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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1835)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.

[Français]

     Bienvenue à la 19e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.

[Traduction]

    Comme vous le savez, la réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin. Nous avons des membres qui assistent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
    Conformément à l'alinéa 108(3)i) et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 juin, nous nous réunissons dans le cadre de notre première étude sur la recherche et la publication scientifique en français.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Comme vous le savez, pour l'interprétation de ceux qui participent par Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le français, l'anglais et le parquet. Les personnes qui sont présentes dans la salle peuvent utiliser les écouteurs et sélectionner le canal de leur choix.
    Je rappelle que toutes les observations doivent être formulées par l'entremise de la présidence. Pour les membres dans la salle, comme vous le savez, si vous souhaitez intervenir, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi gérerons de notre mieux l'ordre des interventions.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos invités. Nous sommes ravis de vous recevoir, et nous avons hâte d'entendre vos témoignages.
    Nous accueillons Mme Sylvie Lamoureux, professeure titulaire et chaire de recherche en gestion des langues, qui comparaît à titre personnel. De l'Acfas, nous recevons M. Jean‑Pierre Perreault, président, Mme Anne‑José Villeneuve, présidente de la section de l'Alberta, et Mme Laura Pelletier, chargée de projets, Francophonie canadienne.
    Chaque groupe disposera de cinq minutes pour faire leur déclaration liminaire. À quatre minutes et demie, je brandirai cette carte. Je vous ferai savoir qu'il vous reste 30 secondes pour conclure vos remarques.

[Français]

    Professeure Lamoureux, vous avez maintenant la parole.
     Madame la présidente, messieurs les vice-présidents, membres du Comité, je tiens à vous remercier de l'invitation à participer à cette première réunion dans le cadre de votre étude sur la recherche et la publication scientifique en français. Je vous félicite pour avoir retenu ce sujet particulier.
    La protection et la valorisation de la recherche et de la publication scientifique en français sont importantes, non seulement pour la diffusion et la mobilisation des connaissances, mais également pour la valorisation et l'essor continus de la langue française. Pour reprendre les mots de l'auteur-compositeur-interprète Daniel Lavoie, le français est une langue qui pense, une langue belle et fière.
    La recherche et la publication scientifiques en français font couler beaucoup d'encre depuis plus de 40 ans. Les travaux de collègues comme Vincent Larivière, de l'Université de Montréal, et Richard Marcoux, de l'Université Laval, démontrent l'urgence de se pencher maintenant sur cette question.
    Tout comme le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, je suis d'avis qu'il faut promouvoir davantage la recherche en français, les publications savantes et celles vulgarisées pour le grand public, non seulement auprès de la communauté scientifique, mais aussi auprès des communautés concernées par les recherches et des communautés francophones en général. Ainsi, nous ferions rayonner le Canada dans la francophonie et au-delà.
    J'étais ravie lorsque les Fonds de recherche du Québec ont lancé les prix Publication en français. J'étais même envieuse, puisque nous n'avons rien de tel en Ontario. C'est un bel incitatif pour encourager et valoriser la publication en français.
    Je suis reconnaissante des divers appuis offerts aux revues francophones et bilingues canadiennes dans les domaines des sciences sociales, des sciences humaines et des arts et lettres, lesquelles sont majoritairement disponibles en libre accès sur la plateforme Érudit. Cependant, la réalité est que les publications scientifiques en français et la promotion du savoir scientifique en français sont en baisse. Les travaux de Vincent Larivière confirment un déclin important dans la création de nouvelles revues scientifiques en français, dans le monde en général, mais particulièrement au Canada.
    La création de la plateforme Érudit a certes été d'une importance primordiale pour la reconnaissance de la publication scientifique en français au Canada et à l'international. Toutefois, le professeur Richard Marcoux, de l'Université Laval, a mis en évidence la précarité de l'existence même des revues savantes canadiennes, en particulier celles en français ou dans les deux langues officielles, en raison de leur lectorat restreint. Bien qu'elles ne représentent pas une occasion d'affaires pour les maisons d'édition étrangères ni pour les organismes qui pourraient les subventionner, ces publications répondent à un besoin d'information sur des dossiers canadiens importants, d'intérêt non seulement pour le Canada, mais aussi pour le reste du monde.
    Les travaux de ce même professeur sur la publication scientifique en sciences humaines au Canada démontrent que les chercheurs francophones vont beaucoup puiser dans les recherches en anglais, sans que leurs collègues anglophones leur renvoient l'ascenseur. C'est un réel problème puisqu'une langue est plus que des mots: c'est une culture et une façon de penser et de voir le monde. Si on l'ignore, on se met des œillères.
    Mon expérience de cheffe de file à l'Université d'Ottawa me permet de confirmer que plusieurs jeunes chercheurs s'inquiètent des effets négatifs du fait de publier en français lorsque vient le temps d'évaluer leur dossier de permanence ou de promotion.
     Les revues en français ne sont généralement pas indexées. Faire le choix d'être publié en français, c'est choisir d'être moins cité. Certaines personnes considèrent ce choix de façon péjorative au lieu de reconnaitre l'importance de valoriser notre langue et d'assurer une diffusion scientifique dans notre langue.
    Comment donc valoriser la recherche et la publication en français chez les chercheurs en devenir du Canada, jeunes et moins jeunes?
    Le manque de publications en français me pose des défis lorsque je dois concevoir des cours universitaires en français. Je n'ai d'autre choix que d'avoir recours à des publications en anglais dans un cours qui se donne en français, ce qui est particulièrement problématique pour un cours de maîtrise qui s'intitule « Politique et aménagement linguistique au Canada », par exemple. Comment justifier cette réalité à des étudiants francophones provenant de l'étranger ou à des étudiants qui s'attendent à ce que la totalité, sinon la majorité, de leurs lectures soit en français?
    Mes travaux de recherche ne portent pas directement sur ce sujet. Toutefois, ils mettent l'accent sur un effet secondaire — pour ne pas dire pervers — de l'homogénéisation linguistique de la recherche, soit le faible nombre de thèses de maîtrise et de doctorat rédigées en français. Cela vient renforcer le stéréotype voulant que, pour faire de la science, il faut la faire en anglais.

