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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 7 décembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1630)  

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 52e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.

[Traduction]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Par conséquent, les membres peuvent participer en personne ou à distance au moyen de l'application Zoom. Si vous éprouvez des problèmes techniques, veuillez m'en avertir. Dans ce cas, il se pourrait que nous ayons besoin de suspendre la séance quelques minutes, car nous devons nous assurer de la pleine participation de tous les membres du Comité.
    Conformément à l'alinéa 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 16 mai 2022, le Comité reprend son étude sur le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels.

[Français]

    Madame la greffière, pouvez-vous assurer à M. Villemure et à tous les autres membres du Comité que tout est beau pour les témoins, sur le plan technique?
    Oui, tout est beau.
    Merci.

[Traduction]

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Nous accueillons M. Dean Beeby, qui est journaliste, et M. Andrea Conte, qui est rédacteur, chercheur et cinéaste. Ils comparaissent devant nous à titre personnel. Nous recevons également M. Brent Jolly de l'Association canadienne des journalistes.
    Malheureusement, M. Tromp n'est pas encore arrivé. Il ne s'est pas connecté. Nous tentons d'établir la connexion avec lui.
    Avant de commencer, j'aimerais vous aviser que la réunion est censée se terminer à 18 h 30. Nous devrons discuter de travaux du Comité afin de traiter une motion qui a été proposée. Je vais essayer de prévoir le début de cette discussion pour 18 h 25. Nous disposerons donc d'une heure et 55 minutes. Je crois que les partis ont discuté entre eux et qu'il est fort probable — je l'espère — que nous réglerons la question très rapidement.
    Je voulais d'emblée indiquer très clairement à nos témoins que les membres discuteront des travaux du Comité lorsqu'il restera cinq minutes à la réunion. Je planifierai le temps en conséquence.
    Monsieur Beeby, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous en tant que témoin.
    Cette étude, selon mon dénombrement, représente au moins le 16e vaste examen de la Loi sur l'accès à l'information depuis son adoption en 1982. Dans ce pays, on se plaît à étudier en détail les lois sur la transparence afin de veiller à ne pas véritablement les corriger.
    Je suis un journaliste indépendant qui se sert de la Loi depuis fort longtemps. J'adopte une perspective de journaliste, mais mes frustrations reflètent celles d'autres utilisateurs, y compris les peuples autochtones, les activistes civiques et même les députés d'arrière-ban.
    Dernièrement, les journalistes ont renoncé aux demandes d'accès à l'information en masse. La désertion a commencé avant la pandémie, et cette grande perturbation a chassé les derniers curieux.
    Les médias ont déposé moins de 5 % de toutes les demandes en 2021, soit la moitié de la proportion d'il y a cinq ans, et le tiers d'il y a dix ans. Pourquoi les journalistes jettent-ils l'éponge? Parce que, comme les études le démontrent les unes après les autres, les délais d'attente sont terribles et empirent.
    Les députés qui ont adopté la Loi en 1982 s'attendaient à ce que la plupart des demandes soient traitées en un mois, à quelques exceptions près. Depuis, les journalistes vivent la situation inverse: les demandes donnant lieu à une réponse en 30 jours ou moins sont l'exception à la règle, et la plupart des demandes nécessitent beaucoup plus de temps.
    En outre, les bureaucrates sont maintenant conscients qu'ils se heurtent à des conséquences beaucoup plus sérieuses s'ils remettent de l'information aux demandeurs que s'ils la taisent. La Loi leur fournit même une panoplie d'excuses pour cacher l'information.
    Les documents désuets qui atterrissent finalement sur le pupitre d'un journaliste ont été minutieusement expurgés de tout contenu révélateur. Imaginez-vous informer votre rédacteur en chef que vous ne saurez pas pour les six prochains mois — voire pour la prochaine année ou plus — si votre reportage s'appuyant sur une demande d'accès à l'information pourra être rédigé. Imaginez avoir cette discussion alors que le reste de la salle de nouvelles se démène pour obtenir une primeur avant midi.
    Le monde de l'information est prisonnière d'une spirale de la mort depuis 15 ans. Les journalistes se font jeter par-dessus bord pour alléger les navires qui sombrent. Les communautés d'une assez grande taille ne comptent plus de journalistes locaux pour repérer la fraude dans les conseils municipaux. Pendant ce temps, les gouvernements débordent de spécialistes en communication, de gourous des médias sociaux et de conseillers en image. La lutte est inégale, et les journalistes ne sont pas les seuls à essuyer des défaites: la démocratie est elle aussi battue par K.‑O.
    Examinons certains conseils de réforme que ce comité a déjà reçus. On vous a affirmé que la Loi devrait prévoir un fardeau inversé: l'information devrait être divulguée à moins que le gouvernement démontre le contraire. Or, la Loi comprend déjà un fardeau inversé à l'alinéa 2(2)a). Une nouvelle formulation disant la même chose autrement ne sauvera pas la mise.
    On vous a dit que la commissaire à l'information devrait se transformer en tsarine de la transparence aux responsabilités élargies, alors qu'elle ne peut même pas s'acquitter de son mandat actuel. Il lui faut trop de temps pour régler les plaintes, parfois jusqu'à 10 ans. Ne lui imposons pas de responsabilités supplémentaires jusqu'à ce qu'elle puisse satisfaire à celles qui l'occupent déjà.
    Certains vous ont aussi affirmé que la publication proactive d'un plus grand nombre de documents assainira un système d'accès à l'information dysfonctionnel: si le gouvernement divulgue plus de documents, les citoyens n'auront pas à les dénicher au moyen de demandes d'accès à l'information. C'est un faux espoir. Les gouvernements pourraient allègrement communiquer des documents en aval qui sont inoffensifs et ne représentent pas de risques. Or, les documents en amont liés à des décisions ne seront jamais communiqués de façon proactive, à moins bien sûr d'avoir été abondamment caviardés. C'est la raison d'être des lois sur la liberté d'accès à l'information: les citoyens ne doivent pas se contenter de documents épurés dans l'intérêt du gouvernement.
    Pour réformer la Loi, je recommande d'éviter les longues listes de vérification: il faut plutôt se concentrer sur quelques changements-clés.
    Tout d'abord, faites tomber le mur de briques qui protège les documents du Cabinet. Plafonnez la période de protection à 10 ans. Cessez de cacher les documents qui n'ont rien à voir avec les délibérations du Cabinet et qui représentent du contenu factuel ou des notes d'information. Donnez accès aux documents du Cabinet à la commissaire à l'information pour qu'elle puisse étudier toute décision de maintenir leur confidentialité.
    Deuxièmement, établissez des limites plus sévères sur la capacité d'un ministère de remettre le traitement des demandes à plus tard. Par exemple, si une organisation rate son échéancier, retirez-lui le pouvoir de réclamer des exemptions.
    Troisièmement, définissez beaucoup plus précisément le terme « avis » tel qu'employé dans la Loi pour que les ministères ne puissent s'en servir comme solution fourre-tout pour refuser de communiquer des renseignements.
    Quatrièmement, imposez une limite, par exemple de six mois, à la durée des enquêtes de la commissaire à l'information. Si elle n'a pas terminé au terme de ce délai, permettez aux plaignants de s'adresser aux tribunaux.

