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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 033 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 10 mai 2021

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonsoir et bienvenue à la 33e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, et les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins. Aujourd'hui, notre comité poursuit son étude sur les services de sages-femmes au Canada. Lorsque vous voulez parler, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Je vous rappelle que toutes vos observations doivent être adressées à la présidence. Si vous avez besoin de l'interprétation, vous pouvez sélectionner le canal de votre choix entre l'anglais, le français et le parquet au bas de votre écran. Lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et clairement pour que nos interprètes vous entendent bien et puissent interpréter vos propos. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être en sourdine.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Vous aurez chacune cinq minutes pour vos déclarations liminaires, après quoi il y aura une période de questions. Nous recevons ce soir Mme Susan James, ainsi que Mme Jasmin Tecson, présidente de l'Association of Ontario Midwives. Nous accueillons également Mme Kirsty Bourret, chercheure adjointe au McMaster Midwifery Research Centre de l'Université McMaster.
    Madame James, nous commencerons par vous. Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité.
     J'ai été directrice de l'école de formation des sages-femmes de l'Université Laurentienne pendant 20 ans, mais après un total de 22 ans d'insolvabilité, la situation m'a poussée à prendre ma retraite. J'aimerais me concentrer sur le rôle que le programme de formation des sages-femmes a joué dans le renforcement des capacités, puis formuler quelques recommandations pour l'avenir.
    Parlons d'abord des ressources humaines en santé. La majorité des services actuels de sages-femmes dans le Nord de l'Ontario n'existaient pas avant la mise en place du programme de formation des sages-femmes. Comme certains l'ont mentionné lors de la première séance à ce sujet, 60 % des sages-femmes qui exercent dans ces régions sont diplômées du programme de la Laurentienne. De nombreuses étudiantes s'inscrivent au programme dans le but de se joindre à des équipes existantes dans le Nord ou d'offrir des services là où il n'y en a pas. Prenons l'exemple de Mélanie Guérin, qui s'est inscrite au programme en 1999. En réponse à une question sur la perspective d'offrir ses services dans sa ville natale de Hearst, un directeur du Sud lui a répondu: « Ce genre de services ne sera jamais offert dans une petite municipalité comme Hearst », ce qui a incité Mélanie à passer chaque visite chez elle à établir des contacts avec les membres de la communauté, de sorte qu'en 2005, elle a ouvert son propre service.
    De nombreuses collectivités du Nord n'ont toujours pas de services de sages-femmes et, en fait, pas de services de maternité. Or, de nombreux changements seront encore nécessaires aux règles provinciales et fédérales régissant la profession pour concrétiser le rêve que chaque femme enceinte puisse accoucher près de chez elle. Il faudra de nouveaux modèles de financement, des solutions aux problèmes de transport, un accès universel à l'eau potable et une amélioration des connexions Internet. Il serait très utile également d'ouvrir une école de formation des sages-femmes dans une université du Nord pour informer la population sur la profession de sage-femme et sur les choix possibles en matière d'accouchement, de grossesse et d'autres situations de santé.
    Par exemple, nous avons créé un programme d'enseignement des interventions pelviennes, en 2002, à l'intention des étudiants aux programmes de formation des sages-femmes, de médecine et d'infirmière praticienne, ainsi que des infirmières des hôpitaux spécialisées dans les agressions sexuelles, afin de leur apprendre à réaliser des examens pelviens avec délicatesse, respect et savoir-faire, y compris les frottis cervico-vaginaux. Ce programme risque de disparaître avec la fermeture de l'école, au détriment des habitants du Nord.
    Parlons ensuite de l'accessibilité des programmes d'études. De nombreuses étudiantes et diplômées du programme de l'Université Laurentienne nous disent qu'elles n'auraient jamais obtenu un diplôme de sage-femme si elles n'avaient pas pu rester dans le Nord. L'attention portée aux caractéristiques démographiques de notre bassin de candidates nous amenait à accepter chaque année des candidates provenant directement des écoles secondaires, ce qui contribuait à la rétention des étudiantes.
    Le CNFS nous fournissait des ressources pour le recrutement et des bourses d'études pour les étudiantes. Le modèle du CNFS pourrait aider à financer d'autres aspects d'une école de formation des sages-femmes dans le Nord.
    Le dernier élément que j'estime essentiel pour le renforcement des capacités est celui des bourses d'études et de la recherche. Il se fait beaucoup de recherche en sciences sociales et humaines sur la profession de sage-femme. Il commence à y avoir un bon bassin de recherches menées par des sages-femmes pour éclairer la profession, mais pour la plupart, ces recherches ne ciblent pas la réalité dans le Nord. La profession de sage-femme est presque invisible dans le milieu de la recherche, elle ne figure pas dans les listes de professions des organismes subventionnaires ni dans les appels de propositions d'équipes de recherche. L'Association canadienne des sages-femmes offre un financement fédéral aux sages-femmes pour qu'elles puissent mener des recherches dans les pays à faible revenu, mais il est beaucoup plus difficile de trouver du financement pour mener des recherches dans le Nord du Canada.
    Je recommanderais, premièrement, d'inclure les services de santé dans les responsabilités de FedNor. Cela pourrait aider les collectivités qui voudraient renforcer leur assise économique grâce à des services de santé locaux pour répondre aux besoins des résidents en âge de procréer. Je recommanderais, deuxièmement, de tabler sur le modèle du CNFS pour créer des programmes avec l'appui du gouvernement fédéral, mais sous la direction des autorités locales afin de répondre aux besoins des étudiants nordiques, autochtones, francophones, anglophones et racialisés. Je recommanderais, troisièmement, de favoriser la création d'un institut de recherche sur la profession de sage-femme dans le Nord. Cela pourrait se faire conjointement avec le Centre de recherche en santé dans les milieux ruraux et du nord des universités Laurentienne et Lakehead.
    Je recommanderais, quatrièmement, d'appuyer la réintroduction d'une école de formation des sages-femmes dans le Nord de l'Ontario. Cette école demeure nécessaire pour répondre aux besoins d'éducation et de perfectionnement des populations nordiques, autochtones, racialisées, francophones et anglophones. Je recommanderais, cinquièmement, et c'est peut-être la recommandation la plus importante pour le gouvernement fédéral, de créer un bureau de la profession de sage-femme au gouvernement fédéral afin d'assurer la coordination et la liaison avec les autres ministères et les autres professions sur les questions relatives à la profession ou à la santé reproductive et sexuelle.

  (1835)  

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci.
    Je donnerai maintenant cinq minutes à Mme Tecson.
    Bonsoir, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je m'appelle Jasmin Tecson. Je suis sage-femme autorisée et je vous parle aujourd'hui en ma qualité de présidente de l'Association of Ontario Midwives, la plus grande association régionale de sages-femmes au Canada.
    Nous sommes fières d'exercer une profession aussi appréciée des familles et que nous jugeons essentielle pour améliorer la santé des femmes enceintes et de leurs bébés. À l'heure actuelle, il y a environ 1 000 sages-femmes en Ontario, et 18 % des bébés de la province naissent grâce à leur aide. Nous sommes des fournisseurs de soins primaires autonomes. Notre programme de formation de sages-femmes, le premier du genre au Canada, qui inspire le respect partout dans le monde, permet d'obtenir un baccalauréat en sciences de la santé dans la profession de sage-femme. Notre formation complète et rigoureuse comprend des examens sur les médicaments couramment prescrits; le suivi de grossesse, l'accouchement et le post-partum chez les femmes en bonne santé ayant une grossesse à faible risque; de même que l'évaluation et l'intervention en cas d'urgence et les soins cliniques à offrir aux nouveau-nés en bonne santé.
    Notre modèle de soins s'avère très efficace pour les soins périnataux, et nos excellents résultats cliniques en attestent. Les patientes vivent une expérience exemplaire et un accouchement efficace grâce à une prestation de soins éprouvée. Notre modèle prévoit l'établissement d'une bonne relation de travail et d'une relation de confiance. Nous aidons nos patientes à faire des choix éclairés, d'où le degré de satisfaction exceptionnel de la clientèle pour une profession, de 97 % à 100 %. La très grande confiance de nos patientes envers nous, l'accompagnement que nous leur offrons et la continuité des soins font diminuer le taux d'intervention et raccourcir les séjours hospitaliers.
    En 2019, le taux de césariennes chez les patientes des sages-femmes était de 20 %. En comparaison, la moyenne provinciale était de 29 %. Ce taux était un impressionnant 7 % chez les patientes des sages-femmes ayant planifié à l'avance un accouchement à la maison. Grâce à un accompagnement sûr, hautement qualifié pendant l'accouchement, à domicile ou dans les maisons de naissance et à un suivi post-partum dans la communauté, les sages-femmes de l'Ontario font beaucoup diminuer le nombre d'admissions à l'hôpital et par conséquent, les coûts des soins de santé, ce qui laisse plus de ressources hospitalières à ceux qui en ont le plus besoin.
    Ces faits suffisent sans contredit à eux seuls à justifier un investissement dans la profession de sage-femme. Malgré cela, le dévouement des sages-femmes a un prix. Même sans tout le stress supplémentaire que peuvent vivre des travailleuses de première ligne en pleine pandémie mondiale, notre profession souffre du sous-financement de nos programmes de formation, d'une rémunération discriminatoire et de conditions de travail si exigeantes que le taux d'épuisement professionnel est grand dans la profession et qu'on perd beaucoup de professionnelles qualifiées et dévouées pour cause d'attrition et d'invalidité.
    La fermeture du programme de formation des sages-femmes de la Laurentienne est catastrophique pour la profession de sage-femme au Canada. Un tiers des étudiantes du domaine en Ontario étaient inscrites à ce programme. Ses diplômées sont les leaders d'aujourd'hui des associations régionales de sages-femmes partout au pays et au Conseil national autochtone des sages-femmes. La fermeture du programme met fin à la formation bilingue des sages-femmes au Canada et ferme essentiellement la porte aux Franco-Ontariennes qui souhaitent suivre une formation de sage-femme dans leur langue maternelle. Ce programme rendait la formation accessible à beaucoup d'étudiantes autochtones et du Nord qui ne seraient pas devenues sages-femmes autrement. La disparition de ce point d'accès est une perte qui aura de grandes répercussions sur la santé des communautés autochtones nordiques.
    Nous courrons maintenant le risque de ne plus former qu'une cohorte réduite de sages-femmes diplômées pour s'occuper de dizaines de milliers de familles en Ontario. La demande pour les services de sage-femme est grande dans la province. La diminution du nombre de diplômées signifiera que beaucoup de familles désireuses d'obtenir des services de sage-femme n'y auront pas accès, et c'est encore plus vrai dans le Nord.
    Dans une analyse et un rapport produits en 2015, l'AOM a fait plusieurs recommandations pour améliorer les soins dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques. Le programme de la Laurentienne préparait les sages-femmes à travailler dans ces régions du Canada. Ainsi, nous avons recommandé que les femmes aient accès à des soins de maternité de qualité aussi près que possible de chez elles. La perspective locale et les besoins de chacune doivent être pris en compte dans la planification des soins. Le droit à l'autodétermination et à des soins culturellement adaptés doit être respecté dans les communautés autochtones. En outre, il faut offrir des possibilités de formation aux nouveaux fournisseurs de soins de santé comme aux professionnels d'expérience qui travaillent dans ces collectivités. Le cadre de financement des services de sage-femme en région rurale et éloignée doit tenir compte des réalités propres à l'exercice de la profession dans ces régions.
    Grâce à son approche intégrée, axée sur la personne du début à la fin de la prestation de soins périnataux d'excellence, la profession de sage-femme est particulièrement bien placée pour tenir compte de déterminants sociaux de la santé comme le sexe, la culture, la race et l'accès à des services de santé. La profession de sage-femme est en pleine croissance au Canada, mais nous avons besoin d'efforts coordonnés en matière de politique et de financement des gouvernements provinciaux et fédéral pour assurer sa viabilité.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1840)  

    C'est excellent.
    Je donnerai maintenant la parole à Mme Bourret pour cinq minutes.

