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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

     Bienvenue à la 39e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, qui poursuit son étude du projet de loi C‑9, Loi modifiant la Loi sur les juges, conformément à l'ordre de renvoi du 31 octobre.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres sont présents dans la salle ou à distance par Zoom.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous donne la parole en vous désignant par votre nom avant de parler. Pour ceux qui participent avec vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro quand vous parlez et le désactiver quand vous ne parlez pas. Pour les services d'interprétation, les utilisateurs de Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes ici présentes peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal voulu.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Si vous utilisez Zoom, veuillez utiliser la fonction « main levée ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions.
    Pour information, tous les essais techniques ont été effectués avec nos témoins.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier témoin.
    Nous accueillons aujourd'hui Indra Maharaj, du Sous-comité des questions judiciaires de l'Association du Barreau canadien. Elle comparaît à distance.
    Madame Maharaj, vous avez cinq minutes. J'utilise de petits cartons. Vous en verrez un lorsqu'il vous restera 30 secondes. Quand votre temps de parole sera écoulé, j'utiliserai celui‑ci. Veuillez alors conclure, pour que je n'aie pas à interrompre le fil de vos réflexions.
    Madame Maharaj, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est à la fois un honneur et un privilège de pouvoir vous présenter la position de l'Association du Barreau canadien sur les questions soulevées par la modification proposée à la Loi sur les juges sous la forme du projet de loi C‑9.
    Je m'appelle Indra Maharaj; je suis présidente du Sous-comité des questions judiciaires.
    Je précise que j'assiste à cette réunion à partir des territoires traditionnels de la Confédération des Pieds-Noirs—Siksika, Kainai et Piikani—des nations Tsuut'ina et Stoney Nakoda, de la région 3 de la nation métisse et de tous ceux qui vivent dans la région du Traité no 7 du Sud de l'Alberta.
    L'ABC représente des avocats, des étudiants en droit, des universitaires et des juges de partout au pays, où différentes Premières Nations ont établi leur foyer et pris soin des terres qui forment notre magnifique pays. Je vais observer quelques secondes de silence pour que chacun d'entre nous puisse reconnaître le traité ou le territoire traditionnel là où il est.
    Merci.
    L'Association du Barreau canadien est une association nationale composée de 37 000 membres, dont des juges, des avocats, des universitaires et des étudiants de partout au Canada, chargée d'améliorer le droit et l'administration de la justice. En ce qui concerne plus précisément le projet de loi C‑9 présenté le 16 décembre 2021, l'Association du Barreau canadien a présenté des commentaires au Comité le 17 février 2022 à l'appui des amendements proposés.
    Entre autres, la Loi sur les juges prévoit un processus disciplinaire pour les juges de nomination fédérale en réponse aux plaintes déposées au sujet de leur conduite. Les récentes consultations du gouvernement ont fait ressortir des préoccupations au sujet du temps prévu pour enquêter sur ces plaintes et des coûts connexes, notamment au sujet du coût qui pourrait découler du fait qu'un membre de la magistrature serait incapable de s'acquitter de ses fonctions tout en se défendant d'une plainte pour inconduite.
    Les recommandations de l'ABC visent à protéger l'indépendance de la magistrature et à maintenir la confiance de la population dans l'administration de la justice.
    Le projet de loi C‑9 modifie le processus d'examen de la conduite des juges de nomination fédérale par le CCM à trois égards importants. Il crée un processus d'examen des allégations qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier la révocation; il améliore le processus par lequel les recommandations de révocation sont présentées au ministre; et il prévoit des mesures pour que la détermination du service ouvrant droit à pension pour les juges qui finissent par être révoqués tienne compte de leur période de service et n'inclut pas la période d'examen, tout en veillant, si le juge est disculpé, à ce qu'il ne perde pas le temps qu'il a passé à défendre sa cause.
    J'ai un peu plus de détails.
    Premièrement, le processus de tri des plaintes qui ne sont peut-être pas assez graves pour justifier la révocation est une bonne chose. Il permet au Conseil canadien de la magistrature de répondre plus rapidement aux allégations d'inconduite et prévoit des sanctions adaptées, comme le counselling, la formation continue et les réprimandes. Il permet aussi au CCM de gagner du temps, de veiller à ce que les ressources judiciaires soient bien utilisées et de réduire au minimum le temps qu'un juge pourrait passer à se défendre d'une plainte frivole pendant qu'il ne siège pas.
    Deuxièmement, l'amélioration du processus disciplinaire permet de veiller à ce que les demandes fondées soient acheminées et que les ressources du ministère soient utilisées efficacement. Cela favorise également l'équité procédurale et vise à réduire les retards au minimum et à contrôler les coûts.
    Troisièmement, il est essentiel que les juges, comme tous les autres plaideurs, puissent se défendre dans le cadre d'un processus équitable et transparent et qu'ils sachent que, s'ils sont finalement exonérés, leur service ouvrant droit à pension sera protégé pendant la période consacrée à défendre leur cause. Il est cependant tout aussi important que le temps de ce processus ne contribue pas au service ouvrant droit à pension si la plainte entraîne la révocation.

  (1540)  

     L'indépendance judiciaire et la responsabilité judiciaire sont deux principes indispensables à l'intégrité de notre système judiciaire, à la primauté de l'administration équitable de la justice et à la promotion de la primauté du droit. Pour que notre magistrature soit respectée et digne de confiance, la population doit avoir l'assurance que les juges, dans le cadre d'un processus équitable et transparent, sont à la fois indépendants des influences externes et tenus responsables de leur conduite professionnelle.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, madame Maharaj.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Monsieur Moore, vous avez six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à notre comité. Nous sommes sensibles à votre point de vue et à la contribution de l'Association du Barreau canadien.
    D'après ce que nous ont dit des témoins précédents, il semblerait... Tout le monde appuie ce projet de loi, compte tenu du fait que le Conseil canadien de la magistrature réclame un processus plus simple et que d'autres intervenants, dont les plaignants, estiment que le processus actuel est désuet et fastidieux et qu'il pourrait y avoir des retards inutiles.
    S'agissant du droit d'appel d'une décision, la réglementation prévoit un mécanisme d'appel devant la Cour suprême du Canada, ce qui semble être une première solution plutôt ambitieuse. Deux témoins nous ont dit — et un troisième s'est dit d'accord — qu'il vaudrait peut-être la peine de prévoir un droit d'appel devant la Cour d'appel fédérale.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez du point de vue de la perception de la justice et des règles de justice fondamentale. Je suis perplexe à l'idée qu'un organisme de réglementation prenne une décision qui peut être suivie d'un appel devant la Cour suprême du Canada. Est‑ce qu'on l'accepte parce qu'il s'agit de juges? S'il s'agissait d'un autre groupe de pairs — si des médecins, des comptables ou d'autres groupes se prononçaient sur la conduite d'un de leurs collègues —, accepterait‑on qu'il suffise à la personne en question de faire appel devant la Cour suprême du Canada?
    Qu'en pensez-vous? De plus, avez-vous songé à un droit d'appel devant la Cour d'appel fédérale?
    Merci beaucoup de la question.
    La solution proposée par la Société des plaideurs, à savoir un appel interjeté par le comité de révision final devant la Cour d'appel fédérale avant qu'un appel puisse être interjeté devant la Cour suprême du Canada, n'était pas une solution que nous avions précisément envisagée, mais d'autres témoins que j'ai entendus ont souligné que le comité d'appel final, avant l'appel éventuel devant la Cour suprême du Canada, est également composé de membres chevronnés de la magistrature.
    Pour ce qui est de l'équité ou de l'équité administrative de ce processus, il semble que l'on tienne compte de la façon dont les appels sont interjetés, du début à la fin du processus de traitement des plaintes.
    L'ABC a confiance dans les consultations menées par le gouvernement à cet égard. Elles ont été exhaustives. Le résultat en est le projet de loi dont vous êtes saisis, et nous l'appuyons.
    Merci.
    Dans l'ensemble, je suis d'accord. C'est une mesure législative qui était nécessaire, mais, compte tenu des témoignages que nous avons entendus, cela soulève la question suivante: si le recours est un appel devant la Cour suprême, s'agit‑il d'un véritable contrôle judiciaire externe? Est‑ce réaliste? Je ne sais pas s'il existe un scénario analogue dans un autre domaine. Les conséquences sont graves puisqu'il est possible d'être révoqué et de perdre sa pension.

  (1545)  

    À votre avis, est‑il important que les membres du comité final soient des juges? Est‑ce la raison pour laquelle nous laisserions aller les choses dans ce cas, puisqu'il s'agirait de juges rendant un jugement sur un pair comparativement à un autre groupe doté d'un système de sanctions disciplinaires par les pairs?
    Je vous remercie de la question.
    J'hésiterais à dire qu'un appel devant la Cour suprême du Canada est synonyme de laisser aller les choses, mais, s'il n'y a pas d'appel antérieur, c'est effectivement extérieur au processus. Cependant, je rappelle que les juges ont été consultés et que le résultat n'a pas donné lieu à une proposition d'appel supplémentaire. Tout ce que je peux en conclure est que ce n'était pas une question qui préoccupait la magistrature.
    D'accord. Merci.
    Il ne me reste que 30 secondes. Avez-vous un bref commentaire à faire sur le système actuel, marqué par des retards indus?
    Selon vous, quelle est la clé du projet de loi C‑9? Y a‑t‑il un élément général auquel il faudrait absolument se tenir en cas d'amendements?
    Répondez très brièvement. Il reste 10 secondes.
    Merci.
    Le fait que le processus ait été simplifié pour faciliter sa progression verticale et éviter qu'il soit retardé latéralement est, à mon avis, l'objectif principal de l'amendement qui a été présenté.
    Merci, monsieur Moore.
    Madame Brière, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, maître Maharaj. C'est avec plaisir que nous vous recevons cet après-midi.
    Le projet de loi C‑9 introduit un processus d'examen des allégations trop peu graves pour justifier la destitution d'un juge. Dans la lettre que vous avez adressée au président du Comité, vous avez écrit que le « processus de filtrage des allégations [...] est un pas dans le bon sens ».
    S'agit-il d'un petit ou d'un grand pas?
    Selon vous, est-ce bien qu'un comité d'examen se penche sur les plaintes moins graves plutôt que de confier cet examen à un membre du Conseil canadien de la magistrature?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Je crois que c'est un grand pas en avant, puisqu'il sera possible de se concentrer sur les allégations les plus graves, qui méritent un processus approfondi.
    Comme l'a dit l'un des intervenants d'un groupe précédent, beaucoup de plaintes sont déposées contre des membres de la magistrature en raison d'une insatisfaction à l'égard d'un résultat et non parce qu'un juge en exercice se serait effectivement mal conduit. Il est important que ces plaintes soient examinées et évaluées pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'inconduite, mais qu'elles ne paralysent pas le fonctionnement du Conseil canadien de la magistrature.

