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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Comme vous pouvez le constater, notre président habituel est absent, mais on m'assure qu'il sera de retour pour la deuxième heure de la réunion. Je vais essayer de ne pas trop faire de gaffes en son absence.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 32e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 22 septembre, le Comité se réunit pour entreprendre son étude sur l'objet du projet de loi C‑28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême).
    La réunion d'aujourd'hui se tient selon le format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres du Comité y participent en personne, dans la salle, ou à distance, à l'aide de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des témoins et des députés. Veuillez s'il vous plaît attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du micro pour l'activer, et le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
    Des services d'interprétation sont offerts. Les participants à la réunion par Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le son du parquet, l'anglais et le français. Ceux qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal souhaité.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Les personnes qui se trouvent dans la salle doivent lever la main si elles souhaitent intervenir. Celles qui utilisent Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi allons gérer l'ordre des interventions du mieux que nous le pouvons. Nous vous remercions pour votre patience et votre compréhension à cet égard.

[Français]

     Monsieur le président, j'aimerais m'assurer qu'on a fait les tests de son appropriés pour les gens qui participent à la réunion par l'intermédiaire de l'application Zoom.
    Oui, on a fait les tests requis.
    D'accord. Je crois qu'il faut le mentionner au début de chaque rencontre. Il faut s'assurer que la qualité du son est acceptable pour les interprètes, afin qu'ils puissent bien faire leur travail.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    C'est un excellent point.
    Mesdames et messieurs les témoins, n'hésitez pas à nous faire part de toutes vos questions.
    Nous allons maintenant commencer. Je souhaite la bienvenue à nos premiers témoins, de l'Association des femmes autochtones du Canada: la présidente, Carol McBride, et le gestionnaire des services juridiques, Adam Bond.
    Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je tiens tout d'abord à souligner que nous nous réunissons sur le territoire non cédé de la nation algonquine Anishinabe, ma patrie.
    L'Association des femmes autochtones du Canada adopte deux positions clés au sujet du projet de loi C‑28.
    Premièrement, le Parlement doit s'attaquer aux facteurs systémiques qui contribuent à l'abus de substance des femmes autochtones et à leur surincarcération.
    Deuxièmement, les victimes autochtones de la violence doivent avoir accès facilement à des services de réadaptation sexospécifiques qui s'harmonisent aux approches de guérison autochtones.
    Honorables membres du Comité, comme vous le savez, le 13 mai 2022, la Cour suprême du Canada a invalidé les restrictions du Code criminel relatives à la défense d'intoxication volontaire.
    En tant qu'organisation autochtone représentant toutes les personnes autochtones — les femmes, les filles, les personnes bispirituelles, les personnes transgenres et les personnes de diverses identités de genre —, l'Association des femmes autochtones du Canada souhaite que la réforme du droit pénal permette de mettre fin à la surincarcération des Autochtones et d'éliminer les facteurs systémiques qui contribuent à la violence.
    Comme le projet de loi C‑28 aborde ce sujet, l'Association établit sa position par l'entremise de cette courte déclaration.
    Selon le dernier rapport présenté au Parlement par l'enquêteur correctionnel du Canada, M. Zinger, les femmes autochtones représentent environ 50 % des femmes détenues dans les établissements fédéraux, alors qu'elles ne représentent que 4,9 % de la population adulte. Cette crise démontre les liens qui existent entre la colonisation, la discrimination systémique et les traumatismes intergénérationnels. Les conclusions de génocide émanant du rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées expliquent ces facteurs systémiques.
    L'Association des femmes autochtones du Canada s'engage à veiller à ce que les victimes aient accès à la justice autochtone, de même qu'au soutien et aux services permettant la guérison. Ce soutien doit s'harmoniser avec l'ordre juridique autochtone de la communauté. Il est important de veiller à ce que les services de guérison et de soutien adaptés au sexe et gérés par la communauté soient financés de façon durable et soient offerts aux victimes de violence.
    En plus de se centrer sur la guérison des victimes, l'Association des femmes autochtones du Canada met l'accent sur un cadre de prévention et de réduction des méfaits. Le système de justice pénale du Canada ne tient pas compte du rôle de l'abus de substance dans le contact entre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre autochtones et le système de droit pénal à titre de contrevenantes ou de victimes, ou les deux. Cette lacune favorise les cycles d'abus de substance et la surincarcération.
    Honorables membres du Comité, je vous demande aussi de reconnaître que, selon le projet de loi C‑28, lorsque la défense d'intoxication volontaire est appliquée avec succès, personne n'est tenu responsable des préjudices, mais la victime continue de souffrir. Les femmes, les filles, les personnes bispirituelles, les personnes transgenres et les personnes de diverses identités de genre autochtones sont beaucoup plus susceptibles que les autres membres de la communauté d'être victimes de violence. Dans certains cas, cette violence est perpétrée par une personne en situation d'intoxication extrême.
    Pour éliminer les préjudices systémiques ancrés dans le système de justice pénale, il faut comprendre les différences entre la justice ou la guérison autochtones et le cadre législatif pénal du Canada. Les cadres juridiques autochtones favorisent les principes de la guérison, de la réhabilitation, de la médiation pour les aînés et de la justice réparatrice. Les modèles de justice et de guérison autochtones offrent aux femmes, aux filles, aux personnes bispirituelles, aux personnes transgenres et aux personnes de diverses identités autochtones qui sont victimes de violence des services de guérison et de soutien fondés sur une vision autochtone de ces concepts.

