnes touchées, parallèlement à la création de l'autorité de la Défense.
Le rapport formule 36 recommandations. Certaines proposent d' améliorer le système et les processus d'étude des plaintes, et la majorité vise à prévenir, au départ, les comportements inappropriés. En encourageant et en rendant possible de plus nombreuses plaintes — qui seraient mieux étudiées —, on devrait renforcer la confiance envers l'organisation et aider à faire connaître la détermination des dirigeants à éliminer les comportements inappropriés. En fin de compte, toutefois, le problème ne peut être résolu que par un effort déterminé de l'ensemble des forces pour changer la culture, effort constamment encouragé par les plus hauts dirigeants et à tous les niveaux de leadership et de gestion hiérarchique. Il faut un leadership authentique, un engagement indéfectible et une communication constante, chacun jouant son rôle.
Le secrétaire d'État a exigé un rapport d'urgence qui, par sa nature même, ne permettait pas de recueillir beaucoup de preuves ni de faire analyser la situation par des experts. Il est admis qu'à l'avenir, les travaux et les analyses plus détaillés recommandés dans le présent rapport pourraient renforcer les conclusions ou encore faire ressortir des interprétations contraires des faits. Néanmoins, il indique clairement de quel côté d'autres travaux s'imposent maintenant. Certaines recommandations devraient avoir un effet immédiat, mais pour changer les cultures et les comportements bien ancrés, il faut adopter une optique à beaucoup plus long terme; d'après l'expérience des forces armées alliées, il faut un programme de cinq à dix ans d'activités concertées pour apporter des changements mesurables et nous devrions être prêts à faire de même.

  (1300)  

     Le rapport est signé par le maréchal en chef de l'Air, M. Wigston, commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique.
    Madame la présidente, je vais m'arrêter là, en disant simplement que, comme d'autres pays ont été aux prises avec le même problème et ont formulé des recommandations, deux effets sont possibles. Notre propre réflexion sur les recommandations que le Comité doit prioriser et proposer pourrait s'en trouver renforcée. Ou bien nous pourrions songer à des recommandations différentes ou avoir des réflexions nouvelles qui ne nous sont pas encore venues.
     Pour commencer, je tenais à présenter le résumé du rapport, dont a parlé M. Wernick, qui a également fait allusion à un certain nombre d'autres efforts, rapports et activités remarqués à l'étranger qui pourraient fort bien être intéressants pour les travaux du Comité. Je vais m'arrêter là pour l'instant.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Spengemann.
    Nous allons passer à M. Baker. S'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je souhaite intervenir dans ce débat. La dernière fois que j'ai pris la parole, je me suis intéressé à la culture et à des points soulevés dans le rapport Deschamps au sujet de la culture et de ses répercussions. L'une des choses que j'ai essayé de souligner, c'est que des témoins que nous avons entendus se sont reportés à des sujets qui ont été soulignés dans le rapport Deschamps. Nous trouvons à la fois chez les témoins entendus et dans le rapport Deschamps un fondement solide et adéquat pour rédiger un rapport sur notre étude. Par conséquent, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de convoquer d'autres témoins.
     Je voudrais souligner des points du rapport Deschamps que je n'ai pas encore abordés dans mon intervention précédente.
    Dans le rapport Deschamps, au chapitre consacré à la culture, une sous-section, si on peut dire, porte sur la culture organisationnelle. C'est intéressant, car que le rapport traite de la définition de la culture ou du moins de la conception que s'en sont faite les rédacteurs du rapport. C'est un élément qu'il sera important de ne pas perdre de vue à l'avenir. Voici le texte:
Par « culture », la REE entend la manière selon laquelle, au fil du temps, les personnes qui travaillent ou qui vivent ensemble dans une organisation ou une institution développent un ensemble de concepts communs, qui leur permettent d’interpréter leur milieu et d’évoluer dans celui-ci. Voici la définition qu’en fait un expert des comportements organisationnels:
« La culture organisationnelle est un ensemble de prémisses de base qu’un groupe a inventées, découvertes ou conçues pour composer avec ses problèmes d’adaptation à l’externe et d’intégration à l’interne, et qui ont fonctionné suffisamment bien pour être jugées valides, puis enseignées aux nouveaux membres comme la bonne façon de percevoir, de penser et de se sentir, en relation avec ces problèmes. »
     Voilà qui est extrêmement pertinent pour notre étude et l'objet de nos discussions, car dans notre réflexion sur le problème du harcèlement sexuel et de l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, cette explication de la culture organisationnelle aide à mettre en évidence l'importance du rôle que joue la culture pour contribuer peut-être — ainsi que l'ont dit des témoins — non seulement à créer le problème, mais aussi à le résoudre. Cela cadre très bien avec ce que nous ont dit de nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité et parlé de la nécessité d'un changement de culture.
    Je poursuis:
Les cultures organisationnelles sont définies à la fois par les valeurs qu’elles préconisent (par exemple, dans les énoncés publics d’identité comme dans Servir avec honneur et les politiques des DOAD), et par des prémisses tacites, plus profondes, qui sont manifestées dans les comportements enracinés et tenues pour acquises. Ces prémisses sont habituellement inconscientes et tellement bien intégrées dans la dynamique organisationnelle que les membres de cette culture organisationnelle peuvent être incapables de les reconnaître
    Cela montre bien à quel point la culture peut avoir de l'influence et à quel point il faudrait énormément de travail pour la faire changer. C'est pourquoi notre rapport est si important pour aider à formuler des recommandations sur la façon de s'y prendre. Je continue:
Ces prémisses sont transmises aux nouveaux membres d’une organisation au moyen du processus de socialisation. Elles permettent à l’organisation de se forger une identité reconnaissable. Les exercices d’entraînement, les événements sociaux et les rites d’initiation représentent tous des moyens d’intégrer de nouveaux membres à un groupe établi. De multiples sous-cultures peuvent aussi exister dans une organisation, particulièrement si elle est aussi vaste et diversifiée que les FAC. Ces sous-cultures coexistent et se chevauchent, parfois de manière conflictuelle. En même temps, les organisations militaires ont généralement une très forte culture interne, en raison de leur nature d’« institutions totalitaires »; les militaires vivent, travaillent, s’entraînent et socialisent ensemble dans un environnement étroitement réglementé, généralement très à part du reste de la société. L’intensité particulière des expériences vécues à l’entraînement, au combat et dans la mission générale de l’organisation tend aussi à favoriser l’éclosion d’une culture organisationnelle forte.

  (1305)  

     Ce passage est tout à fait pertinent pour notre étude également, car il y a ici quelques points qui méritent d'être soulignés. D'abord le fait que les Forces armées canadiennes fonctionnent dans une large mesure de façon distincte de la société civile, de sorte que la culture qu'elles se donnent est unique. C'est l'un des points soulevés ici, mais il y a aussi le fait qu'en raison de l'intensité de ces interactions — je crois que le rapport Deschamps utilise le terme « socialisation » — la culture est encore plus profondément enracinée dans l'organisation.
    Cela me semble faire ressortir à quel point il est difficile de changer une culture, surtout dans le cas des Forces armées canadiennes, parce que, comme le fait valoir le rapport Deschamps, la culture y est plus profondément enracinée qu'elle ne le serait dans la plupart des autres organisations et plus nettement distincte des cultures de la plupart des organisations du reste de la société canadienne.
    Plus loin, on peut lire:
Le développement d’une culture de groupe peut se révéler très positif. En effet, les membres d’un groupe peuvent développer une cohésion organisationnelle, de la loyauté et de la camaraderie grâce à des prémisses et à des concepts communs, et fonctionner ensemble de manière efficace et efficiente pour atteindre leurs objectifs. Pendant les consultations, la REE a observé beaucoup de manifestations puissantes et positives de la culture organisationnelle des FAC. Les participants ont exprimé leur engagement profond envers la mission des FAC. Les yeux pétillants, les voix enjouées et la participation active de ces militaires pendant les entrevues ont communiqué le sentiment de satisfaction qu’ils ressentent dans leur travail quotidien et dans leur participation à la grande communauté des forces armées. La REE a rencontré des participants, hommes et femmes, qui ont semblé sincèrement heureux de leur expérience au sein de leur unité. Les participants ont indiqué que la vie militaire leur permet non seulement de contribuer à la société, mais aussi d’exercer la profession de leur choix et d’avoir la possibilité de gravir l’échelle sociale. Les FAC leur procurent le confort d’une famille et les récompenses d’un milieu de travail stimulant.
Parallèlement, toutefois, les consultations ont révélé qu’il existe dans les FAC une culture de la sexualisation, particulièrement présente parmi les militaires subalternes. Cette culture se manifeste par l’utilisation largement répandue de propos dégradants pour les femmes, de farces et d’allusions à caractère sexuel et de harcèlement de bas niveau. Bien que la REE ait entendu moins de témoignages d’agression sexuelle, il est clair que les incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle sont liés, et dans une certaine mesure, sont issus de normes culturelles qui tolèrent des comportements discriminatoires et du harcèlement dans l’organisation.
     Je fais une pause. Je tenais à souligner ce passage pour les membres du Comité. Au fond, il reflète et confirme, peut-être en entrant davantage dans les détails que nous n'avons pu le faire au cours de l'audition des témoins, la présence envahissante d'une certaine culture, le fait que les Forces armées canadiennes ont une culture propre profondément enracinée.
    La dernière partie portait sur le fait confirmé par les victimes que nous avons entendues et ceux qui ont étudié la question, qu'il y a dans les FAC une « culture marquée par la sexualisation », pour reprendre une expression utilisée dans le rapport Deschamps. Ici, le rapport parle de la façon dont cette culture se manifeste dans certains cas. Ce qui est frappant, c'est que ce paragraphe me rappelle bien à quel point le harcèlement sexuel et l'inconduite sexuelle peuvent être omniprésents parce qu'ils peuvent apparaître dans les interactions quotidiennes par « l’utilisation largement répandue de propos dégradants pour les femmes, de farces et d’allusions à caractère sexuel ».
     Il m'a semblé important de souligner cet élément, surtout en ce qui concerne la culture organisationnelle et la façon dont elle est définie, sa manifestation dans les Forces armées canadiennes et le lien avec ce que nous avons entendu de la bouche des témoins.
    Le rapport Deschamps a également examiné les différences entre les forces navales, terrestres et aériennes, les collèges et les unités de réserve. Je ne crois pas que nous ayons eu beaucoup de temps pour entendre ce que les témoins pouvaient avoir à dire à ce sujet dans le cadre de notre étude. Je veux simplement souligner quelques-unes des constatations.
    Je reviens au rapport:
Les personnes interviewées ont invariablement décrit des différences culturelles entre l’Aviation, la Marine et l’Armée. Il est clair qu’il existe des sous-cultures différentes dans les trois éléments. Par exemple, les participants ont décrit les membres de l’Aviation comme « plus matures et plus éduqués » et l’environnement de l’Aviation comme un milieu de travail dans lequel « les compétences sont mieux valorisées ». Toutefois, en fin de compte, il n’y avait pas de différences marquées entre les trois sous-cultures par rapport à la nature, à la fréquence ou à la gravité des incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle qui ont été signalés à la REE. Il n’y avait pas non plus de preuve que la réaction des FAC à ce genre de conduite était meilleure ou plus efficace dans un élément que dans un autre. Par conséquent, les constatations et les recommandations de la REE s’appliquent uniformément aux trois éléments des FAC.

  (1310)  

    C'est un point de vue important à ajouter à ce que nous avons entendu au sujet de la culture, mais ce passage du rapport Deschamps traite du fait que, lorsqu'il est question d'inconduite sexuelle, il n'y a pas de différence entre les différentes unités, ou entre l'aviation, la marine et l'armée.
Dans les collèges que la REE a visités, le Collège militaire royal de Saint-Jean et le Collège militaire royal du Canada de Kingston, les participants ont rapporté que le harcèlement sexuel est considéré comme un « passage obligé » et que les agressions sexuelles constituent un risque toujours présent. Un élève-officier a dit en riant que les incidents de harcèlement sexuel ne sont pas signalés parce qu’ils sont chose courante.
    À la lecture, j'ai trouvé ce passage tout à fait frappant. Nous avons entendu beaucoup de choses horribles au sujet de certains comportements, mais cela m'a vraiment renversé. Il est dit au fond que le harcèlement sexuel est essentiellement un rite de passage, et qu'il est tellement courant que personne ne le signale. Il est important de le souligner.
Les expériences dans les unités de la Réserve semblent plus variées; alors que des membres de plusieurs unités rapportaient un milieu de travail hautement respectueux, d’autres unités semblaient avoir adopté une culture de la sexualisation semblable à celle de la Force régulière. En raison des contraintes de l’examen, la REE n’a pas eu la possibilité de chercher les causes de ces différences entre les unités. Par conséquent, aucune distinction n’est faite dans le rapport entre les unités de réserve et entre les militaires de la Force de réserve et les militaires de la Force régulière.
En général, selon ce qu’a constaté la REE, les incidents de comportements sexuels inappropriés se produisent à différents endroits. Même si des personnes interviewées ont mentionné que les agressions sexuelles sont plus susceptibles d’avoir lieu dans les casernes, le harcèlement sexuel ne semble pas restreint à des heures ou à des endroits en particulier. Ainsi, la REE ne peut conclure que de simples changements aux installations pourraient réduire la fréquence des incidents de comportement sexuel inapproprié.
    Il s'agit d'un aperçu important qui cadre bien avec ce que nous ont dit bon nombre de nos témoins. Nous avons entendu parler de la culture organisationnelle et nous avons discuté de la nécessité de changer la culture. Nous avons entendu bien des gens, bien des témoins parler de mesures à prendre et des difficultés que cela présente.
    Le rapport en parle, comme je l'ai dit plus tôt dans mon intervention. Ce passage insiste encore. Il dit en somme que de simples changements comme ceux apportés aux installations physiques ne semblaient guère susceptibles, selon le rapport Deschamps, de faire diminuer le nombre d'inconduites sexuelles. Il est important d'y réfléchir pour faire notre rapport et formuler des recommandations.
    L'autre chose que nous n'avons pas eu l'occasion d'approfondir autant que nous l'aurions voulu, ou du moins que je l'aurais voulu, mais qu'il est utile de souligner ici, c'est la différence entre les grades. Le rapport Deschamps a abordé la question:
Pendant les consultations, surtout pendant les groupes de discussion des militaires du rang (MR) subalternes et supérieurs, la REE a constaté l’existence d’un climat de sexualisation prédominante, caractérisé par l’usage fréquent de mots, de farces et d’allusions à caractère sexuel, de commentaires discriminatoires par rapport aux capacités des femmes militaires, et d’attouchements sexuels malvenus de moindre gravité, comme un contact à l’épaule ou au dos sans le consentement de la personne. Bien que ce climat se manifeste à des degrés divers dans l’Aviation, l’Armée, la Marine, la Force régulière, la Force de réserve et entre les différentes unités et les différents grades, la REE a constaté qu’il est très répandu et fréquemment toléré. Plus précisément, la REE a constaté que cette culture de la sexualisation créée un climat propice à des incidents plus graves d’inconduite sexuelle.
    C'est aussi un point important que je tiens à souligner. Comme ce comportement, est fréquemment toléré, selon le rapport Deschamps, il entraîne des incidents plus graves d'inconduite sexuelle. Non seulement ces incidents « de moindre gravité » — pour reprendre les termes du rapport — ne font l'objet d'aucune mesure et ne sont pas réprimés, mais il n'y aucune sanction non plus. De plus, cette permissivité ouvre la voie à des incidents plus graves d'inconduite sexuelle.

  (1315)  

     Je reprends la lecture.
Plus particulièrement, les femmes de grade subalterne qui ont participé à l’examen ont, en grande majorité, rapporté être souvent exposées à des propos dégradants à caractère sexuel. Pour reprendre les mots de l’une des personnes interviewées, « Toutes les femmes ont déjà senti, dans une certaine mesure, que les hommes ne veulent pas les avoir dans les forces armées. »
    Il y a bien des raisons de nous attaquer à la question de l'inconduite sexuelle dans l'armée, mais c'est l'une des... Le témoignage de cette femme fait ressortir l'une des raisons pour lesquelles c'est si important. Elle dit essentiellement que toutes les femmes qui sont dans les forces ont senti, dans une certaine mesure, que les hommes ne voulaient pas d'elles dans l'armée. Ce doit être incroyablement humiliant. Il doit être extrêmement difficile de servir dans ces circonstances. C'est un autre bon rappel, qui est lié à ce que nous ont dit les témoins au sujet de l'importance de s'attaquer à ce problème.
    Je cite le rapport :
Une autre participante a utilisé des mots plus forts au sujet de la fréquence à laquelle les femmes subissent des comportements sexuels inappropriés dans les FAC: « Il n’y a pas une seule femme qui n’ait pas connu ce problème. »
    Cela montre à quel point le problème est répandu.
Les situations de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle sont vécues dès la formation de base, où les propos inappropriés des instructeurs ne semblent pas être punis. Les consultations ont révélé que les incidents plus graves, comme les rapports sexuels discutables entre les instructeurs et les recrues et le viol par une connaissance (« date rape »), sont également prédominants.
    C'est vraiment difficile à lire. C'est tout simplement difficile.
Or, les personnes interviewées ont commenté que les recrues sont réticentes à remettre en question la conduite de leur instructeur par crainte de représailles. Par conséquent, beaucoup de femmes recrues apprennent à taire la situation très tôt dans leur carrière.
Parmi les MR, l’usage de propos qui rabaissent les femmes est courant. Les personnes interviewées ont signalé se faire régulièrement dire « stop being pussies » [ndlt: cesse de faire la moumoune], ou « laisse ta sacoche chez vous ». Les jurons et les expressions très dégradantes qui font référence au corps de la femme sont endémiques.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Un instant, monsieur Baker.
    Allez-y, madame Gallant.
    Merci, madame la présidente.
    Je ne comprends pas ce que ce discours a à voir avec la motion dont nous sommes saisis et qui porte sur la comparution de M. Elder Marques devant le Comité.
    Le député est-il en train de dire qu'il nous faut encore plus de témoins avant de mettre fin à l'étude?
    Merci, madame Gallant.
    Mme Gallant ne cesse de faire le même rappel au Règlement. Ce n'en est pas un.
    Madame la présidence, il est normal d'invoquer le Règlement au sujet de la pertinence des propos. J'ai reproché à l'intervenant de ne pas s'en tenir au fait. Il parle de quelque chose qui n'a aucun rapport avec la motion à l'étude. La motion porte sur la comparution d'Elder Marques. Du reste, la Chambre lui a aussi demandé de comparaître.
    La motion est liée à l'étude.
    Effectivement.
    Tant que le sujet se rattache à l'étude, le député a le droit d'aborder toutes les questions qu'il veut.
    Monsieur Baker, avez-vous terminé, ou avez-vous quelque chose à ajouter?

  (1320)  

    J'ai autre chose à ajouter, monsieur le président.
    Je peux conclure bientôt.
    Pourriez-vous le faire? D'autres députés ont levé la main.
    D'accord, je présente mes excuses à mes collègues. Je vais conclure sur ce point.
     Si vous me le permettez, je voudrais dire rapidement que... Je vais terminer ce dernier point et je céderai ensuite la parole à mes collègues.
    Je veux terminer ce que je disais avant le rappel au Règlement de Mme Gallant. Certains témoignages mentionnés dans le rapport Deschamps sont très poignants, et ils renforcent ce que nous ont dit certains de nos témoins.
    Je cite le rapport :
Les jurons et les expressions très dégradantes qui font référence au corps de la femme sont endémiques. L’usage du mot « cunt » [ndlt: plotte] par exemple, est courant, et les farces portant sur le viol sont tolérées. Dès lors, les femmes sentent qu’elles doivent accepter le climat de sexualisation ou risquer l’exclusion. Beaucoup de militaires développent des mécanismes d’adaptation pour se protéger des commentaires persistants et malvenus.
    Je vais m'arrêter ici.
     Tout cela pour dire que je voulais simplement souligner comment... Ce que j'ai lu et commenté est étroitement lié à notre étude. Les témoins nous ont dit énormément de choses. Il existe un lien entre les témoignages et le rapport, qui apporte des détails supplémentaires. Cela nous aide à mieux comprendre la situation, et cela se rattache à notre rapport.
    Je vais m'arrêter là, madame la présidente.
     Merci beaucoup, monsieur Baker.
    Nous allons passer à Mme Vandenbeld, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    À la dernière séance, j'ai passé en revue un certain nombre de recommandations que nous avons entendues au cours de l'étude. Je n'ai pas tout à fait terminé toutes ces recommandations vendredi. Je voudrais donc le faire afin de démontrer que nous n'avons pas besoin d'autres témoins et que nous avons déjà beaucoup étudié la question.
    Madame la présidente, je voudrais parler d'un certain nombre de recommandations.
    Tout d'abord, nous sommes saisis d'un recommandons portant sur la nécessité d'un examen stratégique des processus, du début à la fin, selon une optique tenant compte des traumatismes et axée sur les survivants. Si cela est essentiel, et s'il faut tenir compte des traumatismes et être axé sur les survivants, c'est que nous savons que, très souvent, les solutions proposées ne tiennent pas compte des traumatismes et peuvent en fait être plus préjudiciables pour les victimes. Elles peuvent en réalité victimiser à nouveau les survivants et les mettre dans une très mauvaise position, même si ces solutions sont inspirées par de bonnes intentions. Il s'agit de s'assurer qu'il y a un examen stratégique et que tout est envisagé dans une optique qui tient compte des traumatismes.
    La recommandation suivante dit que nous avons besoin d'un plan global pour apporter un changement systémique de culture. Je sais que le document sur « la voie du respect et de la dignité » a été publié il y a plusieurs mois, puisque nous avons travaillé avec diligence à cette question, bien avant le début de l'étude du Comité. Des témoins nous ont dit que cette voie à suivre n'était pas suffisante, qu'il fallait ratisser plus large et aborder expressément le problème de la masculinité toxique. C'est ce que nous ont dit de nombreux témoins. Il nous faut veiller à ce que, lorsqu'il est question de changement de culture... Des témoins nous ont dit que notre démarche doit être exhaustive et systémique.
    Nous avons également reçu des recommandations de témoins sur la création de possibilités de justice réparatrice lorsque les survivants le souhaitent. C'est un point très important, car ce n'est pas tout le monde... Soit dit en passant, il s'agit ici d'hommes, de femmes, de personnes non binaires et de personnes transgenres. Tous les genres peuvent être touchés.
    Tous ceux qui sont victimes d'inconduite sexuelle, de harcèlement sexuel ou de violence sexuelle ne veulent pas emprunter immédiatement la voie des sanctions, recourir aux tribunaux ou à la justice militaire. Il arrive parfois — plutôt quand il s'agit de harcèlement sexuel et que le comportement n'est pas clairement criminel —, que la victime préfère au fond trouver une solution et faire appel à la justice réparatrice. C'est également important, car il y a des gens qui ont peut-être fait des blagues douteuses il y a des dizaines d'années et qui, avec le recul, s'aperçoivent qu'ils ont été irrespectueux sans en être conscients sur le coup. Ils voudront peut-être avoir un processus qui leur permettra de corriger certaines attitudes et certaines choses qui ont pu se produire.
    La justice réparatrice n'est pas une panacée, bien sûr. La reddition de comptes est d'une importance vitale. Il est essentiel d'assumer la responsabilité de ses comportements, mais il faut que ce soit une décision de la personne qui en a été victime et qui souhaite avoir des recours, des choix pour s'approprier le processus et le contrôler. C'est probablement un élément central de notre étude. Nous avons entendu de nombreux témoins. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'en entendre toujours plus.
    Les témoins ont signalé autre chose: l'abus d'autorité, l'abus de pouvoir doit être au centre de la sensibilisation et de la prise de conscience. À l'occasion, des gens en ont parlé à propos d'un environnement caractérisé par la sexualisation. C'est tout simplement un abus de pouvoir. De nombreux témoins nous ont dit qu'il s'agit clairement d'abus de pouvoir et que nous devons cesser de dire qu'il s'agit d'une question de sexe ou de flirt. Cela n'a rien à voir. C'est une question de pouvoir.