  (1635)  

    Le simple fait de réaliser ces quelques changements ouvrirait la voie vers une réforme. Les journalistes de moins en moins nombreux seraient aussi mieux outillés pour obliger les gouvernements à rendre des comptes.
    Je vous remercie de l'invitation. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
    Merci, monsieur Beeby.
    Monsieur Conte, c'est votre tour. Mon rôle de président me confère une marge de manœuvre pour l'attribution du temps. Vous disposez de cinq minutes, mais n'hésitez pas à prendre quelques secondes de plus si vous en avez besoin.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Je m'appelle Andrea Conte. Je suis un chercheur indépendant du domaine des arts médiatiques. J'ai transmis au Comité deux articles au sujet de mon travail sur les dossiers d'État canadiens, dont l'un m'a pris cinq ans à rédiger en raison des retards concernant l'accès à l'information.
    Puisque le Comité tiendra de nombreux jours d'audience sur le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, je crois qu'il est important de bien comprendre l'histoire d'origine de la Loi sur l'accès à l'information de 1983.
    Pendant les années 1970, le Canada a tenté de rattraper les États-Unis, qui avaient établi leur propre loi sur l'accès à l'information en 1966. Il est important de mettre cette période en contexte. C'est au cours des années 1960 et 1970 que le service de sécurité de la GRC s'est adonné régulièrement à des abus, qui ont mené à la commission McDonald et aux enquêtes sur les diverses pratiques, qui passaient de lettres contrefaites à l'infiltration des groupes autochtones et racisés, entre autres. Au cours de cette période, un Canadien sur vingt avait un dossier auprès du Service du renseignement de sécurité. C'est pendant cette crise que la Loi sur l'accès à l'information a été élaborée et présentée à la population à titre de mesure moderne pour assurer la reddition de comptes du gouvernement.
    Selon Don Brittain, un documentariste pour l'ONF et la CBC qui a couvert la crise, cette loi sur l'accès à l'information était rédigée de manière si habile qu'elle ne deviendrait rien de moins qu'un instrument de dissimulation. Nous savons, 40 ans plus tard, que sa prédiction s'est avérée exacte. Au cours de la conférence de presse visant à présenter la Loi sur l'accès à l'information en juin 1983, les ministres se sont félicités des similitudes entre la loi canadienne et sa contrepartie américaine, mais dans les faits, les deux lois ne se ressemblent pas. Pour les documents contemporains, les États-Unis ont une disposition visant le traitement accéléré des dossiers associés à des cas urgents portant sur les activités du gouvernement. Le Canada, quant à lui, n'a aucune disposition du genre pour répondre aux demandes sur les questions d'intérêt public urgentes... comme les avantages de l'application ArriveCAN sur le plan de la santé publique.
    En ce qui a trait aux affaires internationales, les États-Unis offrent aux journalistes ou aux membres du public des recours judiciaires lorsque le gouvernement leur refuse l'accès aux documents sur les examens internes associés aux efforts de guerre, par exemple, ou sur sa complicité dans les crimes de guerre, comme la torture des détenus afghans. Les États-Unis permettent un accès direct aux tribunaux sans délai, ce qui permet aux journalistes de rédiger des documents comme The Afghanistan Papers, qui a été publié par le Washington Post à la suite d'une poursuite de trois ans en vertu de la Freedom of Information Act.
    Au Canada, la Loi sur l'accès à l'information bloque l'accès aux tribunaux par l'entremise d'un long processus d'appels préliminaires auprès du Commissariat à l'information, qui nuit à la capacité des journalistes de faire leur travail. Je suis toujours en processus d'appel au sujet des retards et des exemptions en matière de censure pour des questions d'examen interne de la guerre du Canada en Afghanistan, alors que les demandes associées à ces dossiers ont été présentées il y a 10 ans déjà.
    En ce qui a trait à la déclassification des documents historiques, vous savez que la loi de 1983 a annulé le système précédent. La situation s'est avérée une catastrophe pour toute personne ayant un intérêt pour la recherche historique, surtout lorsqu'il était question des prisons, de la police, de l'armée et d'autres formes institutionnalisées de violences commises par l'État au pays et à l'étranger. Lorsqu'on consulte par exemple les dossiers de surveillance de la GRC de Bibliothèque et Archives Canada, sur le Parti communiste du Canada des années 1930 ou le soulèvement de l'Université Sir George Williams de 1969, non seulement les documents sont largement caviardés, mais les articles publiés par le Globe and Mail et d'autres médias grand public ont aussi été entièrement caviardés par le SCRS.
    Si un membre du public souhaite contester ce caviardage, il lui est impossible de le faire, parce que la loi traite les demandes d'information comme des biens de consommation. Le dossier qui est ouvert à la suite d'une demande l'est uniquement pour celui qui en a fait la demande, ce qui signifie qu'il faut présenter une nouvelle demande si quelqu'un souhaite consulter le dossier, comme si la première demande n'avait jamais été faite.
    Dans le cas des documents contemporains, le portail des données ouvertes du Canada ne contient qu'une fraction des sommaires des demandes d'accès à l'information qui ont été traitées par les organismes fédéraux au cours des deux dernières années... et seulement si ces organismes ont téléversé les données. Chaque mois, le portail efface les sommaires qui dépassent la limite de deux ans.