  (1535)  

    En vertu des principes de la réconciliation, il faut créer un espace juridique permettant la guérison et la justice aux personnes autochtones.
    Merci. Meegwetch. Thank you.
    Pour votre information, lorsqu'il restera 30 secondes à votre intervention, je vais montrer ce carton; je lèverai cet autre carton lorsqu'il ne vous restera plus de temps, mais notre première témoin a tout à fait respecté son temps de parole. Je l'en remercie.
    Nous allons maintenant entendre le directeur juridique de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, ou MADD Canada. Il témoigne par vidéoconférence.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de vous parler du projet de loi C‑28.
    Je m'appelle Eric Dumschat et je suis le directeur juridique de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, communément appelé MADD Canada. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'aborder ce sujet avec vous aujourd'hui, puisqu'il a été la source de confusion chez bon nombre de nos membres.
    En termes simples, MADD Canada ne peut émettre d'opinion sur le projet de loi, puisqu'il n'a aucune incidence sur la conduite avec les facultés affaiblies.
    Lorsque la Cour suprême du Canada a rendu sa décision en mai dernier afin de permettre le recours à la défense de l'intoxication extrême pour certains crimes violents, de nombreux membres de la population ont fait valoir leur opinion à MADD Canada. Bien que la défense ne puisse être utilisée que dans certaines circonstances restreintes, la décision a donné lieu à d'importantes discussions et à la crainte que les personnes accusées de conduite avec les facultés affaiblies ou d'autres infractions en vertu du Code criminel puissent maintenant utiliser l'intoxication volontaire extrême à titre de défense pour se dégager de leurs responsabilités.
    Nous avons rassuré les citoyens préoccupés et leur avons fait comprendre que la décision n'aurait aucune incidence sur les cas de conduite avec les facultés affaiblies, puisqu'il s'agit du fondement d'une telle infraction, contrairement à d'autres crimes comme l'agression. En résumé, l'intoxication volontaire extrême ne peut être utilisée à titre de défense dans les cas de conduite avec les facultés affaiblies.
    Dans l'arrêt R. c. Brown, aux paragraphes 66 et 78, la Cour suprême fait valoir ceci:
[...] le Parlement peut constitutionnellement empêcher l'accusé d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense si l'intoxication constitue l'essence de l'infraction.
    De plus, elle énonce que:
La Couronne se trompe lorsqu'elle établit une analogie entre les infractions de conduite avec facultés affaiblies et l'art. 33.1. L'intoxication ne fait pas partie de l'essence de l'infraction reprochée à M. Brown, contrairement aux infractions criminelles de conduite avec facultés affaiblies.
Les avocates de M. Sullivan l'expliquent clairement ainsi : « L'essence des voies de fait n'est pas l'intoxication. Sans intoxication, tous les éléments constitutifs des voies de fait [doivent] être prouvés; sans intoxication, la conduite automobile est un fait banal. »
    Ce cas n'a en rien changé le caractère inapplicable de cette défense dans le contexte de la conduite avec les facultés affaiblies. À ce titre, MADD Canada était d'avis que la décision de la Cour suprême du mois de mai sur la défense de l'intoxication extrême n'aurait aucune incidence sur les cas de conduite avec les facultés affaiblies.
    Je remercie le Comité de nous avoir accordé du temps et je serai heureux de répondre aux questions.

  (1540)  

    Je remercie le témoin pour sa déclaration.
    Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, Jennifer Dunn, directrice exécutive du London Abused Women's Centre, qui témoigne par vidéoconférence. Vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
    Je remercie le Comité de m'avoir invitée. Je suis très heureuse de vous revoir.
    Je m'appelle Jennifer Dunn et je suis la directrice exécutive du London Abused Women's Centre, ou LAWC, situé à London, en Ontario.
    Le LAWC est une organisation féministe qui milite pour des changements personnels, sociaux et systémiques en vue de mettre fin à la violence des hommes contre les femmes et les filles.
    Le LAWC est un organisme sans hébergement qui offre aux femmes et aux filles de plus de 12 ans qui ont été violentées, agressées, exploitées ou victimes de la traite de personnes ou de torture non étatique un accès immédiat à des services de conseils, de défense des droits et de soutien à long terme qui sont adaptés aux femmes et qui tiennent compte des traumatismes.
    En juin, le ministre de la Justice, David Lametti, a déposé le projet de loi C‑28 en réaction à la décision de la Cour suprême du Canada d'invalider une disposition du Code criminel du Canada, ouvrant ainsi une brèche immense sur le plan de l'intoxication extrême quand elle joue un rôle dans une infraction violente commise contre autrui. Les données montrent que ce genre d'infraction est plus fréquemment commise par des hommes à l'encontre des femmes.
    Le London Abused Women's Centre juge que la Cour suprême a commis une erreur. Nous convenons que le Parlement devait réagir à la décision de la Cour suprême, mais nous pensons qu'il a agi précipitamment. Il y a eu un manque de consultation avant le dépôt du projet de loi.
    En août, la députée Karen Vecchio a tenu une table ronde virtuelle sur le projet de loi C‑28 au London Abused Women's Centre, à laquelle le député Larry Brock a également assisté. L'événement a rassemblé une pleine tablée de travailleurs de première ligne et de femmes ayant de l'expérience vécue. Pendant la table ronde, ma collègue Kelsey Morris a déclaré ce qui suit:
Il est incroyablement exaspérant de voir l'intoxication utilisée contre les victimes et les survivants et survivantes depuis des lustres. L'intoxication est utilisée continuellement afin de les discréditer et de les condamner, et maintenant, nous voyons tous en temps réel que le même prétexte de l'intoxication est utilisé pour protéger et excuser les agresseurs [...] Si cette défense devient répandue, on fait nettement comprendre aux femmes qu'elles ne sont pas en sécurité au Canada.
    Pendant cette table ronde, des femmes ayant de l'expérience vécue nous ont indiqué que les priorités de la Cour suprême les inquiétaient. L'une d'elles a souligné que la protection des victimes devrait toujours primer. Les femmes devraient toujours être une priorité. Certaines ont affirmé que ceux qui n'ont pas traversé pareille épreuve ne peuvent pas comprendre, ajoutant qu'on ne peut pas demander à des survivantes qu'on a laissées tomber encore et encore de ne pas penser que cette décision empirera les choses. Il est arrivé à des femmes de se faire dire que certaines situations étaient peu susceptibles de se produire pour ensuite vivre ces mêmes situations dans le système de justice pénale.
     Voici ce que le gouvernement a déclaré le 23 juin:
Le gouvernement du Canada continuera de prendre des mesures pour maintenir la confiance du public envers le système de justice pénale et pour appuyer les victimes et les survivants et survivantes d'actes criminels. Ce projet de loi fait partie des réformes et programmes législatifs nombreux mis de l'avant récemment par le gouvernement pour appuyer les victimes et les survivants et survivantes d'actes criminels, dont les survivants et survivantes d'agressions sexuelles.
    Pendant notre table ronde du mois d'août, une femme a formulé une observation importante en faisant remarquer que l'intoxication extrême pourrait être rarement invoquée comme défense parce que ces genres d'affaires ne se rendent pas aussi loin. Selon Statistique Canada, à peine 6 % des affaires d'agression sexuelle sont signalées à la police et seulement cinq d'entre elles se rendent jusqu'au procès. Avant même qu'une affaire soit entendue par les tribunaux, les survivants et survivantes se heurtent à des obstacles complexes sur le plan du signalement. Le système de justice pénale se fonde en grande partie sur les témoignages et la preuve, ce qui n'est pas efficace pour les victimes. La défense fondée sur l'intoxication extrême ajoute des difficultés supplémentaires.
    Le London Abused Women's Centre considère que la décision de la Cour suprême a été prise pour avantager le criminel plutôt que de la victime et laisse ainsi une brèche immense. La défense fondée sur l'intoxication extrême peut être vue comme une façon d'excuser les gestes de l'agresseur, montrer qu'on ne tient pas les contrevenants responsables de leurs actes, atténuer la gravité des crimes violents et même perpétuer certains mythes concernant le viol.
    Des femmes nous appellent tous les jours pour demander de l'aide. Quand notre communauté a eu vent de cette décision, des femmes nous ont appelées pour nous demander comment elle allait leur nuire et ce qu'elles devaient faire maintenant. Certaines disent qu'elles craignent que les agresseurs, principalement des hommes, ne pensent automatiquement qu'ils ne seront pas tenus responsables de leurs actes s'ils sont intoxiqués.
    En conclusion, nous savons que le projet de loi C‑28 est une tentative de réagir à la décision de la Cour suprême concernant l'intoxication extrême, et qu'il vise à aider les victimes et les survivants et survivantes d'actes criminels et à tenir les contrevenants responsables de leurs actes, mais au bout du compte, cette décision porte vraiment atteinte aux victoires passées remportées pour protéger les femmes et les filles.
    Je vous remercie.

