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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 mai 2021

[Enregistrement électronique]

  (1835)  

[Traduction]

    Nous commençons par souligner, bien entendu, qu'à Ottawa, nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril 2021, le Comité poursuit son étude sur le maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations.
    Pour assurer le bon déroulement de la réunion, je rappelle à ceux qui y participent virtuellement qu'ils peuvent s'exprimer et écouter dans la langue officielle de leur choix. En cliquant sur le globe au centre au bas de votre écran, vous devez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Peu importe la langue que vous choisissez, vous pouvez passer d'une langue à l'autre sans faire de changement technique. Quand vous avez la parole, assurez-vous que votre caméra est allumée et parlez lentement et clairement. Quand vous n'avez pas la parole, votre microphone doit être en mode sourdine.
    Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, je dois informer le Comité que les essais techniques préliminaires ont été effectués pour tous les témoins. Nous attendons le chef Mathias de la Première Nation de Long Point, mais nous avons avec nous M. Roland Morrison, chef de police, et M. Julian Falconer, associé chez Falconers LLP, qui représentent tous deux le Service de police de Nishnawbe Aski.
    Messieurs Morrison et Falconer, nous allons commencer par votre déclaration préliminaire de six minutes. Nous passerons ensuite à la période de questions.
    La parole est à vous.
    Bonsoir, mesdames et messieurs. Je m'appelle Roland Morrison et je suis le chef de police du Service de police de Nishnawbe Aski.
    Le Service de police de Nishnawbe Aski est le plus grand service de police autochtone au Canada. Nous comptons plus de 220 agents, auxquels s'ajoute du personnel civil, pour un total de près de 300 employés. Nous fournissons des services de police à 34 collectivités situées sur le territoire de la Première Nation Nishnawbe Aski, dans le Nord de l'Ontario. Des 34 collectivités, 23 sont éloignées et accessibles uniquement par voie aérienne, tandis que 11 sont accessibles par voie terrestre. Toutefois, certaines des collectivités accessibles par voie terrestre pourraient aussi être considérées comme éloignées puisqu'elles se trouvent dans des régions isolées.
    Le Service de police de Nishnawbe Aski est membre de l'Association des chefs de police des Premières Nations. Nous sommes également membres de l'IPCO, ou Indigenous Police Chiefs of Ontario. Nous sommes un service de police autogéré et nous sommes signataires d'une entente tripartite conclue avec les gouvernements fédéral et provincial dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations.
    Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis sûr que si les autres chefs recevaient la même invitation, ils seraient ravis de se joindre à vous, surtout pour parler du maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations.
    Je sais que des programmes de justice ont été mis en place dans diverses Premières Nations partout au pays. Je pense à Tsuut'ina en Alberta, à Kahnawake au Québec, à Akwesasne en Ontario et aussi, plus récemment, à la région du Traité no 3 dans le Nord-Ouest de l'Ontario. Je ne connais pas les détails des programmes établis dans ces collectivités, mais je peux vous parler de ce qui se passe dans la région de la Première Nation Nishnawbe Aski.
    Pour maintenir l'ordre dans les collectivités que nous servons, nous appliquons principalement le Code criminel. Nombre de nos bandes ont adopté des règlements administratifs. Toutefois, les infractions à ces règlements ne font plus l'objet de poursuites. Au début des années 2000, le ministère du Procureur général a cessé d'intenter des poursuites liées aux règlements administratifs des bandes. Les collectivités pressent le ministère d'entendre les causes relatives à leurs règlements, mais le ministère est très peu disposé à le faire.
    Quelques-unes de nos collectivités accessibles par voie terrestre ont adopté des dispositions de diverses lois provinciales, comme le Code de la route et la Loi sur les permis d'alcool. Par conséquent, nous pouvons en faire l'application, et les causes liées aux infractions provinciales sont entendues par les tribunaux de l'Ontario. Or nombre de nos collectivités, surtout celles du Nord, n'ont pas accès aux tribunaux chargés des infractions provinciales.
    Je le répète, le Service de police de Nishnawbe Aski participe au Programme des services de police des Premières Nations, le PSPPN, qui est un programme dépassé. Les conditions relatives aux dépenses admissibles sont très restrictives. Par exemple, à l'heure actuelle, les unités de lutte contre la criminalité, les interventions dans les situations d'urgence et les services d'aide aux victimes sont considérés comme inadmissibles, alors qu'en vertu de la Loi sur les services policiers et la prochaine Loi sur la sécurité communautaire et les services policiers, l'application de la loi, les interventions dans les situations d'urgence et les services d'aide aux victimes comptent parmi les fonctions de base d'un service de police.
    Pourtant, le Programme des services de police des Premières Nations ne permet pas le financement de ces fonctions policières de base. Par exemple, notre service de police offre un programme de soutien aux survivants, conçu pour subvenir aux besoins immédiats des victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle.
    Lorsqu'on considère les recommandations d'enquêtes récentes comme celle sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées — recommandations que le gouvernement fédéral a acceptées —, on ne peut que se demander pourquoi les services de police autochtones comme celui de Nishnawbe Aski doivent déposer des demandes de financement pour des fonctions policières de base. Voilà pourquoi le PSPPN doit être modernisé.
    En l'absence de financement adéquat pour remplir les fonctions policières de base et de moyen d'intenter des poursuites liées aux mesures promulguées par les collectivités des Premières Nations, nous avons dû faire preuve de créativité, surtout en ce qui a trait à la COVID. Comme tous le savent, en Ontario, les restrictions relatives à la COVID sont appliquées par l'intermédiaire des tribunaux chargés des infractions provinciales, mais je le répète, nombre des collectivités éloignées que nous servons n'ont pas accès aux mécanismes d'application de la loi. Comme je l'ai dit, nous avons dû faire preuve de créativité.
    C'est à cet égard que nous avons demandé à nos conseillers juridiques, Falconers LLP, de trouver une solution pouvant être utilisée, à nos yeux, par nos collectivités pour appliquer la loi.
    Notre conseiller juridique vous expliquera exactement ce que nous avons fait.
    Je cède la parole à M. Falconer.