[Français]

    Croyez-vous que les sanctions qui sont énumérées et celles auxquelles on peut penser dans le cadre du projet de loi C‑9 en réponse aux plaintes qui sont moins graves sont justifiées ou intéressantes?

  (1550)  

[Traduction]

    Merci.
    Les sanctions proposées dans les cas les moins graves, comme le counselling, la formation continue ou la réprimande, sont conçues pour être proportionnelles à la gravité du cas. Ces alternatives offrent une certaine souplesse et garantissent que le processus réponde équitablement à la plainte et soit à la mesure de la conduite du juge incriminé.

[Français]

     En 2014, vous avez présenté un mémoire au Conseil canadien de la magistrature, dans lequel vous avez fait 16 recommandations.
    L'une d'entre elles visait à s'assurer que le processus de plainte pour les juges respecte les objectifs d'équilibre entre l'indépendance de la magistrature et la confiance du public envers l'administration de la justice.
    Croyez-vous que le projet de loi C‑9 atteint cet objectif?

[Traduction]

     Merci.
    Nous estimons que le projet de loi C‑9 répond effectivement aux objectifs énoncés dans nos recommandations. Il prévoit un processus tenant compte des divers types de plaintes susceptibles d'être déposées. Il tient compte des besoins des plaignants et du droit des juges de se défendre. Le projet de loi C‑9 crée un meilleur équilibre.

[Français]

     Dans vos remarques d'ouverture, vous avez parlé des retards et des coûts engendrés, notamment ceux reliés au fait qu'on ne permettait pas au juge faisant l'objet de la plainte de remplir ses fonctions.
     Comment doit-on aborder cette situation?

[Traduction]

    Merci.
    En effet, le projet de loi crée un processus dynamique. Il faut dire que certains des retards et des incohérences que le projet de loi tente de corriger se situent dans la zone grise qui existait auparavant, où chaque décision du CCM dans une affaire disciplinaire pouvait faire l'objet d'un contrôle judiciaire, lequel pouvait faire l'objet d'un appel, lequel pouvait faire l'objet d'un nouvel appel. En simplifiant le processus, on le rend plus équitable et on tient compte des préoccupations financières.
    Si un juge n'est pas autorisé à siéger pendant que sa conduite est remise en cause, la population peut être sûre que le problème sera réglé et que le juge n'utilisera pas le processus pour créer une situation où il serait payé à ne rien faire et s'engagerait sur la voie latérale.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Brière.
    Monsieur Fortin, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Maharaj, merci d'être des nôtres cet après-midi.
     J'aimerais aborder avec vous la question des sanctions. Comme l'a dit mon collègue M. Moore, les partis vont sans doute appuyer ce projet de loi à la Chambre, mais il y a quand même des questions intéressantes à examiner, notamment l'aspect économique de cette affaire. C'est ce qui est décrié le plus.
     Lorsqu'un juge est reconnu coupable d'un quelconque manquement et qu'une sanction lui est imposée, les gens vont souvent réagir en disant que cela a coûté des centaines de milliers de dollars en frais judiciaires, outre l'augmentation de la pension du juge et son salaire. Je comprends que des dispositions du projet de loi C‑9 prévoient certains ajustements lorsque le juge est reconnu coupable, mais la question des frais d'avocat demeure importante pour moi.
    À votre avis, n'y aurait-il pas eu lieu de moduler le projet de loi C‑9 de sorte qu'un juge reconnu coupable d'un manquement soit obligé de rembourser la totalité ou une partie importante des frais d'avocat, afin d'endiguer les mesures de contestation, qui peuvent souvent paraître inutiles et simplement dilatoires?

  (1555)  

[Traduction]

    Merci beaucoup de cette question.
    L'idée qu'une partie n'ayant pas gain de cause doive indemniser l'autre partie de ses frais juridiques n'est pas étrangère au domaine du litige. Mais, en l'occurrence, ce qui est différent est qu'il ne s'agit pas d'un litige entre deux personnes, mais d'un processus disciplinaire. Nous n'avons pas examiné en détail la question des honoraires compensatoires ou payés au nom du juge qui se défend. Je crois que c'est une recommandation faite par un autre témoin.
    Pour l'instant, je ne peux pas vraiment vous en dire plus.

[Français]

     Je vous remercie.
    Je comprends la distinction que vous faites entre ce dont nous parlons ici et un procès civil où le juge a certains pouvoirs dans le cas d'un recours frivole, comme attribuer des dépens. Je comprends que les recours disciplinaires sont un tout autre sujet. Il n'en demeure pas moins que c'est un aspect de ces litiges qui fait beaucoup parler le public, et qui m'apparaît suffisamment important.
    J'ai posé la question aux différents intervenants que nous avons reçus, y compris au ministre de la Justice. C'est en ce sens que j'aimerais bien entendre l'opinion de l'Association du Barreau canadien, car vous jouez un rôle important en matière de discipline auprès des avocats membres des différents barreaux du Canada. Par ailleurs, je suis un peu étonné que vous nous disiez que vous n'avez pas vraiment d'opinion sur cette question. Si c'est le cas, je vais m'en tenir à cela. Par contre, ma question n'était peut-être pas claire, et je vais la reformuler. Si vous avez ensuite une opinion à exprimer, j'aimerais l'entendre.
    Ne serait-il pas intéressant, utile, voire essentiel, que le juge condamné pour un manquement ait à en subir les conséquences, et qu'il doive assumer personnellement à tout le moins une partie des frais judiciaires engagés pour le défendre dans un litige comme celui-là?

[Traduction]

     Merci.
    Voyons si je peux être un peu plus concise. Dans les consultations, l'indemnisation d'un juge visé par un processus disciplinaire pour ses frais juridiques est une question qui n'a pas été jugée suffisamment importante pour justifier une disposition dans le projet de loi C‑9. À mon avis, cela n'empêche pas un comité d'appel de prendre une décision différente. Mais l'ABC n'a pas pris de position précise à ce sujet.

[Français]

    Merci.
    Je vais aborder un sujet complètement différent. Selon vous, une médiation entre le Conseil canadien de la magistrature et un juge pourrait-elle être une étape utile avant la tenue d'une audience dans le cas d'un manquement présumé de la part de ce juge?

  (1600)  

[Traduction]

    Merci.
    Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Avez-vous posé une question sur la médiatisation de l'ABC et du juge?

[Français]

     Non, je ne parle pas de l'Association du Barreau canadien, mais d'une médiation entre le Conseil canadien de la magistrature et le juge concerné.

[Traduction]

    Le cas particulier qui semble avoir déclenché certains des amendements est l'affaire Girouard, n'est‑ce pas?
    Malheureusement, nous n'avons plus de temps.

[Français]

    C'est un bon exemple, mais nous sommes à court de temps.
    Merci, madame Maharaj.

[Traduction]

    Monsieur Garrison, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être ici aujourd'hui pour représenter l'Association du Barreau canadien, madame Maharaj. Vous avez très succinctement décrit le problème que le projet de loi C‑9 vise à régler en équilibrant le principe de l'indépendance des juges et la nécessité de garder la confiance de la population, mais j'y ajouterais les droits des juges faisant l'objet de mesures disciplinaires.
     Je voudrais revenir à la question du droit à un appel efficace. On sait que la Cour suprême a fixé des critères très élevés pour accorder l'autorisation d'entendre des causes et que ces causes doivent en fait, en langage ordinaire, avoir une importance nationale ou constitutionnelle pour être entendues. En l'occurrence, à quelle fréquence peut‑on s'attendre à ce que la Cour suprême entende des appels dans le cadre de ce processus, compte tenu de la barre très haute qu'elle a fixée?
    J'imagine que tout le monde espère que la réponse serait « jamais », parce qu'il faut espérer qu'aucun cas d'inconduite judiciaire n'aura jamais ce degré d'importance. En fait, la Cour suprême du Canada a peu de temps et elle choisit rigoureusement les causes auxquelles elle devra consacrer son temps. C'est la raison du processus d'autorisation. Un autre témoin vous a déjà fourni des renseignements sur certaines statistiques concernant le nombre de demandes d'autorisation et le nombre de demandes effectivement accueillies.
    Le fait que la barre soit très haute favorise l'équité du processus, parce qu'elle crée le pouvoir ultime. La Cour suprême du Canada est l'autorité judiciaire ultime devant laquelle une affaire peut aboutir, si elle est justifiée et si elle est d'une importance telle que la Cour suprême du Canada doive y apporter sa sagacité.
    Avant d'en arriver à ce stade, les examens prévus dans le processus selon le projet de loi C‑9 sont des mesures solides et importantes qui permettent d'entendre et de régler équitablement toutes les questions. C'est l'avis de l'ABC.
    Je précise que je ne critique pas la Cour suprême du Canada d'avoir fixé la barre très haut pour l'audition des causes. C'est évidemment nécessaire pour gérer le travail de la Cour suprême du Canada et garantir l'intégrité du système.
    Cela étant, il s'ensuit cependant que le juge incriminé n'a pas le droit de faire appel du processus interne géré par le Conseil canadien de la magistrature, de sorte qu'il pourrait effectivement être victime d'une erreur judiciaire qui n'aurait pas d'importance nationale ou constitutionnelle, mais n'en serait pas moins une véritable erreur judiciaire.
    Je crois que c'est la raison pour laquelle la Société des plaideurs a proposé de prévoir un appel efficace devant la Cour d'appel.
    Il y a une question entre les lignes. Je crois que vous cherchez à savoir si l'ABC est d'accord avec la recommandation de la Société des plaideurs.
    Je peux vous dire que l'ABC fait confiance aux consultations auxquelles ont participé des membres de la magistrature et du Conseil canadien de la magistrature, et celles‑ci n'ont pas révélé la nécessité d'un niveau d'appel supplémentaire.
    Peut-être que le non-dit ici est que, quand on parle du processus du comité d'examen, on se dit qu'il s'agit de juges, mais que, sauf leur respect, ce sont des juges qui jouent un rôle différent de celui d'un juge d'appel.
    Autrement dit, le Conseil canadien de la magistrature engage des procédures disciplinaires, fait enquête et prend des décisions, de sorte que personne en dehors de ce processus interne n'aura vraiment son mot à dire sur son équité effective puisqu'il n'y a pas de recours possible devant un tribunal d'appel.