  (1545)  

    Je vous remercie.
    Nous remercions tous les témoins de leurs allocutions d'ouverture. Je n'ai eu aucun besoin de mes cartes.
    Nous passerons maintenant à la période de questions. Le premier tour sera composé d'interventions de six minutes. Nous commencerons par M. Caputo.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux remercier chacun de nos témoins, qu'ils soient présents ou qu'ils témoignent virtuellement. Ce que vous avez à dire ici est important. Ce n'est pas seulement important: c'est nécessaire, et il est nécessaire que nous fassions bien les choses.
    Je ne veux pas accaparer le temps des témoins, mais j'ai été particulièrement frappé par vos propos, par ce que vous venez de dire, madame Dunn, car c'était fort troublant à bien des égards.
    Vous avez parlé des mythes. La première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est la capacité qu'a un agresseur qui commet une agression sexuelle, une infraction intrinsèquement violente, d'affirmer qu'il était tellement saoul qu'il ne savait pas ce qu'il faisait. Je n'ai jamais vraiment compris ce genre de défense. Je comprends donc ce que vous dites.
    Mme Dunn a répondu à la première question que j'allais poser, mais j'invite tous les témoins à parler des consultations effectuées. J'invite n'importe quel témoin ou tous les témoins à traiter de la question d'un point de vue personnel et à m'indiquer s'ils jugent, de façon générale, qu'il y a eu des consultations suffisantes dans le cadre de ce processus.
    Nous avons été consultés, mais pas beaucoup. Je pense que nous comprenons que le gouvernement était soumis à une pression considérable et que les répercussions de la décision de la Cour suprême du Canada étaient mal comprises. Certains craignaient que le public ait l'impression que l'intoxication devenait essentiellement une excuse pour éviter la prison.
    Cela étant dit, nous aurions préféré être consultés davantage et plus tôt au cours du processus. Quand nous avons été consultés, je pense que les décisions sur l'orientation du projet de loi avaient déjà été prises.
    Pourrais‑je poursuivre dans la même veine, monsieur?
    Vous avez indiqué que vous auriez préféré être davantage consultés. Comment l'avez-vous été?
    Nous avons eu une réunion avec le ministre de la Justice, à laquelle on nous avait conviés pour discuter du projet de loi. On nous a invités à formuler des observations, et on nous a expliqué les processus qui avaient eu lieu précédemment pour consulter d'autres parties prenantes.
    Je vous remercie.
    Est‑ce que d'autres témoins souhaitent intervenir à ce sujet?

  (1550)  

    Je peux dire quelque chose. Je pense qu'il était clair dans mon exposé que nous avons tenu une table ronde en août. Comme c'était en août, c'était après que tout le travail soit déjà terminé. Nous n'avons pas du tout été consultés avant les travaux.
    Je vous remercie.
    Pourrais‑je donner suite à cette réponse, s'il vous plaît?
    J'ai l'impression que vous êtes probablement en contact étroit avec des personnes qui travaillent également dans le domaine. Pouvez-vous me dire, de façon générale, si les gens du milieu jugent qu'il y a eu des consultations suffisantes sur ce sujet très important?
    Je dois dire que je n'ai pas entendu dire qu'une des organisations de notre milieu avait été consultée. Cela ne signifie pas qu'aucune d'entre elles ne l'a été, mais il est préoccupant que nous ne le sachions pas, vu le travail que nous faisons tous ensemble.
     La question suivante s'adresse au représentant de MADD Canada.
    Je vous remercie de témoigner. Je sais que vous avez clairement indiqué que vous pourriez ne pas avoir grand-chose à ajouter à la conversation, mais en une trentaine de secondes, pourriez-vous nous dire quelle est la réaction générale de la population à ce sujet?
    Il y a eu beaucoup de confusion et de questions, non seulement de nos membres, mais des médias également, étant donné que nous sommes un des plus grands noms du domaine de la lutte contre la conduite avec les facultés affaiblies. Les gens se demandaient si cette décision signifiait que quelqu'un pourrait affirmer ne pas pouvoir être accusé de conduite avec les facultés affaiblies parce que ses facultés étaient trop affaiblies. Nous avons eu des questions à ce sujet.
    La question s'est rapidement réglée parce que, comme je l'ai indiqué dans mon allocution d'ouverture, nous ne sommes pas touchés par cette affaire. Nous en avons avisé nos membres. Je sais que j'ai accordé une entrevue à au moins un représentant des médias. Je ne pourrais vous dire quelles autres répercussions cette décision pourrait avoir eues.
    Je vous remercie tous.
    C'est maintenant Mme Brière qui a la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le vice-président.