  (1840)  

    J'ai l'honneur non seulement de m'adresser à vous depuis le quartier général du Service de police de Nishnawbe Aski à Thunder Bay, mais aussi de souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel de la Première Nation de Fort Willian, qui est signataire du Traité Robinson-Huron. Je souligne aussi que notre cabinet d'avocats est chanceux et honoré de représenter le Service de police de Nishnawbe Aski.
    J'ai entendu des commentaires de nombreuses parties canadiennes, dont des agents du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial de l'Ontario et de tous les signataires de l'entente tripartite conclue avec le Service de police de Nishnawbe Aski. Lorsque nous conduisons des négociations difficiles, il leur arrive souvent de commenter la solide réputation du Service de police de Nishnawbe Aski, un des meilleurs services de police autochtones, voire un des meilleurs services de police tout court, au pays.
    Cela étant dit, les membres du Comité devraient avoir reçu des documents de notre part dans les 20 dernières minutes. Le message devait contenir trois pièces jointes, trois documents en format PDF, dont une présentation PowerPoint. Je vous demanderais d'ouvrir la présentation. Elle comprend quelques diapositives. Contrairement à ce que les avocats font normalement, je vais tenter de ne pas vous inonder de renseignements. Je pense que je peux vous présenter les diapositives assez rapidement et vous expliquer ce que le chef Morrison voulait que je vous explique.
    Les membres du Comité ont-ils accès au courriel et plus particulièrement à la présentation PowerPoint? C'est un document en format PDF envoyé par mon associé, Shelby Percival. Les gens y ont-ils accès?
    Non.
    Le système n'a pas fonctionné.
    Je souligne que le temps alloué pour la déclaration est écoulé.
    D'accord, dans ce cas, je ferai vite.
    Oui, je vous en prie.
    Tout d'abord, en ce qui concerne le gabarit de résolution de conseil de bande, je veux insister sur les observations du chef Morrison.
    En fait, il est de tradition de dire aux Premières Nations que pour protéger leurs collectivités et en particulier pour contrôler l'entrée des gens sur leurs territoires, il faut utiliser la Loi sur les Indiens. On vous a sans doute parlé à maintes reprises de l'inefficacité et de la complexité de ce processus.
    Le chef de police Morrison est entré en contact avec les dirigeants des collectivités sous la compétence du Service de police de Nishnawbe Aski — je vous rappelle qu'il y en a 34. Dans un exemple parfait, selon moi, de ce que devrait être la police communautaire, il a noué le dialogue avec les dirigeants politiques et il s'est servi de la souveraineté inhérente des bandes pour les aider. Il leur a offert du soutien juridique pour créer un gabarit de résolution de conseil de bande. Ce gabarit, que vous trouverez dans les documents fournis, invoque la souveraineté inhérente antérieure à l'arrivée des Européens pour protéger la sécurité des membres de la collectivité dans le contexte de la pandémie.
    Notre opinion juridique est que le recours à la souveraineté inhérente est bien fondé et conforme aux lois antérieures à l'arrivée des Européens et, plus important encore, à la reconnaissance par les tribunaux du rôle de la collectivité dans la protection de ses membres.
    En même temps, les résolutions de conseil de bande enchâssent des dispositions législatives provinciales de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence, ainsi que de la Loi sur l'entrée sans autorisation de l'Ontario. L'ajout de ces mesures à l'invocation de souveraineté fournit au service de police les outils nécessaires pour faire respecter la souveraineté en vertu de la Loi sur l'entrée sans autorisation, une loi d'application générale, et de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence, par laquelle on peut intenter des poursuites et déposer des accusations. Le procureur général de l'Ontario s'est engagé, dans une lettre, à entendre ces causes.
    Le gabarit a été conçu de façon à ce que chaque collectivité puisse simplement ajouter sa liste d'exceptions aux règles concernant les fermetures et sa liste d'exceptions aux exigences réglementaires liées à la COVID. Le gabarit offrait à chaque collectivité la possibilité de personnaliser sa résolution de conseil de bande, tout en lui fournissant une façon conviviale d'interagir avec le service de police et en donnant au service de police un moyen fiable d'appliquer les règlements de la collectivité.
    Des résolutions de conseil de bande fondées sur ce gabarit ont été adoptées non seulement par des collectivités sous la compétence du Service de police de Nishnawbe Aski, mais aussi par des collectivités situées sur le territoire du Traité no 3, sur l'île Manitoulin et, je suis fier de le souligner, jusqu'à Kettle et Stony Point au sud. En somme, ces nations ont trouvé une façon de se défaire de la Loi sur les Indiens.
    J'aimerais passer, cependant...

  (1845)  

