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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 juin 2022

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance.
    Bienvenue à la réunion no 22 du Comité de l'Agriculture et de l'agroalimentaire. Je vais commencer par quelques rappels.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité. Nous sommes télévisés aujourd'hui, chers collègues. Je crois savoir que la télédiffusion sera disponible dans les jours à venir sur CPAC, s'ils choisissent de l'utiliser. Les captures d'écran ou la prise de photos de votre écran ne sont pas autorisées.
    Comme nous voyons à l'écran que quelques nouveaux témoins se joignent à nous, sachez qu'aux fins de l'interprétation, vous pouvez basculer entre l'anglais et le français pour entendre la langue de votre choix. C'est au bas de votre écran. Par ailleurs, au bénéfice de nos interprètes, nous vous demandons d'essayer de parler lentement pour qu'ils puissent suivre. Il y a parfois un petit décalage, surtout virtuellement. Nous savons que nous allons faire de notre mieux pour notre part.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 30 mai 2022, nous commençons notre étude de l'insécurité alimentaire mondiale.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe. Par vidéoconférence de l'Ukraine, nous accueillons Mariia Bogonos, la directrice du Centre de recherche sur l'alimentation et l'utilisation des terres de l'École d'économie de Kyiv, ainsi que Mykhailo Amosov, expert en utilisation des terres du Centre d'initiatives environnementales Ecoaction, et Yulia Klymenko, députée de la Verkhovna Rada d'Ukraine et première vice-présidente du Comité sur le transport et les infrastructures.
    Chers collègues, conformément au Règlement, je suis tenu de vous informer que nous avons eu un petit problème technique avec le microphone de Mme Klymenko. Nous n'avons pas été en mesure de faire un test complet, mais nous avons fait des essais. Nous espérons pouvoir entendre son témoignage. Elle a un dispositif et nous allons faire de notre mieux pour que cela soit possible.
    J'aimerais mentionner quelques autres points, mesdames et messieurs. Bien sûr, plusieurs stagiaires du Programme parlementaire Canada-Ukraine, le PPCU, sont présents. Il y a 41 stagiaires sur la Colline.
    Étant donné le sujet de notre étude, à savoir l'insécurité alimentaire mondiale découlant directement de la guerre en Ukraine, nous sommes très reconnaissants d'avoir nos témoins à l'écran.
    À nos témoins, permettez-moi de vous remercier.
    Les stagiaires du PPCU ont aussi joué un rôle important dans les échanges avec les gens en Ukraine. Merci beaucoup. Merci pour votre travail sur la Colline et merci d'être ici aujourd'hui.
    Nous allons commencer par des déclarations liminaires de cinq minutes de chacun de nos témoins.
    Madame Bogonos, vous disposez de cinq minutes. Je vous cède la parole.

  (1105)  

    J'aimerais vous rappeler d'abord que l'Ukraine, tout au long de son histoire qui remonte bien au‑delà de 1991, a servi de grenier à blé pour bon nombre de ses voisins et de régions plus éloignées. Par exemple, dans les années 1950, elle produisait plus de 25 % des céréales de l'Union soviétique. Au cours de la dernière décennie, l'Ukraine a pris une position de premier plan dans les exportations mondiales de céréales et d'huile de tournesol au point d'être responsable en 2021 de 10 % des exportations mondiales de blé et de 50 % de celles d'huile de tournesol.
    Le 24 février, par suite de l'invasion par la Fédération de Russie aux frontières nord, sud et est de l'Ukraine, la situation a radicalement changé. À ce jour, par rapport à février 2021, par exemple, l'Ukraine ne contrôle plus au‑delà de 20 % de son territoire, ce qui se traduit par environ huit millions d'hectares de terres arables, une superficie égale à 70 % des terres arables de l'Allemagne, l'un des principaux exportateurs de céréales de l'UE. Cette superficie se comparerait à environ 20 % des terres arables du Canada.
    Qu'est‑ce que cela signifie pour la production céréalière? L'Ukraine perd environ 10 millions de tonnes de blé, trois millions de tonnes de maïs, trois millions de tonnes d'orge et deux millions de tonnes d'huile de tournesol. Rien qu'avec cette perte de territoire, l'Ukraine renonce à environ 50 % de ses exportations de blé et à environ 40 % de ses exportations d'huile de tournesol.
    En raison du blocus des ports d'Azov et de la mer Noire, la situation est encore pire, car même dans le meilleur des cas, avec la pleine capacité ferroviaire de l'Ukraine, sa capacité d'exportation au‑delà de sa frontière occidentale est réduite par un facteur d'au moins 10. Pour comparer, nous étions à six millions de tonnes par mois auparavant contre 600 000 tonnes maintenant, dans le meilleur des cas.
    Pourquoi devrions-nous nous soucier des exportations? Parce que des pays sensibles, plus touchés par l'insécurité alimentaire, comme l'Égypte, le Bangladesh, le Yémen et la Libye, sont très dépendants des importations de blé qui constituent plus de 30 % de l'apport calorique quotidien de la population. Ils dépendent aussi beaucoup des importations en provenance d'Ukraine. Par exemple, en moyenne, ces quatre pays importent plus de 25 % du blé d'Ukraine — jusqu'à 50 % pour certains et 25 % pour d'autres.
    Cela signifie que la réduction considérable de la production et des exportations ukrainiennes, en plus des prix élevés des céréales que nous observions déjà avant la guerre, fera courir à ces pays un risque élevé de famine. En Ukraine également, la situation n'est pas rose, car l'accessibilité des aliments, c'est-à-dire la capacité financière des Ukrainiens à acheter de la nourriture, est réduite d'environ 40 %. C'est un chiffre énorme. Cela signifie que nous pouvons peut-être nous attendre à certains problèmes nutritionnels chez une grande partie de la population ukrainienne.
    En conclusion, si on ne l'arrête pas, la Fédération de Russie continuera à dévaster les terres ukrainiennes et à menacer la sécurité alimentaire nationale et mondiale.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Bogonos.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Amosov, pour au plus cinq minutes, s'il vous plaît.
    C'est à vous, mon cher.
    Je m'appelle Mykhailo Amosov. Je représente une organisation gouvernementale appelée Ecoaction. Je vais vous dire quelques mots sur les problèmes de sécurité alimentaire en Ukraine et dans le monde.
    Comme l'intervenante précédente l'a dit, beaucoup de terres agricoles ont été occupées, bombardées ou attaquées par des missiles et des équipements militaires russes, etc. Cette invasion russe illégale a complètement changé la donne dans tous les secteurs de l'économie et de l'agriculture de l'Ukraine.
    Cette année, en 2022, l'Ukraine a semé sept millions d'hectares de cultures agricoles de moins que l'an dernier. Cela va provoquer des pénuries sur le marché alimentaire mondial. En fait, je vois plus de risques pour la sécurité alimentaire mondiale que pour la seule sécurité alimentaire de l'Ukraine, car de nombreux pays, comme le Yémen, l'Égypte, l'Indonésie et le Bangladesh, dépendent largement des exportations de céréales ukrainiennes. Même si ces pays trouvent des solutions de rechange aux céréales ukrainiennes, elles seront très coûteuses pour eux. Nous devrions trouver un moyen d'aider à exporter les céréales ukrainiennes depuis l'Ukraine.
    En Ukraine, nous avons vu que le principal problème est la logistique pour l'agroentreprise ukrainienne, car les Russes ont détruit beaucoup de silos et d'entrepôts. En fait, lorsque toutes ces installations ont été détruites, nous avons vécu de très fortes pénuries alimentaires dès les premiers jours dans les supermarchés et dans toutes les épiceries. Nous constatons l'énorme dépendance de l'Ukraine à l'égard des grandes agroentreprises. Nous devons maintenant soutenir davantage les petites et moyennes exploitations agricoles ukrainiennes, car nous pensons qu'elles sont plus aptes à s'adapter à la nouvelle réalité.
    Aujourd'hui encore, les petites et moyennes exploitations et les ménages privés produisent plus de denrées alimentaires, plus de légumes et plus de fruits que les grandes agroentreprises. Par exemple, les régions du sud de l'Ukraine, comme Kherson et Zaporizhzhia, fournissaient beaucoup de fruits et de baies aux autres régions de l'Ukraine. Maintenant, les citoyens ukrainiens auront beaucoup de difficultés à se constituer un régime alimentaire sain pour tout le monde en Ukraine. Ces pastèques et cerises, etc., étaient produites par de petites et moyennes exploitations. Les grandes agroentreprises n'occupaient pas une grande place dans ce marché.
    Nous avons besoin de plus de soutien de l'État pour les petits agriculteurs, car ils sont plus adaptables. En tant qu'organisation environnementale, nous estimons qu'ils sont plus durables pour l'environnement que les grandes agroentreprises.
    C'est tout pour moi. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.

  (1110)  

    Merci, monsieur Amosov.
    Nous allons passer à Mme Klymenko. Permettez-moi de dire d'abord, au nom des 11 autres députés autour de la table, qu'il est formidable d'échanger avec une collègue parlementaire. Je vous remercie pour votre travail. Je sais que vous allez faire de votre mieux avec votre micro-casque.
    Je vous cède la parole, madame Klymenko.
    Je suis Yulia Klymenko. Je suis députée et première vice-présidente du Comité sur le transport et les infrastructures et ancienne vice-ministre de l'Économie de l'Ukraine.
    C'est un honneur et un plaisir pour moi de m'adresser au Comité de la Chambre des communes du Canada, un pays qui symbolise la réalisation d'un rêve pour les Ukrainiens qui sont venus au Canada il y a 120 ans et y ont construit avec des gens de toutes les autres nations un pays prospère, humain, pacifique et beau, qui soutient les forces du bien et de la justice.
    Comme le sujet de notre discussion est une crise alimentaire mondiale, permettez-moi de vous présenter d'abord un certain nombre de faits qui illustreront le rôle de l'Ukraine en tant que fournisseur mondial d'aliments et qui quantifieront la dévastation de l'approvisionnement alimentaire mondial causée délibérément par l'invasion russe.
    L'Ukraine nourrit 400 millions de personnes dans le monde, principalement dans des pays à faible revenu. L'Ukraine couvre 10 % des exportations mondiales de blé, 15 % pour le maïs et 47 % pour l'huile de tournesol. L'Ukraine exporte 58 millions de tonnes de denrées agricoles par an, dont 90 % sont acheminées par les ports maritimes d'Azov et de la mer Noire grâce à un écosystème d'infrastructures développé, composé d'installations fluviales et portuaires dotées de laboratoires de stockage et d'exportation. Cet écosystème a transformé 32 millions d'hectares de terres arables très fertiles en un secteur en plein essor, qui n'est probablement devancé que par le secteur informatique ukrainien.
    Le 21 février, la Russie a commencé à bombarder les villes ukrainiennes, tuant des civils et minant et bloquant délibérément tous les ports ukrainiens, en ciblant systématiquement toutes les installations de stockage de céréales, les laboratoires, l'infrastructure ferroviaire, le stockage de carburant et les raffineries de pétrole.
    Maintenant, je voudrais que vous portiez attention au message probablement le plus important de mon discours. L'interruption de l'approvisionnement alimentaire mondial n'est pas un dommage collatéral de la guerre en Ukraine. Il s'agit d'une arme hybride planifiée pour déstabiliser encore plus massivement l'économie et l'ordre politique mondiaux par l'instigation de la famine en Afrique et en Asie, qui engendrera un afflux de migrants en Amérique du Nord et en Europe occidentale.
    Nous avons déjà vu la Russie jouer ce scénario en Syrie, en provoquant une migration massive vers l'Europe et en faussant les processus politiques européens. Cette fois, la nourriture est l'arme et l'ampleur de la crise sera bien plus grande. Les avantages supplémentaires que la Russie espère seront des revenus supplémentaires découlant de la montée en flèche des prix mondiaux des denrées alimentaires et des matières premières, tout comme elle tire profit de la hausse des prix de l'énergie.
    Voilà pourquoi les Russes ont déjà volé 500 000 tonnes de céréales ukrainiennes dans les régions de Kherson et de Donetsk et les ont acheminées jusqu'au territoire russe pour les exporter.
    À ce jour, l'Ukraine stocke 22 millions de tonnes de céréales prêtes à être exportées, avec 40 navires commerciaux déjà chargés d'un million de tonnes de denrées agricoles. Cependant, la flotte est bloquée en mer Noire par la Russie.
    Consciente de l'importance cruciale de notre approvisionnement alimentaire pour de nombreux pays — par exemple, l'Égypte dépend de l'Ukraine pour 80 % de sa consommation de blé — et malgré la guerre, l'Ukraine a investi pour tripler sa capacité de transport fluvial, ferroviaire et routier. Aujourd'hui, nous pouvons transporter 1,5 million de tonnes de céréales par mois grâce à toutes ses capacités. Auparavant, c'était 500 000 tonnes. Pour vider nos stocks avant la nouvelle récolte, il faudra au moins 15 mois, même avec une capacité accrue. Vous pouvez constater ici un problème fondamental à la fois pour les pays qui ont besoin d'approvisionnement et pour la nouvelle récolte, car nous aurons peu d'installations de stockage disponibles pour la nouvelle récolte.
    L'Ukraine est prête à créer toutes les conditions nécessaires à la reprise des exportations à partir du port d'Odessa. La question est de savoir comment s'assurer que la Russie ne compromet pas cette voie commerciale ou ne bombarde pas la ville d'Odessa.
    L'Ukraine recherche une solution avec l'ONU et ses partenaires occidentaux. Toutefois, nous n'avons reçu aucune garantie de la Russie jusqu'à présent. La proposition de la Russie d'établir des couloirs pour l'exportation des céréales ukrainiennes en échange de la levée des sanctions est absolument inacceptable.