  (1640)  

    Pour toutes ces raisons, après 40 ans, je crois que ce cycle visant à « censurer, supprimer et répéter » s'est transformé en un instrument qui nuit à la reddition de comptes du gouvernement et qui fait interférence à l'alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés.
    Je sais que les recommandations fusent par centaines. Je ne crois pas que le système actuel puisse être réformé, puisqu'il s'agit d'un système discrétionnaire fondé sur la bonne foi, associé à de trop nombreux problèmes fondamentaux.
    Je recommande au Comité de former un groupe de constitutionnalistes qui pourrait expliquer comment la loi interfère avec la liberté d'expression, notamment la liberté de la presse et des autres moyens de communication.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Conte.
    Nous allons maintenant entendre le président de l'Association canadienne des journalistes, M. Brent Jolly, qui se joint à nous avec téléconférence.
    Je ne le vois pas sur mon écran. Est‑ce qu'il est là?
    Oui, il est là. Je lui ai parlé plus tôt.
    D'accord.
    Monsieur Jolly, vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Il était là. J'ai fait un test de son avec lui.
    Nous allons demander à un technicien de l'appeler.
    M. Tromp vient de se joindre à nous. Nous pourrions l'entendre.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Tromp. Il n'y a rien de tel que de se retrouver sous les projecteurs dès son arrivée.
    Monsieur Tromp, je crois que vous avez un problème avec votre caméra.

  (1645)  

    Monsieur Tromp, est‑ce que vous m'entendez?
    Nous voyons votre caméra, mais nous ne vous voyons pas. Votre microphone est en sourdine.
    J'ai déjà eu ce problème. Sa caméra est peut-être à l'intérieur du capot de son ordinateur... Cela m'en a tout l'air.
    Je crois que nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes. Merci.

  (1645)  


  (1645)  

