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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 23 septembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Traduction]

    Bienvenue à la réunion numéro 43 du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
    Vous avez sans doute remarqué que je ne suis pas Hedy Fry, mais je me ferai un plaisir d'assurer la présidence à sa place jusqu'à ce qu'elle arrive.
    Et comme par hasard, je vois que la Dre Fry vient de se joindre à la réunion, alors je pense que je vais céder la parole à la présidente.
    Je vous donne la parole.
    Merci beaucoup, monsieur Nater, de m'avoir remplacée.
    Ici, dans les coins les plus sombres et reculés de Vancouver, il arrive parfois que nous ayons de la difficulté à nous connecter tant bien que mal au WiFi, mais je suis ici maintenant, alors nous pouvons commencer. Merci.
    Bonjour, tout le monde. Je m'excuse de mon retard, mais j'avais de la difficulté à me connecter à cet engin.
    La séance est ouverte.
    Bienvenue à tous et à toutes à la réunion numéro 43 du Comité permanent du Patrimoine canadien de la Chambre des communes.
    Je tiens à souligner que la réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinaabe.
    Conformément à l'ordre de référence adopté par la Chambre le mardi 31 mai et à la motion adoptée par le Comité le 20 septembre, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur le projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communications en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule, bien sûr, encore une fois, dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du jeudi 23 juin.
    Les députés qui assistent en personne dans la salle savent comment utiliser les services d'interprétation et comment obtenir la traduction. Pour ceux et celles qui assistent à la réunion virtuellement, les options d'interprétation sont au bas de votre écran. Il y a un petit globe. Cliquez dessus, et vous pourrez choisir entre l'anglais et le français, dépendamment de la langue que vous voulez utiliser.
    J'aimerais faire quelques commentaires, pour le bénéfice des témoins et des députés.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et veuillez activer la sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour ceux qui participent sur Zoom, vous savez comment cela fonctionne. Encore une fois, au bas de votre écran, vous pouvez choisir l'interprétation. Il y a une fonction « Lever la main », si vous devez l'utiliser. Je vous rappelle à tous et à toutes que tous les commentaires devraient être adressés à la présidence.
    Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins ici-présents. Nous accueillons d'abord Mme Jen Gerson, cofondatrice de The Line et journaliste indépendante. Ensuite, nous accueillons M. Michael Geist, puis M. Rod Sims, professeur à la Crawford School of Public Policy, de l'Australian National University, qui est avec nous par vidéoconférence. Nous accueillons les représentants de Hebdos Québec, M. Benoit Chartier, président du conseil d'administration, par vidéoconférence; et M. Sylvain Poisson, directeur général, par vidéoconférence. Nous accueillons aussi M. David Skok, fondateur et président-directeur général, qui représente The Logic Inc. Pour Médias d'Info Canada, nous accueillons M. Paul Deegan, président et chef de la direction, ainsi que M. Jamie Irving, président du conseil.
    Pour commencer, chacune des personnes que j'ai nommées aura cinq minutes, et nous passerons ensuite aux questions.
    Vous pouvez commencer, madame Gerson.

  (1315)  

    D'abord, j'aimerais remercier le Comité de m'avoir invitée à témoigner. Je m'appelle Jen Gerson, et je travaille dans le secteur des médias depuis plus de 15 ans maintenant, dans les salles de presse d'un bout à l'autre du pays, y compris au Toronto Star, au Globe and Mail, au Calgary Herald et au National Post. En tant que journaliste indépendante, j'ai publié des articles dans le Walrus, Maclean's, le New York Times et le Washington Post, entre autres.
    Actuellement, mon cofondateur, M. Matt Gurney, et moi-même dirigeons un bulletin d'information sur Substack que nous avons appelé TheLine, où nous commentons l'actualité canadienne. J'ai publié sur TheLine plusieurs articles où moi-même et d'autres auteurs expliquons les nombreuses préoccupations que j'ai par rapport au projet de loi C-18.
    À mon avis, le premier grand problème de ce projet de loi est qu'il est fondé sur un mensonge. Le projet de loi adhère à une très vieille plainte formulée par des éditeurs de journaux, qui affirment que les sites Web d'information par agrégation et les réseaux des médias sociaux font un bénéfice indu en « publiant » notre contenu, mais nous savons que ce n'est pas vrai. À dire vrai, la proposition de valeur est carrément à l'opposé. Ce sont nous, les éditeurs, qui en profitons quand un utilisateur publie un lien vers notre contenu sur Facebook, Twitter et les autres plateformes du genre. Cette distribution gratuite augmente le trafic sur nos sites Web, et nous pouvons ensuite essayer de monétiser cela grâce aux abonnements et à la publicité.
    C'est pour cette raison que les grandes organisations médiatiques encouragent les gens à afficher les liens au bas de tous leurs articles. C'est pour cette raison qu'elles ont dépensé des sommes inédites pour optimiser les moteurs de recherche, et c'est aussi pourquoi elles dépensent littéralement de l'argent pour que les intermédiaires de nouvelles numériques fassent la promotion de leurs contenus.
    Si vous avez besoin d'un exemple qui montre qu'un grand nombre des intermédiaires de nouvelles numériques sont plus utiles pour les éditeurs que l'inverse, vous n'avez qu'à regarder le projet de loi à l'étude. Pour qu'une négociation soit viable, il faut que l'issue serve les intérêts de toutes les parties prenantes. Si c'était le cas ici, le gouvernement fédéral n'aurait aucune raison de superviser ces ententes. Les intermédiaires de nouvelles numériques se feraient un plaisir de négocier pour utiliser notre contenu, parce qu'ils verraient la valeur de ce genre d'entente. Au lieu de cela, je soupçonne que ce que nous avons ici, c'est une forme de recherche de rente, où des sociétés médiatiques en difficulté utilisent jusqu'à la dernière goutte le peu de capital social et financier qu'il leur reste pour faire pression et obtenir des subventions et des règlements comme le projet de loi C-18.
    Je crains que le projet de loi C-18 se retourne contre nous et qu'il aggrave les problèmes que nous essayons justement de régler. Par exemple, si les organisations comme Facebook — désormais Meta — réagissent à ce projet de loi en limitant tout simplement l'accès aux articles des médias grand public sur leur site Web — et c'est ce que l'entreprise a ouvertement menacé de faire —, qui sera le plus touché par cette décision, selon vous? Est-ce que ce sera Facebook? Non. Ce sera les éditeurs canadiens qui en feront les frais, en perdant leur accès à une grande plateforme de distribution.
    Et quand cela va arriver, pense-t-on que le fait de supprimer les liens d'actualités sur Facebook ou Twitter va, comme par magie, créer une version numérique de l'époque glorieuse où les Canadiens et les Canadiennes se connectaient loyalement chaque matin à leurs journaux locaux, ou risquons-nous de voir l'effet contraire? N'allons-nous pas plutôt voir le contenu des médias grand public disparaître des sites Web et des plateformes de médias sociaux où davantage de Canadiens et de Canadiennes passent leur temps en ligne? Je crains que la deuxième possibilité ne se concrétise.
    Si vous obligez les intermédiaires de nouvelles numériques à dépenser davantage pour publier le contenu des médias grand public, ils vont faire le choix financier qui s'impose, bien évidemment, c'est-à-dire qu'ils vont distribuer moins de contenu des médias grand public, ce qui va pousser un nombre croissant de Canadiens et de Canadiennes vers des silos d'information semi-privés, par exemple Discord, Telegram, Slack et Signal, et il est peu probable que le gouvernement fédéral puisse réglementer ces plateformes de cette façon.
    Ma deuxième grande préoccupation, c'est que, plus le gouvernement fédéral essaie d'aider les médias, plus il risque de nuire à notre crédibilité. Je respecte le fait que le projet de loi C-18 essaie de mettre en place un cadre qui évite les subventions directes, mais cette approche n'est ni neutre ni axée sur le marché.
    Quand le gouvernement fédéral essaie de sauver les médias, les médias deviennent une cible légitime des attaques partisanes, et cela mine notre rôle et notre fonction démocratiques fondamentaux. Nous en avons justement vu des exemples, cette semaine, lorsque le chef de l'opposition officielle, Pierre Poilievre, a essayé de récolter des dons sur le dos du journaliste parlementaire David Akin. Poilievre a aussi attaqué gratuitement un autre journaliste, Dale Smith, sur Twitter. Ces attaques contre les médias sont stratégiques, et elles sont populaires. Le grand public n'aime pas les journalistes; les gens ont une opinion défavorable des membres de la presse, qu'ils considèrent comme étant corrompus.
    Je peux citer un rapport de 2022 sur les informations numériques de l'Institut Reuters: « La confiance envers les médias d'information canadiens a atteint son point le plus bas en sept ans », et cette tendance vers le bas se poursuit depuis longtemps.
    Le chef de l'opposition a donc conclu qu'il pouvait tirer un avantage en nous attaquant, et je ne pense pas que son calcul soit faux. Dans ce contexte, je suis vraiment préoccupée à l'idée de rendre les médias dépendant de revenus qui varieraient selon l'humeur du gouvernement au pouvoir. Un gouvernement futur — disons celui de M. PoilievreM. Poilievre — n'aura aucun scrupule à éliminer le projet de loi C-18 et les autres subventions. Si l'industrie dépend de ces sources de revenus, nous deviendrons des pions sur l'échiquier politique, que nous le voulions ou pas.
    Mon dernier problème, par rapport au projet de loi C-18, c'est qu'il va inévitablement favoriser les groupes médiatiques déjà établis au détriment des modèles novateurs, des petits groupes et des organismes d'information en démarrage.
    Par exemple, quand un projet de loi similaire a été adopté en Australie, nous avons constaté que les grands gagnants ont été les entités appartenant à Rupert Murdoch.

  (1320)  

    La dernière chose que je veux dire, c'est que le mécanisme approprié que doit utiliser le gouvernement fédéral pour lutter contre des problèmes comme la mésinformation et la désinformation dans les médias, c'est en agissant par l'intermédiaire de CBC/SRC, et non pas en créant un cadre législatif tout à fait distinct.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Michael Geist.
    Monsieur Geist, vous pouvez commencer. Vous avez cinq minutes, merci.
    Bonjour. Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, et je suis aussi membre du Centre de recherche en droit, technologie et société. Je témoigne à titre personnel, et mes commentaires reflètent uniquement mon opinion personnelle.
    Comme il ne reste qu'environ 48 heures avant le Nouvel An juif, j'aimerais tout d'abord remercier le Comité d'avoir prévu de se pencher sur le financement accordé à une personne antisémite dans le cadre du programme anti-haine de Patrimoine Canada. Je vous implore d'enquêter en profondeur sur ce qui s'est passé afin de veiller à ce que cela ne se reproduise plus jamais.
    En ce qui concerne le projet de loi C-18, vous savez peut-être que j'ai été assez critique à son égard, mais, malgré ces critiques, je ne doute pas de l'importance d'un secteur de l'information diversifié et robuste. Cela est d'une importance cruciale, si nous voulons que les citoyens soient engagés et avisés et que nos institutions démocratiques nous rendent des comptes. Plutôt, c'est la méthode qui me préoccupe. J'ai parlé en termes favorables des programmes gouvernementaux axés sur l'impôt, et je serais en faveur de mécanismes...
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement, mais juste pour les interprètes, je pense que la qualité du son est mauvaise. Les interprètes me font signe que oui.
    Nous allons nous arrêter un moment, dans ce cas.
    Monsieur Geist, pouvez-vous recommencer? Il vous reste trois minutes et 52 secondes.
    Ce qui me préoccupe, dans le projet de loi C-18, c'est la façon dont il est conçu et rédigé. J'ai peu de temps, alors je vais mettre l'accent sur quatre enjeux.
    Premièrement, l'approche touchant l'utilisation des articles de presse dépasse largement ce qu'une personne raisonnable considérerait comme étant une « utilisation ». Au paragraphe 2(2), il est question de la reproduction, en tout ou en partie, d'un article de presse et de l'accès facilité à l'information par tout moyen. La première partie veut dire que même le fait de reproduire un gros titre ou un résumé d'une phrase serait visé, même si ce genre d'utilisation est tout à fait permise selon les droits de citation d'un contenu protégé par droit d'auteur prévus dans la Convention de Berne.
    La deuxième partie veut dire que le fait de créer un lien vers la page d'accueil d'un site d'information ou d'indexer la page — je ne parle même pas d'un article précis —, serait considéré comme indemnisable. C'est tout simplement insensé. Si le simple fait de créer un lien est traité comme quelque chose qui mérite une indemnisation...