  (1840)  

     Cela crée un cercle vicieux quand vient le temps de passer d'une école élémentaire à une école secondaire ou de choisir un domaine d'études postsecondaires. À l'université, plusieurs croient que, pour bien réussir et être publié, il faut étudier en anglais, la science étant publiée dans cette langue.
     C'est ce que je ressens personnellement lorsque je fais mes recherches, alors que j'entends les jeunes me dire pourquoi ils ont quitté l'école secondaire de langue française, pourquoi ils se sont inscrits dans un programme en anglais ou pourquoi ils ont choisi de faire leur thèse en anglais même s'ils sont inscrits à un programme en français.
    En Ontario, les écoles secondaires de langue française ont vu le jour vers 1969...
    Je suis désolée de vous interrompre, professeure Lamoureux, mais votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

    J'espère que lorsque nos collègues commenceront à poser des questions, vous serez en mesure de terminer vos déclarations.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je cède maintenant la parole aux représentants de l'Acfas, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Chers membres du Comité, bonsoir. Je vous remercie de nous recevoir.
    Je suis Jean‑Pierre Perreault, président de l'Acfas et vice‑recteur à la recherche et aux études supérieures à l'Université de Sherbrooke.
    Notre association centenaire, l'Acfas, regroupe les chercheuses et les chercheurs d'expression française au Canada. Notre étude intitulée « Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada » dévoile que les chercheurs et chercheuses d'expression française représentent 21 % de la communauté de la recherche au Canada, mais que seule la moitié d'entre eux déposent leurs demandes de subventions en français auprès des conseils subventionnaires fédéraux.
    Dans ma propre discipline, la biochimie de l'ARN, je n'oserais même pas penser connaître le succès si je soumettais une demande en français. Trois raisons principales expliquent cela.
    Premièrement, les conseils subventionnaires ont souvent eu mauvaise réputation sur le plan du traitement des demandes en français. Les évaluateurs évaluent leur propre niveau de bilinguisme, et certains ne comprennent pas complètement la demande francophone qu'ils sont en train de lire. Certains chercheurs francophones ont donc reçu de la part de certains conseils subventionnaires des commentaires expliquant le refus de financement de leur projet qui n'avaient aucun sens.
     Le taux de succès des demandes déposées en français est plus bas que celui de celles déposées en anglais. Toute cette situation a créé une méfiance de la part des chercheurs d'expression française. Il y a donc un travail à poursuivre au sein des conseils subventionnaires fédéraux pour renverser la tendance et regagner la confiance de ces chercheurs.
    Deuxièmement, en contexte minoritaire, beaucoup de chercheurs francophones travaillent au sein d'une université anglophone, où il n'est tout simplement pas possible de déposer de demande en français, parce que l'université ne pourrait pas la comprendre. C'est notamment pour contrer ce blocage que l'Acfas veut mettre en place un nouveau service d'aide à la recherche en français au Canada.
    Finalement, à ces raisons s'ajoute évidemment le contexte international de la recherche, où l'anglais est la langue commune.
    Du côté des publications et des communications savantes de langue française, les données de notre étude démontrent un déclin clair et net. Nos répondants, tous en francophonie minoritaire canadienne, indiquent qu'ils publient en anglais pour rejoindre un auditoire plus vaste, pour être davantage cités, pour avoir de meilleures chances d'obtenir des subventions et pour faire avancer leur carrière. L'anglais est d'ailleurs la langue de la majorité des revues savantes prestigieuses, ce qui pèse lourd dans le curriculum vitæ d'un chercheur.
    Il est essentiel d'avoir une langue commune en recherche. Cela dit, il ne faut pas oublier la réalité locale. Il y a des connaissances à transmettre à notre communauté et un vocabulaire francophone à développer pour diffuser cette recherche. Les revues savantes francophones jouent d'ailleurs un rôle crucial dans le développement de ce vocabulaire.
     On ne peut pas seulement mettre la faute sur l'environnement international de la recherche pour expliquer le déclin que l'on connaît. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a au Canada un manque de confiance envers les conseils subventionnaires. Il y a aussi un manque de financement des revues savantes, des activités scientifiques en français et des groupes qui animent ces communautés. Il y a enfin un manque de reconnaissance.
    Il faut élargir les critères en fonction desquels on valorise un chercheur au Canada. Il faudrait enfin reconnaître qu'il existe plusieurs profils de professeurs‑chercheurs et qu'ils sont tous aussi excellents les uns que les autres. Certains chercheurs utilisent leur expertise, non seulement pour faire avancer les connaissances, mais aussi pour faire avancer leur société, par exemple en conseillant des groupes communautaires ou en ayant des objets d'étude locaux pour répondre à des préoccupations spécifiques à leur communauté, entre autres. Moins les valoriser simplement parce que leur recherche n'a pas d'incidence internationale n'a aucun sens, selon moi.
    Avant de terminer, je tiens à préciser que nos revendications s'inscrivent dans un mouvement international pour le multilinguisme en recherche porté par l'Initiative d'Helsinki.
    Je rappelle que je suis accompagné de Mme Anne‑José Villeneuve, professeure en Alberta, qui dirige deux revues savantes, l'une francophone et l'autre bilingue, ainsi que de Mme Laura Pelletier, chargée de projets à l'Acfas.
    C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions. Je vous remercie de votre attention.

  (1845)  

     Merci beaucoup, monsieur Perreault.

[Traduction]

    J'aimerais remercier tous nos témoins de se joindre à nous, et j'aimerais également souligner que M. Boulerice et Mme Thompson se joignent à nous aujourd'hui.
    Nous leur souhaitons la bienvenue au Comité également.
    Nous remercions nos témoins et collègues. Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Nos députés seront très intéressés d'entendre vos conseils ce soir. Il s'agit d'une série d'interventions de six minutes.
    Nous commencerons avec M. Williams, je vous prie.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être venus au Comité aujourd'hui.
    Je suis désolé: je suis en train d'apprendre le français, mais je vais poser mes questions en anglais aujourd'hui.

[Traduction]

    Monsieur Perreault, dans votre rapport sommaire de 2021, vous mentionnez que cette situation a attiré l'attention de la Commission des langues officielles en 2008 et du CRSH en 2011. Quelles ont été les recommandations des symposiums tenus en 2008 et en 2011, et y a‑t‑on donné suite?

[Français]

    Je vais laisser Mme Pelletier répondre à votre question. Elle est la spécialiste dans ce dossier et elle est responsable des éléments qui touchent la francophonie canadienne au sein de l'Acfas.
    Je vous remercie de votre question, monsieur Williams.
    Dans l'analyse documentaire contenue dans la version longue du rapport, vous trouverez un résumé précis des recommandations ressorties des symposiums qui ont été tenus. Toutefois, les constats sont assez semblables à ceux que nous avons faits dans le cadre de l'étude, soit le besoin de valoriser la vie scientifique en français et les acteurs qui soutiennent cette vie scientifique, et d'encourager l'étude de ces sujets, soit l'étude de la francophonie canadienne en soi.