  (1325)  

     Je sais que nous avons progressé au chapitre de l'éducation et de la formation. De nombreux témoins nous ont dit que d'autres progrès sont encore nécessaires. Le fait est que cette éducation ne doit pas porter sur les relations entre les sexes, mais plutôt sur la notion de pouvoir. Nous devons nous assurer que les gens sont conscients que c'est là que se situe le principal problème.
    L'autre recommandation que nous avons entendue est qu'il faut renforcer le respect de la dignité de la personne. On parle ici de « personne ». Je pense que c'est très important parce qu'il peut s'agir de quelque chose qui peut empoisonner la vie de toute une unité, de toute une équipe, ainsi que nuire à la camaraderie et, en fait, à l'efficacité opérationnelle d'une unité. Lorsque vous ne traitez pas avec respect et dignité les subalternes ou les gens autour de vous, cela peut avoir une incidence sur tout ce que font les Forces armées canadiennes. Il est essentiel à tout cela, madame la présidente, de nous assurer de renforcer le respect et la dignité de la personne.
     Je suis heureuse, madame la présidente, qu'il soit écrit « personne » parce que, comme je l'ai mentionné... Des survivants sont entrés en rapport avec moi depuis vendredi parce qu'ils ont entendu mon intervention. En fait, je tiens à m'excuser d'avoir parlé de « femmes ». Bien que ce soit une très grande majorité de femmes qui vivent cela, nous savons — nous avons entendu des témoins — que les hommes vivent des situations similaires aussi. Les hommes ont encore plus de difficulté à en parler. C'est difficile pour les femmes de se manifester, mais c'est encore plus difficile de le faire pour les hommes, les personnes non binaires et les personnes transgenres de nos forces armées. Nous devons nous assurer que c'est la personne qui est respectée.
    Nous avons également entendu une recommandation selon laquelle les valeurs et les attributs d'un soldat idéal — ou d'un aviateur ou d'un marin idéal — doivent être mis à jour pour le XXIe siècle. Les Forces armées canadiennes ne ressemblent plus à celles de la Première Guerre mondiale, alors qu'il y avait des tranchées et une vision très masculine de ce qu'était un membre des Forces armées canadiennes. Il y a tellement de professions au sein des Forces armées canadiennes, et des témoins nous ont dit que la culture...
    Comme nous l'a dit M. Spengemann, il n'y a pas que les Forces armées canadiennes qui subissent un énorme changement de culture, mais bien tous les militaires. Tous nos alliés sont confrontés à la même chose parce que nous nous dirigeons vers un monde où il n'est plus uniquement question de force brute, mais aussi du renseignement, de compétences, d'adaptabilité, de capacité de refléter la population, de diversité des Forces armées canadiennes et d'idées que des personnes ayant vécu des expériences différentes peuvent apporter à une mission. C'est ce qui fait la force des Forces armées canadiennes.
    Lorsqu'il est question de soldat idéal, malheureusement — peut-être à cause de la culture populaire, de l'histoire ou de la socialisation —, on pense encore souvent à cette force brute. C'est un concept très masculin. Pendant que ce changement s'opère, nous devons vraiment comprendre qu'il s'agit d'un changement de culture. Il y a des gens qui doivent se faire à l'idée que la force est parfois synonyme de compromis. La force et la bravoure peuvent parfois être synonymes d'actions beaucoup plus intelligentes. De nombreux témoins nous l'ont d'ailleurs dit. De plus, lorsqu'il est question de genre, il y a cette idée que les personnes qui manifestent des émotions sont en quelque sorte faibles — qu'elles ne sont pas fortes.
    Nous avons tous cette perception. Elle nous vient en grande partie des films de guerre que nous avons vus ou de notre socialisation lorsque nous étions enfants.
    Madame la présidente, j'aimerais vous raconter une petite anecdote qui m'est arrivée quand j'avais 12 ans. Quand j'avais 12 ans, j'ai participé à une sortie éducative. J'ai grandi à Calgary, et la caserne Currie était à côté du parc Heritage, où nous allions faire des excursions. De retour d'une de ces excursions, nous étions moi et trois ou quatre autres filles de 12 ans dans la voiture conduite par ma mère. Nous nous sommes arrêtées au magasin de crème glacée. Nous avons vu passer des militaires. Je me souviens avoir entendu une des filles dire que si elle était un garçon, elle irait dans la marine. Une autre a dit que si elle était un garçon, elle se joindrait certainement à l'aviation. Une autre encore a dit que si elle était un garçon, elle pensait qu'elle s'enrôlerait dans l'armée. Je ne vais pas répéter ici ce que j'ai dit alors, parce que, bien sûr, en tant que secrétaire parlementaire, je ne veux pas que l'on pense que j'ai une préférence pour une de ces divisions.

  (1330)  

     À l'âge de 12 ans, à Calgary, en tant que jeunes filles des années 1980, il ne nous est jamais venu à l'esprit que les filles pouvaient entrer dans la marine, l'armée ou l'aviation. Nous ne pensions pas que c'était possible parce que nous n'avions jamais vu une femme en uniforme. Pour ma part, je n'en avais jamais vu, ni à la télévision ni en vrai. Nous n'avions pas de modèles.
    Je pense que ce que notre étude a démontré, grâce à tous les témoignages que nous avons entendus, c'est que ce genre de chose existe toujours, ces notions subliminales que nous intériorisons et dont nous ne sommes même pas conscients. Nous devons nous assurer que, lorsqu'il est question de soldat idéal, d'aviateur idéal, de marin idéal, chaque petite fille, chaque personne transgenre, chaque personne non binaire, chaque personne racisée ou toute autre personne peut considérer les Forces armées canadiennes comme un endroit où elles peuvent apporter leur contribution et où elles sont les bienvenues, et non pas seulement comme un endroit qui les tolère ou les accepte.
    Nous avons entendu de nombreux témoins parler des petits affronts qui se produisent au jour le jour et qui font sentir aux personnes qu'elles n'ont pas leur place là, des situations qui leur donnent l'impression qu'on les tolère. Ce n'est pas une question de tolérance. Il s'agit de veiller à ce que les Forces armées canadiennes soient un endroit où la grande diversité des personnes qui vivent dans ce pays peuvent apporter une contribution absolue et entière et être bien accueillies, et où les petites filles de 12 ans qui voient passer des militaires peuvent dire: « Quand je serai grande, je veux faire comme eux ». C'est ce que nous recherchons. C'est pourquoi je pense que cette recommandation, que j'ai ici sous le numéro 82, est probablement l'une des plus importantes.
    Nous avons également une recommandation, et c'est quelque chose qui est souvent laissé de côté, pour que les besoins en soins de santé des femmes soient satisfaits, y compris en ce qui a trait à la recherche et au développement, ainsi qu'aux lacunes dans la médecine militaire professionnelle et opérationnelle pour les femmes, une situation dont on doit s'occuper et qui doit être corrigée. L'exemple ici est la grossesse, et nous avons eu cette discussion au Comité permanent de la condition féminine l'autre jour avec nos témoins. Je pense que cette recommandation est très importante parce que, encore une fois, cela revient à ce que j'ai dit, c'est-à-dire que plutôt que de leur donner l'impression qu'on les tolère, nous devons nous assurer que les gens ont le sentiment de participer de façon pleine et absolue.
    Nous savons qu'il y a des lacunes. Nous savons que lorsqu'il s'agit des femmes en déploiement, en particulier, pour ce qui est des besoins en soins de santé, le système médical militaire est principalement axé sur la traumatologie, bien sûr, et sur les personnes qui sont dans la fleur de l'âge. Ce sont des personnes assez en forme, assez actives et jeunes, et ce sont le plus souvent des hommes. Vous avez donc un système militaire où... J'ai parlé à des anciennes combattantes qui m'ont dit que lorsqu'elles étaient en déploiement, il était très difficile d'aborder des choses comme la régulation des naissances ou tout ce qui a trait aux besoins gynécologiques.
    Nous savons qu'il y a différents risques professionnels et environnementaux qui peuvent avoir une incidence sur la fertilité, et cela ne s'applique pas seulement aux femmes, mais aux hommes aussi. Toutefois, aucune recherche n'a été faite à ce sujet. Le sujet n'a pas été suffisamment étudié pour voir quelles sont les répercussions exactes pour les femmes. C'est pourquoi je pense que la recommandation qui a été faite concernant la recherche et le développement et l'examen des lacunes dans la médecine militaire opérationnelle est très importante.
    Nous avons également entendu des témoins dire qu'il faut de l'argent pour assurer l'intégration complète des femmes dans des milieux traditionnellement masculins et qu'il doit s'agir de financement réservé. La journée d'aujourd'hui est très prometteuse, car dans quelques heures, nous aurons notre budget. Je sais que de nombreuses femmes, de nombreuses anciennes combattantes et de nombreuses survivantes nous ont dit qu'il est très difficile lorsque l'argent nécessaire pour tenir compte des besoins spéciaux, par exemple, si vous avez besoin d'un uniforme spécial...
    Je sais très bien que beaucoup est fait pour s'assurer que des choses comme les uniformes proviennent d'un budget central, et non pas du budget d'une unité. Pour veiller à ce qu'il y ait des fonds, un financement très précis qui permettrait de répondre aux besoins des femmes et d'autres membres des Forces armées canadiennes de diverses identités de genre, il faut que l'on dispose d'un fonds réservé qui n'est pas utilisé pour autre chose, ou pire encore, que l'on se serve de fonds réservés à d'autres fins, faisant en sorte que l'unité donne comme raison du refus d'un déplacement humanitaire ou d'autres choses le fait que l'argent a été utilisé pour acheter un uniforme...

  (1335)  

     Nous avons entendu cela. Je crois que beaucoup de progrès sont réalisés en ce moment. J'ai eu ces conversations, mais je pense que nous devons prêter attention à la recommandation formulée en ce sens par nos témoins. Encore une fois, cela indique que nous n'avons pas vraiment besoin d'entendre beaucoup d'autres témoins, parce qu'en fait, les recommandations que nous avons déjà sont excellentes.
    Je vais m'arrêter là, madame la présidente. Je vois des mains levées. Je vais laisser mes collègues intervenir. Je tiens simplement à préciser qu'il y en a encore beaucoup d'autres points que je n'ai pas encore abordés. J'aimerais revenir plus tard et en parler.
    D'accord. Merci beaucoup, madame Vandenbeld.
    Nous sommes en séance publique depuis deux heures. Voulez-vous poursuivre?
    Oui...? D'accord. Bien.
    Un député: Pouvons-nous faire une pause pour aller aux toilettes, madame la présidente?
    La présidente: Ce n'est pas une mauvaise idée.
    Que diriez-vous d'une suspension de cinq minutes, alors, pour permettre à tous d'aller aux toilettes?
    D'accord.

  (1335)  


  (1355)  

     Merci à tous.
     Nous reprenons nos travaux.
    Nous allons reprendre avec M. Bagnell, s'il vous plaît.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Allez-y, monsieur Bezan.
    Je sais qu'il a été question de suspendre la séance de 15 h 30 à 17 h 30 aujourd'hui. Je sais que cette entente a été conclue pour d'autres séances, mais pas pour celle-ci, alors je m'attends à ce que nous continuions à siéger. Ce n'est qu'une suspension pour aller voter.
     Je vous rappelle aussi, madame la présidente, que si vous souhaitez prendre une pause, je serai très heureux d'assumer la présidence en votre absence.
    D'accord.
    Nous allons poursuivre avec M. Bagnell, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais reprendre là où M. Baker s'est arrêté.
    Comme vous le savez, les trois principaux points à améliorer ou les recommandations que les victimes ont formulées, qui sont prioritaires, sont la culture...
    C'est [Difficultés techniques] grave.
    Nous attendons toujours que la webdiffusion, la diffusion vidéo, commence. Je constate que nous avons uniquement l'audio. Nous devrions avoir l'image maintenant.
    Merci. Nous allons nous en occuper.
     Les trois principaux points à améliorer étaient la culture, l'indépendance des processus et les répercussions sur les rapports.
    M. Baker a donné un bon aperçu du rapport Deschamps concernant la culture, l'information sur la culture. Je vais poursuivre sur un autre point important, soit l'indépendance des processus.
Sauf dans les cas où le harcèlement sexuel constitue un acte criminel, les politiques des FAC traitent ce comportement de façon distincte de l'agression sexuelle et sans rapport avec celle-ci. De l'avis de la REE, cette stricte dichotomie n'a pas sa place et est susceptible de se traduire par l'impunité de comportements sexuels inappropriés, surtout s'il s'agit d'agressions sexuelles mineures. De plus, de nombreux participants aux consultations ont manifesté de sérieuses préoccupations concernant la pertinence et l'efficacité des procédures en vigueur.
    Étant donné que les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel sont traités séparément, je vais commencer par parler du harcèlement sexuel, puis, dans ma prochaine intervention, je vais passer aux processus relatifs aux agressions sexuelles, même si, comme on l'a dit plus tôt, ces deux questions ne devraient pas nécessairement être traitées séparément, mais pour le moment, elles le sont.
    Sous la rubrique « Pratiques actuelles » en ce qui a trait au harcèlement sexuel:
Pour déterminer ce que sont, pour les FAC, les pratiques et procédures relatives à la réception des plaintes de harcèlement sexuel, aux enquêtes sur celles-ci et à leur règlement, il faut consulter plusieurs documents. Comme la REE l'a déjà été mentionné, la DOAD 5012-0 régit quatre types de harcèlement: le harcèlement personnel, l'abus de pouvoir, le harcèlement sexuel et le racisme. Bien que la DOAD fixe les grands paramètres de la politique — notamment la délégation à certaines personnes des pouvoirs de réception, d'enquête et de règlement —, des instructions plus complètes sont fournies dans les Lignes directrices sur la prévention et la résolution du harcèlement [...]
    Puis, il est question des « Lignes directrices ».
Ces Lignes directrices constituent un guide de procédure visant à appuyer la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement. Elles sont publiées sous l'autorité du CEMD et elles ont la même force obligatoire que la DOAD 5012-0. Tant la DOAD 5012-0 que les Lignes directrices « découlent directement de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Secrétariat du Conseil du Trésor et elles y sont conformes ».
Comme l'indiquent la DOAD 5012-0 et les Lignes directrices, les cmdt et certains officiers de grade plus élevé peuvent se voir confier la responsabilité d'adjuger les plaintes de harcèlement et, dans ces circonstances, ils sont désignés agents responsables (AR). Les AR détiennent un pouvoir décisionnel en vertu de la DOAD et des Lignes directrices. Ils reçoivent des instructions précises du CEMD pour s'acquitter de leurs responsabilités. Les conseillers en matière de harcèlement […]
    Les CH donc,
… dont le rôle consiste notamment à conseiller les AR sur le traitement des plaintes de harcèlement, sont aussi encadrés par des directives. Les CH sont nommés par les cmdt. Ce sont généralement des membres d'une unité qui sont désignés par les cmdt ou qui se sont proposés pour exercer cette fonction.
Le Manuel de référence du conseiller en matière de harcèlement prévoit deux grandes approches pour régler les plaintes de harcèlement: (1) le mode alternatif de règlement des conflits (MARC), que les plaignants sont « encouragés » à utiliser, et (2) l'enquête administrative. De manière générale, les plaignants sont incités à opter pour un MARC (qu'il s'agisse de techniques propres au MARC, mais appliquées de façon informelle par des représentants de la chaîne de commandement ou de l'aide apportée par un tiers médiateur) avant de déposer une plainte officielle et de demander une enquête administrative. Dans un cas comme dans l'autre, le Manuel de référence du conseiller en matière de harcèlement précise que l'un des principes directeurs que l'AR doit suivre est de s'efforcer de résoudre le problème à l'échelon le plus bas possible au moyen des techniques du MARC:
« En cas de harcèlement, ou lorsqu'une plainte est déposée à cet égard, les militaires et les employés sont encouragés à régler le problème à l'échelon le plus bas possible ou le plus approprié en ayant recours aux différentes techniques de règlement des conflits. »

  (1400)  

     Dans un cas comme dans l'autre, le Manuel de référence du conseiller en matière de harcèlement établit que l'un des principes directeurs que l'AR doit suivre est de s'efforcer de résoudre le problème à l'échelon le plus bas.
    Le rapport se poursuit ainsi:
Le Guide de l'agent responsable insiste également sur l'importance d'un règlement à l'échelon le plus bas.
Compte tenu de ces exigences d'ordre procédural, la victime de harcèlement pourrait être obligée de passer par trois étapes différentes avant le règlement complet d'une plainte de harcèlement. La première étape (MARC) a lieu après que la victime a signalé le comportement inapproprié, mais avant qu'une plainte officielle soit soumise, la deuxième étape (l'enquête administrative) est entamée lorsque la plainte est déposée, et la troisième étape (un grief) a lieu si l'une des parties conteste la décision de l'AR concernant la plainte.
En ce qui a trait à la première étape, bien qu'elle ne soit pas obligatoire, les FAC encouragent fortement leurs membres à commencer par utiliser ce qu'elles appellent les « initiatives personnelles »; ces initiatives consistent, pour la personne concernée à s'adresser d'abord directement à l'auteur du comportement inapproprié […] Si le supérieur immédiat n'est pas en mesure d'intervenir, ou s'il est partie à l'affaire, la victime peut demander à un superviseur d'un échelon supérieur d'intervenir. Cette dernière option fait partie de la politique « de la porte ouverte ». Si le recours à la chaîne de commandement ne donne pas les résultats souhaités, ou si cette mesure n'est pas appropriée, le militaire peut se voir offrir le soutien technique d'un MARC officiel, soit l'aide d'un tiers médiateur.
Si aucune de ces techniques n'est efficace ou indiquée, la victime peut déposer une plainte officielle, ce qui l'amène à la deuxième étape: une enquête administrative. Celle-ci est généralement déclenchée à la suite d'une plainte écrite, et elle implique certaines obligations liées à l'équité procédurale, par exemple, le droit des plaignants de recevoir de l'information au sujet de leur plainte. Par ailleurs, un conseiller en relation de travail (CRT) peut être affecté au cas du plaignant. Le CRT donne de l'information sur les processus d'enquête, mais ne peut pas fournir de conseil sur le bien-fondé de la plainte. Si les parties ont besoin de soutien moral ou administratif additionnel, elles peuvent recevoir l'aide d'un « assistant ». Tout comme les CH et les CRT, les assistants sont des militaires qui se sont ont proposés ou à qui on a demandé d'exercer cette fonction.
La réception d'une plainte écrite déclenche une évaluation de la situation. Selon les Lignes directrices, le processus d'enquête est rarement terminé à cette étape, toutefois:
« Dans des circonstances exceptionnelles, l'agent responsable [dès après l'évaluation de la situation] peut avoir l'entière satisfaction de détenir tous les faits. »
Dans ces circonstances, l'AR peut décider, en se fondant sur l'évaluation de la situation, si les critères énoncés dans la DAOD 5012-0 sont respectés. S'il ne s'agit pas de l'un de ces cas exceptionnels, l'enquête sera faite par un enquêteur en matière de harcèlement (EH). L'EH est soit un militaire qui a obtenu un certificat d'enquêteur après avoir suivi une formation dans les FAC, soit un civil qui est autorisé à mener des enquêtes. Cependant, avant la poursuite du processus d'enquête, le plaignant ou la plaignante sera invité une nouvelle fois à utiliser un MARC. S'il s'avère nécessaire de nommer un EH, les conditions du mandat seront circonscrites, puis le dossier sera confié à l'EH.
Après son enquête, l'EH doit produire un rapport préliminaire qui ne contient aucune recommandation. L'AR examine le rapport préliminaire pour s'assurer qu'il est conforme au mandat. Lorsque le rapport l'est, il est transmis au plaignant ou à la plaignante et à la personne mise en cause. L'AR doit veiller à ce que la procédure soit équitable. L'AR est alors en mesure de décider s'il faut prendre une mesure administrative et, le cas échéant, de quelle nature. Dans le cas d'une plainte de harcèlement qui s'avère fondée, l'AR peut imposer des mesures correctives, qui vont du counselling à un avis écrit dans le dossier de la personne mise en cause ou, dans les cas les plus graves, à une mise en garde et surveillance ou même à une libération des FAC.
Les Lignes directrices prévoient que si l'une ou l'autre des parties n'est pas satisfaite de la décision de l'AR, elle peut déposer un grief. Même si la procédure de règlement des griefs n'est pas utilisée exclusivement pour les plaintes de harcèlement, c'est la troisième et dernière étape qui s'offre aux personnes qui s'estiment victimes de ce type de comportement. Le grief est soumis à une autorité de première instance, qui est habituellement le cmdt du plaignant ou de la plaignante. Lorsqu'il reçoit le grief, le cmdt doit déterminer s'il est en mesure d'accorder un redressement. S'il a ce pouvoir et qu'il n'est pas en conflit d'intérêts, il prendra la décision initiale sur le grief. S'il n'est pas dans une position lui permettant de rendre une décision, le grief sera transmis à un officier qui a la compétence nécessaire. Les règles d'équité procédurales doivent être respectées, notamment en ce qui a trait à la divulgation des informations pertinentes à la personne mise en cause. Si le plaignant ou la plaignante ou la personne mise en cause demeurent insatisfaits de la décision de l'autorité de première instance, ils peuvent demander à l'autorité de dernière instance — le CEMD — d'examiner la décision sur le grief. Le CEMD peut demander au Comité externe d'examen des griefs militaires (CEEGM) d'examiner le cas et de faire des recommandations. Le CEEGM est un organisme indépendant qui n'a pas le pouvoir de rendre une décision définitive et exécutoire; il peut uniquement faire des recommandations au CEMD.