[Français]

     Bonjour, madame la présidente et chers membres du Comité.
    Je suis ici pour présenter les préoccupations des communautés francophones hors Québec qui se sentent lésées par la fermeture du programme de sages-femmes de l'Université Laurentienne. Je remercie toutes les personnes qui ont contribué à mon témoignage d'aujourd'hui.
    Je suis une sage-femme francophone, j'ai grandi dans le Nord de l'Ontario, et je suis diplômée du programme de formation des sages-femmes de l'Université Laurentienne, où je suis professeure depuis 2007. Je suis l'une des seules sages-femmes francophones hors Québec à avoir obtenu un diplôme de troisième cycle.
    Notre principal message est le suivant: pour accroître la formation des sages-femmes francophones, autochtones et du Nord, y compris les sages-femmes qui s'identifient comme noires ou racisées, nous devons renforcer l'intégration de ladite profession à tous les niveaux du secteur public, des politiques et des systèmes de santé.
    La fermeture actuelle du programme de formation des sages-femmes est liée au manque de compréhension de la profession de sage-femme dont font preuve les décideurs gouvernementaux et éducatifs. Cela met en évidence nos recommandations au niveau fédéral pour augmenter l'impact de la profession à l'échelle du pays.
    Nous souhaitons que le Comité recommande à la province qu'un programme de formation de sages-femmes soit rétabli dans le Nord de l'Ontario; qu'il comporte une option francophone; et qu'un programme de formation de sages-femmes autochtones soit mis en place dans le Nord de l'Ontario.
     Pour ce qui est du gouvernement fédéral, nous recommandons de créer un poste d'administrateur en chef pour les sages-femmes au sein de l'Agence de la santé publique du Canada et que les sages-femmes prennent part aux décisions partout où les médecins et les infirmières sont invités. Nous recommandons d'investir dans des programmes ou de créer des programmes au niveau fédéral, comme le Consortium national de formation en santé ou CNFS, qui renforce la capacité de formation des sages-femmes pour les communautés du Nord et les communautés francophones. Nous recommandons que ces programmes donnent priorité à la formation des sages-femmes autochtones et racisées. Enfin, nous recommandons de soutenir la capacité de ces sages-femmes à atteindre leurs études de troisième cycle, ce qui leur permet d'être des éducatrices et des chercheuses, afin de générer des données pour la profession, et d'accroître la durabilité et l'impact de cette profession au fil du temps.
    Le programme de sages-femmes de l'Université Laurentienne a fait plus que remplir son mandat d'augmenter les services des communautés [difficultés techniques] pour suivre ou accroître nos efforts. Ces effets positifs seront annulés. Les services de sages-femmes dans ces communautés, déjà difficiles à obtenir, deviendront inaccessibles, et nos familles en souffriront.
     Selon Mélanie Guérin, sage-femme diplômée de l'Université Laurentienne, les communautés de Hearst et de Kapuskasing qu'elle a desservies pendant 15 ans sont francophones à 95 %. Rares sont celles qui vont s'installer dans de petites communautés du Nord, à moins qu'elles viennent de là ou d'une communauté semblable.
     Pascale Alexandre, une étudiante du programme de sages-femmes de l'Université Laurentienne est une femme noire francophone. Elle dit avoir décidé de devenir sage-femme pour aider les gens de sa communauté à donner naissance dans un contexte de sécurité culturelle. Selon elle, éliminer le volet francophone du programme de sages-femmes est une attaque contre les groupes minoritaires francophones noirs et contre les personnes qui accouchent. Elle ajoute que, dans un contexte où il est prouvé que la discrimination raciale a un effet négatif sur la prestation des soins de santé, réduire l'accès des groupes minoritaires racisés et linguistiques vient, au mieux, maintenir cette disparité et, au pire, les exacerber.
     Carine Chalut, une cliente des Sages-femmes de l'est d'Ottawa, une clinique presque entièrement francophone et dont les sages-femmes sont diplômées de l'Université Laurentienne, dit qu'elle a eu la chance d'avoir accès à des sages-femmes francophones lors de ses trois grossesses, et qu'avoir accès à des services de santé dans sa langue n'était pas seulement un avantage, c'était une nécessité. Elle ajoute que, quand une femme est dans une situation aussi vulnérable que l'accouchement, on ne peut pas s'attendre à ce qu'elle interagisse dans une langue qui n'est pas la sienne, car cela la met dans une situation précaire, et même dangereuse. Selon elle, il est important que les femmes francophones continuent d'avoir accès à ces soins dans la langue de leur choix, car ce n'est pas seulement une question de droit, mais de qualité des soins.
    Bien que l'enseignement universitaire soit de compétence provinciale, nous croyons que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le renforcement de l'impact de notre profession. Il existe des exemples actuels où le gouvernement fédéral finance des programmes visant à renforcer le personnel de santé au moyen de programmes d'éducation et de recherche. Par exemple, Santé Canada a un programme pour les langues officielles en santé qui finance le Consortium de formation en santé, le CNFS. De tels programmes peuvent être mis en œuvre pour renforcer la capacité de formation des sages-femmes, surtout dans les communautés francophones, autochtones, noires, de couleur et du Nord.
    En résumé, le gouvernement fédéral a la possibilité d'innover et de créer des structures qui démontrent un investissement dans la profession de sage-femme par l'entremise du leadership, de la formation initiale et de la recherche dans ce domaine. Cela augmenterait la capacité et l'impact de notre profession.
    Je vous remercie.

  (1845)  

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Commençons tout de suite la première série de questions.
    Madame Sahota, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui et je les remercie de leurs témoignages.
    Madame Tecson, vous avez mentionné le nombre de sages-femmes autorisées à exercer la profession en Ontario et le pourcentage des bébés nés grâce à leurs services dans la province. Connaissez-vous les différences qui existent à ce chapitre d'une région à l'autre, au Canada? Quels sont les facteurs qui peuvent les expliquer?
    Malheureusement, l'Association of Ontario Midwives ne recueille pas de données par région. Nous connaissons, grâce au programme géré par le ministère de la Santé de l'Ontario, le nombre de professionnelles inscrites au collège et le financement consenti grâce aux organismes de transfert et aux services autorisés.
    Pour ce qui est des enjeux régionaux, nous savons qu'il est difficile d'offrir des services de sages-femmes dans les régions rurales, éloignées et nordiques. Cela s'explique en partie par la concentration des sages-femmes dans les centres urbains, au sud de la province et dans les établissements, mais c'est aussi une question d'accessibilité, bien honnêtement. C'est une grande préoccupation, il faut suivre attentivement la situation et veiller à maintenir le nombre de sages-femmes autorisées à exercer leur profession dans ces régions.
    Madame James ou madame Bourret, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je peux renchérir un peu sur ce que Mme Tecson vient de dire concernant la difficulté d'offrir des services dans le Nord. C'est une préoccupation pour les étudiantes, dès le début de leur formation, pendant leur stage et après l'obtention de leur diplôme.
    C'est attribuable en partie au modèle de financement. Il y a de merveilleuses améliorations qui y ont été apportées, mais en gros, le modèle de financement est celui de services payants. Si une sage-femme ne peut pas avoir suffisamment de patientes pour gagner l'équivalent d'un salaire à temps plein ou ce qu'elle gagnerait à l'emploi d'un établissement situé dans le Sud de la province, il est bien possible qu'elle ne s'estime pas en mesure de rester dans la région, particulièrement si elle est soutien de famille. De plus, elle ne pourra pas nécessairement travailler avec une deuxième sage-femme pouvant offrir des services pendant ses vacances ou quand elle est malade. Il existe un programme de suppléance pour cela, mais il n'est pas toujours possible de trouver une suppléante à la dernière minute ou de trouver quelqu'un qui pourra prendre le relais si on a besoin de prendre congé une fin de semaine.
    Il faudrait un modèle de financement dans lequel on pourrait... comme dans les écoles, au nord, où les classes sont petites, mais où l'enseignant gagne le même salaire qu'un enseignant d'un grand centre urbain ayant une plus grande classe. En fait, cet enseignant recevra parfois même une prime d'éloignement. Ne serait-il pas possible de créer le même genre de modèle de financement et de bonifier les modèles actuels? Si le gouvernement de l'Ontario n'offre pas assez de financement, serait-il possible qu'un programme comme celui de FedNor nous aide sur le plan financier, pour que nous puissions offrir des services de sage-femme partout dans la province?

  (1850)  

    Madame James, vous dites que les sages-femmes n'arrivent pas toujours à trouver ou à conserver suffisamment de patientes et qu'elles doivent parfois même déménager ailleurs au pays. La mobilité est-elle un enjeu? Les règles entourant les déplacements sont-elles assez souples? Les critères diffèrent-ils d'une région à l'autre du pays?
    Les critères d'autorisation pour pouvoir exercer dans les différentes provinces reposent tous sur une entente commune. Chaque province accepte le même examen d'admission, préparé à l'échelle nationale. Les compétences requises des sages-femmes sont donc les mêmes partout au pays. Il y a de petits ajouts d'une province à l'autre pour obtenir son permis d'exercice, mais habituellement, il suffit de se soumettre à un petit examen écrit supplémentaire ou de participer à un atelier pour acquérir les compétences ou connaissances supplémentaires requises et ainsi obtenir un permis d'exercice dans la province voulue.
    Il est donc possible de changer de province. On peut le faire dès l'obtention du diplôme, mais encore plus après une année d'expérience. Il n'est alors pas très difficile pour une sage-femme d'aller travailler dans une autre province ou un autre territoire.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une chose. S'il y a de moins en moins d'obstacles sur le plan de la formation des sages-femmes et qu'elles peuvent étudier n'importe où au pays, il y a encore des questions structurelles à prendre en considération, qui peuvent aider une sage-femme à travailler à son compte ou l'en empêcher. Il ne suffit pas de s'installer quelque part et de mettre une pancarte.
    Selon l'endroit où la sage-femme souhaite exercer sa profession, il peut y avoir toutes sortes de problèmes. Elles ne sont pas toujours fournisseuses de soins primaires autonomes indépendantes selon un régime de télétravail comme en Ontario. Dans d'autres régions, elles seront des employées d'un service ou d'un centre de santé.
    Il y a aussi toute la question de l'endroit où...
    Je suis désolée, mais c'est tout le temps que vous aviez.
    Nous allons maintenant passer à Mme Zahid pour une période de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci à tous les témoins qui comparaissent devant le Comité aujourd'hui pour le temps que vous nous consacrez.
    Ma première question est pour la Dre James.
    Croyez-vous qu'il existe des possibilités de collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral qui pourraient être bénéfiques pour votre profession?
    J'ai tout lieu d'espérer qu'il existe effectivement de telles possibilités. Au cours des quelques semaines qui se sont écoulées depuis la suppression de notre programme, j'ai participé à des rencontres aussi bien avec les instances fédérales qu'avec les autorités provinciales. Je crois avoir entendu les points de vue des porte-parole de toutes les parties concernées.
    Je dirais que le discours est un peu le même pour tous. Il s'agit d'assurer une intégration réussie des différentes formules de collaboration. Si Mme Bourret et moi-même avons suggéré le Consortium national de formation en santé comme modèle possible, c'est parce que nous avons pu constater son efficacité.
    Lorsque les responsables du CNFS sont venus travailler à l'Université Laurentienne, ils s'intéressaient surtout au départ aux sciences infirmières, au travail social et peut-être aussi à l'éducation physique, mais notre programme a aussi su attirer leur attention avec le temps. Il y a quelques années, nous avons élaboré une proposition permettant à notre programme francophone d'accueillir des étudiants d'autres provinces. L'autre province payait pour la portion subvention et l'étudiante pouvait pour sa part acquitter les droits de scolarité. Ces étudiantes s'ajoutaient à notre cohorte de 30. Nous avions l'adhésion des provinces, du fédéral et des candidates. Il y a malheureusement eu un changement de gouvernement à ce moment-là. Bien que le comité nous avait placés très haut sur sa liste de priorités et que nous pensions tout de même pouvoir aller de l'avant, le financement du CNFS a été coupé cette année-là et ce programme n'a jamais pu voir le jour.
    Je pense que cela montre bien que CNFS n'empiète pas sur les platebandes des provinces. Il est plutôt un complément à leur travail. Je crois que nous pourrions peut-être envisager d'autres possibilités pour les étudiantes autochtones, les étudiantes racisées et celles du Nord en nous inspirant d'une structure semblable de partenariat entre un établissement postsecondaire et le gouvernement fédéral, mais toujours en coopération avec la province pour que cela puisse fonctionner.

  (1855)  

    Merci, docteure James.
    J'ai une autre question pour vous. En dispensant des soins primaires de façon autonome, les sages-femmes jouent un rôle essentiel au sein de nos services de santé.
    Comment les programmes de formation des sages-femmes et le rôle joué par celles-ci contribuent-ils à façonner notre système de santé au Canada?
    C'est une grande question.
    Il faut d'abord préciser que les sages-femmes, tout comme les infirmières praticiennes — mais je vais surtout parler des sages-femmes, car c'est la profession que je connais le mieux —, ont été les premières à pouvoir prodiguer des soins primaires, travailler de façon autonome, admettre une patiente à l'hôpital dans plusieurs provinces, prescrire des médicaments et ordonner des enquêtes sans nécessairement avoir à obtenir l'autorisation d'un autre professionnel de la santé. Cela n'a pas manqué de causer certaines difficultés au sein de notre système de santé. Nous ne sommes pas des médecins et nous n'avons pas besoin de faire appel à des médecins dans certaines situations où l'état de la cliente demeure dans les limites de la pratique d'une sage-femme. Nous pouvons faire notre travail sans avoir à obtenir d'autorisation pour que la cliente soit traitée par une sage-femme — et puisse continuer de l'être.
    La sage-femme doit être en mesure de déterminer qu'une situation sort du cadre de sa pratique pour pouvoir aiguiller au besoin la cliente vers des soins médicaux. Il arrive aussi que l'on doive faire appel à un professionnel des services sociaux. Nous avons établi un partenariat avec les médecins. Nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de nous. Il a été assez difficile de faire accepter au sein du système de santé la présence de professionnelles qui avaient ce cadre de pratique, ce niveau de responsabilité, sans toutefois être médecins.
    Merci.
    Je crois que je n'ai plus de temps, ou peut-être m'en reste-t-il un peu?
    J'ai une brève question pour Mme Tecson.
     Pouvez-vous nous parler des considérations liées à l'équité et à l'accès aux sages-femmes?
    Je suis désolée, mais je n’ai pas bien entendu la dernière partie de votre question.
    Pouvez-vous nous parler un peu de l'équité et de l'accès aux sages-femmes?
    L'un des objectifs stratégiques prioritaires de notre association provinciale est de s'attaquer à la question de l'équité au sein de la profession, et notamment aux considérations liées au racisme, au manque de diversité et à l'équité dans l'ensemble du système de santé. C'est également une préoccupation ciblée dans le cadre du programme de formation des sages-femmes.
    Compte tenu de la manière dont nous intervenons auprès de nos clientes, surtout avec notre modèle du « choix éclairé », nous pouvons passer plus de temps avec elles, soit une moyenne de 30 minutes, plutôt que les 5 minutes habituelles pour un rendez-vous prénatal. Il nous est ainsi possible de mieux connaître chaque cliente, aussi bien individuellement que du point de vue de sa culture, afin de lui offrir les soins les mieux adaptés à sa situation.