    Nous reprenons les travaux.
    Je suis désolé. Nous avons des problèmes techniques.
    Monsieur Jolly, nous sommes heureux de vous voir.
    Je ne veux pas vous mettre sur la sellette... Vous semblez être essoufflé.
    Non, il n'y a pas de problème.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur. Merci.
    Merci beaucoup. Ce sont les joies d'Internet, je suppose.
    Je remercie tous les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner devant vous au nom de l'Association canadienne des journalistes.
    Nous avons beaucoup à dire sur le besoin criant d'apporter des changements à cet obscur système d'accès à l'information au Canada.
    L'Association canadienne des journalistes est une organisation professionnelle composée de plus de 1 300 journalistes de partout au pays. Nous participons régulièrement au travail de défense des intérêts du public et au perfectionnement professionnel de nos membres. Les enjeux relatifs à l'accès à l'information touchent ces deux volets de notre mandat.
    Depuis la création de l'Association en 1978 — d'abord sous le nom de Centre pour le journalisme d'enquête —, nous militons pour des régimes d'accès à l'information plus robustes, plus transparents et plus responsables que ceux en place, tant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial. Depuis plusieurs décennies, nous consacrons un nombre imposant de ressources à la formation de nos membres afin qu'ils soient capables de se retrouver dans toutes les règles, exemptions et limites opaques qui causent de grandes frustrations et le désespoir chez plusieurs générations de journalistes canadiens.
    En plus de demander aux gouvernements de toutes les allégeances politiques de prendre des mesures proactives pour améliorer un système défectueux qui glisse de plus en plus vers un discrédit international, notre association et ses partenaires ont rédigé des propositions réfléchies pour aider à réimaginer le régime d'accès à l'information du Canada en difficulté. Je serai heureux de vous transmettre ces idées, qui placent le droit de savoir du public à l'avant-plan, en guise de supplément à mon témoignage d'aujourd'hui.
    Je ne vous fais pas cette petite leçon d'histoire aujourd'hui à des fins de glorification personnelle ou institutionnelle. Mon objectif est plutôt de faire comprendre aux membres du Comité et à la population canadienne en général le sentiment de frustration totale qui nous habite en raison de l'emprise des gouvernements sur l'information au pays.
    Vous n'avez pas à me croire — ou à croire les autres témoins d'aujourd'hui — sur parole. Je crois que vous pouvez lire ce qu'a écrit la commissaire à l'information, Caroline Maynard — une agente du Parlement — à l'ancien ministre du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, dans une lettre il y a quelques années. Elle avait fait valoir que le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels « pourrait bientôt franchir le point de non-retour » et qu'il faisait déjà face à un « manque de ressources chronique ». C'était, bien entendu, avant que la pandémie de COVID nous frappe de plein fouet. Mme Maynard encourageait le ministre Duclos à assurer le financement adéquat du système, à communiquer un plus grand nombre de données de manière proactive et à faire entrer les institutions dans un monde entièrement numérique.
    Comment a‑t‑on répondu à ces suggestions pratiques jusqu'à maintenant? Par le silence, je dirais. En fait, comme l'ont fait valoir certains de mes collègues, la pandémie de COVID n'a fait qu'exacerber la culture du secret au pays. À la fin de l'année 2020, par exemple, le Wiinipeg Free Press a fait valoir que moins de la moitié des bureaux fédéraux d'accès à l'information fonctionnaient au maximum de leur capacité. On a aussi fait valoir, dans cet article, que de nombreux ministères n'accordaient plus la priorité au traitement des demandes d'accès à l'information, qui n'était plus considéré à titre de service essentiel. En conséquence, les arriérés se sont accumulés et il n'y avait aucune ligne directrice claire sur le moment où l'on répondrait aux demandes.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous dire à quel point il est important d'avoir en place une loi efficace en matière d'accès à l'information, afin de répondre au droit de savoir du public et de permettre aux journalistes que je représente de faire leur travail de manière efficace. Nous savons que le journalisme d'excellence peut refaçonner les politiques publiques et améliorer la vie des Canadiens. Nous l'avons constaté de façon très claire pendant la pandémie de COVID‑19. Si elle est bien conçue, la Loi sur l'accès à l'information pourrait devenir l'une des mesures législatives les plus transformatrices adoptées par le gouvernement canadien.
    Depuis des décennies, toutefois, nous avons documenté des promesses dorées au sujet de la modernisation d'un système de plus en plus terne et défectueux. Bien sûr, les changements ne peuvent se faire du jour au lendemain, mais le système d'accès à l'information du Canada est défaillant et cela fait maintenant 40 ans qu'aucun effort concerté n'a été déployé pour régler le problème.

  (1650)  

    En d'autres termes, on ne peut pas coller le châssis d'une voiture de Formule 1 avec du ruban adhésif et espérer qu'elle fasse un bon temps, encore moins qu'elle ne remporte le championnat mondial. Ce que je vous propose, c'est de retirer la voiture, de la réparer de manière appropriée et de recommencer la course. C'est simple.
    Il en va de même pour les exercices comme celui‑ci. Il faut cesser de prendre des demi-mesures et d'adopter des solutions rapides, qui ne font que renforcer la culture du secret. Il existe un nombre infini de documents de travail, de dialogues publics et d'études universitaires qui présentent une meilleure voie à suivre. La réponse aux problèmes associés à la loi actuelle est là, sous nos yeux.
    À mon avis, il y a une étape très évidente à franchir: les représentants élus — les députés du Parlement et les ministres du Cabinet, par exemple — doivent trouver le courage et la volonté politique d'exiger plus d'eux-mêmes. Sinon, nous allons une fois de plus assister au contournement bien orchestré de l'important travail qui doit être accompli.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui et de vous faire part de nos idées.
    Je serai heureux de répondre à vos questions plus tard.
    Merci, monsieur. Ce que j'aime le moins de mon travail, c'est de devoir interrompre les gens. Vous m'en excuserez.
    Monsieur Tromp, êtes-vous avec nous?
    Je ne le vois pas et son microphone ne semble pas allumé.
    Pour ne pas vous faire perdre de temps, nous allons entreprendre notre première série de questions.
    Vous disposerez de six minutes pour cette série. Monsieur Kurek, vous avez la parole.