  (1405)  

En plus des nombreux documents de politique générale qui s'appliquent à l'échelle des FAC, les cmdt de la Marine, de l'Armée et de l'Aviation peuvent publier des ordonnances plus explicites ou plus précises qui visent leurs membres. Chaque formation ou unité peut adopter d'autres ordonnances qui répètent ou, dans certains cas, développent le contenu de la politique. Par conséquent, tout comme le subordonné qui est tenu d'obéir à un ordre de son supérieur à moins qu'il ne soit manifestement illégal, les militaires sont obligés, en pratique, de se conformer à la règle édictée au plus bas échelon, soit les ordres de leur cmdt, qu'ils doivent accepter par écrit lorsqu'ils sont affectés à l'unité…
    Un instant, monsieur Bagnell.
    Madame Gallant.

  (1410)  

    Maintenant que nous avons accès à la vidéo, après plusieurs heures, cette icône dans le coin barrée d'une ligne rouge va-t-elle disparaître, pour que nous sachions que nous sommes en ligne? Comment saurons-nous que ça y est?
    Le message dit « public with conference », mais il n'est pas question de vidéo, juste de diffusion publique. Nous ne savons pas si cette mention « public with conference » signifie également que nous avons le signal vidéo.
    Le greffier dit que c'est le cas, madame Gallant.
    Ah oui?
    Ce n'est pas ce que je vois. Est-ce l'icône dans le coin supérieur gauche qui est barrée d'une ligne rouge?
    Cela veut dire qu'il y a 15 personnes qui sont en ligne et 9 personnes qui ne le sont pas.
    D'accord. Ça fonctionne.
    Merci, madame la présidente, et je m'excuse.
    Monsieur Bagnell, veuillez poursuivre.
     Merci. Je poursuis:
Par exemple, à moins qu'il ne soit illégal, un matelot doit suivre l'ordre établi par le cmdt du navire, sans remettre en question sa conformité avec les énoncés de politique des échelons plus élevés, présentés dans la DOAD ou les Lignes directrices.
La REE constate que cet ordre normatif diffère considérablement de celui qui règne dans le monde civil. Dans les règles de la vie civile, la hiérarchie est claire: elle est verticale et fonctionne de haut en bas. Le texte de loi le plus fondamental, la Constitution, l'emporte sur les lois, qui elles-mêmes l'emportent sur les règlements, qui à leur tour l'emportent sur les politiques. Tous les citoyens peuvent remettre en question l'autorité découlant d'une politique, d'un règlement ou d'une loi du gouvernement qui semblerait contraire à la Constitution. Par contre, dans les forces armées, un certain nombre de politiques différentes ont la même force normative, c'est-à-dire que l'ordre en est horizontal. Cette situation peut donner lieu à une interprétation et à une application non uniformes des politiques des FAC et, concrètement, peut mener à des pratiques qui ne sont pas conformes à celles-ci.
Compte tenu de cette différence dans le fonctionnement des règles, il est d'autant plus important que les dirigeants des FAC soient adéquatement formés et connaissent le contenu et l'importance des politiques sur les comportements sexuels inappropriés, afin d'assurer l'uniformisation de la mise en œuvre des politiques dans l'ensemble de l'organisation.
Étant donné le nombre d'étapes différentes associées à une plainte de harcèlement, et le nombre de sous-étapes, il n'est pas surprenant que les personnes interviewées aient souligné que le processus de traitement des plaintes de harcèlement porte à confusion et qu'il est trop complexe. De plus, ces personnes ont soulevé certaines préoccupations qui font ressortir des problèmes de fonds touchant les processus en vigueur en ce qui a trait aux enquêtes sur les cas de harcèlement sexuel.
7.1.2 Résolution à l'échelon le plus bas
La REE a entendu de nombreuses critiques sévères à l'égard de la politique des FAC qui vise à régler les plaintes de harcèlement sexuel à l'échelon le plus bas. Il semble que l'objectif de cette politique soit de régler les conflits mineurs pour éviter d'acheminer inutilement les plaintes aux échelons supérieurs, ce qui peut être préjudiciable tant pour la personne mise en cause que pour le plaignant ou la plaignante. Bien que l'objectif soit louable, la REE est d'avis que, en pratique, la politique a un effet dissuasif qui fait que les victimes ne sont pas portées à signaler un incident ou à donner suite à une plainte. Plus précisément, la politique ne tient pas compte de l'anxiété que peuvent éprouver de nombreux plaignants à l'idée de faire face à leur agresseur, et elle ne reconnaît pas que le déséquilibre de pouvoirs, possiblement à l'origine du comportement sexuel inapproprié, pourrait subsister dans le contexte de la « résolution à l'échelon le plus bas » ou de la médiation. Par exemple, alors que plusieurs femmes résolues ont témoigné qu'elles avaient pu dénoncer le comportement de harcèlement sexuel qu'elles subissaient et faire face au harceleur, un nombre beaucoup plus élevé d'interviewées ont indiqué que les techniques du MARC ne convenaient pas aux cas de harcèlement sexuel puisque les victimes ne se sentent pas à l'aise dans une position de confrontation, surtout lorsque la personne qui harcèle détient un grade plus élevé.
De plus, la vaste majorité des personnes interviewées qui ont décidé de discuter de leur plainte avec leurs superviseurs affirment que leur plainte n'a pas été prise au sérieux. Les réactions des superviseurs variaient d'une mise en garde aux victimes contre les conséquences négatives d'une plainte officielle sur leur carrière à une claire expression de leur incrédulité. Peu importe sur quoi se basent les superviseurs pour décourager les plaignants de donner suite à leur plainte, il est évident que la politique de la « résolution à l'échelon le plus bas » constitue un obstacle majeur au règlement des plaintes de harcèlement sexuel et à un changement dans l'ensemble de la culture des FAC.
En outre, la REE a appris que le processus visant à régler les plaintes à l'échelon le plus bas nuit à la confidentialité — une grande préoccupation pour la plupart des plaignants. La résolution à l'échelon le plus bas suppose un échange de renseignements avec le superviseur ou, éventuellement, l'acheminement de la plainte à de nombreuses personnes, jusqu'à l'AR. De plus, il peut s'avérer nécessaire d'interviewer des témoins s'il y a une enquête. Tout cela se traduit par une importante perte de confidentialité puisqu'un certain nombre de militaires sont nécessairement au courant des détails de l'incident et du fait que la victime a présenté une plainte. Si bien que nombre de personnes interviewées ont mentionné qu'elles préfèrent ne pas signaler un incident par peur des conséquences sur leur réputation et de la stigmatisation qui pourrait s'ensuivre. De nombreuses victimes craignent également d'être étiquetées comme des personnes pouvant se plaindre d'un collègue, et par voie de conséquence, d'être ostracisées. Les personnes interviewées affirment aussi que les supérieurs hiérarchiques ignorent les incidents de harcèlement. Il semble que les superviseurs informés d'une plainte soient portés à répondre tout simplement: « oublie ça ».

  (1415)  

En définitive, la REE a constaté que, malgré les bonnes intentions qui sous-tendent la politique, la pression exercée pour régler une plainte à l'échelon le plus bas a pour effet d'étouffer la plainte dès le départ et d'intimider les plaignants, si bien qu'ils ne feront pas valoir leurs préoccupations légitimes. Par conséquent, les obstacles, réels ou perçus, empêchent les victimes d'obtenir un règlement satisfaisant dans les cas de harcèlement sexuel et suscitent la méfiance à l'égard du système.
Par ailleurs, la politique de résolution des plaintes à l'échelon le plus bas n'est pas cohérente avec la politique de tolérance zéro des FAC. Le principe qui sous-tend cette politique est incorporé dans la DOAD 5012-0:
« Le harcèlement, peu importe sa forme, est une conduite inacceptable et ne sera pas toléré. »
Comme la politique de résolution à l'échelon le plus bas a pour effet concret de dissuader fortement les plaignants de donner suite à leur plainte et d'étouffer les incidents, la crédibilité de la politique de tolérance zéro des FAC s'en trouve directement affectée. La plupart des participants estiment que la politique de tolérance zéro est purement théorique et qu'elle a peu de liens avec la réalité sur le terrain.
    En ce qui concerne la « Politique de la porte ouverte », il est dit ceci:
Si d'un côté, de nombreuses personnes interviewées ont fait état des difficultés rencontrées pendant le processus de traitement des plaintes à l'échelon le plus bas, d'un autre côté, la REE a constaté que les tentatives visant à acheminer les plaintes à un échelon plus élevé se soldaient aussi fréquemment par un échec. Plusieurs cmdt ont souligné à la REE que les FAC ont une politique de la porte ouverte, mais beaucoup de personnes interviewées ont qualifié cette option d'irréaliste. Trop de s/off sont perçus comme faisant partie d'un club de copains, et ils se soucient plus de protéger la réputation de leur unité que d'appuyer une victime. Plusieurs personnes interviewées signalent aussi que les officiers subalternes, formés par les s/off, ferment les yeux sur les problèmes de comportement sexuel inapproprié. De plus, non seulement est-ce très mal vu de sauter un échelon de la chaîne de commandement, mais il semble aussi que seulement un très petit nombre de cmdt exceptionnellement ouverts seraient prêts à traiter de façon sérieuse la plainte de harcèlement sexuel d'un plaignant ou d'une plaignante qui oserait sauter un échelon.
Si bien qu'en réalité, lorsqu'un militaire tente de rencontrer un cmdt pour lui parler d'une plainte de harcèlement sexuel, la « porte ouverte » est en fait gardée par un certain nombre de personnes qui insistent pour connaître le motif de la demande d'entrevue. Dans ces circonstances, la possibilité de déposer une plainte officielle auprès d'un CH n'est pas une option réaliste, pas plus que le soi-disant droit du plaignant ou de la plaignante de faire part directement de ses préoccupations au cmdt ou à une personne d'un échelon plus élevé. Encore une fois, cette situation crée de sérieux obstacles au signalement des incidents, à la tenue d'une enquête efficace et à la résolution des plaintes. Il suffit d'une personne dans la chaîne de commandement pour que la plainte soit étouffée. En fait, celui ou celle qui y arrive est généralement perçu comme quelqu'un qui a la capacité de résoudre les problèmes et de protéger adéquatement son supérieur.
    J'aimerais maintenant parler des « Difficultés associées à l'utilisation du MARC ». Il est dit ceci:
La fréquence du recours aux techniques du MARC dans le processus de traitement des plaintes suscite également des préoccupations. Le Guide de l'agent responsable propose aux AR d'envisager l'utilisation du MARC à deux moments différents. Premièrement, les AR devraient considérer les techniques du MARC au début du processus de traitement de la plainte, avant l'ouverture officielle de l'enquête administrative. Deuxièmement, si cette première tentative de résolution échoue et que la personne concernée dépose officiellement une plainte, l'AR devrait recourir au MARC à la suite de l'enquête sur la plainte. Même si le MARC comporte théoriquement des avantages, selon certaines critiques, cette méthode ne convient généralement pas au traitement des incidents de harcèlement sexuel. Une chercheure a d'ailleurs souligné que « d'imposer à la victime la responsabilité de faire face à la personne qui la harcèle ne donne pas de bons résultats étant donné la rigidité des relations de pouvoirs et de la hiérarchie dans le contexte militaire. » De plus, comme l'a fait remarquer une personne interviewée, les services du MARC des FAC visent à favoriser le rétablissement de l'harmonie en milieu de travail et non à s'attaquer aux aspects plus larges de la culture à la base des comportements sexuels inappropriés. La REE a entendu pendant l'examen de nombreux commentaires de participants qui allaient dans le même sens. Du reste, il est assez révélateur que, près de 15 ans après l'entrée en vigueur de la DOAD 5012-0, personne n'ait pu fournir à la REE d'exemple montrant que les techniques du MARC avaient permis de résoudre des cas de harcèlement sexuel.

  (1420)  

Néanmoins, même si les techniques du MARC ne sont généralement pas appropriées pour résoudre les plaintes de harcèlement sexuel, il peut arriver dans certaines circonstances limitées que le plaignant ou la plaignante souhaite faire appel à un tiers médiateur...
    Merci. Est-ce...?
    Non.
    Je suis désolée. Je ne voulais pas vous interrompre, monsieur Bagnell.
     J'ai dû m'arrêter pour boire une gorgée d'eau.
L'essence du MARC est d'offrir une approche de règlement des conflits axée sur la prise en charge par les victimes de leur propre sort. Dans le contexte du harcèlement sexuel, ce principe est fondamental en raison de l'importance qu'accordent les victimes à la possibilité de disposer d'une certaine autonomie lors du processus de traitement des plaintes. Pour cette raison, il est nécessaire que les victimes conservent une partie du contrôle sur le processus et qu'on leur offre le MARC simplement comme l'une des démarches possibles, sans exercer de pressions sur elles en vue d'un règlement.
    Il y a quelques autres problèmes liés à ce processus:
Même dans le cas des plaintes de harcèlement sexuel qui s'avèrent fondées et qui donnent lieu à des mesures correctives, les personnes interviewées perçoivent souvent les sanctions imposées comme une « tape sur les doigts »; elles les jugent insignifiantes (par exemple, devoir suivre une formation en ligne) et incohérentes. En même temps, comme il en a déjà été question, les plaignants qui donnent suite à leur plainte s'exposent à des conséquences négatives, notamment voir leur avancement professionnel compromis, et être stigmatisés et ostracisés. La différence entre les conséquences subies par la victime et celles auxquelles par le harceleur fait face confirme le point de vue de nombreux militaires (traité plus haut) selon lequel les FAC ne prennent pas au sérieux les plaintes de harcèlement sexuel.
De nombreuses personnes interviewées ont aussi porté à l'attention de la REE l'une des conséquences indésirables du système d'affectation: les plaintes de harcèlement ne sont pas résolues en temps voulu par le cmdt sortant, et c'est le nouveau cmdt qui doit s'en occuper, alors qu'il vient d'arriver dans l'unité et qu'il est le moins apte à régler efficacement l'affaire. Le fait que l'unité assume le coût de l'enquête sur la plainte de harcèlement semble aussi décourager le recours à une telle mesure.
Globalement, la REE estime que la complexité des politiques et des procédures relatives au harcèlement sexuel en réduit la valeur relative. En outre, les politiques sont parfois incohérentes et inefficaces. Le signalement des incidents n'est pas encouragé et l'information concernant ce qui se passe sur le terrain ne se rend pas jusqu'aux dirigeants des échelons supérieurs. En fait, dans ses directives aux cmdt, le CEMD mentionne qu'il est peu probable que les AR entendent parler d'un incident de harcèlement avant qu'une plainte écrite soit déposée. Au bout du compte, beaucoup des personnes qui ont eu recours au processus officiel de traitement des plaintes en sont restées marquées. Une des personnes interviewées a qualifié son expérience d'« atroce », et certaines ont affirmé que jamais elles ne repasseraient par là.
    Pour résumer, j'aimerais ajouter une chose au sujet de la collecte de données:
Finalement, la REE a constaté que les données sur les plaintes de harcèlement, les enquêtes et les résultats ne sont pas systématiquement consignées. Même si plusieurs militaires ont expliqué qu'il serait possible d'entrer tout simplement les données sur les plaintes de harcèlement sexuel dans des registres déjà utilisés, cela ne se fait pas actuellement. Le système de suivi des plaintes de harcèlement semble peu fiable pour de nombreuses raisons, dont l'absence d'instructions claires sur la façon et le moment de produire les rapports, la confusion entourant les systèmes de codages et l'absence de sanction lorsque les militaires ne se servent pas du système de suivi. Le rapport d'incident d'importance (RII) semble plus largement utilisé, mais comme son nom l'indique, ce mécanisme ne permet de suivre que les incidents les plus graves. En outre, la REE a été mise en garde au sujet du manque de fiabilité du Système d'information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC).
Par conséquent, il n'existe aucun moyen d'évaluer la fréquence des incidents signalés ou la façon dont ils ont été traités, entre autres, s'il y a eu enquête, combien de temps s'est écoulé entre le dépôt de la plainte et sa résolution éventuelle, ou la nature des sanctions finales, le cas échéant. Il est donc impossible pour les FAC d'évaluer globalement la responsabilisation de la chaîne de commandement dans le traitement des plaintes de harcèlement. Ce déficit de responsabilisation permet à ceux qui commandent de minimiser les plaintes ou d'en faire fi s'ils le veulent et à ceux qui contreviennent aux politiques sur le harcèlement sexuel de le faire en toute impunité.
    Le processus d'enquête comporte un certain nombre de problèmes graves, alors quelles sont les pistes d'amélioration? En voici quelques exemples:
Selon la REE, le processus de traitement des plaintes est globalement trop complexe; il privilégie le règlement à l'amiable au détriment des victimes, et il nuit à l'analyse et à la résolution complètes des incidents de harcèlement sexuel dans les FAC. C'est pourquoi la mise en œuvre de trois mesures importantes s'impose pour améliorer le processus de traitement des plaintes.

  (1425)  

Premièrement, comme la REE l'a déjà mentionné, les plaignants devraient avoir la possibilité de déposer leur plainte de harcèlement sexuel au CRHaSAS, une autorité indépendante des FAC, et de décider si elles veulent déclencher le processus officiel de traitement des plaintes, incluant une enquête. Si une victime ne veut pas qu'il y ait enquête, elle doit tout de même pouvoir obtenir du soutien et des conseils. Dans l'éventualité où un plaignant ou une plaignante accepte de suivre le processus officiel de traitement des plaintes, il y a lieu à une enquête administrative.
Deuxièmement, le processus devrait être simplifié et rationalisé. Il faudrait que les plaintes officielles débouchent directement sur une procédure de règlement des griefs devant le cmdt agissant comme adjudicateur, plutôt que de reposer sur la pratique qui consiste à privilégier les initiatives personnelles ou à exiger que la plainte passe par de nombreux membres de la chaîne de commandement, puis par un processus d'enquête officiel. De cette façon, les incidents de harcèlement sexuel seraient portés à l'attention du cmdt aussi rapidement que possible. Le plaignant ou la plaignante et la personne mise en cause auraient droit à du soutien et à des conseils concernant la procédure de règlement des griefs. Le cmdt aurait la possibilité de demander à un EH de mener une enquête plus approfondie, comme le permet la pratique actuelle de traitement des plaintes de harcèlement. Les deux parties auraient également le droit de présenter une déclaration écrite au cmdt. La personne mise en cause devrait bénéficier de la protection des règles d'équité procédurale, qui implique notamment la communication des éléments de preuve.
    Enfin, la troisième recommandation se lit comme suit:
[…] la politique devrait accorder beaucoup moins d'importance au MARC et à la résolution des plaintes à l'échelon le plus bas. Dans la plupart des cas, il est inapproprié de demander à la victime qu'elle affronte l'auteur du harcèlement, surtout lorsqu'il y a déséquilibre de pouvoirs. Même si les cmdt doivent offrir aux plaignants la possibilité de recourir au mécanisme de MARC le plus adéquat, il devrait aussi leur expliquer clairement qu'il ne s'agit là que d'une option, qu'ils sont entièrement libres de s'en prévaloir ou non.
Le modèle proposé met à la disposition des militaires un processus simplifié, dont le nombre d'étapes passe de trois à une. De plus, grâce à ce modèle, le cmdt peut mieux contrôler son unité et intervenir beaucoup plus tôt dans le processus.
    En résumé, la recommandation se lit comme suit:
Simplifier le processus de traitement des plaintes de harcèlement, notamment:
Transmettre les plaintes officielles aux cmdt, qui agissent comme arbitres des griefs. [et]
Réduire l'importance accordée au MARC.
    Comme je l'ai dit, les agressions sexuelles sont traitées différemment, et je vais passer en revue les processus et les recommandations qui s'y rapportent dans ma prochaine intervention.
    Merci, madame la présidente.

  (1430)  

    Merci beaucoup, monsieur Bagnell.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à M. Robillard.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais maintenant continuer au sujet du CIIS, soit le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, qui agit au sein du ministère de la Défense nationale et relève directement de la sous-ministre de la Défense nationale, en dehors et indépendamment de la chaîne de commandement.
    Les services du CIIS sont disponibles partout au Canada et sur l'ensemble des théâtres des opérations dans le monde, par l'intermédiaire de partenariats et d'organisations internes et externes. Ses services incluent du soutien, comme des recommandations pour les membres des Forces armées canadiennes, ou FAC. Lesdits services sont fournis par la Direction Conduite militaire professionnelle, soit la DCMP. Il s'agit de l'organisation de planification et de coordination sur le plan stratégique qui dirige les efforts de changement institutionnel des Forces armées canadiennes afin de lutter contre l'inconduite sexuelle et de promouvoir la dignité et le respect de la personne.
    Le directeur général du CIIS relève directement de la sous-ministre de la Défense nationale dans le but d'assurer l'indépendance des services offerts aux membres des Forces armées canadiennes affectés par les inconduites sexuelles.
    Le CIIS offre des services en priorité, mais pas en exclusivité, aux Forces régulières, aux membres des réserves, aux membres des cadets, aux membres des Rangers et à la chaîne de commandement.
    Comme cela fait partie de son mandat, le CIIS donne aussi des avis et des conseils à la Direction Conduite militaire professionnelle, ou DCMP, à propos de tous les sujets liés aux inconduites sexuelles.
    Aussi, afin de changer la culture présente au sein des FAC, le CIIS offre des services de conseil aux membres des Forces armées canadiennes. Les conseillers écoutent donc, sans jugement, les victimes et essaient de comprendre chaque situation. Ils travaillent de concert avec les victimes et d'autres conseillers afin de permettre aux victimes de prendre des décisions éclairées. Ils reconnaissent, respectent et s'efforcent de comprendre les besoins des membres des Forces armées canadiennes qui les consultent.
    Ils tiennent également compte des sentiments des membres, de leur ressentiment, de leurs besoins, de leurs inquiétudes et de leurs peurs. Ils n'ont pas de limite de temps pour les appels, afin de pouvoir passer le plus de temps possible avec chaque membre, et ce, dans la langue de préférence de la victime. Ce point est très important pour les victimes francophones afin que celles-ci ne se sentent pas encore davantage mises à l'écart.
    Les conseillers informent aussi les victimes concernant ce que le CIIS peut faire ou non afin de les rediriger vers un autre service compétent au besoin.
     De plus, en raison du sujet à l'étude en ce moment par notre comité, nous avons la responsabilité de nous concentrer sur les victimes, les survivantes et les survivants. Leur santé et leur bien-être sont et doivent être notre priorité. C'est la raison pour laquelle nous devons nous concentrer sur des recommandations, afin d'honorer notre engagement envers les Forces armées canadiennes.
    Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues, mais je reviendrai sur ce sujet primordial par la suite.