  (1900)  

[Français]

    Merci.
    Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord remercier les trois témoins. Madame James, madame Tecson et madame Bourret, vos témoignages sont très précieux. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui pour témoigner à la fois de l'importance du service des sages-femmes et de l'importance de l'Université Laurentienne.
    C'est pourquoi, en tant que Québécoise, j'aimerais, au nom du Bloc québécois, exprimer toute notre solidarité envers les Franco-Ontariens en ce qui a trait à leur lutte croissante pour la survie de leur langue. Je pense aux jeunes et aux gens de la communauté francophone du Nord-Est de l'Ontario, qui méritent des services de qualité sans être obligés de s'exiler à Ottawa ou au Québec.
    Depuis plusieurs années, on assiste à une érosion de la programmation en français. L'Université Laurentienne offrait des services par et pour les francophones. Pour nous, c'est crucial. Dans vos remarques préliminaires, vous avez mentionné l'importance, à une étape aussi critique que celle de l'accouchement, de pouvoir se faire servir dans sa langue.
    Sans plus attendre, je vais poser ma première question, mais je tiens à rappeler que j'essaie aussi, en tant que députée du Bloc québécois, de démêler tout cela, parce que l'université, l'éducation, la santé et les sages-femmes relèvent, comme vous l'avez mentionné...
    Excusez-moi, pouvez-vous relever votre microphone, s'il vous plaît?
    Bien sûr.
    J'allais dire qu'au Québec, les programmes de santé et d'éducation relèvent de la province, puisque ce sont des champs de compétence provinciaux. Alors, comment peut-on travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral?
    Madame Bourret, vous avez parlé du Consortium national de formation en santé. Pouvez-vous nous parler de la collaboration qui pourrait être faite avec le fédéral pour assurer un meilleur service et un suivi des sages-femmes?
     Je vous remercie.
    Après avoir répondu à votre question, je céderai la parole à Susan James, qui a beaucoup plus d'expérience que moi avec le CNFS. Elle pourra vous parler plus en détail d'une possible collaboration.
    Selon mon expérience, le CNFS est un programme très important pour les prestataires de soins de santé. Il accorde des subventions et permet une collaboration entre les universités au niveau provincial. Il s'adresse à tous les prestataires de soins de santé.
     Je n'irais pas jusqu'à dire que nous avons vécu de la discrimination à l'Université Laurentienne, mais, au début, nous avons dû réexpliquer au fédéral ce qu'était une sage-femme, en quoi consistait cette profession et quels étaient nos besoins. Au début, c'était un peu difficile pour nous de bien collaborer avec le fédéral. C'est pour cette raison que nous avons discuté de la possibilité de faire un peu plus de sensibilisation, soit par le truchement du CNFS ou en créant des programmes visant précisément à augmenter le nombre de sages-femmes francophones.
    Le CNFS sert non seulement à augmenter le nombre de prestataires de soins de santé, mais également à augmenter la capacité de la profession francophone, notamment en subventionnant la recherche portant sur la profession de sage-femme. Comme la Dre James le disait tout à l'heure, nous n'avons pas la capacité nécessaire pour faire de la recherche sur notre propre profession.
    Comment pouvons-nous expliquer les retombées de notre travail alors que nous ne pouvons pas les mesurer? Les programmes comme le CNFS sont vraiment importants, car ils soutiennent la recherche [difficultés techniques]. Nous imaginons qu'une belle collaboration serait possible, surtout pour la profession de sage-femme et pour les sages-femmes francophones.
    Je cède maintenant la parole à Mme James pour qu'elle vous explique plus en détail le fonctionnement de cette collaboration.
    Je vous remercie

[Traduction]

    J'estime que nous avons pu entre autres travailler très efficacement avec le CNFS à titre d'organisation fédérale et l'université à titre d'établissement financé par la province grâce à d'excellentes communications et à un examen systématique des sources de financement disponibles pour nos différents besoins. À titre d'exemple, si une étudiante éprouvait vraiment des difficultés particulières à faire un stage — et c'est sans cesse le cas parce qu'elles doivent déménager, trouver un logement, faire leur épicerie, se déplacer, etc. —, nous pouvions obtenir des fonds provinciaux pour payer une partie de ces coûts. Il pouvait toutefois arriver qu'une étudiante ait des besoins additionnels. S'il s'agissait d'une étudiante francophone, elle pouvait s'adresser au CNFS pour voir si on pouvait l'aider financièrement. En pareil cas, les gens du CNFS demandent alors à l'étudiante quelles mesures elle a déjà prises et quelles solutions elle a envisagées. Si l'on considère à ce moment-là que l'étudiante a encore besoin de soutien additionnel, le CNFS peut déterminer si son budget lui permettait de l'aider.
    C'est ce que nous avons pu constater du point de vue du soutien financier des étudiantes. Il y avait aussi des éléments qui touchaient le programme lui-même. À titre d'exemple, nous cherchions encore récemment de nouveaux manuels en français. C'est chose difficile pour l'enseignement des professions partout dans le monde, car la plupart des ouvrages sont rédigés en anglais, alors que nous voulons que les étudiantes puissent apprendre en lisant la matière dans leur langue maternelle.
    Nous avons pu obtenir du financement et des mesures de soutien additionnelles du CNFS. Non seulement nous ont-ils fourni les fonds nécessaires, mais ils ont aussi trouvé des gens capables de faire la traduction. Comme il s'agissait d'un manuel électronique, nous avions également besoin d'un excellent soutien informatique. Il fallait en outre que ces agents de soutien soient francophones et puissent bien comprendre ce dont nos étudiantes francophones avaient besoin pour utiliser ce manuel.

  (1905)  

    C'est tout le temps que nous avions pour cette intervenante.
    Nous passons maintenant à Mme Mathyssen pour les six prochaines minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Nous avons notamment pu constater ces derniers temps que les sages-femmes, tout au moins en Ontario, ont pu bénéficier d'un soutien bien senti pendant une période prolongée par l'entremise de l'Association of Ontario Midwives. L'association bénéficiait d'un financement stable, mais il semblerait qu'on lui ait depuis coupé les vivres, et vous me corrigerez si j'ai tort. De plus, les sages-femmes ont travaillé d'arrache-pied pour réaliser un gain historique devant le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario concernant l'équité salariale. Mais voilà que l'on fait appel de cette décision. Pourriez-vous nous parler des répercussions sur vos membres, aussi bien du point de vue financier que dans une perspective professionnelle?
    Je dirais que ces répercussions ont été extrêmement décourageantes pour les sages-femmes. La profession est régie par une loi ontarienne depuis 27 ans et, pendant 17 de ces 27 années, la rémunération des sages-femmes a été gelée, sans même une indexation au coût de la vie. Cela témoigne d'un manque de respect vraiment déconcertant envers des professionnelles qui possèdent des compétences cliniques et une capacité d'intervention en cas d'urgence et que leurs clientes peuvent appeler en tout temps.
    La reconnaissance de cette réalité par le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario et la Cour divisionnaire de l'Ontario a été des plus significative, et il est d'autant plus frustrant de voir maintenant le gouvernement provincial contester cette décision, surtout compte tenu du travail accompli par les sages-femmes en première ligne pour offrir des soins directement dans la communauté de telle sorte que des familles se retrouvant déjà dans une situation très vulnérable soient moins exposées aux risques associés à la pandémie.
    Le travail essentiel accompli sans qu'il soit reconnu comme tel a mené à des cas d'épuisement professionnel. Il est frustrant pour les sages-femmes d'avoir été obligées, étant donné leur niveau de rémunération, d'accepter un nombre supérieur de cas au risque de mettre leur santé en péril, ce qui n'a pas manqué d'entraîner des problèmes mentaux et physiques dont la profession dans son ensemble a subi les conséquences.
    Je suis heureuse que vous posiez la question, car c'est une affaire d'équité. En effet, la santé de ces professionnelles et des femmes qui accouchent, et particulièrement de celles qui sont marginalisées, est mise en péril du fait que l'on sous-estime l'importance de cette profession à prédominance féminine.
    Merci.
    Nous sommes un comité multifonctionnel, et nous réalisons parallèlement à celle-ci une étude sur le travail non rémunéré des femmes. Nous nous intéressons notamment au travail additionnel que l'on semble tout naturellement leur confier dans le secteur de la santé simplement parce qu'elles sont des femmes ainsi qu'au déséquilibre ou à l'iniquité qui caractérise la rémunération de ces professionnelles. Tout indique que les sages-femmes n'échappent malheureusement pas à cette règle.
    Vous avez parlé du stress additionnel attribuable à la pandémie. Comme vos services n'ont pas été jugés essentiels, les sages-femmes n'ont eu accès ni à la prime de risque liée à la pandémie ni à l'équipement de protection individuelle. Pouvez-vous nous parler des répercussions sur vos membres?

  (1910)  

    C'est effectivement ce qui est arrivé.
    Le gouvernement fédéral a eu la générosité de transférer des fonds à notre province pour les primes liées à la pandémie. Les sages-femmes n'ont malheureusement pas eu droit à leur part du gâteau, même si elles satisfaisaient à tous les critères pour être classées parmi les travailleurs essentiels admissibles, tout cela en raison de politiques sexistes qui excluent d'emblée les sages-femmes. Celles-ci sont sans cesse considérées comme des quantités négligeables au sein du système de santé.
    Dans leur pratique, les sages-femmes ont ainsi dû payer à même leur propre budget d'exploitation du personnel additionnel, les aménagements à apporter à leurs installations et l'équipement de protection individuelle pour elles-mêmes et leurs stagiaires. Dans certains cas, des membres de la communauté se sont mobilisés pour confectionner des masques pour les sages-femmes et leur fabriquer des jaquettes de protection à partir de draps.
    Il est vraiment désolant que l'on puisse traiter de la sorte des professionnelles de la santé qui se sont surpassées en apportant les ajustements nécessaires pour répondre aux besoins de la communauté, et c'est un affront que les sages-femmes ont bel et bien ressenti. Il ne fait aucun doute que cela s'est ajouté au stress et au fardeau que représente pour elles la pandémie, tant du point de vue personnel que dans l'exercice de leur profession.
    Je veux seulement ajouter une chose concernant le maintien et la croissance de la profession de sage-femme. La profession ne pourra pas prendre de l'expansion si elle est paralysée au départ par un manque de financement et la suppression pure et simple de ses programmes de formation. Sa croissance ne sera pas non plus envisageable si elle est entravée par des politiques et des mesures de rémunération qui ne valorisent pas ses travailleuses. C'est exactement ce qu'on peut constater avec le traitement auquel elles ont droit pour ce qui est de la prime liée à la pandémie.
    Vous êtes de toute évidence une personne très instruite. Bon nombre des étudiantes auxquelles j'ai pu parler se demandaient vraiment si elles allaient pouvoir poursuivre leurs études advenant le cas où elles seraient tenues de le faire dans l'une des deux autres universités, car elles se retrouveraient ainsi dans une situation où l'on verserait uniquement à leur dossier la mention réussite ou échec. Quelles seront les répercussions sur votre profession si les étudiantes sont ainsi bloquées au niveau du baccalauréat — ce qui est déjà très bien, par ailleurs?
    Veuillez répondre très brièvement; il ne reste que 20 secondes.
    Je dirais que la suppression du programme — qui était une réussite à tous les égards — montre bien le genre de décisions qui peuvent être prises lorsqu'on ne prend pas en considération les impacts subtils des préjugés sexistes. En fin de compte, cela ralentit la croissance d'une profession dont l'expansion est déjà trop lente pour répondre à la demande.
    Très bien.
    Nous passons maintenant à Mme Shin, pour une période de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins qui nous transmettent aujourd'hui ces précieux renseignements concernant la profession de sage-femme, surtout dans le nord de l'Ontario.
    J'aimerais que vous puissiez nous parler de la profession dans le contexte des communautés autochtones. Il n'est pas rare qu'il soit difficile d'avoir accès à des services de santé dans ces communautés, ce qui oblige certains Autochtones à en sortir pour obtenir des soins. Des personnes autochtones ont déclaré avoir été victimes de racisme et de violence alors qu'elles cherchaient à obtenir des soins, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, en dehors de leur communauté.
    Selon le National Aboriginal Council of Midwives, les soins prodigués par les sages-femmes autochtones contribuent à renforcer les familles autochtones en facilitant une naissance plus près de la maison.
    Pouvez-vous décrire le rôle que jouent les sages-femmes autochtones dans la santé et le mieux-être des Autochtones et de leurs communautés?
    J'adresse ma question à tous nos témoins.
    Je suppose que je peux commencer.
    Mes deux collègues pourront peut-être vous en dire davantage, car elles travaillent plus directement auprès des étudiantes autochtones.
    J'habite à Scarborough, mais je pratique au centre-ville de Toronto à la clinique Seventh Generation Midwives. Nous travaillons auprès d'une population autochtone en milieu urbain en nous appuyant sur un modèle de soins qui prend essentiellement pour base l'unité familiale et les différents centres communautaires.
    La possibilité de recevoir des soins d'une sage-femme autochtone qui partage leur vision du monde et leur compréhension de ce qui est essentiel compte tenu de leur identité personnelle, de leur état de santé et de leur place au sein de la communauté change énormément la donne pour les familles autochtones en minimisant les traumatismes pouvant être ravivés par les interactions avec le personnel de la santé. Cela témoigne de l'importance de la pratique des sages-femmes autochtones, assurément pour les familles, compte tenu des torts intergénérationnels causés par les pensionnats indiens.
    Peut-être que mes collègues voudront ajouter quelque chose.