  (1605)  

    Je ne sais pas si vous vouliez que je réponde précisément à cela. Y a‑t‑il une question?
    Monsieur Garrison, pourriez-vous répéter la question?
    Il y avait un point d'interrogation à la fin.
    Ne s'agit‑il pas de deux rôles distincts pour les juges? Les juges du Conseil canadien de la magistrature jouent un rôle différent de celui d'un juge d'un tribunal d'appel, même si nous les appelons tous des « juges ».
    Merci de cette précision.
    Il y a effectivement une différence. Mais, quand les juges et les membres de ce comité d'examen siègent à ce titre — n'oubliez pas qu'il y a aussi des avocats et des profanes —, ils représentent une possibilité élargie et diversifiée d'examiner le bien-fondé de l'affaire.
    L'ABC appuie le processus prévu dans le projet de loi C‑9 en partie en raison du sérieux des consultations menées auprès des parties concernées. C'est une idée intéressante, mais le projet de loi C‑9 vise à éliminer les chevauchements procéduraux et à garantir le respect des principes fondamentaux de l'équité administrative. Et c'est bien ce qu'il fait, à notre avis.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Garrison.
    Monsieur Caputo, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être parmi nous aujourd'hui, madame Maharaj. Ce n'est pas facile d'être un témoin unique et de se faire bombarder de questions rapides. Je vous remercie donc de votre présence ici.
    Je vais reprendre là où M. Fortin s'est arrêté. Je pourrais peut-être formuler sa question un peu différemment.
    Je crois que, dans la plupart des cas, en Colombie-Britannique en tout cas, si un barreau sanctionne un avocat et que la plainte est valable — ou fondée, si vous voulez —, des frais sont souvent imputés à celui‑ci. Je ne sais pas si c'est ce que mon collègue voulait dire, mais, à ce que je sache, on n'a pas envisagé cette mesure en l'occurrence.
    Cela vous semblerait‑il indiqué dans les circonstances?
    Merci de cette précision.
    Je peux commenter le projet de loi proposé et le fait qu'il n'est pas nécessaire d'y prévoir toutes les étapes administratives. Certaines pratiques et procédures des tribunaux administratifs, où serait soulevée plus logiquement votre question, s'inscrivent peut-être mieux dans un processus administratif.
    L'ABC a pris position au sujet du projet de loi proposé. Comme cette idée n'y est pas abordée, je ne peux pas en dire plus. Mais les étapes n'y sont effectivement pas toutes prévues dans le détail.
    Merci. Je crois comprendre où vous voulez en venir.
    Nous sommes souvent enclins à comparer. Par exemple, la sanction imposée à l'avocat comprend souvent une amende. Que je sache, on n'en parle pas non plus dans le projet de loi, et je suppose que, si je vous posais la question, votre réponse serait la même.
    Oui, monsieur, en effet.
    Merci.
    Puis‑je vous poser une question sur la transparence en général? C'est vraiment un enjeu important. Ce principe est évidemment au cœur de la primauté du droit. De façon générale, il y a bien sûr le principe des audiences publiques et, à mon avis, la transparence doit y être sacro-sainte.
    Estimez-vous que le projet de loi C‑9 est suffisamment transparent, pas assez transparent ou trop transparent? Qu'en pensez-vous?

  (1610)  

    C'est une question intéressante. Je crois que le changement visant à inclure des profanes dans les comités d'audience ajoute beaucoup de transparence au processus. La possibilité d'entendre le point de vue de la population est précieuse à cet égard. Les audiences publiques sont des audiences publiques et elles garantissent effectivement une certaine transparence.
    Je crois que le projet de loi C‑9 vise à instaurer cet équilibre entre les questions de moindre importance qui ne nécessitent pas absolument d'être rendues publiques parce qu'elles peuvent être traitées par le processus d'examen préalable, d'une part, et les questions de plus grande importance qui engagent un processus administratif plus formel avec processus d'audience, d'autre part. À mon avis, la participation de la population — des membres profanes — est notamment une mesure supplémentaire précieuse.
    Il me reste environ 45 secondes, alors je vais vous poser une question très brève.
    Vous travaillez quotidiennement dans ce domaine. Vous siégez probablement à toutes sortes de comités — cela fait partie des fonctions de votre poste. Avez-vous l'impression que l'on a mené suffisamment de consultations sur ce projet de loi?
    Il vous reste 30 secondes.
    Merci.
    Il est intéressant de constater que ce projet de loi a été présenté il y a presque un an. Pendant cette période, tous les grands organismes juridiques, si je peux m'exprimer ainsi, ont été consultés. Je suis certaine que de nombreux membres du public ont eu l'occasion d'y participer aussi. Je crois que la consultation sur ce projet de loi a été très rigoureuse.
    L'Association du Barreau canadien a eu l'occasion de faire connaître son point de vue et d'apporter sa contribution. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    À mon avis, l'ampleur de cette consultation reflète l'importance de cet amendement.
     Merci.
    Merci, monsieur Caputo.
    Nous passons maintenant à M. Naqvi, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue, madame Maharaj. Vous avez répondu à toutes ces questions de façon très réfléchie, et je vous en remercie.
    J'aimerais revenir sur votre dernier commentaire. Vous avez raison, le projet de loi a été déposé il y a assez longtemps, et les gens ont eu l'occasion de l'examiner et de réfléchir à ce qu'il contient.
    À votre avis personnel ou au nom de l'Association du Barreau canadien, après avoir examiné ce projet de loi en détail, pensez-vous qu'il répond vraiment aux préoccupations sur l'équité, l'ouverture et la transparence du système pour traiter de problèmes liés à la conduite des juges?
    Oui, l'Association du Barreau canadien appuie ce projet de loi. Nous l'appuyons parce que nous estimons qu'il a franchi toutes les étapes et qu'il établit un équilibre entre le respect du besoin qu'a le public de faire confiance à la magistrature et la capacité et le droit qu'ont les juges de se défendre dans le cadre d'un processus juste et transparent. Oui, nous le pensons.
    Merci.
    Pendant que nous délibérons sur ce projet de loi particulier, je suis d'avis — et j'ai déjà présenté ma position devant ce comité — qu'un processus entourant la conduite des juges est assez spécial, contrairement à d'autres processus administratifs de règlement des différends judiciaires, d'autant plus qu'il s'agit de la magistrature.
    Le maintien et la protection de l'indépendance de notre magistrature reposent sur un principe très important. Tout système bien conçu doit inspirer, renforcer et favoriser la confiance du public à l'égard d'un processus judiciaire indépendant.
    Selon vous, l'Association du Barreau canadien estime‑t‑elle que le projet de loi C‑9, dans sa forme actuelle, atteint cet objectif important?

  (1615)  

    Pour que la magistrature soit solide et fonctionnelle, nous ne devons pas réduire son indépendance judiciaire et sa valeur.
     Ce projet de loi appuie la dualité du rôle de juge dans la mesure où les juges doivent servir et qu'ils s'engagent à servir. Toutefois, s'ils font une erreur, parce qu'ils sont humains eux aussi, nous leur offrons un processus équitable qui examinera leur erreur de conduite.
    Le processus de sélection et ce nouveau processus d'examen établissent un équilibre délicat. Ils accordent aux juges l'occasion de faire face aux plaintes qu'ils reçoivent avec équité et transparence tout en préservant la confiance du public, qui s'attend à ce que les juges répondent de leur inconduite d'une manière appropriée. C'est un équilibre très délicat.
    Ce projet de loi vise cet équilibre, et à notre avis, il y réussit.
    Merci.
    Bien entendu, il faut maintenir et protéger la confiance du public envers l'intégrité du système judiciaire. Vous en avez parlé. L'équilibre à cet égard consiste également à assurer l'équité procédurale et les principes de justice naturelle, autant pour l'intimé que pour le plaignant ou le demandeur.
    L'Association du Barreau canadien a‑t‑elle effectué une analyse pour déterminer si ce projet de loi garantit l'équité procédurale et les principes de justice naturelle? Croyez-vous que ces principes clés sont aussi bien protégés dans ce projet de loi?
     Dans le cadre des diverses consultations menées auprès des membres, des sections et des différents aspects de l'Association du Barreau canadien — notre association est très complexe —, nous avons eu l'occasion de déterminer si les procédures énoncées dans le projet de loi respectaient les principes de justice naturelle et de processus équitable.
    Nous croyons que ce projet de loi est équitable. Il établit un équilibre entre les droits de toutes les parties concernées, soit le juge, le plaignant et le public.
    Nous pensons avoir examiné ce projet de loi de manière équitable. Nous avons eu une bonne occasion de faire connaître notre point de vue. Nous avons compilé la position de l'Association du Barreau canadien — qui regroupe les opinions de ses 37 000 membres —, et l'Association appuie ce projet de loi.
    Merci.
    Merci, monsieur Naqvi.
    Nous allons maintenant passer au troisième tour.
     Monsieur Fortin, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Maharaj, je veux revenir à la question de la médiation, que nous n'avons pas eu le temps d'aborder véritablement au premier tour de questions.
    Bien qu'il puisse évidemment toujours y avoir des discussions sur des règlements, le processus disciplinaire ne prévoit aucun mécanisme de médiation. Est-ce que cela aurait été une bonne idée de prévoir des rencontres formelles de médiation entre le juge qui fait l'objet d'une plainte et des représentants du Conseil canadien de la magistrature pour essayer de trouver une issue négociée au litige?
     À mon avis, les nouvelles dispositions incluses dans le projet de loi C‑9 pourraient inciter les juges à vouloir éviter un procès ou une audition devant le Conseil canadien de la magistrature.
    À votre avis, cela aurait-il été une bonne idée de prévoir un tel mécanisme de médiation?

  (1620)  

[Traduction]

     Je crois comprendre pourquoi j'étais confuse tout à l'heure.
    Je crois, monsieur le président, que M. Fortin pose une question au sujet d'un processus de médiation ou de règlement extrajudiciaire des différends qui pourrait précéder un processus plus formel. J'avais entendu le mot « médiatisation », qui m'a fait penser aux médias et à la publication.
    Je crois que vous avez raison. Je crois que l'interprète a prononcé l'a prononcé ainsi.
    Allez‑y.
    Merci.
    Le règlement extrajudiciaire des différends n'est pas une obligation prévue dans le projet de loi C‑9. Je ne pense pas y voir quoi que ce soit qui empêcherait de discuter d'un mode alternatif de règlement des différends ou d'un mode de règlement par médiation pour la première étape, surtout au niveau de la sélection des plaintes.
    Dans les cas d'inconduite grave qui pourrait entraîner une révocation, je ne sais pas si toutes les parties concernées accorderaient de l'importance à la médiation, alors je ne peux pas vraiment faire d'observations à ce sujet.
    Je ne vois pas dans le projet de loi une exigence ou une possibilité de médiation obligatoire, mais cela n'empêche pas d'appliquer cette pratique ou cette procédure à un niveau plus administratif.