  (1115)  

    En prévision de la récolte de cette année, il nous faut tenir compte du fait que les Russes occupent 20 % des terres ukrainiennes et que 13 % des terres agricoles sont couvertes de mines et d'obus non explosés. Ainsi, des tracteurs sautent et des agriculteurs meurent dans les champs lorsqu'ils essaient de cultiver la terre. Néanmoins, nous avons semé et nous espérons récolter 80 % de toutes les terres arables d'Ukraine.
    Toutefois, le rendement de la récolte sera nettement plus faible cette année en raison des graves pénuries d'engrais, de carburant et de main-d'œuvre. La plupart des hommes qualifiés de la population active se battent au front. Les hommes et les femmes qui travaillent si fort dans les champs et assurent un approvisionnement alimentaire supplémentaire méritent notre reconnaissance et ont besoin de notre soutien indéfectible pour produire des aliments destinés aux personnes dans le besoin en Afrique et en Asie.
    C'est ce que nous devons faire ensemble pour éviter des crises alimentaires mondiales: l'Ukraine doit vaincre la Russie en mer, dans les airs et au sol.
    Pour débloquer les voies maritimes ukrainiennes, l'armée ukrainienne doit couler 25 autres navires de guerre et sous-marins russes au moyen de missiles antinavires et de systèmes de roquettes à lanceurs multiples, les SRLM, et déminer les voies maritimes.
    Pour protéger nos terres agricoles et nos infrastructures et créer des corridors de transport durables, nous devrons renforcer la défense aérienne et organiser des opérations de défense terrestres durables contre les avancées terrestres de la Russie dans l'Est et le Sud de l'Ukraine. Voilà pourquoi nous demandons un nouvel approvisionnement de véhicules armés, des véhicules blindés légers, des UAV, des munitions d'artillerie de 155 millimètres aux normes de l'OTAN, des obusiers M777 et des systèmes de déminage robotisés.
    Pour soutenir la capacité d'exportation du secteur agricole ukrainien, nous devons reconstruire les installations de stockage de céréales et les infrastructures ferroviaires et routières détruites ainsi que réparer, réoutiller et multiplier les laboratoires phytosanitaires et vétérinaires d'exportation.
    Toute l'aide dont j'ai parlé nous permettra de mettre fin à la guerre et permettra aux Ukrainiens de rentrer chez eux et de reprendre leur travail pour récolter et nourrir le monde, enseigner, soigner et créer notre brillant avenir. Il sera moins coûteux d'investir dans des armes lourdes pour l'Ukraine que d'essayer de résorber la famine, les migrations, les troubles et les turbulences géopolitiques prolongés à l'échelle de la planète.
    Je voudrais terminer mon exposé en vous remerciant pour tout l'appui politique, financier et militaire apporté à l'Ukraine ainsi que pour l'attitude chaleureuse et accueillante du peuple canadien envers tous les Ukrainiens qui ont dû fuir la guerre. J'en ai fait personnellement l'expérience, puisque mes deux plus jeunes fils ont séjourné 100 jours à Toronto avec des parents pendant que je suis restée à Kiev et que mon mari aide l'armée ukrainienne comme tireur d'élite. J'espère pouvoir ramener mes enfants dans deux semaines et assurer leur avenir en Ukraine.
    Merci beaucoup.

  (1120)  

    Merci beaucoup, madame Klymenko.
    Pour rappel, je pense que dans l'ensemble, vous vous êtes très bien débrouillée avec votre micro, mais il y avait juste un peu de retour sonore. Lorsque l'on vous posera des questions, ce qui ne manquera pas de se produire, si vous pouviez faire attention à ce retour sonore, ce serait formidable.
    Passons aux questions.

[Français]

    Monsieur Lehoux, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins de prendre le temps d'échanger avec nous ce matin. Je leur assure que toutes nos pensées les accompagnent dans ces moments très difficiles.
    Ma première question s'adressera directement à vous, madame la députée.
    Vous dites qu'actuellement, environ 10 % des terres arables sont minées. Cela a des répercussions importantes. Vous avez dit que 80 % des superficies étaient ensemencées, mais serez-vous capables de récolter ces semences?

[Traduction]

    Oui.
    Comme je l'ai dit, 13 % de nos terres agricoles sont jonchées de mines et d'obus non explosés. Oui, nous ferons notre nouvelle récolte si la guerre ne s'étend pas de l'est et du sud de l'Ukraine vers le centre, parce que nous garderons les troupes russes à l'extérieur des frontières du Sud et de l'Est et ne les laisserons pas avancer plus loin. Cependant, pour les empêcher d'entrer sur nos terres, nos terres ukrainiennes, nous avons besoin d'armes lourdes, comme je l'ai dit. C'est la seule garantie que nous pourrons faire récolter 80 % de nos terres arables en Ukraine. Oui, nous pourrons récolter ces 80 %, mais nous devons empêcher les troupes russes de pénétrer sur nos terres.

[Français]

    Vos infrastructures sont également touchées de façon importante. Sont-elles très endommagées? Je parle notamment des structures d'entreposage, comme les silos, et des routes servant à transporter les céréales à bon port, si vous me permettez l'expression. Quel est l'état actuel de vos infrastructures?

  (1125)  

[Traduction]

    À ce stade, les Russes ont bombardé et détruit environ 25 % de notre infrastructure ferroviaire et jusqu'à 10 % de notre infrastructure routière, je pense, y compris des ponts. Ils ont aussi très sciemment et précisément détruit des installations de stockage de céréales et de carburant.
    Pour récolter, vous avez besoin de carburant et de stockage pour les nouvelles récoltes. Les Russes les bombardent en permanence, donc ce serait une grande aide si vous pouviez nous aider à construire et à renouveler le stockage ainsi qu'une partie de notre infrastructure. Je suis consciente qu'il faudra du temps, mais nous avons besoin des voies ferrées, des routes, des rivières ainsi que des ports bloqués pour exporter nos récoltes en Afrique, en Asie et dans de nombreux autres pays qui sont dans l'attente. Tous mes collègues asiatiques et africains prient simplement pour que nous puissions débloquer les ports maritimes et livrer les céréales. C'est pour les gens qui sont déjà affamés en Afrique, malheureusement.

[Français]

    Le Canada a assujetti à une surtaxe de 35 % tous les engrais importés de la Russie. Selon vous, est-ce que cette mesure a une incidence favorable, dans le contexte du conflit que vous vivez actuellement avec les Russes, ou est-ce que cela n'aura fait que nous nuire davantage?

[Traduction]

    Oui, je pense que c'est une bonne solution, car tout dollar, qu'il soit canadien, américain ou de toute autre sorte ou tout euro qui arrive en Russie est transformé en balles qui nous tuent. Il faut les isoler économiquement et politiquement et les maintenir, avec leur élite du Kremlin, en dehors de l'environnement économique comme de l'environnement politique.
    Malheureusement, c'est votre seule façon de punir la Russie. Si je me souviens bien, le Canada n'a pas beaucoup d'échanges commerciaux avec la Russie. Les engrais sont importants, mais les Russes doivent payer un prix pour la violence et nous ne pouvons pas nourrir la bête parce que cette bête va manifestement réduire l'économie mondiale en poussière.
    Ils s'emploient à détruire l'économie mondiale en détruisant les chaînes d'approvisionnement alimentaire et en augmentant les prix de l'énergie, des aliments et de bien d'autres choses. Il vous faut comprendre qu'à l'heure actuelle, les guerres politiques, économiques et continentales sont liées les unes aux autres. Ils détruisent les modèles économiques de nombreux autres pays en envoyant des migrants et en augmentant les prix. L'Europe éprouve des difficultés parce que les prix de l'énergie, du pétrole et des aliments ont parfois doublé, triplé ou augmenté de 40 %, ce qui rend l'économie européenne peu compétitive par rapport aux économies asiatiques, par exemple.
    Oui, malheureusement, nous devons…

[Français]

    Je vous remercie, madame Klymenko.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame Klymenko et monsieur Lehoux.
    Monsieur Louis, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins de leur présence en ce jour très important et je tiens à dire d'abord que vous avez l'appui indéfectible du Canada sous la forme de l'aide humanitaire que nous fournissons, des mesures d'immigration, des sanctions économiques et de l'aide militaire. En tant que nation, nous sommes solidaires de l'Ukraine.
    Même sur le terrain, dans toutes nos collectivités — je sais que je peux parler pour la mienne — des organismes communautaires se portent volontaires pour offrir du soutien et des ressources afin d'aider les personnes déplacées. Vous avez notre appui, mais le message que j'entends, c'est que le Canada, en tant que nation, et le monde doivent intensifier leurs interventions et faire encore plus. Ce message est clair et il est entendu.
    Madame Klymenko, députée et première vice-présidente du Comité sur le transport et les infrastructures de l'Ukraine, merci de votre service.
    Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, il faudrait 15 mois pour vider vos stocks de céréales et, évidemment, vous avez dit que cela ne laisserait pas de place pour la nouvelle récolte. Vous collaborez avec l'ONU et d'autres partenaires. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus sur ce que nous pouvons faire de plus pour rattraper ce retard, car cela permettra de nourrir les gens et facilitera l'arrivée de la nouvelle récolte.

  (1130)  

    Comme je l'ai dit, le seul moyen durable, malheureusement, ce sont les armes lourdes. Nous pouvons déminer et débloquer nos ports, mais nous avons besoin d'armes lourdes, que nous n'avons pas, pour le nettoyage et le déminage ainsi que de missiles antinavires. C'est le meilleur moyen durable.
    Bien sûr, nous devons travailler en parallèle avec l'ONU et d'autres pays pour créer des corridors alimentaires temporaires et exporter nos céréales. Nous sommes conscients que le monde dépend de nos céréales. Nous ne pouvons pas nous permettre de simplement les brûler. Malheureusement, si nous ne transportons pas ces céréales, nous devrons les gaspiller, les brûler. Nous devons stocker les nouvelles récoltes dans les entrepôts ou construire de nouveaux entrepôts, ce qui est pratiquement impossible en deux mois. Dans deux ou trois mois, nous aurons une nouvelle récolte et nous devons vider nos installations existantes.
    Pour ce faire, nous avons besoin de deux choses. La première est de travailler sur des corridors alimentaires temporaires avec l'ONU et les pays occidentaux. Nous vous demandons de faire pression sur la Russie pour nous permettre d'exporter ces céréales et de nourrir les populations d'Afrique et d'Asie.
    Deuxièmement, nous espérons que les pays occidentaux s'uniront et nous fourniront des armes lourdes afin que nous puissions ouvrir ces corridors alimentaires de manière plus durable. Les navires russes devraient quitter la mer Noire et la mer d'Azov, car ils violent le droit international. La mer Noire est assujettie aux droits et aux règles internationaux. Ce ne sont pas seulement les rives et les côtes de l'Ukraine, pour ainsi dire. C'est le droit maritime international. Ils violent le droit international et ils bloquent les voies maritimes, purement et simplement. Beaucoup de navires étrangers restent dans nos ports parce qu'ils ne leur permettent pas d'en sortir.
    Il y a deux solutions: travailler avec les organisations internationales sur des corridors temporaires et débloquer la mer de façon permanente et durable.
    Je vous remercie.
    Vous avez dit aussi que cette guerre visait à déstabiliser votre approvisionnement alimentaire, à la fois pour affamer l'Ukraine et pour utiliser la nourriture comme une arme pour déstabiliser l'économie mondiale.
    En tant que ministre des Transports, pouvez-vous nous donner un aperçu de l'état de vos ports, de vos voies ferrées, de vos routes, de la situation actuelle et des défis à relever? Je crois savoir que les offensives militaires russes ont déjà détruit environ 30 % de votre infrastructure de transport.
    Oui. Tous nos ports sont bloqués, il n'y a donc aucune possibilité de transiter par les ports. Comme je l'ai dit, cela a été fait de façon très délibérée et dès le début, dès le premier jour de la guerre. Ils ont simplement bloqué les ports, sachant très bien que cela allait aggraver la crise mondiale. De même, cela entraînera une forte migration de l'Afrique et de l'Asie. C'est une sorte d'arme hybride pour eux. Ils utilisent la nourriture et les céréales comme une arme hybride, et pas contre l'Ukraine, mais contre des pays civilisés.
    Deuxièmement, 25 % de nos voies ferrées sont détruites. Nous les réparons constamment pour qu'elles continuent à fonctionner. Nous le faisons. Nous le faisons et nous perdons des gens. Plus de 120 personnes travaillant sur les voies ferrées sont mortes parce qu'elles faisaient des travaux pendant les bombardements et les actes de guerre. Des gens en paient le prix.
    Par ailleurs, le transport fluvial fonctionne. Nous pouvons emprunter le fleuve Dniepr. Nous y avons trois terminaux. Nous essayons d'augmenter la capacité de ces ports afin de pouvoir exporter, mais c'est un projet à long terme. Ce n'est pas comme si nous pouvions le faire en deux mois. Il faudra compter un an ou deux. Il faut beaucoup de temps pour construire des terminaux et des capacités supplémentaires sur le fleuve.
    Les routes sont également détruites, mais le pire, c'est qu'ils détruisent les installations de stockage des céréales et de carburant. Nous avons un énorme déficit de carburant pour les citoyens ainsi que pour les agroentreprises et les prix montent en flèche.