  (1325)  

    J'invoque le Règlement, madame la présidente, parce que je crois qu'il y a un problème avec la diffusion. L'image de M. Geist est gelée, et je crois qu'il y a aussi un problème en ligne. Nous pourrions peut-être vérifier avec la greffière.
    Nous allons nous arrêter un autre instant, et je vais demander aux interprètes et à la greffière de revérifier, s'il vous plaît.
    Je vais passer au prochain témoin, après M. Geist.
    Monsieur Geist, il vous reste encore deux minutes et 50 secondes, et je vais vous les redonner si vous revenez après le prochain témoin.
    Monsieur Sims, vous pouvez commencer.
    Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui, et je vous souhaite bonjour de Sydney.
    Le message clé que je veux vous transmettre, c'est que, à la lumière de ce qui a été fait en Australie avec le Code de négociation des médias d'information, le projet de loi C-18 devrait être soutenu avec vigueur. Ma déclaration préliminaire aura surtout pour but d'expliquer certains aspects du code australien et de répondre à deux ou trois critiques du code australien.
    Le code avait pour objectif de corriger l'énorme déséquilibre des pouvoirs de négociation entre les sociétés de médias d'information australiens et les plateformes. Google et Facebook ont besoin d'afficher des nouvelles sur leurs plateformes pour maximiser l'attention des utilisateurs et, ainsi, accroître les revenus publicitaires dont ils dépendent, mais ils n'ont pas besoin que le contenu provienne d'une société médiatique en particulier. À l'inverse, chaque société médiatique a besoin d'être sur cette plateforme.
    Ce déséquilibre des négociations — ou cet échec du marché — veut dire qu'il est impossible de conclure des ententes commerciales. Il est simplement impossible de conclure une entente pour obtenir une rémunération équitable, en compensation de l'avantage que retirent les plateformes en affichant le contenu des médias d'information sur leurs plateformes, et tout cela fait que le journalisme est défavorisé.
    Toutefois, le journalisme est avantageux à bien des égards pour la société, même pour ceux qui ne l'utilisent pas. Grâce au journalisme, les puissants doivent rendre des comptes, nous avons une presse de référence ainsi qu'un forum où exprimer ses idées. Même si ce ne sont pas tous les échecs du marché qui doivent être corrigés, celui-ci doit l'être, et c'est ce qu'a fait le code australien.
    Avant l'adoption du code australien, les sociétés médiatiques d'information étaient tout simplement incapables de négocier avec la plateforme pour obtenir une quelconque forme de rémunération pour leur contenu. Avec le code, elles peuvent exiger des plateformes qu'elles négocient et demander un processus d'arbitrage quand l'issue des négociations n'est pas appropriée. La menace d'un arbitrage permet d'équilibrer les pouvoirs de négociation, puisque toutes les parties veulent éviter qu'un arbitre décide de leurs accords commerciaux.
    Le code de l'Australie a atteint son objectif avec une extrême efficacité. Avant, les sociétés médiatiques d'information australiennes ne pouvaient même pas discuter avec la plateforme, parce que celle-ci ne le permettait pas, et maintenant, elles ont conclu des accords qu'elles jugent satisfaisants en vertu du code, et ces accords leur ont permis de toucher des revenus dépassant largement 200 millions de dollars australiens par année.
    En plus, Google a maintenant conclu des accords avec essentiellement toutes les sociétés médiatiques admissibles, tandis que Facebook a probablement conclu des ententes avec les sociétés médiatiques qui emploient environ 85 % des journalistes australiens.
    Le code australien comprend trois caractéristiques essentielles, qui semblent d'ailleurs toutes se retrouver dans le projet de loi C-18. Premièrement, si les négociations n'aboutissent pas, on peut avoir recours à l'arbitrage sur l'offre finale; deuxièmement, la non-discrimination, c'est-à-dire que si des accords sont conclus avec une société médiatique, alors des accords doivent être conclus avec toutes les sociétés médiatiques; et troisièmement, la capacité de négocier collectivement.
    Vous savez peut-être que Google a menacé de rendre inaccessible son moteur de recherche en Australie et que Facebook a menacé de retirer toutes les nouvelles de son fil de nouvelles si la loi — le code — était adoptée. La loi a été adoptée, mais ils n'ont pas mis leurs menaces à exécution.
    Une conséquence, toutefois, a été que le gouvernement a déclaré que, si les plateformes voulaient éviter d'être désignées en vertu du code, alors elles devaient conclure des ententes. C'est ce qu'elles ont fait, et rapidement; cela veut donc dire que ce n'est pas la menace de l'arbitrage qui les a incitées à conclure des ententes commerciales, mais plutôt la menace de la désignation, qui était jugée importante. La différence n'est pas importante. Le code a atteint son objectif: favoriser les accords commerciaux.
    Laissez-moi rapidement répondre à deux critiques au sujet du code.
    Premièrement, comme on vient justement de le dire, seules les grandes sociétés médiatiques ont pu conclure des ententes, alors que les petits intervenants ont été laissés pour compte. C'est tout simplement faux. Les faits sont très clairs: l'Australie compte quatre grandes sociétés médiatiques d'information, qui sont plus ou moins d'égale importance. Elles ont toutes conclu des ententes. Elle compte un certain nombre de moyennes entreprises, qui ont toutes elles aussi conclu un accord avec Google, même si, étrangement, deux d'entre elles n'ont pas d'accord avec Facebook, alors que les autres, si. Donc, la plupart ont conclu une entente avec Facebook, mais pas toutes. Nous avons aussi un grand nombre de petits groupes médiatiques, en particulier de petits journaux régionaux ou ruraux et des groupes de la génération numérique. Essentiellement, ils ont tous conclu un accord avec Google, et la plupart ont conclu une entente avec Facebook.

  (1330)  

    Les sommes payées à chaque journaliste étaient habituellement beaucoup plus élevées dans les petites entreprises. Country Press Australia, qui représente 180 publications rurales, a possiblement reçu la somme la plus élevée par journaliste employé.
    Monsieur Sims, il vous reste 15 secondes, s'il vous plaît.
    Deuxièmement, certains disent que l'argent n'a pas généré plus d'emplois en journalisme. C'est faux. C'est le cas. Vous pouvez le voir partout. Pour donner un exemple, Guardian Australia a augmenté son effectif de 50 %, essentiellement grâce aux paiements en vertu du code.
    Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui, même virtuellement, et un grand merci à votre excellente équipe de TI.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Sims. Je tiens à vous rappeler qu'il y a aussi une période de questions, alors nous allons vous demander de rester avec nous pour le reste de la réunion. Merci.
    Madame la greffière, sommes-nous prêts pour M. Geist?
    Je vois que M. Geist est de retour.
    Il vous reste deux minutes et 50 secondes, monsieur Geist.
    Madame la présidente, il y a eu beaucoup d'interruptions pendant le témoignage de M. Geist. Pourrait-on lui accorder quatre minutes? Nous avons besoin d'entendre son témoignage. Je crois que ce serait acceptable de reprendre après sa première introduction que ce serait équitable de lui donner quatre minutes et de le laisser continuer à partir de là.
    Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Je vais vous donner quatre minutes, monsieur Geist.
    Merci, madame la présidente, et merci aux membres du Comité. J'espère que tout va fonctionner.
    Je vais passer tout de suite aux quatre points que je voulais soulever. Premièrement, l'approche touchant l'utilisation des articles de presse...

[Français]

     J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Le son est aussi mauvais que tout à l'heure.

[Traduction]

    Oui, monsieur Champoux.
    Madame la greffière et les gens de la TI, est-ce que tout va bien de votre côté?
    Le problème doit venir de votre côté, monsieur Geist.
    Réessayons.

  (1335)  

    Je suis désolé. J'ai souvent témoigné, et c'est la première fois que cela va aussi mal.
    Premièrement, l'approche adoptée quant à l'utilisation des articles de presse dépasse largement ce qu'une personne raisonnable considérerait comme étant une « utilisation ». Au paragraphe 2(2), il est question de la reproduction, en tout ou en partie, d'un article de presse et de l'accès facilité à l'information par tout moyen. La première partie veut dire que même le fait de reproduire un gros titre ou un résumé d'une phrase serait visé, même si ce genre d'utilisation est tout à fait permise selon les droits de citation d'un contenu protégé par droit d'auteur prévus dans la Convention de Berne.
    La deuxième partie veut dire que le fait de créer un lien vers la page d'accueil d'un site d'information ou d'indexer la page — je ne parle même pas d'un article précis —, serait considéré comme indemnisable. C'est tout simplement insensé. Si le simple fait de créer un lien est traité comme quelque chose qui mérite une indemnisation, cela va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour suprême sur l'importance des liens, en plus de menacer le fondement de la libre circulation de l'information sur Internet.
    Si Google ou Facebook copiaient et distribuaient des articles complets, je pourrais comprendre les arguments sur l'indemnisation. D'ailleurs, ces entreprises ont conclu des accords avec le Canada justement afin de payer pour cela. Cet été, comme des millions de Canadiens et de Canadiennes, la Dre Fry a publié sur sa page Facebook un lien vers un article de MSN.ca et M. Julian a publié sur Facebook un lien vers un article de La Presse canadienne; mais je ne crois pas que nous soyons pour autant prêts à imposer une norme d'indemnisation pour le contenu rendu accessible de cette façon.
    Deuxièmement, le gouvernement a déclaré que ce projet de loi intervenait de façon minime dans les marchés, mais la réalité est que, selon ce projet de loi, le gouvernement ou le CRTC imposent un nombre effarant de normes et de règles de négociation qui vont avoir des conséquences dans le vrai monde relativement à l'interférence gouvernementale, en plus de brouiller les limites entre les éditeurs et les sociétés d'information.
    Troisièmement, à une époque où nous nous préoccupons, à juste titre, de la mésinformation et des sources d'information de piètre qualité, le projet de loi C-18 risque d'accroître la mésinformation. Par exemple, la définition de « contenu de nouvelles » ne prévoit aucune norme et ne fait aucun lien avec le journalisme professionnel. La définition — et je devrais souligner que les versions anglaise et française ne sont pas équivalentes dans le projet de loi — devrait plutôt englober les articles de blogue, les articles d'opinion et les autres types de contenu.
    Dans son approche à l'égard des organisations journalistiques canadiennes qualifiées, le gouvernement a fourni une orientation détaillée sur ce qui constitue des nouvelles, pour s'assurer que les allégements fiscaux profitent au journalisme original de haute qualité. Le projet de loi C-18 fait l'inverse. Aussi, le projet de loi expose les plateformes qui utilisent des algorithmes pour défavoriser certains types de contenu à une responsabilité potentielle. Pour que ce soit clair, nous avons besoin que les algorithmes soient plus transparents, mais la disposition sur la préférence indue pourrait amener les plateformes à hésiter à défavoriser le journalisme de piètre qualité par crainte de poursuites.
    Quatrièmement, le projet de loi va à l'encontre de plusieurs traités et obligations constitutionnelles. Par exemple, l'article 24, qui exclut les exceptions et les restrictions aux droits d'auteur du processus de négociation, pourrait violer le paragraphe 10(1) de la Convention de Berne, qui prévoit un droit obligatoire de citation qui s'applique explicitement aux articles de presse.
    Aussi, le projet de loi pourrait donner lieu à de nombreuses contestations au titre de l'ACEUM. Par exemple, l'article 51 du projet de loi prévoit ce qui revient à une obligation de diffuser visant à empêcher qu'une plateforme refuse de mettre un lien vers le contenu d'une tierce partie. Même si c'est une bonne chose d'avoir des mesures internes visant la conduite anticoncurrentielle des plateformes...
    Il vous reste 30 secondes.
    ... ces dispositions vont plus loin, et sont vulnérables, suivant les prescriptions de résultats prévus aux articles 14.10 de l'ACEUM.
    Pour ce qui est des préoccupations constitutionnelles, il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la radiodiffusion, ni sur les télécommunications ou sur les droits d'auteur. Dans cette optique, comment s'inscrit-il dans les pouvoirs fédéraux? Si le gouvernement prétend pouvoir décider de tout ce qui se passe sur Internet, alors il n'y aurait aucune limite véritable à sa compétence. Dans l'Énoncé concernant la Charte, on affirme, à tort, que le projet de loi soutient les organisations d'information quand les plateformes sur Internet monétisent leur contenu, alors que ce n'est pas ce que le projet de loi prévoit ou fait.
    Je vous remercie de votre patience, par rapport aux problèmes techniques. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Geist.
    C'est maintenant au tour d'Hebdos Québec.
    Qui prend la parole? Monsieur Chartier, allez-y.
    Je vais commencer. Nous ferons chacun une partie de la déclaration.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Membres du comité, je m'appelle Benoît Chartier. Je suis le président du conseil d'administration d'Hebdos Québec. Je suis accompagné pour l'occasion par notre directeur général, M. Sylvain Poisson.
    Nous représentons ici plus d'une trentaine de propriétaires d'hebdomadaires indépendants, lesquels regroupent près de 80 hebdos dans la province de Québec. Chacun de ces médias imprimés bénéficie d'une plateforme en ligne. Hebdos Québec représente environ 200 journalistes qui travaillent dans l'ensemble des hebdos de la province du Québec, et parle en leur nom.
    Je suis moi-même propriétaire éditeur de cinq hebdomadaires et sites Web, dont le doyen des journaux de langue française en Amérique, Le Courrier de Saint‑Hyacinthe, qui célèbre cette année ses 170 ans d'existence. Je suis de la troisième génération au sein de cette entreprise.
    Sans exception, nous créons ou produisons du contenu original local ou régional pour chacun de nos produits d'information à partir de nos salles de nouvelles respectives, dont l'ensemble regroupe près de 200 journalistes, comme je l'ai dit.
    Nous distribuons quelque 10,3 millions d'exemplaires par année sur l'ensemble de nos territoires, alors que nos plateformes numériques comptent plus de 20 millions de pages vues par mois et près de 15 millions de visiteurs uniques mensuellement.
    Fait à souligner, Hebdos Québec célèbre ses 90 ans d'existence cette année, et son plus beau cadeau serait l'adoption du projet de loi C‑18 à l'étude aujourd'hui, et ce, dans les plus brefs délais.
    La presse est un rempart de la démocratie. Elle a des devoirs envers le public, qu'elle tient à faire bénéficier d'une information de qualité soutenue par la rigueur journalistique. La presse hebdomadaire francophone au Québec a d'ailleurs joué un rôle fondamental dans la livraison de l'information au cœur de plusieurs communautés locales, souvent dans des régions qui ne bénéficient d'aucun autre média local ou régional. Dans ce contexte, on peut affirmer qu'une presse affaiblie et menacée d'abandonner sa mission et de disparaître après des décennies d'existence met sérieusement en péril notre démocratie.
    Les hebdos, quant à eux, font partie du paysage économique et culturel, certains depuis plus d'un siècle. Ils sont essentiels à la vitalité démocratique de chaque région. Hors des grands centres, ils sont souvent les seuls à jouer un tel rôle, et leur pertinence demeure tout aussi grande qu'avant l'avènement des réseaux sociaux.
    Les hebdomadaires locaux et régionaux ont un rôle crucial à jouer pour pallier une circulation débridée de l'information, dénuée de véritables pratiques journalistiques et de sens éthique, sur les réseaux sociaux.
    Déjà solidement ébranlés par la crise majeure des médias, nous avons dû subir les contrecoups d'une longue pandémie jonchée notamment de fermetures de commerces, de baisses additionnelles importantes de revenus publicitaires, de problèmes de personnel, de restructurations d'opérations et de salles de nouvelles.
    J'en profite d'ailleurs pour offrir nos plus sincères remerciements au gouvernement canadien pour son appui et son aide précieuse dans ces circonstances pénibles d'un point de vue économique et personnel.
    Monsieur Poisson, je vous laisse le soin de terminer la présentation.