[Traduction]

    D'accord. Je me demandais si vous pouviez nous donner des chiffres.
    Par exemple, vous avez deux chercheurs égaux dans le même domaine, un anglophone et un francophone. S'ils voulaient publier les résultats de leurs travaux dans une revue scientifique, combien de revues seraient disponibles à chaque chercheur dans leur langue maternelle?

[Français]

    Je n'ai pas le chiffre exact en tête, mais vous trouverez dans le rapport un tableau qui montre le nombre de publications francophones dans chaque province. Il est sûr que, dans les provinces autres que le Québec, il y a beaucoup plus de revues en anglais dans lesquelles un chercheur peut publier. Vous verrez aussi que certaines provinces n'ont qu'une seule revue francophone. Je pense que cela vous donnera une bonne idée de la situation.
    Il faudrait aussi rappeler que les revues savantes en français se retrouvent principalement dans les sciences humaines et sociales. Pour ma part, je suis chercheur en santé et, comme pour mes collègues en sciences naturelles et en génie, il n'existe pratiquement pas de revues en français dans nos disciplines.

[Traduction]

    Est‑ce qu'un manque de possibilités de publications empêche des découvertes novatrices faites par des chercheurs francophones? Le cas échéant, pouvez-vous nous donner quelques exemples?

[Français]

    Je vous remercie de votre question.
    Quand on publie en sciences humaines et en sciences sociales, il est souvent plus facile de diffuser ses travaux dans la langue majoritaire, c'est-à-dire l'anglais, que de le faire en français. Cela dépend évidemment des sujets de recherche. Quand on travaille sur la francophonie, on peut plus facilement publier ses travaux en français. Toutefois, quand on travaille en sciences politiques, en sociologie ou en anthropologie, par exemple, on a un choix beaucoup plus large de revues scientifiques, dont la grande majorité sont en anglais.
     Les revues reconnues comme étant en français portent souvent sur les sciences humaines et sociales en général ou, encore plus souvent, sur la francophonie. Quand on fait de la recherche sur ce dernier sujet ou sur la langue en général, le nombre de revues scientifiques en français ou bilingues est évidemment plus grand que lorsqu'on fait de la recherche sur un autre sujet.

  (1850)  

    J'aimerais ajouter une précision. La question n'est pas seulement celle du nombre de revues publiées en français. Il y a aussi le fait que plusieurs de ces revues manquent de soutien. Le but n'est donc pas de multiplier énormément le nombre de revues, mais plutôt de s'assurer que, dans chaque domaine, un chercheur peut publier dans la langue de son choix. Il faut également s'assurer que les revues existantes ont les ressources nécessaires pour assurer leur pérennité.

[Traduction]

    Ces revues ne sont-elles pas traduites en français? Sont-elles seulement disponibles en anglais?
    Si vous le permettez, je vais vous fournir une réponse bilingue aux fins de la discussion de ce soir.
    Habituellement, un chercheur qui publie dans une langue est dissuadé de publier le même article dans l'autre langue. Ce serait essentiellement considéré comme étant de l'autoplagiat.

[Français]

     Cela veut dire que si l'on publie un article en français sur un sujet donné dans une revue en particulier, cet article risque de ne pas être publié en anglais. Il n'existe aucun mécanisme qui traduit systématiquement un article dans une autre langue.

[Traduction]

    Ma dernière question, madame la présidente, est la suivante. Ces articles devraient-ils être traduits, oui ou non?
    Vous voudriez peut-être, monsieur Williams, demander une réponse écrite, car votre temps est écoulé.
    Mais une réponse par oui ou non serait rapide, cependant.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Williams.

[Français]

    Monsieur Lauzon, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Merci, monsieur Perreault et madame Lamoureux.
    Madame Lamoureux, vous avez piqué ma curiosité quand vous avez parlé des travaux du chercheur Vincent Larivière. À la lecture d'une de ses publications datant de 2018, j'ai appris qu'il y avait de moins en moins de revues scientifiques en français au Canada. On y mentionnait qu'entre les années 1940 et la fin des années 1980, la part de l'anglais était relativement stable et se situait autour de 80 %, alors que celle du français était d'environ 10 %. Toutefois, à partir du tournant des années 2000, il y a eu un déclin du français.
     Comment expliquez-vous ce déclin majeur à partir des années 2000, alors qu'auparavant, il existait un équilibre entre la langue de publication et le nombre de chercheurs?
    Le nombre de chercheurs n'est pas le seul facteur. Dans les années 1940, au doctorat, l'obligation d'apprendre une langue autre que celle dans laquelle on étudiait était normale.
    Vers la fin des années 1990 et au tournant de l'an 2000, les universités ont commencé à éliminer cette obligation d'apprendre soit une langue étrangère, soit l'autre langue officielle canadienne, et ce, même pour des doctorants en histoire du Canada. Il est pourtant difficile d'imaginer étudier l'histoire de notre pays sans pouvoir en lire une certaine partie.
    C'est dans les années 1980 qu'ont été lancées le plus grand nombre de revues, mais, depuis, on constate un déclin. Ce phénomène fait écho à la mondialisation et à l'homogénéisation croissante vers l'anglais.
     Ce n'est pas tout que de lancer une nouvelle revue, par contre. Il faut aussi des gens pour la gérer et la financer. Si le lectorat n'est pas très important, l'entreprise est beaucoup plus difficile. D'ailleurs, il y a quelques années, il y a même eu une chute assez importante du financement de revues québécoises.
    Ce sont donc plusieurs facteurs comme la mondialisation et une perte du multilinguisme de l'intelligentsia universitaire qui contribuent à expliquer la situation actuelle.