  (1135)  

    Merci beaucoup, monsieur Louis.
    Merci, madame Klymenko. Vous vous en tirez très bien.
    Je vais simplement vous rappeler d'essayer d'éviter les retours sonores, mais continuez comme ça.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je remercie sincèrement les témoins. Nous sommes avec eux de tout cœur et nous allons faire tout ce que nous pouvons pour les aider.
    Madame Klymenko, depuis le début de votre témoignage, on fait état des infrastructures détruites et de tout cela, mais, concrètement, de quoi avez-vous besoin? Vous avez l'occasion de parler à des élus du gouvernement du Canada. Que pouvons-nous faire de plus, dès demain matin, pour vous aider? Vous avez parlé d'armement, mais pourrions-nous axer notre aide davantage sur l'ouverture des ports, par exemple? Comment devrions-nous nous y prendre?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, vous pouvez faire trois choses essentielles. Tout d'abord, il y a les armes lourdes, et je comprends que vous n'en avez pas toute une gamme, contrairement aux États-Unis ou à l'Europe par exemple, mais vous avez des véhicules blindés comme des VBL et des UAV. Vous avez des munitions d'artillerie. Vous avez des obusiers. Vous avez des systèmes de déminage robotisés afin que nous puissions dégager nos terres agricoles des mines et des obus.
    C'est très important, car à l'heure actuelle, il est possible de miner des terres à une distance de 80 ou de 100 kilomètres. Par exemple, les troupes russes restent à 80 kilomètres des terres agricoles et peuvent envoyer des mines de cette distance. Les Russes détruisent donc délibérément nos terres agricoles.
    Nous avons aussi besoin de systèmes de déminage robotisés. Nous avons aussi besoin d'aide pour restaurer, réparer et construire des entrepôts et des laboratoires de stockage de céréales, ce qui est très important, car tous nos laboratoires... Pour exporter des céréales, vous devez soumettre des échantillons à des laboratoires. Nos laboratoires se trouvent principalement dans les ports, car nous exportons 90 % de nos céréales et de notre pétrole par les ports. Nous devons maintenant construire une nouvelle chaîne de laboratoires pour nos frontières occidentales, dans les gares, sur les routes, pour les douanes, pour ainsi dire. Nous devons les construire à partir de zéro, car comme je l'ai dit, nous ne pensions pas en avoir besoin sur les voies ferrées ou les routes. Nous avions accès à deux mers.
    Ce sont en fait deux choses dont nous avons besoin et vous pouvez nous aider à ces égards, mais les armes lourdes sont notre priorité. Nous comprenons très bien que nous devons les repousser de notre territoire et que c'est la seule façon durable pour nous de récolter, d'emmagasiner notre récolte et d'en semer d'autres pour récolter l'année suivante et nourrir le monde. Les Russes feront toujours chanter le monde entier au moyen d'une crise agricole et d'une crise du carburant, comme ils le font actuellement.
    Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne disent qu'ils vont fermer les voies maritimes pendant deux semaines et qu'ils ne permettront pas à l'ONU de venir. Ils le font tout le temps avec les corridors humanitaires. Je peux vous dire que les Russes n'ont pas permis aux habitants de la ville de Marioupol de faire passer ces gens, nos gens, des citoyens ukrainiens, par les corridors humanitaires ou d'y apporter de la nourriture depuis les territoires ukrainiens non occupés.
    En conséquence, plus de 20 000 Ukrainiens sont morts dans cette ville faute de nourriture, d'eau, de médicaments et de possibilités d'être évacués, alors qu'attendez-vous de ces gens, des Russes qui font cela dans une ville essentiellement russophone? C'était une ville russophone très proche de la frontière russe et ils ont fait cela à Marioupol. Je ne crois pas aux soi-disant solutions temporaires avec les Russes. Soit vous les vainquez, soit ils feront chanter le monde entier.

  (1140)  

[Français]

    Au sujet de la pénurie, vous avez mentionné avoir réussi à ensemencer 80 % de vos champs, selon ce que j'ai compris. Évidemment, cette récolte ne représentera toutefois pas 80 % de vos récoltes habituelles. Même si on arrive à sortir les grains par les ports, l'an prochain, on risque d'avoir un problème.
    À combien évaluez-vous les récoltes que vous allez réussir à faire cette année, approximativement? Je sais que c'est une question difficile, mais avez-vous une approximation?

[Traduction]

    C'est difficile à dire, mais nous avons des estimations. Nous pensons que nous serons en mesure d'exporter la même quantité, c'est-à-dire probablement de 22 à 30 millions de tonnes de céréales. Pour ce faire, nous avons besoin de stockage. Nous avons besoin d'un endroit pour mettre cette nouvelle récolte. C'est le plus grand défi et le plus grand problème. Voilà pourquoi nous devons sortir la récolte précédente et engranger la nouvelle.
    Nous espérons être en mesure de livrer 30 millions de tonnes de céréales aux pays d'Afrique et d'Asie et à de nombreux autres pays l'an prochain. Notre consommation est en baisse parce que six millions d'Ukrainiens ont quitté l'Ukraine. Ils sont allés en Europe et dans de nombreux autres pays. Nous avons donc diminué notre consommation interne et nous pouvons vendre l'excédent à l'extérieur.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Perron.
    Je donne maintenant la parole à M. MacGregor pour six minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins d'aider à nous guider dans cette étude. Nous vous sommes vraiment reconnaissants du temps que vous avez pris pour vous joindre à nous.
    J'aimerais adresser d'abord mes questions à M. Amosov, d'Ecoaction.
    Monsieur, j'ai consulté votre site Web et vous y avez publié un article sur la forte pression que la guerre a exercée sur les prairies naturelles de l'Ukraine. Nos deux pays ont cela en commun. Nous avons aussi de grandes étendues de terre qui sont des prairies naturelles.
    Votre article dit aussi que nous ne devrions pas soutirer les terres à Mère nature, mais aux envahisseurs. Vous avez parlé d'un grand nombre de sociétés russes et biélorusses qui louent des terres en Ukraine. Pouvez-vous nous renseigner sur vos efforts en ce sens?
    Merci pour cette question.
    Oui, nous avons un problème de cette nature lorsque des agroentreprises prennent plus de terres pour leurs activités. Ce sont déjà des écosystèmes sauvages. Peut-être qu'en Union soviétique, c'était des terres arables, mais elles sont redevenues des prairies et même des réserves naturelles. Puis, des agroentreprises les ont remises en exploitation. Maintenant, à cause de l'agression russe et de la pénurie de terres pour les campagnes d'ensemencement, nous entrevoyons ce risque, car la demande de terres augmente alors que nous avons besoin de plus de terres, de plus de céréales et de plus d'exportations, etc.
    Nous faisons la comparaison avec les entreprises russes et biélorusses qui louent des terres en Ukraine à des propriétaires privés, au gouvernement et aux collectivités. Nous aimerions retirer ces terres aux sociétés russes et les mettre en exploitation pour des agriculteurs ukrainiens. Cela nous semble équitable.
    Ce sont les principaux points ici.
    Merci de l'avoir illustré pour notre comité.
    Madame Klymenko, dans votre déclaration liminaire, vous avez décrit comment les opérations russes, surtout dans les territoires occupés de l'Ukraine, volent essentiellement les produits agricoles de l'Ukraine et les utilisent à leur propre profit.
    Qu'avez-vous entendu à propos du sort réservé aux agriculteurs ukrainiens dans les terres occupées? Ici, au Canada, les données démographiques montrent que nos agriculteurs ont tendance à être plus âgés. Il y a un réel défi dans notre pays à faire participer les nouvelles générations à l'agriculture. C'est un ensemble de compétences qui ne peut être facilement remplacé.
    Pouvez-vous simplement illustrer le sort des agriculteurs ukrainiens dans les territoires occupés? Pouvez-vous nous donner aussi un peu plus de détails sur ce qu'il advient des produits aux mains des occupants russes?

  (1145)  

    Oui. Comme je l'ai dit, les Russes ont déjà volé 500 000 tonnes de céréales ukrainiennes. La plupart du temps, ils les livrent en Russie ou en Syrie et essaient de les vendre par l'entremise de ces pays.
    Dans les territoires occupés, les agriculteurs sont vraiment en difficulté parce que, en premier lieu, les soldats russes y gèrent les entreprises agricoles. Ils font essentiellement des ponctions, à très vil prix, sur les récoltes des agriculteurs...
    Madame Klymenko, je suis désolé, mais nous avons un petit problème avec le micro. Je pense qu'il est un peu trop près de votre bouche. Tout allait plutôt bien jusqu'à présent, alors nous espérons que nous pourrons arranger les choses, mais nous avions un problème d'interprétation.
    J'ai arrêté le chrono, monsieur MacGregor.
    Madame Klymenko, pourquoi n'essaierions-nous pas à nouveau? Je suis désolé de vous avoir coupée, mais si vous pouviez essayer d'être très attentive, comme vous l'avez été, parce que vous avez été parfaite jusque-là.
    J'espère que c'est bon maintenant.
    Les soldats russes ont volé un demi-million de tonnes de céréales ukrainiennes et les ont transportées, comme je l'ai dit, en Russie et en Syrie. Ils traitent très mal nos agriculteurs dans les territoires occupés. En fait, ils prennent les céréales sans payer ou à très bas prix. Les céréales et les denrées agricoles sont envoyées en Russie pour être vendues soit dans les territoires occupés, soit en Russie à un prix très élevé.
    L'écart des prix des denrées alimentaires entre les territoires non occupés et les territoires occupés de l'Ukraine va du simple au triple, de sorte que vous pouvez acheter une pomme de terre, par exemple, pour 10 hryvnias à Kyiv, et pour 30 hryvnias ou plus à Kherson, qui est occupée. Ils fraudent essentiellement les gens et ils volent les céréales et les produits agricoles.
    Que pourrais‑je vous dire? Les civils ne contrôlent pas les territoires occupés. Les soldats se remplissent les poches en volant les produits agricoles des personnes qui les récoltent à la main.
    Dans les champs, nous avons des agriculteurs et ils sont probablement beaucoup plus jeunes, car c'est une activité très rentable en Ukraine. Nous sommes probablement l'un des rares pays à ne pas avoir de subventions pour les entreprises agricoles parce que c'est rentable. De nombreux jeunes se tournent vers l'agroalimentaire, car ils peuvent y gagner beaucoup d'argent, tirer parti des nouvelles technologies, augmenter la productivité et bien d'autres choses.
    Nous n'avons pas le problème que vous avez au Canada. La plupart de nos agriculteurs sont jeunes, plus ou moins, et ils possèdent de nouvelles compétences. Ils voyagent dans le monde entier pour acquérir de nouvelles compétences qu'ils mettent au service du secteur agricole ukrainien. En Ukraine, le secteur agricole est trois à quatre fois moins productif que le vôtre ou que celui des États-Unis. Nous avons donc beaucoup de chemin à parcourir pour accroître la productivité et faire gagner encore plus d'argent aux jeunes agriculteurs ukrainiens.
    Merci.
    Merci, monsieur MacGregor, et merci, madame Klymenko.
    Nous allons passer à notre deuxième série de questions, avec cinq minutes chacun pour les conservateurs et les libéraux et deux minutes et demie pour les autres partis.
    Monsieur Falk, à vous la parole.
    Merci beaucoup à tous nos témoins pour leurs exposés et les excellents renseignements qu'ils nous ont fournis.
    Madame Klymenko, j'aimerais revenir à vous moi aussi. Au début de votre exposé, vous avez évoqué l'origine de cette crise, de votre point de vue. Je suis très curieux de savoir si vous pouvez nous en dire un peu plus. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une pénurie alimentaire planifiée et d'une migration planifiée.
    Pouvez-vous me dire comment ces choses sont planifiées d'après la perspective que vous en avez?
    D'après notre expérience, nous sommes en guerre avec la Russie depuis huit ans. La guerre n'a pas commencé il y a 100 jours. Cela fait huit ans de guerre, en commençant par la partie orientale de l'Ukraine. Nous sommes déjà des guerriers très expérimentés. Nous comprenons que la Russie ne nous combat pas seulement avec des forces militaires. Elle nous combat avec des cyberattaques, en déstabilisant la situation politique et par bien d'autres moyens. Vous constatez maintenant qu'elle se bat également contre les pays civilisés en militarisant la nourriture et l'énergie.
    Le résultat de la crise alimentaire sera la migration. Il y aura une importante migration et beaucoup de migrants, parce que les gens affamés essaieront d'abord de changer leur gouvernement et cela engendrera des troubles, puis ils iront vers les terres et les pays qui peuvent nourrir leurs enfants. C'est évident. Les gens chercheront à échapper à la famine. Ils auront besoin de nourrir leurs enfants. Ils iront ailleurs, probablement dans les pays plus développés d'Europe et d'Amérique du Nord ou dans d'autres pays.
    Les habitants d'Afrique et d'Asie n'auront d'autre choix que de chercher de la nourriture dans d'autres pays, malheureusement. Cela provoquera une crise migratoire. C'est notre prédiction, d'après ce que nous pouvons voir de l'intérieur. Nous pouvons voir que la guerre russe ne se limite pas aux opérations militaires, mais qu'elle comporte de nombreuses autres facettes et il nous faut être très prudents à cet égard.

