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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 9 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Français]

     Bonjour chers collègues, soyez les bienvenus à la 19 réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Conformément à la motion adoptée le 31 janvier, le Comité se réunit ce matin dans le cadre de son étude sur l'équité vaccinale et les droits de propriété intellectuelle.

[Français]

    Comme d'habitude, des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion. Il suffit de cliquer sur l'icône du globe au bas de votre écran pour sélectionner une langue. Les députés qui participent à la réunion en personne doivent garder à l'esprit les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque ainsi que les protocoles en matière de santé.

[Traduction]

    Je tiens à profiter de l'occasion pour rappeler aux participants qu'il est interdit de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de leur écran.

[Français]

    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et de façon claire. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre micro en mode sourdine. Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.

[Traduction]

    Chers collègues, j'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins du premier groupe, qui sont de retour devant le Comité. Je les remercie d'avoir accepté de revenir.
    Nous accueillons aujourd'hui Benjamin Juan Carlos Blanco Ferri, vice-ministre, Commerce extérieur et intégration, du ministère des Affaires étrangères de l'État plurinational de Bolivie.

[Français]

    De Médecins sans frontières, nous accueillons le Dr Adam Houston, chargé du plaidoyer et des politiques médicales, ainsi que le Dr Jason Nickerson, le représentant humanitaire au Canada.

[Traduction]

     [Le président s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Monsieur le vice-ministre, bienvenue au Comité. Vous disposez de cinq minutes pour votre intervention.
    [Traduction]
    Monsieur le vice-ministre, nous allons maintenant écouter votre déclaration préliminaire.
     [Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour, distingués membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    J'aimerais d'abord vous remercier de me donner l'occasion de parler, au nom de mon pays, de l'énorme injustice que les pays moins développés ont subie en ce qui concerne la distribution des vaccins.
    Je vous remercie de votre compréhension et d'avoir reporté cette comparution à la suite du décès de mon père.
    Dans la première phase de la pandémie de COVID‑19, les vaccins n'étaient pas accessibles pour tous. Ceux qui en bénéficiaient étaient les pays ayant le plus grand pouvoir d'achat, et les pays les moins développés n'avaient pas la possibilité d'obtenir des vaccins afin de protéger la vie des gens.
    Pour ce qui est de la couverture vaccinale, vu l'intérêt mondial, les vaccins sont devenus un bien commercial comme les autres, limitant ainsi l'accès à ce qui aurait dû être un bien public. Il semble qu'il y ait des citoyens de première et de deuxième classe, ainsi que des gens qui n'ont pas droit à la santé ou aux vaccins.
    L'initiative COVAX a été créée dans le but de favoriser une distribution équitable, mais nous savons que les résultats de ce programme n'ont pas été ceux que nous espérions, et encore aujourd'hui, 20 % de la population mondiale sont toujours délaissés, même s'il s'agissait justement de l'objectif au début de l'année dernière. Les pays développés ont commencé à distribuer des vaccins dans le cadre du programme COVAX lorsque les vaccins en question étaient sur le point d'expirer — des vaccins presque périmés — dans des pays en développement comme le nôtre, où de nombreuses personnes vivent dans des régions rurales difficiles d'accès.
     La Bolivie a fait confiance au plan multilatéral pour faire face à la crise mondiale et a proposé d'utiliser la souplesse offerte par les licences obligatoires envisagées aux articles 31 et 31bis de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, les ADPIC.
    À cette fin, la Bolivie a travaillé avec Knowledge Ecology International, KEI, une organisation vouée à l'accès aux médicaments et aux vaccins qui possèdent des bureaux à Washington, D.C., et à Genève. KEI travaille en collaboration avec l'entreprise canadienne Biolyse Pharma, qui a la capacité de fabriquer environ 20 millions de vaccins contre la COVID‑19 par année. Donc, cette compagnie canadienne aurait pu immuniser 20 millions de personnes dans le monde si des licences obligatoires avaient été accordées.
    La Bolivie a signé un accord avec cette entreprise en mai 2021, afin de pouvoir fabriquer et importer 50 millions de vaccins à dose unique de Johnson & Johnson, une entente qui était assujettie à l'obtention d'une licence obligatoire, une exigence pour respecter les ADPIC. Un an plus tard, de nombreuses personnes sont mortes de la COVID parce que nous n'avons pas reçu les vaccins en temps opportun, même si la capacité de production existait.
    La Bolivie a entrepris le processus lié aux licences obligatoires en indiquant son intention d'importer des vaccins et a demandé au Canada de fournir, conformément à sa législation, un avis de son intention d'être un pays exportateur — une étape nécessaire —, et le Canada devait en informer l'OMC. Biolyse Pharma a son siège social au Canada, de sorte que les vaccins devaient être produits au Canada pour que le contrat fonctionne et pour que la Bolivie obtienne les 50 millions de doses dont elle avait besoin à l'époque. La volonté politique du Canada était nécessaire pour assurer l'efficacité de la licence obligatoire.

  (1110)  

     Au cours des mois de novembre et de décembre 2021, la position bolivienne a été communiquée dans le cadre de conférences de presse virtuelles et a été soutenue par la population canadienne. En effet, les 4 500 signatures obtenues ont permis d'officialiser une pétition devant la Chambre des communes du Canada. La pétition a été présentée le 15 décembre 2021 par la députée Niki Ashton du Nouveau Parti démocratique.
    Dans sa réponse officielle, le gouvernement du Canada a précisé que le Canada est membre du mécanisme COVAX pour appuyer les pays qui ont difficilement accès aux vaccins. En outre, en ce qui concerne l'Accord sur les ADPIC de l'OMC, le gouvernement canadien a mentionné qu'il continuerait de travailler en étroite collaboration avec tous les membres de l'OMC pour obtenir un résultat multilatéral fondé sur le consensus afin de régler tout problème de propriété intellectuelle lié à la COVID‑19.
    Je tiens à dire clairement que la Bolivie respecte la réponse du gouvernement du Canada. Cependant, la demande de la Bolivie n'était pas de recevoir des vaccins par l'intermédiaire du mécanisme COVAX. La Bolivie fait déjà partie du programme COVAX et a reçu quelques vaccins grâce à ce mécanisme, mais nous ne pouvions pas attendre le consensus des pays membres de l'OMC concernant la modification des normes multilatérales.
    La demande de la Bolivie était clairement et directement adressée au Canada. Il fallait seulement la volonté politique d'accorder une licence obligatoire à Biolyse Pharma. La Bolivie avait déjà conclu un contrat pour 15 millions de doses de vaccins, et elle aurait pu avoir accès à ces vaccins. C'était à l'époque où il n'y avait pas de vaccins et où les Boliviens mouraient de la COVID. L'octroi de cette licence obligatoire aurait été la preuve que le discours sur l'équité vaccinale s'accompagne de mesures concrètes.
    Il aurait pu s'agir d'une leçon importante pour les entreprises internationales qui ne s'occupent que de leurs propres intérêts économiques, plus que de la santé publique et de la vie des gens, et aux pays puissants qui ont accumulé des vaccins à l'étape la plus critique de la pandémie, en les conservant jusqu'à leur expiration, abandonnant le reste de l'humanité à son sort. Un tel comportement affaiblit le mécanisme COVAX et mine l'esprit du mécanisme en raison du manque d'accessibilité des vaccins.
    Monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir accordé ce temps et cette tribune. En guise de réflexion, je tiens simplement à dire que la pandémie de COVID‑19 a changé la vie de l'humanité. Nous avons eu des crises sociales, sanitaires et économiques, mais malheureusement, la bureaucratie et les intérêts économiques de certaines entreprises internationales n'ont pas changé. L'appât du gain et les profits l'ont emporté sur la vie des gens.
    La Bolivie espérait qu'un tel recours aux licences obligatoires constituerait une solution de rechange pour accélérer la vaccination mondiale et vaincre ensemble la pandémie de COVID‑19. Il a été démontré que, lorsqu'il est question de droits de propriété intellectuelle, le mécanisme multilatéral ne fonctionne pas et ne permet pas un accès équitable aux populations mondiales.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le vice-ministre Blanco Ferri, merci beaucoup de votre déclaration préliminaire.
    Au nom de tous les membres du Comité, je tiens à réitérer nos plus sincères condoléances et à vous remercier d'être venu nous parler de cet enjeu important en cette période difficile.
    Chers collègues, M. Houston et M. Nickerson ont présenté leur déclaration préliminaire à la dernière séance. Ils sont prêts à répondre à nos questions.
    Sur ce, je vais passer directement au premier tour.
    Mes collègues connaissent la façon de comptabiliser le temps dont dispose le Comité. Je brandis une carte lorsqu'il vous reste moins de 30 secondes pour poser vos questions ou témoigner, alors gardez un œil sur l'écran. Nous pourrons ainsi mieux gérer le temps dont nous disposons ce matin.
    La première série de questions est de six minutes. Nous allons commencer ce matin par M. Genuis, qui a six minutes.
    Allez‑y, s'il vous plaît.