[Français]

    Merci, madame Maharaj.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Le dernier intervenant est M. Garrison, pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Lors de notre première séance d'étude de ce projet de loi, une question avait été soulevée sur la divulgation des motifs de renvoi à un comité d'examen et sur le raisonnement juridique que suivrait ce comité d'examen pour parvenir à une conclusion.
    À l'heure actuelle — et il semble que le projet de loi C‑9 ne changerait rien à cela —, les plaignants ne reçoivent qu'un résumé des motifs. On ne leur remet pas le raisonnement juridique. On a répondu qu'ils ne peuvent le voir que s'ils déposent, à titre de plaignants, une demande de contrôle judiciaire. Cette procédure coûte cher, mais elle permet de remettre automatiquement le raisonnement juridique aux plaignants.
    Quelqu'un a suggéré que nous amendions le projet de loi C‑9 pour que les motifs soient divulgués plus tôt. En fait, cela pourrait inciter les plaignants à ne pas demander un contrôle judiciaire, puisqu'à l'heure actuelle, ils sont obligés de le demander pour voir les motifs.
    Je me demande ce que l'Association du Barreau canadien pense de ce paradoxe — je ne sais pas vraiment comment appeler cela —, qui empêche les plaignants qui veulent un contrôle judiciaire d'en connaître les motifs tant qu'ils n'ont pas déposé la demande.
     Merci.
    C'est la définition d'un paradoxe.
    L'Association du Barreau canadien croit que le plaignant obtient un résumé des motifs. C'est ce que prévoit actuellement le projet de loi.
    Est‑il possible d'obtenir une divulgation plus rapide ou plus détaillée? Peut-être. Cependant, l'Association du Barreau canadien a jugé que cela ne serait pas nécessaire à ce stade‑ci. Ce n'est pas non plus ressorti dans les commentaires de la consultation. Cela n'a pas semblé assez important pour que l'on ajoute cette obligation au projet de loi.
    À votre avis, le Conseil canadien de la magistrature pourrait‑il exiger une divulgation plus rapide dans ses propres normes internes en vue d'un contrôle judiciaire? Autrement dit, serait‑il possible que cela se produise sans que la loi ne le prévoie?
     Votre question est très intéressante. Malheureusement, je n'ai pas de réponse à vous donner. Il faudrait que je connaisse mieux les processus administratifs internes du Conseil canadien de la magistrature pour vous donner une réponse complète.
    Je comprends.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Garrison.
    Merci, madame Maharaj. Je tiens à vous remercier d'être venue témoigner. Votre témoignage nous est très utile, et nous vous avons posé beaucoup de questions. C'était excellent.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes pour nous préparer à accueillir le prochain groupe de témoins. Je demanderai aux prochains témoins de s'installer en avant et aux personnes qui participent par Zoom de faire vérifier leur système audio.
    La séance est suspendue.

  (1620)  


  (1635)  

     Nous reprenons maintenant la séance pour la deuxième partie.
    Nous entendrons, à titre personnel, M. Christopher John Budgell. Je suis également heureux d'accueillir Mme Pamela Forward, qui l'aidera en raison de sa déficience auditive. Bienvenue, madame Forward. Dites-nous si vous avez besoin de quoi que ce soit pendant la réunion. Notre greffier se fera un plaisir de vous aider.
    Chers collègues, lorsque vous posez des questions, veuillez les énoncer clairement, car M. Budgell m'a dit qu'il n'utilisera pas le micro de l'audience. Nous vous accorderons un peu plus de temps, au besoin, pour expliquer cela.
    Nous accueillons également Mme Karine Devost, conseillère juridique principale du Conseil national des musulmans canadiens, ou CNMC. Bienvenue, madame. Avec vidéoconférence, nous aurons Mme Nneka MacGregor, directrice générale du Women's Centre for Social Justice.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Budgell pour cinq minutes, puis nous passerons aux deux autres témoins. Ensuite, il y aura des tours de questions.
    Monsieur Budgell, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Je vais simplement lire ma déclaration préliminaire. J'espère qu'elle est assez brève pour que je dispose d'un peu plus de temps.
    D'après le document que j'ai pu consulter jusqu'à maintenant, il semble que je sois le premier témoin, et peut-être le seul que le Comité ait entendu qui ne travaille pas au sein du système. Je remarque que vous avez entendu quelques autres témoins à titre personnel, comme le professeur Craig Scott et le professeur Richard Devlin, qui vous disent des choses que vous n'avez pas entendues de la part de L'hon. David Lametti, ministre de la Justice, et de son personnel.
    Je suis ici uniquement parce que j'ai décidé de venir. Où sont les autres personnes qui parlent au nom du public?
    Je sais que vous n'avez entendu aucun des juges qui sont assujettis à la Loi sur les juges ou qui l'étaient avant leur retraite.
    Mon but principal, en parlant du projet de loi C‑9, est de souligner qu'il ne devrait pas être adopté parce qu'il ne peut pas être corrigé.
    J'ajouterai même que vous, les membres de ce comité, avez une occasion en or. Le dialogue propre à l'établissement juridique, dont une bonne partie est accessible au public, témoigne du fait que le système de justice du Canada est en crise. Je devrais peut-être dire que les systèmes de justice sont en crise, car il y a de nombreux éléments en jeu.
    Si vous recommandez maintenant à la Chambre des communes d'adopter le projet de loi C‑9 et de l'envoyer au Sénat, vous aurez raté une occasion précieuse. Le Conseil canadien de la magistrature illustre parfaitement la crise ou les crises auxquelles l'établissement juridique fait face. Ce navire que pilote l'établissement juridique doit faire demi-tour afin de faire face au vent. Vous avez maintenant l'occasion de lui faire faire demi-tour.
    Le compte rendu public du dialogue que l'établissement juridique tient avec lui-même démontre qu'une préoccupation majeure, sinon sa préoccupation principale, est l'effet qu'ont ces crises sur les avocats, et même sur les juges. Je peux vous en mentionner deux sources, soit The Lawyer's Daily, une excellente publication qui sert la profession juridique depuis des années, et le blogue slaw.ca. On y lit de nombreux articles sur les pressions que subissent les avocats et les juges. Ces pressions causent un tel stress qu'ils succombent souvent à la dépression et même, selon leurs aveux, à la maladie mentale.
    On s'inquiète beaucoup moins des répercussions qu'ont ces problèmes systémiques sur les plaideurs, particulièrement sur ceux d'entre nous qui sont obligés de se représenter eux-mêmes.
    À ce sujet, je tiens à mentionner deux membres du milieu juridique. Il s'agit du juge Yves-Marie Morissette de la Cour d'appel du Québec et de M. Donald J. Netolitzky qui, dans son rôle d'employé des cours supérieures de l'Alberta, porte le titre curieux de complex litigant management counsel. Je dirais qu'ils s'occupent de monter une thèse sur ce qu'ils aiment appeler les « plaignants récriminateurs », une version extrême de ce qu'on appelle habituellement les « plaideurs quérulents ».
    Le juge Morissette n'a pas inventé l'expression « plaideurs quérulents ». Il a assisté à un congrès international à Prato, en Italie, en 2006. Par la suite, il a présenté, lors d'une réunion de l'Association canadienne des avocats d'employeurs, un exposé intitulé Querulous and Vexatious Litigants as a Disorder of a Modern Legal System.
    L'Association canadienne des avocats d'employeurs a affiché une copie de ce discours sur son site Web. Dès que j'ai trouvé ce document et que j'ai commencé à le commenter publiquement, l'Association l'a retiré. On en trouve actuellement une copie au site Web d'une entité appelée ProQuest. Je suis parvenu à y accéder de temps en temps, mais pas toujours, car il semble qu'il faille s'y abonner. J'ai joint une copie du document que j'avais sauvegardée.
    M. Donald Netolitzky s'est inspiré de la thèse originale du juge Morissette et il continue de le faire. Évidemment que ces deux hommes ne prétendent pas que tous les plaideurs qui se représentent eux-mêmes sont récriminateurs ou quérulents, mais ce sont ceux‑là qui retiennent leur attention.
    Je m'intéresse à cela, parce que mes propres antécédents en matière de litiges correspondent à la description qu'ils font des plaignants récriminateurs, alors je comprends leurs intentions.

  (1640)  

     Je viens de trouver le programme d'une réunion qui a eu lieu en mai dernier et au cours de laquelle M. Netolizky a présenté une autre version de sa thèse intitulée The Responsibility of the Tribunal to Accommodate Users with Mental Health Issues. Vous la trouverez sur le site Web de Donald Netolizky...
    Je n'ai plus de temps? D'accord. Je m'arrête alors.
    Merci, monsieur Budgell. J'espère que vous pourrez présenter le reste de votre déclaration en répondant aux questions.
    Nous entendrons maintenant Mme Karine Devost, du Conseil national des musulmans canadiens.

[Français]

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.

[Français]

    Mon nom est Karine Devost.