  (1150)  

    D'accord.
    Pouvez-vous aussi nous donner un peu plus de précisions sur l'objectif final ou le bénéfice perçu de toute cette migration? Il est évident que cela va engendrer des complications du point de vue de l'approvisionnement alimentaire, mais quel est le but de ce scénario?
    Les gens qui viendront auront probablement besoin d'écoles et de services sociaux. Ils auront besoin d'une infrastructure sociale. Ils auront besoin de plus de logements. Ils auront besoin de plus d'enseignants, etc.
    Nous pouvons le voir maintenant avec les six millions d'Ukrainiens qui ont fui vers l'Europe. Les systèmes sociaux européens et leurs services publics sont surchargés par les Ukrainiens parce que les enfants ukrainiens doivent aller à l'école et à l'hôpital. Il faut des enseignants et des médecins qui parlent couramment l'ukrainien, sinon il est impossible d'enseigner aux enfants ukrainiens. Ils ne parlent pas le polonais ou l'allemand.
    Il y a beaucoup d'autres situations en Europe. Oui, l'Europe s'en est très bien tirée avec les six millions de migrants. On ne pensait pas qu'elle pourrait absorber tout cet afflux et elle s'occupe des six millions d'Ukrainiens qui ont fui la guerre, mais si 10 ou 15 millions d'Africains ou d'Asiatiques débarquaient en Europe, par exemple, ou en Amérique du Nord, il vous faudrait combler leurs besoins sociaux de base et leur fournir des services publics. Vous ne pouvez pas simplement les laisser vivre dans la rue.
    Cela ferait peser un lourd fardeau sur le système social.
    Oui.
    Pour bien comprendre, en déduisez-vous que l'intention est de submerger les systèmes sociaux des pays européens?
    Je suis désolée. Pouvez-vous...?
    Croyez-vous que l'intention de tout cela est de submerger les services sociaux de tous ces pays européens?
    Non, l'intention est la déstabilisation politique, parce que les problèmes sociaux mèneront à ce que nous avons vu se produire avec Merkel, par exemple, et le principal argument contre le gouvernement allemand était une crise de l'immigration...
    Merci, madame Klymenko.
    Merci, monsieur Falk. Le temps est écoulé.
     Nous allons maintenant nous tourner vers M. Baker.
     Permettez-moi de dire, monsieur Baker, que même s'il y a d'autres parlementaires que vous, votre plaidoyer en tant que président de l'association interparlementaire canado-ukrainienne est grandement apprécié. Nous vous remercions d'être présent aujourd'hui pour poser des questions. Je crois que c'est approprié.
     Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je vous remercie, ainsi que les membres du Comité, de m'avoir accueilli aujourd'hui. C'est un véritable honneur d'être ici.
     J'aimerais, avant de poser mes questions, préciser à nos témoins que, comme le président vient de le dire, je suis président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, qui est un groupe de députés de tous les partis.
     Les députés de notre Parlement, comme ceux de votre Parlement, sont en désaccord sur de nombreuses choses. En fait, dans certains cas, on a l'impression que nous sommes en désaccord sur tout, mais nous sommes unis sur l'Ukraine et je tiens à ce que vous le sachiez. Je remercie mes collègues de tous les partis pour leur union et leur force et pour tout ce que nous faisons ensemble pour soutenir le peuple ukrainien.
     Il est évident que la guerre en Ukraine est une crise existentielle pour les Ukrainiens. C'est un désastre humanitaire, la Russie commettant un génocide. Le Parlement canadien a proclamé son soutien unanime à cette déclaration. C'est une menace pour la sécurité mondiale et la sécurité du Canada, et c'est bien sûr une menace pour l'approvisionnement alimentaire dans le monde entier, comme nous en avons parlé ici aujourd'hui.
     Vous et votre peuple ne vous battez pas seulement pour l'Ukraine, vous vous battez pour nous tous; nous devons donc nous battre pour vous. Sachez que les députés canadiens de tous les partis se battent pour vous.
     J'aimerais commencer par poser une question à Mme Bogonos, et je vous demanderais d'être aussi brève que possible, car j'ai encore quelques autres questions.
     Quel est l'impact humanitaire potentiel de l'utilisation par la Russie de l'approvisionnement alimentaire comme une arme? Dans quelle mesure cela pourrait‑il nuire à la communauté internationale, aux populations du monde entier?

  (1155)  

    Nous voyons déjà les résultats en Ukraine, car les salaires ukrainiens sont plus bas et les prix des denrées alimentaires beaucoup plus élevés, ce qui rend la nourriture moins abordable en Ukraine.
     À l'échelle mondiale, le prix du blé, par exemple, a augmenté de 30 à 40 % depuis le 25 février. Les pays vulnérables, comme l'Égypte, le Yémen ou le Bangladesh, souffraient déjà de la hausse des prix avant la guerre. Maintenant, ils devront se tourner vers d'autres stratégies ou demander une aide humanitaire supplémentaire pour fournir du blé ou des céréales à leur population. Cela imposera une charge énorme sur leurs budgets, ou les gens vont commencer à souffrir de la faim.
    Merci beaucoup.
     J'aimerais passer à Mme Klymenko, si vous le permettez.
     Vous avez dit un peu plus tôt que la Russie a offert d'autoriser certaines exportations de produits alimentaires en échange d'une réduction des sanctions internationales contre la Russie. À la télévision hier soir, sur Ukrainian 4 TV, on m'a interrogé à ce sujet. Aujourd'hui, vous avez dit que le monde ne devrait pas accepter cela, ce qui correspond à ce que j'ai dit hier soir.
     Pourquoi le monde ne devrait‑il pas accepter cela?
    Parce que c'est du chantage... C'est peut-être une réponse très courte, mais c'est vraiment du chantage. C'est une violation de toutes les règles et de l'ordre international. Vous ne pouvez pas, dans un premier temps, bloquer délibérément des ports, puis autoriser deux routes et demander la levée de toutes les sanctions.
     La prochaine fois, ils viendront bloquer les pays baltes, et ils diront: « D'accord, donnez-nous 10 milliards de dollars et nous les débloquerons. » C'est du chantage. C'est un comportement criminel. Vous ne pouvez pas l'accepter si vous voulez qu'il y ait des règles et un ordre à l'échelle mondiale, et que les gens respectent les lois et l'ordre internationaux. Vous devez punir ces maîtres chanteurs. Vous ne pouvez pas accepter ce chantage. Nous devons trouver d'autres moyens que la levée des sanctions.
     Je crois que les routes sont une solution temporaire. Les routes avec les convois de l'ONU nous permettront d'exporter, mais le moyen le plus durable est l'utilisation d'armes lourdes.
     Merci de votre soutien. Je suis de l'opposition, en fait, mais nous sommes unis en Ukraine parce que nous comprenons que nous avons un seul ennemi. Nous devons d'abord combattre cette bête, puis nous discuterons d'autres choses à l'intérieur de l'Ukraine en tant que partis d'opposition et de gouvernement, alors merci de votre soutien.
    Monsieur le président, est‑ce qu'il me reste du temps?
     Il vous reste environ 30 secondes.
    Enfin, madame Klymenko, et rapidement, chaque fois que nous vous avons demandé ce dont vous aviez besoin, vous avez répondu « des armes ».
    Que se passe‑t‑il si l'Ukraine n'obtient pas de la communauté internationale les armes dont elle a besoin?

  (1200)  

    La guerre sera longue. Nous n'accepterons aucune capitulation ou concession de nos territoires. C'est impossible, donc la guerre sera longue et sanglante. Malheureusement, la déstabilisation de la politique et de la sécurité alimentaire et énergétique augmentera dans le monde entier. La meilleure façon de résoudre tous ces problèmes — sécurité alimentaire, énergétique et autre — est de mettre fin à la guerre. Pour que les Ukrainiens arrêtent la guerre, ils doivent gagner la guerre.
     Je peux ajouter quelque chose à ce qu'a dit ma collègue. J'ai entendu dire par The Economist que 1,6 milliard de personnes sont déjà touchées par cette crise alimentaire dans des proportions différentes. Certaines personnes mangent moins. Certaines mangent moins à cause des prix élevés, et certaines personnes ont faim. Cependant, 1,6 milliard, selon The Economist, souffrent actuellement de cette crise.
    Duzhe dyakuyu.
    Merci, madame Klymenko.
     Merci, monsieur Baker.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie encore une fois les témoins de leur présence.
    Monsieur Amosov, vous avez mentionné dans votre allocution d'ouverture qu'il fallait absolument trouver un moyen d'exporter les grains de l'Ukraine.
    Mme Klymenko nous a parlé à plusieurs reprises d'armement.
    J'ai constaté aussi qu'il y avait peut-être un problème de compatibilité entre les chemins de fer.
    Que pourriez-vous nous dire à cet égard, monsieur Amosov?

[Traduction]

    Merci de cette question.
    Je suis d'accord avec Mme Klymenko pour dire que la seule façon d'exporter suffisamment de céréales et d'aliments à l'étranger est de passer par les ports maritimes. Malheureusement, notre chemin de fer n'est pas accessible et il n'y a pas assez de capacité ferroviaire pour exporter autant de céréales — 20 millions de tonnes de céréales en Ukraine. Nous devrions passer par des pays européens, comme la Pologne, la Lituanie et même les Pays-Bas. La chaîne logistique sera beaucoup plus longue qu'auparavant. Elle sera beaucoup plus coûteuse et prendra beaucoup plus de temps. Le meilleur moyen est de débloquer les ports maritimes ukrainiens maintenant.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Bogonos, aimeriez-vous répondre également à cette question?

[Traduction]

    Oui. Le problème de la logistique en Ukraine, comme l'a correctement remarqué M. Amosov, est effectivement énorme. La largeur des chemins de fer en Ukraine et dans les pays européens est différente. C'est pourquoi, pour être transportées à travers les frontières occidentales, les céréales doivent être déchargées des wagons ukrainiens et chargées dans des trains occidentaux pour poursuivre leur chemin. C'est le problème primordial.
     Un problème connexe est que la capacité de nos points de contrôle communs aux frontières ne permet pas toujours une telle procédure. Les points de contrôle dotés de telles installations sont peu nombreux, ce qui impose des limites supplémentaires à la capacité des chemins de fer ukrainiens à transporter les exportations. C'est le problème numéro deux.
     Le troisième problème que nous pouvons signaler est la capacité des ports européens à entreposer les céréales ukrainiennes. Les ports européens disposent d'installations pour la quantité habituelle de céréales qui a été transportée, plus certains entrepôts supplémentaires. Or, cette énorme quantité qui peut venir d'Ukraine est tout simplement... l'espace pour l'entreposer est très limité.
     Les agriculteurs ukrainiens ont commencé à investir dans l'achat d'installations d'entreposage plus anciennes en Europe. Bien sûr, les producteurs qui peuvent rassembler de l'argent pour les acheter essaient de faire des investissements supplémentaires dans des bâtiments et de l'entreposage en Europe, mais c'est un investissement énorme pour eux et tout le monde ne peut pas se le permettre.

[Français]

    Merci, madame Bogonos.
    Merci, monsieur Perron.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

  (1205)  

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
     Madame Klymenko, j'aimerais revenir à vous. Vous avez beaucoup insisté, comme l'ont fait tous nos témoins, sur l'importance d'assurer un passage sûr du port d'Odessa à la mer Noire.
     L'un des problèmes est que nous savons que la Russie est engagée dans des actes criminels ici. Nous savons qu'elle se livre à du chantage. Le problème est que la Russie dispose d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui nuit souvent à l'efficacité de cette organisation. Ce que je veux savoir, c'est... Dans la mer Noire, vous avez de grands voisins. Vous avez la Turquie, la Bulgarie et la Roumanie. Avez-vous des renseignements sur ce que font leurs forces navales?
    En plus de continuer à soutenir l'Ukraine avec des armes lourdes, que doit faire le Canada pour faire pression sur ses alliés internationaux afin de sécuriser ce passage? Les cargos ont-ils besoin d'escortes navales, par exemple?
     J'aimerais savoir en fonction de quelles conditions pratiques nous devons travailler en sachant que la Russie va essayer de nous bloquer de tous les côtés.
    Nous comprenons que la Russie bloque l'ONU et d'autres organisations internationales. Il y a beaucoup de Russes non seulement à l'ONU, mais aussi au MAGATE, qui est l'organisation nucléaire, etc.
     Nous voyons ces liens cachés tout le temps. C'est pourquoi nous luttons systématiquement contre la présence d'employés et de fonctionnaires russes dans les organisations internationales. Je le fais très soigneusement. Je les connais tous et j'essaie de les faire sortir de ces organisations, car ils influencent fortement la prise de décisions, malheureusement. Nous pouvons le constater dans les infrastructures et dans d'autres domaines.
    Ce que vous pouvez faire, c'est envoyer conjointement une lettre, prendre une décision dans votre comité ou voter au Parlement pour vous joindre à ces efforts de convois. Il ne s'agirait pas seulement de convois de l'ONU, mais aussi de convois américains et canadiens. Cela nous permettra de faire sortir les céréales par les ports. C'est le seul moyen durable et abordable de le faire, car si nous passons par les ports européens et les chemins de fer européens, etc., le prix augmentera parce que les coûts logistiques augmenteront considérablement pour le blé. C'est un produit de base. Les produits de base sont très vulnérables à la logistique. C'est pourquoi... La logistique ne peut pas coûter plus cher que le blé.
     Je pense que vous pouvez vous joindre à cela, mais mes collègues de l'ambassade ou du comité international sauront probablement mieux quels sont les outils pratiques dont disposent les Nations unies et d'autres organisations pour aider sur ces routes. Je vous reviendrai là‑dessus après la réunion. Je ne suis pas une spécialiste de ces organisations politiques internationales.
    Merci.
    Merci, madame Klymenko. Merci, monsieur MacGregor.
     Chers collègues, c'est tout. Nous avons en fait un peu dépassé le temps imparti, mais je pense que le témoignage était puissant. J'ai accordé une certaine marge de manoeuvre pour que nous puissions avoir des réponses complètes.
     Au nom de tous mes collègues parlementaires, je remercie nos témoins, Mme Klymenko, Mme Bogonos et M. Amosov, d'avoir accepté de participer à l'étude et d'avoir été en mesure de fournir cet important témoignage. Comme cela a déjà été mentionné, nous sommes à vos côtés. En tant que parlementaires canadiens, nous vous remercions pour ce que vous nous avez dit aujourd'hui, et j'aimerais encore une fois féliciter nos stagiaires ukrainiens sur la Colline, dont beaucoup se sont joints à nous en personne pour cette séance.
    Mme Yulia Klymenko: Merci à vous aussi. Merci de votre aide et de votre soutien.
     Le président: Chers collègues, nous allons faire une pause de deux minutes. Nous allons accueillir le prochain groupe de témoins, alors ne vous éloignez pas trop.