  (1435)  

    Merci, monsieur Robillard.

[Traduction]

     Monsieur Spengemann, vous avez la parole.
     Madame la présidente, merci beaucoup.
    J'aimerais également remercier mes collègues de leurs interventions approfondies. Nous avons beaucoup de matière à examiner cet après-midi.
    Madame la présidente, j'aimerais revenir au rapport Wigston, dont j'ai présenté plus tôt le résumé. J'aimerais revenir brièvement sur un commentaire du maréchal en chef de l'Air, M. Wigston, dans l'introduction, où il parle de deux raisons de modifier la culture ambiante. La première, bien sûr, c'est que c'est « la bonne chose à faire ». Ce qui se passe dans les Forces canadiennes et, comme nous l'avons vu, dans tant d'autres forces, y compris les forces armées britanniques, est moralement inacceptable.
    Le deuxième argument qu'il fait valoir, c'est que ce n'est pas seulement moralement la bonne chose à faire pour améliorer la culture, mais que tous ceux d'entre nous qui le font d'une administration à l'autre permettront d'améliorer le système des forces armées. Il dit que cela « améliore le rendement », la conclusion étant que quiconque se livre à des inconduites sexuelles, à du harcèlement ou, pire encore, affaiblit les forces de défense, affaiblit tous les membres actuellement en service et, par ricochet, il nuit à la réputation de tous ceux qui ont déjà été membre des forces. Je pense qu'il vaut la peine de le souligner.
    Pour faire suite au témoignage de M. Wernick, des collègues ont également dit qu'un certain nombre d'autres pays sont aux prises avec ce problème. Le Canada est loin d'être le seul pays à composer avec ce problème. Tous les pays qui ont des forces armées soumises à un contrôle démocratique font face à des problèmes semblables. Cela ne veut pas dire que les Canadiens doivent se préoccuper moins de cette question parce que d'autres pays s'en occupent aussi mal ou pas du tout jusqu'à maintenant, bien au contraire. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un problème systémique lié à la culture de masculinité qui a été décrite par bon nombre de nos témoins dans toutes les administrations et parmi nos alliés.
    Au cours d'une brève recherche effectuée ce matin, madame la présidente — je crois avoir passé 15 ou 20 minutes à examiner cette question —, j'ai découvert que des questions ont été soulevées et, dans bien des cas, des initiatives ont été lancées en Suède, en Pologne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et aux États-Unis, en plus du travail que j'ai décrit plus tôt en ce qui concerne le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité, le DCAF, ainsi qu'à l'OTAN, qui s'est penché sur cette question.
    Pour le bénéfice de nos analystes, que je suis très heureux de voir en ligne — et j'aimerais les remercier, par votre entremise, madame la présidente, pour leur travail extraordinaire dans la préparation de notre ébauche de rapport —, je pense qu'il est important de souligner qu'il s'agit d'un problème qui touche plusieurs administrations, et qui comporte des éléments et des possibilités de comparaison.
    J'aimerais approfondir un peu plus le rapport Wigston. On y souligne dans l'introduction que le rapport en soi traite du Canada et de l'expérience canadienne. Ce que nous disons et ce que nous faisons ne feront pas que changer les choses ici, mais influeront aussi très certainement et très concrètement sur les possibilités stratégiques et les possibilités de progrès chez nos alliés, surtout ceux avec lesquels nous travaillons le plus étroitement, y compris le Groupe des cinq.
    Madame la présidente, on trouve dans le rapport Wigston la déclaration suivante au sujet de la question que nous étudions :
Aux fins du présent rapport, nous avons défini les comportements inappropriés comme étant ceux qui enfreignent les lois, les normes de comportement ou les valeurs et normes fondamentales, y compris les infractions sexuelles et l'intimidation, le harcèlement et la discrimination, qui causent ou risquent de causer préjudice aux personnes, aux équipes et à l'efficacité opérationnelle, qui jettent ou risquent de jeter le discrédit sur la réputation de particuliers ou d'unités, du Service ou de la Défense.
    C'est la définition qu'ils ont adoptée. Je demande à mes collègues d'y réfléchir.
    La lecture du rapport se poursuit ainsi :
Les Forces armées et la fonction publique fonctionnent selon des modalités de service différentes, mais les gens de la Défense évoluent dans une culture et un contexte communs. Le rapport met l'accent sur les Forces armées, de la force régulière et de la réserve, mais il cerne les possibilités de mieux travailler dans l'ensemble des forces, y compris dans la fonction publique au ministère de la Défense, chaque fois que nous le pouvons. La nécessité d'adopter une approche axée sur l'ensemble des forces est renforcée par les leçons apprises par d'autres, en particulier les Forces armées canadiennes, qui ont fait l'objet d'un examen approfondi en 2015.
    Madame la présidente, je voulais simplement souligner ce que j'ai dit il y a un instant au sujet de l'expérience canadienne que d'autres forces examinent également. L'examen dont il est question ici est celui de la responsable de l'examen externe, la REE, dont mon collègue M. Bagnell vient de parler en détail dans son intervention précédente.
    Le rapport Wigston comprend trois sections distinctes. La partie 1 est une évaluation de la situation actuelle au Royaume-Uni. La partie 2 examine ce qui pourrait être fait de plus pour prévenir les comportements inappropriés, et la partie 3 formule des recommandations sur ce qui pourrait être fait de plus pour composer avec les comportements inappropriés qui n'ont pu être prévenus.
    On peut y lire ce qui suit :
Une recommandation clé de la partie 3 consiste à mettre sur pied une nouvelle autorité de la Défense responsable de la culture et des comportements inappropriés, à l'extérieur de la chaîne de commandement unique des Services et responsable devant un [officier] supérieur responsable de la Défense, à l'instar des modèles fructueux des Forces armées canadiennes, de la force de défense de l'Australie et de l'armée américaine.

  (1440)  

     Pour mettre les choses en contexte, madame la présidente, ce rapport a bien sûr été publié en 2019, il y a environ deux ans, et avant les incidents précis que le Comité étudie également.
     Dans son intervention précédente, M. Bagnell a fait allusion à un élément très important de la responsable de l'examen externe, ou REE, qui est la question des données. Ici, je pense que l'expérience britannique sera également utile au Comité dans ses délibérations des prochaines semaines.
    Sous la rubrique « Renseignements à l'intention de la direction », le maréchal en chef de l'Air déclare :
Pour brosser un tableau complet des comportements et de la culture de toute organisation, il est nécessaire d'avoir un dépôt unique où toutes les données clés sont colligées, surveillées, suivies et analysées. Le renseignement qui en résulte peut ensuite être utilisé pour éclairer la chaîne de commandement afin de régler les problèmes le plus tôt possible en permettant aux ressources d'être dirigées vers des points chauds précis — des situations où le risque de victimisation est élevé, par exemple — ou vers des types particuliers de comportement.
Les données statistiques annuelles et les conclusions des cours martiales dans le système de justice du service, le système des plaintes relatives au service et les enquêtes, ainsi que les rapports des services individuels, illustrent l'effort important qui est déployé pour saisir l'information disponible. Nous constatons que la convergence des données et des informations au sein de chaque service manque de profondeur et qu'il n'y a pas d'analyse cohérente au niveau du ministère de la Défense. Les cas graves dans le système de justice militaire et le système des plaintes relatives au service permettent de saisir des ensembles de données générales, comme le sexe, l'âge, le type d'infraction [et] la plainte comme tel, mais ces données demeurent superficielles et, à l'heure actuelle, il n'y a pas suffisamment de métadonnées saisies pour établir le niveau de compréhension qui s'impose, et il n'y a pas non plus d'approche cohérente pour l'ensemble des groupes minoritaires. De plus, nous ne recevons pas automatiquement des données ou des renseignements complets sur les affaires instruites par les tribunaux civils, de sorte que nous ne pouvons pas décrire toute l'ampleur du problème au sein de la Défense au niveau le plus grave; cela nécessiterait un changement à la législation primaire. Nous estimons que des données de meilleure qualité et plus cohérentes fourniraient de l'information exploitable à la chaîne de commandement à tous les niveaux — et de façon centrale pour la Défense — et aideraient à déterminer où une formation, un soutien et une intervention supplémentaires sont le plus nécessaires.
    Madame la présidente, je vais parler de certaines des recommandations contenues dans ce rapport, mais j'aimerais d'abord préciser que le fait de mentionner les recommandations ne signifie pas nécessairement que nous devrions les adopter ici. En fait, dans certains cas, il se peut que nous ne puissions pas les adopter aussi facilement sur le plan législatif — en raison de nos coutumes, de nos procédures et de notre structure constitutionnelle —, mais j'en parle pour que nous les examinions parce que, à mon avis, elles ont le bon niveau de granularité et de spécificité. Elles pourraient nous aider à avancer.
    Cela dit, j'aimerais citer trois recommandations présentées par le maréchal en chef de l'Air sous la rubrique « Renseignements à l'intention de la direction ».
    La première :
La Défense doit améliorer le niveau de détail et les métadonnées saisies au sujet des comportements inacceptables graves ainsi qu'au sujet des cas de gravité moindre, afin de fournir une image globale unique des comportements inappropriés dans l'ensemble de l'organisation.
    La deuxième :
La Défense doit envisager de modifier la législation primaire pour exiger l'échange de renseignements du système de justice pénale civil.
    La troisième :
La Défense doit élaborer des mesures du rendement en matière de lutte contre les comportements inappropriés pour le Conseil de la Défense, le Comité exécutif et les examens du rendement et des risques.
    Madame la présidente, en ce qui a trait à cette recommandation, vous vous souviendrez d'un bref échange que j'ai eu avec la contre-amiral Patterson. Je lui ai demandé s'il serait possible d'établir des championnats d'égalité entre les sexes — je crois que c'est bien ce que j'ai dit à ce moment-là — dans les évaluations de rendement au sein des Forces canadiennes. Comme elle a tout de suite répondu par l'affirmative avec enthousiasme, il serait peut-être possible de trouver un certain terrain d'entente ici, en nous fondant sur cette recommandation très précise du rapport britannique, pour que nous fassions une recommandation parallèle dans notre système qui permettrait d'instaurer un changement de culture et de réaliser des progrès.
    Le rapport formule également des recommandations sur l'utilisation des sondages. Encore une fois, je ne dis pas qu'il faut aussi adopter cela. C'est à nous d'en débattre et peut-être d'accepter ce que nous jugeons approprié et constructif. La recommandation se lit comme suit :
La Défense doit mener une enquête sur le harcèlement en 2021 en s'appuyant sur l'enquête de 2018 sur le harcèlement sexuel dans l'Armée mené par un groupe consultatif indépendant. Conformément à la recommandation 3.1, la Défense doit envisager une « assignation à comparaître » au sujet des comportements inappropriés, de concert avec cette enquête, afin de fournir des détails à l'appui.

  (1445)  

     Parallèlement à cela, on peut lire :
La Défense doit mieux coordonner et cibler les éléments d'intimidation, de harcèlement et de discrimination des enquêtes continues sur les comportements afin d'améliorer la compréhension, de réduire les doubles emplois et de simplifier l'analyse des données. L'utilisation de formes modernes d'enquête en ligne doit également être envisagée.
    Il s'agit d'un ensemble de recommandations très concrètes et très précises qui portent sur la question de la gestion des données. La première étape consiste à décrire le problème, et je pense que c'est ce que le Comité a fait à bien des égards. Il est tout aussi important d'obtenir les données qui traitent des aspects qualitatifs et quantitatifs du problème, et il est ensuite essentiel d'avoir la possibilité d'analyser les données au bon niveau, avec la bonne spécificité et la bonne granularité, afin de pouvoir avancer.
    Le rapport renferme une autre recommandation, sous la rubrique « Évaluations du climat ». Le « climat » évoqué dans ce contexte n'a rien à voir avec les changements climatiques, mais concerne plutôt l'atmosphère et le climat de travail.
    Je cite encore le rapport :
Un processus proactif d'évaluation du climat et des comportements dans la chaîne de commandement a maintenant été bien établi dans les trois services. L'Armée de terre a élaboré et perfectionné un processus à plusieurs niveaux, y compris l'achèvement d'une analyse fondée sur des groupes de discussion au sein des unités, dirigée par des formateurs chevronnés. Le Service naval mène un processus consultatif semblable à celui de la Royal Air Force. Cette approche, qui fait appel à des groupes de discussion dirigés par des animateurs aussi chevronnés, est considéré comme une pratique exemplaire et est utilisé par d'autres pays et organisations, y compris dans l'armée américaine. De telles données, quoique confidentielles, peuvent être analysées de façon centralisée et utilisées comme un outil pour comprendre les thèmes qui ressortent des comportements observés.
    Vous pouvez voir que la mention dans ce rapport, dans les quelques brèves sections que j'ai décrites, du Canada et des États-Unis nous place, d'une certaine façon, en dénominateur commun avec nos alliés en ce qui concerne la nature du problème, non seulement pour reconnaître que nous avons un problème, mais aussi pour trouver des solutions possibles. Ces deux suggestions concernant le Canada et les États-Unis, qui ont été adoptées dans le rapport britannique, indiquent que la collaboration et la résolution conjointe de problèmes pourraient bien valoir la peine. À tout le moins, il serait extrêmement utile pour le Comité de tenir compte des rapports des principaux pays de notre groupe d'alliés et d'amis et de les examiner.
    Selon la recommandation qui en découle, les évaluations du climat et les visites consultatives doivent être maintenues et mises à profit dans l'ensemble du ministère de la Défense. 
    Je terminerai par la recommandation sur les « Valeurs et normes » et je reviendrai à la charge dans mes interventions suivantes.
     Voici ce qu'on peut y lire :
Chaque service a établi et applique un ensemble de valeurs et de normes de base. Ces valeurs et normes, élaborées au fil du temps et à partir d'essais opérationnels approfondis, reflètent la culture, l'éthos et les environnements opérationnels uniques des forces armées respectives et de la défense civile. Les valeurs et les normes de la Royal Navy, des Royal Marines, de l'Armée de terre et de la Royal Air Force sont bien établies, communiquées et comprises de façon exhaustive. La gouvernance entourant le code de la fonction publique est moins bien reconnue, comme l'a fait remarquer Sue Owen dans le cadre de son examen, qui a fait observer que dans certains milieux de travail, « les employés recherchent une définition plus explicite des comportements attendus ». La communication du code de la fonction publique doit être élargie et inclure les gestionnaires militaires hiérarchiques de qui relèvent des civils.
    La recommandation qui suit :
Les valeurs et les normes du service unique doivent être maintenues, mais la communication du code de la fonction publique doit être élargie.
    C'est aussi pertinent.
     Encore une fois, page par page, je suis surpris de voir à quel point ces recommandations sont saisissantes, surtout en ce qui concerne la question au Canada qui concerne les employés civils des Forces canadiennes.
    Il y a vraiment de la substance, de la matière à délibérer et des occasions de réaliser des progrès réels et tangibles. J'encourage tous mes collègues, ainsi que nos analystes, à prendre note de ce qui s'est passé dans d'autres pays, et j'attends avec impatience les réactions des membres du Comité.
    Je vais m'arrêter ici pour l'instant.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Baker.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à remercier mes collègues d'avoir parlé d'un certain nombre de sujets importants dont nous devons tenir compte dans le cadre de cette étude. Je pense que les interventions de M. Spengemann sur le rapport Wigston sont importantes. Elles soulignent que d'autres militaires ont essayé de résoudre certains des problèmes auxquels nous nous attaquons ici, au Comité. M. Spengemann a raison de nous conseiller d'examiner attentivement les détails du rapport Wigston. Il y a probablement beaucoup de choses que nous pourrions apprendre et dont nous pourrions tenir compte dans l'application des solutions au problème de l'inconduite sexuelle ici, dans les Forces armées canadiennes.
    Les interventions de mes autres collègues étaient également les bienvenues. J'ai apprécié les commentaires de M. Bagnell sur les processus qui sont observés. Je pense qu'il y a beaucoup de processus que nous devons apprendre et auxquels nous devons nous adapter ici au Canada.
     J'aimerais revenir à un problème dont j'ai parlé plus tôt, celui de la culture. Lorsque je me suis arrêté la dernière fois, je parlais de certains exemples précis extraits du rapport Deschamps au sujet du genre de traitement auquel sont souvent soumises les femmes qui servent dans les forces armées. J'aimerais maintenant poursuivre sur ce thème.
    Je vais lire un extrait du rapport Deschamps, qui traite de la façon dont les femmes composent avec cette situation en particulier :
De nombreuses femmes déclarent qu’elles ont développé une carapace et qu’elles sont devenues moins sensibles à cette culture favorisant les comportements sexuels inappropriés. Les membres LGBTQ signalent vivre un environnement dégradant similaire. Il est à noter qu’alors que la REE entendait nombre de témoignages sur l’environnement hostile suscité par le harcèlement de bas niveau, peu de participants ont signalé des incidents dans lesquels ils ont subi une pression pour accepter une conduite sexuelle malvenue en échange d’un avantage au travail ou pour éviter un préjudice. La REE a constaté, par conséquent, que les militaires sont moins susceptibles de faire l’objet de demandes de services sexuels en échange de faveurs que d’être affectés par une culture organisationnelle généralisée qui transmet des attitudes dégradantes et négatives à l’égard du rôle et de la valeur des femmes.
Il n’est peut-être pas surprenant que les femmes et les hommes des FAC ne perçoivent généralement pas du tout de la même façon les incidents de comportement sexuel inapproprié. Même si la plupart des hommes qui ont participé à l’examen ont reconnu que les femmes avec qui ils travaillent vivent des expériences différentes, une partie de ces hommes ne perçoit pas la prédominance des comportements sexuels inappropriés dans les FAC. Plutôt, beaucoup d’hommes croient que le traitement des femmes dans les forces militaires est semblable à celui dans la société canadienne en général, et certains hommes croient que les femmes sont en fait mieux traitées dans les FAC que les hommes. D’autres ont fait valoir que les incidents inappropriés sont simplement le résultat inévitable de l’intégration des femmes dans les FAC. Ou encore, ils sont d’opinion qu’un certain degré d’agression est approprié chez les militaires. En particulier, la plupart des hommes ne voyaient pas les propos à caractère sexuel comme du harcèlement, et estimaient que les tentatives d’« assainir » leurs propos seraient « ridicules ». Comme l’a exprimé l’un des participants masculins, « les filles qui entrent à l’armée savent à quoi s’attendre ».
    C'est tout simplement horrible. Je pense que cela éclaire grandement certains témoignages des victimes, des femmes et d'autres témoins entendus ici.
    Le rapport se poursuit ainsi :
Alors que les femmes de grade supérieur ne paraissent pas souffrir autant du climat de sexualisation, la REE a constaté que c’est largement parce qu’elles semblent intérioriser la culture de la sexualisation prédominante à mesure qu’elles prennent du galon. Que ce soit pour atteindre leurs objectifs de carrière ou comme mécanisme d’adaptation, les femmes sous-officiers et les femmes de grade supérieur tendent à modifier leur conduite et à adopter des comportements masculins afin de se conformer [Difficultés techniques] de l'organisation.

  (1455)  