[Traduction]

    Je suis la conseillère juridique principale du Conseil national des musulmans canadiens. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous présenter nos recommandations sur le projet de loi C‑9, Loi modifiant la Loi sur les juges.
    Nous tenons à affirmer dès le début que nous appuyons les objectifs de ce projet de loi et de la loi en général. Les réformes proposées à la Loi sur les juges visent à renforcer la capacité qu'a le Conseil canadien de la magistrature de répondre efficacement à toutes les allégations d'inconduite judiciaire formulées contre les juges de nomination fédérale, et non uniquement aux cas très graves qui pourraient justifier leur révocation.
     Nous appuyons l'adoption du projet de loi C‑9, mais nous voulons proposer deux amendements ciblés qui, selon nous, amélioreront cette mesure législative.
    Nous sommes venus vous présenter deux recommandations bien précises. La première concerne le lobbying. La deuxième amenderait le libellé du paragraphe 90(3) proposé pour en étendre la portée. Je l'expliquerai plus tard.
    Tout d'abord, nous recommandons d'amender l'article 80 proposé pour y ajouter un alinéa 80c) avec le libellé « lobbying direct ou indirect », puis de modifier les alinéas c) et d) proposés pour qu'ils deviennent les alinéas d) et e).
    Nous recommandons cet amendement pour que les motifs ou les intentions des activités de lobbying d'un juge ne soient pas laissés à l'interprétation, ce qui mène très souvent à des résultats différents. Je peux vous donner deux exemples.
    Dans une décision récente de la Cour fédérale, les plaintes alléguaient que le juge David Spiro, de la Cour de l'impôt, participait activement aux activités d'un groupe de pression qui tentait d'influencer le processus de nomination d'un professeur de l'Université de Toronto dont les opinions allaient à l'encontre de celles de ce groupe. L'honorable juge Kane, de la Cour fédérale, était d'accord avec la commission d'examen du Conseil canadien de la magistrature, qui avait déterminé que le juge Spiro s'était conduit de manière inappropriée, mais que sa conduite n'était pas suffisamment grave pour imposer la sanction ultime pour inconduite judiciaire. Cette affaire n'a pas fait l'objet d'une audience en bonne et due forme.
    D'un autre côté, nous avons le cas du juge McLeod, ici à Ottawa, qui collaborait avec un organisme sans but lucratif préconisant une réforme sociale et juridique pour un certain groupe. Dans cette affaire, la commission d'examen a déterminé que le juge McLeod s'était livré à des activités de défense des droits et de lobbying inadmissibles, et son affaire a fait l'objet d'une audience en bonne et due forme relativement aux plaintes.
    Notre amendement vise à uniformiser la loi afin qu'elle ne laisse aucune place à l'interprétation. Que l'intimé soit accusé de lobbying actif ou de transmettre subtilement des courriels qui contiennent une position sur une question politique, comme dans le cas du juge Spiro, la plainte sera automatiquement soumise à une audience. Cela évitera des interprétations différentes de la même loi, ce qui, comme nous l'avons vu dans les cas que j'ai illustrés, a donné des résultats différents.
    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous cherchons également à modifier le paragraphe 90(3) proposé en étendant la portée de l'inconduite interdite qui empêcherait l'agent de contrôle de rejeter une plainte. Dans l'état actuel des choses, une inconduite grave qui peut justifier la tenue d'une audience, mais qui ne satisfait pas au critère de la discrimination ou du harcèlement sexuel peut être rejetée.
    Comme la plupart des avocats, nous applaudissons la décision prise par le Conseil canadien de la magistrature de révoquer le juge Robin Camp. Toutefois, nous craignons qu'une inconduite comme celle de ce juge ne soit rejetée parce qu'elle ne constitue pas nécessairement du harcèlement sexuel ou de la discrimination. Le cas du juge Spiro illustre mieux notre préoccupation, à savoir qu'un agent de contrôle peut rejeter une plainte légitime parce qu'à première vue elle ne semble pas discriminatoire.

  (1645)  

     C'est pourquoi il est nécessaire, du moins à l'étape de la sélection initiale, d'appliquer un libellé plus vaste qui englobe l'inconduite qui n'est pas directement discriminatoire, mais qui risque quand même de miner la confiance du public envers la magistrature et de remettre en question l'impartialité d'un juge.
    Merci.
    Merci, madame Devost.
    Nous allons maintenant entendre Mme MacGregor, du Women's Centre for Social Justice, pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les vice-présidents et les membres du Comité.
    Je tiens d'abord à souligner que je participe à cette audience par Zoom depuis ma maison, qui est située sur des terres autochtones, le territoire traditionnel de nombreux peuples autochtones de ce pays, notamment les Mississaugas de Credit, les Anishinabe, les Chippewas, les Haudenosaunee et les Wendat. De nombreuses Premières Nations, des Inuits et des Métis y vivent. Mon travail se fait en solidarité avec eux, en particulier avec les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones, qui sont la cible d'un racisme systémique continu.
    Mon exposé d'aujourd'hui porte sur notre responsabilité collective de veiller à ce que ce nouveau processus assure un accès équitable à la justice.
    Je m'appelle Nneka MacGregor et je tiens à remercier ma collègue, Mme Maya Roy, qui est coauteure de ce mémoire. Je suis cofondatrice et directrice générale de notre ONG. Nous menons dans tout le Canada des activités de défense personnelle et sociale visant à éradiquer la violence faite aux femmes, aux personnes qui s'identifient comme femmes, aux personnes bispirituelles et aux personnes qui s'identifient comme transgenres. À titre d'organisme créé par des survivants et pour les survivants, nous présentons nos expériences communes pour modifier les perceptions du public.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui. Mon exposé portera principalement sur l'article 84 proposé, qui traite de la diversité. Nous suggérerons des façons et des possibilités de combattre, grâce à ce projet de loi, les préjugés systémiques et individuels fondés principalement sur la race et sur le sexe. Nous cherchons ainsi à prévenir d'autres préjugés afin qu'ils ne nuisent pas à l'intégrité des processus proposés dans ce projet de loi.
    Je tiens à souligner l'importance cruciale de persister à éduquer tous les membres de la magistrature pour qu'ils comprennent et qu'ils combattent la violence fondée sur le sexe. Il est également crucial de les éduquer sur le racisme et sur les préjugés contre les Noirs et les Autochtones. Cette formation devrait être imposée à toutes les personnes responsables d'appliquer cette loi de quelque manière que ce soit.
    Dans le cadre de son travail auprès des survivantes de violence sexospécifique, mon organisme reçoit fréquemment des rapports sur la façon dont les systèmes judiciaires traumatisent à nouveau les survivantes qui cherchent à obtenir justice. Par exemple, dans le cadre de l'étude que nous avons menée en 2019 auprès de survivantes de violence sexospécifique dans l'ensemble des collectivités, nous avons documenté des récits de préjugés fondés sur des stéréotypes sexuels et raciaux. Nous avons souligné les répercussions que les survivantes subissent en suivant le processus judiciaire criminel, souvent même à cause d'affirmations abominables venant des juges.
    Par exemple, une femme du comté de Renfrew nous a dit que le processus judiciaire est presque plus traumatisant que l'incident de violence même. Elle nous a dit qu'elle s'était retrouvée à l'hôpital à cause du tribunal.
    Il est également impératif que la magistrature et les autres parties chargées de différentes fonctions en vertu des dispositions proposées aient une compréhension démographique fondée sur des données probantes. Il faut qu'elles comprennent bien les répercussions qu'ont l'oppression systémique et les violations des droits de la personne sur les pratiques de détermination de la peine.
    Dans la réalité démographique actuelle du Canada, les Noirs et les Autochtones sont surreprésentés dans les prisons. Par exemple, Statistique Canada a calculé qu'un adulte sur six admis en détention appartient à un groupe de minorité visible. Nous savons que ces populations n'ont pas une plus grande tendance au comportement criminel que leurs homologues blancs, mais la raison de leur surreprésentation...
    Madame MacGregor, pourriez-vous ralentir un peu? Les interprètes ont un peu de mal à suivre votre discours, alors ralentissez un peu.

  (1650)  

     Toutes mes excuses.
    Nous savons que ces populations n'ont pas une plus grande tendance au comportement criminel que leurs homologues blancs, mais leur surreprésentation est, je le répète, attribuable au racisme systémique et à la caractérisation pathologique.
    Je tiens à souligner que je ne préconise pas l'endoctrinement idéologique des juges. Notre recherche a plutôt démontré l'importance de cerner les préjugés systémiques dans le système juridique ainsi que les répercussions différentes que vivent les titulaires de droits qui s'efforcent d'accéder à la justice conformément à leurs droits garantis par la Charte.
    Il est important que le Comité intègre le cadre intersectionnel élaboré par la juriste noire Kimberlé Crenshaw. Elle a publié de nombreux ouvrages soulignant l'importance d'éclairer les processus judiciaires d'une compréhension nuancée et fondée sur des données probantes des préjugés et des inégalités sociales que vivent les personnes qui ont des droits, mais qui subissent des attaques racistes et sexospécifiques.
    On a observé cette intersectionnalité dans de nombreuses compétences anglophones de common law. De plus, les chercheurs ont documenté le fait que tous les processus juridiques canadiens sont imprégnés de préjugés et de mythes, surtout pendant les procès et la détermination de la peine.
    Comme l'a fait remarquer la juriste et historienne Constance Backhouse, on constate une « culture professionnelle de la blancheur » dans la profession juridique canadienne. Les juges sont donc mal équipés pour traiter les allégations de racisme. Des mythes inexacts et dégradants entraînent la criminalisation systémique des Canadiens noirs, autochtones et racisés et compromettent nos droits garantis par la Charte.
    J'invite le Comité à examiner les recommandations suivantes. Je pense qu'il est important que le mécanisme de plaintes anonymes proposé demeure, car les déséquilibres de pouvoir entre la magistrature et les profanes le rendent essentiel.
    Je pense que les membres de la magistrature, les membres des commissions d'examen et les agents de contrôle devraient suivre une formation obligatoire pour acquérir des connaissances et des compétences techniques solides au sujet des préjugés fondés sur le sexe et sur la race ainsi que sur l'intersectionnalité. Il faut qu'ils découvrent la sensibilité culturelle et l'humilité que les aînés et les gardiens du savoir autochtones enseignent. Il est important qu'ils reçoivent une formation sur les différents traumatismes et que le processus de traitement des plaintes soit fondé sur la responsabilisation transformatrice et sur les principes de la justice.
    Il est également important de veiller à ce que la commission d'examen soit indépendante, impartiale et représentative et que ses membres divulguent tout conflit d'intérêts perçu ou réel à l'égard du plaignant. Puis, pour veiller...
    Merci.
    Pardonnez-moi. Si vous voulez terminer votre phrase, allez‑y.
    Oui, pour veiller à la diversité des représentants qui siègent à la commission d'examen.
    Merci, madame MacGregor.
    Nous allons commencer notre première série de questions avec M. Brock, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont ici en présentiel et en ligne. Votre participation est appréciée et très précieuse pour nous. Je vous en remercie.
    J'aimerais informer tous nos témoins que ce projet de loi sera adopté. Il reçoit le consentement et l'approbation de tous les membres du Comité. Je porte cela à votre attention, parce que je vais poser mes premières questions à vous, monsieur Budgell, et j'ai écouté très attentivement votre déclaration préliminaire.
    Vous avez dit que le système de justice est en crise et que le projet de loi C‑9 ne peut pas être corrigé et ne devrait pas être adopté. J'ai fait un peu de recherche sur vos antécédents, monsieur, et je crois comprendre que le National Post indique que vous êtes un citoyen qui s'est donné pour tâche de surveiller le Conseil canadien de la magistrature.
     Je crois comprendre que, dans l'un de vos billets de blogue, vous avez indiqué que le Parlement a une occasion unique de créer une entité entièrement indépendante de la magistrature et de l'exécutif pour recevoir les plaintes et décider comment y répondre. Selon vous, c'est la bonne solution et cela a toujours été le cas. À votre avis, le problème fondamental du Conseil canadien de la magistrature réside dans le fait que les juges ne peuvent pas juger des juges.
    Je suppose, monsieur, que vous maintenez toujours cette position.