  (1205)  


  (1210)  

    Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Merci à toute notre équipe qui a contribué à une transition très rapide.
     Notre deuxième groupe de témoins pour la deuxième heure du début de notre étude se joint à nous par téléconférence aujourd'hui.
     Nous avons Paul Hagerman, qui est le directeur des politiques publiques à la Banque canadienne de grains. Nous avons Maud Labat, conseillère commerciale, section commerciale et économique à la délégation de l'Union européenne au Canada. Nous avons Maximo Torero Cullen, économiste en chef à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
     Merci beaucoup à tous les témoins pour leur participation aujourd'hui.
     Chers collègues, nous avons un vote de procédure à venir. Nous avons la possibilité de ne pas forcément arrêter à ce moment‑là. Je crois que j'ai le consentement unanime pour continuer durant les cloches. J'en ai parlé en fait à tous nos collègues. Je crois comprendre que la préférence est de voter sur appel afin de pouvoir reporter l'arrêt à la dernière minute, étant donné que nous avons ces merveilleux témoins devant nous.
     Sur ce, je vais commencer par Mme Labat.
     Vous avez cinq minutes pour votre exposé.
     Honorables députés, c'est un honneur pour moi et pour l'Union européenne de contribuer aujourd'hui à votre réflexion sur l'impact de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie.
     Cette invasion injustifiée de l'Ukraine par la Russie a montré une fois de plus à quel point l'Union européenne et le Canada partagent les mêmes idées dans leur évaluation de la crise et dans leur réaction à celle‑ci. L'Union européenne, comme le Canada, a adopté plusieurs séries de sanctions contre la Russie, les entités russes et les ressortissants russes qui appuient cette guerre. L'Union européenne, comme le Canada, évalue en parallèle les graves répercussions de cette guerre sur le monde, y compris sur la sécurité alimentaire mondiale.
     Dans mes remarques aujourd'hui, je présenterai trois points principaux: premièrement, notre évaluation de la situation dans l'Union européenne; deuxièmement, notre réponse; et troisièmement, comment le Canada, en tant que pays aux convictions semblables, fait partie intégrante de la réponse de l'Union européenne.
     Tout d'abord, notre évaluation de la guerre en Ukraine en général est qu'il s'agit vraiment d'une crise artificielle et que les menaces et les actions de la Russie prouvent que celle‑ci utilise la nourriture, comme elle utilise l'énergie, comme une arme géopolitique, au mépris de la vie et du bien-être des gens en Russie, en Ukraine et ailleurs. Cette guerre en Ukraine met en danger la sécurité alimentaire de millions de personnes dans le monde, et elle a déjà des effets négatifs sur les populations de nombreux pays. Les premières victimes sont évidemment les populations vulnérables du monde entier, notamment dans les pays à faible revenu qui dépendent de l'importation de nourriture et d'engrais.
     Cette invasion fait grimper le prix des denrées alimentaires en raison de l'augmentation des coûts de production, de transport et d'assurance du fret. Le prix des engrais a monté en flèche, y compris dans l'Union européenne, et limite fortement leur abordabilité pour les petits agriculteurs des pays en développement et de l'Union européenne.
     La Russie a également détruit d'importantes productions de réserves alimentaires, comme vous l'avez entendu précédemment, ainsi que la capacité de transformation et de transport en Ukraine. Nous pensons que l'armée russe cible délibérément le secteur agricole ukrainien. Lorsque la Russie bombarde les champs ukrainiens et détruit et pille les réserves alimentaires, et lorsque les navires de guerre russes bloquent les routes commerciales de la mer Noire, cela ne nuit pas seulement aux exportations ukrainiennes de blé et de céréales. Cela a également un impact négatif direct sur la vie quotidienne des populations d'Afrique et d'Asie.
     Comme vous l'avez entendu précédemment, les chiffres peuvent être un peu différents, mais notre évaluation est que l'Ukraine représente 10 % du marché mondial du blé, 13 % du marché de l'orge, 15 % du marché du maïs et plus de 50 % du marché mondial de l'huile de tournesol. Nous estimons que 49 % du blé d'hiver, 38 % du seigle et 63 % du maïs à récolter cet été sont situés dans des zones à risque. Entre 20 et 30 % des zones de production hivernale de céréales, de maïs et de graines de tournesol en Ukraine n'auront pas de récolte ou ne seront pas plantées ce printemps. En conséquence, la nourriture manque ou devient très onéreuse.
     Certains pays producteurs de céréales adoptent des quotas d'exportation. En outre, la Russie, le Belarus et la Chine ont annoncé des restrictions ou des interdictions d'exportation d'engrais et de composants d'engrais, et l'Union européenne, bien sûr, s'oppose vigoureusement à de telles restrictions commerciales.
     Pour nous, dans l'Union européenne, il n'y a pas de menace immédiate pour la sécurité alimentaire, car l'Union européenne est un gros producteur et un exportateur net de céréales, mais l'impact immédiat réside plutôt dans l'augmentation des coûts tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire et dans la perturbation des flux commerciaux en provenance et à destination de l'Ukraine et de la Russie, ainsi que dans l'effet sur la sécurité alimentaire mondiale.
     Si l'on prend le voisinage de l'Union européenne en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la disponibilité et l'accessibilité financière du blé, qui est leur denrée de base, sont menacées. Il en va de même en Afrique subsaharienne et en Asie.
     Les États membres européens réunis à Versailles à la mi‑mars 2022 ont demandé à la Commission européenne de prendre des mesures urgentes pour présenter des options permettant de faire face à la hausse du prix des denrées alimentaires et à la question de la sécurité alimentaire mondiale. Le 23 mars, la Commission européenne a adopté une communication sur la sauvegarde de la sécurité alimentaire et le renforcement de la résilience des systèmes alimentaires.
     Permettez-moi de vous présenter brièvement les actions prévues par cette communication.
    Premièrement, elle présente nos actions immédiates pour préserver la sécurité alimentaire en Ukraine et dans le monde.
     Deuxièmement, nous avons relevé le défi de la stabilité alimentaire dans le système alimentaire de l'Union européenne avec une série de mesures visant à soutenir nos agriculteurs et à maintenir un prix abordable pour nos citoyens.

  (1215)  

     Enfin, nous confirmons le programme européen visant la durabilité et la résilience de notre système alimentaire pour les années à venir.
    Pour gagner du temps, je ne couvrirai que les deux premiers points, mais je serai heureuse de répondre aux questions sur le reste.
    L'aide aux pays tiers et, bien sûr, l'Ukraine...
    Madame Labat, je m'excuse. Nous avons atteint les cinq minutes. Je veux vous donner un peu plus de temps, mais je sais que mes collègues ont beaucoup de questions à poser, alors peut-être que nous les répartirons en conséquence lorsque nous y arriverons.
     Monsieur Torero Cullen, vous avez jusqu'à cinq minutes.
    Merci beaucoup, Excellences et autres honorables membres du Comité.
     Ce que je veux signaler en premier lieu, c'est que, d'après notre Rapport mondial sur les crises alimentaires, publié le 4 mai, déjà en 2021, quelque 193 millions de personnes étaient en crise, ce qui signifie la phase 3 de l'IPC ou au‑dessus. Dans ce contexte dramatique, nous avons maintenant la guerre en Ukraine.
     La FAO voit trois grands types de risques pour la sécurité alimentaire mondiale. Ceux‑ci sont dérivés des effets directs du conflit sur l'alimentation et l'agriculture mondiales; ceux qui sont liés aux facteurs macro et transversaux; et ceux qui sont liés aux risques humanitaires, qui, bien sûr, sont les risques humanitaires que nous voyons en Ukraine.
     Les impacts macro ou le niveau d'endettement des pays à ce stade — les pays les plus pauvres —, ainsi que le lien entre le prix de l'énergie et les engrais ont fait peser sur le secteur agricole un risque important que nous n'avions pas auparavant. Comme nous le savons tous, l'Ukraine et la Fédération de Russie sont des acteurs importants sur le marché mondial des produits de base, et l'incertitude entourant le conflit a entraîné une nouvelle hausse importante des prix sur les marchés mondiaux, notamment ceux du blé, du maïs et des oléagineux. Cette hausse est venue s'ajouter aux prix déjà élevés dus à une demande robuste et à des coûts d'intrant élevés en raison de la reprise après la COVID‑19.
     En mars 2022, l'indice des prix alimentaires a atteint son plus haut niveau depuis sa création en 1990. En mai, l'indice FAO des prix alimentaires a baissé très modérément pour le deuxième mois consécutif — il n'a baissé que de 0,6 % par rapport à avril — et cette baisse est principalement due à la chute des indices du prix des huiles végétales et du prix des produits laitiers, qui ont chacun baissé de 3,5 % d'un mois à l'autre. En revanche, l'indice du prix des céréales a augmenté de 2,2 % par rapport à avril, atteignant un sommet historique et dépassant la pointe de mars 2022. L'indice du prix de la viande a également augmenté, mais très modestement, de 0,5 %.
     Les prévisions d'exportation de blé dans le cas de l'Ukraine et de la Russie ont été révisées depuis le début du conflit, et d'autres acteurs du marché, plus particulièrement l'Inde et l'Union européenne, ont augmenté leurs exportations. Cela a compensé en partie les exportations perdues de la région de la mer Noire, laissant un écart relativement modeste d'environ trois millions de tonnes métriques dans le cas du blé.
     L'impact de la crise actuelle a été important pour les pays importateurs de blé, fortement concentrés sur l'Ukraine et la Russie. Les pays qui dépendent fortement des importations de blé sont la Turquie et l'Égypte, mais aussi un certain nombre de pays subsahariens, dont l'Érythrée, la Somalie, Madagascar, la Tanzanie, le Congo et la Namibie. Ces pays doivent trouver de nouveaux fournisseurs, ce qui pourrait être un défi de taille, au moins au cours des six prochains mois. Aussi, l'Afrique du Nord et certains pays d'Asie du Sud étaient fortement tributaires de l'importation de blé de l'Ukraine et de la Russie.
    Si le blé est une denrée de base importante en Afrique du Nord, il ne l'est pas forcément en Afrique subsaharienne, à quelques exceptions près, même si la facture des importations de denrées alimentaires a augmenté parce qu'il y a aussi des intrants pour les matières premières. Les oléagineux ont aussi augmenté considérablement le coût des importations alimentaires pour ces pays. Malgré cela, il y a des pays en crise alimentaire représentés ici, qui sont aussi partiellement tributaires des importations de ces deux pays. Les pays qui sont en situation d'urgence aujourd'hui étaient également tributaires des importations de ces pays.
     Les exportations de maïs de l'Argentine, des États-Unis et de l'Afrique du Sud étaient censées augmenter. Globalement, le niveau d'écart actuel est d'environ huit millions de tonnes métriques. Les prix à l'exportation du maïs ont bondi en mars pour atteindre leur niveau le plus élevé jamais enregistré en réponse à la suspension brutale des exportations de l'Ukraine, et les prix du maïs ont baissé un peu plus tard en avril, mais très légèrement, se maintenant aux niveaux les plus élevés que nous ayons à ce jour. Bien entendu, en ce qui concerne les oléagineux, l'Ukraine et la Russie exportent environ 63 % des oléagineux mondiaux, ce qui exerce une pression importante également sur le marché indien.
     Un sujet très important est le prix des engrais, qui a également augmenté considérablement, et l'abordabilité des engrais a diminué radicalement. Cela s'explique par l'augmentation du prix du gaz et par les restrictions à l'exportation imposées par la Russie, qui est le premier exportateur mondial d'azote, le troisième de phosphore et le deuxième de potassium. Les principaux pays exportateurs de céréales et de produits de base à forte valeur ajoutée, comme le Brésil, l'Argentine, le Bangladesh pour le riz, et d'autres, sont tributaires des importations d'engrais en provenance de la Russie, dans des proportions qui varient entre 70 % et 20 %.
     En outre, le principal défi pour les agriculteurs canadiens et américains est le prix des engrais. La flambée du prix du gaz naturel a fait grimper le coût des engrais à base d'azote, comme l'ammoniac, qui a bondi de 700 $ la tonne métrique en août 2021 à plus de 1 600 $ en mai 2022. Le prix de la potasse, riche en potassium, a également atteint des records à plus de 1 100 $.
     Ce que nous observons ici ne constitue pas seulement un défi pour l'accès à la nourriture, mais aussi un énorme défi quant à la disponibilité de la nourriture, qui est notre principale préoccupation pour l'année prochaine, pour 2023. En outre, nous observons des niveaux de restrictions à l'exportation qui représentent environ 17 %, voire un peu plus, de toutes les calories échangées. Cela crée un défi important, en plus de l'augmentation des prix du pétrole et du carburant diesel, qui ont considérablement augmenté, et aussi du kérosène dans de nombreux pays d'Afrique à ce stade.