  (1115)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Médecins Sans Frontières fait un travail incroyable partout dans le monde, et j'ai eu le plaisir de discuter d'un large éventail de questions avec des représentants de cette organisation.
    J'aimerais d'abord m'adresser au vice-ministre Blanco Ferri.
    Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Je suis toujours particulièrement heureux lorsque nous avons l'occasion, au comité des affaires étrangères, de discuter directement avec des dirigeants et des fonctionnaires d'autres pays.
    J'ai trouvé intéressant votre commentaire quant à savoir si nous considérons les vaccins comme un bien du marché ou un bien public.
    Il me semble que notre traitement des vaccins est un peu inhérent à certains égards. D'une part, les sociétés pharmaceutiques cherchent à obtenir une protection sur le plan de la propriété intellectuelle, comme on pourrait s'y attendre dans le cas d'un bien du marché, mais, d'un autre côté, nous avons créé des vaccins comme s'il s'agissait d'un bien public. Des subventions ont été accordées pour la mise au point de vaccins, et les fabricants de vaccins ont également été protégés par des clauses d'indemnisation.
    Nous avons déjà entendu dire au Comité que le programme COVAX comporte un mécanisme d'indemnisation grâce auquel les gens qui déposent des plaintes au sujet de préjudices causés par la vaccination peuvent être indemnisés par l'intermédiaire d'un fonds, et ce, sans égard à la responsabilité, mais l'industrie ne contribue pas à ce fonds.
    Selon moi, d'une certaine façon, l'industrie bénéficie des avantages associés aux biens du marché, c'est‑à‑dire la protection de la propriété intellectuelle, tout en voulant obtenir les avantages que procurent les biens publics, c'est‑à‑dire être à l'abri de toute responsabilité en cas de problèmes et recevoir des subventions pour la production.
    Monsieur le vice-ministre, pouvez-vous réfléchir à cette question et à si vous souscrivez ou non à la façon dont j'ai présenté les choses?
    Pourriez-vous nous parler un peu du fonctionnement des clauses d'indemnisation dans votre pays? Je crois comprendre que les pays doivent signer des accords d'indemnisation s'ils veulent avoir accès à des vaccins précis. S'ils ont des préoccupations au sujet de la structure d'indemnisation, ils ne pourront pas avoir accès aux vaccins en question. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et préciser la façon dont les choses se sont passées de votre côté?
     [Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci beaucoup de la question.
    Les vaccins contre la COVID doivent être des biens publics. Cependant, comme nous l'avons dit, ces traitements sont devenus des produits commerciaux. Bien sûr, les laboratoires ont donné la priorité aux pays qui pouvaient payer, étant donné que la production était limitée. Il faut traiter les vaccins comme des biens publics. La vaccination en Bolivie est gratuite pour les Boliviens, sans discrimination.
    En raison du système commercial multilatéral, les vaccins n'étaient pas accessibles pour les pays moins développés en raison de leur coût. L'achat de vaccins était problématique pour la Bolivie, qui doit être en mesure de répondre aux demandes de ses citoyens concernant les vaccins et de leur fournir des vaccins. Dans le système actuel fondé sur des entreprises internationales, nous n'avons pas pu fournir de tels services. Nous avons dû signer un contrat, sinon nous n'aurions pas pu obtenir de vaccins. La situation était difficile.
    Ces vaccins devraient être considérés — comme nous les considérons — comme des biens publics. Le système actuel nous a empêchés d'obtenir des vaccins sans conclure de contrat avec ces pays. Certains fournisseurs ont parlé d'avoir un contrat. D'autres ont parlé des accords précédents. Il n'a pas été possible de conclure des ententes avec ces entreprises.
    Grâce au programme COVAX, nous avons reçu des vaccins de Pfizer. Nous avons dû conclure une entente avec le mécanisme COVAX, et c'est ainsi que nous avons obtenu des vaccins de Pfizer. Nous ne pouvions pas signer d'ententes bilatérales directement avec les producteurs, car cela aurait compromis nos obligations et nos capacités constitutionnelles.

  (1120)  

    Gracias.
    Merci beaucoup, monsieur Genuis. Vous êtes rendu à six minutes et demie. Nous allons devoir nous arrêter ici puisque notre temps est limité. Pardonnez-moi.
    Allez‑y, monsieur Sarai. Vous avez six minutes.
    Monsieur Blanco Ferri, je tiens à nouveau à vous présenter mes condoléances à la suite du décès de votre père. Merci d'être revenu.
    Ma question s'adresse à Médecins Sans Frontières. Monsieur Nickerson, vous pourrez peut-être y répondre.
    En novembre 2021, CARE International a souligné, dans un document d'information, qu'il existait un « écart entre les sexes » dans les taux de vaccination contre la COVID‑19 des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Selon l'organisme, dans 22 des 24 pays où CARE mène des activités, les femmes sont moins susceptibles que les hommes d'être vaccinées et de faire confiance aux vaccins. De plus, comme 70 % des travailleurs de la santé dans le monde sont des femmes, elles sont plus susceptibles que les hommes d'être exposées à la COVID‑19.
    Pourquoi les femmes dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont-elles moins susceptibles que les hommes d'être vaccinées?
    Malheureusement, je ne peux pas parler précisément du rapport de CARE parce qu'il s'agit de leurs données et de leurs analyses.
    Ce que je peux vous dire, d'après ce que nous avons vu tout au long de la pandémie de COVID‑19, c'est que c'est très semblable et que, de toute évidence, il y a eu des répercussions différenciées selon le sexe dans bon nombre des endroits où nous travaillons. Par exemple, au début de la pandémie, de nombreux services de santé ont été suspendus, soit parce que des ressources ont été réaffectées à la réponse à la COVID‑19, soit — et nous l'avons constaté encore une fois tout au long de la pandémie — parce que le personnel de santé est malade, infecté ou a été exposé à la COVID‑19, ce qui a entraîné la fermeture de nombreux établissements de santé, la suspension des activités de santé et ainsi de suite. Par conséquent, tout au long de la pandémie, nous avons constaté des répercussions importantes sur les femmes, la santé des femmes et les programmes de santé à leur intention.
    Pour ce qui est précisément de la vaccination contre la COVID‑19, je ne crois pas que nous ayons de données à ce sujet dans le cadre de nos programmes, mais je me ferai un plaisir d'examiner la question et d'en faire part au Comité.
    Savez-vous comment nous pouvons éliminer certains de ces obstacles, éliminer l'hésitation des femmes dans ces pays?
    Oui, absolument.
    Dans le cadre de nos programmes, tout ce que nous faisons est fondé sur une évaluation des besoins. Nous sommes une organisation impartiale. Nous fournissons une aide médicale uniquement en fonction des besoins. L'évaluation des besoins est le point de départ fondamental de toutes les interventions médicales que nous effectuons, car il faut comprendre quels sont les besoins en matière de santé d'une collectivité, quelles sont ses priorités et comment nous pouvons le mieux y répondre. Une partie de l'évaluation des besoins consiste, bien sûr, à examiner l'accès aux soins de santé et à comprendre certains des obstacles à l'accès, ce qu'on peut faire de différentes façons.
    Nous allons dans les établissements de santé et nous regardons qui fait la queue. Y a‑t‑il une différence claire entre les sexes dans l'accès aux services de santé? Nous discutons avec les collectivités pour comprendre les obstacles précis auxquels sont confrontés les hommes, les femmes, les garçons et les filles. Nous examinons un certain nombre de facteurs différents. Un élément clé de nos activités consiste bien sûr à cibler les programmes afin de répondre aux besoins des différentes collectivités et, souvent, à tenir compte des obstacles structurels auxquels différentes populations peuvent être confrontées. Nos efforts sont très nuancés et adaptés précisément en fonction des collectivités, des pays et des populations, par exemple. Il n'y a pas de modèle universel, et il faut intégrer tout cela au processus d'évaluation des besoins et de conception des interventions.

  (1125)  

    Merci.
    Monsieur le vice-ministre Ferri, selon notre projet mondial de données de l'Université d'Oxford, 61 % de la population bolivienne a reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID‑19.
    De quelle façon le gouvernement bolivien a‑t‑il fait l'acquisition des doses de vaccin contre la COVID‑19 qu'il a administrées jusqu'à maintenant et où les a‑t‑il obtenues?
     [Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci beaucoup de vos questions.
    Nous avons reçu des vaccins de différentes sources. En janvier 2021, nous avons commencé à recevoir des vaccins de la Russie et de la Chine. Nous l'avons fait au moyen d'un accord bilatéral avec les chefs d'État concernés, et il y avait une grande volonté politique afin de faciliter l'envoi de vaccins en Bolivie, pour la population vulnérable et pour la population en général.
    Par la suite, nous avons reçu des vaccins de pays comme le Mexique et l'Argentine — ce sont aussi des pays en développement — et nous avons reçu d'autres vaccins par l'intermédiaire du mécanisme COVAX, de sorte que les ententes bilatérales ont été un mécanisme important pour obtenir nos vaccins. Bon nombre des vaccins que nous avons reçus ont été fournis gratuitement, mais leur durée de conservation était très courte, et ils ont commencé à expirer en août 2021.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    Merci beaucoup, monsieur Sarai.
    Nous allons devoir nous arrêter ici, car notre temps est limité.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    J'aimerais poursuivre sur la question qui a été posée par M. Sarai.
    La réponse que nous a donnée M. Ferri illustre qu'il arrive que, par négligence, les pays occidentaux jettent des pays en développement dans les bras de la Russie et de la Chine, ce qui est extrêmement malheureux, d'autant plus qu'on n'a aucune véritable indication quant à l'efficacité réelle des vaccins chinois et russes. J'aurais donc le goût de poser à M. Ferri deux questions.
    Premièrement, selon vous, qu'est-ce qui explique que le mécanisme du Régime canadien d'accès aux médicaments n'ait pas bien fonctionné pour vous permettre d'obtenir rapidement des vaccins par l'intermédiaire de Biolyse Pharma?
    Deuxièmement, avez-vous eu des échanges avec le gouvernement canadien pour pouvoir bénéficier, sur une base bilatérale ou par l'entremise du COVAX, des doses supplémentaires que le Canada proposait de donner aux pays en développement?

[Traduction]

     [Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci beaucoup de la question.
    Nous avons reçu beaucoup de vaccins dans le cadre du programme COVAX, qui redistribue les vaccins qui lui sont donnés. Nous avons reçu des approvisionnements directs de vaccins de tous les pays qui les offraient. Nous n'avons reçu aucun vaccin du Canada, que ce soit dans le cadre du programme COVAX ou directement du Canada grâce à un arrangement bilatéral. Pour ce qui est des dons du Mexique ou de l'Argentine, cet approvisionnement ne faisait pas partie du mécanisme COVAX. Dans le cadre du programme COVAX, nous n'avons reçu aucun vaccin du Canada.
    Maintenant, grâce à l'ambassade du Canada, nous avons d'excellentes relations avec le Canada. Cependant, nous n'avons reçu aucun vaccin dans le cadre du programme COVAX ou en vertu d'ententes bilatérales.

  (1130)  

[Français]

    Merci.
    Par contre, on ne comprend toujours pas ce qui a bien pu ne pas fonctionner du côté du Régime canadien d'accès aux médicaments. Quoi qu'il en soit, on aura très certainement l'occasion d'approfondir cette question ultérieurement.
    J'aimerais poser mon autre question aux représentants de Médecins sans frontières. Selon un rapport de Médecins sans frontières publié le 26 avril dernier, le Canada doit se positionner en faveur de la dérogation des accords sur la propriété intellectuelle. Or, depuis un certain nombre de semaines, nous avons des échos divergents.
    M. Joshua Tabah, directeur général de la section Santé et nutrition à Affaires mondiales Canada, le 21 mars dernier, est venu nous dire que le problème n'était plus tant un problème d'offre, mais un problème de demande. Il semble qu'il y ait des problèmes concernant la réception des vaccins disponibles du côté des pays en développement. Peut-être que M. Ferri voudra également commenter ce commentaire de M. Tabah.
    Le 25 avril dernier, nous avons reçu M. Seth Berkley, de l'organisme Gavi, qui gère l'initiative COVAX. Il est venu nous dire que, même si on devait lever les restrictions sur les brevets, cela ne faciliterait pas nécessairement la délocalisation de la fabrication dans les pays en développement, puisqu'il y aurait un problème de capacité, non seulement sur le plan industriel, mais également sur le plan des connaissances.
    Comment réagissez-vous à ces évaluations selon lesquelles la levée des restrictions concernant les accords sur la propriété intellectuelle ne réglerait pas nécessairement les problèmes, puisqu'on est dans une autre phase de la situation?