  (1855)  

    Est-ce que l'une des solutions pourrait être de travailler avec les universités et de revenir en quelque sorte à l'ancienne façon de faire en imposant l'inclusion des deux langues officielles dans leurs programmes, afin de promouvoir davantage le français?
     J'ai 56 ans, et l'espérance de vie est très élevée dans ma famille. Or, bien que ce soit un beau rêve, je pense qu'il ne se réalisera pas durant ma vie, à cause de la liberté de l'enseignement, des programmes universitaires et de leur internationalisation. Il ne faut pas oublier qu'une telle pratique ne s'appliquerait pas qu'aux universités bilingues et francophones, mais aussi aux universités anglophones.
    À l'heure actuelle, il faut non seulement considérer la question des publications en français, mais aussi celle de la valorisation de la recherche sur la francophonie. Si je veux publier un article en anglais au sujet de mes études en Ontario français, ce n'est pas très sexy. Je reçois de belles lettres de rejet qui mentionnent:

[Traduction]

    « Nos lecteurs ne s'intéressent pas à ce sujet. Veuillez essayer une revue francophone. »

[Français]

     Toutefois, si je veux vraiment communiquer et démontrer les liens entre ce que je fais et ce que fait le pays de Galles, je perds cette possibilité. Ce sont deux sujets.
    Comment alors conscientiser les gens? Nous pourrions toujours demander au commissaire aux langues officielles de travailler de concert avec les universités.
    Pourquoi pas?
    Revenir au multilinguisme à l'échelle nationale et internationale est, à mon avis, un beau rêve qu'on peut tenter d'atteindre.
    Monsieur Perreault ou madame Lamoureux, pourriez-vous nous dire dans quelles disciplines scientifiques la part de publications francophones a le plus décliné?
    Je vais laisser M. Perreault répondre à cette question.
    Le déclin touche les sciences de la santé, les sciences naturelles et le génie. En fait, ce sont surtout les sciences de la santé qui sont touchées, car il n'y a pratiquement plus rien dans ce domaine. En sciences naturelles et en génie, il reste quelques revues bilingues, mais c'est tout. C'est vraiment dans ces secteurs qu'il y a eu une perte majeure.
    Je pense que vous avez soulevé un point intéressant en parlant de la révision de la Loi sur les langues officielles. C'est peut-être une occasion d'insister pour que la recherche soit bien ancrée et qu'elle prenne toute sa place.
    Madame Lamoureux, êtes-vous d'accord sur ce que M. Perreault vient de dire?
    Oui. Il n'y a aucun doute qu'il est plus facile de publier dans les domaines de l'éducation ou des politiques linguistiques. Je pense néanmoins que les discussions entourant la révision de la Loi sur les langues officielles nous donnent l'occasion d'entamer un dialogue. L'Acfas et l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne ont un rôle à jouer.
    Cela dit, comment peut-on présenter cela comme un sujet d'actualité? En effet, on en parle depuis 40 ans. Allons-nous attendre 40 autres années avant de trouver des solutions? À mon avis, il est vraiment urgent de soulever ces questions dans l'arène politique.
    J'ai proposé, comme piste de solution, de revenir un peu à la base.
     Il me reste à peine 20 secondes. Monsieur Perreault, vous dites que, par l'entremise des universités et de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral peut avoir une certaine influence. Concrètement, que peut-il faire pour vous aider dans ce dossier?
    Il faut inscrire cela dans la Loi et donner ensuite les moyens qui sont requis. On a parlé de mieux...

[Traduction]

    Monsieur Perreault, je suis désolée de vous interrompre.
    Monsieur Lauzon, j'ai bien peur que le temps soit écoulé.
    Oui, j'aimerais obtenir une réponse écrite sur cette question car c'est un enjeu important.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Lauzon.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Blanchette‑Joncas pour six minutes.
    Je salue les témoins qui sont parmi nous ce soir et qui participent à cette importante étude.
    Je vais céder de mon temps de parole à M. Perreault pour qu'il puisse terminer son intervention.

  (1900)  

    Merci beaucoup. C'est gentil de votre part.
    On l'a souligné tantôt et je l'ai dit d'emblée dans ma présentation: le financement des revues savantes pour leur permettre d'exister, de s'épanouir et de faire de la promotion, c'est une chose. Cependant, il faut aussi penser à mieux soutenir les activités scientifiques en français et les organisations qui les mettent sur pied. Il y a manifestement eu une rupture au cours des 10 ou 20 dernières années, durant lesquelles on a observé une diminution progressive du financement. En combinant l'augmentation des coûts à cette diminution du financement, on se retrouve dans la situation actuelle.
    Il faut donc se donner des moyens très concrets pour redresser la situation. Comme je l'ai dit, c'est une chose d'inscrire la recherche en tant qu'élément fondamental dans le cadre de la révision de la Loi sur les langues officielles, mais encore faut-il ensuite prendre les mesures nécessaires pour pleinement atteindre les objectifs de la Loi.
    Je vous remercie beaucoup de ces précisions, monsieur Perreault.
    Votre rapport, qui s'intitule « Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada » et qui date de l'été 2021, est assez éloquent. L'une de ses recommandations est la création d'un service d'aide à la recherche en français, visant à diffuser le savoir en français.
    En novembre 2021, le gouvernement du Québec a octroyé du financement à l'Acfas pour créer ce service d'aide à la recherche en français. Pourriez-vous nous en parler?
    Qu'en est-il du côté fédéral?
     Je vais commencer à répondre à la question avant de laisser Mme Pelletier terminer.
    Le service d'aide à la recherche en français, ou SARF, vise à offrir des services à la communauté de la recherche en contexte linguistique minoritaire. À titre d'exemple, un chercheur d'une institution anglophone qui fait une recherche sur la langue française et son utilisation dans sa région est obligé de faire traduire les questionnaires et son projet de recherche pour que son institution puisse les soumettre à l'un des trois conseils subventionnaires. Le SARF va offrir ce genre de service de soutien à la communauté de la recherche.
    Le SARF est tellement important pour nous que l'Acfas l'a lancé avec l'aide du gouvernement du Québec, qui a fourni le début de son financement. Nous sommes actuellement à la recherche d'un appui financier de la part du gouvernement fédéral pour soutenir ce service, qui sera offert d'un océan à l'autre. Nous pensons vraiment que le gouvernement canadien a tout à gagner à nous soutenir financièrement pour offrir ce service à l'ensemble de la communauté universitaire.
    J'ajouterais que nous avons le soutien de l'Agence universitaire de la Francophonie, ainsi que des partenaires du secteur privé.
    Nous souhaitons vraiment obtenir du financement du gouvernement fédéral, mais nos approches n'ont pas fonctionné jusqu'à maintenant. Nous pensons notamment que les conseils subventionnaires ont un rôle à jouer, étant donné que nous les aiderons à respecter leurs obligations en matière de langues officielles. Actuellement, ils ne reçoivent pas autant de demandes en français qu'ils l'aimeraient, parce que plusieurs chercheurs voudraient déposer des demandes en français, mais ne peuvent pas le faire parce qu'ils sont dans une université anglophone. Nous aurons donc certainement besoin de financement de la part du fédéral pour que ce service puisse soutenir tous les chercheurs francophones en contexte linguistique minoritaire.
    Je tiens à préciser que nous ne parlons pas juste de petites institutions, puisque ce que nous décrivons s'applique aussi pour un chercheur de l'Université de Toronto qui enseigne au Département d'études françaises.
    Je vous remercie.
    Pour mettre les choses en perspective, si j'ai bien compris, c'est présentement le gouvernement du Québec qui fait la promotion du développement de la recherche scientifique en contexte linguistique minoritaire dans le reste du Canada. Est-ce exact?
    C'est exact.
    C'est parfait.
    Professeure Villeneuve, ma prochaine question s'adresse à vous. Je sais que vous dirigez des recherches scientifiques, notamment dans l'ouest du pays. Vous êtes également responsable de deux revues scientifiques, l'une francophone et l'autre bilingue.
    Pouvez-vous nous parler plus en détail de votre expérience?
    Je vous remercie de la question.
    La première des deux revues que je dirige s'appelle Arborescences. Son port d'attache est le Département d'études françaises de l'Université de Toronto. En fait, je la codirige avec un professeur de cette université. Il s'agit d'une revue d'études littéraires, linguistiques et pédagogiques de langue française qui s'intéresse spécifiquement aux études françaises et francophones. La plupart des articles dans cette revue sont en français et chaque numéro est thématique.
     En ce moment, nous n'avons la capacité de publier qu'un seul numéro par année. La direction, la gestion et le roulement d'une revue scientifique exigent du travail bénévole de la part de chercheurs et de chercheuses. Ce sont eux qui reçoivent les textes, évaluent les soumissions, font des recommandations et vont assurer tout le processus de publication. C'est extrêmement lourd. Tant et aussi longtemps que cette recherche ne sera pas valorisée, moins de personnes vont se porter volontaires pour effectuer ce travail.
    La deuxième revue que je codirige est La revue canadienne de linguistique, publication bilingue de l'Association canadienne de linguistique. Cette revue porte sur l'étude scientifique des langues. Nous en publions quatre numéros par année. Il y a deux codirectrices, deux codirecteurs et une assistante...