  (1340)  

    Cela dit, au fil des dernières années, la crise s'est accentuée avec l'arrivée de géants du Web tels Facebook et Google. Les agrégateurs de contenus auxquels le réseau Internet a donné naissance se sont multipliés sans grands frais, sans production de contenus originaux, avec très peu ou pas d'investissements dans les ressources journalistiques et peu de règles d'éthique en matière d'information.
    Certains sites d'information et la multiplication des réseaux sociaux favorisent le mélange des genres, mais ils n'assurent pas la crédibilité des sources. Ils diffusent des rumeurs ou de fausses nouvelles, les fameuses « fake news », qui engendrent de la désinformation tout en donnant une impression de vérité ou que les faits ont été validés. Ces fausses nouvelles ont envahi les réseaux sociaux et vont à l'encontre d'une presse responsable et d'une rigueur journalistique que nous défendons ardemment. Elles sont nuisibles à une saine vie démocratique.
    Les géants du Web ont cannibalisé nos revenus sans assumer aucune des responsabilités sociales et fiscales qui s'y rattachent, en contrôlant les algorithmes. Ils ont bouleversé le modèle d'affaires et diminué la valeur réelle de l'information. Ils ont surtout réussi à attirer 80 % des investissements publicitaires d'entreprises et de commerçants locaux et régionaux sans qu'il y ait de retombées tangibles dans les communautés. En quelques années seulement, sans contribution fiscale, ces géants du Web ont érodé les revenus des médias traditionnels, qui, pendant des décennies, ont investi temps et argent dans leurs communautés, encouragé leurs commerçants et professionnels, soutenu leurs institutions et servi l'intérêt public de leurs concitoyens.
    Hebdos Québec soutient donc l'approche inhérente au projet de loi C‑18 pour remédier au déséquilibre du marché entre les plateformes Web mondiales et les éditeurs de médias d'information. La négociation collective est aussi pour nous le seul moyen d'atténuer ce déséquilibre de pouvoir manifeste.
    Dans un sondage réalisé par Pollara Strategic Insights au nom de Médias d'info Canada, 90 % des Canadiens estiment qu'il est important que les médias locaux survivent, et 79 % sont d'accord pour dire que les géants du Web doivent partager leurs revenus avec les médias.
    Monsieur Chartier, voulez-vous ajouter quelque chose?
     Je pense que tout a été dit.
    Merci, messieurs Chartier et Poisson.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de Médias d'Info Canada. Il y a trois personnes: David Skok, Paul Deegan et Jamie Irving. Une personne peut parler, ou vous pouvez partager le temps entre vous, mais vous aurez tout de même seulement cinq minutes.

  (1345)  

    Madame la présidente, je voulais souligner que M. Skok n'est pas avec Médias d'Info Canada. Je crois qu'il y a une erreur sur la liste. C'est un autre témoin.
    Avant de donner la parole à Médias d'Info Canada, monsieur Skok, pouvez-vous me dire qui vous représentez?
    Merci beaucoup.
    Monsieur Skok, vous pouvez commencer. Vous avez cinq minutes, merci.
    Merci, et bonjour à vous, madame la présidente, aux membres du Comité et à votre incroyable équipe de TI.
    Je ne veux pas être ici. Mon travail consiste à faire rapport sur ce que vous faites, ici, mais certainement pas à intervenir, et pourtant j'ai l'impression que je n'ai pas le choix. J'ai fondé The Logic il y a presque cinq ans, et nous sommes la première salle de presse au pays spécialisé dans les entreprises et la technologie. Je suis un éditeur indépendant qui n'est affilié à aucun lobbyiste, qui n'est appuyé par aucune association commerciale et qui n'a d'allégeance envers aucune entreprise, que ce soit une entreprise en démarrage ou une entreprise établie, et j'ai tout de même 25 ans d'expérience en journalisme. Je suis l'une des raes personnes qui peuvent s'exprimer franchement sur ce qui est en jeu avec le projet de loi C-18.
    Le quatrième pouvoir est un élément clé d'une démocratie qui fonctionne, et le nôtre est en péril. Nous connaissons déjà les statistiques déprimantes en ce qui concerne le déclin des reportages originaux et de fond au Canada. Vous n'avez qu'à survoler vos propres fils de nouvelles pour voir qu'il n'y manque pas d'articles racoleurs ou d'articles amplifiant des opinions à l'emporte-pièce pris sur Twitter. Vous le savez, et cela vous frustre vous aussi.
    Par contre, nous avons cruellement besoin de reportages courageux et approfondis si nous voulons une démocratie qui fonctionne comme il faut, et contrairement à ceux concernant les prises de bec sur Twitter, il faut de l'argent et du temps pour produire ce genre de reportages. J'ai consacré ma vie à cela, et c'est pourquoi je suis ici. The Logic investit énormément dans le journalisme qui fait du Canada un meilleur endroit où vivre et travailler, en facilitant les conversations difficiles au moyen de reportages d'enquête et d'analyse détaillés. Il peut s'agir d'histoires de portée nationale, comme une série de reportages d'enquête sur la façon dont le secteur canadien de la bienfaisance distribue ses fonds, ou d'histoires locales, par exemple sur les conséquences de l'automatisation sur la collectivité de Brooks, en Alberta.
    Cette semaine, justement, nous avons lancé une série en six parties sur les contraintes qui affectent les chaînes d'approvisionnement canadiennes qui commence par un reportage sur le terrain au port de Vancouver. C'est essentiel, comme travail.
    Étant donné que les grandes entreprises technologiques versent déjà de l'argent à un petit nombre restreint d'éditeurs canadiens, nous sommes déjà dans un marché anticoncurrentiel qui en privilégie certains et qui risque de priver l'écosystème journalistique du pays de l'innovation dont il a désespérément besoin.
    Notre équipe de calibre mondial travaille jour et nuit à ouvrir la voie pour que les autres puissent suivre. Lorsque nous avons commencé, il y a cinq ans, nous n'étions que trois personnes, et maintenant nous sommes une salle de presse nationale qui compte près de 25 reporters travaillant dans six agences d'un bout à l'autre du pays. Cela comprend l'une des seules agences anglophones restantes au Québec. Cela fait des dizaines d'années que les salles de presse coupent dans leur produit principal, mais The Logic est la preuve que le journalisme et les journalistes peuvent être au centre d'une entreprise.
    Ne vous méprenez pas: nos concurrents nous surveillent de près, et c'est une bonne chose. C'est comme ça que la concurrence est censée fonctionner. Tout le monde s'améliore de cette façon. L'innovation prend du temps, oui, mais pour cela, il faut aussi que les joueurs soient sur le même pied d'égalité. Nous n'avons rien demandé de tout cela. Les ententes secrètes que Meta et Google ont déjà conclues ont déséquilibré le marché et ont donné aux concurrents un avantage déloyal dans la guerre où les enjeux sont les talents, le public et la distribution.
    Quand The Logic veut concurrencer sur le mérite une publication financée par la famille la plus riche du Canada — qui a en plus, maintenant, signé des accords secrets avec les plus grandes entreprises du monde —, comment cela peut-il encourager l'innovation dans le secteur journalistique?
    La Loi sur les nouvelles en ligne cherche à corriger ce déséquilibre. C'est un filet de sécurité, qui oblige les éditeurs et les plateformes à s'asseoir à la table pour conclure des ententes justes, équitables et transparentes qui ne privilégient pas seulement ceux qui ont le pouvoir de négociation. Le projet de loi C-18 est un projet de loi pro-concurrence.
    Il est aussi bon pour le journalisme. Sans réglementation, les éditeurs qui ont déjà signé ces accords secrets ne peuvent que supposer que les grandes entreprises technologiques vont de bonne foi les honorer. En tant qu'éditeur, j'ai quelques questions: quelle est la valeur de ces accords? Qu'a-t-on acheté, avec cet argent? Qu'arrivera-t-il quand le temps viendra de renouveler les accords? Comment pourra-t-on faire rapport de façon équitable sur les géants de la technologie, si les éditeurs dépendent de ces mêmes entreprises pour payer leurs employés?
    Présentement, aucune de ces questions ne peut trouver réponse, parce qu'elles sont toutes protégées par des ententes de confidentialité. Le projet de loi C-18 donnera de la transparence à ces accords, et c'est une bonne chose pour le journalisme.
    Rien ne vaut la transparence.
    Je suis optimiste quant à l'avenir de notre métier. Le secteur médiatique a besoin de temps pour se regénérer: il va falloir du temps pour que les jeunes journalistes réapprennent ce qui a été perdu après des décennies de réduction des effectifs, tout comme il va falloir du temps pour que les entreprises en démarrage d'aujourd'hui deviennent les chefs de file de demain. S'il y a un message que j'espère que vous retiendrez de mon témoignage d'aujourd'hui, c'est que, pour toute cette innovation dont nous avons grandement besoin, il faut que les joueurs soient sur un pied d'égalité. Le projet de loi C-18 veut corriger le déséquilibre existant, et c'est pourquoi il doit être adopté.
    Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions.

  (1350)  

    Merci beaucoup.
    Vous m'excuserez d'avoir dit que vous faisiez partie de Médias d'Info Canada. Je ne sais pas si cela a déplu à l'un de vous.
    C'est maintenant au tour de Médias Info Canada, avec M. Deegan et M. Irving — si l'un ou l'autre veut prendre la parole — pour cinq minutes, merci.