  (1655)  

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Si M. Tromp arrive à régler ses problèmes techniques, est‑ce qu'il pourrait faire sa déclaration préliminaire au début de la prochaine heure? Est‑ce que les membres du Comité acceptent cela?
    Oui. Évidemment, nous sommes face à un problème technique. Le témoin a été invité à comparaître par le Comité. Si nous arrivons à régler son problème, je l'inviterai à prendre la parole, à condition que les membres du Comité le veuillent. Je présume que ce sera le cas.
    Je ne veux pas parler au nom de tous les membres du Comité, mais nous l'avons invité à témoigner devant nous.
    Plutôt que d'interrompre une série de questions, si nous pouvons régler le problème technique d'ici le début de la prochaine heure...
    Nous allons tenir cette première série de questions pour commencer, en espérant que le problème soit réglé rapidement.
    Monsieur Kurek, vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de se joindre à nous aujourd'hui. Bien que les politiciens et les journalistes aient parfois des relations tendues, je reconnais l'importance de cette conversation aux fins de la reddition de comptes.
    Pour commencer, je vais vous poser les mêmes questions que celles que j'ai posées à tous les témoins. Ce sont deux questions très simples pour établir le contexte associé à cette importante discussion. Je vais faire un tour de table, avec les témoins qui se trouvent dans la salle et ceux qui se joignent à nous virtuellement. Avant cela, puisque le temps est une ressource précieuse, j'inviterais les témoins à nous transmettre par écrit tous les renseignements qu'ils n'auront pas eu le temps de nous communiquer aujourd'hui.
    Ma première question est la suivante: est‑ce qu'il est essentiel, en vue d'assurer une démocratie moderne et fonctionnelle, d'avoir un système d'accès à l'information qui fonctionne, qui est efficace et qui permet aux Canadiens d'obtenir les renseignements dont ils ont besoin de la part de leur gouvernement?
    J'aimerais d'abord entendre M. Beeby.
    La réponse courte à votre question, c'est oui. Il est impossible d'avoir une démocratie fonctionnelle sans un quelconque système d'accès libre à l'information.
    Merci.
    Allez‑y, monsieur Conte.
    Tout dépend de votre définition d'une démocratie fonctionnelle... que je n'ai encore jamais vue de mon vivant; mais en théorie, oui.
    Allez‑y, monsieur Jolly.
    Oui bonjour, ici Stanley Tromp.
    M'entendez-vous? Mon micro fonctionne-t‑il?
    Oui monsieur Tromp.
    Arrêtons le chronomètre un instant.
    Monsieur Tromp, nous avons eu un peu de difficultés avec la connexion. Je vais vous remettre en sourdine jusqu'à la fin du segment en cours, puis je vais vous laisser vous adresser au Comité. Ça vous va?
    Je ne vous vois pas non plus, remarquez. C'est l'autre problème. Je vous entends, mais je ne vous vois pas. Nous allons couper le son un instant, le temps qu'on règle le tout.
    Poursuivons avec les témoins.
    La réponse à votre question est oui. Il y a une citation qui est largement attribuée à Thomas Jefferson et qui dit que l'information est la monnaie de la démocratie, alors oui, je suis plutôt d'accord.
    Je vous remercie. J'aime beaucoup cette citation moi aussi. J'ai presque failli la reprendre ici, pour tout vous dire.
    La deuxième question que je pose à tous les témoins, c'est: le statu quo est‑il acceptable?
    Je sais que vous en avez tous parlé plus tôt, mais c'est toujours bon d'y revenir, alors je repose la question à tous les trois: le régime actuel d'accès à l'information du Canada est‑il acceptable?
    On vous écoute, monsieur Beeby.
    Non, et il est en sérieux déclin. La situation empire d'année en année.
    Je vous remercie.
    Oui, monsieur Conte.
    Le statu quo ne peut pas durer.
    D'accord.
    Monsieur Jolly?
    Honnêtement, l'écosystème entier de l'information aurait besoin d'un sérieux coup de main. Le temps presse.
    Merci beaucoup.
    Mes collaborateurs et moi avons présenté plusieurs centaines de demandes d'accès à l'information sur une foule de sujets, du dossier d'un contribuable à la question politique de l'heure. Je trouve que c'est bien d'entendre... je fais une brève parenthèse, après quoi je ferai un autre tour de table... Pourriez-vous me donner quelques exemples du pire délai que vous avez dû attendre ou du document le plus caviardé que vous avez reçu après avoir présenté une demande d'accès à l'information?
    Allons‑y dans l'autre sens, cette fois‑là.
    Monsieur Jolly, je sais que c'est difficile, mais si vous pouviez répondre en 30 secondes. Quel a été le pire délai que vous ayez dû attendre ou le document le plus caviardé que vous ayez reçu?