[Français]

     Je remercie tous les témoins de leurs témoignages et de leur présence parmi nous cet après-midi.
    Comme vous le savez, nous avons déposé le projet de loi C‑28 en réaction à la décision de la Cour suprême du Canada. Celle-ci a été rendue en mai et le ministre Lametti a déposé ce projet de loi en juin, ce qui est rapide. Nous avions reçu une lettre de nos collègues conservateurs nous demandant d'agir rapidement, ce que nous avons été très heureux de pouvoir faire.
    Pour que nous soyons tous sur la même longueur d'onde, j'aimerais que les représentants des trois organismes qui comparaissent aujourd'hui nous disent quels sont les critères employés pour définir l'intoxication volontaire extrême.
     Madame Dunn, vous pourriez commencer.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Selon ce que nous comprenons, l'« intoxication extrême », vue de cette manière, ne serait pas causée par une seule substance intoxicante. Par exemple, on ne pourrait pas avoir seulement consommé de l'alcool; il faudrait peut-être une combinaison de substances intoxicantes pouvant causer une intoxication extrême. En outre, il faudrait avoir un motif de croire que ces substances intoxicantes constitueraient également une circonstance atténuante, si l'on peut dire.
    Nous considérons toutefois qu'il faudrait qu'une personne sache d'emblée qu'elle consommerait des substances intoxicantes qui causeraient le problème au départ, qu'il s'agisse d'alcool ou de drogues. Je sais que cela ne répond pas en partie à votre question, mais c'est essentiellement la manière dont nous comprenons la situation. Nous savons que ce n'est pas parce que quelqu'un a consommé quelques verres qu'il peut affirmer qu'il était saoul quand il a commis une agression sexuelle. Nous savons que ce n'est absolument pas le cas, mais les personnes sur le terrain le savent-elles? Pas aisément; elles ne le savent pas d'emblée quand elles entendent parler de la question. C'est là une de nos principales préoccupations.
    Je vous remercie.

  (1555)  

    Madame McBride, monsieur Bond, voudriez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Je ne suis pas entièrement sûr de comprendre la question, mais je pense qu'il faut savoir ce qui constitue une intoxication volontaire extrême dans ce contexte. La mesure législative explique ce qu'il en est au paragraphe 33.1(4): « extrême se dit de l’intoxication qui rend une personne incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite. »
    J'éviterai de parler de la manière dont on peut déterminer l'incapacité de se maîtriser, mais je pense qu'il faut essentiellement placer cette définition dans le contexte des autres dispositions relatives à la négligence qui ont été prévues ici. L'incapacité de se maîtriser fait référence à une personne qui, comme Mme Dunn l'a souligné, a ingéré volontairement une substance intoxicante et s'est écartée de façon marquée de la norme de diligence attendue d'une personne raisonnable.
    Voilà qui soulève de nombreuses questions. Quelle est la norme de diligence attendue d'une personne raisonnable en de telles situations? Je pense qu'il faut répondre à ces questions au cas par cas. Il faut également déterminer ce qu'est une personne raisonnable, la prévisibilité des préjudices et ce genre d'éléments de négligence qui figurent dans le projet de loi.
    Par exemple, l'affaire Brown mettait en cause une personne qui avait ingéré des champignons magiques et qui, essentiellement, ne se maîtrisait plus. Il faut se demander si cette situation aurait été visée par cette disposition. Une personne peut-elle raisonnablement prévoir quel sera son comportement quand elle consomme ce genre de drogues illégales?
    Qu'est‑ce que la norme raisonnable? Dans certains cas, les personnes ayant des antécédents de certains genres de comportements violents et d'interférence avec lésions corporelles devraient savoir, à titre de personne raisonnable, qu'elles sont susceptibles d'avoir de tels comportements, mais quand les gens consomment des substances intoxicantes illégales, il est peu probable qu'elles se rendent à la pharmacie pour en connaître les effets secondaires potentiels. Il faut procéder au cas par cas pour déterminer si un comportement est prévisible ou non.
    Je vous remercie.
    Voudriez-vous ajouter quelque chose, monsieur Dumschat?
    Je n'ai malheureusement pas l'impression d'être en mesure d'ajouter quoi que ce soit. Comme je l'ai indiqué, ce projet de loi ne concerne pas vraiment la conduite avec les facultés affaiblies. Je n'ai donc pas pris le temps de m'informer au point de pouvoir me sentir à l'aise de parler du sujet.
    Je vous remercie, madame Brière.
    C'est maintenant M. Fortin qui a la parole pour six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Le sujet que nous abordons est assez important et préoccupant pour l'ensemble de la population québécoise et canadienne. On parle de crimes pour lesquels la défense invoque l'intoxication volontaire extrême. Or, à peu près tous les témoins nous ont dit ne pas avoir été consultés avant l'élaboration du projet de loi.
    Monsieur Dumschat, si l’on vous avait consulté au préalable, qu'auriez-vous dit au ministre de la Justice relativement à ce projet de loi? Qu'auriez-vous suggéré en réponse à la décision de la Cour suprême?