[Français]

     Je vous souhaite un bon après-midi. Au nom de Médias d'info Canada, de nos éditeurs membres et des 3 000 journalistes que nous employons et qui informent chaque jour les Canadiens partout au pays, nous sommes heureux de participer à votre étude du projet de loi C‑18.

[Traduction]

    Pendant la campagne électorale de 2021, les libéraux, les conservateurs et les néo-démocrates se sont tous engagés à présenter une nouvelle loi sur les médias d'information. Pourquoi avons-nous besoin d'une telle loi?
    Premièrement, nous n'avons jamais eu autant besoin d'organes de presse robustes et indépendants. C'est ce qui permet d'assurer le lien entre les collectivités et de les garder informées sur les questions qui les touchent directement. Il est vital pour notre démocratie de pouvoir couvrir ce qui se passe dans les mairies, dans les assemblées législatives provinciales et territoriales ainsi que dans nos tribunaux et même de vous obliger, vous, nos parlementaires, à rendre des comptes.
    Deuxièmement, il y a un énorme déséquilibre des forces entre les géants de la technologie et les organes de presse canadiens. Pour mettre cela en contexte, la capitalisation boursière de Google est d'environ 1 800 milliards de dollars, et celle de Meta est de plus de 500 milliards de dollars. Combinées, cela équivaut à peu près au PIB annuel du Canada. Ensemble, la part des revenus de la publicité en ligne de ces entreprises équivaut à plus de 80 %.
    Troisièmement, avec le projet de loi annoncé, Google et Metastarted ont commencé à choisir les gagnants et les perdants, comme M. Skok l'a mentionné plus tôt. Ils ont commencé à négocier des accords de licence pour l'utilisation de contenu avec une dizaine d'éditeurs environ, y compris Le Devoir, le Globe and Mail et le Toronto Star. Plus récemment, Google a conclu un accord avec Postmedia.
    Ne vous méprenez pas, nous sommes heureux pour nos éditeurs-membres. Ils doivent être indemnisés lorsqu'on utilise leur contenu, mais cela fait en sorte que nous avons maintenant des choyés et des défavorisés parmi les éditeurs de presse canadiens; c'est inéquitable, surtout pour les petits éditeurs qui sont laissés pour compte, des éditeurs comme Benoit Chartier, qui a témoigné il y a un instant. Encore une fois, il est important de se rappeler que M. Chartier dirige le plus vieux journal anglophone en Amérique du Nord, qui a vu le jour en 1853.
    Il y a d'autres publications qui sont énormément importantes pour notre pays: La Liberté, au Manitoba, une publication importante dirigée par Mme Sophie Gaulin, mais ni Google ni Facebook ne sont venus cogner à sa porte. Il y a M. Dave Adsett, qui dirige le Wellington Advertiser, dans la circonscription de M. Nater. Ce sont toutes des publications très importantes pour leurs collectivités, et elles ont aussi besoin d'accords de licence pour l'utilisation de contenu.
    Je vais vous exposer les trois raisons pour lesquelles nous soutenons ce projet de loi.
    Premièrement, il nous permet de négocier collectivement. Présentement, la Loi sur la concurrence ne nous permet pas de former un collectif. Vu l'énorme déséquilibre des forces, nous aurons une position de négociation plus forte si nous pouvons négocier ensemble.

[Français]

    Deuxièmement, ces mesures législatives comprennent un mécanisme exécutoire. L'arbitrage des propositions finales de type baseball garantit que les parties présentent leur meilleure offre et que l'arbitre en choisit une. Le poids de l'arbitrage incite les deux parties à parvenir d'elles-mêmes à un règlement équitable.

[Traduction]

    Troisièmement, une loi similaire fonctionne en Australie. Comme Rod Sims vient tout juste de nous le dire, les montants versés aux organisations de presse dans son pays ont atteint plus de 200 millions de dollars. Mais le plus important, ce n'est pas le montant, c'est la destination de cet argent. Bien entendu, les grandes organisations sont les plus avantagées, si on regarde le montant total. C'est compréhensible, puisque le marché médiatique en Australie est l'un des plus concentrés au monde. Mais d'autres joueurs, comme Country Press Australia, un regroupement de 160 petites publications régionales, ont pu conclure des accords avec Google et Meta. Plus récemment, un groupe de 24 petits éditeurs australiens a conclu une entente avec Google.
    Dans un article, Bill Grueskin, de la Colombia Journalism School, cite une professeure de Sydney qui dit qu'elle n'arrive pas à croire à toutes les perspectives qui s'ouvrent présentement. Ses étudiants ne font pas de stage « parce que c'est tellement facile pour eux de décrocher un emploi à plein temps ». Elle dit: « Je le jure devant Dieu, je n'ai rien vu de tel en 20 ans. » Tout cela est grâce au code de Rod Sims.
    Par principe, nous croyons que les éditeurs petits et grands devraient bénéficier équitablement de n'importe quelle entente, en proportion de leurs investissements dans les effectifs des salles de presse et non pas de leurs frais d'exploitation généraux. Nous avons mis au point une approche qui, nous croyons, est transparente et équitable pour les membres de Médias Info Canada, de la National Ethnic Press et du Conseil des médias. Pour dire les choses simplement, toute somme découlant d'une négociation collective devrait être partagée entre les éditeurs au prorata, en fonction des salaires et des traitements versés aux employés admissibles des salles de presse, et cette statistique a d'ailleurs déjà été fournie à l'ARC.

  (1355)  

    En conclusion, Google et Meta ont désormais un rôle à jouer dans l'écosystème des médias d'information. Il est dans leur propre intérêt de pouvoir compter sur le contenu détaillé et fiable que nos journalistes produisent, mais en même temps, ils jouissent d'une position dominante dans le marché, puisque les moteurs de recherche et les médias sociaux sont conçus dans le but de garder les utilisateurs dans un jardin fermé où ils peuvent tirer de la valeur du contenu. Nous voulons simplement être indemnisés à hauteur de la valeur du contenu, afin de pouvoir réinvestir dans nos salles de presse.

[Français]

    Je vous remercie et nous attendons avec plaisir la suite de la discussion.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin aux déclarations des témoins. Nous allons passer aux questions. Vous aurez six minutes au premier tour pour poser vos questions et écouter les réponses, alors j'aimerais que tout le monde soit aussi bref que possible.
    Nous allons commencer le tour de six minutes par M. John Nater, du Parti conservateur.
    Allez-y, monsieur Nater.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins d'être avec nous cet après-midi. Il y a manifestement beaucoup d'opinions et de commentaires différents, ce qui est toujours une bonne chose quand nous discutons d'un projet de loi aussi important que celui-ci.
    J'aimerais commencer en posant deux ou trois questions à M. Geist et à Mme Gerson. Vous avez tous les deux abordé dans votre déclaration la notion de la proposition de valeur ou de l'origine de la valeur intrinsèque. Monsieur Geist, vous avez établi une distinction entre la reproduction et le fait de faciliter l'accès. Vous avez tous les deux fait divers commentaires sur cet aspect des choses.
    Monsieur Geist, pourriez-vous nous donner un peu plus de détails à ce sujet? Se pourrait-il que le projet de loi ait dévié, du moins légèrement, par rapport aux destinataires des fonds?
    Je crois que plusieurs témoins ont mis l'accent sur le fait que leur contenu — leur travail, leur contenu d'information — est déjà utilisé et qu'ils devraient être indemnisés pour cela. S'il s'agissait d'une utilisation comme la plupart des Canadiens l'entendraient — c'est-à-dire que Google, Facebook ou n'importe qui d'autre copient les articles, les reproduisent et les affichent avec de la publicité —, on pourrait comprendre pourquoi on arriverait à cette conclusion, mais la définition énoncée dans le projet de loi va bien plus loin que cela. On y parle simplement de faciliter l'accès aux nouvelles, ou même d'indexer seulement une partie du contenu. Donc, si vous créez un lien vers la page d'accueil du Globe and Mail, du National Post ou du Toronto Star, où quelques articles sont affichés, vous facilitez l'accès aux nouvelles. Il suffit qu'un membre du Comité, ou moi-même ou n'importe qui d'autre, crée un lien, pour que ce lien soit considéré comme un acte de facilitation de l'accès aux nouvelles.
    Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une utilisation au sens où les gens l'entendent. Quand on dit que les éditeurs ne sont pas rémunérés équitablement, cela ne veut pas dire qu'il faut les rémunérer pour ce genre de choses. Il n'y a pas de droit d'auteur, ni d'utilisation, d'une certaine façon. Donc, s'il s'agit d'indemniser pour une utilisation, la loi devrait le refléter. Je ne crois pas que la définition qu'on nous propose s'approche un tant soi peu de cela.
    Merci, monsieur Geist.
    Madame Gerson, avez-vous aussi des commentaires à faire là-dessus?
    J'aimerais qu'on puisse parler un peu plus franchement de ce dont il est question. Quand on dit que Google et Facebook concurrencent les organes de presse, ce n'est pas une concurrence pour le contenu: c'est une concurrence pour les revenus publicitaires. C'est pour cette raison que le modèle d'affaires des médias d'information s'est écroulé, ce n'est pas parce que Google et Facebook ont commencé à voler leur contenu, mais bien parce que Google et Facebook ont commencé à offrir une meilleure plateforme où les gens pouvaient faire de la publicité. Ils réussissent à attirer davantage d'attention, et j'aimerais qu'on puisse le dire un peu plus franchement.
    La deuxième chose que je voudrais souligner, c'est que — quand j'ai vérifié la dernière fois — environ quatre liens sur mille qui étaient partagés sur Facebook redirigeaient vers du contenu de nouvelles. La plupart des liens dirigent vers des vidéos de chats ou des photos d'enfants. Cette idée que Facebook, en particulier, a besoin de nous... Je pense que, si c'est ce que vous croyez, vous devriez vous préparer à un échec financier. Vous allez vous rendre dépendant d'une entreprise qui n'a pas besoin de vous.
    C'est peut-être un peu différent pour Google, mais nous nous souvenons tous des légendes associées à des plateformes de médias sociaux comme Myspace et les autres. Nous savons que la durée de vie de ce genre de choses est un peu limitée. Nous savons aussi que les gens évoluent quant à leur utilisation des médias sociaux ainsi que dans leurs habitudes sur les médias sociaux, donc qu'allez-vous faire quand Facebook deviendra de plus en plus un lieu où les boomers vont partager des vidéos de chats et lorsque la majorité des activités sur Internet se feront dans des forums comme Discord, Telegram et les autres types d'organisations semi-privées? Voilà où les liens sont partagés, du moins s'ils le sont. Pour dire les choses carrément, je pense que vous allez vous rendre dépendants de revenus publicitaires qui, à terme, ne peuvent pas être et ne seront pas durables. C'est vraiment quelque chose qui me préoccupe.
    Excusez-moi, je suis un peu malade en ce moment, mais, monsieur Nater, si vous avez d'autres questions à ce sujet, je serai heureuse d'y répondre.

  (1400)  

    Merci. Je vous suis reconnaissant. Je vous suis reconnaissant de prendre le temps même si vous ne vous sentez pas bien aujourd'hui. Nous vous en remercions. Je vais devoir aller chercher le mot de passe de ma page Myspace pour voir ce qu'elle est devenue depuis les 15 dernières années.
    J'aimerais poursuivre avec quelques questions. Ce projet de loi prévoit que CBC/SRC, le radiodiffuseur national, y soit incluse. Je trouve également intéressant que ce programme soit administré par le CRTC. Pas plus tard que la semaine dernière, le gouverneur en conseil a renvoyé le renouvellement de la licence de CBC/SRC au CRTC. Il est intéressant de constater que le gouvernement n'approuve pas la décision du CRTC à ce sujet et que, en même temps, il confie cette tâche au CRTC.
    Je vais voir combien de temps il me reste.
    La présidente: Vous avez 57 secondes.
    M. John Nater: C'est beaucoup de temps.
    Monsieur Geist, que pensez-vous de l'inclusion du radiodiffuseur public dans ce projet de loi, mais aussi du fait qu'il soit administré par le CRTC?
    Je vais commencer par M. Geist, et peut-être que Mme Gerson aura quelques secondes également.
    Je vais essayer d'aller vite.
    Je vais commencer par le CRTC. Je ne pense pas que ce soit de son ressort vu le rôle qu'il joue. Il établit énormément de normes, et je pense qu'il y a lieu de s'inquiéter de ce rôle. Bien franchement, de manière plus générale, l'inclusion des radiodiffuseurs est problématique. Il y a un autre exemple, en fait, de définitions différentes dans la version anglaise du projet de loi et dans la version française en ce qui concerne la radiodiffusion. C'est quelque chose que le Comité devrait examiner.
    Par ailleurs, si vous parlez à un grand nombre d'exploitants numériques locaux, ils vous diront que CBC/SRC est un de leurs concurrents dans ces collectivités locales et que le fait de lui fournir des revenus supplémentaires leur force effectivement la main. Même si ces petits acteurs indépendants ne veulent pas de cet argent, ils n'ont guère d'autre choix que de participer à ce système. Il s'agit essentiellement de négociations forcées pour ce type d'entreprises également...
    Je suis désolée, monsieur Geist.
    Nous n'avons pas de temps, monsieur Nater, pour Mme Gerson. Vous pourrez peut-être y revenir durant votre tour de cinq minutes.
    Je vais maintenant passer aux libéraux et à Lisa Hepfner.
    Vous avez six minutes, madame Hepfner.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui avec mes collègues pour l'étude de ce projet de loi.