     Ce que j'essaie de souligner ici pour nos collègues, c'est le nombre incroyable de mécanismes d'adaptation adoptés par les femmes, selon le rapport Deschamps, repris par nos témoins.
    Je vais m'arrêter ici, madame la présidente.
    La parole est à vous, madame Vandenbeld.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'ai un amendement à proposer. J'aimerais modifier la motion pour qu'elle se lise comme suit : « Que le Comité permanent de la défense nationale, dans le cadre de son étude des mesures à considérer face aux problèmes d’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l’endroit de l’ancien chef d’état-major de la Défense... »
     Madame la présidente, comme je n'ai pas le texte de la motion pour l'instant, je vais redonner la parole à M. Baker. Je suis vraiment désolée, madame la présidente.
    Il est 14 h 55.
    La séance est suspendue jusqu'à nouvel ordre.
    [La séance est suspendue à 14 h 55, le lundi 19 avril.]
    [La séance reprend à 13 h 7, le vendredi 23 avril.]
     Nous reprenons nos travaux.
    Nous reprenons la 26e séance du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui a débuté le lundi 19 avril 2021.
    Monsieur Bezan, nous sommes toujours saisis de votre motion.
    Madame la présidente, je suis heureux de retirer la motion, pour que nous puissions poursuivre nos travaux.
    Merci beaucoup.
    Nous avons besoin du consentement unanime pour retirer la motion. Y a-t-il des objections?
    (La motion est retirée.)
    La présidente: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion qu'il a adoptée le mardi 9 février 2021, le Comité reprend son étude des problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris des allégations contre l'ancien chef d'état-major de la Défense, Jonathan Vance.
    Aujourd'hui, par vidéoconférence, nous accueillons M. Elder Marques, ancien conseiller principal du premier ministre.
     Après sa déclaration préliminaire, nous passerons aux questions.
     Bienvenue, monsieur Marques.
    Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens d'abord à vous remercier, le Comité et vous-même, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux de contribuer à l'étude du Comité sur ces questions, qui revêtent la plus grande importance, non seulement pour les Forces armées canadiennes, mais, à vrai dire, pour tous les Canadiens.
    J'espère que le Comité utilisera cette étude sans partisanerie pour cerner et recommander les changements nécessaires pour améliorer à la fois la structure et la culture des Forces armées canadiennes. Les Canadiens méritent d'avoir l'assurance que toutes nos institutions sont bien équipées pour repérer et éradiquer toutes les formes de harcèlement, et notamment pour voir à ce que les anciennes victimes de harcèlement soient soutenues et protégées et qu'il n'y ait pas d'obstacles systémiques à leur capacité d'accéder à la justice.
    Je vais essayer d'être aussi utile que possible au Comité, mais je dois dire, d'entrée de jeu, que je me fie presque exclusivement à mes souvenirs indépendants d'événements qui remontent à plus de trois ans.
    Comme le Comité le sait, je ne suis plus titulaire d'une charge publique. J'ai quitté le Cabinet du premier ministre en décembre 2019, et j'ai quitté le gouvernement l'an dernier.
    Je suis ici aujourd'hui de mon plein gré. Disons clairement que je n'ai jamais refusé d'être ici et que j'ai toujours collaboré avec le greffier du Comité.
    Cela dit, je suis heureux de vous faire part de mes souvenirs des événements et de recevoir vos questions aujourd'hui.
    En fin de journée le 1er mars ou en début de journée du 2 mars 2018, la cheffe de cabinet du premier ministre ou son adjointe m'a demandé de rappeler la cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale à propos d'une affaire concernant le CEMD. À l'époque, j'étais conseiller principal du premier ministre.
    J'ai parlé le même jour à la cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale. Elle m'a dit que l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, qui était alors Gary Walbourne, avait eu une discussion impromptue avec son ministre. Au cours de cette rencontre, m'a-t-elle confié sans me donner de détails, M. Walbourne avait soulevé une allégation d'inconduite personnelle contre le CEMD.
    J'ai tout de suite saisi la nature importante, névralgique et inhabituelle de l'affaire, même en l'absence de détails concernant l'allégation. J'ai immédiatement informé directement le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, qui était alors Michael Wernick. J'ai dit à la cheffe de cabinet du premier ministre ce que j'allais faire, puis je l'ai tenue au courant de la suite des choses.
    J'ai rencontré M. Wernick au moins deux fois ce matin-là. Il m'a dit, après avoir demandé un avis juridique, je crois, que l'affaire serait confiée à Janine Sherman, sous-secrétaire du Cabinet, qui était responsable du personnel supérieur.
    Mes discussions avec Mme Sherman ont porté sur la prise en charge du dossier par le Bureau du Conseil privé, le BCP, notamment pour l'aide et les conseils à donner à M. Walbourne et les mesures à prendre pour faire avancer l'enquête de la bonne façon. Je voulais que M. Walbourne reçoive ces conseils par écrit, de manière à limiter tout risque de malentendu, et je voulais aussi être sûr qu'il reçoive ces conseils sans tarder.
    Je n'ai jamais exprimé d'avis sur la nature des prochaines étapes de la procédure, car ce n'était pas à moi de le faire.
    Je crois comprendre que le BCP a tout de suite discuté de la meilleure façon de procéder avec les avocats de la fonction publique. Ils m'ont remis un projet de texte que le ministre de la Défense nationale ou son équipe pourrait envoyer à M. Walbourne. Ils recommandaient que M. Walbourne parle directement au Bureau du Conseil privé, en signalant que l'affaire concernait une personne nommée par le gouverneur en conseil.
    À compter de ce moment-là, le Bureau du Conseil privé avait l'affaire en main, et mon rôle avait à toutes fins utiles pris fin. J'espérais bien que ce problème éventuellement grave puisse faire l'objet d'une enquête efficace, mais je n'ai pas joué d'autre rôle dans ce processus, et je ne crois pas non plus qu'il aurait été opportun que j'en sois. Par exemple, je n'ai jamais essayé de communiquer ou de parler avec M. Walbourne.
    Plus tard — je ne me souviens pas de la date au juste —, j'ai appris que le Bureau du Conseil privé avait effectivement parlé à M. Walbourne, qui avait indiqué que la membre des Forces armées canadiennes en question ne voulait pas que soient dévoilés les renseignements la concernant. J'ai alors compris que M. Walbourne allait continuer de demander son consentement, afin de pouvoir faire enquête, mais il n'était pas sûr de pouvoir l'obtenir.
    Personne ne m'a jamais dit que le dossier était en quelque sorte fermé.
    .
    D'après ce que j'ai compris, le BCP allait garder le dossier ouvert pour le cas où de nouveaux renseignements justifieraient l'ouverture d'une enquête. Essentiellement, mon rôle dans cette affaire se limitait à porter rapidement la question à l'attention du BCP, à communiquer les renseignements limités dont je disposais, et à demander au BCP de prendre les mesures qu'il pouvait pour voir ce qu'une enquête soit déclenchée, et à ce que M. Walbourne reçoive des conseils.
    Il m'apparaissait alors évident — et avec le recul ce l'est certainement encore — qu'une allégation de ce genre au sujet d'une personne nommée par le gouverneur en conseil ne devait pas faire l'objet d'une enquête ponctuelle par des membres du Cabinet, même pas par le ministre de la Défense nationale ni par le premier ministre ni par des membres du personnel politique. En pareilles circonstances, l'idéal est de confier à la fonction publique non partisane, dotée des ressources institutionnelles et juridiques nécessaires, le soin de déterminer la voie à suivre et de travailler avec quiconque détient les renseignements — en l'occurrence, M. Walbourne — pour faciliter l'enquête sur l'allégation. C'est ce qui s'est passé dans ce cas.
    Le Conseil privé occupe une place unique au sein de l'appareil gouvernemental. Le greffier du Conseil privé est aussi le chef de la fonction publique. Le BCP a de l'expertise de toutes les questions concernant la nomination, la durée du mandat et le rendement des personnes nommées par le gouverneur en conseil. Le Conseil privé a aussi un accès immédiat aux meilleurs conseils juridiques sur les questions d'administration publique et de politique publique, et, d'après mon expérience de près de cinq ans au gouvernement du Canada, les dirigeants du Bureau du Conseil privé travaillent en gens responsables et professionnels et sans partisanerie.
    J'étais tout à fait convaincu que le Bureau du Conseil privé ferait le nécessaire pour faire enquête et qu'en cas de lacunes à corriger, il proposerait de nouvelles procédures pour le faire. Dans ce cas précis, personne dans la fonction publique ou au sein du personnel politique n'a jamais proposé autre chose que de voir à ce que les problèmes soulevés fassent l'objet d'une enquête en bonne et due forme, et je pense que tout le monde a agi de bonne foi pour qu'il en soit ainsi.
    De fait, si je me rappelle bien, malgré l'absence de détails sur la nature de l'allégation, tout le monde comprenait la gravité possible de la question. Une fois que j'ai informé le Bureau du Conseil privé d'une allégation et que j'ai reçu confirmation qu'il prendrait les choses en main, je me suis retiré de l'affaire. À mon avis, les instances compétentes s'occupaient du dossier selon les procédures normales. Cela pouvait comprendre des séances d'information pour le personnel et le Cabinet du premier ministre, ou le premier ministre lui-même, mais au moment opportun. Je ne me souviens pas d'avoir personnellement informé le premier ministre, et on ne m'a jamais parlé d'une séance d'information du genre.
    Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Marques.
    Monsieur Bezan, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier M. Marques de s'être rendu disponible aujourd'hui.
    Votre témoignage est très important pour notre étude. Je conviens avec vous que nous devons éradiquer l'inconduite sexuelle, et je pense que votre souvenir de ce qui s'est passé il y a trois ans est à l'origine de la crise actuelle. Je veux simplement m'assurer de bien comprendre votre témoignage d'aujourd'hui, parce que le ministre de la Défense nationale a dit, lors de sa comparution du 6 avril, que Zita Astravas a d'abord pris contact avec le BCP, puis avec vous. Mais, vous dites que la cheffe de cabinet du premier ministre a pris contact avec vous, puis avec Mme Astravas. J'espère avoir bien compris.
    Je suis heureux de vous faire part de mes meilleurs souvenirs pour essayer d'être le plus utile possible. Si je me rappelle bien, j'ai communiqué avec la cheffe de cabinet du ministre à la demande de la cheffe de cabinet du CPM ou de son adjointe me disant de lui téléphoner. Pour autant que je me souvienne, c'est ce qui s'est passé. Je ne crois pas qu'elle avait déjà parlé avec quelqu'un du Bureau du Conseil privé, mais je ne sais pas trop.
     Quoi qu'il en soit, j'ai communiqué presque immédiatement avec le BCP, et je ne pense pas... Je comprends que vous voulez établir la chronologie, mais je soupçonne qu'il n'y aurait pas grand-chose qui pourrait la rappeler. Je pense en effet que, très vite, tout le monde avait les mêmes renseignements très limités et que nous n'avons pas tardé à demander au Bureau du Conseil privé de prendre les choses en main et de faire ce qu'il pouvait avec les renseignements pour finir par ouvrir une enquête.
     Merci, monsieur.
    Katie Telford vous a demandé de communiquer avec Mme Astravas et le BCP. Vous êtes allé au BCP. Ensuite, vous avez eu une communication avec Mme Astravas. Était-ce par téléphone? Était-ce une rencontre personnelle? L'échange a-t-il eu lieu par courriel ou par messages texte? Comment avez-vous communiqué?
    Je ne peux pas avoir la certitude absolue. Je dirais — vu que je me rappelle que c'était en fin de journée le 1er mars ou en début de journée le lendemain — qu'il s'agissait probablement d'un appel téléphonique, et qu'elle m'a expliqué ce qui s'était passé et a exprimé le souhait de voir à ce qu'on prenne les mesures nécessaires à compter de là pour donner suite à ces renseignements...
    Vous avez l'impression que Mme Astravas appliquait les instructions du ministre Sajjan.
    Oui, je suppose.
    J'avais l'impression que... Je ne veux pas parler pour le ministre ni pour sa cheffe de cabinet de l'époque, et je vais peser mes mots. J'essaie simplement d'être précis, pour être le plus utile possible, mais je comprenais que, suite à ce que M. Walbourne nous avait dit, tout le monde était d'accord pour que nous remettions l'affaire entre les mains du Bureau du Conseil privé pour être certains que les choses se fassent correctement.
     La façon de le faire... Il est très courant que, si un ministre ou un membre de son cabinet essaie de le faire — c'est-à-dire de collaborer avec l'appareil central du gouvernement — le personnel du premier ministre s'emploie à faciliter les choses pour que tout se passe bien et qu'il n'y ait pas de malentendu en cours de route.
    Je comprends, monsieur.
    Pour ce qui est de votre communication avec Mme Astravas, vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que les allégations concernaient une affaire d'inconduite personnelle. Mais, en parlant à Mme Astravas, votre équipe a-t-elle discuté de la possibilité que l'inconduite soit de nature sexuelle? Oui ou non.
    Je crois qu'on m'a dit que c'était une affaire d'inconduite personnelle. Je dois dire, dans le contexte de mon témoignage, que j'ai certainement supposé qu'elle pourrait être de nature sexuelle, mais je ne pense pas qu'on me l'ait spécifiquement dit. Encore une fois, sans savoir de quoi il s'agissait ni si c'était grave ou pas, nous sommes partis de l'hypothèse que c'était grave et qu'il pourrait s'agir d'une allégation très grave, et avons agi en conséquence. Je ne pense pas du tout que je me sois fait une idée de ce dont il s'agissait et que j'aie ensuite changé ce que j'ai fait. J'ai traité le cas comme très grave; c'est ainsi que je l'ai abordé.
    Je comprends, monsieur Marques.
    Combien de fois avez-vous reparlé de cela à Mme Astravas dans les jours qui ont suivi? Avez-vous une idée du nombre de fois où vous vous êtes parlé ou avez échangé des courriels?
    Malheureusement, je ne saurais le dire. Je suis resté en contact avec elle dans la mesure où nous avions une idée des prochaines étapes — des choses comme cela. Elle a été consultée, car nous savions tous les deux que, tout d'abord, la chose pouvait être très grave, et ensuite qu'il y avait urgence en la demeure.
    Lorsque quelqu'un comme l'ombudsman lève la main et dit avoir une préoccupation, un problème ou une question, ou avoir besoin de conseils, on ne laisse pas cela en suspens. On veut faire le nécessaire pour lui répondre rapidement. C'était ma préoccupation ce jour-là.
    Pendant ces discussions où vous avez reçu plus d'information, et puisque Katie Telford vous en avait confié le soin, combien de fois avez-vous mis Katie Telford au courant du déroulement de l'enquête ou de l'évolution de la situation?
    Encore, je ne saurais vous dire exactement combien de fois. Mme Telford était une membre accessible de l'équipe. J'aurais compris, étant donné que nous connaissions tous le caractère névralgique de l'affaire, l'urgence de lui répondre. Je lui aurais fait rapport très rapidement en disant: voici où nous en sommes et voici les prochaines étapes que nous envisageons. Je l'aurais mise au courant de...
    Merci, monsieur Bezan. Vos six minutes sont écoulées.
    Monsieur Bagnell, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de votre présence, monsieur Marques. Vous faites vraiment de votre mieux, ce qui est excellent. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    J'ai quelques questions à vous poser. Vous y avez peut-être déjà répondu, mais je veux que l'information figure au compte rendu. Nous savons que la cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale a pris contact avec votre bureau pour vous faire part de la situation.
    Pouvez-vous nous confirmer à quel moment vous avez reçu ce premier contact et quelles étapes vous avez suivies et quand?
     Encore une fois, j'aimerais bien pouvoir être un peu plus clair. Je ne voudrais rien dire d'inexact. C'était soit le 1er mars... c'est-à-dire le jour, je crois, où l'ombudsman a rencontré le ministre. On m'a posé la question directement ce jour-là — en fin de journée, j'imagine, étant donné que la rencontre avait déjà eu lieu — ou en début de journée le lendemain.
    En rétrospective, il est clair que la question aurait déclenché une activité intense ce matin du 2 mars. C'est peut-être la première chose que j'ai apprise le 2 mars; il se pourrait aussi que j'aie commencé ma journée du 2 mars en faisant le suivi de l'affaire.
    Mon suivi de l'affaire a consisté essentiellement à prendre l'escalier et me rendre au bout du couloir pour aller informer le greffier de la situation et m'assurer qu'il comprenait l'importance de veiller à prendre les mesures qui s'imposaient, et je pense que c'est ce qui s'est passé.
    M. Bezan en a dit un mot. Nous savons que le greffier du Conseil privé a été mis au courant du dépôt des allégations. Est-ce vous qui avez porté ces allégations à son attention?
    Je pense l'avoir fait en personne, dans son bureau. Je n'avais pas de rendez-vous. Je lui ai demandé s'il avait quelques minutes à me consacrer et c'est ainsi que je lui en ai parlé.
    Serait-il juste de dire que la cheffe de cabinet du ministre, et, par conséquent, vous-même, avez agi très rapidement pour tenter d'établir un processus indépendant pour enquêter sur ces allégations?
    Je pense que tous les intervenants à ce processus ont compris l'importance de ne pas se tromper sur les prochaines étapes, de gérer le dossier de façon correcte et responsable. Mais au départ, il m'apparaissait urgent de dire que, si M. Walbourne avait demandé de l'aide ou des conseils, nous ne pouvions pas... Vous savez, personne ne veut laisser ce genre de choses traîner plus longtemps que nécessaire. En tout cas, mes échanges —  et je pense que tout le monde a ressenti la même chose — étaient teintés du désir de lui donner des réponses très vite et de continuer de travailler avec le Bureau du Conseil privé pour l'aider à décider des prochaines étapes et de travailler aux autres choses à faire — s'il y en avait — pour mettre en place un mécanisme d'examen de la question.
    Très bien. C'est très utile.
    Avez-vous déjà refusé de comparaître devant notre comité?
    Non. Je suis heureux d'être ici, parce que je comprends pourquoi le Comité se penche sur ces questions. Il est important de comprendre la chronologie des événements. Je ne demande pas mieux que de rendre service au Comité, comme je le fais aujourd'hui, du moins je l'espère.
    Nous avons établi que vous avez pris des mesures dès réception de l'information. J'aimerais vous demander pourquoi vous avez jugé bon de porter ces allégations directement à l'attention du greffier du Conseil privé.
    Je pense qu'il y a probablement plus d'une façon de gérer ce genre de situation — à qui parler, qui consulter —, mais, à mon avis, on ne se trompe pas en s'adressant au greffier du Conseil privé. Dans notre système, le greffier porte plusieurs chapeaux. Il dirige le Bureau du Conseil privé, qui est en fait le ministère du premier ministre. En ce sens, il est comme un sous-ministre. Il est aussi à la tête de la fonction publique. Il porte cette responsabilité, qui s'étend à tout le système. Cela lui donne la capacité de mobiliser toutes les ressources nécessaires au sein ou à l'extérieur du BCP, pour obtenir des bonnes personnes et des bonnes institutions les meilleurs conseils sur la conduite à tenir.
    Il est aussi secrétaire du Cabinet. Nous avons ici une situation où un ministre a eu un échange avec l'ombudsman, ce qui, tout le monde en conviendra, est inhabituel et n'est pas normal. Il est aussi bien placé dans ce rôle pour faciliter le travail des ministres à la table du Cabinet et veiller à ce que les ministres sachent où ils en sont et ce qu'ils doivent faire. Il porte ces divers chapeaux et, d'une certaine façon, chacun avait sa place dans ce dossier.
    Bien honnêtement, on s'adresse au sommet pour être sûr que les mesures à prendre sont prises immédiatement et de la bonne façon. La façon de le faire dans notre système consiste certainement à s'en remettre au greffier. J'étais convaincu qu'il agirait. Rien dans sa réponse ne m'en a jamais fait douter.
    Merci beaucoup.
     D'accord. Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Barsalou-Duval, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à M. Marques.
    Monsieur Marques, vous êtes peut-être au courant que la volonté de vous convoquer ici en tant que témoin a suscité beaucoup de résistance de la part de la partie gouvernementale.
    Connaissez-vous les raisons expliquant cette réaction?
    Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    Le fait d'être au gouvernement a été un grand privilège et que j'ai été très heureux de pouvoir jouer le rôle que j'y ai joué, mais le fait d'être à l'extérieur du gouvernement signifie également que je ne m'occupe pas de ce genre de questions, et j'en suis fort aisé. Je vais donc laisser aux membres très compétents de votre Comité et aux commentateurs le soin de répondre à cette question. Je n'étais pas au courant de cette résistance, si ce n'est que...

[Français]

    D'accord. Vous ne savez donc pas vraiment pourquoi.
    Quand vous avez quitté le gouvernement, étiez-vous en bons termes avec vos anciens collègues?

[Traduction]

    Écoutez, oui, j'ai eu beaucoup de chance — ce qui n'est pas toujours le cas en politique — que mon mandat ait été plus long que je m'y attendais au départ. Lorsque je me suis joint au gouvernement, ce n'était pas pour un changement de carrière. Je voulais jouer un rôle, et j'ai fini par jouer trois rôles différents à différents moments, chacun étant vraiment un honneur de pouvoir...

[Français]

    Vous étiez donc en bons termes lorsque vous avez quitté vos fonctions. En fait, je posais la question pour savoir si vous étiez en mauvais termes ou si les membres du gouvernement auraient eu à craindre de votre passage aujourd'hui. Je constate que ce n'est pas le cas.
    Est-ce que certains de vos anciens collègues ou de vos anciens supérieurs ont discuté de votre passage au Comité aujourd'hui, avant cette rencontre?

[Traduction]

    Je n'ai pas discuté de mon témoignage avec qui que ce soit au gouvernement, qui que ce soit qui était concerné ou qui que ce soit d'autre au gouvernement. J'ai essayé de reconstituer au mieux les événements en me fondant sur mes souvenirs et sur un nombre très limité de documents qui ont été divulgués au Comité et qui m'ont aidé à vérifier l'exactitude de mes souvenirs. Tel est le fondement de mon témoignage d'aujourd'hui. Je suis là pour vous en faire part et vous laisser explorer la question de la manière que vous voudrez.

[Français]

    Je vous remercie.
    Vous avez remis l'information au greffier du Conseil privé, qui est la personne la plus haut placée au gouvernement, parce que c'était très sérieux, selon vos dires. Cependant, vous n'en avez pas fait part au premier ministre, dont vous étiez le conseiller et avec qui vous travailliez. Est-ce exact?

[Traduction]

    La raison pour laquelle je me suis adressé au greffier du Conseil privé, c'est qu'il est responsable de l'appareil qui doit faire de son mieux avec les ressources dont il dispose. À ce stade-là, il n'y a rien que le premier ministre était censé faire de cette information, et je dirais même qu'il aurait été problématique que le premier ministre ou d'autres membres du Cabinet ou le personnel politique tentent de s'ingérer.
    À ce moment-là, le BCP est pleinement engagé. Il a des conseillers qui savent ce qu'ils font. Personne n'ignorait la gravité de la situation. Je pense que toute intervention à cette étape aurait pu être contre-productive, même si elle avait été de bonne foi et n'avait visé qu'à faire avancer les choses.
    Si je me suis adressé au greffier, c'est que le greffier avait la responsabilité et qu'il avait du travail à faire pour voir à tout ce qui pouvait être fait dans des circonstances assez inusitées, et que nous arrivions, espérions-nous, au point où une enquête formelle nous permettrait d'aller au fond des choses. Cela aurait pu entraîner la participation d'autres personnes qui auraient pu devoir prendre des décisions en conséquence.
    Nous ne sommes pas même proches d'être là. Nous ne sommes même pas au début du processus. Nous en sommes au stade préliminaire.

[Français]

     J'essaie de comprendre le processus, parce que vous avez dit plus tôt que, lorsque vous êtes parti, vous aviez l'impression que le dossier était toujours ouvert, alors qu'il avait été fermé.
    Aviez-vous une responsabilité quant au suivi de ce dossier, ou alors, une fois le dossier transféré à la sous-secrétaire du Cabinet, Mme Janine Sherman, vous n'aviez plus rien à faire?
    Je me demande comment il se fait que vous n'étiez pas au courant que le dossier avait été fermé et, si vous l'aviez été, auriez-vous pu faire quelque chose à cet égard?