    Nous allons manquer de temps pour la période de questions.
    Je vais prendre 30 secondes pour conclure.
    Le président: D'accord.
    M. Julian Falconer: J'ai une dernière remarque à faire.
    Lorsqu'il est question des services de police autochtones, vous entendrez souvent dire à quel point le Programme des services de police des Premières Nations, le PSPPN, est restrictif. J'aimerais présenter une observation en ma qualité d'avocat représentant le Service de police de Nishnawbe Aski, les parties au Traité no 3 et les Indigenous Police Chiefs of Ontario.
    Il se passe quelque chose de très louche. Les gens trouvent certaines conditions très restrictives, à juste titre. Par exemple, il est interdit de demander des conseils à un avocat par rapport à des ententes de financement. Toutefois, on ne fait jamais mention du document de 1996, la Politique sur la police des Premières Nations, une politique novatrice créée dans les années 1990, mais aujourd'hui disparue. Cette politique est toujours en vigueur; pourtant, on n'en entend jamais parler. Nous l'appelons la politique fantôme. Elle vise à ce que les services de police auxquels les Premières Nations ont accès soient équivalents à ceux offerts à la population générale; ses attentes sont vastes. À la place, la seule chose dont on entend parler, ce sont des conditions très restrictives. Il me semble y avoir de la tromperie derrière tout cela. Vous devez absolument mettre la main sur la politique de 1996 que le ministère de la Sécurité publique ne publie ou ne mentionne absolument jamais. Jetez-y un coup d'œil. Elle contient tout ce qu'il faut pour créer des services de police équitables. Malheureusement, les conditions actuelles portent atteinte à cette politique. C'est très étrange.
    Les conditions fixées par le Canada et par le ministère de la Sécurité publique ne sont pas conformes à la politique sur laquelle le programme est censé être fondé. Il faut reconnaître cette incohérence et la corriger.
    Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé.
    Je suis désolé de devoir vous arrêter, mais comme notre temps est limité, nous devons passer aux questions des membres du Comité.
    Je dois demander aux conservateurs qui prendra la parole en premier.
    Est-ce vous, monsieur Schmale, ou est-ce M. Vidal? Je n'ai pas reçu la liste.
    C'est M. Melillo, et après c'est moi.
    Monsieur Melillo, allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je participe aujourd'hui depuis Kenora, dans le territoire du Traité no 3. Ma circonscription s'étend jusqu'à la baie d'Hudson; elle englobe une grande partie du territoire où vous travaillez. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de m'entretenir avec vous deux aujourd'hui.
    Monsieur Morrison, mes questions s'adressent à vous, mais monsieur Falconer, si vous souhaitez intervenir, n'hésitez pas à le faire.
    Monsieur Morrison, vous avez employé le terme « dépassé » pour décrire le programme dans le cadre duquel vous travaillez. J'aimerais que vous nous fournissiez plus de détails là-dessus. Nous avons déjà reçu des renseignements utiles, mais peut-être avez-vous d'autres réflexions quant à la façon de moderniser le programme et de modifier l'entente en vue d'améliorer les ressources qui vous sont offertes.
    Je suis heureux de voir des députés du Nord-Ouest de l'Ontario. Je pense que le Dr Powlowski est également ici.
    Je suis ravi de vous voir aussi.
    Monsieur Melillo, les services policiers que nous pouvons fournir dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations sont très limités. Il y a des lacunes dans la prestation des services. J'ai mentionné l'aide aux victimes. La violence familiale est très répandue dans nos collectivités, et pourtant, nous devons demander des fonds pour offrir un programme d'aide aux victimes. En ce qui concerne les unités de lutte contre la criminalité, prenez l'indice de gravité de la criminalité. De nombreux services de police autochtones se classent aux échelons supérieurs de cet indice; malgré cela, nous ne pouvons pas mettre sur pied d'unités de lutte contre la criminalité pour enquêter sur les crimes majeurs.
    Prenez aussi les interventions dans les situations d'urgence et le nombre de situations d'urgence auxquelles nous devons répondre, par exemple lorsque des personnes disparaissent en récoltant sur les terres. Nous ne pouvons pas avoir de programme de recherche. Nous devons faire appel à des services extérieurs. Nous devons demander à nos partenaires policiers, comme la Police provinciale de l'Ontario, de faire ce travail pour nous.
    Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent pourquoi le Programme des services de police des Premières Nations doit être modernisé. Si l'on compare un service de police comme celui de Nishnawbe Aski, qui compte plus de 200 membres, des agents de police de première ligne, à un autre... Nous sommes presque de la même taille que le Service de police de Thunder Bay, et pourtant, le Service de police de Thunder Bay a un programme d'aide aux victimes et une unité d'intervention d'urgence. Il fournit également des programmes liés aux tribunaux. Nous en offrons aussi, mais en moins grand nombre. Si l'on compare la taille de notre service à celle du Service de police de Thunder Bay, on constate de fortes disparités. Nous devrions pouvoir fournir les mêmes services que notre homologue de la rue Balmoral, mais nous ne le pouvons pas.
    Si je dis que le Programme des services de police des Premières Nations est dépassé, c'est que nous devrions pouvoir offrir de tels services, mais c'est impossible à cause des conditions du programme. Comme notre conseiller juridique vous l'a dit, les conditions sont très restrictives.

  (1850)  

    À votre avis, est-il toujours possible d'utiliser le cadre et le système actuels, ou serait-il préférable de concevoir un nouveau programme?
    Quand le gouvernement fédéral a annoncé qu'il avait l'intention de faire des services de police autochtones un service essentiel, tous les chefs de police ont accueilli favorablement la nouvelle, mais franchement, je ne retiendrai pas mon souffle jusque-là. Il faudra du temps pour mettre la mesure législative en place, pour mener les consultations nécessaires et pour moderniser le programme. C'est un fait.
    Nous nous réjouissons des fonds annoncés pour les services de police des Premières Nations. Ces fonds sont considérables, mais si vous les examinez, vous constaterez que nous devons toujours déposer des demandes. Pourquoi devons-nous présenter des demandes de financement pour des fonctions policières de base qui devraient déjà faire partie de nos ententes? C'est ce qui nuit à nos services.
    Nous sommes limités par le caractère restrictif des conditions. Si nous confiions tous nos programmes ou tous nos services à la Police provinciale de l'Ontario, elle recevrait probablement ces fonds grâce à son accès au financement. De notre côté, nous devons rédiger des propositions, effectuer des analyses de rentabilisation et présenter des demandes de financement. Les fonds nous sont-ils octroyés? Parfois oui, d'autres fois non.
    Par ailleurs, nous avons non seulement notre propre entente de financement, mais aussi plusieurs ententes bilatérales. Je dois louer mon service des finances, qui tient compte de toutes les exigences en matière de rapports des diverses ententes bilatérales que nous devons conclure simplement pour être en mesure de servir nos collectivités.
    Merci beaucoup. Vos six minutes sont écoulées.
    La prochaine intervenante est Mme Damoff.
    La parole est à vous.
    Excusez-moi, monsieur le président, je ne savais pas que c'était déjà mon tour.
    Désolé, c'est ce que dit ma liste.
    Je croyais que c'était à mon tour. Je suis prête. Merci.
    Monsieur Falconer, votre proposition relative à la Politique sur la police des Premières Nations de 1996 est très intéressante. Les lettres de mandat du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et du ministre des Services aux Autochtones font référence à l'élaboration conjointe d'un cadre législatif qui reconnaît que les services de police des Premières Nations constituent un service essentiel, comme nous l'avons déjà dit.
    Bon nombre des appels à la justice de Réclamer notre pouvoir et notre place: le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ont trait à la justice et aux services policiers. De façon particulière, l'appel à la justice 5.4 énonce ceci:
Nous demandons à tous les gouvernements de transformer immédiatement et radicalement les services de police autochtones afin qu'ils ne représentent plus simplement une délégation de services, mais l'exercice de l'autonomie gouvernementale et de l'autodétermination. Pour ce faire, le Programme des services de police des Premières Nations du gouvernement fédéral doit être remplacé par un nouveau cadre législatif et financier, conforme aux pratiques exemplaires et aux normes nationales et internationales en matière de services de police, qui devra être élaboré par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, en partenariat avec les peuples autochtones.
    Est-ce que ce nouveau cadre législatif peut fonctionner? Que devons-nous faire pour aborder la question des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées de façon durable?