  (1220)  

    Tous ces problèmes commandent des interventions urgentes si nous voulons atténuer les risques pour les pays touchés. Tout d'abord, nous devons préserver la capacité de l'Ukraine d'exploiter ses terres agricoles, de faire les récoltes et d'exporter ses produits. Il faut aussi lui fournir de l'aide humanitaire, mettre fin aux restrictions à l'exportation et recommencer à soutenir le Système d'information sur les marchés agricoles pour assurer une meilleure transparence. Les mesures prises contre la crise ne doivent pas aggraver l'insécurité alimentaire. Elles doivent viser à accroître la résilience. Enfin, nous devons nous mobiliser pour trouver des moyens de faire face aux éventuelles pénuries dans les marchés mondiaux et pour favoriser tous les gains possibles de productivité durable pour éviter, comme je l'ai déjà dit, des problèmes liés à la disponibilité alimentaire en 2023.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Torero Cullen.
    Je donne maintenant la parole à M. Hagerman, pour cinq minutes.
    Allez‑y.
    La crise alimentaire qu'ont décrite avec beaucoup d'exactitude les deux témoins précédents n'a rien de nouveau. Les conditions sont à peu de choses près les mêmes qu'en 2008: les prix des denrées explosent, les pays imposent des restrictions aux exportations et des millions de personnes sont acculées à la pauvreté. La crise de 2008 a fait augmenter la mortalité infantile. Des enfants étaient retirés de l'école pour aller travailler, et la pénurie d'aliments a provoqué des émeutes dans des dizaines de pays. C'était il y a 14 ans. Les causes diffèrent un peu, mais nous avons l'impression de rejouer dans le même film. Comment pourrait‑il en être autrement vu les problèmes dans le système alimentaire mondial?
    Un des principaux problèmes vient de ce que beaucoup de pays en développement sont devenus dépendants aux importations de produits alimentaires plutôt que de renforcer leur propre agriculture. En Afrique, par exemple, le rendement moyen des cultures de maïs plafonne à une ou deux tonnes par hectare, alors qu'il atteint dix tonnes par hectare au Canada. Les possibilités d'augmenter les rendements et la productivité des pays en développement ne manquent pas, mais il n'y a pas suffisamment d'investissements pour les exploiter.
    En réponse à la crise alimentaire de 2008, les pays du G7 et d'autres pays se sont entendus pour investir des milliards de dollars dans la sécurité alimentaire des pays en développement afin de rattraper ce qui avait alors été qualifié de décennies d'investissements insuffisants. Le Canada avait doublé son soutien à l'agriculture. Malheureusement, les priorités ont changé après trois années seulement. En 2013, l'aide financière est revenue aux niveaux d'avant la crise. Dans les pays en développement, les rendements des cultures sont restés faméliques, les maladies ont décimé les troupeaux et les jeunes les plus brillants se sont mis à rêver à un avenir qui les amènerait n'importe où sauf sur une ferme.
    En 2008, les causes de la crise étaient surtout d'ordre climatique. Aujourd'hui, même si la crise a été provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le bilan est le même: les investissements en agriculture sont insuffisants.
    Je vais me concentrer sur ce que pourrait faire le Canada pour aider les pays en développement puisque c'est le champ d'expertise de la Banque canadienne de grains. Notre but est d'éradiquer la faim dans le monde. L'an dernier, nous avons aidé près de 1 million de personnes dans 33 pays grâce à notre programme d'aide alimentaire et de soutien en matière de nutrition, d'agriculture et de modes de subsistance.
    Une des questions posées dans le cadre de votre étude concerne les répercussions de l'insécurité alimentaire dans le monde et ce que le Canada pourrait faire. Je vous épargne les statistiques sur la faim puisque mes prédécesseurs les ont exposées avec brio, mais je tiens à dire que le nombre des personnes touchées augmente d'un mois à l'autre.
    En Éthiopie, le coût de la nourriture a grimpé de 64 % de 2019 à mars de cette année. Au Kenya, le prix de l'huile de cuisson a doublé. Auparavant, les fournisseurs de denrées avec qui nous faisons affaire garantissaient leurs prix pour six mois. Actuellement, à cause de l'instabilité des prix, si toutefois ils nous offrent des garanties, elles ne dépassent jamais deux mois. Il s'ensuit que moins de personnes bénéficient de l'aide du Canada, alors qu'elles sont de plus en plus nombreuses à en avoir besoin.
    Les gens doivent faire des choix difficiles. Certains doivent renoncer aux aliments riches en protéines et se contenter de féculents comme le riz ou le maïs. Ces aliments donnent une impression de satiété, mais les familles sont dénutries. Les enfants sont retirés des écoles. Beaucoup de gens doivent emprunter de l'argent à des taux usuraires. Ils vendent leur bétail. Toutes ces solutions de dernier recours auront des conséquences sur le long terme.
    J'ai deux recommandations concernant l'aide que peut apporter le Canada en ces temps de crise.
    À court terme, le Canada devra intensifier ses efforts en matière d'aide humanitaire, et notamment sur le plan alimentaire. Le Canada verse de l'argent au titre de la Convention relative à l'aide alimentaire, un traité international. Notre engagement minimal est le même qu'il y a neuf ans, en dépit de la baisse de la valeur du dollar canadien et de la hausse du prix des aliments. Une même somme nourrit donc la moitié moins de personnes. Le Canada doit intensifier ses efforts, y compris en réévaluant son aide alimentaire en tenant compte de l'indice des prix des produits alimentaires dont M. Cullen a parlé. Si les prix augmentent, l'aide doit aussi augmenter.
    À long terme, les programmes d'aide du Canada devront accorder une plus grande importance à l'agriculture et à la sécurité alimentaire, de même qu'au soutien aux pays en développement afin qu'ils diminuent leur dépendance aux importations. Notre organisme, la Banque canadienne de grains, collabore depuis des décennies avec des milliers d'agriculteurs africains qui pour la plupart ont des terres de moins de deux hectares. D'expérience, nous savons qu'il est possible pour ces petits exploitants d'augmenter considérablement leur production. La plupart de ces petits agriculteurs pourraient au moins doubler leur rendement en quelques années. Cela signifierait des tonnes de grains produits en plus en Afrique, un meilleur niveau de vie pour les familles pauvres et une résilience accrue aux changements climatiques.

  (1225)  

    Merci. Je m'arrête ici. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Merci, monsieur Hagerman. Vous avez conclu juste au bon moment. Bravo. Vous méritez une médaille.
    Nous allons commencer la période des questions.
    Chers collègues, si jamais nous sommes appelés à voter, nous allons poursuivre le plus longtemps possible, comme nous en avons convenu. Je vais m'entendre avec la greffière.
    Monsieur Epp, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout comme M. Baker, la présente étude et la guerre en cours me touchent personnellement. Mes quatre grands-parents sont nés en Ukraine et j'y suis allé trois fois.
    Les témoins du groupe précédent ont parlé surtout sur la production de grains, de diverses denrées et de légumes dans les régions de Kherson, de Zaporijia et de Melitopol. J'ai visité cette région du monde à trois reprises et j'ai plongé mes mains dans cette terre. Je suis donc touché de très près par ce sujet.
    De plus, par souci de transparence, je dois préciser que j'ai travaillé à la Banque canadienne de grains pendant cinq ans avant mon élection.
    Monsieur Hagerman, je suis ravi de vous revoir. Mes premières questions s'adresseront à vous.
    Vous avez mentionné que l'engagement minimal du Canada en matière d'aide alimentaire n'a pas bougé depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous dire où se situe le Canada par rapport à d'autres pays? Quelle aide ces autres pays offrent-ils actuellement?

  (1230)  

    Merci.
    La Convention relative à l'aide alimentaire, comme je l'ai dit, est un traité international qui a été signé par une quinzaine de pays. Le Canada occupe le troisième rang sur le plan de l'importance des contributions. Il est précédé par les États-Unis et l'Union européenne, qui ont haussé considérablement leurs engagements depuis quelques années. Leurs contributions ont augmenté de 30 à 40 % depuis 9 ans, soit depuis le début de l'application de la Convention.
    L'engagement minimal du Canada est fixe. Comme le mot l'indique, il s'agit de sa contribution minimale. Le Canada verse normalement davantage, mais rien n'empêchera un futur gouvernement de s'en tenir à l'engagement minimal.
    Nous suggérons au Canada de faire correspondre son engagement minimal à ce qu'il donne actuellement. Il ne débourserait pas plus que ce qu'il débourse maintenant, mais il prendrait un engagement politique qui indiquerait que nous comprenons les besoins et que l'aide consentie en tiendra compte puisqu'elle sera fonction de l'indice des prix des produits alimentaires. Si les prix grimpent, le Canada augmentera son engagement pour s'assurer de nourrir le même nombre de personnes.
    Merci.
    Dans le même ordre d'idées, vous avez mentionné la possibilité pour le Canada d'aider d'autres pays à doubler, voire à tripler leurs rendements. Je sais par expérience que c'est quelque chose qui a été réalisé en Éthiopie.
    Que pouvons-nous faire concrètement? Quelle serait la démarche et comment le gouvernement canadien pourrait‑il appuyer ces efforts?
    Merci.
    Encore une fois, nous avons une longue expérience dans ce domaine grâce au programme de la Banque canadienne de grains. Nous avons beaucoup travaillé avec des méthodes dites d'agriculture de conservation, que tous les agriculteurs canadiens connaissent. Les labours sont réduits au minimum, des cultures de couverture sont plantées et on fait une rotation des cultures.
    Les principes sont les mêmes, peu importe que la superficie à cultiver ait un millier d'hectares ou un demi-hectare. Seul l'outillage diffère, de toute évidence. Nous avons fait connaître l'agriculture de conservation dans une douzaine de pays et à près de 100 000 agriculteurs un peu partout en Afrique. Cette approche axée sur le savoir ne requiert pas l'achat de plus grandes quantités d'intrants. Une fois qu'ils savent quoi faire, les agriculteurs peuvent mettre leurs connaissances en pratique année après année.
    Souvent, ces pratiques sont adoptées dans le voisinage. C'est ce que nous appelons l'adhésion spontanée. Des personnes qui n'ont jamais été en contact avec nos conseillers agricoles ont adopté ces techniques et transmettent leurs connaissances. Ils réussissent à doubler ou à tripler leurs rendements moyens. On a même vu des rendements quintupler en l'espace de quelques années.
    L'agriculture de conservation est axée sur le savoir. Nous avons expérimenté d'autres méthodes, tout comme d'autres organismes, qui vont de l'agroforesterie à l'intégration agriculture-élevage. Le poisson est considéré comme du bétail, et des piscicultures sont associées à des cultures. C'est un exemple. Les cultures intercalaires de maïs et de légumineuses s'entraident. Diverses techniques plus axées sur le savoir que sur les intrants garantissent des rendements beaucoup plus importants qu'une ou deux tonnes par hectare.
    Merci beaucoup.
    J'ai une question pour vous, monsieur Cullen.
    Nous avons abondamment discuté et reçu de nombreux témoignages concernant les répercussions pour les citoyens de l'Ukraine et d'autres pays où elle exporte ses produits. La Russie a agressé l'Ukraine, mais c'est également une très grande puissance agricole.
    Quels pays tiers risquent de subir les contrecoups de la guerre menée par la Russie, soit parce que les investissements seront réduits… Y en a‑t‑il?
    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, tous les pays qui sont dépendants des importations alimentaires de la Fédération de Russie et de l'Ukraine seront touchés. Les répercussions seront plus importantes pour les pays dont la dépendance aux importations de ces 2 pays dépasse 50 % de… C'est le cas notamment de pays d'Afrique du Nord, d'Asie du Sud et d'autres régions d'Afrique.
    La dépendance aux importations n'est pas l'unique problème. D'autres pays ont compensé les écarts en augmentant leur offre et leurs exportations. L'accès aux engrais pose aussi problème. En raison de leur rôle crucial, l'incapacité de s'approvisionner en engrais risque d'abaisser les niveaux de production dans certains pays. C'est le plus grand défi actuellement.
    Merci.
    Je vais maintenant aborder un sujet qui préoccupe une bonne partie de la planète, soit la recherche de solutions écologiques pour parer à la crise énergétique.
    Vu l'ampleur de la crise, le monde peut‑il à la fois intensifier sa lutte contre les problèmes environnementaux grâce aux biocarburants et espérer nourrir la planète? Est‑ce que nous avons cette capacité de production?