  (1915)  

    Dès le départ en 1993, nous avons jugé important de veiller à ce que des candidates autochtones puissent avoir une place au sein du programme sur les trois sites.
    À l'université Laurentienne, nous avons généralement pu compter chaque année sur une cohorte d'étudiantes autochtones. Non seulement essayons-nous d'offrir à ces étudiantes le soutien dont elles estiment avoir besoin pour pratiquer au sein de leur communauté, mais nous cherchons aussi à faire en sorte que les autres étudiantes qui vont travailler dans le nord de l'Ontario, probablement avec tout au moins quelques clientes autochtones, et parfois avec une clientèle majoritairement autochtone, comprennent bien cette réalité de telle sorte que la cliente n'ait pas à expliquer ce que cela signifie d'être autochtone à chacune des sages-femmes qu'elle va croiser dans son parcours de santé.
    Idéalement, nous souhaiterions bien sûr que nos étudiantes autochtones puissent faire tous leurs stages en milieu autochtone, et nous avons pris des dispositions pour qu'elles soient tout au moins les premières à avoir accès à de tels stages lorsqu'ils sont offerts.
    Nous sommes également conscients que les temps changent et que le moment est venu d'ouvrir des écoles autochtones pour les sages-femmes. Nous savons que la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits offre au niveau fédéral du financement pouvant permettre la mise en place de telles écoles.
    Une nouvelle école de formation des sages-femmes dans le Nord pourrait notamment permettre la création d'un consortium semblable à celui qui existe actuellement, mais avec des partenaires qui seraient plutôt deux ou trois écoles autochtones ayant la même vocation dans le nord de l'Ontario. Nos partenaires pourraient ainsi être d'autres établissements que les étudiantes francophones voudraient fréquenter.
    Je suis en train de m'écarter de votre question qui concernait les Autochtones.

[Français]

     Monsieur Serré, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les trois témoins de leurs témoignages.
    J'aimerais poser rapidement une question aux trois témoins, qui comprendront pourquoi j'aborde ce sujet.
    Mme Lisa Morgan, qui a comparu lors de la dernière séance, a mentionné qu'elle faisait partie du consortium entre les trois universités.

[Traduction]

    Docteur James, est-ce que vous faisiez partie du conseil regroupant les trois universités? Nous avons entendu le témoignage de Lisa Morgan; elle participait aux réunions de ce conseil.
    Je veux seulement que vous m'indiquiez si vous faisiez partie ou non du conseil en question. Je vous dirai pourquoi par la suite.
    Si vous parlez du consortium avec McMaster et Ryerson, oui. J'ai été la directrice pendant 20 ans. J'ai pris part à de nombreuses réunions du groupe.
    Excellent.
    Madame Tecson, êtes-vous membre du consortium?

  (1920)  

    Je ne suis pas membre du consortium. J'ai toutefois été membre du conseil consultatif du consortium lorsque j'étais étudiante.
    Les membres du consortium sont des chefs de file au sein du programme de formation des sages-femmes, non pas...
    Excellent.
    Madame Bourret, avez-vous été membre du consortium?

[Français]

    Oui, je le suis depuis 2007, parce que je suis professeure à l'Université Laurentienne depuis 2007.
    Est-ce que les diplômés de l'Université McMaster sont envoyés partout au Canada? L'Université Laurentienne envoie des étudiants au Nunavut et au Nouveau-Brunswick.
    L'Université McMaster envoie-t-elle des étudiants partout au Canada, ou seulement en Ontario?
    Je ne peux pas donner les statistiques exactes. Je peux seulement parler de nos diplômés et des endroits où ils déménagent. Je peux dire qu'en majorité, les diplômés sont des Franco-Manitobains, des Albertains ou des Néo-Brunswickois.
    D'accord.

[Traduction]

    L'Université Laurentienne vient de mettre la hache dans le programme. Il n'y aura pas de services pour les francophones en septembre, et très peu pour les Autochtones également. C'est terminé pour les régions rurales.
    J'essaie de voir comment... Je sais qu'on parle du rôle du gouvernement fédéral. Je sais que le consortium soumettait des propositions au gouvernement provincial.
    Madame James, vous avez parlé du Consortium national de formation en santé. Il fait un travail formidable, mais il n'a encore rien soumis au gouvernement fédéral.
    J'ai parlé avec

[Français]

la Fédération des communautés francophones et acadienne et l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, la Société Santé en français.

[Traduction]

    Ce sont tous des organismes.
    Ma question s'adresse à Mme Tecson: comment peut-on procéder pour préparer un plan ensemble? À l'heure actuelle, le gouvernement provincial n'a aucun plan pour la profession de sage-femme, si ce n'est de confier la formation à McMaster et Ryerson.
    Comment peut-on coordonner nos efforts? Je remercie Lindsay Mathyssen d'avoir présenté cette motion. Comment procéder pour coordonner nos efforts en vue d'élaborer un plan et d'avoir le gouvernement fédéral à la table avec des propositions?
    Il n'y a pas eu de propositions de présentées jusqu'à maintenant. J'aimerais savoir si vous pourriez nous aiguiller dans la bonne direction avec quelques recommandations pour le gouvernement fédéral.
     Je dirais tout d'abord qu'il serait très utile de communiquer avec le ministère de la Santé, qui gère le programme de formation des sages-femmes de l'Ontario, et avec le ministère des Collèges et Universités. Collaborez avec eux pour préparer un plan cohérent axé sur le long terme.
    Au niveau fédéral, il serait bon que la profession soit reconnue à tout le moins comme catégorie d'emploi, car ce n'est pas le cas actuellement. Si le gouvernement fédéral a une position claire sur la profession de sage-femme et qu'il a des objectifs et des cibles pour la positionner comme aide à l'accouchement partout au Canada, cela pourrait inciter les gouvernements provinciaux à adopter des programmes et des politiques à cet égard.
    Docteure James, vous avez dit plus tôt que vous étiez à la table avec le Consortium national de formation en santé. Vous étiez à la table avec le gouvernement provincial — l'ancien gouvernement Wynne. Il y avait des progrès, mais tout a cessé maintenant.
    J'essaie de comprendre comment nous réunir si nous avons un partenaire provincial à la table qui n'est pas disposé à agir. Il faut que le gouvernement provincial reconnaisse qu'il y a un enjeu. Je sais que c'est difficile à l'heure actuelle en raison de la situation à l'Université Laurentienne. La cour en a fait le pire des scénarios. Que peut-on faire pour s'asseoir avec le gouvernement provincial?
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
    M. Marc Serré: Oh, le temps a passé vite.
    La présidente: Je n'aime pas interrompre les gens avant d'obtenir la réponse.

[Français]

     Madame Larouche, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Encore une fois, je remercie les trois témoins. Je vais essayer de procéder rapidement.
    Madame Bourret, j'aimerais revenir sur la fermeture du programme. Corrigez-moi si je me trompe, mais il n'y avait que 30 places pour 300 demandes, l'automne dernier. Si ce n'est pas la raison pour laquelle le programme est fermé, quelle est-elle, à votre avis?
    Je pense que c'est la même discussion du côté provincial, et pour moi, c'est la même réponse concernant ce qu'on peut faire du côté fédéral. Je pense qu'il s'agit juste d'un manque de sensibilisation et de compréhension du rôle de la sage-femme au Canada et dans les provinces. Si on comprenait bien l'apport potentiel des sages-femmes à l'Université Laurentienne, ce serait difficile de justifier l'abolition d'un programme. Il y a aussi une question d'équité entre les genres. Nous en avons déjà discuté avec l'une des ministres. Généralement, je pense qu'on nous accorde moins d'importance parce que nous exerçons une profession féminine.
    Je veux revenir à la question de M. Serré. Du côté fédéral, il s'agit non seulement d'aider les provinces à mieux reconnaître le rôle que jouent les sages-femmes, mais comme Mme Tecson l'a dit, il faut aussi mieux reconnaître le rôle des sages-femmes du côté fédéral. Moi, je travaille sur les programmes d'Affaires mondiales Canada qui renforcent la profession de sage-femme à l'échelle mondiale. La première chose que nous faisons, c'est de la sensibilisation du côté fédéral afin d'intégrer la profession de sage-femme sur le plan administratif. C'est pourquoi Mme James et moi avons demandé la création d'un poste fédéral d'administratrice en chef pour les sages-femmes pour avoir un bureau qui gère tout ce qui touche la profession de sage-femme.
    Affaires mondiales Canada finance toutes sortes d'innovations à l'étranger, et on ne pourrait pas avoir cette même innovation ici, au Canada? Cela n'a aucun sens. Nous devons travailler ensemble pour faire une belle innovation du côté fédéral pour intégrer la profession de sage-femme, ce qui renforcera également son intégration du côté des provinces par la suite.

  (1925)  

[Traduction]

    Très bien.
    Nous passons à Mme Mathyssen pendant deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Une des responsabilités du gouvernement fédéral est d'appliquer la Loi canadienne sur la santé, ce qui veut dire qu'il doit veiller à ce que les femmes au Canada aient un accès équitable à des services de santé génésique. Le rôle des sages-femmes peut certainement être élargi. À Hamilton, en Ontario, par exemple, elles travaillent avec des médecins pour s'assurer que les femmes qui doivent avoir accès à des services de santé génésique puissent obtenir les médicaments dont elles ont besoin.
    Est-ce que vous pouvez, soit l'une ou chacune d'entre vous, nous parler rapidement de l'élargissement de leur rôle pour que les femmes aient un accès équitable aux services de santé et aux services de santé génésique dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé?
    Je dois intervenir ici, car c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup.
    Il est important de préciser que ce n'est pas un élargissement de notre rôle. C'est le cas en Ontario, mais si on prend la définition internationale de la profession de sage-femme, la prestation de tous les services de santé génésique et sexuelle en fait partie intégrante, ce qui comprend la contraception et l'accès à l'avortement. C'est un élément bien connu et nous sommes toutes formées pour le faire.
    Encore une fois, je travaille avec Affaires mondiales Canada pour faire en sorte que, partout dans le monde, les sages-femmes aient la capacité d'offrir ces services afin d'accroître l'accès aux soins de santé génésique et sexuelle, en particulier dans les régions rurales et très éloignées. C'est ce que nous défendons depuis très longtemps. Il peut sembler qu'il s'agit d'un élargissement de leur rôle en Ontario, mais la vision que nous avons du rôle des sages-femmes au niveau national est de pouvoir offrir ces services partout au Canada.
    Vous savez, nous pourrons ainsi accroître énormément l'accès aux soins de santé génésique et de contraception, en particulier pour les populations autochtones et d'autres populations qui sont désavantagées. Je pense que nous avons une belle occasion ici d'en parler et de sensibiliser les gens à ce que les sages-femmes peuvent faire.
    Excellent. Je pense que nous allons devoir nous arrêter ici.
    Je remercie les témoins de leur excellent témoignage et de nous aider dans notre étude.
    Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance afin d'effectuer les tests de son avec nos prochains témoins.

  (1925)  


  (1930)  

    Je veux souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins pour notre étude sur les services de sage-femme à l'échelle du Canada.
    Nous accueillons Mme Kim Campbell, présidente de l'Association canadienne pour la formation des sages-femmes —  qui n'est pas l'ancienne première ministre, mais une spécialiste dans son domaine — et Mme Alixandra Bacon, présidente de l'Association canadienne des sages-femmes.
    Vous disposez chacune de cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
    Nous allons commencer par vous, madame Campbell.
    Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous fournir des données sur la pratique sage-femme et sur les répercussions de la fermeture du programme à l'Université Laurentienne.
    Comme vous l'avez mentionné, je représente l'Association canadienne pour la formation des sages-femmes, un organisme sans but lucratif de formateurs en pratique sage-femme. Notre mission consiste à promouvoir l'excellence de la formation, notamment en établissant et en veillant au maintien des normes pour...

[Français]

     Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Je suis désolée, madame Campbell, mais je n'entends pas ce que vous dites, parce qu'il n'y a pas d'interprétation.