  (1855)  

    Je vous remercie pour cette excellente question.
    Je dirais que toutes ces recommandations sont essentielles. Nous devons respecter et reconnaître la réalité des femmes et des filles — et des victimes autochtones de façon générale, en fait —, et reconnaître qu'elles sont traitées de façon indigne, à cause du colonialisme et du racisme. En réalité, nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
    Permettez-moi de vous parler du côté pratique du sujet. La politique énonce ceci... C'est une politique de 1996 que l'on ne trouve pas sur le site Web de la Sécurité publique. On ne peut la trouver nulle part dans la documentation du ministère. On me dit qu'elle est toujours en vigueur, mais elle a disparu. Voilà ce qu'énonce la politique. Elle dit...
    Excusez-moi. Où l'avez-vous trouvée, monsieur Falconer?
    Je l'ai trouvée cachée dans le rapport du vérificateur général de 2014. C'était très intéressant. Voici la citation du rapport du vérificateur général de 2014. À titre informatif, il s'agit du point 5.28, au chapitre 5 du rapport:
        Selon Sécurité publique Canada, les principes de la Politique sur la police des Premières Nations de 1996 sont dépassés et irréalistes. De plus, le Programme des services de police des Premières Nations a évolué depuis l'adoption de ces principes. Le ministère prévoit actualiser ces derniers et les intégrer dans les modalités du Programme.
    Cet énoncé est trompeur parce que les modalités ne représentent aucunement une évolution. En fait, elles constituent un moyen de rabaisser les Premières Nations. Je vais vous lire un extrait de la politique de 1996:
Les collectivités des Premières Nations devraient avoir accès à des services de police adaptés à leurs besoins particuliers. Ces services devraient être égaux en qualité et en quantité aux services dont bénéficient les collectivités environnantes caractérisées par des conditions semblables. Les collectivités des Premières Nations devraient avoir leur mot à dire au sujet du niveau et de la qualité des services de police qui leur sont fournis.
    Madame Zann, je vous remercie pour votre question, mais je dirais que oui, je veux que tout cela soit mis en oeuvre, mais nous sommes face ici à une politique existante qui est cachée, et qu'on a remplacée par des modalités.
    Ce qui est le plus troublant... Le grand chef Fiddler, de la nation Nishnawbe Aski, et le président du conseil de direction du service de police de Nishnawbe Aski, Mike Metatawabin, ont écrit une lettre au ministre Blair en date du 11 mars — il y a deux mois — au sujet de la politique fantôme. Ils lui demandaient où en était cette politique et en citaient les modalités. Ils n'ont pas obtenu de réponse.
    J'aimerais vous dire une dernière chose au sujet des modalités: elles interdisent aux Premières Nations l'accès à des conseillers juridiques pour interpréter leurs accords de financement, pour leur donner des conseils en cas de différends ou pour négocier les accords. Ces modalités ne sont pas sans rappeler l'interdiction d'accès à des avocats de la Loi sur les Indiens. Tout cela est évoqué dans la lettre du 11 mars adressée au ministre. Tout cela se retrouve dans les modalités. Rien de tout cela ne correspond à la politique existante, mais tous ces éléments y sont cachés.
    C'est un tour de passe-passe. Je suis désolé de prendre un ton aussi grave. C'est une politique fantôme. À mon avis, on s'est rendu compte qu'on ne pouvait se permettre de répondre aux exigences de la politique, alors on l'a fait disparaître.
    Je demande au Comité de trouver cette politique fantôme et d'exiger qu'elle soit respectée dès aujourd'hui. Oui, nous devons prendre toutes les mesures qui ont été évoquées, mais vous avez là tout ce dont vous avez besoin.
    Je suis désolé pour ce long discours.
    Non, merci beaucoup. C'est très intéressant.
    Est-ce que cette ancienne politique parle également des personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, en questionnement, intersexuées et asexuelles et de la façon dont on peut les protéger?

  (1900)  

    Non, mais elle mentionne de façon spécifique des services juridiques égaux à ceux offerts dans le reste du pays. Si l'on transpose cette exigence en 2021, les enjeux que vous évoquez pourraient être abordés. Je ne dis pas que c'est la réponse; en disant la vérité, on dit aux dirigeants de la police...
    En passant, l'APN vient tout juste de tenir une conférence sur les services policiers. Tout le monde le sait. Toutefois, on n'a aucunement parlé de la politique fantôme, parce que personne ne sait qu'elle existe. C'est un truc. Je suis désolé de prendre un ton aussi dramatique, mais c'est assez extraordinaire.
    Vous avez raison de dire qu'il manque de nombreux éléments. En tant qu'avocat des droits de la personne, je suis heureux de vous l'entendre dire.
    Oui, et les temps ont changé, n'est-ce pas?
    Oui, c'est exact.
    Il faut aborder le racisme systémique, la pauvreté et les agressions répétées d'une génération à l'autre. Nous devons y mettre fin pour assurer l'égalité pour tous.
    C'est fantastique.
    Madame Zann, je suis désolée de vous avoir interrompue, mais je croyais qu'il serait utile pour les analystes d'avoir accès à...
    Je vous en remercie.
    La politique se trouve dans notre documentation. Monsieur le président, nous vous envoyons un ensemble complet de documents. La politique et les modalités sont jointes à la lettre envoyée au ministre Blair. Nous avons préparé une trousse complète à des fins d'étude par le Comité, selon les directives du chef Morrison. C'est un très bon chef de police.
    Nous allons nous assurer de le recevoir. Merci beaucoup.
    Je crois que mon temps de parole est terminé.
    Oui. Merci, madame Zann.
    Madame Bérubé, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je représente le territoire des Cris et des Anishinabes du Nord-du-Québec, Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou.
    Ma question s'adressera au chef de police.
     Nous parlions justement du racisme systémique dans les services de police, ce qui entraîne beaucoup de méfiance à l'égard des forces de l'ordre, ainsi que de la surreprésentation des détenus autochtones.
    Comment favorisez-vous la confiance au sein de vos communautés?