  (1700)  

    Nous avons souvent eu affaire à la GRC, car nous nous intéressions aux actes répréhensibles commis par des policiers et à la reddition de comptes des corps policiers. Nous avons organisé plusieurs campagnes au fil des ans, ce qui nous a permis de compiler une foule de données, dont une partie a été fournie par nos membres. Je pourrai en transmettre une copie avec plaisir au comité.
    Ce serait parfait. Si vous aviez des chiffres à nous donner, un nombre d'années, par exemple, ce serait bien aussi.
    Absolument.
    Monsieur Conte, je vous pose la même question. Avez-vous des exemples parlants à donner au Comité, en 30 secondes? Je sais que ce n'est pas évident.
    Dans un des articles que je vous ai fournis, je parlais d'une présentation donnée par Bibliothèque et Archives Canada et de la tribune en ligne organisée par le Commissariat à l'information du Canada il y a environ un an. Selon ce qu'on nous a dit, 80 % de l'information qui se trouve dans les voûtes de Bibliothèque et Archives Canada et qui est classifiée « Top Secret » ne l'est pas vraiment. Voilà qui montre la nature rébarbative du SCRS, qui est derrière ce caviardage et qui tient à la censure telle qu'elle se pratique. Cela donne aussi une bonne idée de la relation entre Bibliothèque et Archives Canada et le Commissariat à l'information.
    Je vous invite à vous adresser à eux si vous souhaitez avoir plus de précisions.
    Je vous remercie.
    Passons à M. Beeby pour les 30 dernières secondes.
    Pour être bref, disons que j'ai connu de très nombreuses déceptions. J'ai demandé par exemple d'obtenir les notes d'information du premier ministre Harper, et je les ai reçues sept ans plus tard, après trois élections et un changement de gouvernement.
    Comment suis‑je censé demander des comptes au gouvernement quand j'ai l'impression de ne plus faire le travail d'un journaliste, mais d'un historien?
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup aux témoins pour toute cette information.
    Merci, monsieur Kurek.
    Passons à Mme Hepfner.
    On dirait que les pépins techniques qui nous empêchaient de parler à M. Tromp sont réglés. Vous êtes avec nous maintenant. Nous reviendrons à vous dans un instant.
    Madame Hepfner, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est un réel plaisir pour moi d'être ici, en présence de journalistes. J'ai été journaliste pendant plus de 20 ans et j'ai vu de mes propres yeux les changements qu'il y a eu dans cette industrie au cours de cette période.

[Traduction]

    Jusqu'ici, les témoins nous ont dit que jamais, dans toute l'histoire humaine, nous n'avons eu accès à autant d'information. Je me demande ce que ça représente comme difficultés et comme avantages pour les journalistes.
    Ma question s'adresse à vous tous, mais commençons par M. Beeby.
    Je vous remercie.
    Toute l'information n'est pas créée égale. Beaucoup de choses qui se retrouvent dans la sphère publique n'ont à peu près rien à voir avec les affaires publiques et le discours public. C'est un peu un jeu que d'affirmer qu'on produit toujours plus d'information. S'agit‑il d'information utile? D'information qui permet de savoir ce qui se passe aux plus hauts niveaux décisionnels? Pour être honnête, c'est ce genre d'information essentielle dont il nous faudrait davantage, mais dont il y a de moins en moins, malheureusement.
    Je rejette fermement l'argument voulant que nous soyons inondés d'information. Toute l'information n'est pas créée égale. Beaucoup de choses sont inutiles pour les journalistes.
    Merci.
    Monsieur Conte, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Tout dépend du type d'information. On peut aussi dire qu'il n'y a jamais eu autant de désinformation. C'est très facile de distinguer l'information crédible et légitime qui provient du gouvernement du reste.
    Monsieur Jolly, souhaitez-vous ajouter quoi que ce soit aux observations des témoins qui ont affirmé au Comité qu'on n'a jamais eu accès à autant d'information de la part du gouvernement?
    Oui, je partage certainement le point de vue de MM. Beeny et Conte. Qui dit quantité ne dit pas forcément qualité. C'est injuste, parce que c'est comme comparer des pommes avec des oranges. Il faut tenir compte de la qualité de l'information, bien sûr. L'information disponible doit nous révéler les rouages du pays et nous apprendre comment le gouvernement fédéral prend ses décisions. Elle doit favoriser la transparence et la reddition de comptes et il ne doit pas s'agir de répliques prémâchées ou d'arguments édulcorés entendus mille fois.