[Traduction]

    Oui.
    Madame Campbell, vous n'avez pas besoin, en fait, de le tenir si près de votre bouche. Nous allons procéder à un autre test du son.
    Très bien.
    Un, deux, test. M'entendez-vous bien?
    Je le laisserais là où il est, sans le rapprocher, pour ne pas altérer le son.
    Nous allons faire de notre mieux et vous le laisser savoir si nous devons vous interrompre. Vous pouvez poursuivre.
    Allez-y.
    D'accord, alors je reprends.
    Je veux mentionner que nous sommes l'organisme d'agrément des programmes de formation en pratique sage-femme, et l'un de nos objectifs est d'assurer le maintien des normes des programmes d'études et des bourses, ainsi que de soutenir le développement continu des facultés et programmes de formation en pratique sage-femme. Actuellement, nous examinons aussi les façons de soutenir les programmes de formation des sages-femmes autochtones qui existent et qui sont en cours d'élaboration.
     Avant la fermeture du programme à l'Université Laurentienne le mois dernier, le Canada comptait sept programmes de formation en pratique sage-femme de niveau baccalauréat dans cinq provinces. Ensemble, ils admettaient chaque année un peu plus de 150 personnes dans un volet très compétitif, où environ 10 % des candidates reçoivent une offre d'admission. Une fois diplômées, ces nouvelles sages-femmes auront passé plus de 2 500 heures en pratique clinique supervisée et quitteront le programme de formation prêtes à fournir des soins primaires qui répondent aux besoins des femmes, des personnes trans et non binaires en matière de santé sexuelle et génésique.
     La pratique sage-femme est la norme internationale soutenue par l'Organisation mondiale de la Santé pour la prestation des soins de maternité primaires. Les sages-femmes professionnelles offrent les soins de maternité primaires les moins coûteux pour les régimes de soins de santé, et 85 % des femmes enceintes peuvent mener à bien leur grossesse et leur accouchement en toute sécurité avec les seuls soins d'une sage-femme. Nous avons une pénurie de fournisseurs de soins obstétricaux primaires dans de nombreuses communautés partout au Canada, et les sages-femmes se disent bien préparées pour combler ce besoin.
    Vous avez sans doute entendu dire que les sages-femmes participent chaque année à environ 20 % des naissances en Ontario et à 26 % en Colombie-Britannique. Ce sont les deux provinces où les sages-femmes sont les plus représentées. La perte d'un programme met en péril la formation d'un nombre suffisant de sages-femmes pour remplacer les sages-femmes qui partent à la retraite ou celles qui sont promues à un poste de direction. L'Ontario forme également des sages-femmes pour les provinces et territoires qui n'ont pas suffisamment de sages-femmes en exercice pour avoir leurs propres programmes de formation, comme le Canada atlantique et le Grand Nord. Ce besoin, combiné à la formation des sages-femmes pour l'Ontario, ne peut être géré par deux programmes de formation dans le sud.
    Nous devons souligner également que nous manquons de fournisseurs de services de sages-femmes qui représentent la diversité de nos communautés au pays. La naissance est un événement de santé psychosocial qui se déroule mieux lorsque la culture du fournisseur de soins principal correspond à celle de la famille de l'enfant à naître. Par conséquent, il est essentiel d'avoir des fournisseurs de divers horizons, dont des sages-femmes autochtones et francophones, pour offrir des soins culturellement sûrs.
     Les étudiantes devraient en outre pouvoir étudier à proximité de leur communauté d'origine. Le fait de les obliger à se déplacer au sud, dans de grands centres urbains, pour suivre leur formation impose un fardeau inutile aux familles qui prévoient vivre et travailler dans le Nord. Les étudiantes peuvent apprendre moins bien et obtenir de moins bons résultats lorsqu'elles sont séparées du soutien de leur communauté, et l'abandon du programme est lié à de tels obstacles et facteurs de stress.
     En tant que collectif, le programme de formation en pratique sage-femme a reconnu le besoin urgent de s'attaquer aux inégalités et de favoriser la diversité au sein de nos programmes afin d'avoir un environnement sûr et inclusif pour les personnes autochtones, noires et de couleur dans les cohortes d'étudiantes. Nous savons également que les populations qui souffrent le plus de morbidité et de mortalité périnatales au Canada se trouvent dans nos communautés nordiques, autochtones et racialisées.
     Lorsque les services obstétriques communautaires sont insuffisants, les unités de naissance ferment. Les femmes enceintes doivent alors se déplacer, parfois sur de longues distances, pour recevoir des soins. Cette situation recoupe de multiples déterminants sociaux de la santé. Des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique ont signalé l'impact négatif sur l'issue des naissances lorsque les services obstétriques ferment et que les femmes doivent quitter leur communauté pour accoucher. Plusieurs universités sont en train de mettre en place des processus visant à supprimer les obstacles auxquels se heurtent les candidates autochtones et autres pour intégrer les programmes de formation en pratique sage-femme.
     Les programmes de formation qui réduisent les obstacles pour permettre l'inclusion des personnes qui, en raison du racisme et de la colonisation, ont subi des traumatismes systémiques, de la violence et de l'oppression sont essentiels pour soutenir les populations mal desservies et leur offrir des services équitables. La fermeture du programme de formation à l'Université Laurentienne, un programme qui contribuait à combler ces lacunes, met en danger ces communautés.
     Je dois également souligner que les sages-femmes continuent de se battre pour être reconnues, et il est épuisant de devoir continuer à le faire. Au niveau fédéral, des obstacles se dressent devant les sages-femmes. Malgré lefait que le rôle des sages-femmes remonte loin dans l'histoire du Canada, à la vie des Autochtones et des premiers colons, la profession de sage-femme n'a été réglementée en Ontario pour la première fois qu'en 1994. Aujourd'hui, 27 ans plus tard, la profession de sage-femme est réglementée ou en voie de l'être dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada.
     Dans la situation actuelle des soins de santé, il y a un besoin pressant de soutenir le renforcement des capacités. Les sages-femmes devraient avoir des voies d'accès à des postes de direction et au niveau fédéral. Malheureusement, il y a un manque d'accès aux bourses de recherche et un manque de représentation à la table d'élaboration des politiques.
    De nombreuses sages-femmes obtiendront un diplôme de quatre ans avec une dette de 90 000 $ à 100 000 $. Or, si elles travaillent dans des communautés rurales et éloignées, elles ne bénéficient pas des programmes fédéraux de radiation des dettes d'études dont jouissent leurs collègues infirmières et médecins.
     La profession de sage-femme est une profession genrée, et nous servons une population genrée. L'Université Laurentienne offrait une formation aux futures sages-femmes qui servent les communautés autochtones, francophones, nordiques et éloignées.

  (1935)  

    Certains ont dit que l'on peut évaluer la santé d'une nation par la façon dont elle traite ses peuples autochtones. Limiter la formation de professionnelles de la santé qui peuvent servir ces communautés avec compétence ne donne pas une très bonne image de nous.
    Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé aujourd'hui.
    C'est excellent. Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Bacon pendant cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    L'Association canadienne des sages-femmes et le Conseil national autochtone des sages-femmes sont les organismes qui représentent la profession de sage-femme au Canada. Notre vision est celle d'un accès équitable pour tous à d'excellents services de sages-femmes en matière de santé sexuelle, génésique et néonatale. Pour y parvenir, nous nous concentrons sur la défense des intérêts, le renforcement des associations de sages-femmes au Canada et à l'étranger, et la promotion de l'excellence des soins cliniques.
     Les sages-femmes participent à 11 % des naissances au Canada et jouent un rôle essentiel dans la prestation de soins de santé équitables, accessibles, culturellement sûrs et de haute qualité, et ce, au moment et à l'endroit où les gens en ont le plus besoin. Des données montrent que les sages-femmes qui travaillent dans le cadre du modèle de continuité des soins réduisent le nombre de naissances prématurées et de mortinaissances, le recours à la péridurale et les accouchements instrumentaux. Les sages-femmes canadiennes réduisent également les taux de césarienne, d'admission à l'hôpital et de réadmission, et raccourcissent les séjours à l'hôpital. Tout cela permet au système d'économiser de l'argent.
     Il a été démontré également que les sages-femmes réduisent la prévalence de l'insuffisance pondérale et des naissances prématurées chez les femmes enceintes ayant un faible statut socio-économique, par rapport aux soins reçus des médecins. De même, des données canadiennes montrent que les femmes enceintes qui consomment de l'alcool ou des drogues ou qui souffrent de maladies mentales obtiennent également de meilleurs résultats lorsqu'elles sont suivies par des sages-femmes. L'accès à ces soins est limité toutefois par un manque de sensibilisation.
     Nous savons, comme Mme Campbell l'a mentionné, qu'il existe une relation inverse entre les résultats périnataux et la distance parcourue pour obtenir des soins. Or, les sages-femmes canadiennes offrent depuis fort longtemps des soins de proximité, notamment dans les communautés inuites, autochtones et éloignées.
     Le rapport du Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population sur la situation de la profession de sage-femme dans le monde a été publié le 5 mai, Journée internationale de la sage-femme. Pour la première fois, il inclut un rapport canadien montrant que notre effectif de 2 000 sages-femmes ne représente qu'un ratio de 0,5 sage-femme par 10 000 habitants. Il s'agit d'un ratio inversé de sages-femmes par rapport aux médecins comparativement à la plupart des pays à revenu élevé, et en fait, à la plupart des autres pays du monde.
     Nos effectifs en matière de santé sexuelle, génésique, maternelle et néonatale peuvent théoriquement dépasser les besoins; cependant, dans la réalité, de nombreuses communautés ne voient pas leurs besoins satisfaits en raison de la répartition inéquitable des fournisseurs, ainsi que des restrictions au champ d'exercice.
     Le rapport fait également état d'un mélange de compétences potentiellement inefficace au sein des effectifs, ce qui peut contribuer à une surmédicalisation de l'accouchement ou à trop de soins trop tôt dans les zones urbaines, et à trop peu de soins trop tard dans les zones rurales, ce qui contribue à l'augmentation des coûts du système et à la détérioration des résultats pour les Canadiens. Compte tenu de l'amélioration des résultats et des économies réalisées, les arguments en faveur de l'augmentation de la proportion de sages-femmes participant aux accouchements sont solides. Toutefois, si le Canada voulait adopter un système de soins périnataux dirigé par des sages-femmes, il faudrait porter leur nombre à 9 000 d'ici 2030.
     Ce que le rapport sur l'état de la profession dans le monde ne prend pas en considération, ce sont les facteurs qui menacent l'avenir de la profession au Canada. Il s'agit notamment, comme l'ont mentionné les témoins précédents, d'une pénurie de sages-femmes pour répondre aux demandes des femmes enceintes au pays; de l'incapacité de répondre aux besoins en sages-femmes autochtones et de satisfaire à l'appel à l'action numéro 23 de la Commission de vérité et réconciliation; de la discrimination fondée sur le sexe qui se manifeste par une très faible présence de sages-femmes dans des postes de direction dans l'administration et la gouvernance; d'une rémunération inéquitable; d'un manque de financement provincial ou territorial; et d'une stagnation de la croissance dans certaines administrations en raison des modalités du système de santé et d'un manque d'autonomie professionnelle. Ces facteurs se conjuguent pour aboutir en fin de compte à des niveaux importants d'épuisement professionnel chez les sages-femmes.
     La fermeture du programme de l'Université Laurentienne, le seul bilingue et triculturel au Canada, menace davantage la stabilité, la diversité et le traitement équitable de notre effectif.
     Nous demandons au gouvernement fédéral de coopérer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour soutenir la relocalisation du programme de l'Université Laurentienne dans une université dans le Nord qui peut promouvoir son mandat bilingue et triculturel; d'accroître les investissements dans la formation des sages-femmes autochtones et de se concentrer sur la création de diverses voies d'accès à l'éducation, y compris l'éducation communautaire pour les étudiantes autochtones; d'étendre la radiation des dettes d'études aux sages-femmes qui travaillent dans les communautés mal desservies, rurales et éloignées; d'ajouter la profession de sage-femme comme fournisseur de soins de santé primaires, tel que défini par le Conseil du Trésor du Canada, afin de faciliter l'admissibilité des sages-femmes dans les services fédéraux; de créer des postes de cadres supérieures, y compris un de responsable en chef, pour la pratique sage-femme au sein de Santé Canada; et d'investir dans le travail de renforcement des capacités de l'Association canadienne des sages-femmes auprès des associations canadiennes de sages-femmes, et d'investir dans la recherche sur la pratique sage-femme et dans l'éducation supérieure et la formation en leadership pour les sages-femmes.
    Je vous remercie.

  (1940)  

     Excellent.
    Nous allons maintenant passer à nos séries de questions, en commençant par Mme Shin qui a la parole pendant six minutes.
    Je vous remercie. Je tiens à remercier les témoins de ce groupe de nous avoir fait part de leurs connaissances et de nous avoir permis de mieux comprendre la profession de sage-femme au Canada.
    Madame Bacon, vous avez mentionné que les sages-femmes participent à 11 % des accouchements au Canada. J'aime les termes que vous employez, soit soins de santé « culturellement adaptés » et « meilleurs résultats ». J'aimerais que les deux témoins nous parlent de situations ou de scénarios auxquels elles ont directement participé ou dont elles ont eu connaissance dans lesquels la prestation de soins de santé culturellement adaptés dans le contexte du travail de sages-femmes a réellement amélioré les résultats. Pourriez-vous nous donner un exemple dans la communauté autochtone et un autre dans une communauté racialisée?