[Traduction]

    Je vous remercie pour votre question.
    Pour vous mettre en contexte, ma kokoom et mon mooshum — ma grand-mère et mon grand-père — viennent du Nord du Québec, de la nation crie d'Eeyou Eenou. Je suis donc très au fait de ce qui se passe là-bas.
    Ce qui se passe dans ces collectivités sur le plan de l'incarcération se passe aussi dans les nôtres. Lorsque j'ai parlé du recours unique au Code criminel dans nos collectivités, dans les collectivités de la nation Nishnawbe Aski, des collectivités visées par le service de police Nishnawbe Aski, c'est parce qu'il s'agit de la seule loi applicable dans de nombreuses collectivités.
    Ainsi, nous ne faisons qu'exacerber le problème en mettant les gens en prison. La culture autochtone existe depuis des milliers d'années. Notre société était fonctionnelle. Nous avions des lois, des traditions, des valeurs et des coutumes, et nous devons y revenir, parce que le système colonial utilisé pour faire régner la loi et l'ordre ne fonctionne pas.
    C'est pourquoi le Programme des services de police des Premières Nations doit être créatif en vue de protéger les Autochtones, leur culture, leurs traditions, leurs valeurs et leurs coutumes. Nous devons répondre aux besoins des Autochtones, parce que le système actuel ne fonctionne pas. Si nous n'adoptons pas de nouvelles mesures appropriées pour les Autochtones, ils seront toujours surreprésentés — tant les adultes que les jeunes — dans notre système correctionnel. Nous devons mettre en place un système qui répond aux besoins des peuples autochtones du Canada.
    Comme je l'ai dit plus tôt, bon nombre de collectivités mettent en œuvre leurs propres systèmes. Est-ce qu'ils fonctionnent? Je ne saurais vous le dire. Il faudrait leur demander. Je ne peux vous parler de solutions de rechange autres que le réacheminement vers les tribunaux pénaux. Ce sont tout de même des affaires pénales; les gens ont un dossier criminel alors que leur cas aurait pu être réacheminé ailleurs. Ce dossier nuit à leur développement et les empêche de sortir de leur collectivité pour améliorer leur sort. Oui, nous avons un processus de pardon en place, mais le dossier criminel demeure tout de même.

  (1905)  

[Français]

     Madame Bérubé, il vous reste deux minutes.
    Vous avez quand même une belle grande organisation.
     Avez-vous eu de la difficulté à recruter des policiers en temps de pandémie?

[Traduction]

    Heureusement, nous avons fait preuve de créativité en matière de recrutement. Nous sommes allés dans d'autres régions du Canada. En fait, nous avons beaucoup recruté au Manitoba.
    Avant la COVID, notre service des ressources humaines se rendait toujours dans les collèges et les universités pour recruter des gens. Ils se souviennent du service de police de Nishnawbe Aski, parce que c'est un grand service. Nous offrons un horaire unique de travail de deux semaines sur quatre. Nous offrons une bonne qualité de vie au travail et à la maison, ce qui est intéressant. Nous offrons des salaires concurrentiels similaires à ceux de la Police provinciale de l'Ontario. Nous offrons aussi des avantages sociaux, alors les gens veulent travailler avec nous.
    Toutefois, comme nous ne sommes qu'un programme, nous sommes une porte tournante. Les agents viennent chez nous pendant une courte période, puis ils partent pour des services de police plus grands, qui profitent d'un financement continu. Par exemple, mon numéro d'insigne est le 1059. Je travaille pour le service de police de Nishnawbe Aski depuis 24 ans et nous sommes maintenant rendus dans les 1700.
    Merci, monsieur Morrison, et merci, madame Bérubé.
    Nous allons maintenant entendre Mme Blaney. Vous disposez de six minutes.
    Je remercie tous les témoins de leur présence avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Falconer, je m'adresse à vous en premier. Je vous remercie pour votre témoignage. Je crois qu'il est très important. J'aimerais clarifier une chose: je crois que vous avez parlé d'un accord tripartite et je me demande si vous pouvez nous parler du processus de négociation connexe. Combien de temps a-t-il duré et qui y a participé?
    Je ne peux m'empêcher de revenir à vous, chef Morrison. La réalité me frappe. Vous avez dit que les non-Autochtones avaient droit à des services, tandis que les Autochtones ont droit à des programmes. Cette phrase m'a marquée.
    J'aimerais commencer avec vous, monsieur Falconer, puis je reviendrai au chef Morrison.
    Les accords de financement relèvent du PSPPN, un programme créé en vertu de la politique des années 1990 à laquelle j'ai fait référence. Pour administrer la politique, les Premières Nations peuvent agir de façon soi-disant autonome — des services de police purement autochtones; il y en a neuf en Ontario — ou prendre part à une entente, avec la Police provinciale de l'Ontario ou avec la GRC dans les autres régions du pays.
    Je ne veux pas donner de leçon... et je vous remercie pour votre question, madame Blaney. Je veux toutefois souligner que le cas de l'Ontario est particulier. Nous avons réussi à négocier, sur plusieurs années, des modifications à la Loi sur les services policiers, qui entreront en vigueur en janvier. Elles permettent le recours des Premières Nations à une option législative afin d'agir à titre de service de police régi par la loi en Ontario. C'est très important, parce qu'on évite les discussions au sujet des services essentiels et tout le reste. En Ontario, une Première Nation peut présenter une demande et, si elle est constituée, elle peut agir à titre de service de police comme tous les autres. C'est important.
    Pour répondre à la question de Mme Blaney, on revient aux vestiges du colonialisme où, dans le reste du Canada, les services de santé et l'éducation sont protégés sur le plan législatif pour le reste du Canada, tandis qu'ils sont offerts par l'entremise de programmes aux Premières Nations et aux peuples autochtones. Il en était de même pour les services de police. Par le passé, on offrait un chèque aux Autochtones et on leur disait: « Voici votre allocation en vertu de cette ronde de l'accord de financement. » C'est ce qu'on appelait une négociation. C'était insensé. En gros, on disait: « Voilà ce qui en est. C'est à prendre ou à laisser. »
    Ainsi, les services autochtones étaient affaiblis.
    Sont arrivés ensuite le grand chef Yesno, puis le grand chef Fiddler de la nation Nishnawbe Aski et le chef Terry Armstrong, le prédécesseur de Roland Morrison, puis le chef Morrison. Ils ont dit à l'Ontario et au Canada: « Vous savez quoi? Si vous ne nous donnez pas un processus de création d'un service régi par la loi — c'est l'option dont j'ai parlé — et si vous ne signez pas le cadre de référence qui déterminera la façon dont nous allons négocier de bonne foi, nous n'allons plus dire oui. Nous allons vous rendre ce véhicule qui n'a plus de freins et vous laisser le conduire. »
    Le chef Morrison assure les services policiers dans de nombreuses collectivités éloignées, ce qui coûterait très cher à l'État. Donc, tout d'un coup, la nation Nishnawbe Aski et son service de police avaient un levier, et ils l'ont utilisé dans le cadre des négociations. Aujourd'hui, les négociations relatives aux accords de financement du Service de police de la nation Nishnawbe Aski ont beaucoup changé, me dit-on. J'agis à titre de négociateur pour le Service — avec lui — depuis deux ou trois rondes déjà.
    Je dois vous dire que ce n'est pas la même chose pour les plus petits services. Ce n'est pas le cas dans les petites collectivités autochtones. Elles demeurent prises en otage par cette approche visant à restreindre les Premières Nations. Je suis désolé de prendre un ton aussi grave, mais il est important de réaliser que les gens qui souffrent le plus aujourd'hui sont... Ces services n'ont aucun levier. Ils continuent de croire qu'ils n'ont pas le droit à des conseils juridiques. Ils continuent de prendre part à ce processus tripartite, qui n'est pas une négociation. On leur donne un chèque en leur disant: « Voilà à quoi vous avez droit. » Ensuite, on s'en va.
    J'espère avoir répondu à votre question.