[Traduction]

    Merci de votre question. Je vais répondre rapidement parce que je pense que vous vouliez aussi que M. Ferri réponde.
    Il y a deux ou trois choses.
    Tout d'abord, je dirais que notre position a toujours été que l'élimination des obstacles liés à la propriété intellectuelle faisait partie de la solution. Je pense qu'il a toujours été clair que régler la question des brevets ne serait jamais tout à fait suffisant. Nous avons toujours dit que, en plus de cela, il fallait assurer un transfert de technologie efficace aux fabricants dans les pays à faible et à moyen revenu. Je pense également que, de toute évidence, les pays ont la capacité de produire des vaccins s'ils ont le droit légal de le faire et si la technologie leur est transférée avec le savoir-faire manufacturier et tout le reste.
    Je conviens — et nous l'avons dit dans notre déclaration également — que nous sommes dans une phase différente de la pandémie, où l'offre n'est plus le principal enjeu, mais c'est relativement récent. Nous avons aussi toujours dit depuis le début que, ce dont les pays avaient besoin, c'était d'un approvisionnement stable et prévisible en vaccins.
    Nous travaillons dans environ 70 pays dans le monde et nous réalisons des campagnes et des activités liées à la vaccination dans de nombreux pays à faible revenu. Nous savons qu'il est difficile de mener ne serait‑ce que des campagnes de vaccination de base dans des situations difficiles. Il était connu que les systèmes de santé sous-financés allaient toujours avoir de la difficulté à accélérer leurs campagnes de vaccination, mais la solution consistait à rendre les vaccins accessibles de façon équitable et tout au long de la pandémie, de manière à ce que les pays aient la capacité d'intensifier leurs activités de vaccination et de les planifier et de les mettre en œuvre.

  (1135)  

    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Nous passons à vous, madame McPherson. Vous avez six minutes.
    J'aimerais également faire écho aux observations de notre président et exprimer mes condoléances au vice-ministre Blanco Ferri.
    J'aimerais commencer par vous poser quelques questions, monsieur le vice-ministre, dans la foulée de ce qu'a dit mon collègue, M. Bergeron.
    Vous avez tenté d'obtenir une licence ainsi que des vaccins pour la population de la Bolivie par l'intermédiaire du Régime canadien d'accès aux médicaments. Pouvez-vous nous parler un peu des obstacles que vous avez rencontrés? Je sais que vous en avez parlé, mais je veux que nous comprenions tous très clairement qu'il s'agit d'un système défaillant et que vous n'avez pas pu utiliser le RCAM. Comment pouvons-nous nous assurer que ce problème sera réglé dans le cadre des futures pandémies?
    Pouvez-vous nous parler des obstacles auxquels vous avez été confrontés et nous dire si vous recommanderiez à un autre pays de procéder de cette façon? De plus, que peut‑on faire pour améliorer le processus du RCAM, le Régime canadien d'accès aux médicaments?
    [Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci beaucoup.
    Nous avons entrepris le processus lié aux licences obligatoires, qui fait partie de la norme multilatérale, en vertu de l'Accord sur les ADPIC. L'accord prévoit ce genre de crise mondiale, ce genre d'urgence, et il y a donc un processus lié aux licences obligatoires et un processus lié aux licences volontaires.
    La Bolivie, en collaboration avec cette société pharmaceutique ayant son siège au Canada, Biolyse Pharma… La première chose qui a été faite, c'était de voir s'il était possible de produire des vaccins pour nous. L'entreprise a d'abord essayé d'obtenir une licence volontaire, pour voir si elle pouvait l'obtenir sans faire intervenir plus de bureaucratie, parce que nous étions en pleine crise mondiale. L'entreprise n'a pas pu obtenir cette licence directement de Johnson & Johnson, qui ne lui a pas répondu, alors nous avons opté pour une licence obligatoire. C'est le deuxième mécanisme de l'Accord sur les ADPIC de l'Organisation mondiale du commerce.
    Dans le cadre de ce processus, il faut une volonté politique de la part du pays importateur et du pays exportateur. Dans le cas de la Bolivie, nous n'avions pas la capacité à l'époque de produire nos propres vaccins, alors nous avons dû communiquer avec cette entreprise canadienne.
    En tant que pays importateur, nous avons avisé l'OMC, comme le prévoient les exigences. Nous avons dit que nous avions présenté une telle demande et que nous savions tous que la pandémie est un problème mondial et que ce mécanisme devrait s'appliquer. Cependant, selon la deuxième partie du mécanisme, le pays exportateur doit également faire connaître son intention d'exporter sa production en vertu du programme des licences obligatoires. Le Canada devait inclure les vaccins contre la COVID dans une annexe des produits visés par les licences obligatoires. C'est pourquoi nous avons demandé au Canada d'inclure les vaccins contre la COVID dans cette annexe, ce qui aurait permis à Biolyse Pharma de produire 15 millions de doses pour la Bolivie.
    Nous avions déjà négocié le prix avec Biolyse Pharma. La seule chose qui nous manquait, c'était la licence. C'était au Canada d'aviser l'OMC que les vaccins pouvaient être exportés de son pays. C'est là que nous avons eu des difficultés. Comme je l'ai mentionné durant les conférences de presse, nous avons reçu l'appui des Canadiens. Nous avons recueilli 4 500 signatures. Il y a eu une pétition à la Chambre des communes. Toutefois, la réponse du gouvernement a été différente. Les représentants ont dit qu'ils travaillaient avec le programme COVAX et que, dans le cadre de l'OMC, ils continueraient de travailler avec tous les pays, mais ils ne nous ont pas dit s'ils exporteraient les vaccins de Biolyse Pharma.
    Essentiellement, cela n'a pas été possible. Nous attendons cette autorisation depuis plus d'un an, et la Bolivie… Je vais me faire l'écho de ce qu'a dit le représentant de Médecins Sans Frontières. Le problème de l'approvisionnement, c'était l'année dernière, lorsque nous n'avions pas un accès direct aux vaccins. Des pays comme la Bolivie n'avaient pas de vaccins. À l'avenir, lorsque ce type de pandémie ou d'urgence se produit, il est important de pouvoir modifier ces processus. Les normes nationales ne devraient pas créer d'obstacles bureaucratiques.

  (1140)  

    Je suis désolée de vous interrompre. Il me reste seulement quelques secondes, et je voulais préciser qu'il s'agissait d'un manque de volonté politique. Biolyse pouvait produire le vaccin sans transfert de technologie. Le seul obstacle tenait à la propriété intellectuelle.
    Je veux que ce soit très clair: le gouvernement n'a pas accordé ce pouvoir. Il n'a pas affiché la volonté politique nécessaire.
    Est‑ce exact?
    [Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Oui, c'est exact. Il n'y avait pas suffisamment de volonté politique en faveur de la licence obligatoire, ce qui aurait permis à la Bolivie de recevoir 15 millions de doses de vaccins. Biolyse Pharma était prête à les produire. Nous avons signé un contrat avec elle. La seule chose qui manquait, c'était l'autorisation du gouvernement canadien, ce que nous n'avons toujours pas, un an plus tard.
    Je suis vraiment désolée que des gens soient morts à cause de notre échec.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame McPherson et monsieur le vice-ministre Blanco Ferri.
    Chers collègues, cela nous amène à la fin de la période prévue pour ce groupe de témoins. Il y a un second groupe de témoins qui attendent de nous parler. Nous avons également prévu du temps à la fin de la réunion pour discuter des instructions de rédaction du rapport sur notre étude, ce qui est essentiel pour réussir à publier un rapport avant la pause.
    Avec l'accord du Comité, j'aimerais remercier les témoins du premier groupe d'être venus.
    Monsieur le vice-ministre Blanco Ferri, monsieur Nickerson et monsieur Houston, je vous remercie tous de votre temps, de votre expertise et du travail que vous faites. Nous allons vous laisser vous déconnecter, puis nous passerons à notre second groupe de témoins.
    Nous allons suspendre brièvement la séance.

  (1140)  


  (1140)  

[Français]

     J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins du deuxième groupe de témoins.
    Ce matin, nous accueillons M. Marc-André Gagnon, professeur agrégé de l'École d'administration et de politique de l'Université Carleton, ainsi que le Dr Madhukar Pai, président de la recherche du Canada en épidémiologie et en santé mondiale à l'Université McGill.

[Traduction]

    Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes pour présenter un exposé. Ensuite, nous passerons aux questions des députés.
    Pour la gouverne de nos témoins, je signale manuellement lorsqu'il vous reste 30 secondes pour répondre à une question ou témoigner. Veuillez garder un œil sur cette carte aux fins de gestion du temps.
    Nous allons commencer.

[Français]