[Traduction]

    Comme vous êtes nombreux à le savoir, mais il vaut la peine de le répéter, j'ai également été journaliste d'information de 1999 jusqu'à l'année dernière, lorsque j'ai décidé de servir ma communauté d'une manière différente. J'ai travaillé dans des journaux imprimés comme l'Edmonton Journal et le Hamilton Spectator, puis plus tard pour des radiodiffuseurs. Au cours de cette période, j'ai vu de mes propres yeux le déclin du journalisme, non seulement dans le nombre de publications et de radiodiffuseurs dans les collectivités, mais aussi dans le nombre de personnes dans les salles de presse, qui sont passées de centaines à une poignée. Cela a eu une incidence sur le nombre de personnes présentes dans les réunions, les palais de justice ou les hôtels de ville pour raconter les histoires des gens et des choses qui rassemblent une communauté et lui donnent l'impression d'être une communauté. En observant cela de près, je suis devenue très préoccupée par la menace qui pèse sur notre démocratie.
    J'ai été extrêmement intéressée de voir l'Australie prendre l'initiative de s'attaquer à ce que l'on a entendu appeler un « déséquilibre ». Je suis très reconnaissante que l'architecte de cette législation soit présent parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par vous, monsieur Sims. Racontez-nous ce à quoi la vie ressemble pour les journalistes en Australie aujourd'hui par rapport à ce qu'elle était avant cette législation. Vous et d'autres témoins nous en ont un peu parlé, mais aujourd'hui, il est vraiment difficile de garder un emploi dans le journalisme. Je me demande à quoi cela ressemble en Australie.

  (1405)  

    Cela a transformé le paysage journalistique en Australie. On est passé du pessimisme à l'optimisme. Nous avons des lectures différentes concernant l'utilisation de l'argent. J'ai parlé du Guardian et d'une augmentation de 50 %. Le Guardian est un nouvel acteur en Australie. C'est un acteur de taille moyenne. Il est bien sûr soutenu par le Guardian du Royaume-Uni. Cela l'a énormément aidé à se lancer dans de nouveaux domaines. Cela a aussi aidé l'Australian Broadcasting Corporation à pénétrer un éventail de médias régionaux.
    Le sentiment général dans le journalisme, c'est qu'il y a maintenant des emplois. Il y a un sentiment d'optimisme. Auparavant, il y avait un profond sentiment de pessimisme.
    J'en déduis que même les petites publications et les petits radiodiffuseurs ont bénéficié de votre législation.
    Il n'y a aucun doute là-dessus.
    Il y a beaucoup de désinformation qui circule. Google a conclu un accord avec tous ceux qui sont admissibles, et Facebook presque, bien qu'il y ait quelques exceptions bizarres.
    En ce qui concerne les petits acteurs, selon moi, Country Press Australia, qui compte, je pense, environ 180 très petites publications — on parle d'une poignée de journalistes dans un bon nombre d'entre elles — a obtenu de loin le meilleur accord par journaliste. De nombreux autres petits acteurs ont conclu des accords, des organisations dont vous n'avez pas entendu parler parce que nous avons beaucoup de nouveaux natifs numériques en Australie, ainsi que la presse traditionnelle. Australian Community Media, bien sûr, a conclu des accords avec les deux acteurs.
    Les plus petites entreprises médiatiques en ont vraiment profité, et cela leur permet de prospérer d'une manière qu'elles ne le pouvaient pas auparavant. C'est un mythe de dire que cela n'a aidé que les grands acteurs. C'est de la désinformation pure et simple.
    Je crois savoir que l'Australie passe actuellement en revue sa loi. Selon vous, quelles améliorations pourraient être apportées?
    De mon point de vue, une amélioration pourrait être un peu plus de transparence. J'étais à l'ACCC. Grâce à l'ACCC et à mes propres relations en contact avec toutes les entreprises médiatiques, je peux être tout à fait sûr que les accords étaient bien supérieurs à 200 millions de dollars. Ils étaient bien supérieurs à ce montant avant la dernière série d'accords, à laquelle je pense que quelqu'un a fait référence, mais il serait utile d'avoir un peu plus de transparence en ce qui a trait aux sommes versées et à leur utilisation, à condition que ce soit à un niveau global et que l'on ne divulgue pas les transactions individuelles. Je pense que cette partie du projet de loi C-18 est très utile.
    Vous considéreriez le projet de loi C-18 comme une amélioration de votre loi.
    Écoutez, je ne l'ai pas parcouru ligne par ligne, mais je pense que l'aspect de la transparence de haut niveau — encore une fois, à condition que cela se fasse à un niveau global — est une amélioration, oui.
    Comment réagissez-vous à certaines des critiques que vous avez entendues de la part d'autres témoins cet après-midi?
    Écoutez, je pense qu'il y a des malentendus. Ce qui s'est vraiment passé, c'est que Google et Facebook se sont interposés entre les médias et leurs publics. Il ne fait aucun doute que Google et Facebook profitent des médias d'information. Il n'est pas nécessaire de faire de la publicité contre eux pour en profiter; il suffit d'attirer les regards sur le site. C'est leur façon de faire de l'argent. Ils offrent des services gratuits et font de l'argent grâce à des publicités ciblées. Ils n'ont pas remplacé le journalisme; ils ne font que le détruire. C'est peut-être un terme trop fort, mais il est certain qu'ils le mettent à mal.
    Il s'agit du journalisme, qui est mis à mal par les modèles d'affaires de Facebook et de Google, lesquels fournissent des services gratuits afin d'attirer les regards sur des publicités ciblées, des activités extrêmement lucratives. Ce que je veux dire, c'est que, en offrant des services gratuits, Google et Facebook ne paient pas non plus pour le contenu, et c'est là le problème. Ils prennent du contenu, le monétisent et ne le paient pas.

  (1410)  

    Merci, monsieur Sims.
    Madame Hepfner, vous avez dépassé le temps.
    Cela en valait la peine.
    Merci, madame la présidente.
    Je crains que ce ne soit ma faute.
    Je vais passer au Bloc et à Martin Champoux pour six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je veux en profiter pour remercier les témoins d'aujourd'hui de participer à cette étude du projet de loi C‑18. Je suis bien content de leur présence parmi nous aujourd'hui pour discuter de ce projet de loi, très attendu par les médias de chez nous, par les médias écrits et par les médias de partout au Canada.
    Je vais commencer par m'adresser à MM. Chartier et Poisson, d'Hebdos Québec. Tout à l'heure, j'écoutais l'allocution d'ouverture de Mme Gerson, qui a d'emblée affirmé que le projet de loi C‑18 reposait carrément sur des mensonges, ce sont ses mots, et que les petits médias emploient tous leurs moyens pour aller chercher de l'argent.
    Je voudrais vous entendre nous dire comment se porte le milieu des médias écrits, particulièrement des médias que vous représentez, qui sont souvent régionaux. J'aimerais aussi que vous nous parliez un peu de la situation économique de ces entreprises, notamment au Québec. Je devine qu'elle est assez semblable à celle qui est vécue dans le reste du Canada.
    Merci, monsieur Champoux.
    Tout à l'heure, j'ai écouté l'allocution de Mme Gerson. Elle a dit que tout cela reposait sur un mensonge, ce qui est complètement faux. Je ne comprends pas qu'on puisse dire une telle chose devant un comité parlementaire, mais ce n'est là que mon opinion.
    La presse hebdomadaire québécoise vit une situation critique face à l'envahissement des réseaux sociaux. Depuis 2014 ou 2015, la forte érosion de nos revenus publicitaires a d'importantes répercussions sur nos salles de rédaction et sur la santé de nos journalistes partout au Québec.
    Il y a de plus en plus de déserts journalistiques dans plusieurs régions du Québec, et je ne crois pas que ce soit une bonne chose pour les démocraties canadienne et québécoise.
    Le journal que je publie existe depuis 170 ans. Ma famille y travaille depuis trois générations. Depuis les quatre ou cinq dernières années, la situation est extrêmement critique pour l'ensemble de la presse régionale hebdomadaire au Québec.
    Pour nous, le projet de loi C‑18 représente notre survie, tout simplement. Si les mesures qu'il contient n'entrent pas en vigueur au Canada, la survie des journalistes de la presse écrite québécoise va être de plus en plus périlleuse.
    Est-ce que je peux apporter un complément de réponse, monsieur Champoux?
    Je vous en prie, monsieur Poisson.

  (1415)  

    On utilise des mots forts comme « mensonge », on parle de vidéos de chats et on mentionne certains réseaux comme Discord ou Telegram, qui rejoignent à peine 1 % de la population des réseaux sociaux, pour banaliser l'influence de Google et de Facebook sur l'information et, ultimement, sur la démocratie.
    Or, pensez-vous vraiment que, si leur influence n'avait pas été si importante que cela, des géants comme Facebook et Google auraient investi autant de temps et d'argent, de toutes sortes de façons, au cours des derniers mois et des dernières années pour contrer nos efforts et l'aboutissement du projet de loi C‑18?
    Effectivement, monsieur Poisson. Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, professeur Sims. Vous participez à la réunion d'aujourd'hui par vidéoconférence, et il est 4 h 15 en Australie. Je tiens à vous féliciter pour votre bonne forme et à vous remercier de votre présence. Votre témoignage est très précieux.
    Je ne veux pas m'acharner sur les notes d'allocution de Mme Gerson, mais je me suis senti interpellé quand elle a dit que le fait de trop facturer et de trop imposer de contraintes aux plateformes risquait de les désintéresser et de les convaincre de retirer purement et simplement le contenu qu'elles publient présentement. Du même souffle, Mme Gerson a dit que ce genre de législation pourrait finalement avoir comme effet de donner plus d'argent aux grandes entreprises journalistiques, au détriment des plus petites.
    Professeur Sims, vous avez dirigé en Australie la commission de la concurrence et des consommateurs. Selon votre expérience, est-ce que cet argument se tient?

[Traduction]

    Merci.
    Google et Facebook ont besoin des médias. Il n'y a pas de doute à ce sujet. Évidemment, Google le fait plus clairement, mais Facebook le fait aussi. Ils appelaient autrefois cela le fil d'actualités, et on l'appelle maintenant simplement fil. Je pense qu'il y a une raison évidente pour laquelle ils ont changé ce nom, mais ils veulent attirer les regards et ils ont besoin des médias, parce que les gens font des recherches à la fois sur Facebook et sur Google.
    En ce qui concerne la taille des médias, il ne fait aucun doute que ceux qui profitent de ce type de projets de loi sont les petits acteurs. Les plus grands, qui ont la reconnaissance du nom, peuvent faire mieux par rapport aux abonnements. Les plus petits ne le peuvent absolument pas, donc ce type de législation aide les petits acteurs de manière disproportionnée, et c'est certainement ce qu'on a vécu en Australie.
    J'espère que cela répond à la question.
    Vous avez 37 secondes, monsieur Champoux.

[Français]

    Je vais continuer sur ce sujet, professeur Sims.
    Une crainte est souvent rapportée, à laquelle vous venez un peu de répondre. La crainte, c'est que les plus petits acteurs de l'industrie des médias aient plus de difficultés à négocier que les grands. En Australie, les petits ont-ils pu négocier individuellement, ou ont-ils absolument dû se coaliser pour en arriver à des ententes?