  (1910)  

    Oui, vous y avez très bien répondu, en fait.
    Chef Morrison, vous avez parlé des services offerts aux victimes, de l'intervention en cas d'urgence, et d'autres dépenses qui ne sont pas jugées admissibles, ce qui est intéressant. Pouvez-vous nous dire comment vous gérez ces questions avec la collaboration des autres services de police? Pourriez-vous nous en parler et nous parler de l'effet sur l'établissement des relations et de la confiance dans la collectivité? Je sais que le passé peut être très douloureux, et je présume que la confiance règne à l'égard de votre service de police, mais peut-être pas à l'égard d'autres forces policières.
    C'est exact. Nous misons grandement sur la Police provinciale de l'Ontario pour combler les lacunes en matière de prestation de services. Elle entre en jeu dans le cas de crimes graves, comme les enquêtes relatives aux homicides, évidemment. Elle a la capacité nécessaire pour le faire. Nous faisons appel à nos partenaires dans le cadre des interventions d'urgence et pour le recours à des unités spécialisées, comme l'unité tactique et l'unité d'intervention d'urgence, aux hélicoptères, aux unités d'identification et à la criminalistique. Nous n'offrons pas directement ces programmes et services, mais nous y avons accès.
    À titre de comparaison, la ville de Thunder Bay offre tous ces services. Pas nous. C'est pourquoi les modalités du Programme de services de police des Premières Nations sont si restrictives.
    Je suis désolé de vous interrompre. C'est très important, mais il nous reste du temps pour quatre autres questions seulement, une question par parti, avant la fin de cette partie de la réunion.
    Merci, madame Blaney.
    Monsieur Viersen, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant.
    Ce document de 1996 pique ma curiosité. Il faudra mettre la main dessus. Je suis certain que le greffier pourra le trouver. Sinon, nos bureaux devront y travailler également.
    À moins que vous n'ayez une copie du document, monsieur Falconer.

  (1915)  