    Professeur Gagnon, je vous invite à commencer votre allocution d'ouverture.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie de votre invitation.
    Mon intervention portera sur la propriété intellectuelle entourant les vaccins contre la COVID‑19, ainsi que sur les façons de revoir les structures institutionnelles afin d'assurer une production manufacturière vaccinale plus rapide et équitable au Canada et à l'étranger en temps de pandémie, pas seulement de COVID‑19.
    J'ai plus de 150 publications à mon actif et je me spécialise en économie politique dans le secteur pharmaceutique. Mis à part mon rôle de témoin expert pour Justice Canada dans le cadre d'un procès sur la régulation des prix des médicaments brevetés mené en 2020 à la Cour supérieure du Québec, je n'ai aucun conflit d'intérêts à déclarer.
    Il y a un an, j'ai témoigné au Comité permanent du commerce international sur la question de la suspension de certaines dispositions de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC, concernant les technologies liées à la COVID‑19. Plus d'un an plus tard, je viens discuter du même sujet.
    Comme il y a un an, je me permets de rappeler que, au début la pandémie de la COVID‑19, il était impressionnant de voir des chercheurs de partout dans le monde collaborer selon les principes de la science ouverte en échangeant systématiquement les données de recherche, que ce soit pour séquencer le génome du virus, suivre son évolution et ses variations ou pour produire du matériel de protection et de détection.
    En mai 2020, l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, mettait sur pied le C‑TAP, soit le COVID-19 Technology Access Pool, fondé sur les principes de la science ouverte, pour favoriser l'échange et le transfert de l'expertise et des savoirs liés aux technologies permettant de combattre la COVID‑19.
    Le Medicines Patent Pool, ou MPP, financé par Unitaid, a aussi élargi son mandat pour permettre le partage volontaire des brevets liés à la COVID‑19.
    Au départ, nous croyions nous diriger vers un effort scientifique axé sur la collaboration technologique et l'échange de données afin que chaque pays puisse maximiser son effort de guerre contre la COVID‑19. Malheureusement, les vieux réflexes de la science propriétaire des brevets, des secrets commerciaux et des monopoles technologiques ont vite repris le dessus. Aucune entreprise n'a encore accepté de faire connaître ses technologies vaccinales au C‑TAP ou au MPP. Chaque entreprise travaille plutôt de façon cloisonnée dans le but de maximiser ses revenus futurs. Par exemple, les entreprises propriétaires de vaccins ont généralement fait preuve d'une très grande réticence à négocier des accords de licence pour permettre une augmentation de la production.
    La science ouverte et la mise en commun des brevets constitueraient les moyens les plus efficaces et les plus équitables d'optimiser la production et la distribution de vaccins en temps de pandémie. La dynamique du nationalisme vaccinal qui oppose les pays les uns aux autres au moment de s'approvisionner chez les entreprises détentrices de brevets permet à ces dernières de maximiser leurs revenus en créant artificiellement de la rareté dans les technologies essentielles à la santé publique internationale. Il y a deux semaines, en réponse à la demande de la République dominicaine de recourir à des licences obligatoires pour le Paxlovid, qui n'est pas un vaccin, mais un traitement, Pfizer a fait valoir en cours que le respect de sa propriété intellectuelle était un droit de la personne. C'est de la foutaise.
    Comprenez-moi bien, les brevets sont un moyen parmi d'autres pour [difficultés techniques] recherche-développement et, dans certaines circonstances, ils sont extrêmement utiles. Par définition et par leur nature, les brevets existent pour encourager les innovations à long terme en ralentissant la diffusion des innovations à court terme. En temps de pandémie ou d'urgence sanitaire, ce moyen est donc contre-productif et devient un obstacle pour la santé publique internationale. Il existe d'autres moyens d'accélérer le développement de nouvelles technologies. En éliminant les risques inhérents aux investissements privés, les subventions publiques et les garanties de marché ont notamment représenté des incitatifs essentiels au développement de vaccins contre la COVID‑19.
    Dans un tel contexte, les brevets sont devenus superflus, et même nuisibles au développement et à l'accessibilité des nouvelles technologies. Même si les gouvernements ont investi des dizaines de milliards de dollars dans l'élaboration des vaccins, on continue de trouver normal que les vaccins restent entièrement monopolisés par le secteur privé. Maintenir les brevets permet simplement d'accroître le rendement pour les actionnaires en créant artificiellement de la rareté. Rappelons qu'en 2021, Pfizer a doublé ses revenus grâce à son vaccin et a triplé ses profits. De plus, l'entreprise prévoit augmenter encore ses revenus de 25 % en 2022.
    À chaque urgence sanitaire ou pandémie, et pas seulement de COVID‑19, il faudrait suspendre certaines dispositions de l'Accord sur les ADPIC pour les technologies pertinentes et recourir à d'autres moyens pour encourager l'innovation et le développement de technologies. En Afrique du Sud, par exemple, on a dû faire de l'ingénierie inverse sur le vaccin de Moderna, sans aide technique de la part de l'entreprise. Il a donc fallu plusieurs mois supplémentaires pour développer un vaccin similaire à celui de Moderna. On a réussi à développer un vaccin à ARN messager contre la COVID‑19 avant même la vague du variant Omicron. Toutefois, puisque le détenteur de brevets Moderna refuse de diffuser ses données, l'Afrique du Sud doit produire ses propres essais cliniques pour obtenir les approbations nécessaires. Il faudra attendre plusieurs mois après la vague du variant Omicron pour que le vaccin soit distribué.
    Comme vous avez parlé des débats sur la dérogation à certaines dispositions de l'Accord sur les ADPIC, je sauterai cette section.

  (1145)  

     En conclusion, le Canada doit cesser de faire partie du problème. Il faut inscrire dès maintenant les produits de santé contre la COVID‑19 sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets. Il faut appuyer dès maintenant une dérogation à l'Accord sur les ADPIC pour tous les produits contre la COVID‑19 et s'assurer qu'une telle suspension pourra être enclenchée facilement pour toute autre pandémie.
    Finalement, il faut encourager dès maintenant les initiatives pour permettre un partage des technologies en science ouverte pour tous les produits contre la COVID‑19 et pour toute recherche en santé où la science propriétaire est devenue un obstacle à la santé publique.
    Je compte sur le Canada pour qu'il se place du bon côté de l'histoire en temps de pandémie. Malheureusement, jusqu'à maintenant, j'ai été extrêmement déçu.
    Je suis disponible pour répondre à vos questions.

  (1150)  

    Merci beaucoup, professeur Gagnon, de votre comparution et de votre allocution d'ouverture, ce matin.

[Traduction]

    Je cède maintenant la parole au Dr Pai pour une déclaration préliminaire de cinq minutes. Vous avez la parole, monsieur.
    Merci beaucoup de m'avoir invité. J'aimerais parler de l'importance cruciale de l'autosuffisance en matière de production de vaccins dans tous les cas.
    Tout d'abord, je tiens à souligner que l'an dernier, à pareille époque, j'ai eu la grande chance de me faire vacciner ici, à Montréal. Je suis extrêmement reconnaissant envers le Canada d'avoir mis le vaccin à notre disposition à tous. Au même moment, l'Inde traversait la crise catastrophique de la vague du variant Delta. J'avais de la difficulté à concilier les deux mondes dans lesquels je vivais, puisque ma famille et moi, et même mon enfant, avions facilement accès aux vaccins ici, mais mes amis, ma famille, mes frères, mes sœurs et tout le monde en Inde vivaient de grandes difficultés. En fait, la vague du variant Delta a fait des ravages dans ce pays non vacciné. Au bout du compte, l'OMS vient d'estimer que l'Inde pourrait avoir perdu 4,7 millions de personnes en deux ans.
    Je ne saurais décrire la dévastation. Je suis encore traumatisé d'avoir vu tant de gens mourir. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre que nous laissions le virus dévaster un pays après l'autre. Laisser le virus ravager le monde est une très mauvaise stratégie, et au moins 15 millions de vies ont été perdues. Nous devons faire mieux.
    Aujourd'hui, l'Inde se trouve dans une bien meilleure situation. Pourquoi? Premièrement, l'Inde fabrique ses propres vaccins. Deuxièmement, le pays a vacciné la plupart de ses habitants, qui ont reçu au moins deux doses. Pourquoi tous les pays du monde n'auraient-ils pas le même accès dans cette crise catastrophique que nous vivons?
    Seulement 16 % de la population des pays à faible revenu ont reçu même une seule dose. Ma province, le Québec, vient de mettre une quatrième dose à ma disposition et à celle de toute personne âgée de plus de 18 ans, mais je suis consterné que près de 3 milliards de personnes dans le monde n'aient reçu pas même une seule dose de vaccin.
    La pandémie est loin d'être terminée. Ne croyez pas ceux qui vous disent de ne plus y penser. Nous ne pouvons pas oublier la pandémie pendant que le virus mute certainement très vite. Nous voyons déjà des sous-variants causer beaucoup de dommages et créer de nouvelles vagues. La COVID‑19 longue est un autre problème qu'aucun d'entre nous n'avait vraiment pris en compte dans ses calculs. Permettre au virus de muter et d'infecter d'autres gens aura des conséquences à long terme pour nous tous.
    Nous ne pouvons pas nous contenter de vacciner le Canada ou les pays riches et nous sortir de cette crise à coup de nouvelles doses. Vacciner le monde de façon équitable et distribuer des tests et des antiviraux sont les seules solutions à long terme pour nous, en tant que Canadiens. S'il vous plaît, n'oubliez pas que nous ne sortirons pas du pétrin si nous ne vaccinons pas le monde de façon équitable.
     Je suis vraiment déçu de ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Je sais que, sur le plan des intentions, le premier ministre a dit explicitement que l'équité en matière de vaccination est importante pour les Canadiens. Sur le plan de nos actions, par contre, nous n'avons donné que 15 millions de doses. Qu'allons-nous faire de toutes les doses restantes? L'an dernier, lorsqu'il y avait tant de dévastation partout, pourquoi n'avons-nous pas fait don de ces doses pour sauver plus de vies? Pourquoi avons-nous acquis la réputation d'être un pays qui garde les vaccins pour lui à l'échelle mondiale? Ce n'est pas la réputation que nous voulons avoir en tant que Canadiens. Nous sommes meilleurs que cela.
    Je tiens à dire que donner de l'argent est une excellente chose. Je suis heureux que nous donnions de l'argent, mais je pense que tous les pays disent maintenant que ce n'est pas de charité qu'ils ont besoin. Ils veulent de la justice et de l'autonomie. Je ne peux imaginer personne de mieux placé pour expliquer la situation que le Dr John Nkengasong, du CDC de l'Afrique, qui l'a fait avec tant d'éloquence dans un de ses articles. Il a dit que l'Afrique n'aurait jamais dû avoir à compter sur des éléments externes pour répondre à ses besoins en matière de sécurité et que l'une des clés de la sécurité mondiale est l'autosuffisance de l'Afrique.
    En tant que Canadiens, nous devrions viser l'autosuffisance. Pourquoi? Parce qu'au début de la pandémie, nous n'avions pas de vaccin canadien. Nous n'avions aucune capacité de fabrication. Nous étions au bas de la liste et nous cherchions désespérément à obtenir des doses de Moderna et de Pfizer, en en cherchant partout dans le monde. Maintenant, nous avons un vaccin canadien. Nous commençons à le fabriquer à Montréal. Nous investissons dans le secteur manufacturier canadien. Alors, dites-moi pourquoi d'autres pays ne mériteraient pas d'en faire autant. Si nous croyons à l'autosuffisance en matière de vaccins, pourquoi tous les pays du monde n'aspireraient-ils pas à avoir leur propre capacité de fabriquer des antiviraux, des tests et des vaccins?
    C'est pour cette raison que je trouve décevante notre inaction en matière de dérogation à l'Accord sur les ADPIC. La dérogation n'est pas suffisante à elle seule, mais en combinaison avec le transfert de technologies, les centres de production de vaccins à ARN messager et d'autres initiatives de l'OMS et d'autres organisations, elle peut complètement changer la donne non seulement dans le contexte de la pandémie, mais aussi pour les crises futures.