[Traduction]

    Veuillez être concis, monsieur Sims.
    Entendu, madame la présidente.
    Environ la moitié d'entre eux se sont réunis et ont négocié collectivement, et les autres ont conclu des accords individuels. C'était à eux de décider s'ils en avaient la capacité, mais les très petits acteurs ont dû négocier collectivement. Cela a bien fonctionné.
    Merci, monsieur Champoux. Merci, monsieur Sims.
    Je vais maintenant passer au tour suivant, celui du Nouveau Parti démocratique, avec Peter Julian.
    Monsieur Julian, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie tous nos témoins d'être ici aujourd'hui. Ces audiences sont très importantes, et vous avez tous apporté une contribution de taille à notre examen du projet de loi C-18.
    Monsieur Sims, j'aimerais commencer par vous. Merci de vous être levé à 4 h du matin en Australie.
    Dans votre exposé, vous avez dit que les quatre géants des médias avaient signé des accords et avez signalé que les entreprises médiatiques de taille moyenne l'avaient fait pour la plupart, mais pas dans tous les cas. Puis vous avez dit que, pour les entreprises médiatiques plus petites, il y a quelques accords avec Facebook et Google, mais pas dans tous les cas. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet, si vous le pouvez.
    La question de s'assurer que les petits journaux... c'est quelque chose qui me préoccupe vraiment. Dans ma région, à New Westminster—Burnaby, nous avons perdu la moitié des publications au cours des dernières années. Cela a été dévastateur pour les événements communautaires locaux. Nous avons deux villes qui comptent collectivement environ un tiers de million d'habitants, alors nous ne sommes pas du tout un marché important, mais nous avons été dévastés comme l'ont été tant de régions du pays.
    Pouvez-vous nous donner quelques exemples d'acteurs médiatiques plus petits? Quelle part de ces 200 millions de dollars a été consacrée aux moyens et petits acteurs? Que suggérez-vous pour améliorer cette législation afin de faire en sorte que les petits acteurs communautaires, les journaux et les médias communautaires, en bénéficient pleinement, comme cela a été le cas en Australie?
    Comme je l'ai dit, Google a conclu des accords avec pratiquement tout le monde: les grands, les moyens et les petits. Facebook a conclu des accords avec les quatre plus grands acteurs et, je pense, avec pratiquement tous les petits acteurs, mais quelques très petits acteurs ont été oubliés. Ils ont certainement conclu des accords avec Country Press Australia, et ils ont conclu des accords avec Australian Community Media. Ils ont conclu des accords avec tout un tas d'autres acteurs que je ne mentionnerai pas parce que vous n'en avez jamais entendu parler.
    Le principal domaine dans lequel Facebook n'a pas conclu d'accords est celui de deux acteurs de taille moyenne. Le premier est le Special Broadcasting Service, un service multiculturel qui appartient au gouvernement. Je pense qu'il est possible que Facebook soit maintenant désigné en vertu du code, ce qui l'obligerait à conclure ces accords.
    Je pense que le libellé de la loi canadienne ferait en sorte que les grands, moyens et petits acteurs obtiennent des marchés. Je n'y vois pas de problème.
    Les petits acteurs ont certainement très bien réussi en Australie. Pour ce qui est de la part d'argent qu'ils ont reçue, j'ai bien peur de ne pas pouvoir le dire de mémoire. De plus, pour certaines des transactions, les accords sont confidentiels, donc je ne peux pas en parler de toute façon. Ce que je peux dire, c'est qu'une part importante de ces 200 millions de dollars a été consacrée à des acteurs plus petits. Country Press Australia représente 180 très petits acteurs ruraux et régionaux. Ce sont des entreprises indépendantes et elles se sont très bien débrouillées. Chacun de ces acteurs serait extrêmement satisfait des avantages qu'il a tirés du code.

  (1420)  

    Veuillez excuser notre ignorance du paysage médiatique australien, mais Country Press Australia est-elle une association qui regroupe les petits journaux indépendants du Territoire du Nord?
    Oui, c'est exact.
    Donc ce n'est pas un conglomérat; c'est une association de petits acteurs.
    C'est exact. Elle est regroupée en tant qu'association industrielle. Elle compte environ 60 propriétaires de ces 180 publications. C'est juste cela, une organisation industrielle. Ce n'est absolument pas un conglomérat. Chacune de ces 180 entreprises est très petite et, comme je l'ai dit, il y a environ 60 propriétaires.
    Je vous remercie. Vos connaissances sont très impressionnantes.
    Je sais que vous avez estimé les retombées annuelles pour les médias à 200 millions de dollars, et je crois savoir que c'est une estimation, parce que certains des accords sont confidentiels. Est-il possible pour vous de fournir au Comité, peut-être plus tard, une estimation approximative de la part qui revient aux quatre conglomérats et de celle qui revient aux acteurs de taille moyenne? Pour Country Press Australia, par exemple, c'est très intéressant pour moi, car ce sont les personnes qui me préoccupent le plus, les journalistes locaux. Ainsi, nous pouvons avoir une idée de la façon dont les bénéfices ont été distribués.
    Vous avez raison de souligner qu'il y a beaucoup de désinformation au sujet de ce projet de loi, mais je pense qu'il est également approprié pour nous — puisque l'Australie a été la pionnière — d'obtenir des renseignements solides qui aident à contrer cette désinformation.
    Le problème, c'est qu'il y a eu beaucoup d'accords de confidentialité. Nous avons les chiffres. J'ai les chiffres, parce que l'ACCC s'est entretenue avec de nombreux médias, en essayant d'obtenir une estimation approximative de la situation: « pas au-dessus de ceci, pas en dessous de cela », ce genre de conversations. Contrairement au projet de loi canadien, il n'y a pas cette possibilité de transparence. Il est très difficile de le faire.
    Cependant, si vous vous adressez à Country Press Australia, à Australian Community Media ou à des médias privés comme Schwartz Media, la gamme des petits joueurs — les deux principaux sont Australian Community Media et Country Press Australia — pourrait bien vous donner les détails d'une façon que je ne peux pas, je le crains, simplement à cause des arrangements que nous avons. Ils ont tous les deux déclaré qu'ils étaient très satisfaits de leurs accords. Nous pouvons assurément vous fournir leurs commentaires, mais je crains que nous ne puissions pas vous donner les détails des accords.
    Merci beaucoup, monsieur Sims.
    Merci, monsieur Julian. Votre temps est écoulé.
    En regardant l'horloge, je constate que nous n'avons le temps que pour un seul autre tour, et ce sera celui de cinq minutes. Je vais commencer par le Parti conservateur du Canada et Rachael Thomas, pour cinq minutes.
     Ma première question s'adresse à M. Geist. Je remarque ici autour de la table... M. Sims a dit que le projet de loi C-18 vise à protéger le journalisme. D'autres personnes autour de la table ont dit qu'il s'agissait de protéger la démocratie.
    Voulez-vous commenter, en vous fondant sur votre expertise?
    Je dirais que, si c'était un projet de loi sur le journalisme, je pense qu'il aurait reçu beaucoup plus de soutien. Il faut bien comprendre que ce n'est pas le cas. On y mentionne le mot « journalisme » une fois, et cela concerne les organisations journalistiques qualifiées. Il comporte trois sections qui mentionnent les journalistes.
    Il s'agit non pas de journalisme ou de journalistes, mais de financer certaines de ces organisations médiatiques traditionnelles. En fait, il n'existe aucune norme en matière de journalisme, et il faut comparer cela à ce que le gouvernement a approuvé avec les OJCQ, les organisations journalistiques canadiennes qualifiées, qui fixent un large éventail de normes pour s'assurer que ce que vous produisez et ce pour quoi vous encouragez la production est du journalisme de haute qualité. Il n'y a rien de tout cela dans le projet de loi.
    Compte tenu des normes peu élevées qui permettent de se qualifier pour cela, ce que vous faites en réalité, c'est encourager les pièges à clics. Il s'agit d'un journalisme de piètre qualité pour lequel les gens sont payés en fonction du nombre de clics, parce qu'ils peuvent exiger de faire partie de cette table dans le cadre de la négociation collective, comme vous venez de l'entendre. Lorsque nous nous tournons vers les plateformes pour essayer de mesurer cela et d'utiliser les algorithmes pour donner la priorité au journalisme de haute qualité et rétrograder le journalisme de faible qualité, la législation vous frappe à nouveau, créant une responsabilité potentielle lorsqu'elles rétrogradent cela.
    Le danger ici, c'est que nous n'allons pas soutenir le journalisme de haute qualité. Nous allons soutenir certaines entreprises traditionnelles, c'est certain, mais s'il s'agissait vraiment de journalisme, on aurait pu penser que vous l'auriez mentionné dans le projet de loi plus que quelques fois.

  (1425)  

    Merci, monsieur Geist.
     Je veux prendre une direction légèrement différente, mais je pense que cela a aussi à voir avec cet aspect. L'une des choses que vous avez soulignées est le manque de clarté des termes utilisés dans le projet de loi. Un exemple est le « contenu de nouvelles ». Vous vous êtes ensuite demandé si le projet de loi C-18 était même constitutionnel. Quelle serait l'incidence de ce manque de clarté? Selon vous, pourquoi sommes-nous dans cette situation? Nous sommes déjà passés par là. Nous avons vu cela avec d'autres projets de loi, lorsque le gouvernement libéral a dit: « Faites-nous confiance. Faites-nous simplement confiance. »
    Voulez-vous commenter cela?
    Bien sûr. Il y a des problèmes même dans le projet de loi. J'ai déjà mentionné au moins deux exemples, et il pourrait bien y en avoir d'autres, où la version anglaise et la version française ne sont pas alignées. Cela crée une confusion potentielle quant à l'intention du gouvernement dans le cadre de ce projet de loi.
    En outre, il est très clairement vulnérable en ce qui concerne notre accord avec les États-Unis. Il est vulnérable par rapport à nos obligations internationales en matière de droit d'auteur. Je dois dire que je trouve étonnant que nous disions effectivement que certaines parties n'ont pas le droit de citer et qu'il faut donc les mettre de côté pour les besoins de la négociation. C'est un élément essentiel du droit international sur le droit d'auteur, mais il a été exclu. Je tiens à souligner que ce n'est pas quelque chose que l'on retrouve dans la loi australienne. C'est une violation canadienne du droit international.
    Du point de vue constitutionnel, j'ai du mal à voir comment cela s'inscrit même dans les pouvoirs traditionnels du gouvernement fédéral. Comme je l'ai dit, ce n'est pas de la radiodiffusion, ce n'est pas des télécommunications et ce n'est pas du droit d'auteur. Les nouvelles ne sont pas quelque chose qui relève traditionnellement de cette compétence.
    Quel en sera le résultat probable? Il ne fait aucun doute que cela sera contesté à différents niveaux. L'idée que cela se traduise par des accords rapides et des paiements rapides m'apparaît exceptionnellement improbable.
    Merci beaucoup, monsieur Geist.
    Il me reste environ une minute et 20 secondes. Je vais m'adresser à Mme Gerson pour un moment.
    Si je devais définir l'argument central de votre déclaration liminaire, c'est qu'il y a une incidence extrêmement néfaste de l'ingérence du gouvernement en ce qui concerne le journalisme et les médias. Essentiellement, ce que je vous entends dire, c'est que si vous vous débarrassez du gouvernement, alors vous regagnez la confiance du public, qui s'effrite actuellement parce qu'il perçoit les médias comme étant achetés et ne rapportant pas les histoires correctement. Les politiciens soulèvent nombre de ces mêmes préoccupations. Il semblerait donc que, si nous voulons un véritable retour à la démocratie et à la protection des principes démocratiques, nous devrions permettre aux médias de fonctionner indépendamment du gouvernement.
    Madame Gerson, je me demande si vous pouvez nous en dire davantage à ce sujet.
    Je représente une petite organisation médiatique. Je ne veux pas d'argent dans le cadre de ce programme et par l'entremise du gouvernement. Je veux être autosuffisante.
    Je dois faire une exception, car je pense que certains des témoins ici présents ont déformé mes propos.
    Monsieur Sims, je n'ai pas dit que l'argent allait uniquement aux organisations de Murdoch; j'ai dit que la majeure partie de l'argent allait aux organisations de Murdoch. Dans votre témoignage, vous avez dit: « Oh, je ne sais pas. » Pensez-vous que la majeure partie de l'argent de cette loi canadienne ne va pas aller à des organisations zombies comme Postmedia? Bien sûr que si. Elles ont la taille, la masse, l'ancienneté et la capacité juridique nécessaires pour pouvoir négocier davantage.
    Ensuite, je n'ai pas dit que c'était un mensonge que les organisations médiatiques éprouvaient des difficultés. Bien sûr qu'elles en éprouvent. Nous le savons tous. Ce qui est un mensonge, c'est que les médias ne bénéficient pas des liens en cause. Les organisations médiatiques bénéficient de manière disproportionnée des liens.
    Merci, madame Gerson. Le temps est écoulé.
    Je donne maintenant la parole aux libéraux.
    Anthony Housefather, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui, en particulier M. Sims, qui s'est levé très tôt ce matin en Australie. Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, M. Sims a été appelé « l'homme le plus redouté » du milieu des affaires en Australie par l'Australian Financial Review. Il s'agit d'un témoin assez impressionnant.
    Je veux aussi profiter de l'occasion pour souhaiter à M. Skok, à M. Geist et à tous les membres de la communauté juive du Canada une très bonne année, qui commence dimanche soir.
    J'en viens à ma première question.
    Monsieur Skok, je m'adresse à vous. M. Geist vient de dire qu'il ne s'agit pas de journalisme. Pensez-vous que le projet de loi concerne le journalisme?