  (1235)  

    Toutes les décisions supposent de faire des concessions.
    Il faudra encore beaucoup de travail pour développer des biofertilisants. Ce n'est pas une solution envisageable tout de suite. Il faudra encore faire des progrès.
    Actuellement, si l'acheminement des fertilisants n'est pas accéléré… Ils pourraient être acheminés puisqu'ils ne sont pas visés par les sanctions. En Éthiopie, par exemple, le recours à des cartes des sols s'est révélé très utile pour optimiser l'efficience des fertilisants. C'est une solution qui pourrait être transposée très rapidement à d'autres pays pour réduire le gaspillage de fertilisants.
    Il est primordial d'adapter le mélange des engrais ternaires aux besoins réels. Ce n'est pas le cas actuellement et c'est un problème.
    Merci, monsieur Torero Cullen.
    Merci, monsieur Epp, d'avoir posé ces questions.
    Au tour de M. Drouin maintenant. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de participer aux travaux du Comité.
    Ma première question s'adresse à M. Torero Cullen.
    Vous avez parlé du fait que des pays sont à la recherche de nouveaux fournisseurs. Selon certains témoignages entendus précédemment, il n'est pas impossible de trouver de nouveaux fournisseurs, mais que les coûts de transport risquent de faire grimper les prix. Est‑ce que c'est quelque chose qui s'observe déjà dans le marché?
    Oui, monsieur.
    Nous observons déjà un important problème lié à la facture des importations alimentaires, c'est‑à‑dire la différence entre les coûts d'importation avant la guerre et aujourd'hui. Plusieurs facteurs font grimper cette facture pour un grand nombre de pays vulnérables. Bien entendu, l'explosion des prix y contribue pour beaucoup, de concert avec l'appréciation du change.
    Nous proposons au Fonds monétaire international, le FMI, d'instaurer un mécanisme de financement des importations alimentaires. Essentiellement, on établit le déficit relativement aux importations alimentaires, on classe les pays en fonction de leurs vulnérabilités et on détermine dans lesquels il faut intervenir en priorité pour atténuer les risques de troubles sociaux. Ainsi, pour les pays africains, il faudra verser 9 milliards de dollars pour couvrir la facture totale des importations alimentaires. Si c'est 10 % de la facture qui est pris en charge, le financement sera à hauteur de 0,9 milliard de dollars. Si l'argent est prêté, le coût sera minimal et pourra être compensé par des droits de tirage spéciaux, ou DTS, au titre du mécanisme existant du FMI.
    La facture des importations alimentaires a effectivement explosé. Je peux donner l'exemple du Liban, qui fait face à une flambée spectaculaire des prix. Les importations alimentaires y ont diminué de 40 % environ. C'est un signe évident que ce qui était considéré comme inélastique est tout à coup devenu élastique sous l'effet de la crise.
    Nous commençons à voir des comptes rendus concernant les pays qui ont imposé des restrictions à l'exportation ou des contingents d'exportation.
    Quel serait votre message à ces pays?
    Nous avons comparé les restrictions à l'exportation qui ont été imposées durant la pandémie de COVID‑19, qui étaient minimales, et celles qui avaient été imposées en 2007‑2008, qui avoisinaient les 70 % des calories échangées. Elles sont un peu plus élevées actuellement, soit 70,5 % environ des calories échangées.
    Nous pensons, et c'est aussi la position associée au Système d'information sur les marchés agricoles, qu'il faut éviter les restrictions à l'exportation à ce stade‑ci. À preuve, l'indice FAO des prix des produits alimentaires a fléchi légèrement en mai après que l'Indonésie a levé sa restriction à l'exportation de l'huile de palme. La valeur des oléagineux a fortement diminué par la suite.
    Il est impératif de maintenir les échanges commerciaux et d'éviter les restrictions à l'exportation.
    Parfait. Merci.
    La question suivante sera pour M. Hagerman.
    J'aimerais remercier votre organisme. Je m'intéresse à ce que vous faites depuis un certain temps. J'ai même fait la connaissance de mon collègue d'en face par l'intermédiaire de la Banque canadienne de grains.
    Est‑ce que vous et vos partenaires faites des analyses sur le terrain pour déterminer ce qui pourrait être fait en plus? Vous avez notamment recommandé au Canada d'accroître sa contribution au titre de la Convention relative à l'aide alimentaire. Outre cette recommandation, avez-vous des solutions à court terme à proposer pour renforcer la contribution de votre organisme?
    Merci.
    Pour ce qui est des solutions à court terme… Notre grand problème est que l'argent que nous versons dans le cadre de nos programmes d'aide alimentaire dans différents pays ne nous permet pas d'aider autant de gens qu'auparavant. À cause du prix très élevé des aliments, nous nourrissons maintenant 2 000 familles au lieu de 3 000 avec un certain montant d'argent, et nous ne recevons rien pour combler l'écart.
    Nous nous sommes unis à d'autres organismes canadiens de la société civile ou d'aide humanitaire pour recueillir des dons du public. Nous espérons que cette collecte débutera dans les prochaines semaines. Nous nous attendons à un grand élan de générosité de la part des Canadiens, mais ce serait merveilleux de pouvoir compter sur le soutien du gouvernement pour faire face à l'escalade des prix.

  (1240)  

    Merci énormément.
    Pour terminer, je vais me tourner vers Mme Labat. Vous avez évoqué quelques mesures prises par l'Union européenne dans le cadre de la résolution du 23 mars. J'aimerais parler plus précisément de la deuxième mesure adoptée. Vous n'avez pas eu le temps de nous donner le détail, mais vous avez parlé d'une aide pour les agriculteurs.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Il reste une minute environ. Si ce n'est pas suffisant, vous serait‑il possible de transmettre votre réponse par écrit au Comité?
    Je serai heureuse de vous transmettre une réponse par écrit après la réunion.
    Plusieurs mesures ont été adoptées. Je présume que votre question porte sur l'aide que nous donnons aux agriculteurs de l'Union européenne. Il s'agit d'un programme d'aide de 500 millions d'euros, ce qui équivaut à 750 millions de dollars canadiens environ, qui proviennent de notre fonds d'urgence.
    Le but est de soutenir les producteurs européens qui ont été les plus durement touchés par les graves répercussions de la guerre en Ukraine. Les États membres peuvent majorer leur aide financière aux agriculteurs et prendre des mesures pour faire face aux perturbations des marchés qui sont attribuables à la fois à la hausse du coût des intrants et aux restrictions au commerce.
    Nous avons également accepté d'octroyer plus d'avances sur des paiements directs et accordé une dérogation exceptionnelle et provisoire permettant de cultiver des terres en friche. Nous avons de plus demandé aux États membres de prendre leurs propres mesures, comme la réduction de la taxe sur la valeur ajoutée — l'équivalent de notre taxe de vente harmonisée — sur les prix des denrées alimentaires pour en diminuer le prix, bien évidemment. Ces mesures visent surtout à aider les consommateurs européens.
    Je vous ferai volontiers parvenir un complément de réponse par écrit.
    Merci, monsieur Drouin.
    Merci, madame Labat.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Nous leur en sommes reconnaissants.
    Madame Labat, je poursuivrai avec vous.
    Les témoins du groupe précédent nous ont exhortés à rendre possibles, de toute urgence, les exportations de grains ukrainiens. Comment envisagez-vous cela? Comment le Canada peut-il collaborer avec vous pour aider à cet égard?
    Je vous remercie de la question.
    L'Union européenne a fait plusieurs choses, y compris établir des contacts avec le Canada.
    Actuellement, le plus important pour nous est de faciliter le transit et le commerce. Autrement dit, il faut réussir tout simplement à gérer ces problèmes logistiques et à sortir la production du pays. D'ailleurs, je pense que les témoins du groupe précédent en ont déjà discuté.
    En outre, la Commission européenne a annoncé en mai l'établissement de couloirs de solidarité pour aider les exportations ukrainiennes. Comme vous en avez entendu parler tout à l'heure, il s'agit notamment de réussir à disposer de plus de frets et de terminaux, et à augmenter les capacités de stockage, ce qui permettrait de sortir les biens de l'Ukraine. Je pourrais très bien vous transmettre cette annonce.
    Nous avons aussi une section qui regarde la façon d'améliorer la connectivité entre l'Union européenne et l'Ukraine, car les connexions et les infrastructures n'y sont pas équivalentes, comme il en a été question plus tôt. C'est l'une des premières choses que nous faisons à court terme.
    Les institutions internationales ont adopté une politique très forte visant à dénoncer les mesures de restrictions à l'exportation qui ont été prises. D'autres témoins en ont aussi parlé. Je pense que nous travaillons tout à fait de concert avec le Canada à ce sujet ainsi que pour éviter de nouvelles restrictions, évidemment. Nous travaillons beaucoup avec le G7, avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou FAO, de même qu'avec l'Organisation mondiale du commerce.
    Je vais m'arrêter là, mais, si vous avez des questions de suivi, n'hésitez pas à me les poser.

  (1245)  

    Merci beaucoup, madame Labat. Vos propos sont très intéressants.
    Par ailleurs, vous semblez accorder beaucoup d'aide à vos producteurs, même à ceux qui sont hors zone. Ai-je bien compris?
    Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « hors zone »?
    Lors de votre discussion avec M. Drouin, j'ai cru comprendre que vous aviez apporté une aide importante à votre secteur agricole pour augmenter sa production, dans le but de compenser la perte de marchandises ukrainiennes sur le marché.
    Est-ce que j'ai bien compris?
    Effectivement, nous nous attendons à ce que les producteurs européens puissent augmenter leur production. Lors des cinq dernières années, nous avons exporté environ 27 millions de tonnes de blé par année. Cependant, pour l'année 2022‑2023, nous prévoyons en exporter jusqu'à 40 millions de tonnes, si les conditions climatiques sont favorables, évidemment, ce qui constituerait une importante contribution au marché mondial.
    Évidemment, comme je viens de le dire, tout cela dépend des conditions climatiques, mais aussi des intrants, notamment les fertilisants. Or, comme d'autres témoins l'ont dit avant moi, le prix des engrais a explosé dans l'Union européenne. Je crois qu'il est rendu à plus de 280 % du prix normal. Il faudra donc voir si cette possibilité va se concrétiser ou non.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Torero Cullen, dans votre énoncé d'introduction, vous avez mentionné qu'il fallait réagir rapidement. Vous parliez également de l'augmentation de la productivité, mais vous avez semblé manquer de temps à la fin des cinq minutes qui vous étaient imparties. Voulez-vous compléter votre idée là-dessus?

[Traduction]

    Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai dit que cette année, l'accès aux denrées est difficile en raison de la hausse des prix, mais nous sommes surtout inquiets pour 2023. Il faut trouver une solution très rapidement pour respecter le calendrier agricole et les périodes de fertilisation. Il faut assurer la livraison des fertilisants. Même si des gains d'efficience importants ont été réalisés relativement à l'utilisation des fertilisants, comme je l'ai dit, il faut de toute urgence trouver des solutions pour les pays où il y a un risque de pénurie.
    Comme vous le savez, les États-Unis ont déclaré très explicitement que les fertilisants et les aliments n'étaient pas visés par les sanctions, et ils ont aussi proposé de délivrer des lettres pour accélérer le processus et réduire les risques associés au transport des fertilisants en provenance de la Fédération russe.

[Français]

    C'est parfait, merci.
    Qu'est-ce que le Canada pourrait faire à cet égard? Quelle serait votre recommandation?
    Veuillez répondre en 15 secondes.

[Traduction]

    Le Canada peut certainement faire quelque chose. Il exporte aussi des fertilisants, et il peut donc offrir une aide à cet égard. Il faut aussi trouver des mécanismes pour faire traverser la frontière aux fertilisants et les acheminer vers les pays qui en ont besoin. Le plus préoccupant actuellement est la culture du riz. C'est la période de fertilisation avant la récolte, et c'est là tout le problème. Il faut éviter que cette culture soit touchée également. C'est le seul produit qui a été épargné jusqu'ici.

[Français]

    Merci, monsieur Torero Cullen.
    Merci, monsieur Perron.
    Merci.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Labat, je vais commencer avec vous.
    Avant vous, nous avons reçu une députée du Parlement ukrainien et des porte-parole d'organismes ukrainiens. Leurs témoignages nous ont donné un aperçu très direct et très personnel de la situation dans ce pays. Ils ont tous affirmé qu'il faut absolument débloquer le port d'Odessa pour rattraper les énormes retards. Les entrepôts sont pleins et il y aura une incidence sur la capacité d'ensemencer et à faire les récoltes cette année.
    Dans l'Union européenne, la Roumanie et la Bulgarie ont des côtes sur la mer Noire… Je sais qu'il a été question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Elle est membre de l'OTAN.
    Pourriez-vous nous parler de la perspective de l'Union européenne relativement à la sécurisation du port d'Odessa, qui offre la solution la plus efficiente pour dénouer la crise de l'entreposage en Ukraine, mais également pour libérer l'accès à une grande partie des denrées? Quels sont les efforts déployés par l'Union européenne actuellement? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet étant donné que vous êtes beaucoup plus près de ce qui se passe et que vous avez probablement une tout autre perspective que les parlementaires canadiens?