  (1905)  

    Je suis désolée de vous interrompre, professeure Villeneuve.

[Traduction]

    Je tiens seulement à dire à nos témoins que nous sommes très reconnaissants de leur présence ici. Nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages. Je constate qu'on lève sans cesse la main, mais nos membres diront avec qui ils veulent s'entretenir, alors je vous prie de ne pas penser que les gens sont impolis. Nous sommes très accueillants et nous sommes très reconnaissants de vous avoir parmi nous.

[Français]

     Madame la présidente, j'aimerais demander à Mme Villeneuve de bien vouloir nous transmettre une réponse par écrit, notamment sur les défis qu'elle a mentionnés au sujet des revues scientifiques francophones et bilingues.
    Merci.
     Très bien.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre M. Boulerice — nous sommes ravis que vous vous joigniez à nous — pour six minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie également les témoins et les experts qui se joignent à nous aujourd'hui pour discuter de ce dossier très important.
    Il y a plusieurs années, j'étais étudiant en sciences sociales à l'université. Déjà à l'époque, il était pratiquement impossible pour un étudiant ou une étudiante qui n'avait pas la capacité de lire en anglais de faire un baccalauréat. On parle ici de sciences sociales, et non de biochimie ou de sciences de la santé, un domaine que M. Perreault a évoqué. Les chiffres que les témoins nous présentent ne donnent pas l'impression que la situation s'est améliorée.
    Madame Lamoureux, vous avez utilisé tantôt un mot que je n'ai pas beaucoup aimé. Vous avez en effet parlé de la « crainte » des chercheurs de publier en français, ces derniers ayant le sentiment, voire la certitude, que leurs publications dans cette langue seront moins diffusées, moins citées, et qu'elles auront moins d'importance. Pour ces raisons, ils seront portés à publier en anglais.
     Comment peut-on inverser cette tendance et remonter cette pente glissante?
    On ne peut pas inventer de nouvelles revues. En fait, les universités et les centres de recherche peuvent le faire, mais pas le gouvernement fédéral, que ce soit ici ou à l'étranger. Comment peut-on soutenir ces chercheurs pour qu'ils publient en français alors que leur carrière, d'après ce que j'ai compris, risque d'en souffrir?
    Il y a 10 ans, les possibilités étaient plus grandes qu'aujourd'hui dans certains établissements francophones et bilingues hors Québec. Les gens sont conscients des défis puisque l'étude de l'Acfas a vraiment créé des espaces de discussion au sein des comités responsables des promotions et des permanences.
    Les chercheurs qui étudient la francophonie et qui veulent publier en français, mais qui n'ont pas le privilège d'être dans un établissement francophone ou bilingue, doivent faire valoir auprès des scientifiques, de façon globale, l'importance de cette recherche et de sa publication en français, ce qui représente tout un travail de conscientisation. Le fait qu'une publication n'a pas le même indice de citations que la revue Nature ne signifie pas que la recherche qui y est publiée manque de crédibilité ou de pertinence.
    J'ai moi-même vécu les expériences avec les organismes subventionnaires dont parlait M. Perreault. J'ai soumis une demande en français et, dans les commentaires que j'ai reçus en réponse, on allait jusqu'à remettre en question l'obtention de mon doctorat! L'année suivante, j'ai traduit ma demande avant de la soumettre, et elle s'est classée parmi les meilleures demandes de mon comité. En tant que Franco‑Ontarienne, j'ai eu beaucoup de difficulté à accepter cette situation. L'important, par contre, c'est que j'ai obtenu ma subvention.
    Pour ce qui est de mon choix de publications, comme je suis professeure titulaire, je ne vis pas le même stress, mais je peux être un modèle. Si on ne fait pas valoir l'importance de la recherche et de la publication en français auprès des non-francophones, il sera pratiquement impossible de faire disparaître ces craintes et de créer un sentiment de sécurité permettant à un chercheur d'assumer son identité en tant que chercheur francophone ou chercheur en matière de francophonie.