  (1155)  

    La meilleure façon de protéger le monde, c'est de rendre autosuffisants autant de pays que possible pour ce qui est de la capacité de fabriquer des vaccins, des tests et des antiviraux.
    En terminant, j'aimerais que nous fassions trois choses, en tant que Canadiens.
    Appuyer immédiatement et publiquement la dérogation aux droits de propriété intellectuelle dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, non seulement pour les vaccins, mais aussi pour les tests et les antiviraux.
    Nous devons également financer l'OMS et l'Union africaine pour qu'elles mettent sur pied leurs propres centres de production de vaccins à ARN messager et favorisent l'autosuffisance. L'autosuffisance des autres pays en matière de vaccins devrait être notre objectif déclaré. C'est ce qui nous protégera, non seulement maintenant, mais aussi pour l'avenir. Faisons un don et respectons notre engagement à donner 200 millions de doses. Faisons‑le et fixons-nous un délai pour le faire. Dans les six prochains mois, j'aimerais que les 200 millions de doses aient été données. De plus, finançons davantage la distribution des vaccins, afin de soutenir notre accélérateur et d'autres initiatives.
    Enfin, même au moment où les pays riches déclarent la fin de la pandémie et réduisent les fonds consacrés aux efforts mondiaux de vaccination — comme est en train de le faire la Maison-Blanche —, le modèle scientifique et les arguments économiques en faveur de l'équité en matière de vaccins demeurent extraordinairement convaincants. S'il vous plaît, comme Canadiens, faisons ce qui s'impose.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre exposé, docteur Pai.
    Nous allons passer directement au premier tour, avec des périodes de six minutes pour commencer. Nous allons commencer par M. Chong.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais prendre seulement une minute, puis céder la parole à M. Morantz par votre intermédiaire.
    Je veux donner avis d'une motion à étudier à la réunion de jeudi, et je vous demanderais de réserver les 10 dernières minutes de cette réunion pour l'étude de la motion dont je vais donner avis. La voici:
Que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international appuie la pleine participation de Taïwan à l'Organisation de l'aviation civile internationale et à sa 41e Assemblée triennale, qui aura lieu du 27 septembre 2022 au 14 octobre 2022; qu'il en soit fait rapport à la Chambre le plus tôt possible; et que le Comité demande une réponse du gouvernement.
    C'est très semblable à une motion que j'ai présentée il y a quelque temps, mais avec l'ajout de la partie concernant le fait que le Comité demande une réponse du gouvernement, ce qui nous empêcherait de proposer l'adoption à la Chambre pendant quatre mois et, je l'espère, permettra à tous les membres du Comité d'appuyer la motion jeudi.
    Merci, monsieur le président. C'est tout ce que je voulais faire aujourd'hui.
    Merci, monsieur Chong.
    Ai‑je raison de croire que vous cédez le reste du temps à M. Morantz?
    Il vous reste environ quatre minutes et demie.
    Docteur Pai, je comprends ce que vous dites au sujet de la capacité nationale. Je sais que le gouvernement du Canada a accordé à cette fin une subvention du FSI de 173 millions de dollars à une entreprise appelée Medicago. Le problème, c'est que cette entreprise a mis au point un vaccin, le vaccin Covifenz — et vous connaissez peut-être le dossier —, mais lorsqu'elle a présenté une demande de permis d'urgence à l'Organisation mondiale de la santé, elle a essuyé un refus.
    Elle a essuyé ce refus parce que la compagnie de tabac Philip Morris a une participation majoritaire dans Medicago et que l'Organisation mondiale de la santé a pour politique de ne pas faire affaire avec les compagnies de tabac. Considérez-vous qu'il s'agit d'un manque de diligence raisonnable de la part du gouvernement du Canada et d'un faux pas pour ce qui est non seulement d'essayer de mettre sur pied une capacité nationale, mais aussi de respecter nos obligations dans le cadre du programme COVAX?
    Merci, monsieur.
    Je suis à peu près certain... Je ne suis pas un expert du tabac, mais le règlement sur le tabac auquel sont soumis tous les organismes des Nations unies est très vieux. Il n'a pas été élaboré uniquement pour la COVID. En d'autres termes, si on avait fait preuve de diligence raisonnable, on aurait dû se rendre compte que la participation d'une compagnie de tabac à ce processus irait à l'encontre de la politique ou de la réglementation de l'ONU.
    À tout le moins, en appelant simplement l'OMS pour demander ce qu'il adviendrait de l'approbation si un vaccin était élaboré par une entreprise dont une compagnie de tabac est actionnaire, on aurait appris très rapidement que le vaccin n'allait peut-être pas être approuvé, auquel cas le gouvernement aurait pu investir l'argent dans une autre entreprise qui le méritait.
    Tout ce que je dirais, c'est que nous aurions dû nous y attendre.

  (1200)  

    Merci de cette importante réponse.
    Monsieur Gagnon, je voulais simplement avoir une précision. Vous avez fait un commentaire concernant la maximisation des revenus par les titulaires de brevets durant toute la COVID‑19, mais il y a un rapport de CARE selon lequel pour chaque dollar que les donateurs dépensent pour des doses de vaccin, ils dépensent environ 5 $ pour la livraison en tant que telle.
    Il me semble que pour ces deux choses, le coût de livraison, s'il n'est pas égal, est en fait encore plus important que le coût du don du vaccin. Avez-vous fait des recherches sur les raisons pour lesquelles la livraison des vaccins coûte si cher, ou avez-vous des préoccupations à ce sujet?
    On parle du coût du don du vaccin. Il s'agit essentiellement du coût de fabrication et de l'argent qui va à l'entreprise par rapport à ce qu'il faut payer pour la livraison… pour que le vaccin se rende jusque dans le bras des gens.
    La question de la propriété intellectuelle n'est pas fondée sur le problème des coûts de distribution, mais ce sont des coûts importants dont il faut tenir compte quand nous faisons des dons. Il ne s'agit pas seulement d'expédier des lots de vaccins. Il s'agit de nous assurer que nous aidons différents pays qui sont en mesure de mener des campagnes de vaccination adéquates.
    N'oubliez pas que le simple fait de donner les vaccins dont nous ne voulons pas, comme celui d'AstraZeneca, par exemple... Lorsque nous avons constaté qu'il y avait des problèmes d'innocuité dans le cas d'AstraZeneca, nous avons décidé de le donner et…
    Je suis désolé de vous interrompre. Je n'ai vraiment pas beaucoup de temps. Je vous remercie de votre réponse.
    J'ai une brève question pour l'un ou l'autre de vous deux.
    D'après l'OMS, 6,24 millions de personnes sont décédées de la COVID‑19. Je sais que le Dr Pai a parlé de 12 millions de personnes. The Economist a fait sa propre analyse, selon laquelle le nombre de décès liés à la COVID‑19 est en fait beaucoup plus élevé que les chiffres officiels. Son estimation est fondée sur le suivi de la surmortalité par rapport à la norme de référence.
    Je me demande si vous pouvez nous dire quel chiffre est le plus proche de la réalité à votre avis. Est‑ce que ce sont les 6,24 millions de l'OMS ou les 21,2 millions prévus par The Economist?
    Monsieur Morantz, votre temps est écoulé.
    Très brièvement, l'un ou l'autre des témoins pourrait peut-être répondre à la question A ou à la question B, ou encore présenter ses réflexions par écrit. Ce serait également acceptable.
    L'OMS vient tout juste de publier un rapport sur la surmortalité, la semaine dernière, et son estimation est plus proche de 15 millions que de 6 millions. Je pense que tout le monde convient que nous sous-estimons tous le nombre de décès liés à la COVID‑19. Le nombre réel est d'environ 15 millions.
    Merci beaucoup.
    Madame Fry, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tout le monde d'être venu. Je suis heureuse de revoir Marc-André Gagnon, qui est un expert dans de nombreux domaines. J'ai beaucoup d'estime pour ses idées et le travail qu'il fait.
    J'aimerais poser quelques questions.
    Nous parlons du compromis. Je veux parler du texte de compromis et du fait que les États-Unis, l'Union européenne, l'Inde et l'Afrique du Sud ont de la difficulté à faire adopter ce texte de compromis.
    D'abord et avant tout, le concept ne se limitait pas aux vaccins. On parle beaucoup de vaccins, mais je pense qu'il faut parler de tests, de suivi et de surveillance. Comment savoir s'il y a eu 15 ou 6 millions de décès? Si on ne fait pas de tests, de suivi et de surveillance, comment peut‑on savoir quels sont les cas? C'est ma première question.
    Ma deuxième question est la suivante: pourquoi les traitements sont-ils exclus de l'accord? Pourquoi le compromis ne tient‑il pas compte des composantes non liées à la propriété intellectuelle ou du secret commercial? Que pouvons-nous faire pour passer à l'étape suivante? Que peut faire le Canada pour que l'accord de compromis soit adopté? Quels sont les obstacles? L'un d'entre vous le sait‑il?

  (1205)  

    Je peux intervenir, si vous voulez.
    C'est une question importante. N'oublions pas que le texte du compromis présente des modalités de compromis que je considère comme très problématiques. On se concentre uniquement sur l'article 31 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et on met de côté l'article 39, qui porte sur les aspects autres que la propriété intellectuelle, comme le secret commercial. C'est malheureux, d'autant plus qu'au cours des 20 dernières années, l'organisation de la propriété intellectuelle et des brevets a évolué, et de plus en plus, le brevet offre très peu de compréhension de la technologie elle-même et est beaucoup plus axé sur les secrets commerciaux.
    Le fait est que, si on donne la recette sans les secrets commerciaux qui l'accompagnent, alors que les secrets commerciaux sont devenus un élément central de la capacité de produire la technologie de vaccin, au bout du compte, le compromis n'ira pas très loin.
    Qu'est‑ce qui est important en période de pandémie? Nous parlons de la COVID‑19. Un nouveau variant pourrait émerger et être très mauvais, et le vaccin pourrait cesser de fonctionner. Nous serions alors de nouveau dans le même scénario. Il pourrait y avoir une autre pandémie... le virus Ebola, par exemple.
    Il faut préparer une capacité à partager le savoir-faire et la technologie. C'est à l'article 39, qui est exclu du compromis. De plus, il faut s'assurer que s'il y a de l'aide et du transfert de technologie entre les pays, cela n'entraînera pas une avalanche de poursuites et de litiges.
    Merci. J'aimerais poser une autre question.
    Nous étudions la distribution des vaccins, mais il y a tout l'enjeu, par exemple, des tests, du suivi et de la surveillance. Cependant, certains témoins nous ont dit que l'enjeu résidait non plus dans l'approvisionnement en vaccins, mais plutôt dans la capacité des pays qui reçoivent les vaccins de les distribuer et de réaliser ces objectifs. Nous parlons ici d'infrastructure de base, de personnel pour donner les vaccins. Voilà le genre de choses dont nous parlons.
    Pourquoi n'accordons-nous pas beaucoup d'attention à cela et aux produits thérapeutiques? Si vous essayez d'obtenir des vaccins maintenant, pendant la pandémie, c'est comme fermer la barrière une fois que le cheval s'est enfui. Nous devons accorder notre attention à des choses comme les produits thérapeutiques.
    Que conseillez-vous au Canada de faire pour fournir l'infrastructure nécessaire à la distribution des vaccins dans le pays d'accueil, et qu'allons-nous faire en ce qui concerne, par exemple, les produits thérapeutiques? Comment allons-nous faire avancer les choses?
    Allez‑y, monsieur Gagnon. Je prendrai la parole après.
    Il y a un élément que j'aimerais soulever. Pour moi, c'est important. L'OMS a une petite organisation qui s'occupe de la grippe. Il s'agit du réseau mondial de surveillance et d'intervention en cas de grippe. Essentiellement, il s'occupe de la grippe saisonnière. Toute l'organisation travaille avec différents pays. Toutes les données scientifiques sont ouvertes. Tout est en calibrage. C'est la meilleure façon de faire le dépistage et la surveillance de ce qui se passe et de l'évolution des différentes maladies. Cela fonctionne très bien. C'est le genre d'infrastructure dont nous avions besoin dès le début en ce qui concerne la COVID‑19 et aussi d'autres pandémies de grippe.
    Un excellent exemple est ce réseau mondial de surveillance et d'intervention en cas de grippe à l'OMS.
    Voilà pour cette question, mais qu'en est‑il de la question des produits thérapeutiques? J'insiste sur ce sujet, car nous devons traiter les gens plus rapidement maintenant, plutôt que d'essayer d'empêcher le virus de se propager. Je veux dire, c'est déjà fait.
    En ce qui concerne les produits thérapeutiques, j'ai mentionné le COVID‑19 Technology Access Pool, qui vise à mettre la technologie au point. Le Medicines Patent Pool est une communauté de brevets d'Unitaid, mais la participation est volontaire.
    Merck et Pfizer y ont recouru — par exemple, Pfizer avec Paxlovid —, mais en même temps, ils peuvent imposer les conditions. Essentiellement, ils ont dit qu'ils échangeraient la technologie et rendraient le brevet accessible, mais seulement pour les pays à faible revenu dans des conditions précises. Lorsque la République dominicaine a dit qu'elle voulait utiliser la licence obligatoire pour le produit thérapeutique Paxlovid, Pfizer a tout simplement refusé, invoquant son droit fondamental de décider quoi faire. C'est absurde.