  (1430)  

    Oui.
    Monsieur Deegan, pensez-vous que le projet de loi concerne le journalisme?
    Oui, et il y a une chose sur laquelle j'aimerais revenir. M. Geist a fait référence à l'OJCQ, disant qu'il n'y avait rien au sujet du journalisme là-dedans. Il pourrait vouloir lire l'alinéa 27(1)a), qui fait référence à « une organisation journalistique canadienne qualifiée au sens du paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ».
    C'est dans la loi, monsieur Geist.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais poser la même question aux deux représentants d'Hebdos Québec.
    Messieurs Chartier et Poisson, croyez-vous que ce projet de loi a un rapport avec le journalisme?
    Oui. Ce projet de loi n'a de rapport qu'avec le journalisme, tout simplement. À l'heure actuelle, le projet de loi C‑18 représente la défense, la santé et la raison d'être du journalisme au Canada, et rien d'autre.
     Dire que ce sont les grosses compagnies qui vont empocher l'argent découlant des dispositions du projet de loi C‑18 et que les petites n'auront pas un sou, ce n'est tout simplement pas vrai. Je gère moi-même une petite compagnie. J'ai besoin de cet argent. J'en ai besoin pour ma salle de rédaction, mes journalistes, mes photographes, mes correcteurs, mes éditorialistes et mes rédacteurs en chef. J'ai besoin de cet argent, j'ai besoin d'être dédommagé par une loi comme celle-ci.
    Je parle au nom de 250 journalistes et de 40 éditeurs au Québec. Je parle aussi, et M. Deegan sera probablement d'accord avec moi, pour l'ensemble des éditeurs du Québec et de tout le Canada, de Terre‑Neuve à l'île de Vancouver.
    Merci.
    Je suis tout à fait d'accord. Je reconnais qu'il en est de même pour les petits journaux dans ma circonscription, au Québec.

[Traduction]

    Je veux aussi revenir à vous, monsieur Skok.
    Tout d'abord, je suis très reconnaissant du fait que vous ayez conservé une salle de presse anglophone au Québec. C'est très important pour ceux d'entre nous qui appartiennent à la communauté anglophone minoritaire du Québec.
    Je veux en venir à certains des mythes qui entourent ce projet de loi. D'abord, il y a ce mythe selon lequel il étoufferait l'innovation. Vous avez créé une entreprise. Vous êtes un innovateur. Croyez-vous que ce projet de loi étouffe l'innovation?
    Ce projet de loi aide l'innovation dans sa forme actuelle. J'ai entendu d'autres témoins parler de la nécessité d'étudier le passé en ce qui concerne les organismes de presse, et j'ai aussi été dans ces salles de presse dans le passé. Il ne s'agit pas d'étudier le passé. Ces accords ont déjà été conclus. Cela s'est déjà produit. Google et Meta n'ont pas eu à conclure ces accords, pas des accords de taxe sur les liens, j'ajouterais, juste des accords de licence. Ils n'étaient pas obligés de faire tout cela; ils ont choisi de le faire. Ils ont déjà choisi leurs gagnants. Ce projet de loi permet d'uniformiser les règles du jeu et d'empêcher ces gagnants d'obtenir un avantage distinct.
    Les salles de presse peuvent dépenser leur argent dans trois domaines: premièrement, en recherchant des journalistes et des rédacteurs talentueux; deuxièmement, en recherchant des audiences; et troisièmement, en transmettant leur journalisme aux gens par de nouveaux moyens. L'argent qui a déjà été affecté aux éditeurs par ces grandes plateformes technologiques a nettement désavantagé ceux d'entre nous qui essaient d'innover.
    Permettez-moi de poser une question sur l'autre chose que j'entends, bien sûr, qui est la compromission de l'indépendance journalistique. Est-ce que cela compromettra votre indépendance et celle des personnes qui travaillent pour vous?
    Non, et je dois souligner que je me suis personnellement retiré de toute couverture de ce projet de loi dans ma salle de presse, en septembre 2020, lorsqu'il est devenu évident que je devais intervenir dans cette affaire. Je ne sais pas ce qu'ils rapportent. Parfois, ils rapportent des choses qui nuisent réellement à mes intérêts personnels.
    Monsieur Deegan, pensez-vous que cela compromettra l'indépendance de toutes les personnes affiliées à Postmedia?
    Pas du tout, pas plus que... Si General Motors publiait une publicité dans le Globe and Mail ou le Toronto Star et si quelqu'un de GM téléphonait au Globe and Mail pour dire: « Hé, je n'aime pas votre couverture et je vais retirer ma publicité », je pense que l'éditeur lui dirait d'aller se faire voir.

[Français]

     Je poserais la même question aux gens d'Hebdos Québec.
    Croyez-vous que ce projet de loi pourrait causer des problèmes concernant votre intégrité et votre indépendance journalistique?
    Non, je ne le crois aucunement. Les salles de rédaction ont toujours été isolées des éditeurs et des propriétaires de journaux. Pourquoi ce projet de loi engendrerait-il une dépendance?

[Traduction]

    Merci.
    Madame la présidente, est-ce qu'il me reste du temps ou est-ce que j'ai terminé?
    Merci, monsieur Housefather. C'est tout. Vous avez dix secondes.
    C'est bon. Je sacrifie les dix secondes.
    Très bien. Merci.
    Je passe maintenant au Bloc Québécois et à M. Champoux pour deux minutes et demie, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Housefather, avec votre expérience, vous devriez savoir qu'il ne faut pas demander; il faut continuer, jusqu'à ce qu'on se fasse interrompre!
    Des voix: Ha, ha!

[Traduction]

    C'est une insurrection, monsieur Champoux.

[Français]

    Madame la présidente, vous empiétez sur mon temps de parole.

[Traduction]

    Non, je n'ai même pas encore démarré le compteur, monsieur Champoux.

  (1435)  

[Français]

    Je vais donc commencer.
    Monsieur Deegan, selon un sondage mené par la firme Pollara Strategic Insights, 90 % des Canadiens estiment qu'il faut faire quelque chose pour la survie des médias locaux, 79 % sont d'accord pour que les géants du Web partagent leurs revenus avec les médias écrits et les médias locaux, et 80 % sont d'accord sur l'esprit de ce projet de loi.
    Est-ce que vous pensez que ces gens sont bien informés?

[Traduction]

    Absolument.

[Français]

    Ils sont très bien informés. Nous avons posé la question à des libéraux, à des bloquistes, à des conservateurs et à des néo-démocrates, et tous les répondants pensent que le journalisme local est très important et qu'une loi est nécessaire pour l'appuyer.
    Je peux vous le confirmer. Je représente une région où nous avons un hebdo très vigoureux, L'Express, à Drummondville, dont les gens sont friands. Je ne sais pas comment nous assurerions la couverture journalistique locale si nous n'avions pas notre hebdo. Je pense donc que cela représente effectivement une volonté.
    Je pourrais aussi poser la question qui suit aux gens d'Hebdos Québec, mais, d'après vous, est-ce que les plus petits joueurs de l'industrie des médias écrits, particulièrement les hebdos du Québec et du Canada, vont être en mesure de tirer leur épingle du jeu individuellement? Avez-vous plutôt l'intention, au contraire, de vous coaliser pour un front commun plus fort quand viendra le temps de négocier avec les géants du Web? Comment entrevoyez-vous ces négociations?
    Nous voulons que tous les journaux du Canada, qu'ils soient gros, moyens ou petits, forment une grande coalition. Au Québec, le cas de La Presse, présidée par Pierre‑Elliott Levasseur, est intéressant, puisque ce journal fait partie des grands innovateurs en Amérique du Nord grâce à son application pour tablette.
    Il est très important que les médias du Québec fassent partie de cette grande coalition. Nous avons parlé à des représentants d'entreprises qui ne font pas partie de Médias d'info Canada, comme Québecor. Il est très important que Québecor, La Presse, Le Devoir et les hebdos fassent partie de cette coalition, parce que nous sommes plus forts quand nous sommes unis.
    Merci, monsieur Deegan.
    Madame la présidente, je pense que c'est tout le temps que j'ai, pour imiter mon collègue M. Housefather.

[Traduction]

    Vous avez 12 secondes, monsieur Champoux.

[Français]

    Je vais en profiter pour de nouveau remercier les témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Je dois maintenant avoir écoulé tout mon temps de parole. Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Maintenant, pour le Nouveau Parti démocratique, nous avons Peter Julian, pour deux minutes et demie, s'il vous plaît.

[Français]

    Madame la présidente, je prendrai aussi les 10 secondes de M. Housefather et les 12 secondes de M. Champoux, si vous le permettez.

[Traduction]

    Les 12 secondes de M. Champoux sont devenues trois secondes, bien essayé monsieur Julian.

[Français]

     D'accord, merci.
    Monsieur Chartier, je vous félicite pour ces 170 ans de contribution à Saint‑Hyacinthe, c'est extraordinaire.
    J'ai eu la chance de vivre au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, en Estrie et à Montréal, et de voyager à travers le Québec. Au cours de ces voyages, j'ai constaté que les hebdomadaires sont extrêmement importants dans tous les coins du Québec.
    Êtes-vous certain que le projet de loi C‑18 tel qu'il est conçu sera bénéfique pour les hebdomadaires, même ceux en région éloignée? Sinon, quels amendements pouvez-vous nous suggérer pour améliorer le projet de loi?
    Je suis tout à fait convaincu que le projet de loi C‑18 permettra à mes 40 collègues éditeurs et propriétaires d'hebdos, que vous avez probablement dû croiser au Québec, de très bien tirer leur épingle du jeu. Ce sera le cas même pour les journaux en région éloignée. C'est attribuable au fait que, comme l'a mentionné M. Deegan, nous allons négocier d'un seul bloc pour l'ensemble du Canada. Il est très rare que cela se produise. Il y a même des éditeurs de la presse quotidienne québécoise qui se sont unis pour négocier. Cette force nous permettra assurément d'aller chercher le maximum dans nos négociations.
    Concernant le projet de loi C‑18, aucun éditeur au Québec ne craint que certains amendements lui soient défavorables du fait qu'il est en région éloignée ou qu'il n'y a qu'un seul journaliste dans la salle de rédaction. Tel qu'il est écrit, le projet de loi va servir le journalisme régional au Canada et au Québec et aider à couvrir tous les paliers gouvernementaux. Il va surtout contribuer à la santé de la démocratie.

  (1440)  

    Vous n'avez aucun amendement à suggérer, dans ce cas.
    Non.