  (1910)  

    Merci, madame Lamoureux. Je vais maintenant aborder un autre sujet avec vous et avec M. Perreault.
    Il a été question des universités francophones et anglophones, des centres de recherche et des demandes de subvention. Ce que je vais dire est peut-être complètement loufoque.
     Les francophones représentent 2 % de la population de l'Amérique du Nord, mais il y a des centaines de millions de francophones dans le monde. Or, personne n'a encore parlé de la francophonie internationale. Est-ce qu'un travail de collaboration ou de soutien pourrait être fait, de façon plus large, avec nos amis français, suisses, belges et africains? Dans beaucoup de pays africains, le français est la langue d'usage ou la langue utilisée pour la recherche.
    Des gens de la francophonie internationale font aussi partie des réseaux internationaux. Nous notons la participation de chercheurs étrangers à l'Acfas et je vais aussi régulièrement en Belgique, notamment.
    La contribution des Fonds de recherche du Québec et celle d'une autre association vont permettre la tenue d'un événement sur la francophonie et sur la valorisation de la recherche. Je ne me souviens plus si ce sera en novembre ou en mars prochain. M. Perreault en sait probablement beaucoup plus que moi à ce sujet. Je vais donc lui céder la parole.
    La mobilisation de la francophonie internationale doit absolument faire partie de la stratégie, effectivement. C'est une manière de créer une communauté beaucoup plus grande qui a le français en partage. D'ailleurs, on est très habile lorsque vient le temps de collaborer.
    Comme le disait Mme Lamoureux, un événement aura lieu fort probablement lieu au Québec en avril prochain, qui portera sur la réalisation et la promotion de la recherche en français. Il sera organisé par le scientifique en chef et les Fonds de recherche du Québec.
    Madame Pelletier et professeure Villeneuve, avez-vous des commentaires à ajouter à ce sujet?
    J'aimerais simplement ajouter que le fait d'avoir la langue en partage ne signifie pas nécessairement qu'on a une culture et des préoccupations communes. Il est vraiment important d'avoir de collaborer au sein de la francophonie internationale.
     Cependant, il ne faut pas oublier que les défis sociaux, identitaires et culturels sont importants également, et qu'on ne peut pas simplement en faire reposer tout le poids sur la francophonie internationale. Il ne faut pas non plus oublier le devoir du gouvernement fédéral en matière de bilinguisme, non seulement sur le plan de la langue, mais également...
     Je suis désolée de vous interrompre, madame Villeneuve, mais le temps est écoulé. Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    Maintenant, chers collègues, nous allons passer à la série de questions de cinq minutes.
    Nous allons commencer avec Mme Gladu.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'être ici ce soir.
    Je veux parler de la situation ailleurs dans le monde. Je comprends qu'en Allemagne, le travail de recherche se fait en allemand. C'est la même chose pour la France.
    Combien de travaux de recherche sont produits en français dans le monde? Y a-t-il une possibilité de mieux communiquer cette information?
    Je vais commencer par Mme Lamoureux.
    Je n'ai malheureusement pas de chiffres à vous fournir.
     J'ai été professeure invitée en Allemagne pendant six mois dans le cadre d'un programme d'études canadiennes, pour faire valoir la francophonie canadienne en contexte linguistique minoritaire. Au départ, ce programme a été créé grâce à l'appui financier du gouvernement du Québec.
    En Inde, plus de 300 universités offrent des programmes d'études canadiennes, surtout en anglais. En revanche, elles s'intéressent aussi à la francophonie canadienne. Cela encourage le multilinguisme chez les étudiants lorsqu'ils savent que les études sont souvent publiées en français.
    En ce qui concerne la question de l'incidence de l'anglais sur les publications dans d'autres langues nationales, des études très importantes menées depuis une quinzaine d'années démontrent qu'il y a de fortes pressions sur les universités étatiques de pays qui ont une langue majoritaire autre pour augmenter l'offre de programmes en anglais et les publications en anglais.
    Le Canada a la chance de faire partie de la francophonie internationale. Le français est une langue qui dépasse les frontières de notre pays, mais le très grand problème de voir comment diffuser les publications en français demeure.

  (1915)  

    Monsieur Perreault, avez-vous des chiffres à nous fournir ou des expériences à partager?
    Nous n'avons pas de chiffres à vous fournir sur cet élément, malheureusement.
    Toutefois, j'insiste vraiment sur le fait que la convergence vers l'anglais se fait dans beaucoup de pays et que les difficultés de publier dans une langue autre que l'anglais n'existent pas qu'au Canada. Il n'y a pratiquement plus de revues publiées en italien, en espagnol, en allemand ou en japonais. L'exception est la Chine, parce qu'on y fait beaucoup plus de recherches scientifiques qu'il y a 25 ans. Sinon, un déclin se constate dans toutes les langues.
    Comme je l'ai mentionné dans mon mot d'ouverture, nos revendications sont vraiment axées sur l'Initiative d'Helsinki, qui veut favoriser le multilinguisme dans le milieu de la recherche.
    Monsieur Perreault, est-ce que je peux me permettre d'ajouter un commentaire?
    Je vais prendre l'exemple des Pays‑Bas, où la représentation est importante. Si on enseigne majoritairement en anglais, on envoie le message aux étudiants et aux étudiantes que la recherche et la vie scientifique se passent en anglais. Ce n'est pas le bon message à envoyer aux néerlandophones qui étudient en anglais.
     À mon avis, cela devrait commencer par la base. Il devrait y avoir des cours en français et en anglais, des professeurs qui sont capables d'enseigner dans les deux langues, et il faudrait valoriser l'apprentissage d'une langue autre que l'anglais dans le cursus universitaire. C'est par là que tout commence. Ensuite, à la maîtrise, au doctorat, puis dans la vie universitaire, on pourra avoir cette valeur ajoutée.
     Sinon, le message qu'on envoie dès le baccalauréat, c'est que le français ou les langues autres que l'anglais ne sont pas importants dans la vie universitaire.
     D'accord. Cependant, est-ce que le gouvernement du Canada a la possibilité de mettre en place des règles pour que les publications se fassent dans les deux langues officielles du pays? Le gouvernement a-t-il ce pouvoir? Serait-ce une bonne idée?
    Le gouvernement pourrait certainement mieux soutenir financièrement les revues, faire qu'elles publient plusieurs numéros, faire leur promotion, et ainsi créer une communauté dynamique en français. Je pense que cela fait partie du devoir du gouvernement du Canada.
    Je vous remercie.
    Je me permettrais d'ajouter que le gouvernement pourrait également offrir des incitatifs pour que les cours soient donnés dans les deux langues officielles et pour que les professeurs pouvant enseigner et superviser les travaux des étudiants dans les deux langues officielles le fassent. En ce moment, le fardeau, quand on est un étudiant francophone ou bilingue...

[Traduction]

    Madame Villeneuve, je suis désolée.