  (1945)  

    Je peux vous parler d'un exemple quelque peu triste. Dans mon cabinet, nous avons eu très récemment une Autochtone qui était enceinte de son cinquième enfant. Elle avait déjà perdu deux enfants. Son aîné, qui était gravement handicapé, en fauteuil roulant et alimenté par une sonde, nécessitait des soins 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elle a malheureusement dû faire face à une nouvelle fausse couche au deuxième trimestre, à 18 semaines. C'était ce que nous appelons une « fausse couche manquée ». Son accouchement a dû être provoqué pour éviter les complications qui en découlent, et il était extrêmement important pour elle de recevoir des soins holistiques et culturellement adaptés.
    Pour fournir ces soins, je me suis mise en relation avec une doula autochtone pour assurer à ma patiente qu'elle pourrait bénéficier d'un soutien respectueux de sa culture. J'ai intégré les soins spirituels pour mieux comprendre ses demandes. Par exemple, elle voulait que le bébé soit enveloppé dans du cèdre dans le cadre d'un enterrement cérémoniel; nous nous sommes donc coordonnées pour que cet événement ait lieu. Nous avons collaboré pour nous assurer qu'elle aurait des services de garde d'enfants afin qu'elle et son partenaire puissent être ensemble pour la naissance de leur enfant, pendant que leur aîné et leurs autres enfants pourraient être bien pris en charge, et nous avons participé à l'organisation d'un enterrement traditionnel avec un aîné de sa communauté.
    Ce serait mon exemple.
    Madame Campbell, avez-vous un exemple à donner?
    J'en ai un qui est plus réjouissant, mais peut-être pas aussi marquant que ce qui vous est arrivé, madame Bacon.
    Je travaille dans un programme d'accouchement communautaire à Surrey qui s'adresse aux nouveaux Canadiens. La population immigrante y est importante et nous avons accès à des services d'interprétation par l'intermédiaire de l'autorité sanitaire de Fraser. Nous avons affaire à de nombreuses personnes dont la langue maternelle n'est pas l'anglais, ou qui parlent très peu l'anglais. Une personne en particulier venait d'une nation africaine francophone, et bien que je ne parle pas français, nous avons pu lui trouver un interprète, et un membre de la communauté est devenu doula et lui a fourni des services de doula. Nous avons fait absolument tout ce qu'il fallait et avons exaucé tous ses souhaits. Elle avait vécu des événements traumatisants. Elle venait d'un pays qui avait connu la guerre et la violence, et elle était exceptionnellement traumatisée; elle souffrait du syndrome de stress post-traumatique. Nous avons facilité un bel accouchement spontané parce que nous avons préparé le terrain pour répondre à ses besoins.
    Merci beaucoup. J'aime vraiment le sentiment de dignité que vous donnez en offrant ces types de soins très spécialisés.
    Ma question porte maintenant sur la COVID-19 et son incidence sur les sages-femmes et sur les accouchements à l'hôpital par rapport aux accouchements au domicile des femmes enceintes.
    La question s'adresse aux deux témoins, et peut-être que Mme Bacon pourrait commencer.
    Merci beaucoup pour votre question.
    Je pense que les sages-femmes se sont vraiment investies en période de COVID-19 pour maintenir leurs services et en offrir de nouveaux, notamment en défendant les intérêts des personnes qui accouchent pour qu'elles reçoivent des soins respectueux et le soutien dont elles ont besoin.
    Pour vous donner un exemple, à certains moments de la pandémie, des personnes qui accouchaient n'ont pas pu bénéficier de la présence d'une personne de confiance pendant le travail, et les sages-femmes ont plaidé pour que les personnes qui accouchaient puissent bénéficier du soutien approprié, ce qui, nous le savons, est confirmé par les preuves de réduction des taux de césarienne et d'autres interventions.
    Sur mon lieu de travail, les gens peuvent venir avec leur partenaire ou avec une doula certifiée. Nous sommes masquées, même si les personnes qui accouchent ne portent pas nécessairement de masque lorsqu'elles poussent. Elles ne peuvent plus faire venir leur famille pour leur rendre visite par la suite, et les familles élargies ne peuvent plus être présentes lors des accouchements. Dans certaines régions, des restrictions sur les accouchements à domicile ont été imposées de façon très hâtive, et je suis très heureuse de dire que les responsables de la profession de sage-femme ont fortement insisté pour que les accouchements à domicile soient rétablis. Comme Mme Tecson y a fait allusion tout à l'heure, je crois, l'une des forces de la profession de sage-femme au cours de cette pandémie a été d'offrir des soins en dehors de l'hôpital, ce qui permet d'alléger la pression sur les établissements de soins actifs et d'éloigner les personnes en bonne santé des personnes malades qui y séjournent.
    Les sages-femmes ont également élargi leurs services pour inclure le test de dépistage de la COVID et les vaccinations contre la COVID, et pour fournir des soins aux personnes qui ont perdu leur fournisseur de soins primaires, car, au début de la pandémie, de nombreux médecins de famille ont fermé leur cabinet. Les sages-femmes n'ont pas eu le luxe d'attendre de trouver une solution. Nous avons pris la route et veillé à ce que les gens continuent de recevoir les soins dont ils avaient besoin.

  (1950)  

    Très bien.
    La parole est maintenant à Mme Dhillon pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais commencer par Mme Bacon. Vous avez raconté une histoire déchirante sur ce qui peut parfois arriver. J'aimerais vous interroger à ce sujet. Suite à la fermeture du programme de sages-femmes à l'Université Laurentienne, les étudiantes autochtones seront touchées de façon disproportionnée. À votre avis, quelles sont les conséquences d'une diminution du nombre de sages-femmes autochtones au Canada?
    Nous ne pouvons pas nous permettre de voir diminuer le nombre de sages-femmes autochtones. En fait, nous devons mobiliser tous nos investissements pour accroître le nombre de fournisseurs de soins de santé autochtones afin de respecter notre... Commission de vérité et réconciliation et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce sera dévastateur.
    Nous avons vu Joyce Echaquan, et nous entendons l'appel à l'application du principe de Joyce en Colombie-Britannique, où je me trouve. Nous avons récemment examiné le rapport In Plain Sight. Les conséquences du racisme sur les familles autochtones sont dévastatrices, et c'est inacceptable. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une seule de nos sages-femmes autochtones. En fait, à l'heure actuelle, nous devons investir et innover afin d'augmenter le nombre de sages-femmes autochtones disponibles pour fournir des soins culturellement adaptés au moment et à l'endroit où ils sont nécessaires.
    Merci beaucoup.
    Madame Campbell, voudriez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
    Je suis d'accord avec Mme Bacon. Il y a tellement d'exemples que je peux raconter où mon manque de compréhension et de connaissance de leur culture et de leur communauté a eu un effet néfaste, je pense, car il a fait en sorte que je ne puisse pas répondre à leurs besoins. Il ne s'agit pas seulement des Autochtones, mais de bien d'autres personnes. Je pense que nous devons accroître la diversité dans tous les domaines. En ce qui concerne les Autochtones... absolument, je suis tout à fait d'accord avec Mme Bacon.
    Merci.
    Madame Campbell, combien de programmes bilingues de formation de sages-femmes sont offerts au Canada, et quel est le nombre de candidates étudiantes par rapport au nombre de places offertes dans ces programmes?
    À l'heure actuelle, il n'existe qu'un seul programme au Canada qui offre un enseignement en français, et il faut être résident du Québec pour le suivre. C'est à l'Université du Québec à Trois-Rivières — ou plutôt à Sherbrooke. Il est réservé aux personnes qui vivent dans cette province. En conséquence, avec la fermeture du programme de l'Université Laurentienne, il n'y a pas d'autre programme offert en français.
    Quelle était la seconde partie de votre question?
    Quel est le nombre de places disponibles pour les personnes qui présentent des demandes d'admission?
    On admet 24 personnes par an à l'UQTR, toutes francophones. Ce seraient les seules places disponibles en français au Canada pour les personnes vivant au Québec.
    Vous pensez donc qu'il faut absolument créer plus de places et plus de...
    Oui, mais nous avons un petit dilemme en ce moment.
    Mme Bacon a parlé un peu de l'épuisement professionnel que connaissent les sages-femmes. La COVID y a certainement contribué, mais le manque d'équité salariale et de ressources a également eu une incidence importante sur la charge de travail des sages-femmes.
    Il faut des enseignantes pour former les sages-femmes. J'ai mentionné que le programme de formation des sages-femmes comprend 2 500 heures de temps clinique, au cours desquelles les étudiantes sont placées auprès de fournisseurs de services de sages-femmes pour apprendre à exercer, comme on le fait pour la médecine et les soins infirmiers.
    Lorsque nous épuisons les sages-femmes, elles ne sont pas en mesure de trouver l'énergie et le temps nécessaires pour enseigner. Nous avons connu une baisse importante du nombre de nos enseignantes en Colombie-Britannique, et je sais que ce phénomène a été ressenti en Ontario et en Alberta, et qu'il a été signalé au Québec. Nous avons des problèmes importants d'épuisement professionnel chez les enseignantes.
    Nous avons besoin de plus de sages-femmes. Cependant, l'Université de la Colombie-Britannique s'est vue proposer une extension de notre programme, et nous avons dû dire que nous ne pouvions pas, pour le moment, accueillir davantage d'étudiantes, car nous ne pouvions pas les placer.

  (1955)  

    Mon Dieu.
    Madame Bacon, j'ai une question pour vous.
    Vous avez fait un travail considérable en matière d'éducation sur la santé sexuelle. Pouvez-vous nous dire comment les services des sages-femmes soutiennent la prestation de soins de santé sexuelle et génésique au Canada?
    Merci beaucoup.
    C'est un domaine où la profession de sage-femme est largement sous-utilisée, comme la Dre Bourret l'a mentionné plus tôt.
    Le dépistage du cancer du col de l'utérus et la contraception, y compris la pose de dispositifs intra-utérins et du nouvel insert contraceptif Implanon, entrent dans le champ d'activité des sages-femmes. Le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles et des infections transmissibles par le sang entrent dans notre champ de pratique.
    Toutefois, dans certaines administrations, il s'agit d'une formation de niveau avancé. Elle n'est pas acceptée partout. Il existe également des contraintes dans la mesure où, dans la plupart des cas, mais pas tous, nous ne pouvons offrir ces soins qu'aux personnes qui sont enceintes ou dans les trois premiers mois de la période post-partum.
    Il s'agit d'un domaine dans lequel les sages-femmes pourraient jouer un rôle beaucoup plus important et avoir une incidence plus grande pour aider à répondre aux besoins non comblés en matière de contraception au Canada, notamment en ce qui concerne la contraception réversible à longue durée d'action, ainsi que la composante des soins adaptée à la culture.
    Il existe des projets pilotes, notamment en Ontario, comme le programme MATCH, dans le cadre duquel des sages-femmes travaillent avec une délégation de pouvoir pour être en mesure de fournir ces services aux personnes qui ne sont pas en âge de procréer, ainsi que des services d'avortement. Ce sont des domaines dans lesquels nous pouvons élargir nos activités.

[Français]

     Merci beaucoup. Votre temps de parole est échu.
    Nous allons passer à Mme Larouche.
    Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie Mme Campbell et Mme Bacon d'être avec nous, aujourd'hui, et de nous rappeler l'importance cruciale du rôle que jouent les sages-femmes dans la santé reproductive des femmes. Elles nous rappellent également le rôle important du programme qui a été aboli à l'Université Laurentienne pour les communautés francophones au Canada, les communautés autochtones et les communautés du Nord.
    Vous avez expliqué que ces communautés doivent être servies dans leur langue, qu'elles ont des besoins particuliers et que ce programme était important pour elles.
    Madame Bacon, vous avez également parlé de salaires inéquitables, de sous-financement du système de santé ou d'une répartition inéquitable des services, vous avez aussi parlé de l'importance d'investir davantage dans les associations de sages-femmes.
    Madame Campbell, vous avez parlé du fait que les sages-femmes étaient sous-payées, et vous êtes également revenue sur l'iniquité salariale et sur le manque de ressources.
     Dans une période où la pandémie a exacerbé les problèmes, les sages-femmes et le personnel dans le domaine de la santé sont épuisés. Il est important que le gouvernement réinvestisse dans ses transferts en santé pour permettre au Québec et aux provinces de réinvestir à leur tour dans leur système de santé. Cela aurait évidemment un effet sur les sages-femmes.
    J'aimerais que vous nous parliez de l'importance d'avoir une vision maintenant. Il ne faut pas attendre après la crise pour redonner de l'argent au système de santé et pour fournir des moyens pour aider les sages-femmes et les autres professions sous-payées.
    Comme vous avez toutes deux parlé du problème de financement, Mme Campbell pourrait peut-être commencer. Nous entendrons ensuite Mme Bacon.