[Traduction]

     J'ai toujours compris que le dossier n'était pas fermé. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, j'avais compris qu'on ignorait si la plaignante allait consentir à participer ou à communiquer ses renseignements aux étapes suivantes. J'avais compris que telle était la question. Cela peut changer avec le temps, et je pense que, dans ces cas-là, il n'est probablement pas inhabituel que cela change à des moments différents.
    Pour moi, cela ne voulait pas dire que le dossier était fermé. Cela signifiait que, si de nouveaux renseignements étaient reçus, il serait possible de franchir les étapes de la bonne façon; en tout cas, je m'attendais, ou à tout le moins j'espérais, que ces renseignements — obtenus directement de la plaignante — nous aideraient à faire en sorte que cela se retrouve dans le bon processus, pour ensuite l'évaluer. Je n'ai jamais eu de motif de croire que ce n'était pas le cas. Que je sache, M. Wernick n'a pas dit que le dossier était fermé. Je pense que le dossier est resté ouvert, mais avec cette difficulté, qui est aussi, à mon avis, très réelle.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Garrison, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je veux moi aussi remercier le témoin d'être des nôtres aujourd'hui. Je sais que nous parlons d'événements qui remontent à trois ans, et j'ai quelques questions précises. Mais revenons d'abord à la situation générale dans laquelle se trouvent le Comité et le gouvernement, selon moi. Pour redire l'évidence, nous essayons de trouver moyen de permettre aux femmes de servir en toute égalité dans les Forces canadiennes. Pour cela, il faut être convaincu que les personnes au sommet comprennent l'inconduite sexuelle et donneront suite aux allégations d'inconduite sexuelle.
    Avec le général Vance, nous avions un chef d'état-major de la Défense qui, nous le savons maintenant, avait fait l'objet d'une enquête au sujet d'accusations d'inconduite sexuelle du temps où il travaillait pour l'armée américaine et l'armée canadienne. Nous pensions également que les indiscrétions du général Vance en matière d'inconduite sexuelle étaient bien connues des hauts dirigeants. Nous avons entendu des témoignages en ce sens au comité de la condition féminine, et on me l'a dit personnellement à maintes reprises. Troisièmement, il y avait une accusation d'inconduite sexuelle contre le chef d'état-major de la Défense.
    Il est un peu déconcertant que personne ne semble responsable de la situation dans laquelle se retrouve le gouvernement. Comment cela se peut-il? Cela donne foi aux arguments qui ont été avancés — encore une fois, par de nombreux anciens membres — selon lesquels la haute direction n'était pas assujettie aux mêmes normes et n'était pas tenue de rendre des comptes comme les membres ordinaires des Forces canadiennes.
    Dans notre système, il y a toujours un ministre responsable. Alors, monsieur Marques, qui est le ministre responsable de l'absence d'enquête et de l'absence de suivi des accusations portées contre le général Vance?
     Il y a beaucoup à décortiquer dans ce que vous avez dit. Je vais faire de mon mieux.
    En premier lieu, je ne suis pas là pour dire que je suis en quoi que soit expert dans ces choses-là, et je ne voudrais pas donner à entendre par mes propos que je m'estime qualifié pour donner une opinion sur ce que devraient être les prochaines étapes à suivre pour corriger ces problèmes.
    Je peux dire, en tant qu'observateur, de la même façon que les Canadiens sont des observateurs, qu'il est très évident qu'il faut procéder à des réformes très importantes, non seulement sur le plan institutionnel ou structurel, mais aussi sur le plan culturel. Ce ne sera pas facile. Il faudra du temps. Je pense que les victimes vous livrent les témoignages dont vous avez besoin pour formuler ces recommandations. Vous entendez les mêmes témoignages de la part des experts. Pour ces raisons, je pense que le Comité fait un travail très utile.
    Quant à la responsabilité, pour revenir à cette affaire, je n'étais certainement pas au courant de quelque autre information pertinente. J'ai dit ce qu'on m'a dit. On m'a dit qu'il y avait eu une plainte, mais sans me préciser la nature de la plainte. Je n'étais pas au courant de plaintes antérieures. Je n'ai jamais été mis au courant de cela et, bien honnêtement, je n'avais pas à l'être dans le cours normal de mon travail. Ce n'est pas étonnant. Ce n'est pas le genre de dossier dont je m'occupais au sujet des questions de leadership militaire. Je n'en pense pas moins que ces problèmes sont réels. Je pense que la responsabilité de celui qui a l'information, de celui qui a appris des choses, c'est de communiquer son information, dans la mesure où il le peut, à l'instance compétente.
    Dans le cas qui nous occupe, c'est ce que nous voulions certainement faire. Encore une fois, sans vouloir parler pour le ministre ou son personnel, je crois comprendre qu'avec le peu d'information disponible, l'instinct et le bon jugement ont fait dire: « Mettons cette information dans un processus ». Ces gens-là sont mieux placés que quiconque, et ils n'auront pas un programme ou un angle particulier à privilégier. Ils sont là pour régler le problème.
    Ces problèmes sont très graves. C'est pourquoi j'espère — et j'ai confiance, franchement — que les membres du Comité comprennent la même chose que nous tous, du domaine public, au sujet de la situation. D'où toute l'importance de notre étude. J'espère que vous en profiterez. Il y a des experts et des gens qui ont de l'expérience vécue, je crois bien, pour aider à proposer une meilleure façon de procéder pour que cela n'arrive plus ou, si cela devait se répéter, pour instaurer un processus dans lequel tout le monde mettra sa confiance et auquel tout le monde se sentira capable de participer sans craindre les représailles, l'embarras ou quoi que ce soit.
    Ce sont des questions complexes, des questions avec lesquelles tout le monde est aux prises. Je pense que le Comité a l'occasion ici de vraiment contribuer à façonner tout cela pour le contexte canadien. J'espère que vous saisirez l'occasion.
    Il reste la question de confiance. Comment vos réformes seront-elles crédibles si leur mise en œuvre est confiée aux personnes mêmes qui étaient responsables lorsque les problèmes sont restés sans suivi et n'ont pas fait l'objet d'une enquête?
    Permettez-moi d'aborder maintenant une question précise que je voudrais vous poser avant de manquer de temps. Lorsque vous avez été mis au courant des allégations, vous a-t-on dit que le ministre avait refusé de regarder la preuve que lui présentait l'ombudsman? Vous ne connaissiez pas les détails, et je comprends cela, mais vous a-t-on dit que le ministre avait reçu la preuve et refusé de l'examiner?
    Bonne question. Je n'en ai pas parlé précisément dans ma déclaration préliminaire.
    Je ne sais plus ce que j'ai compris exactement au sujet de l'échange, mais j'ai au moins compris que M. Walbourne avait de nouveaux renseignements et que le ministre a effectivement dit dans je ne sais pas quels termes — je ne voudrais pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit — que ces renseignements devaient être envoyés à quelqu'un d'autre. À mon avis, notre rôle au Cabinet du premier ministre était d'appuyer cette réponse, pour pouvoir dire: « D'accord, voici ce que vous pouvez dire à M. Walbourne pour boucler la boucle et ne pas laisser le dossier en suspens ».
    D'accord. Merci beaucoup.
    Nous passons à Mme Alleslev, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Voici ma première question: pouvez-vous nous donner le nombre approximatif de fois où vous avez parlé à Mme Telford à ce sujet, et sur quelle période?
     Je ne veux vraiment pas vous donner un chiffre qui pourrait se révéler très inexact. Nous discutions régulièrement de la situation pendant le temps que je la suivais.
    D'accord, mais était-ce environ cinq fois, 10 fois? Vous avez dit que c'est grave, que c'est urgent, donc cinq, 10, 20...?
    Je lui aurais fait le point au fur et à mesure. C'est tout ce que je peux dire. Je ne pense pas que le nombre d'interactions change quelque chose au bout du compte. Nous comprenions la situation. Nous comprenions qu'il fallait faire participer le Bureau du Conseil privé à la détermination de la prochaine étape. C'était notre objectif.
    Question d'équité, cela a eu lieu à plusieurs reprises.
    Oui. Oui. Pluriel.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Saviez-vous que Mme Astravas avait parlé à Mme Telford à ce sujet?
    C'est pour cela que j'ai pris soin de dire que je ne me rappelais pas exactement qui m'avait dit d'appeler la cheffe de cabinet du ministre. Je ne me rappelle pas. Il est possible que la cheffe de cabinet et Mme Telford se soient parlé, puis que Mme Telford m'ait demandé d'appeler Mme Astravas. Il est possible que cela ne soit pas le cas et qu'on m'ait demandé de l'appeler parce qu'elle essayait de joindre quelqu'un du Cabinet du premier ministre pour régler le problème.
    Parfait. Je pense que c'est pour cela que nous devrions entendre Mme Astravas elle-même.
    M. Wernick, lui, vous a-t-il dit que Mme Astravas lui en avait déjà parlé?
    Je crois que lorsque je me suis amené au bureau du greffier ce jour-là, c'était la première fois qu'il entendait parler du problème. J'ignore si je dois conclure que personne au BCP à l'époque n'avait entendu quoi que ce soit. C'est probablement ce que j'ai supposé, mais je n'ai pas de raison particulière de le savoir, si ce n'est que c'était une nouvelle pour lui. Je crois qu'il a très vite essayé d'obtenir d'autres avis. J'ignore quelles consultations il a menées. En milieu de matinée ce jour-là, nous nous étions déjà parlé au moins deux fois. De toute évidence, nous nous occupions tous les deux de l'affaire et voulions faire bouger les choses.
    Parfait, donc qui tient le BCP responsable de faire du bon travail, de faire ce qu'il faut pour gouverner, de s'occuper des nominations par le gouverneur en conseil et de toutes les choses dont la responsabilité incombe au BCP? Vous avez très bien décrit les responsabilités du BCP. Qui tient le BCP responsable de ce travail?
    Encore une fois, maintenant que je suis un simple citoyen, je vais laisser les questions de politique aux politiciens et à ceux dont la politique est le terrain de jeu. Ce n'est pas le terrain sur lequel je joue maintenant. Je suis juste ici pour vous dire ce qui s'est passé, ce que nous pensions, ce que nous cherchions à faire et pourquoi nous faisions ce que nous faisions. Je suis heureux d'être aussi utile et franc que possible dans mes réponses. Je ne suis pas là pour parler des choses qu'il vaudrait mieux discuter à d'autres réunions de votre Comité, à la Chambre des communes ou en conférence de presse.
    D'accord, mais vous avez travaillé au Cabinet du premier ministre. Par conséquent, on pourrait considérer que vous connaissez mieux les pouvoirs et les responsabilités dans notre démocratie que, disons, le simple citoyen. Afin que nous comprenions la responsabilité des élus par rapport aux fonctionnaires dite-nous, qui, du ministre ou du premier ministre, démocratiquement élus, tient le patron de la fonction publique, soit le greffier du Conseil privé, responsable?
    Je ne veux pas me lancer dans un cours de science politique sur la responsabilité ministérielle. Vous êtes tous très compétents. Je ne suis pas ici pour cela. Je vais vous laisser le soin de présenter vos arguments à la Chambre et dans le domaine public sur la compréhension que vous avez de ce qui s'est passé. J'essaie simplement de vous expliquer ce que nous pensions à l'époque, comment nous avons abordé la question et ce que nous avons fait pour nous assurer que le BCP serait pleinement engagé dans ce qui était alors une situation très inhabituelle.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Baker.
     Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup, monsieur Marques, pour votre présence.
    Je vais revenir en arrière et poser quelques questions de suivi sur certaines choses que vous avez dites dans votre témoignage.
    Savez-vous si le fait de demander au greffier du Conseil privé d'examiner les allégations concernant une nomination par le gouverneur en conseil est une pratique courante?
    Il n'existait probablement aucune règle pour ce genre de situation, que ce soit en ce qui concerne la façon dont l'information a été recueillie ou la façon dont elle devait être traitée.
    Le Conseil privé lui-même joue un rôle très actif, et je pense que, parfois, on n'accorde pas beaucoup d'attention à toutes les nomination faites par le gouverneur en conseil.
    Une équipe d'experts s'occupe de toutes les questions liées aux nominations, aux renouvellements des mandats, aux problèmes concernant les mandats et à la gestion des ressources humaines. Il est certain que, dans cet endroit plus que n'importe où ailleurs au gouvernement, on trouve des gens spécialisés dans la façon de traiter les questions entourant le rendement des titulaires de charge, mais aussi leur conduite.
    En cas de problème, le BCP est le meilleur endroit vers qui se tourner, non seulement parce qu'il est au cœur des opérations et qu'il joue un rôle de coordination, mais aussi parce qu'il peut compter sur une équipe de spécialistes des questions concernant le personnel supérieur et dont c'est en partie le travail. Ces gens-là veillent à ce que les personnes nommées par le gouverneur en conseil soient soumises à un processus rigoureux de sélection. Si des problèmes surviennent après une nomination — d'ordre institutionnel ou de gouvernance dans le cas des dirigeants qui traitent avec des conseils d'administration, par exemple, ou quoi que ce soit du genre —, cette équipe du BPC est la mieux équipée pour fournir ce soutien.
    Je ne me suis pas beaucoup occupé de ce genre de questions, mais j'ai cru comprendre que ce genre de problèmes se posent parce que le nombre de personnes nommées par le gouverneur en conseil est assez important. Donc, vu sous cet angle, on sait que l'expertise nécessaire est là.
    En outre, dans la mesure où il n'existe pas de procédure permettant de savoir clairement ce qu'il faut faire ensuite, le Bureau du Conseil privé est également l'expert en matière d'appareil gouvernemental et de tous les types de questions institutionnelles et organisationnelles dont il faut tenir compte quand vient le temps de mettre un processus ou un système quelconque en place pour faire enquête sur un sujet donné.
    Il semble donc que ce soit une pratique courante.
    Après avoir porté ces allégations à la connaissance du Bureau du Conseil privé, avez-vous eu l'impression que le greffier se pencherait sur la question ou vous a-t-il suggéré de porter les questions à l'attention d'un autre membre du Bureau du Conseil privé?
    Si je me souviens bien, nous avons eu au moins deux réunions d'affilée. C'est après cette seconde réunion que le greffier a précisé que ce serait la responsabilité du Secrétariat du personnel supérieur. Je pense qu'il a dû le mentionner lors de la première réunion également, mais peut-être a-t- il voulait ensuite se donner un temps de réflexion et se faire conseiller à ce sujet, ce qu'il aura été en mesure de faire très rapidement parce que, comme je l'ai dit, en milieu de matinée ce jour-là, nous nous étions rencontrés au moins deux fois.
    La communication ne s'est probablement pas faite sur le champ, mais est intervenue rapidement, je dirais dans l'heure ou les deux heures ayant suivi la question que je lui ai adressée.
    J'ai alors dû me tourner directement vers Mme Sherman. Le dossier contient les échanges de courriels entre nous deux, et j'ai dû la rencontrer pour discuter de la question.
    On vous a suggéré de parler à Mme Sherman.
    Oui.
    D'accord. Merci.
    Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé après qu'on vous a suggéré de parler avec Mme Sherman?
     Je ne peux pas vous dire, avec une certitude absolue, comment les choses se sont enchaînées, mais Mme Sherman s'est très rapidement rendue disponible. Nous avons rapidement discuté de ces questions, puis nous sommes restés en contact. Elle a compris, je crois, et vous pouvez le constater d'après nos échanges, que cette question me chatouillait — très franchement —, d'autant que nous étions vendredi et qu'il fallait fournir une réponse à M. Walbourne avant la fin de la journée. Même si cette réponse devait être imparfaite ou préliminaire, nous devions prendre un engagement ce jour-là.
    Je crois qu'elle était du même avis. Je pense que tout le monde a bien compris que, dans une situation où une personne qui remplit un rôle institutionnel comme l'ombudsman — qui a, pourrait-on dire, demandé de l'aide — on se doit de tout faire pour répondre à sa question. On ne veut pas, en pareille situation, ne pas apporter de réponse. Je dirais que c'est pour cela que nous avons pris contact ce jour-là.
    Au final, elle m'a remis un communiqué à transmettre au cabinet du ministre avec la recommandation qu'on en reprenne le libellé ou à peu près à l'intention de M. Walbourne, cela pour assurer une sorte de suivi au contact qu'il avait eu avec le ministre, la veille.
    D'accord. Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Barsalou-Duval, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Marques, vous avez dit tout à l'heure que, même si vous n'aviez pas de détails, vous saviez que l'allégation était grave. Par contre, d'après les informations que nous avons aujourd'hui, nous savons qu'elle était particulièrement grave.
    Diriez-vous que le Bureau du Conseil privé a échoué en ne réussissant pas à faire la lumière sur cette affaire?

[Traduction]

    Je vous dirai deux choses. Tout d'abord, en ce qui concerne la gravité de la situation et ce que nous savons maintenant, mais que nous ignorions à l'époque où j'ai été saisi du dossier, nous savions simplement que quelqu'un avait porté plainte. Nous ne savions pas ce que cela cachait. Nous ignorions tout de la nature de la plainte, nous ne connaissions ni les détails ni la gravité de la situation.
    Comme je l'ai dit, nous avons traité la situation comme si elle était très grave. Je ne pense pas que, si...

[Français]

    Merci.
    Vous avez quand même été en poste jusqu'en 2019 et, par la suite, si je ne me trompe pas, vous n'avez pas eu de nouvelles. Vous avez dit avoir eu l'impression que le dossier était ouvert. Comme vous n'aviez pas de nouvelles sur ce dossier et qu'il s'agissait d'un dossier sur une allégation grave, n'avez-vous pas eu envie de faire un suivi?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit tout à l'heure, toute personne ayant appris qu'une plainte avait été déposée — sans même savoir de quoi il retournait, si ce n'est que quelqu'un s'était plaint — aurait forcément voulu que la plainte soit examinée comme il se devait. Je pense que tout le monde est du même avis. Je ne pense pas que ce soit une question partisane. Je pense que cela revient simplement à la nécessité de « faire ce qu'il faut », c'est-à-dire de faire enquête sur un problème signalé...

[Français]

    Seriez-vous donc d'accord pour dire que le dossier n'a pas été traité de façon appropriée?

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord pour dire que le résultat n'a pas été à la hauteur de ce que nous aurions pu espérer sur le moment ni après coup. Il convient, je pense, d'examiner les options dont nous disposions à ce moment-là, et qui nous auraient permis de faire plus. Je pense que les changements qui pourraient être apportés, sur le plan institutionnel ou autre, afin qu'à l'avenir les résultats soient différents...
    C'est, encore une fois, la raison pour laquelle le travail du Comité est si important. J'espère — et je suis certain que c'est le cas, d'après les questions que les membres m'ont posées — qu'il est question d'établir plusieurs choses. D'abord, il faut que ce genre de problème ne se produise plus et que, s'il devait se reproduire, nous disposerions d'un bon système correctif — un système dans lequel les anciennes victimes auront confiance et auquel elles participeront en toute confiance. D'une certaine façon, c'est une question différente de...

[Français]

    J'aimerais vous poser une autre question.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, monsieur Barsalou-Duval.
    Monsieur Garrison, c'est à vous.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Marques, je veux revenir sur la question de ce qui était connu à l'époque. Vous venez de répéter des choses, en omettant, je crois, des détails critiques, c'est-à-dire que, non seulement les gens savaient qu'il y avait une allégation grave, mais, comme vous me l'avez confirmé, qu'il y avait des preuves en lien avec cette allégation selon lesquelles, pour une raison ou pour une autre, le ministre ne s'était pas penché sur la question, preuves auxquelles le Bureau du Conseil privé n'a pas eu accès.
    Est-ce exact?
    Je ne voulais certainement pas risquer de contredire les faits par mes propos. Vous avez raison, j'avais cru comprendre à ce moment-là que M. Walbourne avait autre chose à dire, mais je ne sais pas à propos de quoi et je pense que personne ne le savait à l'époque.
    On voit bien, dans les rapports entre M. Walbourne et le Bureau du Conseil privé, que les gens ont cherché à en savoir plus, du moins qu'ils ont essayé de comprendre —  que ce soit sous la forme d'une information confidentielle ou autre — ce qu'il pouvait y avoir de plus derrière cette plainte afin de donner une orientation à M. Walbourne et qu'une enquête soit éventuellement diligentée ou, au besoin, que d'autres mesures soient prises. C'est difficile à faire quand on n'a pas toute l'information.
    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il était important d'obtenir cette information. Cela se reflète dans ce que le Conseil privé a essayé de faire, à mon avis.
    Il est également clair, d'après son témoignage, que M. Walbourne a proposé de remettre une version anonyme de la preuve au ministre et au Bureau du Conseil privé.
    J'aimerais maintenant parler de vos rapports hiérarchiques avec la cheffe de cabinet du premier ministre. Auriez-vous pu ou avez-vous — on peut présenter les choses ainsi et voir si la mémoire des faits vous revient, parce qu'il faut reconnaître que les événements remontent à trois ans — fait savoir à la cheffe de Cabinet du premier ministre que ces allégations supposaient « davantage »? Est-il possible que vous ayez transmis cette information à la cheffe de Cabinet du premier ministre, ou vous souvenez-vous de l'avoir effectivement fait?
    Mes souvenirs ne sont pas parfaits. Je suis convaincu que, la première fois où nous avons discuté de cette question en détail — soit après que j'eus parlé ou que Mme Telford eut parlé avec la cheffe de cabinet du ministre, nous avons échangé toute l'information que nous possédions à ce moment-là.
    Je suis convaincu qu'à ce moment-là, j'ai fait état de ce que la cheffe de cabinet m'avait dit. Franchement, si elle avait eu cette conversation, je suis certain qu'elle me l'aurait relaté en totalité. C'est une situation inhabituelle, mais il n'aurait pas été difficile de communiquer toute cette information.
    Je suis sûr que c'est ce que nous avons fait, parce que nous avons sans doute essayé tous les deux de faire immédiatement ce qu'il fallait faire, soit de lancer une enquête confiée aux soins du BCP. Comme nous n'en savions pas plus que le BCP, il nous fallait le garder pleinement informé.
    C'est ce que j'avais en tête quand j'ai parlé au greffier et que j'ai traité avec Mme Sherman. Dans la mesure où j'ai traité avec d'autres, j'ai sans doute toujours cherché à vérifier si nous avions l'information pertinente.
    Même si nous n'avions pas beaucoup d'information, nous nous sommes assurés de tout communiquer au BCP. Nous nous attendions, et à juste titre à mon avis, à ce que le BCP fasse un suivi et qu'il assume la pleine responsabilité de l'affaire.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Gallant. Je vous en prie, madame.
     Merci, madame la présidente, et je m'adresse à M. Marques par votre entremise. Quel rôle aviez-vous au Cabinet du premier ministre, puisque la cheffe de cabinet semble vous avoir désigné comme point de contact au Cabinet du premier ministre pour tout ce qui concernait les allégations du général Vance?
    Je ne peux pas vous dire précisément pourquoi on m'a demandé de faire cet appel. Je ne pense pas que ce soit...
    Quel était votre rôle en tant que conseiller? Étiez-vous responsable de certains dossiers?
    La nature du rôle n'était pas définie en fonction de ministères précis ou de questions précises qui relevaient de ma responsabilité. À l'époque, le bureau était structuré de sorte qu'une équipe de...
    Je voulais simplement savoir pourquoi elle vous avait choisi, monsieur Marques.
    Combien d'autres personnes au Cabinet du premier ministre étaient au courant de cette affaire? il y avait vous, madame Telford...
     Je me souviens d'avoir discuté de cette question avec Mme Telford, mais je ne me souviens pas d'en avoir parlé avec qui que ce soit d'autre au Cabinet du premier ministre à cette époque...
    Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Je vous ai demandé qui d'autre au Cabinet du premier ministre était au courant de cette question.
    Dans mes réponses aujourd'hui, je fais très attention à dire ce que je sais et à ne pas spéculer, alors voici ce que j'essaie de vous dire: je sais que j'ai parlé à la cheffe de cabinet. C'est ainsi que j'ai commencé à travailler sur ce dossier. J'ai donc traité avec elle et j'ai dû m'assurer de la mettre au courant de ce que moi je savais. Je suis convaincu que c'est ce qui est arrivé et je ne peux pas vraiment dire s'il y a eu d'autres conversations. Je ne suis pas ici pour spéculer.
    Nous aimerions que vous nous fournissiez le nom de tous les membres du Cabinet du premier ministre qui, selon vous, auraient dû participer ou ont probablement participé à cette enquête.
    Le 6 avril, nous avons demandé à M. Sajjan de nous dire qui, au Cabinet du premier ministre, avait informé le premier ministre qu'une allégation pesait contre le général Vance. Il a répondu: « Nous avons signalé le problème au Bureau du Conseil privé et au Cabinet du premier ministre, mais j'ignore qui... ». J'aimerais que vous me disiez, puisque vous êtes au Cabinet du premier ministre, qui a informé le premier ministre de l'allégation contre le général Vance?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je n'ai pas informé le premier ministre à ce sujet, et je ne suis au courant d'aucune séance d'information donnée au premier ministre à ce sujet, alors je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. C'est tout ce que je peux dire à ce sujet.
    C'est un enjeu de taille. La personne responsable des Forces canadiennes, qui connaît tous nos secrets de sécurité, a fait l'objet de ce genre d'allégations. Avez-vous suggéré que le premier ministre soit informé de cette affaire?
    À l'époque, comme je l'ai dit, nous n'avions pas les détails de l'allégation. À l'époque, notre objectif était de nous assurer que l'allégation aboutirait au bon endroit. La seule personne qui, d'après ce que j'ai compris à ce moment-là, possédait des renseignements au sujet de l'allégation était M. Walbourne, et l'endroit approprié pour examiner cette allégation, pour en tenir compte en vue de faire ce qu'il convenait de faire, de l'examiner, était le Bureau du Conseil privé. C'est le lien que nous voulions établir à ce moment-là, et je suis convaincu que cela a été fait.
    Avez-vous pris des notes à ce sujet? Ou est-ce que tout s'est fait de vive voix, spontanément? Avez-vous pris des notes, tenu des séances d'information, de sorte que si le premier ministre vous l'avait demandé, vous auriez pu consulter vos notes?
    Je n'ai pas de notes à ce sujet.
    Pourquoi le premier ministre a-t-il été tenu dans l'ignorance au sujet du plus haut gradé du Canada, qui détient cette cote de sécurité très délicate?
    À l'époque où je me suis occupé de cette question, M. Walbourne avait laissé entendre qu'une plaignante avait formulé une allégation, que nous avons alors présumé être une allégation sérieuse. Nous ne savions rien d'autre, et notre travail consistait à nous assurer que cette allégation aboutirait au bon endroit. En fin de compte, le bon endroit n'est pas le Cabinet du premier ministre.
    Bien, ce n'était donc pas une simple allégation, il y avait des preuves. À l'époque où le général Vance a été pressenti pour devenir chef d'état-major de la Défense, une simple rumeur voulait qu'il eût quelque chose dans son passé et le conseiller à la sécurité nationale a été consulté parce que CEMD détient une cote de sécurité très élevée. Or, aucune mesure de ce genre n'a été prise par le personnel du premier ministre.
    N'avez-vous pas pensé que ce genre d'information dans les mains d'autres personnes pouvait risquer de mettre le général dans une situation difficile et l'exposer au chantage?
    On ne peut pas monter plus haut dans la hiérarchie que le greffier du Conseil privé, et c'est ce que j'ai fait, je lui ai remis le dossier. J'avais confiance qu'il s'occuperait de cette affaire et que lui et son personnel feraient tout ce qu'ils pouvaient pour s'assurer que le dossier soit traité comme il se devait.
    D'accord. Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Marques. Je vous remercie de votre témoignage devant le Comité aujourd'hui.
    Nous avons également entendu Mme Janine Sherman, secrétaire adjointe du Cabinet, chargée du personnel supérieur et du renouvellement de la fonction publique, et chargée de conseiller le premier ministre ainsi que le Cabinet sur les nominations par le gouverneur en conseil. Elle a précisé que, même si elle cherchait des détails supplémentaires sur la situation, elle ne recherchait pas spécialement des détails liés à l'identité de la plaignante.
    Elle a aussi déclaré qu'elle comprenait que la plaignante voulait rester anonyme. C'est également ce que confirment les documents que nous avons reçus. Je fais référence, ici, aux échanges de courriels entre elle et l'ancien ombudsman.
     Vous avez déjà répondu à cette question, mais je voulais juste être certain d'avoir bien compris.
    Pouvez-vous nous dire si vous avez eu une conversation avec Mme Sherman?