[Traduction]

     Pour être honnête, j'aurais été étonné d'avoir été consulté. Comme je l'ai répété à quelques reprises maintenant, ce projet de loi ne concerne pas la conduite avec les facultés affaiblies. Il est donc compréhensible que nous n'ayons pas été consultés parce qu'à dire vrai, il n'était pas nécessaire de le faire.

  (1600)  

[Français]

     Monsieur Dumschat, vous savez très bien que des gens intoxiqués au point de ne plus savoir ce qu'ils font et qui ont un accident d'automobile pourraient invoquer une défense d'intoxication, alors que cette intoxication est volontaire. À votre avis, n'y a-t-il pas de situation où cela pourrait entrer en ligne de compte?

[Traduction]

    Non, cela n'entre pas en jeu. La Cour suprême a confirmé le fait que le Parlement peut créer des infractions criminelles où l'intoxication constitue le fonds, l'essence même du problème. Si quelqu'un affirme qu'il ne peut être tenu responsable d'avoir conduit avec les facultés affaiblies parce ses facultés étaient trop affaiblies, cela serait manifestement insensé du point de vue de la jurisprudence.

[Français]

    Merci, monsieur Dumschat.
    Madame Dunn, je vous pose la même question. Vous avez dit ne pas avoir été consultée non plus. Si vous l'aviez été, qu'auriez-vous dit au ministre de la Justice relativement au projet de loi?

[Traduction]

    Vous avez raison: nous n'avons pas été préalablement consultés. Nous savons que ce projet de loi est en fait une tentative de réagir à la décision de la Cour suprême afin d'aider les victimes et les survivants et survivantes d'actes criminels et de tenir les agresseurs responsables de leurs actes.
    Le problème, c'est qu'il y avait une raison pour laquelle cette mesure a été mise en place au départ, en 1994, si mes souvenirs sont bons. Cette décision rétablit une lacune qui rend les femmes vulnérables aux actes criminels. Pour être honnêtes avec vous, nous aurions dit que cette décision n'aurait pas dû être invalidée.
    Nous devrions encore pouvoir savoir que les femmes et les filles peuvent être protégées sans que quelqu'un puisse invoquer l'intoxication volontaire comme défense.

[Français]

    Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec la décision de la Cour suprême, mais, comme les décisions de ce tribunal ne peuvent pas être portées en appel, il faut vivre avec. Loin de moi l'idée de défendre le ministre de la Justice, mais je m'interroge quant à la meilleure approche à adopter, puisqu'il faut composer avec la décision rendue dans l'arrêt Brown.
    Quelle est la meilleure approche que le gouvernement aurait dû adopter relativement à cette question? Nous avons une proposition ici. Vous nous dites que vous n'avez pas été consultée et cela semble être le cas d'à peu près tous les organismes, mais ma préoccupation, c'est de savoir ce que nous aurions dû faire.
    Y a-t-il des parties du projet de loi C‑28 que nous aurions dû laisser tomber ou modifier? Aurions-nous dû ajouter des dispositions? Quelle est votre opinion sur la question?

[Traduction]

    Il importerait de vérifier si une analyse des conséquences sur les femmes a été réalisée lors de l'élaboration de ce projet de loi, et je sais que c'est quelque chose qui est censé être fait. J'ignore si le Comité a de l'information à ce sujet. Je pense que ce serait une démarche importante.
    À cet égard, il aurait été important d'écouter également des femmes ayant de l'expérience vécue au cours des consultations. Certaines des femmes auxquelles nous avons parlé pendant la table ronde ont formulé d'excellentes suggestions en donnant leur avis sur la situation. Parfois, c'est quelque chose d'aussi simple que de faire de l'éducation, par exemple, pour que les gens sachent ce que cela veut dire dans le monde réel.
    Pour être honnêtes avec vous, quand des femmes nous appellent, elles se demandent ce qu'il va leur arriver et ce qui va maintenant se passer. Quand les gens sur le terrain ne savent pas vraiment ce qui se passe, c'est un énorme problème pour nous. Il aurait donc été crucial d'informer la population.

[Français]

     Merci, madame Dunn.

[Traduction]

     Je vous remercie. Votre temps est écoulé.
    Je vous remercie, monsieur Fortin.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Garrison pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux d'abord souligner que certains parmi nous semblent avoir oublié dans quelle situation nous nous sommes retrouvés lorsqu'ils essaient de savoir pourquoi les gens n'ont pas été consultés.
    La Cour suprême a rendu un jugement qui a créé un vide en matière de droit pénal. Cette décision a en outre été à l'origine d'une grande confusion au sein de la population. Je pense que nous étions tous d'accord — tous partis confondus — quant à la nécessité d'agir rapidement. Les séances que nous tenons actuellement ont été mises à notre horaire à ce moment‑là parce que nous savions qu'il ne serait pas vraiment possible de mener des consultations pleines et entières sans accepter de laisser durer pendant quelques mois ce vide causé par le jugement de la Cour suprême. On semble donc en quelque sorte avoir oublié que nous sommes en fait en train de mener lesdites consultations en raison de ce calendrier que l'on nous a imposé.
    Je tiens à remercier le représentant de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Il se retrouvait dans une situation plutôt particulière du fait qu'il était là pour rejeter les allégations voulant que cette décision ait eu un impact quelconque sur les causes de conduite avec facultés affaiblies. Il était d'après moi vraiment important qu'il témoigne pour dissiper les malentendus qui persistent au sein de la population à ce sujet.
    Je sais que nous vous avons peut-être placé aujourd'hui dans une position un peu embarrassante en vous obligeant à nous dire qu'il n'y a aucune incidence sur les éléments susceptibles de nous préoccuper, mais j'estime qu'il était important de faire bien comprendre aux gens que cela ne change en rien la façon dont on traite les cas de conduite avec facultés affaiblies.
    À l'issue de ce très long préambule, j'aurais une question pour les représentants de l'Association des femmes autochtones du Canada pour savoir s'ils estiment suffisantes les mesures que nous avons effectivement prises dans ce projet de loi.
    En termes clairs, nous avons fait en réalité deux choses. Nous avons établi une norme très élevée pour définir ce qu'on entend par intoxication extrême. Un comportement est essentiellement assimilable à l'automatisme lorsque l'individu n'est plus du tout en contrôle. Il faut en outre fournir des preuves à l'appui d'une telle affirmation qui ne suffit pas à elle seule. En second lieu, nous avons fait en sorte que les procureurs puissent ensuite déterminer si l'individu s'est écarté de façon marquée de la norme de diligence attendue d'une personne raisonnable.
    Étant donné le jugement rendu par la Cour suprême, j'aimerais surtout en fait savoir aujourd'hui si vous estimez que nous avons bien agi et que nous en avons fait suffisamment.