  (1705)  

    Je viens à la question de la qualité par opposition à la quantité. Monsieur Beeby, vous avez dit que le pourcentage de journalistes présentant des demandes d'accès à l'information est beaucoup plus faible que ce qu'il était. Je me demande si ce ne serait pas ce pourcentage qui a changé plutôt que le nombre de journalistes. Je ne connais pas la réponse. On sait qu'un très grand nombre de gens, de plus en plus nombreux, et pas seulement des journalistes, présentent des demandes d'accès à l'information.
    À votre avis, s'il y a moins de demandes provenant des journalistes, est‑ce parce que ceux‑ci ont cessé d'en présenter ou parce qu'ils sont débordés par les demandes présentées par d'autres?
    C'est difficile à dire parce que les données compilées par le Conseil du Trésor sont de faible qualité. Il y a bien un rapport annuel, mais celui‑ci est peu fiable. Le Conseil du Trésor ne recueille pas de données de façon scientifique. Il faut donc faire beaucoup de suppositions.
    C'est d'ailleurs intéressant parce que le nombre de demandes n'a jamais été aussi élevé et qu'il augmente. Il y en a énormément, c'est‑à‑dire près de 200 000. Si la divulgation proactive de l'information gouvernementale est aussi utile qu'on le dit, pourquoi autant de gens présentent de plus en plus souvent des demandes d'accès à l'information? C'est l'inverse qui devrait se produire. La divulgation proactive de l'information utile devrait réduire le nombre de demandes, mais en fait, ce nombre augmente.
    Selon moi, c'est très révélateur, parce que l'information divulguée de façon proactive est, en fait, très peu pertinente. À mon avis, c'est ce qui explique pourquoi le nombre de demandes augmente autant.
    Voici ce qu'a déjà dit un témoin, M. Wernick:
Je vous demande de vous rappeler que toutes les demandes ne s'équivalent pas. Certaines sont très ciblées, on sait de quelle information il s'agit et il est relativement facile de décider si elle doit être diffusée ou non ou protégée. Or, il y a aussi des demandes qui proviennent notamment des courtiers et des revendeurs...
    Il parle de gens qui présentent des demandes d'information dans le but de vendre l'information à quelqu'un d'autre. Ils demandent de l'information pour pouvoir la revendre.
... qui font un peu penser aux chaluts qui parcourent le fond marin en ramassant tout ce qui y vit. Quand j'étais sous-ministre, je recevais habituellement une demande tous les mois dans laquelle on voulait obtenir chaque note que j'avais envoyée au ministre ce mois‑là.
    Je me demande donc si les demandes de ce genre n'engorgeraient pas le système. Ces demandes peu ciblées ne proviennent peut-être pas de journalistes. Elles ne proviennent pas de gens qui cherchent à obtenir certains renseignements précis. Ces personnes lancent plutôt un énorme filet au cas où il y ait quelque chose d'utile dans ce qu'elles attrapent.
    Il vous reste 30 secondes.
     Monsieur Beeby, avez-vous une réponse?
    Je dirais que les courtiers en données ont tout à fait le droit de demander des renseignements, au même titre que nous tous. Vous oubliez que ces gens offrent un service. Ils vendent un service aux Canadiens qui jugent cette information utile. Ce n'est pas le gouvernement qui leur fournit cette information, mais les courtiers, et leurs services sont utiles. Les courtiers en données paient de l'impôt.
    Selon moi, il serait injuste d'accuser une catégorie d'utilisateurs d'engorger le système. La solution serait peut-être que le gouvernement divulgue les données recherchées par les courtiers. Comme cela, tout le monde serait content.
    D'ici là, ce n'est pas ce qui se produit, et selon moi, ces gens ont tout autant le droit que les journalistes, et que quiconque, de présenter des demandes d'information.
     Je vous remercie, monsieur Beeby.

[Français]

    Monsieur Villemure, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Jolly, vous avez dit tantôt qu'il fallait prendre la voiture et la ramener au garage. Pour ma part, je me demande s'il faut réparer la voiture ou s'il faut la changer.
    Bien sûr, il faut prendre conscience que le système, tel qu'il est, est toujours à réévaluer.

[Traduction]

    C'est arrivé souvent, et avec des gouvernements de toutes les allégeances. Du point de vue de l'opposition, je crois que l'accès à l'information et la transparence constituent les plus gros problèmes de tous les temps. Il faut que tous les décideurs s'entendent pour faire les choses différemment et disent: « nous allons tenir les promesses que nous avons souvent faites aux journalistes et aux Canadiens parce que, jusqu'à présent, nous n'avons pas été à la hauteur. »

  (1710)  

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Jolly.
    Monsieur Beeby, vous avez dit tantôt que c'était la 16e réforme à laquelle vous participiez, je crois.

[Traduction]

    Ce n'est pas la 16e à laquelle je participe, mais la 16e à avoir lieu en général.

[Français]

    D'accord.
    Diriez-vous qu'il y a une différence entre le but affiché de la Loi sur l'accès à l'information et celui qui est poursuivi par cette loi?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par le but de la Loi sur l'accès à l'information.

[Français]

    À quoi sert la Loi sur l'accès à l'information?

[Traduction]

    La Loi sert, à mon avis, à permettre aux citoyens ordinaires, aux Canadiens, de poser des questions à leur gouvernement, de lui demander des comptes et d'obtenir de l'information sur eux-mêmes et sur les sujets qui les intéressent. Le pouvoir de l'information, elle l'enlève au gouvernement pour le donner à la population, et il s'agit d'une véritable révolution.

[Français]

    Est-ce bien ce qui se passe, en pratique?