  (1655)  

    Est‑ce que je maintiens cette position?
    Oui.
    Bien sûr, et je pourrais même aller plus loin.
    Eh bien, je vais vous donner l'occasion de le faire, parce que je sais que vous avez manqué de temps. En fin de compte, je sais que ce projet de loi sera adopté et recevra la sanction royale sous peu, mais je voudrais entendre votre avis à ce sujet. Avez-vous une opinion ou des suggestions à nous faire pour que nous puissions envisager d'apporter des amendements à ce projet de loi afin de le rendre un peu plus solide ou plus approprié?
    Est‑il encore possible d'y apporter des amendements?
    Oui.
    Comme tous les gens qui sont dans ma situation, je m'inquiète de ce qui se passe au tout début du processus.
    Le directeur exécutif et l'avocat général doivent suivre un « processus de sélection ». Je ne sais pas combien de plaintes sont rejetées à ce moment‑là. Je sais que la mienne l'a été. En fait, c'était ma deuxième plainte. J'en avais envoyé une avant celle‑ci. Le processus s'arrête là pour la majorité des gens.
    À l'heure actuelle, il y a deux étapes de sélection. Je m'attends à ce qu'il y en ait deux, si le projet de loi C‑9 est adopté. Il s'agit...
    Je suis désolé. Mon temps est limité. Je suis désolé de vous interrompre.
    Avez-vous des recommandations ou des amendements à proposer pour renforcer ce projet de loi?
    Me demandez-vous de recommander des amendements?
    Recommandez-vous des façons d'améliorer ce projet de loi?
    Oui et non. J'affirme qu'on ne peut pas l'améliorer.
    Si vous voulez l'améliorer, éliminez‑le... La solution que je souhaite vraiment, c'est que la sélection ne soit pas effectuée par le Conseil canadien de la magistrature.
    D'accord. Merci, monsieur.
    Je vais m'adresser à Mme Devost. J'ai également fait quelques recherches sur votre parcours.
     J'ai suivi l'affaire du juge David Spiro dans les médias dès qu'elle a été portée à notre attention. Même si le Conseil canadien de la magistrature a refusé de blâmer le juge pour non pas une, mais plusieurs plaintes concernant cette décision, le juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, M. Rossiter, a promis que ce juge ne serait affecté à aucune affaire où seraient présents des plaideurs ou des avocats d'origine islamique.
    Est‑ce toujours le cas?
    Je pense que cette décision ne s'est appliquée que temporairement. Je crois qu'il a maintenant repris toutes ses fonctions. Il peut entendre ces affaires.
    Je voudrais toutefois vérifier. Je pourrai peut-être communiquer cette réponse à votre bureau.
    J'avais cru comprendre que c'était temporaire, mais le juge a été...
    J'ai l'impression que, dans l'ensemble, vous appuyez le projet de loi. Vous avez recommandé quelques amendements.
    Vous avez peut-être manqué de temps pour aller au bout de ce que vous expliquiez dans votre exposé liminaire. Je vous cède mes 25 dernières secondes pour que vous terminiez.
    Je voulais vous donner une idée de l'amendement.
    Le paragraphe 90(3) proposé se lirait ainsi: « L'agent de contrôle ne peut rejeter une plainte pour inconduite sexuelle ou pour inconduite liée à un motif de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. »
    Nous supprimons la notion de « discrimination » et ajoutons celle d'« inconduite ». Nous élargissons ainsi le libellé de cette disposition.
    Merci.
    Monsieur le président, il doit me rester 10 secondes.
    La parole est à vous, madame MacGregor. J'ai l'impression que vous avez manqué de temps également. En 10 secondes ou moins, pouvez-vous terminer vos réflexions?
    Je voulais proposer que le projet de loi C‑9 prévoie des dispositions plus conséquentes sur la formation culturelle pour tous ceux qui participent au processus, et que la formation porte non seulement sur la race, mais aussi sur le genre.
    Je remarque que l'article 84 proposé porte sur la diversité, mais l'essentiel de notre argument est que le simple fait de dire que nous faisons tout notre possible pour respecter la diversité ne suffira pas à éradiquer le racisme systémique qui est ancré dans le système judiciaire.

  (1700)  

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Brock.
    Nous passons maintenant à M. Naqvi. Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans la même voie que M. Brock, que je remercie.
    Je m'adresse d'abord à Mme Devost. Vous avez parlé du libellé que vous proposez pour l'article 90. Pouvez-vous expliquer votre raisonnement? Pourquoi, au nom du Conseil, proposez-vous que la portée du libellé soit élargie?
     Parce que, si une plainte est déposée et qu'il ne s'agit pas de discrimination directe, l'agent de contrôle risque de donner de cette disposition une interprétation littérale. Par conséquent, s'il ne s'agit pas de harcèlement sexuel ou de discrimination, la plainte risque d'être rejetée, même si elle peut être légitime parce que le comportement peut sembler discriminatoire. L'affaire du juge Spiro en est l'exemple parfait.
    À première vue, lorsque la plainte est déposée, il peut sembler qu'il n'y a pas de discrimination, mais, au fur et à mesure qu'avance le processus de plainte, la conduite du juge peut donner à penser qu'il y a discrimination. C'est pourquoi nous voulons nous assurer, en élargissant la portée du libellé, que ces plaintes qui pourraient être rejetées ne le seront pas.
    Je regarde le libellé de la disposition. Vous êtes d'avis que le libellé actuel n'est pas suffisamment large pour donner la latitude voulue à l'agent de contrôle.
    Non, aucunement. Nous croyons que si un agent de contrôle examine... Par exemple, si la plainte est déposée — prenons le cas du juge Spiro —, vous savez, le simple fait de communiquer des courriels, de s'ingérer dans le processus d'embauche d'une université ne semble peut-être pas discriminatoire en soi, mais la conduite du juge l'est.
    C'est la conduite, l'acte, qui vous préoccupe.
    Exactement. Il s'agit de la conduite. Si nous laissons la disposition telle qu'elle est actuellement, l'agent de contrôle pourrait rejeter la plainte en se disant qu'il n'y a pas eu discrimination.
    Ensuite, en ce qui concerne l'article 80, vous proposez simplement d'ajouter le mot « lobbying ».
    Nous proposons « lobbying direct ou indirect ».
    La question de la définition de « lobbying » surgit donc, et je suppose que votre proposition serait...
    Aussi minime que puisse être le lobbying, il relève de cette catégorie et fait l'objet d'une audience.
    En ce moment, c'est le comité d'examen qui dit ce qu'est le lobbying. Il examine ce que fait le juge et qualifie le comportement. Par exemple, dans le cas du juge Spiro, le comité a estimé que le juge exprimait une préoccupation, qu'il ne faisait pas vraiment de lobbying actif, même s'il s'agissait en fait de lobbying.
    Voilà pourquoi il faut ajouter « lobbying direct ou indirect », afin que, aussi minime semble‑t‑il — je n'aime pas utiliser ce terme —, l'acte soit considéré comme du lobbying et qu'il fasse l'objet d'une audience. Le comité d'examen étudie maintenant deux cas différemment. Il examine la même loi, mais il l'interprète différemment. En ajoutant « lobbying direct ou indirect », nous assurons l'uniformité; on ne s'en remet pas à l'interprétation.
    À l'exception de ces deux propositions, de ces deux amendements que vous préconisez, ai‑je raison de supposer que, pour le reste, le Conseil appuie le projet de loi C‑9 et estime qu'il améliore le processus d'examen de la conduite des juges?

  (1705)  

    C'est un travail en cours d'élaboration. C'est pourquoi nous sommes là. L'objectif du projet de loi nous convient. Je crois que d'autres témoins ont parlé de la transparence et de la communication des documents. Nous sommes d'accord là‑dessus également, mais nous nous concentrons aujourd'hui sur les deux amendements que nous proposons.
    Merci.
    Madame MacGregor, je m'adresse maintenant à vous, et j'en viens à votre proposition concernant l'article 84, celui dont vous avez parlé. Toutefois, à l'exception de cette préoccupation particulière ou de cette amélioration du libellé que vous souhaitez, j'en conclus que vous et votre organisation appuyez le projet de loi C‑9 et le mécanisme d'examen de la conduite des juges qui y est proposé.
     En principe, oui.
    D'accord, excellent. Merci.
    Pour ce qui est de l'article 84, qui porte sur la diversité, vous êtes d'avis que le libellé est un bon point de départ et qu'il faut apporter des améliorations. Si j'ai bien compris, vous parliez plutôt de la formation des membres des comités d'examen, souhaitant qu'ils reçoivent une formation sur les préjugés inconscients et le racisme systémique, sur des questions importantes comme celles‑là.
    Soyez très brève, madame MacGregor.
    C'est exact. Une partie de la difficulté consiste à savoir qui a accès au processus de plainte, qui peut en déposer une. Il faut comprendre que les femmes noires et autochtones, qui sont systématiquement victimes de discrimination, sont parmi les dernières personnes à croire qu'elles ont une voix, qu'elles peuvent porter plainte contre un juge, étant donné les préjugés inhérents, le racisme et la discrimination auxquels elles font face, vu l'intersectionnalité du sexe et de la race.
    Pour nous, cela va au‑delà de la formation; il s'agit plutôt d'un changement de culture.
    Merci.
     Merci, monsieur Naqvi.
    Nous allons maintenant passer à M. Fortin. Vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Devost, vous parliez tantôt de lobbying. Je ne suis pas certain de vous suivre. Je comprends qu'il faut cesser de distinguer le lobbying direct du lobbying indirect, mais de quel lobbying parle-t-on exactement? Quel genre de lobbying nuisible craignez-vous qu'un juge puisse faire? Pourriez-vous nous donner quelques explications?
    D'accord.
    Je parle des cas où un juge utilise sa position pour faire du lobbying.
    Prenons l'exemple du juge David E. Spiro, anciennement affilié à l'Université de Toronto et ancien président d'un lobby. Ce juge, à la demande de quelqu'un, a appelé l'Université de Toronto pour influencer le processus d'embauche d'une candidate.
    Êtes-vous au courant de cette affaire?
    Non, je ne la connais pas.
    D'accord.
    Je vais donc faire un bref rappel...
    Je comprends ce que vous voulez dire: il est intervenu dans un processus de nomination, à l'Université de Toronto.
    Exactement.
    La candidate retenue pour le poste avait toutes les aptitudes requises pour l'occuper. Après que le juge a appelé l'Université de Toronto, tout est tombé à l'eau pour elle. Le juge a donc exercé une forme de lobbying.
    Quand la plainte a été déposée, le vice-président a déterminé qu'il y avait crainte de partialité et que, pour cette raison, le processus devait se poursuivre.
    Le lobbying exercé par le juge Spiro a été indirect, contrairement à celui exercé par le juge Donald McLeod, qui a rencontré des ministres et des membres du Parlement pour le compte d'un organisme sans but lucratif. C'est pour cela que nous disons que, même s'il est subtil, du lobbying reste du lobbying.