  (1605)  

    Je vais m'efforcer d'être aussi bref que possible.
    Est‑ce que nous avons fait ici la bonne chose? Je pense que deux options s'offraient pour ainsi dire à nous. Dans les deux cas, on arrivait au même résultat. La Cour a essentiellement donné le choix entre l'établissement d'une infraction distincte et des correctifs à l'article 33.1.
    Pour des motifs évoqués à maintes reprises lors de consultations menées auprès de groupes de femmes dans les années 1990, il y a un risque que l'établissement d'une infraction distincte pave la voie à du marchandage de peine. Ainsi, un individu accusé d'agression sexuelle pourrait s'en tirer en plaidant coupable à une infraction d'intoxication extrême considérée comme moins grave. Il y a aussi l'option de resserrer le tout en incluant cette norme de négligence.
    En fin de compte, nous ne savons pas si l'une ou l'autre de ces options va vraiment permettre de régler la question au cœur de l'arrêt Brown, soit l'intention coupable de s'intoxiquer qui se substitue à l'intention coupable de commettre une infraction. Est‑ce chose possible? Je suis persuadé que l'avenir nous le dira.
    Est‑ce une bonne chose? Je pense qu'il est bien que l'on ait agi rapidement. Nous aurions dû être consultés plus tôt. Nous aurions aimé pouvoir en discuter, et ce, même s'il n'y avait que deux options et que ces deux options menaient au même résultat.
    Lorsque nous avons été effectivement consultés et que nous avons enfin pu échanger avec le ministère de la Justice, nous avons fait valoir, comme l'indiquait notre présidente, que ce projet de loi ne pouvait pas suffire à la tâche. Il y a des problèmes systémiques. On ne peut pas régler ces problèmes en apportant des correctifs au Code criminel. Ce n'est pas le Code criminel qui va nous permettre de trouver des solutions.
    Si nous nous retrouvons avec cette disposition visant à empêcher le recours à l'intoxication volontaire extrême comme moyen de défense, c'est parce que notre société est aux prises avec des problèmes d'intoxication extrême et de surconsommation d'alcool et de drogue. Ces problèmes sont particulièrement marqués dans les communautés marginalisées, y compris les communautés autochtones, en raison des séquelles du racisme systémique et de la colonisation.
    Il ne suffit donc pas d'apporter des amendements au Code criminel. Nous avons besoin de politiques et de programmes permettant de cibler ces problèmes sous-jacents. Si nous parvenons à prévenir l'intoxication extrême, la question ne se posera plus. Si plus personne ne commet un crime en raison de son intoxication extrême, alors nous n'avons pas besoin de l'article 33.1. Il nous faut concentrer davantage nos efforts sur les politiques et les programmes connexes visant à régler ces problèmes sous-jacents, car peu importe les modifications que vous allez apporter au Code criminel, ce ne sera jamais suffisant.

  (1610)  

    Merci. Je pense qu'il était vraiment important que le Comité entende ce témoignage qui alimentera sa réflexion pour la production du rapport à présenter au Parlement.
    Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais je voudrais poser la même question à Mme Dunn... Je vais peut-être plutôt attendre le prochain tour.
    Je vais pour l'instant continuer avec les représentants de l'Association des femmes autochtones du Canada.
    J'ai une bonne idée de la réponse que vous allez me donner, mais j'aimerais tout de même savoir de quelle façon nous pourrions améliorer les services de soutien offerts à l'échelon communautaire pour contribuer à atténuer ces problèmes de toxicomanie qui peuvent mener à l'intoxication extrême.
    Une chose est sûre: je n'aurai pas assez de temps pour répondre à cette question‑ci. Je vais me contenter de dire que cela doit se faire à l'échelon communautaire et dans le cadre d'une relation de nation à nation, car nous devons éviter de ratisser trop large. Nous devons comprendre que ce sont les communautés et les organisations elles-mêmes qui sont les mieux placées pour indiquer de quels services et mesures de soutien elles ont besoin.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Garrison.
    Vous n'avez plus de temps, mais je suis persuadé que vous aurez l'occasion de vous reprendre.
    La prochaine période de cinq minutes va à M. Van Popta.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui pour nous faire bénéficier de leur sagesse. C'est une étude de la plus haute importance.
    Madame Dunn, je veux d'abord m'adresser à vous. Merci pour le travail important que vous accomplissez en aidant les femmes victimes d'un crime.
    Nous essayons de déterminer aujourd'hui s'il devrait être possible ou non d'invoquer l'intoxication extrême pour la défense d'une personne accusée d'un crime violent. Votre témoignage revêt pour nous une importance capitale étant donné que, comme l'indiquait le ministre de la Justice en présentant ce projet de loi, nous savons qu'il existe des liens clairs entre l'intoxication et la violence fondée sur le genre, et tout particulièrement la violence sexuelle et la violence entre partenaires intimes. Il ajoutait que 63 % des femmes et des filles qui sont assassinées le sont aux mains d'un assaillant intoxiqué.
    Il est ressorti clairement de votre témoignage que vous ne souscrivez pas au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Brown, une décision qui a réintroduit ce type de défense dans la jurisprudence canadienne. J'aimerais savoir si vous estimez qu'il peut exister des circonstances où il serait raisonnable de recourir à une défense semblable. Je vais rappeler les faits dans l'affaire Brown. Il avait consommé de l'alcool et des champignons magiques, et il a indiqué dans son témoignage qu'il ne savait pas quelles seraient les répercussions d'une telle consommation. Il ne pouvait pas raisonnablement prévoir qu'il allait perdre le contrôle et ne plus savoir ce qu'il faisait.
    Dans des circonstances semblables, serait‑il raisonnable que cet argument de défense puisse être invoqué?
    Merci beaucoup pour la question. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'exprimer à ce sujet.
    Il est intéressant que vous demandiez si ce type de défense devrait pouvoir être invoqué dans d'autres situations. C'est une bonne question, car cela nous ramène aux problèmes systémiques avec lesquels nous devons composer. Je dois rappeler que les hommes comptent pour la majorité des personnes se rendant coupables d'agression sexuelle. Devrait‑on pouvoir invoquer cet argument de défense pour les hommes dans des circonstances de la sorte? Absolument pas, car ce sont les femmes qui sont le plus à risque dans ce genre de situation. Mais dans des circonstances différentes — comme dans l'exemple que vous venez de donner, mais en l'appliquant à une femme —, nous serions portés à croire qu'il y a matière à réflexion. Peut-être que la personne inculpée devrait alors avoir accès à d'autres moyens de défense et qu'elle devrait pouvoir invoquer l'intoxication extrême.
    Tout revient en fait à cet important obstacle systémique qui ne manque pas de se dresser devant nous lorsque ces lois ne sont pas considérées dans l'optique de la violence à l'encontre des femmes. J'estime primordial de réfléchir à la manière dont nous protégeons les femmes en pareil cas. Comment protégeons-nous plus particulièrement les femmes autochtones et les femmes racisées, et quelle forme cette protection prend-elle? Je ne crois pas vraiment qu'il s'agisse de déterminer s'il convient de recourir à cette défense dans certaines situations, mais pas dans d'autres, car le problème est d'ordre beaucoup plus général.
    Je vais m'en tenir là pour l'instant.