    Oui, nous avons envoyé la documentation — qui comprend la politique de 1996 — au greffier. Nous avons reçu un accusé de réception. Je vois que le courriel a été reçu. Je vous l'ai envoyé il y a une heure et demie.
    Je suis certain qu'il se retrouvera dans ma boîte de réception sous peu. Je vous en remercie.
    C'est fascinant de voir que chaque administration, chaque province du pays est différente, en partant de la côte Ouest jusqu'en Ontario. Votre témoignage d'aujourd'hui le prouve une fois de plus. C'est intéressant de voir que vous êtes intégré au système provincial en matière de poursuites. Chez nous, nous avons un service de police autochtone, mais les poursuites sont impossibles. Qui va payer pour cela et à qui revient la compétence, surtout en ce qui a trait aux lois sur les conseils de bande?
    J'aimerais que nos témoins nous en parlent. Comment les choses fonctionnent-elles dans votre région? Pouvez-vous faire appel à des tribunaux de nation ou de bande? Est-ce une option que vous proposeriez?
    J'aimerais entendre M. Falconer pour commencer, puis M. Morrison.
    Premièrement, je vais être clair au sujet de l'initiative dirigée par le chef Morrison qui est adoptée à l'extérieur de son territoire. L'idée est d'avoir des résolutions du conseil de bande qui incluent des déclarations de compétence inhérente dans le contexte de la pandémie, et qui enchâssent également des dispositions législatives sur l'entrée sans autorisation et sur la gestion des mesures d'urgence que le gouvernement de l'Ontario a adoptées. Elles sont uniques en leur genre, mais pas encore comprises partout sur le territoire de la nation Nishnawbe Aski.
    Au sujet de l'intégration dont nous parlons... et de l'engagement pris par le procureur général, que vous trouverez dans la documentation, de porter ces éléments en justice, c'est tout à fait nouveau. Je ne dirais pas que nous avons réussi. La pandémie a ouvert une porte, et l'initiative a été créée. Je pense qu'il y a là un élan très important pour dire que c'est une crise et que nous nous attendons à du soutien.
    J'ajouterais ce qui suit. Ce qui surprend, c'est que la difficulté de reconnaître le droit autochtone précolonial ne tient pas seulement à l'appareil gouvernemental. Le chef Morrison et moi avons eu des discussions à ce sujet. Je peux vous dire que les cabinets d'avocats ont l'habitude d'utiliser une boîte à outils, et cette boîte à outils est la Loi sur les Indiens. Si cela ne se trouve pas dans la boîte à outils qu'ils utilisent depuis toujours, ils regardent la chose avec méfiance et ne veulent pas aider les peuples autochtones. Je ne veux pas vous donner l'impression d'être méchant. J'essaie simplement de vous dire que la difficulté vient de partout. L'esprit de la Loi sur les Indiens est ancré en chacun de nous.
    Je vais laisser le chef Morrison répondre lui aussi, mais je dis que c'est un élément nouveau. Ce que nous faisons, nous le faisons notamment en raison de la pandémie.
    Pour résumer votre idée, si cela ne dit pas que vous ne pouvez pas le faire, cela ne vous permet pas de ne pas le faire, n'est-ce pas?
    C'est exact, et j'aimerais attirer votre attention sur un jugement qui vient d'être publié en février de cette année. Pour être honnête, je crois que cela fait écho aux propos du chef Morrison.
    C'est un extrait d'un jugement concernant Iskatewizaagegan, la Première Nation de Shoal Lake 39, contre Winnipeg. La seule source d'eau potable de Winnipeg, où elle puise 100 millions de gallons par jour depuis 1913, est le lac Shoal qui se trouve sur le territoire de mon client.
    Voici ce que le juge a dit. Cela tient en un paragraphe. Je vous promets que ce ne sera pas long. Le juge reconnaît le rôle du droit autochtone précolonial. Je pense que vous allez trouver cela fascinant. Il s'agit du paragraphe 48 d'un jugement rendu en février dernier, février de cette année. Traduit en français, il dit essentiellement:
Les lois qui gouvernent la relation entre le Canada et les peuples autochtones du Canada sont ce qu'on appelle maintenant le droit autochtone. Le droit autochtone précolonial et le droit autochtone sont deux choses différentes. Tant avant qu'après l'arrivée des colons européens, les peuples autochtones en Amérique du Nord avaient des civilisations bien développées qui possédaient des systèmes et des coutumes juridiques. Le droit autochtone précolonial est issu de ces systèmes juridiques distincts.
    Nous allons nous assurer que cet extrait vous parvienne, mais c'est exactement ce dont parlait le chef Morrison plus tôt, et ce que reflètent les propos du juge de la Cour supérieure, le juge Perell, qui a porté cela au niveau supérieur. Nous devons tous en venir là, n'est-ce pas?

  (1920)  

    Je pense que le moment est venu de le faire, monsieur Viersen.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Damoff, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Falconer, c'est bon de vous revoir. Vous avez témoigné devant le comité de la sécurité publique dans le cadre de notre étude sur le racisme au sein des forces de l'ordre.
    Chef Morrison, je tiens à vous féliciter, vous et le service de police de la nation Nishnawbe Aski, pour le travail extraordinaire que vous faites. Vous êtes vraiment un exemple à suivre pour tout le pays.
    En décrivant les problèmes auxquels vous faites face, je sais que vous nous avez expliqué pourquoi le ministre Blair s'est vu confier la tâche, en collaboration avec le ministre Miller, de faire du maintien de l'ordre un service essentiel, et vous avez raison de dire que cela ne se fera pas du jour au lendemain.
    Vous êtes aussi président de l'Indigenous Police Chiefs of Ontario. La situation devient compliquée pour ce qui est des compétences fédérales et provinciales. L'entente tripartite prévoit, si je ne m'abuse, que 52 % du financement vient du fédéral et 48 %, du provincial.
    Nous allons nous servir de l'Ontario comme exemple. Il faut que l'Ontario vienne s'asseoir à la table. En tant que président des chefs de police, y a-t-il des discussions en cours à l'heure actuelle avec les gouvernements fédéral et provincial sur la façon de moderniser ces ententes?
    Oui. Nous avons des discussions en cours avec l'Indigenous Police Chiefs of Ontario, et nous en avons avec les deux échelons de gouvernement, et nous pouvons soumettre des problèmes qui nous préoccupent et qui, à notre avis, doivent être réglés.
    Je vais vous donner un exemple qui concerne la modernisation des services de police ici en Ontario en ce moment. Le Service de police des Six Nations et Akwesasne utilisent un système de rapports appelé, je crois, Interpol.
    Pour être au fait des activités du ministère du Procureur général dans le cadre de la modernisation de son système judiciaire, les services de police doivent avoir accès à un système de gestion des dossiers appelé Niche. Tout se trouve dans Niche. Toutefois, les Six Nations et Akwesasne ne pourront pas se moderniser, parce que comme M. Falconer l'a mentionné un peu plus tôt, on leur remet un chèque en leur disant que c'est ce que prévoit l'entente. Pour se moderniser, il leur en coûtera des centaines de milliers de dollars.
    Le problème est...
    Ils n'ont pas l'argent pour le faire.
    C'est exact. Leurs budgets sont établis.
    En Ontario, le gouvernement provincial est très coopératif en nous permettant d'avoir accès aux ressources financières nécessaires pour procéder aux changements. Les discussions avec l'Ontario sont très positives.
    J'aimerais beaucoup dire que...
    C'est notamment parce que vous vous êtes montrés inflexibles. Des gens sont morts en détention parce que vous n'aviez pas un endroit adéquat pour les loger.
    Si vous n'aviez pas en quelque sorte tracé une ligne dans le sable — et M. Falconer l'a expliqué un peu plus tôt —, vous ne seriez pas dans la position où vous êtes... Vous avez dit essentiellement que vous n'accepteriez plus cela pour vos gens, n'est-ce pas?
    Oui.
    Si ce n'était pas de la mort de Ricardo Wesley et de Jamie Goodwin à Kashechewan en 2006, si cette tragédie ne s'était pas produite, quelles améliorations auraient été apportées aux services de police de la nation Nishnawbe Aski?
     Il est terrible qu'il ait fallu que deux personnes meurent pour que des changements soient apportés.
    Je sais que mon collègue, M. Powlowski, veut poser une question, car il prend très à cœur tout ce qui touche à la nation Nishnawbe Aski.
    Monsieur Powlowski, je vous cède la parole.
    Je vous remercie, chef Morrison, et monsieur Falconer.
    Monsieur Falconer et chef Morrison, vous avez parlé des services limités que le service de police de Nishnawbe Aski peut offrir en raison des modalités du Programme des services de police des Premières Nations.
    Vous avez aussi mentionné qu'une modification sera apportée, je crois, à la Loi sur les services policiers de l'Ontario qui vous permettrait de devenir une force de police comme les autres. Est-ce que cela éliminerait ce qui vous empêche d'offrir le même niveau de services que le service de police de Thunder Bay? Est-ce la solution pour vous?
    Oui, exactement. Il y a des normes dans la loi en Ontario, alors si on n'atteint pas ces normes, on peut faire une demande de financement pour pouvoir les atteindre.
    C'est pourquoi lorsque la loi ici en Ontario sera prête, en janvier 2022 à ce qu'on nous a dit, nous allons présenter une demande pour participer, afin de pouvoir obtenir les ressources pour nous doter d'un service de police qui offre tous les services que méritent d'avoir les membres de la nation Nishnawbe Aski.