  (1210)  

[Français]

    Merci beaucoup, madame Fry, monsieur Gagnon, et les autres témoins.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'être des nôtres aujourd'hui et de nous éclairer de leurs commentaires.
    Monsieur Gagnon, j'aimerais commencer par une question qui a déjà retenu votre attention et celle d'un des témoins que nous avons reçus précédemment, soit un représentant de Médecins sans frontières.
    Ma question porte sur les subventions qui auraient été nécessaires, et qui auraient même été versées par le Canada, pour le développement de la technologie des nanoparticules lipidiques, qui aurait été créée par des entreprises issues de l'Université de la Colombie‑Britannique.
    Si tel est bien le cas, je me permets de vous citer: « Si la majeure partie des investissements versés dans la conception des vaccins provient des fonds publics et si le prix inclut une prime associée aux brevets, ne payons-nous pas le vaccin deux fois? »
    C'est une question que j'ai d'ailleurs soulevée auprès de la présidente d'AstraZeneca lors d'une rencontre qui a eu lieu le 25 avril dernier. Je lui ai demandé si AstraZeneca avait donné son vaccin jusqu'à concurrence des subventions payées et avait décidé de faire de ce vaccin un vaccin rentable une fois que les subventions auraient été remboursées. Je n'ai pas eu droit à une véritable réponse à cette question. On m'a plutôt répondu que l'on continuait de le donner dans les pays en développement, mais que, dans les pays développés, on imposait un tarif, afin d'avoir une certaine rentabilité.
    Que pensez-vous de cette réponse, qui a notamment été donnée par AstraZeneca?
    Que pensez-vous de la possibilité que nous ayons aussi financé la recherche-développement des vaccins à nanoparticules lipidiques?
     D'abord, on parle du vaccin d'AstraZeneca, mais il est important de mentionner que c'est le vaccin de l'Université d'Oxford qui a été transféré à AstraZeneca sous certaines conditions précisées dans le contrat de licence. Dans ces conditions, AstraZeneca était la seule entreprise pour laquelle on avait demandé qu'il y ait du transfert technologique, ce qu'elle a fait, quand même. Elle s’est aussi engagée à vendre son vaccin sans faire de profit tant que durait la pandémie. La première fois que j'ai vu un communiqué de presse qui disait que la pandémie de la COVID‑19 était terminée et qui parlait d'une endémie, c'était dans un communiqué de presse d'AstraZeneca. Elle s'est dépêchée de dire que la pandémie était terminée, ce qui est un peu spécial.
    Lorsqu'on parle de brevets, il faut comprendre qu'on ne parle pas d'une seule entreprise qui crée une technologie. Ce sont des réseaux d'entreprises qui travaillent aux mêmes choses. L'organisation du réseau de brevets est donc importante.
    La technologie de l'Université de la Colombie‑Britannique est devenue la propriété de l'entreprise canadienne Genevant, qui possède une bonne partie des brevets [difficultés techniques] présenté avec quelqu'un de Providence Therapeutics...
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Gagnon, mais nous avons manqué une partie de votre intervention. Après « brevets », nous avons manqué près de 30 secondes de ce que vous nous disiez.
    Je suis désolé de vous faire répéter, mais, au bénéfice des membres du Comité, ce serait une bonne idée de revenir un peu en arrière dans votre réponse.
    D'accord.
    J'avais fini de parler d'AstraZeneca et je parlais de l'entreprise canadienne Genevant, qui possède une bonne partie des brevets pour les vaccins à ARN messager. Providence Therapeutics, une entreprise de l'Alberta qui, elle, voulait se consacrer au transfert des technologies à ARN messager pour les vaccins, s'est vu mettre des bâtons dans les roues systématiquement. On l'a empêchée d'aller de l'avant.
    Il n'y avait pas seulement Biolyse Pharma qui pouvait produire des vaccins. Il avait PnuVax, à côté du Conseil national de recherches Canada, à Montréal, qui était en mesure d'en produire. Il y avait aussi Providence Therapeutics, au Canada, qui était en mesure de faire du transfert technologique, mais on l'a empêchée, institutionnellement, d'aller de l'avant.

  (1215)  

    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais poursuivre sur ce sujet.
    Nous rencontrions, il y a quelques instants, le vice-ministre du Commerce extérieur et de l'intégration au ministère des Affaires étrangères de la Bolivie. Il nous parlait des difficultés qu'avait eues l'entreprise Biolyse Pharma, justement, quant au Régime canadien d'accès aux médicaments et à un transfert technologique qui aurait permis la production de vaccins en Bolivie. On constate que le Régime canadien d'accès aux médicaments ne s'est jamais révélé véritablement efficace, puisque, depuis sa création, un seul pays, le Rwanda, en 2007, a tenté de faire une demande, tellement la procédure est compliquée.
    Selon vous, qu'est-ce qui explique que ce système ne fonctionne pas et que, comme vous venez de l'expliquer, on voie même les institutions canadiennes s'organiser pour qu'il ne fonctionne pas?
    Pour moi, c'est un cas évident de capture réglementaire. C'est un régime qui a été conçu en partenariat avec les firmes pharmaceutiques, qui se sont assurées de mettre en place une série de tracasseries administratives pour que ce soit extrêmement compliqué.
    Je voudrais rappeler qu'en 2011, le Canada a adopté une loi pour réformer le Régime canadien d'accès aux médicaments. La majorité du Parlement a voté en faveur de la réforme pour réduire les tracasseries administratives, mais, ensuite, des élections ont été déclenchées, alors que le Sénat n'avait pas encore adopté le projet de loi, qui est donc mort au Feuilleton.
    Tout le monde au Canada qui travaille dans le domaine de la propriété intellectuelle sait très bien que le Régime canadien d'accès aux médicaments ne fonctionne pas. Or, pour couronner le tout, en pleine pandémie de COVID‑19, le Canada a refusé de modifier l'annexe 1 de la Loi sur les brevets pour permettre aux technologies visant à lutter contre la COVID‑19 de faire partie des technologies qui pourraient être disponibles si jamais un pays osait s'aventurer dans toutes les tracasseries administratives pour essayer de les obtenir.
    Finalement, c'est ce qu'a fait la Bolivie, mais le Canada refuse d'aider ce pays en modifiant le panier de traitements, de médicaments et de vaccins disponibles en temps de pandémie et d'urgence sanitaire.
     Merci beaucoup, monsieur Bergeron et professeur Gagnon.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie chaleureusement les témoins d'être ici aujourd'hui. Ces témoignages sont très importants.
    C'est aujourd'hui mon 50e anniversaire, donc c'est vraiment un cadeau d'anniversaire parfait pour moi. Merci beaucoup.
    Je vais commencer par le Dr Pai. J'ai lu un article que vous avez écrit la semaine dernière, docteur Pai. Je vais le soumettre aux analystes pour qu'ils puissent l'examiner également.
    Vous avez dit qu'assurer l'équité mondiale en matière de vaccins est la chose la plus égoïste que nous puissions faire, que c'est en fait la chose qui nous protégera le plus. Cela nous offre une protection sanitaire en cas de pandémies futures. Si nous ne pouvons pas le faire pour sauver des vies, ne pouvons-nous pas le faire simplement parce que c'est bon pour notre santé et aussi pour notre économie?
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? J'aimerais vous donner l'occasion de le faire.
    Avant de terminer, j'aimerais dire rapidement que je sais que vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à certaines des questions précédentes. Veuillez donc prendre le temps d'y répondre également.
    Merci, madame, et bon anniversaire.
    Oui, j'ai fait avec Joanne Liu et Richard Gold tout un segment pour CTV News, télédiffusé la semaine dernière, où j'ai dit que la chose la plus égoïste que nous puissions faire est d'aider à vacciner le monde.
    Le raisonnement est très simple. Nous sommes déjà dans la troisième année de pandémie parce que le virus n'est pas contrôlé. La réduction de la transmission du virus à l'échelle mondiale est le moyen le plus sûr de réduire le nombre de nouveaux patients et de mauvais variants.
    Premièrement, il est certain que de mauvais variants s'en viennent, et c'est ce que je voulais mentionner à Mme Fry également. Il n'est jamais trop tard pour donner un vaccin, parce que nous ne savons pas quel mauvais variant va émerger. Nous constatons déjà que les sous-variants sont particulièrement transmissibles — chacun des sous-variants — et qu'il suffit peut-être d'un nouveau patient pour que cela devienne aussi mortel que le variant Delta. Nous nous retrouverions alors encore une fois dans une crise totale. Je ne pense pas que nous puissions gérer cela.
    Deuxièmement, il n'est pas seulement question de transmission. Les conséquences de la COVID longue sont terribles et désastreuses pour le monde entier. Le vaccin est donc une très bonne idée même pour prévenir la COVID longue et ses complications.
    Pour ce qui est de l'égoïsme, je ne peux pas faire mieux que Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie. Il vient de publier un article la semaine dernière dans la revue que j'édite. Le titre est « Vacciner le monde... c'est une évidence » en tant qu'investissement économique.
    Le magazine The Economist a qualifié cela de marché du siècle, offrant un rendement économique de l'ordre de plusieurs milliers d'âmes. Autrement dit, il n'y a pas de meilleur investissement que de vacciner le monde. C'est pourquoi le G7, y compris le Canada, aurait dû le faire il y a plus d'un an. Nous aurions pu verser 50 milliards de dollars, ou ce qu'il faut pour vacciner le monde, et nous aurions économisé plusieurs billions de dollars. Payer des milliards maintenant et en finir avec tout cela, ou entamer la quatrième année de pandémie et gérer toutes les conséquences: plus de 15 millions de décès, la COVID longue et les dommages économiques. Le magazine The Economist et le Fonds monétaire international estiment déjà les pertes économiques à des billions de dollars.
    Il est insensé de s'accrocher à tout ce qui peut empêcher le virus de se multiplier. Il est tout à fait insensé de constituer des réserves de vaccins et de ne pas soutenir la fabrication intérieure, car nous en paierons le prix dans les années à venir.
    Je préférerais que nous payions maintenant et que nous payions moins, plutôt que de retenir les vaccins, de ne pas faire ce qu'il faut et de subir des pertes économiques de l'ordre de billions de dollars.
    De plus, nos frontières sont ouvertes. Peu importe les efforts déployés, de nouveaux variants continueront d'apparaître. Nous l'avons vu: chaque variant venait d'ailleurs et a dévasté notre système de santé. Pouvons-nous nous permettre un seul variant de plus? Sommes-nous prêts pour un autre confinement? Non. C'est pourquoi je dis que la chose la plus égoïste que nous puissions imaginer est d'aider à vacciner le monde et de partager les produits thérapeutiques.
    Madame, vous avez raison: il ne fait aucun doute que les antiviraux sont également essentiels. Selon un excellent article paru dans le New York Times, Paxlovid ne sera pas disponible pour les pays à faible et à moyen revenu. Pourquoi les pays les plus riches accaparent-ils toutes les ressources? Ce sera la même chose si un nouveau vaccin est offert pour les nouveaux variants, un vaccin contre Omicron. Encore une fois, les pays à revenu élevé prendront tout. Les pays à faible revenu seront au bas de la liste. Ainsi, s'ils sont autonomes, ils pourront modifier leur vaccin au besoin.