  (1615)  

    Merci.
    De nombreux Canadiens abonderaient sans doute dans le même sens, mais nous devons, dans notre rôle de parlementaires, nous efforcer d'abord et avant tout de corriger la faille mise au jour par le jugement de la Cour suprême du Canada.
    Dans l'arrêt Brown, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel l'article 33.1, en précisant toutefois que des mesures législatives élaborées suivant les paramètres établis pourraient être jugées constitutionnelles. C'est ce que nous essayons de faire ici. Nous vous remercions de vos témoignages qui nous sont d'une grande utilité dans le cadre de cet exercice.
    C'est tout le temps dont j'avais besoin. Merci beaucoup à tous nos témoins.
    C'est maintenant au tour de Mme Dhillon d'avoir droit à cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mes questions vont surtout s'adresser à Mme McBride.
    Le projet de loi C-28 stipule que les personnes ayant commis un crime violent ne peuvent pas invoquer leur intoxication volontaire extrême comme moyen de défense si elles ont consommé des substances intoxicantes de façon négligente.
    Quel sera selon vous l'impact de ce projet de loi sur les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre au sein des communautés autochtones, et dans quelle mesure leur confiance envers le système judiciaire sera-t-elle affectée?
    Quelles seront les répercussions pour les femmes et les filles autochtones? C'est une question un peu difficile. Il faut comprendre qu'il y a deux aspects bien distincts qui entrent en jeu ici. D'une part, il y a la surreprésentation des femmes autochtones au sein de la population carcérale. D'autre part, les femmes et les filles autochtones sont également surreprésentées parmi les victimes de crimes violents.
    Pour ce qui est de la nécessité de protéger les gens contre les crimes violents, je vois ce projet de loi comme une réaction rapide à la décision de la Cour suprême dans le but premier, à mon avis, d'endiguer la vague d'incompréhension généralisée quant aux effets de cette décision et de dissiper certains mythes se répandant plutôt rapidement à ce sujet. J'estime que c'est une bonne mesure de protection, mais comme l'article 33.1 est en vigueur depuis un bon moment déjà et qu'il y a encore surreprésentation, il est difficile de trancher. Peut-être pourrait-on parler d'un statu quo.
    Quant au problème de la surreprésentation dans la population carcérale, je ne pense pas que le projet de loi aura en soi un impact vraiment senti, car ce n'est que dans des cas très rares que l'article 33.1 est invoqué comme argument de défense. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'il en résultera une hausse du nombre de femmes autochtones incarcérées.
    Comme je le disais précédemment, c'est vraiment en investissant dans les politiques et les programmes que l'on pourra progresser vers la résolution de ces problèmes. Vous vouliez savoir quel sera l'impact. Je dirais que ce sera sans doute le statu quo par rapport à la situation préalable à l'arrêt Brown.
    Merci pour votre réponse.
    J'aimerais revenir aux commentaires de Mme McBride qui nous indiquait que l'Association des femmes autochtones du Canada préconise la mise en place d'un cadre de réduction des méfaits et de justice réparatrice. Pouvez-vous nous en dire plus long sur la forme que pourrait prendre un tel modèle?
    D'abord et avant tout, il faut selon moi tenir compte du fait que chaque Première Nation à sa façon bien à elle de composer avec les questions de justice. Je dirais qu'il y a différents modes de guérison pour différentes situations.
    Notre association envisage l'établissement de pavillons de résilience qui devraient aider nos femmes à composer avec les différentes situations qu'elles peuvent vivre en espérant pouvoir ainsi leur apporter l'assistance dont elles ont besoin avant même qu'elles soient confrontées à des circonstances où l'intoxication extrême entre en jeu.
    Je pense que tout dépend de la Première Nation. C'est à la Première Nation qu'il devrait incomber de déployer ces mécanismes de guérison, car j'estime que c'est de cette manière qu'il deviendra possible d'atténuer ou de régler ces problèmes un peu mieux qu'on le fait actuellement.
    À l'heure actuelle, les communautés des Premières Nations, métisses et inuites n'ont tout simplement pas les ressources financières nécessaires pour offrir les services dont leurs membres ont besoin. Nous sommes confrontés à de très graves problèmes, surtout en matière de toxicomanie. J'espère vous avoir aidé à comprendre un peu mieux la situation des communautés autochtones.