[Français]

    Le temps est écoulé.
    Je vous remercie, madame Gladu.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre Chad Collins pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins de comparaître ce soir.
    Je veux tout d'abord parler de toute la question des établissements postsecondaires et de ce qu'elles font. Je pense que nous avons entendu ce soir des témoignages sur ce que font les provinces. Dans certains cas, des exemples ont été donnés à l'extérieur de la province de Québec. Les universités — et probablement les collèges aussi — nous ont fait part de certains défis à relever en ce qui concerne les organismes subventionnaires.
    J'espère obtenir des recommandations qui mettent l'accent sur une stratégie dans le cadre de laquelle tous ces intervenants règlent le même problème et les enjeux qui ont été relevés par tous les témoins.
    Madame Lamoureux, puis‑je commencer avec vous? Que doit‑il se passer dans le secteur des établissements postsecondaires? Bien sûr, cela implique les provinces et ensuite, avec le gouvernement fédéral, comment pouvons-nous regrouper tous ces éléments dans une stratégie qui commence à régler certains des problèmes de confiance qui ont été relevés par M. Perreault et certains des autres problèmes que les témoins ont soulevés ici ce soir?

  (1920)  

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Mon cerveau passe à l'anglais pour cette réponse. Ce n'est pas parce que vous l'avez posée en anglais; c'est juste ainsi.
    Bien que les universités relèvent des provinces, le financement important pour la recherche — à tout le moins à l'extérieur du Québec, car le Québec a le Fonds de recherche du Québec que j'envie tant — passe par les organismes de financement, qui relèvent du gouvernement fédéral. S'il y a moyen de combiner cela avec une mesure prévue dans la Loi sur les langues officielles et peut-être dans le financement des langues et de l'éducation qui est partagé entre les provinces et le gouvernement fédéral — qui pendant longtemps ne concernait que l'enseignement primaire et secondaire, mais qui a de plus en plus ajouté le secteur postsecondaire —, alors je pense que nous pourrions avoir une stratégie. Tant qu'il n'y aura pas une proposition de valeur réelle entourant la recherche en français et de la recherche sur la francophonie pour guider cela, je pense que ce sera difficile.
    Ce que vous n'avez pas entendu dans mes 30 dernières secondes et que je ne pouvais pas dire, c'est qu'il y a une mise en garde. Si nous ne l'avons pas au niveau postsecondaire, pourquoi alors les enfants devraient-ils s'inscrire en français dans les écoles primaires et secondaires? À mon sens, ce n'est pas seulement une question de science. C'est une question de vitalité des communautés de langue française, surtout dans un contexte minoritaire. L'effet d'entraînement est beaucoup plus important que les simples publications, car les gens le voient.
    Pourquoi est‑ce que je choisis d'étudier en français pour mes études postsecondaires? C'est parce que j'espère être capable d'appliquer la langue. Si nous ne réglons pas ce problème, alors pourquoi est‑ce que je fais mes études de premier cycle en français ou mes études secondaires en français? On entend des jeunes dire, « J'ai assez de français en huitième année parce que je sais que je dois étudier en anglais pour réussir en neuroscience ».

[Français]

    C'est ma réponse à votre question.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Perreault, puis‑je vous poser la même question concernant une stratégie? Au lieu d'avoir les cloisonnements qui ont été relevés ce soir dans certains des témoignages, comment pouvons-nous obtenir une stratégie où tous ceux qui sont touchés par les enjeux dont nous débattons présentent une solution qui fonctionne?

[Français]

    Je dirais que la réponse de ma collègue soulève vraiment un élément important de la solution. Il faut qu'il y ait un véritable engagement tout au long du parcours de formation. On l'évoquait plus tôt: le français se pense différemment et a son propre vocabulaire. Il faut donc que les gens puissent avoir accès à la connaissance en français, et ce, peu importe les domaines. C'est un point de départ important.
    Ensuite, il faut assoir tous les acteurs autour de la table et créer l'environnement qu'il faut. Par exemple, les trois conseils subventionnaires de la recherche doivent s'engager à mieux soutenir la recherche qui se fait en français à tous les niveaux. Il faut donc là aussi un engagement important, qui appuierait la communauté universitaire d'un bout à l'autre du pays et permettrait de créer ce grand environnement francophone où la recherche pourrait être faite dans notre langue, en fonction du choix des auteurs.
     Le continuum en éducation va de la petite enfance au postsecondaire, et la recherche se fait principalement dans les universités. Le fait de soutenir ce continuum et de sensibiliser les différents acteurs pour qu'ils financent les projets qui vont contribuer à la vitalité de la langue constitue donc une stratégie intégrée.
    Je vais renchérir sur les interventions de mes collègues et je vais me permettre d'être audacieuse: pourquoi ne pas élargir la portée de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés au postsecondaire? Ce serait déjà un début.

[Traduction]

    Monsieur Collins, je suis désolée de vous dire que votre temps est écoulé. Vous voudriez peut-être poser une question à Mme Villeneuve si elle veut vous faire parvenir une réponse.
    C'est ce que je ferai. Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Blanchette‑Joncas, la parole est à vous pour deux minutes et demie, je vous prie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais me tourner de nouveau vers M. Perreault et Mme Pelletier, de l'Acfas. Je veux revenir sur le financement octroyé par le gouvernement du Québec pour aider à la recherche en français.
    Monsieur Perreault, cela fait toujours partie des recommandations contenues dans le rapport publié par l'Acfas en 2021, qui est assez éloquent. Pourriez-vous nous parler davantage de l'importance de mettre en place un service national d'aide à la recherche en français? Qu'attendez-vous de la part du fédéral, concrètement, en lien avec cette structure?

  (1925)  

    Plus tôt, j'ai donné un exemple du genre de soutien qu'offrira le service d'aide à la recherche francophone. Ce service est un genre de guichet unique dont pourront profiter l'ensemble de la communauté et les chercheurs qui veulent faire de la recherche en français.
    Pour l'Acfas, ce service est une priorité absolue, si bien que nous avons décidé de le lancer avant que le gouvernement du Québec ne nous offre une première subvention. Une seule personne ne va pas suffire. Il faudra une équipe de travail pour traiter les demandes de fonds qui vont venir des quatre coins du pays et de tous les domaines. Ce groupe ne devra pas nécessairement être physiquement installé au Québec. En effet, ses membres pourraient, tout en étant en lien les uns avec les autres, être répartis dans tout le pays pour tenir compte de l'aspect régional.
    Il faut que le gouvernement fédéral soutienne pleinement le projet, car cela permettra de pérenniser le français comme langue de recherche au pays.
    Merci beaucoup.
    Professeure Villeneuve, vous avez parlé de la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de bilinguisme et, notamment, de la promotion du français comme langue de communication et de publication scientifique. Depuis 2012, le gouvernement fédéral a notamment délaissé des symposiums qui faisaient de la recherche sur les langues officielles. Avant cela, il avait créé l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
    Pouvez-vous me donner votre avis concernant les responsabilités du gouvernement à cet égard, et avez-vous d'autres recommandations à nous faire?
    À mon avis, il y a deux éléments importants. Le premier est la recherche sur les minorités linguistiques. Le second est la tenue d'événements en personne ou en ligne, ainsi que la promotion et le soutien aux publications, deux aspects qui contribuent à la vitalité de la recherche en français.
    On se concentre sur la recherche. Or, il est évident que, pour avoir une relève en recherche, il faut avoir des étudiants. Je reviens donc encore une fois à l'intervention de Mme Lamoureux. Le message qu'on envoie, si on se fie...