[Traduction]

    On pourrait entreprendre un certain nombre d'initiatives si le champ d'exercice était élargi afin d'utiliser à meilleur escient le financement dont nous disposons. À l'heure actuelle, nous avons des systèmes de soins de santé cloisonnés, et les sages-femmes qui ont la capacité de fournir un service plus complet pourraient être regroupées dans un système de prestation en équipe, par exemple, de façon à ce que le financement soit... En fait, il n'est peut-être pas nécessaire de trouver plus de financement. Vous pourriez simplement utiliser celui dont vous disposez de façon plus créative. Cependant, à l'heure actuelle, nous avons un peu un système de double rémunération, et nous devons nous adresser à d'autres fournisseurs pour dupliquer les soins alors que nous avons les compétences et les aptitudes pour le faire. Cette situation entraîne des coûts pour les consommateurs.
    Je pense que si des sages-femmes occupaient des postes de direction, elles pourraient apporter leur point de vue à la discussion, mais nous ne pouvons même pas participer à certaines de ces discussions à l'heure actuelle parce que nous ne sommes pas reconnues.

  (2000)  

    J'aimerais poursuivre dans la même veine que Mme Campbell. Il est important non seulement de rémunérer équitablement les sages-femmes, mais aussi d'intégrer la profession de sage-femme au système de soins de santé. Sinon, nous verrons des situations comme celles que nous observons dans certaines provinces et certains territoires qui utilisent le modèle d'emploi, où la croissance stagne complètement. Nous demandons des choses impossibles aux provinces et aux territoires où il y a quatre sages-femmes. On attend de ces sages-femmes qu'elles exercent en clinique et qu'elles représentent la profession de sage-femme dans la réglementation, dans les associations, dans tous les comités et dans la recherche. C'est un fardeau inacceptable à imposer à un petit groupe de fournisseurs de soins de santé.
    L'Association canadienne des sages-femmes a déterminé que l'un de ses trois piliers clés consiste à concentrer ses efforts sur le renforcement des associations professionnelles de sages-femmes. Nous avons eu beaucoup de succès dans ce domaine et nous avons pu avoir une incidence sur les droits à la santé et le bien-être des femmes et des jeunes filles dans le cadre de notre travail de renforcement des associations à l'étranger. Cependant, nous ne disposons pas actuellement des fonds nécessaires pour fournir ces mêmes soutiens afin de veiller à ce que la profession de sage-femme soit intégrée et que les sages-femmes occupent des postes de direction ici, au Canada. Nous aimerions voir un partenariat qui permette de renforcer les capacités des associations de sages-femmes dans les provinces et territoires et du Conseil national des sages-femmes autochtones afin que nous puissions renforcer les capacités et créer un système plus durable.

[Français]

     Tout à fait.
    Je veux revenir sur le programme des sages-femmes de l'Université Laurentienne et sur son importance pour une meilleure reconnaissance de ce métier et pour assurer une relève chez les sages-femmes dans les communautés francophones et autochtones.
    Madame Campbell, pourriez-vous nous dire encore un mot sur l'importance du programme et du lien entre la relève et la reconnaissance du métier?

[Traduction]

    La meilleure façon d'offrir un programme d'éducation qui réduit les obstacles à la participation est peut-être de l'offrir dans les communautés. C'est ce que nous essayons de faire en Colombie-Britannique. Nous décentralisons les programmes dans les communautés afin que les étudiantes se réunissent en tant que cohortes pour apprendre sur de courtes périodes. Ils retournent ensuite dans leur communauté d'origine, ou dans une communauté proche de leur lieu de résidence habituel, pour y poursuivre leur formation.
    Nous savons que lorsque nous formons les gens dans leur communauté, ils y restent, et que lorsque nous faisons venir des gens dans le Sud, il arrive qu'ils ne repartent pas ou qu'ils ne puissent pas réussir le programme parce qu'ils ont perdu le soutien de leur famille. Il y a plusieurs années, une étudiante autochtone a été admise dans notre programme. Elle a subi un tel traumatisme et un tel chagrin en raison des effets des déterminants sociaux de la santé qu'il a été trop difficile pour elle de rester. Si nous avions été en mesure d'offrir un programme plus flexible et mieux adapté à ses besoins, le résultat aurait été différent. Je pense qu'il y a tellement de choses que nous pourrions faire mieux.
    La parole est maintenant à Mme Mathyssen pour six minutes.
    Merci beaucoup.
    Vous avez toutes les deux évoqué des exemples précis que vous avez entendus ou que vous avez vus directement chez nombre de vos clientes. L'expression « populations vulnérables » peut signifier bien des choses. Je pense que beaucoup de femmes qui font appel à une sage-femme le font pour des raisons religieuses ou culturelles. Elles n'ont pas confiance dans le système et ne veulent pas entrer dans une institution comme un hôpital.
    Il est évident que lorsque les sages-femmes entrent dans un foyer, le type de service est très différent. Pouvez-vous parler de l'importance de ces sages-femmes pour un groupe ou une culture touché par une réalité institutionnelle qui ne correspond pas à leurs besoins en matière d'accouchement?
    Puis-je commencer, madame Bacon?
    Je peux répondre à cette question. Je dessers une population de la vallée du Fraser qui a de profondes croyances religieuses, dont l'une concerne l'approche non interventionnelle. Ces personnes choisissent d'accoucher à la maison et, en raison de leurs fortes croyances, elles n'acceptent aucune intervention que d'autres considéreraient comme salvatrice.
    Grâce aux relations que nous avons nouées avec certaines personnes de cette communauté, elles en sont venues à nous faire confiance pour les écouter, les soutenir, les défendre à chaque instant et leur demander ce que nous pouvons faire pour les aider à atteindre leurs objectifs de vie. C'est toujours un honneur d'être invitée à entrer chez une personne pour la soutenir au moment le plus intime de sa vie. Il est très important que nous continuions à le faire, donc à offrir des services d'accouchement à domicile et à dispenser aux personnes des soins là où elles le souhaitent et quand elles en ont besoin, ce qui fait partie intégrante d'un choix éclairé et d'un modèle de soins adapté à la culture.

  (2005)  

    Merci, madame Campbell.
    Je pense que le modèle de continuité des soins des sages-femmes présente d'énormes avantages, de même que notre structure d'honoraires. La continuité signifie que nous travaillons en petits groupes. Les soins sont dispensés par une équipe composée d'une à quatre sages-femmes dans la plupart des cas, bien qu'il existe des pratiques de groupe et de collaboration très innovantes. Cela veut dire que nous avons vraiment la possibilité d'établir une relation avec nos clientes et de gagner leur confiance. La personne que vous rencontrez avant la naissance est la personne qui sera présente au moment de votre accouchement. Il n'y a pas d'inconnus. C'est très important pour les gens, surtout lorsque nous fournissons des soins qui tiennent compte des traumatismes.
    Je peux penser à des exemples. Je m'occupe de nombreuses parturientes musulmanes de ma collectivité. Il est très important pour elles qu'aucun homme ne participe à leurs soins et, dans le cas d'un accouchement à domicile, nous pouvons contrôler l'environnement et nous assurer qu'elles reçoivent des soins d'une équipe exclusivement féminine, par exemple, si c'est important pour elles.
    De plus, j'ai pratiqué l'accouchement à domicile pour des familles allosexuelles dont l'un des parents était transsexuel et s'inquiétait beaucoup de la discrimination dont il pourrait faire l'objet au cours d'un accouchement à l'hôpital. L'accouchement à domicile a été un moyen de leur fournir des soins sûrs et respectueux, au cours desquels les pronoms appropriés ont été utilisés et les parents ont vraiment pu célébrer la naissance sans avoir à défendre leurs droits de la personne.
    Merci.
    En fait, ce que nous disons lorsque nous parlons de l'institutionnalisation de la médecine, de la colonisation de la médecine telle que nous la connaissons et avec laquelle quelqu'un comme moi se sentirait plus à l'aise, c'est qu'elle ne couvre certainement pas ce qui est nécessaire.
    Madame Bacon, vous avez dit qu'un grand nombre des services que vous offrez ne sont pas acceptés dans toutes les provinces. Cela témoigne de cette institutionnalisation. Pouvez-vous nous en dire peut-être un peu plus sur ce que vous entendez par là?
    Je pense que, bien que les compétences des sages-femmes canadiennes soient normalisées et qu'il y ait un examen national à passer, on constate de légères variations d'une province à l'autre en ce qui concerne le cadre de pratique, et ces variations sont un peu liées aux règlements. Selon l'organisme chargé d'établir la réglementation relative à la profession de sage-femme, des politiques et, je dirais, de la discrimination fondée sur le sexe et peut-être une certaine territorialité peuvent certainement entrer en jeu dans la détermination des services qui peuvent être fournis par tel ou tel professionnel.
    La grande ironie, c'est que les besoins de certains Canadiens en matière de soins de santé sexuelle et génésique ne sont pas satisfaits, qu'il s'agisse de soins inclusifs pour les personnes transgenres ou d'accès à la contraception réversible à action prolongée ou aux interruptions de grossesse, et pourtant, en raison de la nature quelque peu cloisonnée des soins, nous avons des conversations portant sur le protectionnisme et sur le fait qu'un fournisseur de soins de santé ne peut pas voler la part du gâteau d'un autre fournisseur de soins de santé.
    Je pense qu'il est très important que nous éliminions les cloisonnements et que nous fournissions des soins réellement axés sur la famille et fondés sur les besoins des personnes qui les reçoivent. Si nous nous concentrons sur cet objectif commun de satisfaction de ces besoins, je crois que nous trouverons de meilleures solutions.
    Comme je sais que vous allez m'interrompre, madame la présidente, je vais vous céder le reste de mon temps de parole.
    Oh, comme c'est bien.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Sahota pendant cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier les témoins de leur participation à la séance d'aujourd'hui.
    Ma collègue, Mme Shin, vous a interrogées au sujet de l'effet que la COVID-19 a eu sur la pratique des sages-femmes et de la question de savoir si le nombre de naissances a changé depuis l'apparition de la pandémie.
    Madame Bacon, vous avez répondu à cette question. Je me demande simplement si Mme Campbell a quelque chose à ajouter à cela.
    J'ai mentionné que la situation a également été épuisante pour nos enseignants. Les sages-femmes sont tellement accaparées par le travail supplémentaire qu'elles doivent accomplir pour assurer leur propre sécurité et celle des personnes dont elles s'occupent, des collègues avec lesquels elles travaillent et des membres de leur famille. Il y a des sages-femmes qui ne vivent pas chez elles parce qu'elles estiment qu'il n'est pas sécuritaire de fréquenter leur environnement familial. Elles vivent dans un espace séparé pour pouvoir assurer la sécurité de leur famille. La situation est tout simplement trop exigeante pour inclure un étudiant dans l'équation. Par conséquent, la COVID-19 a eu un effet dévastateur sur le programme d'éducation.
    Nous sommes actuellement préoccupés — je suppose que je peux le dire — par la capacité de fournir suffisamment de stages à nos étudiants de deuxième année de l'Université de la Colombie-Britannique. En ce moment, nous reconfigurons la façon dont nous offrons nos programmes afin de pouvoir atteindre les objectifs d'apprentissage, mais nous faisons preuve d'une grande créativité dans notre façon de procéder. C'est la première fois que nous sommes forcés de prendre des mesures de ce genre.

  (2010)  