  (1620)  

    C'est très utile, et je vous remercie sincèrement d'avoir répondu avec une aussi grande franchise.
    Merci, madame Dhillon.
    Nous passons à M. Fortin pour une période de deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais revenir sur ce que je disais tantôt.
    Monsieur Bond, j'ai peut-être mal compris vos propos et, si c'est le cas, n'hésitez pas à me corriger. Je comprends de votre témoignage que le projet de loi C‑28 vous convient et que c'est une réponse convenable à la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Brown.
     En revanche, vous auriez préféré que nous nous en tenions au statu quo en vigueur avant l'arrêt Brown. Ce n'est évidemment plus possible, sauf peut-être au pays des licornes, puisque nous devons accepter les décisions de la Cour suprême.
    Je comprends donc que ce projet de loi vous convient. Dans le cas contraire, pourriez-vous, en deux minutes, m'indiquer précisément quel paragraphe du projet de loi devrait être modifié et comment il devrait l'être?

[Traduction]

    Je ne crois pas avoir dit que le statu quo était acceptable à mes yeux. On m'interrogeait sur les impacts possibles sur les femmes autochtones, et j'ai répondu que ce serait le statu quo à ce chapitre.
    Quant à savoir s'il y a des choses que je changerais, je crois avoir déjà indiqué qu'il existait deux options et que les deux menaient au même résultat. Je pense que ce projet de loi permet effectivement de soulager les préoccupations des gens concernant l'arrêt Brown. Pour ce qui est de régler le problème des crimes liés à une intoxication extrême, on n'y parvenait pas avant l'arrêt Brown, et ce ne sera pas mieux par la suite.
    Il faut surtout retenir de nos interventions que ces mesures doivent être combinées au déploiement de services et de programmes visant à régler les problèmes de consommation abusive d'alcool et de drogue.

[Français]

    Donc, si je comprends bien, vous n'avez pas de suggestion à nous présenter pour modifier ce projet de loi. Est-ce exact?

[Traduction]

    C'est bien cela.

[Français]

    Merci, monsieur Bond.
    Madame Dunn, je vous pose la même question et vous avez environ 30 secondes pour y répondre. À votre avis, est-ce qu'il y a des passages du projet de loi qui devraient être modifiés et, si votre réponse est oui, comment?

[Traduction]

    Je vais essayer d'être très brève.
    En toute franchise, je ne pourrais pas vous préciser de mémoire quels articles devraient être modifiés, mais je pense que M. Bond a dit une chose importante. Nous devons tous conjuguer nos efforts pour composer avec ces dispositions législatives dans leur forme actuelle. Je sais que nous ne pouvons rien changer à la décision rendue par la Cour suprême, mais nous devons travailler avec les différentes organisations, et surtout avec les femmes ayant vécu de telles expériences, pour voir comment tout cela se traduit dans les faits et déterminer la meilleure approche pour la suite des choses.

[Français]

    Merci, madame Dunn.

[Traduction]

    Nous passons à M. Garrison pour une période de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux revenir à Mme McBride.
    Nous discutons ici de cas très précis d'intoxication volontaire extrême, mais nous savons qu'il y a par ailleurs un grand nombre d'autres femmes, et particulièrement de femmes autochtones et marginalisées, qui sont victimes d'agression sexuelle.
    Ma question est peut-être tendancieuse, mais j'aimerais savoir à quoi ressemblent les services offerts aux femmes autochtones victimes d'agression sexuelle. Estimez-vous que ces femmes ont droit au même niveau de services, et notamment de services adaptés à leur culture, que les autres femmes au sein de notre société se retrouvant dans une situation semblable?
    Je dirais que nos communautés souffrent d'un manque de ressources de guérison qui pourraient être bénéfiques pour nos femmes. Nous n'avons tout simplement pas les moyens financiers nécessaires pour répondre à ce besoin.
    Nos gens ont vécu bien des épreuves. Les survivants des pensionnats indiens ont réintégré des communautés très appauvries qui auraient pu les aider dans leur guérison. Nous devons vraiment nous assurer en priorité de déployer au sein de nos communautés les ressources nécessaires à cette fin. La guérison n'est possible que si elle peut s'appuyer sur les fondements de notre culture.
    Nous avons nos propres processus de guérison. Malheureusement, comme je l'indiquais, toutes nos communautés sont pauvres. Aussi bien pour le logement que pour l'alimentation et tous les autres besoins fondamentaux, nous n'en avons tout simplement pas assez pour vivre.
    Nous voudrions essentiellement pouvoir compter sur suffisamment de ressources pour être capables d'aider nos gens de telle sorte qu'ils ne se retrouvent pas derrière les barreaux, qu'ils ne deviennent pas des victimes et qu'ils n'aient pas, comme c'est le cas pour les femmes, à composer avec la violence. Nous espérons pouvoir permettre à nos hommes de guérir ou tout au moins d'amorcer leur processus de guérison avant que de tels gestes soient posés.
    J'ose espérer que cela vous aide un peu.

  (1625)  

    Vous nous livrez un témoignage très important qui aidera le Comité à mieux orienter ses efforts. Nous ne devons pas nous limiter au projet de loi dont nous sommes saisis, mais aussi nous intéresser aux problèmes qui ont rendu une telle loi nécessaire.
    Merci beaucoup pour votre témoignage.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Garrison.
    Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu en personne ou en mode virtuel. Nous vous sommes reconnaissants pour votre contribution à notre étude de l'objet du projet de loi C-28.
    J'invite les députés qui sont virtuellement des nôtres à utiliser le second lien qui leur a été envoyé il y a quelques minutes pour participer à la deuxième partie de la réunion qui va se dérouler à huis clos.
    Je vais maintenant céder le fauteuil à notre véritable président pour cette seconde heure de séance à huis clos.
    Je veux encore une fois exprimer toute notre reconnaissance à nos témoins.
    Nous allons reprendre nos travaux dans quelques minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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