[Traduction]

    Monsieur Skok, félicitations pour votre travail extraordinaire. C'est très intéressant.
    Selon vous, y a-t-il des améliorations que nous pourrions apporter au projet de loi? Y a-t-il quoi que ce soit que vous suggéreriez en matière d'amendements?
    Oui, merci, monsieur Julian.
    Vous avez demandé tout à l'heure comment se portent les petits éditeurs par rapport aux grands. Je pense que la question de la proportionnalité est une question importante pour nous et elle est préoccupante. Une façon de concilier cela, que nous avons proposée et soumise à vous tous, concerne l'article 86 du projet de loi, avec le rapport annuel du vérificateur indépendant. Nous proposons que les éléments décrits au paragraphe 86(2) concernant l'effet de ces accords soient communiqués en temps réel aux arbitres à mesure que ces accords sont conclus, plutôt qu'après un an. De cette manière, lorsqu'un accord est conclu, tous les autres sont arbitrés proportionnellement de la même façon, contrairement à ce qui se passe actuellement, où l'on peut avoir entre un et trois ans d'accords qui sont complètement différents sur le plan de la taille, de l'ampleur et de la portée.
    Merci beaucoup.
    Merci à nos témoins.
    Merci à M. Housefather et à M. Champoux d'avoir offert leur temps supplémentaire.
    Merci beaucoup, monsieur Julian.
    Je passe maintenant aux conservateurs, pour cinq minutes.
    Monsieur Waugh, allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à tous.
    Une des choses que j'ai observées, c'est que CBC/SRC vole le talent des journaux de tout le pays, et cela va continuer avec ce projet de loi. Je vais vous le dire tout de suite. CBC/SRC ne développe que peu ou pas de talents par elle-même, parce qu'elle ne fait que chaparder les talents des journaux de taille moyenne ou inférieure dans notre pays, et ce n'est pas un problème que ce projet de loi va régler.
    Je vais commencer par News Media.
    Monsieur Deegan, je sais que ma déclaration est exacte. Je l'ai vu. Cela va se poursuivre. Avec l'adoption du projet de loi, cela va continuer encore plus. Nous verrons des journalistes avec peu ou pas d'expérience dans les régions rurales du Canada, parce qu'il n'y a pas de journalistes. Que pensez-vous de cela?
    Écoutez, je suis d'accord avec vous. Le maraudage de talents de CBC/SRC pose un énorme problème. Les journaux locaux développent le talent. Compte tenu de votre propre expérience, vous le savez de première main. Puis, ils les prennent. Ils gagnent beaucoup plus d'argent avec CBC/SRC. C'est un gros problème.
    C'est pourquoi il est important d'avoir cette législation. Elle nous permettra d'avoir des assises commerciales plus solides. La seule chose que je vous demanderais d'examiner, en tant que membres du Comité — je sais que c'était dans la plateforme libérale l'été dernier pendant la campagne électorale — c'est la suppression de la publicité pour CBC/SRC pendant ses émissions de nouvelles et d'affaires courantes. Nous sommes en concurrence directe avec elle. Elle a déjà une avance de 1,4 milliard de dollars sur nous, et nous sommes en concurrence avec elle pour la publicité. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas correct.
    Ne vous méprenez pas: il y a une place pour le radiodiffuseur public au Canada. Il fait un travail exceptionnel, mais il ne devrait pas être en concurrence avec des entreprises privées pour la publicité commerciale.
    Je ne pourrais être plus d'accord avec vous. Il est en concurrence avec tout le monde, et il gagne parce qu'il est CBC/SRC et le National.
    Mon autre question, monsieur Geist, est simplement la suivante: pouvez-vous ou est-ce que quelqu'un peut me dire...? On a dit au Moosomin World-Spectator que cela allait rapporter beaucoup d'argent aux propriétaires indépendants locaux. Que peut attendre le propriétaire du Moosomin World-Spectator de cet accord? S'agit-il de 5 000 $, 10 000 $, 100 000 $ par année? S'il a deux employés dans la salle de rédaction, il est admissible.
    Je n'ai pas entendu de chiffre que je puisse communiquer à un propriétaire indépendant au pays pour lui dire que c'est bon: « Bien sûr que c'est bon: je reçois 5 000 $ de plus. » J'ai besoin du chiffre, du chiffre exact qui sera négocié pour les journaux inférieurs et moyens. Y a-t-il quelqu'un du groupe de témoins qui puisse me dire à quoi ils peuvent s'attendre? J'ai entendu des chiffres scandaleux. J'ai besoin de connaître exactement le chiffre auquel ils peuvent s'attendre.
    Y a-t-il quelqu'un dans le groupe de témoins qui veut essayer de répondre à cette question?
    Allez-y, monsieur Geist.

  (1445)  

    Je vais commencer.
    Je ne pense pas que quiconque puisse vous donner un chiffre exact, car je ne pense pas que qui que ce soit le sache à ce stade. Nous ne savons certainement pas non plus ce que les gens reçoivent en Australie. M. Sims pourrait le savoir, mais le public ne connaît généralement pas ce genre d'information. Il y a beaucoup de secrets associés à ce système, du moins en ce qui concerne ce qui est disponible publiquement.
    Nous ne le savons pas, mais voici les deux choses que nous savons. Premièrement, nous savons que ces entreprises seront effectivement forcées de participer à ce système. Pourquoi? Comme vous l'avez dit, leurs concurrents, comme CBC/SRC et d'autres, y participent, de sorte que vous ne pouvez pas rivaliser efficacement. Il existe des dizaines, voire des centaines de petites organisations médiatiques indépendantes plus petites, souvent axées sur le numérique, dans les collectivités locales. Souvent, elles sont florissantes, et elles vont se battre pour ne pas participer, parce qu'elles sont en concurrence avec ceux qui prennent l'argent.
    Permettez-moi aussi très rapidement — et je vois que Mme Gerson veut dire quelque chose — de signaler à M. Deegan que s'il veut bien continuer avec l'alinéa 27(1)a), il mentionne les OJCQ, mais il y a ensuite un mot important dans la version anglaise: « or ». Ce mot vous amène à l'alinéa 27(1)b), qui établit une norme faible pour l'accessibilité à ce programme, dans lequel il n'y a tout simplement pas de normes.
    Monsieur Geist, je vous signale que M. Waugh a la possibilité de demander à Mme Gerson de répondre.
    M. Michael Geist: Oui.
    Je vais lui demander tout de suite, madame la présidente.
    C'est bien, monsieur Waugh.
    Vous avez 37 secondes, madame Gerson.
    Monsieur, j'aimerais simplement souligner que, dans le cadre du programme de journalisme qualifié, les organisations comme la mienne ne sont pas admissibles, parce que, bien sûr, nous sommes des « propriétaires ». Nous sommes la propriété de deux personnes et nous produisons notre propre contenu. Parce que nous sommes les deux seuls journalistes travaillant pour notre organisation et que nous sommes les propriétaires de l'organisation, nous ne sommes pas admissibles à ce programme.
    C'est l'une de ces questions ou l'un de ces problèmes qui étouffent l'innovation, car cela signifie que beaucoup d'entreprises en démarrage créées par les journalistes eux-mêmes ne sont pas admissibles avant d'avoir atteint une certaine masse, ce qui rend la concurrence de plus en plus difficile. Maintenant, c'est quelque chose qui pourrait être abordé...
    Merci, madame Gerson. Je suis désolée, le temps est écoulé.
    Je vais maintenant passer aux libéraux et à Tim Louis.
    Vous avez cinq minutes, monsieur Louis.
    Merci, madame la présidente. Je vous remercie.
    Merci à tout le monde d'être ici. Je vous en suis reconnaissant. J'aimerais commencer mes questions par M. Sims.
    Dans ma circonscription, monsieur Sims, il y a un certain nombre de petits organes de presse hebdomadaires indépendants. Certains d'entre eux ne comptent que deux journalistes et un rédacteur en chef. Nous savons que des nouvelles indépendantes et solides sont toujours importantes, et elles l'étaient encore plus pendant la pandémie.
    Vous avez entendu un certain nombre de gens poser les mêmes questions que celles que nous entendons sur le terrain. La préoccupation de ces petits organes de presse est d'être rassurés sur le fait qu'ils feront partie des négociations collectives avec ces géants de la technologie. Il était très réconfortant de vous entendre dire dans votre déclaration liminaire que les entreprises se sentent à l'aise et qu'elles sont passées du pessimisme à l'optimisme. Pouvez-vous donner des preuves, des chiffres, sur la façon dont ces entreprises se portent, en particulier les petits organes de presse journalistique?
    En ce qui concerne les entreprises associées à Country Press, les 180 associations médiatiques associées à Country Press Australia, j'inviterais certainement le Comité à communiquer avec elles. D'après ce que j'ai compris — je suis désolé de ne pas pouvoir vous en faire part et je me rends compte que c'est ce que j'ai dit précédemment sur l'amélioration du projet de loi canadien — je pense qu'elles ont obtenu plus d'argent par journaliste que n'importe qui d'autre. Les petits journaux locaux, tous ces journaux qui existent depuis longtemps, ont extrêmement bien réussi, et ils seraient très heureux de vous en parler.
    Je dois ajouter, juste en ce qui concerne les natifs numériques, qu'ils sont tous défavorables, à ma connaissance, au projet de loi australien. Ils en ont tous bénéficié et cela les aide, en tant que petits natifs numériques, à prendre de l'expansion également. Non seulement les journaux traditionnels de Country Press Australia en profitent énormément et sont très reconnaissants, mais les natifs numériques, ceux qui innovent et entrent sur le marché, sont également à l'aise. Il n'y a pas de problème. Aucun d'entre eux ne se plaint.
    C'est très réconfortant à entendre.
    Pour poursuivre dans la même veine, monsieur Sims, si nos médias locaux commencent à bien fonctionner, pouvez-vous voir la tendance à la fermeture de petits médias et peut-être même — pour régler ce que l'on appelle ici les « déserts de nouvelles » — voir l'expansion dans d'autres régions? Est-ce une possibilité?

  (1450)  

    Oh, il ne fait aucun doute dans mon esprit, avec le code australien et ce que je comprends du projet de loi C-18, que vous verrez une croissance des petites publications. Cela leur donne la possibilité de le faire. Il est certain que certaines de ces organisations de Country Press Australia utiliseront une partie de cet argent pour devenir des acteurs numériques beaucoup plus perfectionnés, ce qui les aidera à croître. Ils en bénéficieront et grandiront. Cela ne fait aucun doute.
    Je suis heureux de le savoir.
     Je pourrais peut-être m'adresser à vous, maintenant, monsieur Deegan. Le projet de loi C-18 n'est qu'un des outils dans le coffre à outils du gouvernement avec lequel nous essayons de soutenir le journalisme. Pouvez-vous nous parler d'autres programmes que le gouvernement a mis en place et qui pourraient profiter à ce secteur, comme le Fonds pour les périodiques ou l'Initiative de journalisme local?
    Bien sûr. Dans le budget de l'année dernière, il y a un certain nombre de mesures de soutien pour le journalisme que nous trouvons formidables. L'une d'entre elles est l'Initiative de journalisme local. Notre comité de sélection est présidé par Duff Jamison, de Great West Publishing en Alberta. C'est un journaliste formidable. Ce programme, qui était de 10 millions de dollars dans le passé, est de 20 millions de dollars cette année. C'est très utile.
    Il y a aussi un programme d'aide aux éditeurs, qui, pour les journaux, s'élève à environ 16 millions de dollars, je crois. Là encore, c'est extrêmement utile.
    Il y a aussi celui dont M. Waugh et moi parlions il y a une minute. Dans le budget de cette année, on a annoncé 40 millions de dollars sur les trois prochaines années pour soutenir le journalisme. Si une forte proportion de cet argent pouvait être consacrée aux très petites publications, celles dont parlait Jen Gerson et qui n'ont pas deux employés indépendants, je pense que ce serait très important.
    Il importe de soutenir ces petites publications. Un certain nombre d'entre elles sont des innovateurs numériques, et des gens comme Mme Gerson qui font du très bon travail, mais il y a aussi des publications imprimées qui sont très petites. Nous avons au sein de notre conseil d'administration Sarah Holmes, de Gabriola Sounder, en Colombie-Britannique. C'est un très petit journal. Son époux et elle le publient. Ils n'ont pas deux employés indépendants. Je pense donc qu'il serait extrêmement important d'envisager un financement comme celui-là, soit 40 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour les petites publications comme celle-là, car sans elle, il n'y a pas de nouvelles dans sa collectivité.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Louis, il vous reste dix secondes. Voulez-vous dire autre chose?
    Non. Merci à tous.
    D'accord. Merci à tous.
    Je pense que nous allons conclure. Je tiens à remercier tous les témoins qui sont venus nous parler, parce que je crois que c'est très important pour le concept de la liberté de presse et pour maintenir la démocratie.
    Avant da présentation d'une motion d'ajournement, je tiens à vous remercier tout particulièrement, monsieur Sims. J'ai un fils qui est urgentologue à Sydney, en Australie, et je comprends le décalage horaire. Je vous remercie de vous être levé très tôt, aux petites heures du matin, pour venir nous parler et vous adresser à nous. Vous parlez avec beaucoup d'autorité et d'expérience, car l'Australie a déjà eu affaire à ce type de législation. Je suis heureuse de constater que vous voyez une certaine innovation dans notre propre législation.
    Merci beaucoup à tous.
    Je suis prête à recevoir une motion d'ajournement.
    J'en fais la proposition, madame la présidente.
    Merci, monsieur Bittle.
    Au revoir tout le monde. Nous nous reverrons à la prochaine réunion.

  (1455)  

    Ça a été un privilège d'y participer. Je vous remercie.
    Merci, monsieur Sims.
    La séance est levée.
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