  (1250)  

    En fait, les plus récents appels sont venus du président de la Slovaquie, qui a demandé que le port d'Odessa soit sécurisé. Si j'ai bien compris, la protection serait assurée par la Turquie ou l'Union européenne. Jusqu'ici, nos efforts ont été concentrés sur les passages terrestres. Plus précisément, parce que le port était bloqué, nous avons essayé de faciliter l'accès par les couloirs de solidarité dont j'ai déjà parlé pour aider l'Ukraine à exporter ses produits agricoles.
    C'est très complexe à cause des postes frontaliers et des temps d'attente qui peuvent être très longs. Nous voulons les réduire. Nous avons demandé à différents acteurs du marché européen de nous aider à dénouer la crise en augmentant le nombre de véhicules, en créant des plateformes logistiques d'appariement et des guichets uniques pour ces couloirs de solidarité dans les États membres.
    Nous avons aussi encouragé les acteurs du marché à ajouter des sillons horaires pour le transport ferroviaire des exportations afin d'éliminer les goulets d'étranglement. Nous avons aussi coopéré avec les autorités douanières nationales pour accélérer les procédures aux points de passage frontaliers, et cherché des façons d'augmenter la capacité d'entreposage dans l'Union européenne.
    Actuellement, les opérations visent surtout les frontières terrestres étant donné que, comme vous l'avez souligné, le port d'Odessa est bloqué. Les discussions se poursuivent pour trouver des façons d'aider l'Ukraine. Cependant, l'Union européenne n'est pas une puissance militaire, comme vous le savez, et nous essayons de trouver des façons de faciliter les mouvements et de protéger les accès. Malheureusement, nous n'en sommes pas encore là.
    Merci de nous aider à mieux comprendre la situation.
    La question suivante est pour M. Hagerman, de la Banque canadienne de grains. Vous avez évoqué deux mesures que le Canada pourrait prendre. Le Comité a bien compris qu'il est recommandé au gouvernement du Canada d'accroître sa contribution au titre de la Convention relative à l'aide alimentaire et de réévaluer son aide en tenant compte de l'indice des prix à la consommation. Bref, le Canada doit passer à la vitesse supérieure.
    Concernant le deuxième volet… Dans quelle mesure le savoir-faire agricole canadien peut‑il être mis à profit pour aider les pays en développement à s'affranchir de leur dépendance et, j'imagine, à renforcer leur résilience? Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet? Devons-nous fournir de l'équipement ou mettre notre expertise en matière d'ensemencement au service de ces pays? Pouvez-vous donner quelques détails qui permettront au Comité de formuler une recommandation en ce sens?
    Je voudrais tout d'abord faire une précision. J'ai parlé de revoir l'aide alimentaire en tenant compte de l'indice des prix des produits alimentaires, et non de l'indice des prix à la consommation. L'indice des prix des produits alimentaires est établi par la FAO.
    Merci de cette précision.
    Pour ce qui est de l'expertise canadienne, certains aspects de notre expertise en matière agricole peuvent être valables. En revanche, la grosse machinerie que nous utilisons pour nos grands champs n'a pas vraiment d'intérêt pour les pays en développement, où la plupart des agriculteurs cultivent de très petites superficies.
    Donc, ce n'est pas tant notre équipement qui peut aider, mais plutôt nos connaissances en pédobiologie. Le Canada est un chef de file et il fait beaucoup de recherches dans ce domaine. Par exemple, il serait facile de transférer les résultats de l'énorme travail accompli par le Global Institute for Food Security et l'Université de la Saskatchewan dans le domaine de la pédobiologie aux pays en développement.
    L'utilité des travaux sur les chaînes de valeurs et de transformation, notamment, n'a rien à voir avec la superficie des exploitations, ce qui n'est pas le cas de l'équipement. Il est très utile de comprendre les bénéfices de l'agriculture de conservation pour la pédobiologie et la consommation de l'eau, sans égard à la superficie.

  (1255)  

    Merci beaucoup.
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur MacGregor. Merci, et merci également, monsieur Hagerman.
    Nous allons entamer la deuxième série de questions. Je vais faire de mon mieux pour que vous puissiez poser toutes vos questions.
    Monsieur Hoback, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président. L'étude que nous menons est absolument nécessaire et elle tombe tout à fait à point.
    Monsieur Torero Cullen, j'aimerais commencer par un sujet que vous avez vous-même abordé, soit les restrictions commerciales touchant l'huile de palme indonésienne. Selon vous, le problème risque‑t‑il de perdurer avec le resserrement de l'offre? Quelle sera l'incidence sur l'approvisionnement mondial en huile de cuisson?
    J'ai plutôt parlé de la levée d'une restriction à l'exportation qui a été levée. C'est ce qui a fait baisser le prix des oléagineux. Comme vous le savez, l'Indonésie est parmi les principaux pays exportateurs d'huile de palme. Les exportations d'huile de tournesol ont aussi été restreintes à cause de la guerre. Les niveaux tournaient autour de 67 %. Dès qu'un pays comme l'Indonésie impose une restriction à l'exportation, les prix grimpent.
    Il faut éviter ces restrictions. Elles provoquent des hausses de prix qui font très mal à l'Afrique parce que les répercussions ne se font pas sentir seulement sur l'huile de cuisson, mais partout où des oléagineux sont utilisés.
    Pouvez-vous nous indiquer les denrées ou les produits pour lesquels la situation risque de se dégrader au cours de la prochaine année? Pour quelles denrées l'offre est-elle vraiment compromise?
    Dans le cas du blé, l'Inde a fait partie des pays qui ont bien réagi et où l'indice a augmenté. Elle a imposé une restriction aux exportations de blé, mais elle a néanmoins exporté 4,5 millions de tonnes métriques de plus. Cela a permis de combler l'écart entre l'offre et la demande de blé.
    Le riz est notre principale préoccupation. Si les pays ne peuvent pas se procurer les fertilisants nécessaires, il pourrait y avoir un problème avec le riz. C'était un des principaux facteurs déclencheurs des crises de 2011 et de 2007‑2008. Vous savez peut-être que les marges bénéficiaires sont très faibles pour le riz. Par conséquent, toute restriction à l'exportation risque de tirer les prix vers le haut. Il faut à tout prix éviter une hausse des prix du riz. Actuellement, l'offre est suffisante. Il faut espérer que les producteurs réussiront à se procurer les fertilisants nécessaires pour maintenir l'offre l'an prochain.
    Dans le cas des protéines pour le bétail et d'autres produits du genre, quelles seront les répercussions des événements actuels sur les échanges?
    Tout ce qui touche les céréales a tôt ou tard un effet sur les matières premières d'alimentation et fait grimper le prix de la viande.
    Il est important de comprendre que des grains sont bloqués en Ukraine. On parle de 20 à 24 millions de tonnes métriques. Les quantités ont augmenté parce que la consommation locale a baissé. Une partie importante de ces grains ne sont pas destinés à la consommation humaine, mais au bétail. Une option possible serait de les entreposer et de les distribuer plus tard, pour éviter de perturber le marché.
    Où est le problème? Imaginez que tous les grains destinés à la consommation humaine sortent de l'Ukraine maintenant. L'écart étant de seulement trois millions de tonnes métriques pour le blé et de huit millions de tonnes pour le maïs, les agriculteurs risquent de se retrouver avec le problème inverse. Même si vous avez raison de dire que les rendements augmenteront considérablement, les extrants seront beaucoup moins abordables en raison du prix plus élevé des fertilisants et des autres intrants.
    Nous devons essayer de comprendre la situation et la meilleure façon de faire sortir ces produits sans aggraver les distorsions.
    Merci, monsieur Torero Cullen.
    Merci, monsieur Hoback. Vos trois minutes sont terminées.
    Monsieur Turnbull, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à l'ensemble des témoins pour vos témoignages et vos éclairages d'une grande importance.
    Dans vos remarques liminaires, vous avez tous insisté sur l'importance d'assurer la durabilité et la résilience du système alimentaire, de réduire la dépendance aux importations et de soutenir les petits agriculteurs.
    Monsieur Hagerman, vous avez notamment évoqué l'agriculture de conservation comme moyen d'améliorer les rendements. Vous avez également affirmé en introduction que les problèmes actuels n'ont rien de nouveau.
    De toute évidence, les pressions exercées sur l'offre alimentaire mondiale par l'invasion de l'Ukraine par la Russie commandent certes des mesures urgentes, mais ne risquent-elles pas d'aggraver l'instabilité du système alimentaire?
    J'aimerais entendre M. Hagerman en premier.
    Qu'entendez-vous par « aggraver l'instabilité du système alimentaire »?
    Je crains qu'en intervenant rapidement pour contrer les pressions sur le système alimentaire, nous soyons forcés d'aller à l'encontre de l'objectif à long terme de le rendre plus durable. Il est évident que les petits agriculteurs ne pourront pas augmenter leur capacité de production du jour au lendemain pour répondre aux besoins de la planète.
    Merci de cette question.
    Le système alimentaire mondial est un gros navire. Il faudra du temps pour le faire changer de cap et opérer une transformation en profondeur. J'ai parlé de la crise alimentaire de 2008. À cette époque, il a été décrété que les investissements dans l'agriculture étaient insuffisants depuis des décennies. Les pays du G7, le Canada notamment, ont injecté de l'argent dans le système pendant trois ans, mais il n'y a pas eu de véritables changements.
    Je pense qu'il faut agir rapidement, même si nous sommes conscients que ces interventions rapides ne transformeront pas le système à long terme. Pour cela, il faudra investir dans l'agriculture de tous les pays qui dépendent démesurément des importations. À court terme, les besoins sont énormes, et tout ce qui est fait pour les combler ne risque pas de compromettre les efforts à long terme. Il faut agir sur les deux fronts.

  (1300)  

    Merci. Je comprends.
    Monsieur Torero Cullen, je me tourne vers vous.
    Je me demande si les discussions multilatérales laissent entrevoir des solutions à moyen terme pour atténuer les pressions exercées par la crise de la sécurité alimentaire dans le monde et, parallèlement, pour augmenter les chances de rendre le système alimentaire mondial plus résilient et plus durable.
    Malheureusement, nous arrivons au bout du temps alloué, monsieur Torero Cullen, mais nous pouvons demander à la greffière de vous faire parvenir la question par écrit et, si c'est possible pour vous, vous pourrez nous transmettre la réponse, également par écrit. Chose certaine, le Comité souhaite connaître votre point de vue sur cette question.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Torero Cullen, je vais vous donner l'occasion de compléter votre réponse à ma question.
    Que peut-on faire, concrètement et rapidement, pour venir en aide dans cette situation? Quelle recommandation principale faites-vous au gouvernement du Canada?

[Traduction]

    Actuellement, pour aider les pays les plus vulnérables, il est urgent d'instaurer un mécanisme de financement des importations alimentaires. Le gouvernement canadien peut y contribuer en versant des fonds au système de DTS et en soutenant sa mise en œuvre par le FMI. La situation est explosive dans certains pays et le risque de troubles sociaux est très élevé si nous ne faisons rien dès cette année.
    Par ailleurs, il faut trouver des façons de faciliter la livraison de fertilisants aux pays qui sont actuellement la priorité en raison des risques pour leurs récoltes.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Perron.
    Merci aux témoins. Je précise qu'il y aura un vote de procédure dans cinq minutes environ et que c'est pour cette raison que nous avons été un peu bousculés à la fin. Nous avons cependant réussi à avoir une deuxième période de questions, et nous vous remercions d'avoir participé à notre réunion.
    Madame Labat, je n'ai pas vraiment de question pour vous, mais j'aimerais avoir vos lumières sur un sujet en particulier. M. Drouin vous a demandé de nous parler de certains programmes d'aide aux agriculteurs dans l'Union européenne. Il a été question de fertilisants, entre autres. Il ne reste pas assez de temps pour vous demander une réponse, et je sais que les changements ne peuvent pas arriver du jour au lendemain, mais le fait est que le Canada est un des principaux producteurs, sinon le plus important producteur de fertilisants dans le monde. Quels États membres bénéficieraient le plus des exportations canadiennes dans ce domaine? Si vous pouviez nous soumettre votre réponse par écrit, nous vous en serions reconnaissants.
    Nous vous souhaitons à tous une bonne fin de journée, et nous vous remercions sincèrement d'avoir participé à notre étude.
    Chers collègues, j'ai deux petits points d'ordre administratif à régler avec vous. Le premier concerne le budget du Comité. Est‑ce que quelqu'un peut proposer l'adoption du budget? Il vous a été transmis. Il ne devrait pas y avoir de problème.
    Je propose que le budget soit adopté.
    (La motion est adoptée.)
    Il y a unanimité.
    Le second point concerne la visite de la ministre ukrainienne de la Politique agraire et de l'Alimentation, ou l'équivalent de notre ministre de l'Agriculture, jeudi prochain. J'aimerais tenir une conférence de presse le matin pour attirer l'attention sur nos travaux. C'est très important. Nous avons entendu des témoignages d'un grand intérêt aujourd'hui.
    Monsieur Drouin, je crois que vous voulez proposer une motion. J'imagine que ce sera assez simple puisque nous en avons déjà discuté.
    Est‑il nécessaire de proposer une motion? Si nous sommes d'accord, nous pouvons vous donner…
    Pouvez-vous la lire pour qu'elle soit consignée aux bleus?
    D'accord. Voici la motion:
Que la greffière du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire prenne les dispositions nécessaires à la tenue d'une conférence de presse le jeudi, 9 juin 2022; et que la présidence représente le Comité.
    (La motion est adoptée.)
    Merci de votre appui, chers collègues.
    C'est capital pour nous d'unir nos efforts pour mettre le travail du Comité en lumière. Comme M. Epp et M. Baker l'ont souligné, c'est un sujet qui nous touche tous personnellement.
    Sur ce, nous pouvons aller voter. La séance est levée.
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