  (1220)  

    Merci, docteur Pai.
    Je vais vous demander à tous les deux de répondre à la question suivante, car je pense que c'est quelque chose qu'il faut vraiment consigner au compte rendu.
    Avez-vous aujourd'hui l'impression que, compte tenu de l'intervention observée à l'échelle mondiale — en particulier en ce qui concerne le gouvernement canadien —, il est probable qu'advenant une nouvelle pandémie, un nouveau variant ou une expansion, le résultat serait différent, du point de vue du Régime canadien d'accès aux médicaments, de COVAX et de la réponse à la vaccination?
    Docteur Pai, je vais commencer par vous, mais si vous voulez bien garder du temps pour M. Gagnon également, je vous en serais reconnaissante.
    La réponse est un non retentissant. Compte tenu de l'égoïsme, de la cupidité et du manque de perspective des pays les plus riches du monde — ce dont nous avons été témoins au cours des deux dernières années —, je suis tout à fait convaincu qu'au cours de la prochaine crise, nous nous comporterons exactement de la même façon. Nous allons nous tourner vers le nationalisme. Nous allons nous tourner vers l'isolationnisme. Nous ne ferons que nous replier sur nous-mêmes. Nous ne regarderons même pas au‑delà de nos frontières, et nous nous retrouverons de nouveau dans la même crise.
    Des choses comme la crise climatique et les pandémies ne peuvent être résolues avec cette mentalité nationaliste.
    Merci.
    Allez‑y, monsieur Gagnon.
    Je répondrais aussi par un non retentissant, mais la différence, c'est que la prochaine fois, nous n'aurons pas d'excuse pour ne pas faire les bons choix.
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Chers collègues, il nous reste environ 15 minutes avant 12 h 40, heure à laquelle nous devons nous réunir brièvement à huis clos pour discuter des instructions de rédaction.
    Si vous êtes d'accord, je propose que nous ayons des tours de trois minutes et des tours d'une minute et demie. Cela devrait permettre de compléter un deuxième tour, mais avec des questions concises et plus courtes. Si vous êtes d'accord, nous allons donner la parole à M. Aboultaif pour trois minutes.
    Monsieur Aboultaif, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Pai, le gouvernement canadien a investi 173 millions de dollars dans Medicago pour produire le vaccin Covifenz afin de faire don de 200 millions de doses de vaccin au monde — aux pays qui en ont le plus besoin —, mais l'OMS a refusé d'accorder une licence d'urgence pour le faire parce que Philip Morris est le premier fabricant de tabac au monde et a un grand intérêt dans Medicago. Comment expliquer cela?
    Où est l'équité dans la distribution et l'acheminement des vaccins aux personnes qui en ont le plus besoin quand l'OMS fait obstacle? Ne pourrait-elle pas offrir des solutions à cela, compte tenu du besoin de vaccination?

  (1225)  

    Merci, monsieur.
    Malheureusement, je ne suis pas un expert de la perception de la participation des fabricants de tabac. Comme je l'ai dit, je ne pense pas que l'OMS ferait cela à une entreprise en particulier. C'est sa politique et elle l'applique probablement à toutes les entreprises, peu importe leur participation. J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous dire ce que l'OMS devrait faire ou ne pas faire.
    Cependant, des gens comme vous et d'autres demandent aussi qu'un brevet soit accordé pour faciliter l'accès aux vaccins. Voici une autre façon d'arriver au même résultat. Pourquoi avons-nous deux poids, deux mesures? Pourquoi ne pouvez-vous pas demander cela aussi? Pourquoi s'agit‑il d'une exception, alors que d'autres demandes ne le sont pas?
    Je suppose que l'OMS et les organismes des Nations unies doivent faire preuve de rigueur, car il a été prouvé que la participation des entreprises de tabac leur pose des difficultés dans toutes les régions touchées par la maladie. Je pense qu'à leurs yeux, il ne s'agit pas seulement d'un problème lié à la COVID‑19, mais probablement aussi d'une politique de non-collaboration avec les entreprises de tabac applicable à l'échelle du système, et, pour modifier cette politique, il faudrait qu'on tienne une tout autre discussion au niveau des pays à l'Organisation mondiale de la santé.
    Cependant, il s'agit encore là d'une autre façon de faire obstacle à la distribution de vaccins aux endroits où les besoins sont les plus criants. Nous faisons face à un défi qui ne se présente qu'une fois par siècle, compte tenu de la pandémie que nous vivons. Une fois dans sa vie — en un siècle —, l'OMS ne pourrait-elle pas faire une exception à cet égard?
    Puisque je crois que le Dr Pai a des problèmes de connexion, je vais intervenir.
    Il ne faut pas non plus sous-estimer ce que signifie le tabac relativement à la crise sanitaire mondiale. Robert Proctor en a parlé dans son livre Golden Holocaust, par exemple, où il examine l'histoire de cette industrie. Il était très important que l'on prenne des mesures comme celle qu'a prise l'OMS afin d'être proactive à cet égard. Essentiellement, l'entente prévoyait que l'Organisation ne ferait pas affaire avec des compagnies d'armement et des entreprises de tabac. C'est la politique.
    Or, nous pouvons être contre cette politique en période d'urgence sanitaire, mais, en même temps, l'OMS aurait été encore plus critiquée si elle avait refusé de faire respecter sa politique à ce moment‑là. C'est très triste, et on peut reprocher au Canada d'avoir essentiellement financé ce vaccin. En même temps, il faut comprendre que ce n'est pas le rôle de Philip Morris de faire ce genre de recherche. Il aurait pu être très facile…
    Monsieur Gagnon, je m'excuse, mais, vu le temps limité dont nous disposons, nous allons devoir nous en tenir à cela.
    Chers collègues, nous avons perdu la connexion avec le Dr Pai, et nous nous efforçons de la rétablir.
    Entretemps, nous allons céder la parole à Mme Vandenbeld, qui dispose de trois minutes.
    Merci à vous deux de votre présence. J'espère que le Dr Pai reviendra parce que certaines de mes questions s'adressaient précisément à lui.
    Je vais commencer par M. Gagnon, même si certaines de mes questions s'adressaient au Dr Pai précisément. Simplement pour revenir sur certaines des déclarations, je sais qu'il avait mentionné que le Canada n'a fourni que 15 millions de vaccins, mais, en fait, 87 millions de doses supplémentaires ont déjà été envoyées dans l'hémisphère Sud et sont dans le bras des gens en raison de la valeur en espèces. Cela comprend également les seringues, dont nous avons entendu parler dans des témoignages précédents.
    Il ne s'agit pas de ma question précise. Elle concerne davantage toutes les autres choses. C'est beaucoup plus que des doses. Par exemple, si on regarde la capacité de fabrication, le Canada travaille en partenariat avec l'Afrique du Sud au sein du groupe de travail COVAX sur la fabrication afin que ce soit considéré comme un projet pilote. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il y a le fait que beaucoup de pays ont besoin d'aide relativement aux processus réglementaires, aux processus d'approvisionnement et à leur communication avec le public. Par exemple, le Canada a versé 50 millions de dollars à l'Organisation panaméricaine de la santé. En ce qui concerne ce que Mme Fry a mentionné au sujet des tests, des traitements et des systèmes de santé, le Canada est soit le premier, soit le deuxième pays de l'Accélérateur ACT dans chacun de ces domaines.
    Ma question porte en réalité sur l'idée que, pour je ne sais quelle raison, nous n'avons pas tiré de leçons de ce processus et que, si une autre pandémie survenait, nous ne ferions pas mieux. Le fait est que le budget de 2022 prévoit une somme de près de 300 millions de dollars, de l'argent, qui s'ajoute aux 2,7 milliards de dollars que nous avons déjà fournis, qui est destinée précisément aux systèmes de santé. Nous avons entendu dans le passé des témoignages selon lesquels les systèmes de santé sont le principal indicateur de l'échec ou de la réussite des pays.
    Pouvez-vous nous parler du soutien que le Canada a offert dans tous ces autres domaines — plus que d'autres pays — et aussi de celui que nous nous engageons maintenant à offrir pour améliorer les systèmes de santé en cas de futures pandémies?

  (1230)  

    Je vois que le Dr Pai est de retour. En fait, j'aimerais qu'il réponde à cette question parce que je n'ai pas suivi l'aide que nous fournissons aux systèmes de santé.
    Je veux dire une chose au sujet de COVAX et des dons. De mon point de vue, COVAX a vu le jour en réaction au C‑TAP, le Groupement d'accès aux technologies contre la COVID‑19, qui voulait développer la technologie en collaboration, en échangeant de l'information, etc. COVAX a été organisé, d'abord et avant tout, comme un moyen de maintenir la technologie brevetée en place et de respecter le système des brevets. On paye le fabricant, puis on livre le médicament. Le but n'est pas de créer l'autosuffisance dans divers pays.
    Pour ce qui est des systèmes de soins de santé, je vais laisser le Dr Pai répondre.
    Merci beaucoup.
    Madame Vandenbeld, malheureusement, le temps dont vous disposiez est écoulé. Les périodes de questions sont très courtes, et il s'agit d'une deuxième série condensée, mais le Parti libéral aura peut-être la possibilité d'effectuer un suivi durant la dernière série de questions.