[Traduction]

    Madame Villeneuve, je suis désolée.
    C'est très peu de temps. C'est le pire aspect de ce travail. J'espère que vous m'excusez.
    Nous allons maintenant entendre M. Boulerice pour deux minutes et demie.
    Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Professeure Villeneuve, c'est la deuxième fois que vous ne pouvez pas finir d'exprimer votre idée sur les incitatifs pour les étudiants et les étudiantes. S'il vous plaît, je veux savoir la fin de l'histoire.
    La fin de l'histoire, c'est que cela prend des professeurs-chercheurs qui peuvent valoriser la recherche universitaire en français auprès de leurs étudiants. Si aucun professeur ne peut enseigner ou superviser des travaux d'étudiants en français, le message qu'on envoie n'est pas dit, il est vécu.
    Pourquoi ne pas inclure un incitatif linguistique en remplissant une demande de subvention qui veut savoir ce qu'on va faire avec l'argent, ce qu'on va publier et quel étudiant ou chercheur postdoctoral on va superviser? Ainsi, une personne pourrait dire qu'elle va se servir de la subvention pour superviser 20 étudiants, mais qu'elle va encourager 10 étudiants capables de faire de la recherche en français à le faire. Le nombre est important, oui, mais la qualité l'est aussi.
     C'est parfait, je vous remercie.
    Professeur Perreault, vous avez parlé du déclin des publications en italien, en espagnol et en différentes langues nationales. Est-ce qu'il y a une réaction de la part du monde scientifique ou du monde de la recherche, notamment en Europe, face à ce déclin, ou est-ce que tout le monde se rallie à l'anglais?
    La réponse à cette question est simple, c'est oui, absolument.
    Toutes les sociétés sont en train de se poser la même question. Je pense que la transformation des moyens de diffusion qui va se produire au cours des prochaines années va peut-être créer de nouvelles possibilités de relance des activités dans différentes langues, comme le français.
    Si je fais un peu de futurologie, je dois dire que je ne suis pas sûr que les moyens de publication actuels sont ceux qui seront préconisés dans le futur. Il y a peut-être là une occasion d'être plus dynamique, et ce sont peut-être les francophones qui devraient dicter la future marche à suivre en matière de diffusion de la connaissance.

  (1930)  

    J'aimerais ajouter que les recherches démontrent que le fait de publier seulement dans de grandes revues, pour étoffer son dossier, entraîne un abandon des sujets de recherche plus locaux. Cela a des répercussions directes sur la façon dont vous, les députés, façonnez les politiques. Si vous voulez avoir des données sur lesquelles vous baser pour élaborer ces politiques et offrir des services...

[Traduction]

    Madame Pelletier, je suis désolée. La partie la plus difficile, c'est de surveiller le temps. Je regrette de tous vous interrompre.
    Nous avons commencé quelques minutes en retard, donc je vais poser à M. Blanchette‑Joncas une question, puis j'adresserai une question à Mme Diab également.
    Nous aurons des questions et des réponses courtes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse aux gens de l'Acfas.
    Dans votre rapport intitulé « Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada », vous relevez que le taux de succès des demandes en anglais était supérieur dans le cas de certains organismes subventionnaires, dont les Instituts de recherche en santé du Canada. On parle d'un taux de succès de 38,5 % en anglais, contre 29,2 % en français.
    Comment expliquez-vous cet écart? Les chercheurs francophones sont-ils moins intelligents que les chercheurs anglophones?
    Comme je l'ai dit un peu plus tôt, le fait de présenter une demande de subvention en français constitue un désavantage dès le départ, puisque la demande est moins bien considérée.
    De plus, puisque l'évaluateur du conseil subventionnaire surestime parfois son propre niveau de bilinguisme, il peut avoir des difficultés à saisir les subtilités de la langue française et à bien comprendre la description du projet de recherche.
    Le problème n'est donc pas lintelligence des chercheurs francophones, mais plutôt l'évaluateur de la demande, malheureusement.

[Traduction]

    Merci à vous deux.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Diab pour une question courte et une réponse courte, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie sincèrement tous les témoins.
    Le Canada s'est fixé une cible d'immigration francophone, un but que j'appuie de tout cœur et vers lequel nous travaillons très fort. Nous voulons tous attirer de brillants chercheurs ou étudiants étrangers dans nos établissements.
    Comment pouvons-nous faire du Canada une destination de choix pour les chercheurs et les étudiants postsecondaires francophones?
    Je vais commencer à répondre, puis laisser Mme Villeneuve finir.
    Selon moi, il faut commencer par revoir nos services d'immigration pour assurer une certaine rapidité du traitement des demandes. Présentement, dans le monde universitaire, les délais sont infiniment longs pour ce qui est de la paperasse administrative en lien avec les étudiantes et les étudiants étrangers, ce qui pousse très régulièrement les gens à aler étudier ailleurs.
    Pourtant, le Canada est un pays de choix et je crois en sa valeur. Nous avons des environnements de recherche dynamiques et de première qualité. Il n’y a donc aucune raison pour que les gens n'aient pas le goût de venir chez nous.
    J'ajoute que le Canada est déjà une destination de choix pour les étudiants étrangers. L'idée, c'est de les retenir dans la francophonie. Lorsqu'un étudiant du Campus Saint‑Jean de l'Université de l'Alberta commence ses études en français, il se rend rapidement compte que l'anglais a une très grande force d'attraction. L'idée n'est donc pas d'attirer ces étudiants, mais bien de les garder dans la francophonie.

[Traduction]

    Au nom du Comité, permettez-moi de vous remercier du temps que vous nous consacrez, de votre expertise, de votre expérience et de vos idées. Nous vous en sommes tous très reconnaissants.
    Sur ce, nous allons souhaiter une bonne soirée à nos excellents témoins.
    À nos collègues, voilà qui conclut la portion publique de notre réunion. Nous suspendrons la séance brièvement pour passer à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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