  (1710)  

    Nous voulons que le projet de loi C‑9 tienne compte de toutes les formes de lobbying pour éviter toute divergence d'interprétation.
    Ai-je répondu à votre question?
    Oui. Je vous remercie.
    En tout cas, cela m'éclaire sur la question du juge Spiro.
    Quand on parle de lobbying, y a-t-il d'autres exemples qui vous viennent en tête? Je comprends que la démarche du juge allait probablement à l'encontre de son devoir de réserve et d'un certain nombre d'autres choses. Dans le cadre de l'amendement que vous proposez, toutefois, pouvez-vous penser à d'autres démarches qui pourraient s'assimiler à du lobbying?
     Si un juge utilise sa fonction pour influencer quiconque, comme pour influencer le policier qui l'arrête, c'est une forme de lobbying.
    Je vous remercie, madame Devost.
    Je sors maintenant un peu du cadre du projet de loi C‑9 pour vous demander si le processus de nomination des juges aurait avantage à être révisé en fonction des différents critères dont nous parlons aujourd'hui ou d'autres critères.
    Selon vous, y a-t-il un intérêt à modifier la façon dont nous procédons pour nommer les juges au Canada?
    Je vous remercie de cette question.
    C'est une bonne question, sur laquelle je ne me suis pas penchée. Si vous le voulez, je peux faire parvenir quelques observations à cet égard à votre bureau.
    Entretemps, ma collègue a peut-être une réponse à vous fournir.
    Merci, madame Devost.
    Madame MacGregor, pouvez-vous m'éclairer à cet égard?
    Par ailleurs, vous êtes d'avis qu'il devrait être possible de déposer des plaintes de façon anonyme. Cependant, ne craignez-vous pas que cela crée des situations où il sera difficile pour un juge ou pour le Conseil canadien de la magistrature de déterminer si la plainte est sérieuse ou non?
    Selon vous, comment pourrions-nous articuler un tel processus?

[Traduction]

     Je vous remercie de cette question.
    Puis‑je répondre à la première question que vous avez posée à ma collègue au sujet du processus de nomination des juges?

[Français]

    Oui, allez-y.

[Traduction]

    Le processus actuel de nomination des juges est imparfait. Une ventilation de la magistrature selon la race montre que le blanc domine largement. Dans un pays comme le Canada, dont la société est diversifiée, la surreprésentation des juges blancs et masculins est révélatrice. Il y a quelque chose qui cloche. D'autres identités, d'autres types de personnes ne sont pas représentés.
    Pourrait‑on changer quelque chose? Absolument. Bien des choses. Je me ferai un plaisir de vous envoyer des recommandations sur la façon de le faire.

[Français]

    Merci, madame MacGregor.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Nous passons maintenant à M. Garrison. Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être parmi nous. Ils ont certainement élargi l'éventail des sujets abordés. C'est important.
    Je m'adresse d'abord à vous, madame Devost. Nous avons beaucoup parlé de la recommandation sur le lobbying, mais l'autre recommandation concerne le paragraphe 90(3). Comment se fait‑il que vous ayez remarqué cette disposition? À cause de quelle expérience? À cause des cas très médiatisés de plaintes rejetées, du nombre de plaintes rejetées à l'étape de la sélection? À cause des deux?
    Je vous remercie de votre question.
    Non, nous voulons simplement assurer l'uniformité. Selon son libellé, la disposition n'est pas limitée, mais elle porte sur deux choses précises; le harcèlement sexuel et la discrimination. Nous estimons que si un agent de contrôle reçoit une plainte qui ne correspond pas à ces deux paramètres — j'ai l'impression de me répéter —, elle sera rejetée. En élargissant la disposition ou la définition, une plainte légitime mais qui ne semble pas l'être, à première vue ou au début du processus, ne sera pas rejetée et suivra tout le processus.
    C'est pourquoi nous nous interrogeons sur cette disposition. Selon nous, il conviendrait d'adopter cet amendement.

  (1715)  

     Je vois où vous voulez en venir. J'essaie de dresser une sorte de parallèle. En tant qu'homme gai, on m'a souvent dit que je n'avais pas fait l'objet de discrimination de la part d'une personne qui ne comprenait pas ce qui s'était réellement passé. Je fais un parallèle. Je pense que c'est là que vous voulez en venir. Parfois, la personne n'a pas d'expérience vécue ou ne comprend pas en détail le fonctionnement de la discrimination. À première vue, quelque chose pourrait ne pas sembler discriminatoire.
    Est‑ce de cela qu'il s'agit?
    Oui, c'est une explication qui a été avancée. Oui, certainement.
    Y en a‑t‑il d'autres ou celle‑ci touche‑t‑elle à l'essentiel?
    Oui, c'est plutôt au cœur du problème.
    Comme je l'ai dit, nous voulons éviter toute interprétation littérale de la disposition par quelqu'un qui, ne comprenant pas ce que peut être un comportement discriminatoire, conclurait qu'il ne s'agit pas de discrimination et rejetterait la plainte.
    D'après ce que je comprends, nous n'avons pas les bons chiffres sur les rejets de plaintes et les motifs de ces rejets. Êtes-vous d'accord pour dire que nous n'avons pas de bonnes données à ce sujet?
    Nous venons d'entendre le témoin nous dire que ses plaintes ont été rejetées dès le départ.
    Hier, je lisais, et j'ai vu que beaucoup de plaintes sont rejetées. C'est ce que j'avais compris: beaucoup de plaintes sont rejetées à l'étape de la sélection.
    Juste.
    Je m'adresse à vous, madame MacGregor, sur le même sujet, la proposition du Conseil national des musulmans canadiens concernant le paragraphe 90(3). Que pensez-vous de la proposition d'élargir le contexte des éléments qui doivent être examinés?
    Je suis tout à fait d'accord.
    Pourriez-vous nous expliquer un peu plus pourquoi vous êtes d'accord?
    Les réponses de la témoin précédente sont très explicites, et je suis tout à fait d'accord. Je n'ai vraiment rien à ajouter. Mme Devost s'est exprimée de façon très éloquente.
    Pensez-vous que votre proposition de formation obligatoire sur le racisme systémique et les préjugés fondés sur le sexe aiderait vraiment à régler le problème des agents de contrôle qui ne comprennent peut-être pas et qui rejettent donc des plaintes?
    C'est un élément vraiment fondamental du travail.
    La difficulté consiste à trouver des formations qui vont amener des changements d'attitude, par opposition à de la formation qui est donnée simplement pour la forme. Le défi pour nous est vraiment de veiller à ce que tous ceux qui participent à ce processus abandonnent leurs préjugés, abandonnent leurs idées préconçues et examinent chaque plainte et le comportement de chaque juge en se disant qu'ils sont là pour protéger les droits, pour appuyer l'accès à la justice, en étant capables de nuance et de compréhension.
    On ne peut pas faire ce travail sans avoir des bases en droits de la personne, sans comprendre ce qu'est le racisme contre les Noirs et les Autochtones, ce qu'est la violence fondée sur le sexe.
    Nous avons certainement constaté une réticence de la part des juges en poste à accepter l'idée d'une formation obligatoire. Par exemple, le projet de loi que nous avons adopté, exigeant une formation, ne s'applique qu'aux nouveaux juges.
     Que pensez-vous de cette objection à la formation obligatoire au motif qu'elle porte atteinte à l'indépendance des juges?

  (1720)  