[Français]

     Monsieur Bergeron, je suis désolé de vous attribuer ce temps de parole très court, mais vous avez la parole pour une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais tenter de contrebalancer cette vision un peu joviale que nous a présentée la secrétaire parlementaire du ministre du Développement international, Mme Vandenbeld.
    Monsieur Gagnon, j'aimerais vous permettre de revenir brièvement sur la réponse que vous nous avez donnée concernant les gestes que le Canada a posés afin de court-circuiter, pour ainsi dire, la possibilité que les pays en développement aient accès au Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM.
    Le court-circuit fondamental qui empêche d'aller de l'avant est le fait que, même si la Bolivie et Biolyse Pharma ont réussi à remplir toutes les étapes nécessaires, le Canada refuse de l'inscrire à l'annexe 1 et que, finalement, il n'y a plus d'autre recours.
    Ce qui a été absolument déplorable, selon moi, c'est qu'en décembre 2020, le Canada a pris position à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, en disant simplement que, si personne n'a recours au RCAM dans le cas de la COVID‑19, c'est donc la preuve qu'on n'a pas besoin d'aller de mettre en avant une dérogation à certaines dispositions del'Accord sur les ADPIC, ou des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
    Cette déclaration était tout simplement malhonnête et, là, je pèse mes mots. Je ne sais pas qui, au sein du groupe qui travaille aux brevets en commerce international, a décidé de tenir ce discours, mais c'était simplement un non-sens.
     Je vous remercie, monsieur Gagnon.
    Merci, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous avez la parole pour une minute et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, merci à nos témoins. Je vais poser ma question au Dr Pai et, si nous en avons le temps, à M. Gagnon.
    Nous sommes actuellement dotés d'un système, le Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM. On voit très clairement qu'il ne fonctionne pas. Nous avons entendu des témoignages à ce sujet plus tôt. Le gouvernement a négligé intentionnellement de prendre une décision à l'égard d'une dérogation à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et, comme il n'a pas pris de décision, il s'agit en fait d'une décision. Nous avons vu des exemples de situations où nous avons engrangé les vaccins et refusé d'offrir ceux que nous pouvions fournir.
    Avez-vous l'impression que le gouvernement canadien a cessé de prendre des mesures et que, dans les faits, son incapacité à agir ou à prendre des décisions est une mesure en soi?
    Comment ne pas parler d'une crise mondiale? Chaque mois, des millions de personnes sont touchées par cette crise.
    Je ne ferai que vous donner l'exemple de l'Inde. En trois mois seulement — avril, mai et juin de l'année dernière —, 2,7 millions d'Indiens sont décédés. C'est presque un million de décès par mois. Voilà à quel point ce virus peut être dévastateur. Chaque année où nous n'agissons pas, cette omission ajoute de plus en plus de décès et de pertes économiques.
    À mes yeux, le temps presse. Se contenter d'en discuter pendant des années et des années... Il est très décevant pour moi que nous fassions même, en soi, une étude sur l'équité vaccinale à la troisième année. Qu'y a‑t‑il à étudier? Nous devons agir. Des vies sont en jeu, ainsi que notre propre sécurité. Le Canada va le payer cher. Je suis désolé. Nous souffrirons pendant de nombreux mois si nous n'agissons pas uniquement par égoïsme. Si nous ne voulons pas faire ce qu'il faut pour des raisons altruistes, soit. Faisons‑le pour des raisons purement égoïstes. Agissons comme il convient.

  (1235)  

    Merci, docteur Pai, et je vous remercie, madame McPherson.
    Monsieur Aboultaif, vous avez la parole pour trois minutes.
    Docteur Pai et monsieur Gagnon, je vais revenir sur les obstacles qui nous empêchent de fournir le vaccin et de faire en sorte que l'ensemble du processus se déroule de A à Z sans interruption.
    Pourriez-vous tous les deux dresser une liste pour décrire, par ordre de priorité, les obstacles, depuis les brevets et les licences jusqu'à la livraison des vaccins, en passant par l'infrastructure et les ressources dont vous disposiez du côté des donateurs et des bénéficiaires? Seriez-vous capables d'énumérer, par ordre de priorité, les obstacles à une vaccination complète?
    À mon avis, le principal obstacle, c'est le fait que, l'an dernier, les pays les plus riches ont essentiellement accaparé toute l'offre de vaccins. Il n'y avait pratiquement rien d'accessible pour les pays à faible et à moyen revenu. Les dons effectués dans le cadre de COVAX ont été versés au compte-gouttes. Le monde est resté les bras croisés et a laissé le virus ravager tous ces pays. Pour éviter que cela se reproduise encore et encore, nous devons apporter des changements architecturaux…
    Je souhaite obtenir toute une liste de priorités, pas seulement…
    Il faudrait qu'on m'accorde plus que 60 secondes pour que je puisse vous dresser la liste. Ce que je veux dire, c'est que nous avons besoin de changements structurels et d'argent, puis…
    Ce serait bien si vous pouviez la résumer.
    Oui, j'essaie.
    Comme je disais, des changements structurels ont empêché les pays à faible revenu de s'approvisionner. Maintenant qu'il y a un approvisionnement, ils ont de la difficulté à vacciner la population parce qu'ils n'ont pas les ressources pour administrer les doses.
    Nous devons régler les deux problèmes. Il nous faut un approvisionnement à court terme et prévisible. Les pays doivent être autonomes et ne pas dépendre de notre charité ou de celle de qui que ce soit d'autre. Ils ont besoin de leurs propres mécanismes de prestation que le monde devrait appuyer.
    Merci. D'accord.
    Monsieur Gagnon, pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet, vous aussi, s'il vous plaît?
    La première chose à faire serait d'inscrire les traitements et les vaccins contre la COVID‑19 à l'annexe 1 de la Loi sur les brevets et d'appuyer la dérogation à l'Accord sur les ADPIC.
    Ce qui est très important selon moi... Essentiellement, nous avions établi d'énormes subventions publiques et des ententes de garanties de marché pour nous assurer de réduire les risques liés aux investissements et d'agir le plus rapidement possible.
    Nous devons nous assurer que ces solutions de rechange aux brevets peuvent être utilisées en cas de besoin. Lorsque les pays se réunissent, ils se contentent de dire: « D'accord, nous allons les financer publiquement et massivement », mais ils ne devraient pas s'en tenir à des structures où la création de rareté est cruciale pour la rentabilité de certaines des parties prenantes.
    Merci beaucoup, monsieur Aboultaif.
    Notre dernier intervenant de l'après-midi est M. Sarai, et il dispose de trois minutes.
    Je vous remercie.
    Ma première question s'adresse au Dr Pai. Vous avez donné l'exemple de l'Inde, où quatre millions et demi de personnes sont décédées, mais ce pays est un fabricant et possède deux des plus grandes installations de fabrication au monde, qui produisent jusqu'à 160 ou 190 millions de vaccins par mois. Je crois comprendre, d'après ce que j'ai lu, que les décès n'ont rien à voir avec l'accessibilité des vaccins; ils ont plutôt à voir avec la tenue de l'une des plus grandes foires au monde. Plus de 100 millions de personnes se sont rassemblées au même endroit dans le pays, puis sont retournées chez elles. Les Indiens n'ont pas non plus utilisé les vaccins qu'ils produisaient et dont ils disposaient.
    En quoi une dérogation à l'Accord sur les ADPIC aiderait-elle un pays comme l'Inde, qui fabrique déjà 200 millions de doses par mois?
    Tout d'abord, vous avez raison. Beaucoup de choses ont mal tourné dans ce pays, et j'ai écrit tout un article à ce sujet dans le Washington Post. Il est certain que des faux pas ont été commis, mais, lorsque la vague du variant Delta est apparue en Inde, seulement 10 % des Indiens avaient été vaccinés. Essentiellement, cette petite souche mortelle du virus a ravagé tout le pays, ce qui a mené au carnage. Oui, l'Inde aurait pu faire beaucoup de choses pour limiter la propagation du virus.
    La dérogation à l'Accord sur les ADPIC n'est pas nécessairement utile à des pays comme l'Inde, la Chine ou la Russie. Ce ne sont pas les grands pays BRIC qui nous inquiètent vraiment. Nous nous inquiétons pour de nombreux autres pays, surtout sur le continent africain où, après des décennies et des siècles, les gens n'ont pas la capacité de fabriquer leurs propres vaccins. Il ne s'agit pas que de la COVID‑19. Il n'est même pas possible d'effectuer un test de dépistage rapide du paludisme sur le continent, même si c'est l'endroit au monde où il y a le plus de cas de cette maladie.
    Je plaide en faveur d'une production nationale sur le continent africain, car il s'agit de la meilleure façon de préparer le continent à ce qui s'en vient.

  (1240)  

    Dans le même ordre d'idées, je trouve cela un peu surprenant aussi, parce que les gens qui ont des installations de fabrication ne peuvent pas se procurer les matières nécessaires. Même si on obtient le brevet ou la formule pour fabriquer le vaccin, si on ne peut pas obtenir les matières premières, le problème n'est pas réglé. Quand une pandémie survient, le monde entier cherche les mêmes ingrédients et, par conséquent, même si les Africains avaient des usines, je ne vois pas comment ils pourraient régler ce problème.
    La fabrication se concentrera toujours dans les endroits où il est possible de se spécialiser dans celle‑ci et de faire des millions de dollars par jour, voire des centaines de millions de dollars par mois. Le problème est beaucoup plus complexe que l'octroi d'une dérogation quelconque, parce que lorsqu'il s'agit de ce genre de choses, il faut aussi avoir les ingrédients et la capacité de fabrication nécessaires pour fabriquer les vaccins, ainsi que les ressources nécessaires pour les administrer et la volonté du pays de les offrir.
    Nous remarquons que le problème ne tient pas tant à l'accessibilité des vaccins qu'à leur injection dans le bras des personnes qui en ont besoin. La vraie question est de savoir comment améliorer la situation, plutôt que de donner des droits de fabrication sans donner les ingrédients nécessaires et la capacité de les injecter dans le bras des gens.
    Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il s'agit d'un problème multidimensionnel qui nécessite une multitude d'interventions. La dérogation à l'Accord sur les ADPIC n'en est qu'une parmi d'autres.
    J'essaie de…
    Monsieur Sarai, je m'excuse. Nous allons devoir nous en tenir à cela. Vous avez un peu dépassé votre temps de parole.
    Chers collègues, en notre nom collectif, je voudrais remercier M. Gagnon et le Dr Pai de leur expertise, de leur présence aujourd'hui et de leur témoignage.

[Français]

     Merci beaucoup, nous vous en sommes très reconnaissants.

[Traduction]

    Sur ce, chers collègues, nous allons demander à nos témoins de se déconnecter. Nous allons prendre un instant avant de revenir à huis clos pour discuter des instructions pour la rédaction du rapport.
    La séance est suspendue pour deux ou trois minutes.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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