    Merci.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Bacon?
    Je voulais effectivement étoffer ce point et m'appuyer sur lui pour mentionner que l'association des sages-femmes de la Colombie-Britannique a mené des recherches sur l'épuisement professionnel au sein de sa population. Les chercheurs ont constaté qu'en raison de la COVID-19, la proportion de sages-femmes de la Colombie-Britannique qui ont déclaré un épuisement professionnel allant de modéré à élevé est passée de 45 % en 2017 à 77 %. Cela s'est traduit par la proportion de sages-femmes qui planifient de quitter la profession, laquelle a plus que doublé au cours de la même période. Vingt pour cent des sages-femmes de la Colombie-Britannique envisagent maintenant de prendre des mesures pour quitter la profession.
    Puis-je ajouter quelque chose?
    Mme Jag Sahota: Allez-y.
    Mme Kim Campbell: À la Fraser Health Authority, il y a 25 annonces de postes vacants pour des postes de sages-femmes, et cela ne s'est jamais produit. Nous avons perdu 25 sages-femmes dans une collectivité où il y en avait 100.
    Vous avez toutes deux parlé de cette question, mais je pense que c'est plutôt Mme Bacon qui a déclaré que les césariennes et les hospitalisations étaient faibles lorsque des sages-femmes étaient présentes. Quels sont les facteurs qui contribuent à cela? C'est en fait assez intéressant.
    Madame Campbell, voulez-vous répondre à cette question en premier? Je sais qu'il s'agit de votre domaine de prédilection.
    Bien sûr qu'il s'agit de mon domaine de prédilection, à savoir le champ d'activité de la profession de sage-femme qui est fondé sur des données probantes.
    Nous disposons de preuves qui appuient le fait que le rôle de la sage-femme contribue à plusieurs diminutions du nombre d'interventions, les césariennes étant l'une d'elles. Nous pensons que cela est lié à la continuité des soins. Nous croyons que cela est attribuable aux relations que nous établissons, à la confiance et au confort que les gens ressentent lorsqu'ils sont avec quelqu'un qu'ils connaissent. C'est très simple: cela permet à leur corps de faire le travail. L'anxiété stoppe ce travail, alors lorsque vous créez un lieu d'atterrissage en douceur ou un endroit sûr pour les gens, le corps fait ce qu'il doit faire, tout simplement. C'est tout.
    J'ajouterais que les sages-femmes considèrent la naissance comme un événement normal de la vie. Nous ne « pathologisons » pas la naissance. De plus, nous avons appris l'art de la temporisation.
    Le cliché des sages-femmes tricotant dans un coin est bien connu, mais il existe pour une très bonne raison. Quand nous tricotons, nous n'intervenons pas inutilement. Je pense qu'il s'agit là d'une compétence particulière des sages-femmes qui contribue à la diminution des taux de césarienne, tout comme le temps que nous passons avec nos clientes pour nous assurer qu'elles sont vraiment bien informées et préparées à ce à quoi elles peuvent s'attendre au cours du processus d'accouchement.
    De plus, nos clientes bénéficient d'un soutien continu pendant l'accouchement. Nous ne nous contentons pas de débarquer à la fin du processus pour attraper le bébé. Nous sommes avec elles du début du travail actif jusqu'à une heure ou deux après l'accouchement, ce qui signifie que je peux parfois passer 14 heures d'affilée avec une personne, afin de la soutenir. Je crois que c'est ce temps de qualité que nous passons en tête-à-tête qui fait la différence.
    Vous venez de dire que vous pouvez passer jusqu'à 14 heures avec quelqu'un. Trouvez-vous des solutions particulières pour vos clientes en fonction de leurs besoins, et les accommodez-vous? Disons qu'il s'agit d'une cliente à haut risque. Ses soins commencent-ils plus tôt que ceux que vous donnez aux autres, et se terminent-ils plus tard? Comment cette situation est-elle gérée?
    Je peux intervenir un peu à ce sujet.
    Nous avons un système d'évaluation des risques, et nous nous assurons d'individualiser les soins pour répondre aux risques et aux besoins de la personne. Nous avons toujours à l'écoute des clientes, et nous vérifions toujours l'environnement. Nous sommes toujours conscients de la situation, et nous nous réorientons constamment.
    Très bien.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Sidhu pendant cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et de leur témoignage.
    J'adresse la question suivante à Mme Campbell.
    Que fait-on actuellement pour favoriser le maintien en poste des sages-femmes au Canada?
     Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de répondre à cette question. La réponse est que nous ne prenons pas assez de mesures. Nous faisons face à un exode des sages-femmes, à leur départ en masse de la profession.
    Nous essayons de négocier pour que des changements soient apportés au système. Les sages-femmes bénéficient de très peu de souplesse dans la façon dont elles peuvent travailler. Certaines des équipes de travail exigent que les sages-femmes donnent des soins en équipe, des soins sur appel. Vous n'avez aucun moyen d'utiliser vos compétences et vos aptitudes si vous ne pouvez pas vous lever au milieu de la nuit, si vous devez vous occuper d'un membre de votre famille qui requiert des soins de longue durée ou si vous avez un problème de santé particulier. Parfois, il n'y a pas de postes à mi-temps offerts aux sages-femmes. Selon la façon dont le modèle est financé, les frais généraux peuvent être écrasants.
    Dans de nombreuses régions du pays, la façon dont la profession de sage-femme est actuellement gérée n'est pas viable. Nous faisons face à d'importants problèmes.

  (2015)  

    Comment pensez-vous que les deux ordres de gouvernement peuvent mieux collaborer en ce qui concerne le programme des sages-femmes? Avez-vous des exemples à citer qui proviennent d'autres pays fédérés?
    Je demanderais que vous formuliez toutes les deux des observations à ce sujet.
    Madame Bacon, vous pourriez peut-être parler de cette question en vous appuyant sur l'attention que vous prêtez à l'ICM en ce moment.
    Bien sûr.
    Je pense qu'il est essentiel qu'un bureau national de la profession de sage-femme soit établi à l'échelle fédérale, qu'il soit dirigé par un responsable de la profession de sage-femme, dont le rôle consisterait à assurer la liaison avec les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur — les ministres de l'Éducation à l'échelle fédérale et provinciale et territoriale — afin de faciliter ce genre de conversations.
    Madame Bacon, vous parliez de l'incidence de la profession de sage-femme sur les collectivités rurales.
    Existe-t-il des approches stratégiques internationales relatives à la profession de sage-femme qui servent mieux les familles des régions rurales?
    En fait, je pense que le Canada et l'Australie sont vraiment des chefs de file en ce qui concerne la collecte de faits probants liés à l'examen du métier de sage-femme en milieu rural. Ce que nous n'avons pas observé, ce sont des investissements fondés sur ces faits probants.
    Nous savons que les sages-femmes sont plus susceptibles de déménager dans les régions rurales; elles sont plus susceptibles de demeurer dans des régions rurales éloignées. Comparativement à d'autres fournisseurs de soins de santé, les sages-femmes peuvent maximiser le pourcentage de personnes qui peuvent rester dans leur collectivité pour donner naissance, sans avoir à se déplacer.
    Les preuves sont là, et le Canada et l'Australie jouent un rôle de premier plan dans la collecte de ces preuves. Vous pouvez consulter les travaux de Jude Kornelsen sur l'indice de natalité en milieu rural.
    Ce dont nous avons besoin, ce sont des investissements fondés sur ces preuves. Il faut en particulier examiner les modèles de salariés pour ces soins et l'élargissement de leur cadre d'application, qui seront essentiels à cet égard.
    Dans ces régions, le volume de soins est faible, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il y a peu d'intrants. Vous pouvez consacrer un temps incroyable à ces soins, en particulier lorsque la sage-femme joue le rôle de plusieurs fournisseurs de soins de santé. Dans une collectivité rurale éloignée, la sage-femme peut également faire fonction d'échographiste. Elle peut aussi être technicienne de laboratoire et prélever des échantillons de sang. Elle peut s'occuper de dépister la surdité infantile et être la consultante en allaitement.
    Les sages-femmes apportent une valeur énorme. Mais nous devons investir dans ces soins. Nous devons examiner d'autres modèles de soins. De plus, comme je l'ai mentionné, nous devons obtenir cette distinction du Conseil du Trésor qui faciliterait le travail des sages-femmes dans les régions qui relèvent du gouvernement fédéral, car c'est le cas de plusieurs de ces régions rurales et éloignées, comme les réserves.
    Pour faire un bref suivi, madame Bacon, chaque année, 40 000 femmes au Canada se déplacent à l'extérieur de leur collectivité pour accoucher, en raison du manque de services offerts dans les régions rurales du Canada.
    Comment les différentes provinces du Canada comblent-elles cette lacune?
    En Colombie-Britannique, il y a deux programmes financés par la province qui visent à soutenir les programmes d'obstétrique en milieu rural, en offrant un mentorat, en donnant accès à une formation à proximité du domicile, en renforçant la confiance et en développant les compétences en matière de services d'urgence. Ils ont ciblé huit collectivités de la Colombie-Britannique dans le cadre de leur programme d'obstétrique en milieu rural, lequel est malheureusement financé par l'organisme Doctors of BC. Toutefois, ils ont été très inclusifs, puisqu'ils permettent aux sages-femmes et aux infirmières d'avoir accès à leurs plateformes de formation. Nous espérons que cela augmentera la capacité et aura une incidence sur les collectivités afin que ces fournisseurs de soin restent sur place.
    Il est difficile de rester dans une collectivité si vous perdez ou si vous commencez..... Il y a une masse critique, et si vous enlevez un joueur clé, tout le château de cartes peut s'écrouler. Ils tentent d'établir un système. Il y a des gens qui ont envie de rester là parce qu'ils se sentent bien soutenus et bien financés.
    C'est très bien.

[Français]

     Nous passons maintenant à Mme Larouche pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Encore une fois, je vous remercie, madame Campbell et madame Bacon, de vos témoignages, qui nous éclairent un peu plus sur la profession.
    Madame Bacon, j'aimerais maintenant que vous nous parliez de l'importance de l'Université Laurentienne dans l'éducation des francophones hors Québec et même de son importance, comme vous l'avez mentionné, pour ce qui est de l'enjeu de la disparité des services de sages-femmes entre les milieux rural et urbain.
    J'aimerais vous entendre sur le rôle de l'Université Laurentienne à cet égard.

  (2020)  

[Traduction]

    Merci.
    Oui, je suis très préoccupée par la fermeture de l'Université Laurentienne en raison du mandat unique qu'elle remplissait. L'Université Laurentienne offrait le seul programme de formation de sages-femmes bilingue au Canada, et le seul programme de formation de sages-femmes en français accessible aux non-résidents du Québec.
    Sa perte sera profondément ressentie dans les communautés francophones de tout le pays. Il s'agissait également du seul programme universitaire de formation de sages-femmes dans le Nord — et, pour être franche, les soins en milieu rural, dans les régions éloignées et dans le Nord sont des soins spécialisés. On ne peut pas envoyer n'importe quelle sage-femme dans une collectivité rurale et supposer qu'elle possédera cet ensemble complet, unique et élargi de compétences qui est nécessaire pour pouvoir fournir des soins dans ces régions.
     Nous sommes très inquiets de voir disparaître cette spécialité nordique, et je suis particulièrement attristée d'apprendre la disparition du programme qui a été le premier au Canada à accueillir ouvertement des étudiants autochtones. Un si grand nombre des leaders autochtones de la profession de sage-femme au Canada ont été formés à l'Université Laurentienne, et ce, parce qu'elle accueillait ouvertement et explicitement les étudiants autochtones.
    Là encore, la prise en charge des Autochtones, ainsi qu'un programme d'enseignement adapté aux besoins des étudiants autochtones et visant à les préparer à la réussite sont des éléments clés si nous voulons respecter nos engagements liés la Déclaration de Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la Commission de vérité et réconciliation.
    C'est très bien.
     Nous allons maintenant donner la parole à Mme Mathyssen pendant deux minutes et demie.
    Merci.
    Je tenais juste à utiliser mon dernier temps de parole pour aborder la question des soins postnataux. Vous en avez parlé un peu, mais nous n'avons pas entendu beaucoup d'observations sur les soins postnataux, sur ce qu'ils signifient pour les femmes et sur les services qui sont fournis — la différence qu'ils apportent en matière de soins.
    Je pense que vous voyez Mme Campbell et moi sourire parce que vous avez abordé ce qui est peut-être le plus grand argument de vente pour les soins des sages-femmes. Nous nous occupons des parturientes et de leur bébé jusqu'à environ six semaines après l'accouchement — ou du moins, dans ma province, nous sommes rémunérées jusqu'à six semaines, et nous nous occupons d'eux jusqu'à 12 semaines, de sorte qu'il y a une continuité des soins. Au cours de la première semaine postpartum, ces visites ont lieu à la maison. Nous ne nous attendons pas à ce que la mère prenne sa voiture avec son bébé pour venir nous voir au bureau cinq jours après l'accouchement. Non, nous venons le lendemain même. Nous vous verrons chaque jour de votre séjour à l'hôpital, si vous êtes hospitalisée, jusqu'à votre sortie, et le tout premier jour après votre sortie, nous viendrons vous voir à la maison.
    Je peux vous dire, en tant que sage-femme et en tant que mère, que si vous avez l'intention d'allaiter, ce n'est pas aussi facile que cela en a l'air. C'est extrêmement difficile, et votre réussite dépend des soins que vous recevez dès le début. Si j'avais dû attendre jusqu'au cinquième jour après l'accouchement, mon fils n'aurait pas été allaité complètement, voire peut-être pas du tout.
    C'est sur ce plan que nos soins sont particulièrement remarquables. C'est aussi dans ce cadre que nous avons vraiment la possibilité d'avoir une incidence sur les familles dans leur ensemble, par exemple, en reconnaissant la violence familiale ou la négligence envers les enfants et en y répondant. Nous avons le privilège d'entrer chez les gens et cela donne vraiment de la profondeur à la relation de confiance. C'est en fait l'un des aspects les plus beaux et les plus profonds de notre travail.
    C'est la partie préférée de mon travail.
    Je vais faire don de mes 30 secondes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
    Merci.
    Je pense que nous allons en rester là, car j'ai quelques points à éclaircir.
     Je tiens à remercier les témoins de leur excellent témoignage. Vous nous avez aidés dans notre étude, et je vous remercie également pour le service que vous rendez à toutes les femmes du pays.
    Pour ce qui est du Comité, j'ai besoin de faire approuver le budget pour réaliser cette étude. Il s'agit de 2 550 $ pour tous les casques, etc., dont nous avons besoin pour nos travaux. Puis-je avoir l'approbation du Comité à cet égard?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Très bien.
    L'autre chose, c'est que vous avez jusqu'à vendredi pour soumettre dans les deux langues vos rapports dissidents concernant notre étude sur l'équité salariale.
    Demain, nous allons terminer notre étude sur l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes. Jeudi, nous commencerons, et nous espérons terminer, l'examen du rapport sur le travail non rémunéré des femmes. Voilà ce que nous avons au programme.
    N'oubliez pas que demain, nous nous réunissons de 11 heures à 13 heures, et que jeudi, nous nous réunissons de 18 h 30 à 20 h 30. Plaît-il au Comité de lever la séance?
     Puisque c'est le cas, la séance est levée.
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