  (1925)  

    Je vous remercie.
    La Loi sur les services policiers de l'Ontario exige la mise en place de services de police adéquats et efficaces.
    Nous passons maintenant à Mme Bérubé pendant deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    On parle justement de budget. Le gouvernement a proposé 860 millions de dollars sur cinq ans et 145 millions de dollars par la suite.
    Êtes-vous satisfait du budget?
    Cela va-t-il régler certains des problèmes financiers dont vous parliez tantôt?

[Traduction]

    Lorsque des sommes sont réservées pour les services de police des Premières Nations, pour tous les services au Canada, cela veut dire que nous devons nous battre entre nous pour obtenir cet argent. En Ontario, dans le nord-ouest de l'Ontario, nous avons le service de police de Lac Seul, qui compte 11 policiers. La répartition du financement ne sera pas juste, alors que cela devrait l'être. On doit s'assurer que chaque service de police peut offrir les mêmes services pour répondre aux besoins de sa population.
    Nous sommes reconnaissants de recevoir cet argent, mais quand on regarde la loi, les fonds pour la prestation des programmes devraient être inclus dans notre financement, et cela devrait être prévu dans la loi. Pourtant, dans les faits, nous devons encore nous battre entre nous — ce qui crée de la discorde — pour avoir accès à ces fonds.
    Aujourd'hui, j'ai informé les chefs de la nation Nishnawbe Aski — nous avons une conférence téléphonique toutes les deux semaines — des détails concernant les fonds qui ont été annoncés, et du fait que les communautés doivent présenter des demandes également pour les programmes, afin d'obtenir l'aide et les services complémentaires pour assurer la sécurité de leurs communautés.
    Cela ne devrait pas être ainsi, mais c'est ce que les communautés doivent faire. Elles ont des gardiens de la paix, parce que nous n'avons pas suffisamment de financement pour embaucher beaucoup d'agents dans bon nombre de nos communautés.
    C'est un excellent budget. Il aidera nos communautés; toutefois, il faut que le financement soit permanent. Actuellement, il est prévu pour cinq ans, mais que se passera-t-il après?
    Je vous remercie, chef.
    Madame Blaney, vous avez le mot de la fin.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse au chef Morrison.
    Vous avez parlé des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et des conséquences liées au manque de financement. Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec les ressources limitées dont vous disposez pour offrir des services aux victimes. J'aimerais savoir si vous pourriez nous en parler, et nous parler de l'adaptation culturelle nécessaire dans votre cas par rapport à une force de police extérieure.
     Sur le territoire de la nation Nishnawbe Aski, nous avons différentes cultures. Dans le nord-ouest, nous avons la culture des Ojibways. Plus au centre, au nord de Thunder Bay et vers la baie James, nous avons la culture des Oji-Cris. Enfin, sur la côte est de la baie James, nous avons la culture des Cris Muskego. Ce sont des gens qui ont des cultures, des valeurs et des traditions différentes.
    Dans le cadre du programme d'aide aux survivants, nous avons voulu avoir des gens de nos communautés, qui parlent les langues et qui peuvent travailler avec nos victimes. Nous avons affiché des postes de travailleuses sociales. Après les traumatismes qu'elles avaient vécus, ces victimes voulaient-elles continuer à parler à des agents de police? Nous avons été créatifs. Nous voulions embaucher des travailleuses sociales pour travailler directement avec nos victimes.
    Malheureusement, même si cela a été bénéfique... Nous avons été heureux de recevoir ce financement, mais c'était pour une année, alors nous avons un programme pour aider nos victimes pendant un an, puis nous devons présenter une nouvelle demande. C'est triste. C'est triste d'avoir à procéder de cette façon, surtout lorsqu'on regarde les recommandations de l'enquête et l'engagement d'assurer la prestation des services pour répondre aux besoins. Nous sommes un service de police qui sert 34 communautés et une population de près de 40 000 personnes, et nous avons obtenu du financement pour embaucher trois personnes. On est loin, très loin, du compte.

  (1930)  

    Après un an, je présume que le problème ne sera pas réglé.
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je remercie chacun d'entre vous.
    Le temps est notre ennemi. C'est une discussion très intéressante, et avant tout, fort importante.
    Tous les documents dont vous avez parlé seront intégrés à votre témoignage. Soyez-en assurés.
    Nous devons suspendre la séance un moment, et je vais vous demander de quitter la séance et de revenir tout de suite pour la séance à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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