    Pour être tout à fait honnête, je dirai que c'est ridicule.
    En fait, nous avons beaucoup travaillé avec l'Institut national de la magistrature pour élaborer une formation à l'intention des candidats à la magistrature sur la question de la violence fondée sur le sexe et du racisme. Il y a eu beaucoup de négociations entre nous et la juge Adèle Kent, qui est une ancienne directrice générale de l'Institut, avant que nous ne finissions par obtenir une formation de deux heures, je crois, qui a été enregistrée. La même plainte d'ingérence a été soulevée à de nombreuses reprises.
    Il y a une différence entre l'ingérence et l'éducation à la réalité de la société dans laquelle on vit. Il y a une différence entre l'ingérence et le fait de comprendre que certains ont des préjugés et des œillères, ce qui a une influence sur la façon de rendre justice dans la salle d'audience. Essayer d'amener les gens à ce niveau de compréhension n'a rien à voir avec l'ingérence. Il s'agit de grandir, de faire de la sensibilisation.
    Merci, madame MacGregor.
    Merci beaucoup de cette réponse.
    Merci, monsieur le président.
     Merci, monsieur Garrison.
    Nous passons maintenant à M. Caputo. Cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais reprendre là où M. Garrison s'est arrêté, au sujet de la formation obligatoire. C'est intéressant.
    À propos de la question de la victimisation secondaire, j'ai de solides convictions. Vous l'avez souligné dans votre exposé liminaire. Je ne peux pas vous dire combien de victimes ont dit avoir trouvé le processus judiciaire pire que l'infraction initiale. Ce n'est pas toujours le cas, mais ce processus n'est jamais facile et il est souvent trop lourd. Souvent, il y a des choses comme des ajournements, des recours à l'article 276 du Code criminel parfois présentés tardivement et des ennuis du même ordre.
    Le sujet est très intéressant. La question de la formation vaut plus pour les nominations au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Les juges des cours provinciales s'occupent le plus souvent des petites créances et des affaires soumises aux tribunaux de la famille et aux tribunaux pénaux. Le plus souvent, ils ont exercé le droit pénal ou le droit de la famille. Pour une nomination au niveau fédéral, le candidat a pu être avocat plaidant en droit de la construction, par exemple. C'est peut-être là qu'il a fait sa marque dans sa carrière. Puis, deux mois plus tard, il préside un procès devant jury pour une affaire compliquée d'agression sexuelle.
    Je m'intéresse beaucoup à la question de la victimisation secondaire et je voudrais revenir sur la question de la sensibilisation et de l'éducation permanente.
    Êtes-vous d'accord pour dire que nous commençons tout juste à comprendre comment les victimes réagissent et que c'est un domaine de recherche en évolution où nous faisons des progrès en ce moment même?
    Je suis tout à fait d'accord.
    Nous étudions les répercussions des traumatismes cérébraux subis à la suite de violences entre partenaires intimes et leurs effets sur la capacité de témoigner. Lorsque les victimes témoignent, leur attitude et leur comportement, influencés par leur traumatisme crânien, sont interprétés à tort comme belliqueux, alors que le problème, ce sont des lésions cérébrales qu'elles ont subies.
    Nous travaillons également en neurobiologie du traumatisme, discipline qui explique comment le traumatisme affecte aussi le témoin du crime.
    L'idée d'élaborer une analyse très solide et exhaustive qui aiderait tous les intervenants à mieux comprendre les expériences des victimes de violence afin de mieux leur offrir des services et de mieux leur rendre justice est essentielle.
    Le plus grand problème, c'est ce type de formation superficielle qui permet de cocher les bonnes cases, une formation d'une heure pour démonter des mécanismes de discrimination bien ancrés acquis au cours de toute une vie. Cela ne peut rien donner.
    Pour nous, il s'agit d'inculquer un changement de culture en offrant une formation complète et continue sur ces questions.
    Je comprends tout à fait, d'autant plus que la littérature évolue.
    Il me semble que non seulement le public, mais aussi les juges eux-mêmes devraient réclamer cette formation. Je ne connais pas de juges qui ne veulent pas prendre la meilleure décision possible. Pour prendre la meilleure décision, il faut notamment comprendre le témoin qui comparaît. Comme vous l'avez dit, pour comprendre les témoins, il faut tenir compte des traumatismes.
    Je vous remercie de votre contribution.
    Vous n'avez pas pu terminer vos propos sur les plaintes anonymes. J'allais poser une question à ce sujet. La question est intéressante, car je crois que deux membres du comité d'examen devraient approuver des plaintes anonymes.
    Vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à la question à ce sujet. Vous avez la parole pour le temps qu'il me reste, si vous voulez y répondre.

  (1725)  

    Absolument. Merci beaucoup de me donner cette possibilité.
    La question revient à ce que je disais au sujet des femmes noires, autochtones ou trans qui, par le passé, ont été réduites au silence et qui n'ont jamais été crues par les juges ou le système de justice pénale.
    Vu la crainte internalisée en nous, oser intervenir et déposer une plainte contre un juge qui a un pouvoir énorme, que quelqu'un prenne la plainte au sérieux ou... Le juge a un pouvoir énorme par rapport à un plaignant qui, compte tenu de l'intersectionnalité de la race et du sexe...
    Le fait d'avoir la possibilité de déposer une plainte anonyme est, à mon avis, une façon vraiment compatissante et progressive d'amener des personnes qui ont toujours été marginalisées à s'engager dans une démarche. Ce sont des êtres que ma collègue, Tope Adefarakan, qualifie de marginaux parmi les marginaux. Ils n'ont pas de possibilités, pas d'accès, pas d'argent, pas de ressources. La plainte anonyme leur permettrait de se manifester.
     Merci, madame MacGregor.
    Merci, monsieur Caputo.
    Passons maintenant à Mme Dhillon. Cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être là.
    Je m'adresse d'abord à Mme MacGregor.
    Vous avez parlé d'une étude de 2019 dans votre exposé liminaire. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le genre de discrimination dont il est question? Pouvez-vous nous donner des exemples, s'il vous plaît?
    Merci.
    Merci beaucoup de la question.
    En réalité, ce que nous avons fait... Deux parties portant sur l'éthique ont été approuvées. Il y a d'abord eu une série d'entrevues avec des femmes des collectivités rurales et urbaines qui ont été violées et ont porté plainte. Elles sont donc passées par le système. L'autre partie rend compte des résultats d'une série de groupes de discussion avec des femmes qui ont été violées et qui n'ont rien dit. Nous avons essayé de comprendre pourquoi. Quels obstacles les femmes ont-elles à surmonter?
     Une chose est rapidement devenue évidente dans le groupe de discussion avec les femmes qui ont été violées et qui n'ont pas porté plainte, c'est qu'il s'agissait de femmes noires. Après avoir été violées, elles ont hésité à parler, craignant de signaler le fait à la police parce que les services policiers leur semblent dangereux. Les femmes qui ont été violées et ont porté plainte, en milieu rural ou urbain, étaient généralement des femmes blanches.
    Ce que je disais au sujet du cadre de l'intersectionnalité de Mme Crenshaw, c'est qu'il aidera à mieux comprendre ce que fait le racisme systémique et comment il prive les femmes noires, par exemple, ou les femmes autochtones ou transgenres, de tout accès à la justice, ce qui tourne en dérision tout le système: si tout le monde n'a pas accès à la justice, personne n'y a accès.
    Merci.
    Vous avez aussi parlé de la surincarcération des Autochtones et des Noires. Croyez-vous que c'est à cause des préjugés raciaux dont vous avez parlé dans votre exposé liminaire et que vous venez de rappeler, du début du processus jusqu'à la toute fin, du dépôt de la plainte jusqu'au prononcé du jugement? Est‑ce une autre raison qui explique la surincarcération des Noires et des Autochtones? Est‑ce à cause de ces préjugés... la décision rendue par le juge dans sa cause, dans son affaire, lorsque la femme comparaît?
    Je le crois sans équivoque.
    Dans mon exposé liminaire, j'ai dit que ce n'est pas parce que les femmes et les filles noires et autochtones, ou les personnes bispirituelles, ont une plus grande propension à commettre des crimes ou à avoir un comportement criminel. C'est à cause du racisme.
    J'ai récemment eu des échanges avec la directrice générale de l'Association nationale des centres d'amitié. Elle dit que, dans les prisons fédérales, la proportion des Autochtones, parmi les femmes incarcérées, peut atteindre 90 %. C'est un chiffre ridicule si on considère le pourcentage qu'elles représentent dans l'ensemble de la population, c'est-à-dire entre 2,3 et 2,5 %. Personne ne peut nier que ce soit le racisme systémique qui fait en sorte qu'une population si minime soit si nettement surreprésentée. C'est la même chose pour les femmes noires et transgenres. Pour moi, c'est une indication claire que le système est conçu pour désavantager certaines populations, faire de la discrimination contre elles en toute impunité.
    Nous espérons que, grâce au projet de loi et à notre proposition, on accordera plus d'attention au processus d'embauche et qu'on veillera à ce que ceux qui administrent le processus soient des personnes instruites, compréhensives, empathiques et qui s'appuient vraiment sur une compréhension intersectionnelle de la race et du sexe.

  (1730)  

    Merci.
    Je suppose que c'est à l'autre extrémité du parcours, lorsque les victimes se manifestent et, comme vous l'avez dit, n'ont pas l'impression d'être écoutées. Encore une fois, ce sont les préjugés qui jouent.
    Vous avez aussi parlé de l'incapacité de comprendre les différentes nuances culturelles ou raciales. Pouvez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît? De plus, comme je vais manquer de temps, qu'en est‑il de la discrimination tacite? Comment aborder le problème? Parfois, il y a des regards qui en disent long, des expressions comme: « Ah, vous autres... »
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Ce n'est pas tacite. C'est explicite, à mon avis. La question des préjugés implicites et explicites qui... Tout le monde en a, mais lorsqu'on est en position de pouvoir et que ces préjugés fondent un jugement, une discrimination à l'égard d'une partie de la population, il faut essayer de les éradiquer.
    Il y a beaucoup de gens qui font ce travail. Je voudrais prendre quelques minutes pour parler de ma brillante collègue, Mme Rachel Zellars, qui a donné beaucoup de formation à ce sujet...
     Malheureusement, madame MacGregor, vous n'avez pas ces quelques minutes. Votre temps de parole est écoulé.
    Merci.
    Je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir accordé du temps dans le cadre de cette étude. Leurs témoignages sont très précieux.
    Voilà qui met fin aux témoignages.
     J'ai quelques points à signaler. Les témoins sont libres de partir s'ils le veulent, ou ils peuvent rester avec nous s'ils le souhaitent.
    Chers collègues, nous allons étudier un projet de rapport sur les obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels. Vous devriez recevoir une première version confidentielle demain pour vous préparer à la séance de lundi. J'espère que cela nous donnera suffisamment de temps. C'est ce que les analystes m'ont dit.
    Nous devrons adopter un budget pour rembourser les témoins qui ont comparu pour l'étude du projet de loi C‑9 et adopter le budget révisé pour les déplacements de mars 2023.
    Je tiens également à vous rappeler que vous avez jusqu'au lundi 28 novembre à 18 heures pour présenter des amendements au projet de loi C‑9.
     Enfin, nous avons reçu hier le projet de loi C‑291 Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus pédosexuels). Il faudra trouver le temps de l'étudier. C'est M. Mel Arnold, de North Okanagan—Shuswap, qui a présenté le projet de loi par le passé. Nous devons faire rapport du projet de loi au plus tard 60 jours de séance après la date de l'ordre de renvoi. La date butoir est donc le 26 avril 2023, ce qui nous donne amplement le temps.
    À vous, monsieur Garrison.
    Monsieur le président, puis‑je demander que, pour les travaux du Comité, un programme révisé soit proposé pour tenir compte des divers travaux qui nous ont été confiés? Pourrait‑on aussi confirmer que nous allons recevoir le ministre pour l'étude des prévisions budgétaires? Quand comparaîtra-t‑il?
     Je ne demande pas une réponse immédiate, mais il serait utile que nous ayons un programme révisé à examiner lundi.
    Le greffier peut probablement répondre tout de suite.
    Allez‑y.
    Monsieur Garrison, pendant la séance, j'ai mis à jour le programme. Je peux le distribuer très bientôt, peut-être même tout de suite après la séance.
    Merci.
    Tout va bien? D'accord.
    La séance est levée.
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