[Traduction]

     Je tiens à répéter que j’ai parlé directement à Mme Sherman, et je crois l'avoir fait plus d’une fois. Il y a eu des courriels et je crois aussi des appels téléphoniques. Si j’ai bien compris, elle était la personne-ressource au Bureau du Conseil privé pour cette question, ce qui est logique compte tenu de son rôle à l’égard du personnel supérieur en général.
    Je vais laisser à d'autres témoins le soin de parler en détail de ce qu’elle a dit à M. Walbourne. Je n’ai participé à aucune de ces conversations. Je n’ai eu aucun contact personnel avec M. Walbourne et je n’ai pas essayé de le faire. La question de l’anonymat et de la quantité d’informations nécessaires est probablement importante en ce sens qu'en l’absence d’informations solides, il n’est peut-être pas possible de déterminer quelles démarches sont envisageables pour aboutir à une solution, et par solution j’entends la tenue d'une enquête sur la question.
    Pour déterminer la façon de s'y prendre, il faut notamment comprendre le contexte dans lequel s'inscrit l'événement et savoir s'il existe un processus connexe. Ce sont là autant de détails auxquels, franchement, je n’ai pas participé, et cela de façon tout à fait délibérée. Quand je repense à ces questions, je pense que c’est effectivement ce qui s'est passé. Ces questions sont importantes surtout dans le cas d'un milieu où les victimes ne sont pas convaincues que l’institution soit bien équipée pour les protéger et les soutenir dans le cadre d’un processus. Dans ce cas, il y a problème.
    C’est pourquoi je pense que les témoignages sur ce qui s’est passé — sur qui a dit quoi à qui, et à quel moment — sont importants, et je suis heureux de vous faire part de ce que je sais. J’essaie d’être aussi franc que possible, mais à terme, le Comité devra s’assurer de ne pas se concentrer uniquement sur la chronologie des événements pour prendre acte des aspects intéressants. Il s’agit de se mettre à l'écoute des gens ayant vécu certaines expériences et qui se sont trouvés du mauvais côté de ce qui semble être une structure institutionnelle et une culture institutionnelle très problématiques dans ce genre de situations. J'espère que cela fait partie de ce que ce comité et d’autres examinent, parce que je suis sûr que, d'après ce qui se dit dans les médias, les Canadiens sont choqués et préoccupés à juste titre et qu'ils veulent s’assurer que les choses s’améliorent.

[Français]

     Savez-vous si Mme Sherman a tenté de faire un suivi auprès de l'ombudsman quant à cette situation?

[Traduction]

    En fait, d’après ce que j’ai cru comprendre, la question de savoir si l’ombudsman estimait avoir le consentement de la plaignante pour communiquer la totalité ou une partie — je n'en sais rien — de l’information qu’il avait en sa possession repose sur une conversation initiale avec la victime et sur la queston de savoir s'il existait un processus continu, ce qui est logique en ce sens qu’il m'apparaîtrait injuste que les victimes aient une seule occasion de porter plainte.
     Je pense que la réponse peut être différente à différents moments. C’est ce que j’avais compris à l’époque, et je veux donc m’en remettre aux témoignages des autres acteurs que vous avez entendus directement, mais je pense qu’il y a eu un suivi, et c’est ce que j’ai compris de ce suivi.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Benzen, s’il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
     Merci, monsieur Marques, d’être ici aujourd’hui.
    J’aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit un peu plus tôt. Vous avez parlé d'une ébauche de communication par le BCP qui devait être soumise à M. Walbourne. Pouvez-vous nous donner une idée du libellé et de ce que l’on cherchait à faire?
    Permettez-moi de commencer par vous parler de ce que nous vouions faire. Idéalement, nous souhaitions que, le 2 mars, M. Walbourne obtienne du ministre ou de son équipe un suivi direct pour savoir où en étaient les choses à la suite de la rencontre entre le ministre et l'ombudsman. Nous ne voulions pas laisser s'écouler trop de temps entre le signalement au ministre et une réaction, le risque étant que rien ne se passe. Je ne savais pas à quoi nous devions nous attendre, parce que, franchement, cela dépendait de l'étape suivante. C’est peut-être parce que je me suis adressé au Bureau du Conseil privé et qu’on m’a dit: « Nous avons un système pour cela; voici qui gère ce système. M. Walbourne devrait parler à telle personne ou remplir tel formulaire. » Comme je n'avais pas la réponse à cette question, j'ai fait appel au Conseil privé.
     Mais rien de tout cela ne touchait aux préoccupations de M. Walbourne, c’est-à-dire la protection de la plaignante. Il n'était question que de démarche à suivre. Lui, s'intéressait à la protection de la plaignante, mais rien dans le projet de réponse n'en parle.
    D’après ce que j’ai compris, si M. Walbourne parlait à Mme Sherman, l’une des principales questions dont ils discuteraient serait effectivement la protection que recevrait la plaignante pour lui permettre de continuer. C’est la raison d’être de ces mises en rapport. Je ne pense pas qu'il était nécessaire de le préciser dans le courriel à M. Walbourne. Je pense que, compte tenu de son expertise et de son expérience, M Walbourne... J’aurais pensé que c’est de cela dont ils allaient parler.
    Je ne veux pas m'exprimer en leur nom. Vous avez entendu ces témoins, alors je me dois d'être prudent. Nous voulions que M. Walbourne sache qu’il allait devoir ensuite parler avec Mme Sherman, parce qu’elle était de loin — et cela me paraissait logique d’après ma propre expérience — la personne la mieux placée pour comprendre quelles institutions pouvaient jouer un rôle dans ce cas et ce qu’il fallait faire.
    Merci.
    Vos conversations et communications avec Katie Telford étaient-elles toutes verbales? Y avait-il des messages textes, des courriels, des documents écrits? Pouvez-vous nous dire comment vous avez communiqué entre vous?
    Je dirais que toutes nos communications devaient être verbales. Je n’ai aucune raison de croire le contraire. Je n’ai pas de notes écrites, de courriels ni quoi que ce soit d'autre qui m'indique le contraire, mais je ne peux pas l'affirmer avec certitude. Je dirais que c'était le cas. En temps normal, cela dépendait du cours des choses, mais comme nous étions dans des bureaux voisins, il nous était possible d'échanger verbalement des renseignements en cours de journée.
    Je comprends.
    Aujourd’hui, le chef d’état-major de la Défense est nommé à titre amovible par le premier ministre qui doit, bien sûr, être au courant d'un maximum de choses pour être certain de nommer la bonne personne. Pensez-vous que Katie Telford a informé le premier ministre et l’a mis au courant de ce qui se passait?
    Je le répète, tout ce que je peux dire, c’est que je ne l’ai pas personnellement fait. Je me suis assuré de lui transmettre toute l’information que j’avais.
    À ce moment-là, nous cherchions vraiment une façon de faire en sorte que le dossier aboutisse au bon endroit, à la fois pour que M. Walbourne sache vers qui il était censé se tourner et à qui l’information était destinée. Il fallait aussi établir qui allait traiter avec M. Walbourne — dans ce cas-ci, Mme Sherman et le Bureau du Conseil privé —, car il nous fallait être prêts et ouverts compte tenu de l'impact potentiel du dossier. Nous devions être en mesure de réagir de façon appropriée dans cette situation.
    Évidemment, vous ne savez pas si Mme Telford en a parlé au premier ministre. Je comprends cela. C’est très bien.
    Compte tenu de la gravité de cette allégation, pensez-vous que Mme Telford aurait dû en informer le premier ministre afin qu’il sache ce qui se passait? Selon vous, aurait-elle dû mettre le premier ministre au courant? Je ne vous demande que votre opinion: aurait-elle dû le faire?
    Écoutez, je ne suis pas ici pour porter de jugement sur la question de savoir si et quand cela aurait dû se produire. Tout ce que je peux dire, c’est que nous ne savions pas de quoi il s'agissait à l’époque, mais nous supposions que c'était vraiment grave. Comment allions-nous l'orienter pour qu'il aille là où il fallait, afin que les bonnes personnes puissent faire ce qu’il fallait, c’est-à-dire enquêter?
     C’est ce sur quoi nous nous sommes concentrés pendant tout ce temps. C’est ce qui m’a animé ce jour-là. Je pense que c’était son objectif. Comme je l’ai déjà dit, à ce moment-là, il n'était pas question que le premier ministre soit appelé à prendre des mesures. En fait, il aurait peut-être même été inapproprié qu'il prenne des mesures dans ce dossier, même avec les meilleures intentions du monde.
    À partir de là, nous avons appris deux ou trois choses au sujet de M. Vance. Il a obtenu une prolongation de trois ans dans sa fonction et les allégations portées contre lui n’avaient pas été résolues à l'époque. Vous saviez que c’était important. Aurait-on dû envisager cela au moment où il a été question de prolongr son mandat? Vous avez dit que c’était très grave, dès que vous en avez entendu parler, mais le dossier n’a jamais été clos et il n’y a jamais eu de véritable suivi. Nous découvrons d'autres problèmes qui devraient peut-être faire l’objet d’un nouvel examen, comme sa prolongation de mandat, son éventuelle participation à l’OTAN et ses augmentations de solde.
    S'est-il produit un déclic dans l'esprit des gens qui se sont dit qu'il fallait comprendre ce qui s’était passé dans le cas de cette allégation qui n’a jamais fait l’objet d’un suivi? Qu’en pensez-vous?
    Tout d’abord, pour ce qui est de la gravité du cas, je le répète, je ne dis pas que nous savions que c’était grave, je dis que nous avons supposé que ce pouvait l’être. Nous avons traité l'affaire comme nous l’aurions fait si nous avions su que c’était très grave. Je voulais m’assurer que cela soit bien clair.
    Vous venez, en quelque sorte, de dire qu’il n’y a pas eu de suivi ou qu’il aurait fallu réexaminer la question. À la façon dont je comprends les choses, les bonnes personnes dans le système avaient été mises au courant de cette question, et elles allaient faire tout ce qu’elles pouvaient pour y donner suite.
    Personne n'a retardé l'enquête. Personne n'a donné de directives visant à empêcher le BCP de faire ce qu’il était censé faire. Il possédait l’information. Il savait qui était en possession des renseignements supplémentaires nécessaires pour que les choses se fassent, et je suis convaincu que, lorsque les gens du BCP savent quoi faire et avec qui ils doivent travailler, ils le font.
    Nous avons beaucoup de chance au Canada d’avoir les fonctionnaires que nous avons. Je vois un problème dans le fait de laisser entendre qu’à ce moment-là quelqu’un du personnel politique aurait dû essayer d’intervenir et de changer la façon dont les choses se font.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Spengemann.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Merci, monsieur Marques, d’être parmi nous cet après-midi.
    Je vais revenir sur ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue, M. Garrison, soit qu'on a échoué à enquêter sur les événements et à faire un suivi. Selon vous, y a-t-il eu un manquement à cet égard?
    Tous les Canadiens qui suivent ce qui se passe dans le dossier du harcèlement dans les forces armées sont choqués et inquiets, et je pense qu’ils partagent — même si je ne veux évidemment pas parler au nom du Comité — ce que doivent ressentir les membres du Comité, c’est-à-dire que nous allons devoir entreprendre une réforme en profondeur, sur les plans structurel, institutionnel et culturel, afin de nous assurer que les choses s’améliorent. Ce ne sont pas des solutions qu'il est possible de mettre en place du jour au lendemain.
    Encore une fois, je recommande au Comité d’écouter les experts et les anciennes victimes pour veiller à ce que ses recommandations soient bien étayées. Dans ce contexte, l'une des grandes questions consiste à savoir comment s’assurer, en cas d'événement de ce type — quand une personne veut déposer plainte — que l'on dispose d'un système dans lequel la présumée victime peut avoir confiance, un système auquel elle n'hésitera pas à participer et qui lui permettra, en fin de compte, d’être traitée de la bonne façon, soit d'une façon qui ne la victimise pas davantage, mais qui l'appuie effectivement dans sa démarche.
     Je pense que c’est ce que veulent les gens, et lorsqu’ils apprennent qu'il y a eu plainte mais que, pour une raison ou une autre, cette plainte n’est pas examinée, personne n'est satisfait. Une partie du travail important du Comité consiste à déterminer comment nous pouvons nous assurer que cela ne se produise pas.
    Merci beaucoup, monsieur Marques. Ce sont là des réflexions très importantes, et je vous en suis reconnaissant.
    Au cours de cette affaire, pendant toute la période où vous vous y avez participé et où vous étiez disponible en tant que membre du personnel politique, y a-t-il eu un manque de suivi? Quelqu’un n’a-t-il pas fait ce qu’il aurait dû ou aurait pu faire?
    Évidemment, je ne peux parler que des choses dont j’ai été témoin et des gens avec qui j’ai été en contact, mais comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, ce dossier n’était pas clos, à ma connaissance. Tout le monde a pris les choses au sérieux. D’après ce que j'ai vu, tout le monde a fait tout en son pouvoir pour faire ce que qu'il fallait, c’est-à-dire essayer d'aller au fond des choses. Personne n’a jamais laissé entendre que nous aurions dû avoir d’autres priorités en tête, et malgré tout cela, on connaît le résultat.
    Je pense que les Canadiens se sentent frustrés à juste titre, tout comme je le suis. Nous devons maintenant déterminer comment, à l’avenir, réduire le risque que cela se reproduise. C’est ce que j’espère que le Comité va faire.
     Monsieur Marques, le Comité a entendu un certain nombre de témoins, y compris l’ancien greffier du Conseil privé lui-même, M. Wernick, qui ont évoqué une situation d'impasse dans ce cas particulier. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette impasse?
    Je ne pense pas avoir toute l’information à ce sujet, alors je vais faire attention de ne pas parler à la place d’autres qui pourraient disposer de meilleurs renseignements que moi. À ce moment-là, j'avais cru comprendre qu’il était question de savoir si la plaignante allait consentir à ce que sa plainte passe aux étapes suivantes du processus. C'est évidemment très important dans un cas comme celui-ci. Il m'est difficile de vous dire quoi que ce soit de plus pertinent, car je n'étais pas au courant des circonstances, alors je veux être prudent.
    Je peux comprendre pourquoi il était compliqué, difficile de passer à l’étape suivante. En fin de compte, je pense que nous espérions tous obtenir son consentement complet ou partiel pour la communication d’une partie ou de la totalité de l’information, si cela devait signifier que la procédure serait enclenchée, qu'il y aurait une procédure, un examen quelconque qui permettrait aux gens de comprendre ce qui s’était passé. Malheureusement, si j’ai bien compris, cela n’a pas eu lieu.
    Merci. Je pense que mon temps est écoulé, madame la présidente.
    Effectivement. Merci.

[Français]

Monsieur Barsalou-Duval, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Marques, depuis le début de l'étude sur ce sujet, presque tous les gens que nous avons reçus au Comité nous ont dit que ce n'était pas leur faute, ou que ce n'était pas de leur ressort, ou qu'ils ne savaient pas à qui était la faute ou à qui incombait cette responsabilité. Tout le monde se relançait un peu la balle.
    Les gens disaient aussi qu'ils n'avaient pas été capables de voir les preuves ni d'obtenir l'information. En fait, le ministre de la Défense nationale est le seul décideur qui a eu l'occasion d'avoir l'information en main et de voir les preuves, et il a refusé d'en prendre connaissance.
     Cela a fait que les bonnes décisions n'ont pas été prises et que le chef d'État-major est resté en poste encore pendant trois ans en dépit de cette situation inacceptable. Ne serait-ce pas le problème?

[Traduction]

    Ce que je ne sais pas et ce sur quoi je ne veux pas spéculer, ce sont les conditions en vertu desquelles M. Walbourne a déclaré communiquer cette information. Nous pouvons sûrement convenir que le ministre n'avait pas à recevoir de renseignements ni à prendre de mesures pour faire enquête. Je pense qu'il nous fallait veiller à ce que l'information nécessaire au déclenchement d'une enquête aboutisse au bon endroit.
    En fin de compte, je ne crois pas que ce genre de dossier doive être traité par le ministre. Je ne dis pas que quelqu’un a fait quelque chose de mal, mais ce n’est pas le ministre lui-même qui doit diligenter une enquête ou un examen. Nous serons sûrement tous d’accord pour dire que ce ne serait pas un très bon système...

[Français]

    Lors de leur comparution, les deux ombudsmans des forces armées, l'ancien et le nouveau, ainsi que le lieutenant-colonel Leblanc, qui est commandant du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, ont tous dit que cela n'aurait pas été de l'ingérence de la part du ministre que de prendre connaissance de l'information présentée. Le ministre, quant à lui, disait qu'il n'était pas la bonne personne à aller voir.
     Or, tant l'ombudsman que le lieutenant-colonel Leblanc nous ont dit aussi que le ministre aurait très bien pu demander le déclenchement d'une enquête ou proposer d'aller plus loin. Ce n'est pas à lui de faire l'enquête, mais il peut demander son déclenchement. Il aurait pu partager l'information qu'il avait en main, mais il a refusé de la prendre en compte.
    Au fond, c'est lui qui avait la meilleure chance de transmettre la bonne information puisque tout a bloqué par la suite.

[Traduction]

    Je ne veux pas spéculer ni exprimer ce qui ne serait que mon point de vue. Comme je ne suis pas expert en matière de pouvoirs des différents acteurs, je ne veux pas me perdre en conjectures.
    Il faut surtout veiller à ce que les renseignements aboutissent au bon endroit. Pour ce qui est de savoir quelles démarches auraient permis cela, comme vous entendez tous les témoignages, j’imagine que vous serez en mesure de porter ce jugement. Je ne me sens pas outillé pour comprendre les pouvoirs des uns et des autres, d'autant que je n'ai pas suivi tous les témoignages. Je ne veux pas spéculer ni porter de jugement...

[Français]

    Je le comprends, mais la frustration des membres...

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Garrison, s’il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Encore une fois, et sans entrer dans les détails de la procédure — ce qu’on a toujours tendance à faire en pareil cas —, deux questions se posent. La première concerne l’écart de conduite d’un très haut gradé militaire, et la seconde, les efforts déployés pour éliminer l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes.
    Monsieur Marques, vous souvenez-vous si le premier ministre a été informé de l’absence de progrès de l’opération Honour concernant les problèmes d’inconduite sexuelle dans l’armée pendant que vous étiez au Cabinet du premier ministre?
    Je n’ai participé à aucune séance d’information de ce genre, mais cela ne veut rien dire. Normalement, ce n’est pas une séance d’information à laquelle j'aurais participé, alors je ne peux pas vous répondre.
    Il en va de même pour la question de savoir si le chef de cabinet a informé le premier ministre des accusations concernant le général Vance et des preuves dont il disposait. Vous n'étiez pas nécessairement au courant d'une telle séance d'information ou vous n'y avez pas participé.
    Pas nécessairement. Il est certain que ne possédant pas de renseignements différents ou meilleurs sur la situation, je ne peux pas le dire. J'essaie simplement de vous dire ce que je sais et d'être aussi franc que possible à ce sujet, dans la mesure où cela vous est utile. Je ne veux pas faire...
    Je le comprends et je n'insinue rien. J'essaie simplement de m'assurer que tout soit bien clair, parce que nous nous sommes retrouvés dans une situation où le général Vance est resté plus longtemps en poste que la plupart des autres chefs d'état-major. Comme il était responsable de l'opération Honour — qui vise à éliminer l'inconduite sexuelle — et qu'il était la cible de multiples accusations d'inconduite sexuelle, je ne m'étonne pas qu'il y ait un problème de confiance aux échelons supérieurs et de capacité à éradiquer l'inconduite sexuelle dans l'armée, pas dans le cas de la plainte individuelle, mais au niveau du système en général.
    Le ministre de la Défense aurait-il présenté un rapport au Cabinet sur cette question au cours de cette période? Auriez-vous eu un moyen de le savoir?
    Je ne vais pas répondre à cette question et je ne veux pas spéculer sur le genre de séance d'information qui a pu avoir lieu au cours du mandat.
    J'estime que l'engagement à l'égard de ces principes et de cette réforme est bien réel. Je ne suis tout simplement pas en mesure de vous dire à quoi cela a pu ressembler sur le plan opérationnel. Je ne sais pas qui a été informé et quand, ni comment les progrès ont été évalués. Je ne veux pas spéculer, car je ne sais pas.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Bezan. Je vous en prie, monsieur Bezan.
    Merci, madame la présidente.
     Monsieur Marques, comme on cela a été mentionné plus tôt, Michael Wernick a comparu devant le Comité le 6 avril et a parlé d'échanges entre le Cabinet du premier ministre et lui, le 16 ou le 17 mars, à propos de cette impasse. Vous avez dit que, selon vous, le dossier était resté ouvert.
    Ma question est la suivante: qui a failli à la tâche? Est-ce le BCP qui n'est pas allé au fond des choses? Est-ce le CPM qui n'a pas fait de suivi ou M. Sajjan lui-même qui n'a pas rencontré en personne Gary Walbourne, l'ombudsman à l'époque, pour obtenir les détails des allégations?
    Je vais me concentrer sur mon témoignage parce que je dois être prudent dans les comparaisons que je vais faire. J'ai toujours pensé que le dossier était ouvert. Je croyais que, dans son témoignage devant le Comité, M. Wernick était allé dans le même sens, à savoir que le dossier était resté ouvert dans l'espoir que la plaignante donne son consentement complet ou partiel et qu'elle fournisse des renseignements ou que nous en obtiendrions par ailleurs afin de lancer un examen ou d'ouvrir une enquête, même en l'absence d'informations venant de la plaignante.
    C'est ce que j'avais cru comprendre.
    Monsieur Marques, quel était le processus normal de signalement des cas d'inconduite sexuelle en vigueur au Cabinet du premier ministre, pour le personnel qui y travaille ou — puisqu'on parle toujours du général Vance comme d'une personne nommée par le gouverneur en conseil — pour les personnes nommées par le gouverneur en conseil? Existait-il une procédure normale que vous deviez respecter au sein du Cabinet du premier ministre et du BCP?
    Je dirais que... Je n'ai participé à aucune autre affaire.
    Comme vous étiez membre du personnel, vous n'étiez pas sans ignorer l'existence d'un code régissant l'inconduite sexuelle et les signalements, et que ces cas font l'objet d'une enquête. Le code que vous aviez au Cabinet du premier ministre ne se serait-il pas également appliqué à quelqu'un comme le général Vance, soit une personne nommée par le gouverneur en conseil?
     Dans le cas une situation où la personne est nommée par le gouverneur en conseil, je ne doute pas qu'il faille effectivement s'adresser au Bureau du Conseil privé et, presque certainement aussi, au Secrétariat du personnel supérieur.
     Pensez-vous que ce serait le même processus que vous avez au Cabinet du premier ministre? Seriez-vous en mesure de faire une comparaison?
    Je vous pose cette question parce que je pense qu'au Cabinet du premier ministre, à peu près à la même époque, juste avant que ces allégations ne soient révélées au sujet du général Vance, des signalements ont été faits au sujet de Claude-Éric Gagné. Je me demande ce que vous avez fait à ce sujet, et le Cabinet du premier ministre ne devrait-il par chercher davantage à éradiquer l'inconduite sexuelle au sein de la fonction publique et parmi les personnes nommées par le gouverneur en conseil?
    Je suis ici pour parler de la question dont le Comité est saisi et qui concerne une personne nommée par le gouverneur en conseil, et je vais m'en tenir à cela. Je pense que c'est approprié.
    Il est certain que, dans le cas d'une personne nommée par le gouverneur en conseil, ce n'est certainement pas le personnel politique qui va décider de faire enquête. Ce qu'il faut, ce sont des gens sérieux et responsables, qui recueillent tous les renseignements possibles et qui s'assurent de les transférer là où il faut. Le Conseil privé est forcément l'endroit où aller, parce que si ce n'est pas lui qui doit s'en occuper, les gens savent à qui s'adresser. C'est essentiellement ainsi que notre système fonctionne et c'est pourquoi les choses ont été faites ainsi. Cela s'est fait en quelques heures, littéralement, et j'espère que cela se fera dans tous ces cas.
    Je n'ai pas été saisi d'autres cas qui...
    Je comprends.
    Dans son témoignage, M. Wernick a dit qu'il regrettait de ne pas être allé au fond des choses il y a trois ans, sachant à quel point les choses ont affecté les Forces armées canadiennes, surtout les femmes qui portent l'uniforme aujourd'hui. Il a dit qu'il aurait aimé que le ministre Sajjan recueille les preuves. Il était très contrit dans sa déclaration.
    Partagez-vous ce sentiment, autrement dit que le ministre Sajjan aurait dû recueillir la preuve et que vous auriez dû aller au fond des choses il y a trois ans, quand vous en avez eu l'occasion?
    Vous avez été l'un des principaux intervenants au côté de M. Wernick, de Zita Astravas, de Katie Telford et du ministre Sajjan.
    Je partage la frustration des victimes et du public à l'égard de l'ampleur du problème dans les Forces armées canadiennes, et il semble que nous en apprenions davantage chaque jour à ce sujet. En réfléchissant à cela, je me dis qu'il est très important que le Comité prenne au sérieux sa responsabilité de présenter maintenant et de la meilleure façon possible quelques balises pour l'avenir, cela en s'appuyant sur des experts, sur des d'anciennes victimes et sur ce qui se fait à l'étranger.
    Il existe ici un consensus, qui échappe aux lignes de parti, un consensus voulant que nous devons faire mieux face à ces problèmes, sur le plan tant institutionnel que culturel. Ce ne sera pas facile. C'est une lourde tâche, et je pense que le Comité est particulièrement bien placé pour trouver une partie de la solution.
    Le Comité est prêt à le faire.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Vandenbeld. Je vous en prie, madame.
    Merci beaucoup, madame la présidente et merci, monsieur Marques, d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui.
    Je vais d'abord revenir sur certaines choses qui ont été dites ici aujourd'hui pour avoir des éclaircissements.
    Mme Gallant vous a demandé de façon cavalière de fournir les noms des employés du Cabinet du premier ministre ayant probablement participé à l'enquête. Connaissez-vous personnellement quelqu'un qui aurait cette information, à part ceux dont vous nous avez parlé aujourd'hui?
    Non. J'ai essayé d'être clair dans mes réponses à ce sujet. Je ne suis pas contre le fait de vous donner des noms. Ne suis-je pas ici pour vous répondre? Vous pouvez me le demander. Je n'ai pas d'autres noms. S'il y a d'autres personnes en cause, je ne les connais pas.
    Merci de cette précision que j'apprécie.
    J'ai aussi entendu M. Garrison dire aujourd'hui que M. Walbourne a peut-être fourni des renseignements anonymes à Mme Sherman. Or, je ne crois pas que Mme Sherman ait dit cela dans son témoignage.
    D'après ce que vous avez compris de vos conversations avec Mme Sherman, M. Walbourne lui aurait-il communiqué quoi que ce soit, ne serait-ce qu'au sujet de la nature de l'allégation?
    D'après ce que j'ai compris, on espérait que certains renseignements seraient fournis — même incomplets, même présentés sous le couvert de l'anonymat, et même purement contextuels —, ce qui aurait peut-être été suffisant pour permettre que d'autres mesures soient prises. À ma connaissance, ces renseignements n'ont pas été fournis, et je ne crois pas qu'ils aient été rendus anonymes.
     Encore une fois, je n'ai pas participé directement à cela, alors je préfère m'en remettre à d'autres témoignages que le Comité a peut-être entendus à ce sujet, mais je crois comprendre que l'information n'a jamais été fournie.
    Effectivement, ce qui est conforme à d'autres témoignages que nous avons entendus. En fait, tout ce que vous avez dit au Comité aujourd'hui est conforme aux autres témoignages que nous avons entendus.
    Serait-il donc juste de dire qu'il n'y avait pas suffisamment d'informations à ce moment-là pour enclencher une enquête?
    De notre point de vue, au Cabinet du premier ministre, l'étape suivante ne relevait pas de nous. Au final, je m'en remettrais au point de vue des personnes du Bureau du Conseil privé qui géraient le dossier. Je crois comprendre qu'aucun renseignement supplémentaire n'a été fourni. Ainsi, dans une situation où vous comprenez qu'il y a eu plainte, mais où vous n'avez absolument aucune autre information — vous n'avez pas de plaignant, vous n'avez pas de témoins et vous n'avez personne d'autre vers qui vous tourner pour obtenir des renseignements, sauf quelqu'un qui vous dit, sans doute pour de bonnes raisons, qu'il n'est pas en mesure de le faire — je ne vois pas quelle peut être la prochaine étape.
    Je ne veux toutefois pas parler au nom du Conseil privé. De notre point de vue, ce qui était important, c'était de veiller à ce que le dossier aboutisse au bon endroit. En toute franchise, c'est le Conseil privé qui a évalué les prochaines étapes et qui a tout déterminé, comme le fait de savoir si quelque chose pouvait être utile dans une situation comme celle-ci ou s'il fallait mettre quelque chose sur pied.
    Franchement, je suis convaincu que tout a été bien pensés et pris au sérieux par le Conseil privé. Je n'ai jamais eu l'impression que nous avions failli à la tâche ou manqué de sérieux ou d'engagement à l'égard de questions très graves.
    Je remarque que M. Walbourne lui-même a dit que l'information dont il disposait ne pouvait donner lieu à des poursuites.
    Monsieur Marques, avez-vous alors suivi la même démarche que pour l'examen des préoccupations soulevées au sujet de toute autre nomination par le gouverneur en conseil.
    Je ne crois pas avoir été mêlé à un autre dossier concernant une personne nommée par le gouverneur en conseil, mais je pense que le Bureau du Conseil privé serait évidemment le premier point de contact dans une telle situation. Comme je l'ai déjà dit, cette équipe, surtout celle du Secrétariat du personnel supérieur — mais je dirais de l'institution en général — sont des experts des questions de mandat, de rendement et de conduite en ce qui concerne les personnes nommées par le gouverneur en conseil.
     Si la même chose s'était produite en dehors du contexte militaire, à propos d'une autre personne nommée par le gouverneur en conseil, et que notre bureau ait été appelé à intervenir, je pense que nous aurions fait la même chose. Je pense que nous aurions demandé aux experts de nous indiquer si quoi que ce soit pouvait nous aider à régler le problème ou si nous pouvions faire quelque chose en ce sens. Nous aurions pris les mêmes mesures. Je ne pense pas que les choses ont été différentes ici en raison du type de personne nommée par le gouverneur en conseil.
    D'accord. Merci beaucoup.
    C'est à vous, madame Alleslev.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Dans son témoignage, M. Wernick a dit qu'il avait préparé une note d'information à l'intention du Cabinet du premier ministre au sujet du général Vance, y compris des options pour remplacer le chef d'état-major de la Défense avant les prochaines élections, c'est-à-dire les dernières élections.
    Étiez-vous au courant de l'existence de ce document?
    Je n'ai pas participé à aucune discussion ni à la préparation d'aucune note d'information portant sur le mandat du général. Ce n'est pas quelque chose à quoi j'ai participé ou dont je sois au courant, et je ne peux donc pas vous en parler aujourd'hui.
    Étiez-vous au courant de ces conversations?
    Je n'étais pas au courant qu'il s'agissait d'un problème à ce moment-là ou...
    À qui, au Cabinet du premier ministre, aurait-il remis cette note d'information? Pas à vous, mais à qui M. Wernick aurait-il remis cette note d'information?
    Franchement, je n'ai pas la réponse à cette question. Il y a tout un système de notes d'information. Ce n'est pas un système informel et ponctuel. C'est un système en vertu duquel les notes sont commandées et attribuées. Comme je n'y ai pas participé, je ne peux pas vous dire.
     Merci.
    M. Wernick a également mentionné que le versement de la rémunération au rendement/à risque du général Vance avait également été retardée. Auriez-vous été mis au courant de cela ou avez-vous eu vent de cette conversation?
    Je ne crois pas avoir eu à m'occuper de cette question de rémunération ou de questions connexes entourant cette nomination. Je ne m'en souviens pas et, dans le cours normal des choses, je ne n'aurais pas...
    C'est troublant parce que vous aviez été désigné personne-contact au sujet de ces allégations, et que vous avez dit qu'il s'agissait d'allégations « graves » à régler de toute urgence. Pourtant, en ce qui concerne la rémunération à risque et le mandat du général, ou quoi que ce soit d'autre concernant son maintien en poste, vous n'avez participé à aucune discussion et vous n'avez eu aucun contact. C'est ce que vous nous dites?
    J'avais pour rôle de m'occuper d'une situation dont le ministre de la Défense et son personnel avaient été saisis, mais sans plus de détails. Une plainte avait été déposée et il fallait prendre toutes les mesures raisonnables possibles pour veiller à ce que cette plainte aboutisse au bon endroit. Pour les raisons que j'ai mentionnées, le bon endroit était le Conseil privé. J'ai communiqué immédiatement avec le greffier, je me suis assuré que cela se produirait et j'ai eu l'assurance que le Conseil privé prendrait toutes les mesures voulues pour comprendre ce dont il retournait...
    Il n'y aurait pas eu de lien entre une plainte de cette nature et une conversation sur son rendement, et vous n'auriez pas fait le lien entre les deux.
    Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, nous avons supposé que la plainte pourrait être très grave, et c'est pourquoi nous avons agi comme nous l'avons fait. Même si j'avais su qu'elle était grave à ce point, je n'aurais rien fait d'autre que ce que j'ai fait. Nous avons considéré que l'affaire était très grave.
    En fin de compte, aucun renseignement n'a été fourni sur la nature de la plainte pour permettre la mise en place d'un processus quelconque. Ce n'est pas nous qui avons pris cette décision. C'est une décision qui a été prise par les gens dont le travail consiste à déterminer ce qu'il est possible de faire, et je pense pouvoir dire, dans la mesure où j'y ai participé, que tous ont agi de façon très responsable en essayant de faire ce qu'il fallait.
    Merci, monsieur Marques.
    À votre avis, la nomination d'un chef d'état-major de la Défense est-elle la même que toute autre nomination par le gouverneur en conseil? Il n'y a rien de spécial dans la nomination d'un chef d'état-major de la Défense?
    Je pense que toutes les nominations par le gouverneur en conseil présentent des caractéristiques et des facettes qui leur sont propres. Il est certain que le chef d'état-major de la Défense est unique dans notre architecture militaire pour des raisons évidentes. C'est certainement ce qui apparaît aux membres du Comité. Ce que je dis, c'est que le traitement de cette plainte pour inconduite personnelle, en fonction de certaines informations dont on disposait tandis qu'il en manquait d'autres, a été correctement fait. Je...
    Merci.
    Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Vous avez, bien sûr, joué un rôle central dans plusieurs autres dossiers dans le passé...
    D'accord. Merci.
    C'est à vous, monsieur Bagnell.
    Merci beaucoup, monsieur Marques.
    Je tiens à dire une chose pour mémoire. Cette allégation dont certains ont dû s'occuper a été perçue comme étant grave, et je suis très heureux que vous l'ayez prise au sérieux, car elle pouvait être grave, même s'il n'y avait aucune preuve en ce sens.
    D'aucuns ont aussi insinué que des erreurs ont été commises. Cependant, étant donné qu'une plainte — dont vous ignoriez la gravité véritable — a été immédiatement transmise aux gens qui devaient faire enquête, et que vous aviez besoin de certaines informations pour être en mesure d'ouvrir une enquête, informations qui n'étaient pas encore disponibles à l'époque, le dossier a été laissé ouvert afin qu'une enquête puisse être déclenchée dès que ces informations auraient été disponibles. Je ne vois pas qui a bien pu faillir à la tâche. Il me semble que tout a été fait comme il se devait.
    Dans vos remarques liminaires et dans vos réponses, vous avez dit avoir eu une connaissance limitée de la plainte, mais vous avez quand même essayé de faire examiner les allégations. Est-ce exact? Nous vous remercions de l'avoir fait.
    Je pense que le Comité a entendu tous les témoignages et que vous jugerez, en fonction de ce que vous avez entendu à ce sujet, si des mesures supplémentaires auraient dû être prises. Si vous faites cela, j'espère que ce sera constructif et utile.
    En l'absence de renseignements supplémentaires, outre le fait qu'une plainte avait été déposée et que l'ombudsman avait décidé d'en parler au ministre, nous avons agi en partant du principe que l'affaire était très grave parce que nous ne savions pas de quoi il s'agissait. C'était une possibilité. Elle pouvait être fondée ou pas, mais nous ne voulions pas en juger a priori. Il fallait agir en partant du principe que c'était grave. Je pense que c'est ce que nous avons fait au Cabinet du premier ministre.
    D'après ce que j'ai constaté lors de mes contacts avec le Bureau du Conseil privé, je dirais que celui-ci a agi comme les Canadiens se seraient attendu à ce qu'il le fasse, c'est-à-dire qu'il l'a pris l'affaire au sérieux et a essayé de diriger le dossier vers le bon endroit.
    Compte tenu de là où nous en sommes et d'après tout ce que les Canadiens peuvent lire dans les journaux, je dirais que le Comité a du pain sur la planche. J'espère qu'il agira de façon constructive pour essayer de régler ce qui, pour les Canadiens, constitue de toute évidence un ensemble de problèmes très graves. Je ne prétends pas avoir l'expertise nécessaire pour vous apporter des réponses. Il faut se mettre à l'écoute des experts et des anciennes victimes pour comprendre pourquoi nos systèmes actuels ne fonctionnent pas et quels systèmes nous n'avons pas que nous devrions peut-être avoir.
    J'espère que c'est ce que vous faites et je suis convaincu que vous agirez dans ce sens. Voilà pourquoi, selon moi, c'est important. Peu importe vos réactions aux uns et aux autres, la situation n'est finalement pas comme on l'aurait souhaité, puisqu'il n'y a pas eu d'enquête.
    Diriez-vous que vous avez exploité toutes les options indépendantes que vous aviez à l'époque pour veiller à ce que les allégations soient examinées par les autorités compétentes, c'est-à-dire par le Bureau du Conseil privé dans ce cas-ci?
    Oui, dans la mesure où j'ai été mis au courant de ce qui s'est passé. Les gens ont fait de leur mieux pour obtenir l'information nécessaire en vue de la diriger au bon endroit où elle ferait éventuellement l'objet d'une enquête, d'une évaluation et de mesures appropriées.
    Comme nous n'avions pas cette information, nous étions face à un vrai problème. Du point de vue du membre du personnel politique que j'étais, je dirais que nous avons tous considéré que notre responsabilité était de veiller à ce que le personnel politique ou les ministres ne détiennent aucune information qui n'aurait pas été transmise directement au Conseil privé dans le cadre des activités normales. C'est ce qui s'est fait. Je pense que c'est important. C'est ainsi, je pense qu'il faut agir en pareilles situations, parce qu'on ne veut pas qu'un élément pouvant paraître banal pour quelqu'un se révèle tout à fait pertinent dans le cadre d'une procédure quelconque. Il faut s'assurer que le dossier aboutit au bon endroit, et le bon endroit, dans ce cas, c'était le Bureau du Conseil privé.
    Je suppose que vous serez d'accord pour dire qu'il est temps de donner suite aux recommandations visant à améliorer cette situation grave.
     Je renverrai au Comité la question des travaux qu'il doit mener. Je me dis, en pensant aux articles et aux reportages qu'ils voient dans les médias, que les Canadiens veulent savoir comment nous allons corriger la situation.
    Le Comité est très bien placé pour dire qu'il a examiné ces questions en profondeur, qu'il a recueilli de nombreux témoignages, qu'il est au courant des débats publics sur les réformes à faire, et qu'il va proposer des recommandations que le gouvernement pourra adopter.
    Aussi décevantes et frustrantes que puissent être les nouvelles dans les médias, si celle-ci décrivent ce qui se passe réellement, alors les Canadiens veulent être certains qu'il y aura une réponse réfléchie. Je crois que le Comité pourrait être l'un des acteurs qui contribuera à trouver la solution et, espérons-le, à faire en sorte que nous nous en sortions mieux dans ce genre de dossiers.
     Bien. Il est 15 heures.
    Monsieur Marques, merci beaucoup. Je sais qu'il nous a fallu un certain temps pour faire coïncider nos calendriers respectifs. Nous savons que vous êtes un homme occupé, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd'hui. Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie de votre témoignage. Nous vous remercions de vous être joint à nous.
    Passez une bonne journée et prenez soin de vous.
    Merci beaucoup à tous.

[Français]

     J'invoque le Règlement, madame la présidente.

[Traduction]

    Allez-y.

[Français]

    Généralement, lorsqu'on commence un tour de question, n'est-ce pas la tradition de terminer l'entièreté du tour pour permettre un partage équitable des droits de parole?

[Traduction]

    Le témoin nous avait prévenu qu'il devait partir à 15 heures à cause d'autres engagements.
    Nous essayons d'être équitables ici... J'ai laissé plus de temps pour certaines questions afin que tout le monde ait la même possibilité. Le témoin a passé deux heures avec nous, soit le temps promis.
    Au tout début de la séance, nous avons limité l'introduction. Les choses ne fonctionnent pas toujours comme on le voudrait, mais nous essayons d'être aussi équitables que faire se peut.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Barsalou-Duval.

[Traduction]

    Le Comité souhaite-t-il lever la séance?
    Des voix: D'accord.
    La présidente: Très bien. Merci.
    La séance est levée.
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