[Traduction]

    Non, parce que les gouvernements — et pas seulement celui‑ci: c'est la même chose depuis 40 ans que la Loi existe — gardent jalousement l'information qu'ils détiennent. Il s'agit d'un réflexe naturel qui nous pousse à éviter les situations embarrassantes ou à taire les événements fâcheux, ce genre de chose.
    Pour garder le pouvoir et l'exercer, il faut avoir le contrôle de l'information. Je crois que les gouvernements ont naturellement tendance à faire dérailler les processus d'accès à l'information.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Beeby.
    Monsieur Conte, vous avez parlé de démocratie, tantôt. Cela m'intéresse beaucoup.
    Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'aucune démocratie n'était parfaite. Dans l’état actuel du système d'accès à l'information, quelles seraient vos suggestions pour aider à améliorer la démocratie en question?
    J'aimerais que vous me parliez de ce qui se passe dans le monde réel, et non de ce qui devrait se passer dans un monde idéal tel qu'on se l'imaginerait. Je vous laisse la parole. Soyez vaste.
    Merci de la question, monsieur Villemure.

[Traduction]

    Je suis du même avis que mon collègue, M. Beeby. Au départ, cette loi devait changer le rapport de force entre la population et le gouvernement en donnant à la première le pouvoir de savoir, notamment de savoir comment le gouvernement agit au quotidien. Malheureusement, elle a aussi vidé de son sens le système de déclassification, qui était lui-même désuet.
    Ce n'est pas ainsi que la Loi a été conçue il y a 40 ans, mais l'échec est indéniable, et on a 40 ans de données pour le prouver. Si nous pouvions tout recommencer depuis le début, nous nous inspirerions probablement du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, que l'on appelait aussi la « commission Spicer ». Ce sont les citoyens eux-mêmes qui devraient concevoir la loi qui leur convient: pas les bureaucrates ni les élus, les citoyens. C'est à eux de dire comment l'information doit leur être fournie.
    Nous sommes dans le noir depuis tellement longtemps que c'est à se demander pourquoi les gens ont autant de mal à obtenir de l'information claire sur les pensionnats, par exemple, sur leur histoire et sur les événements qui ont lieu encore aujourd'hui. Cette notion recoupe tellement de façons dont les gens peuvent s'informer sur leur pays.

[Français]

    Je voulais justement parler des archives et de la possibilité de connaître notre propre histoire politique, par exemple.
    Dans l'état actuel des choses, les gens rencontrent quelques obstacles qui les empêchent de réellement apprendre de l'histoire, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Non. J'ai dû me rendre spécialement à Bibliothèque et Archives Canada pour consulter les anciennes demandes d'accès à l'information rendues publiques et finalement constater que les journaux, qui sont pourtant d'ordre public, ont été caviardés par le SCRS. On voit alors tout de suite ce que le gouvernement cherche à nous cacher.

  (1715)  

[Français]

    Avez-vous un exemple de cela à nous fournir?

[Traduction]

    Rapidement, s'il vous plaît.
    Bien sûr. J'en ai parlé en ouverture.
    Je me suis intéressé aux événements qui ont marqué les années 1960, dont la manifestation étudiante qui a eu lieu à l'Université Sir George Williams — événement pour lequel l'Université Concordia s'est excusée, il y a à peine un mois, parce qu'elle avait alerté la police. Pourtant, quand on consulte les archives de la police, qui se trouvent à Bibliothèque et Archives Canada, et la liste des personnes qui ont demandé à obtenir ces documents dans les années 1990, c'est‑à‑dire quand le SCRS les a rendus publics, les articles publiés par les grands médias sont entièrement caviardés, alors imaginez ce qui est arrivé aux rapports des informateurs.
    Je vous remercie, monsieur Conte.

[Français]

    Merci, monsieur Villemure.

[Traduction]

    Monsieur Green, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je souhaite la bienvenue aux témoins.
     Je suis très content que nous ayons réussi à entreprendre cette étude, compte tenu des difficultés que nous avons eues à organiser la participation des témoins. Je peux vous dire que le Comité prend cette étude très au sérieux et qu'il l'aborde sans partisanerie. J'ai bon espoir qu'au‑delà des paroles et des consultations, cette étude donnera lieu à des recommandations concrètes. Je vous remercie donc de votre présence parmi nous.
    Je commence par M. Conte...
    Je suis désolé, monsieur Green. Pourriez-vous baisser un peu votre micro? Merci.
    C'est mieux?
    Vous devrez parler un peu plus fort.
    C'est un peu mieux.
    Je commence par M. Conte.
     Monsieur Conte, avez-vous eu l'occasion de regarder nos travaux antérieurs sur cette question?
    Vous voulez dire des séances précédentes du Comité?
    C'est exact.
    Oui.
    Si je vous le demande, c'est parce que j'ai déjà cité vos travaux et que j'ai parlé du sabotage administratif à de nombreux spécialistes canadiens. Je dirais qu'une bonne partie d'entre eux acceptent tout à fait le cadre contextuel de votre article « Administrative sabotage », dans lequel vous dites que les dossiers du Programme de contre-espionnage ont été rendus publics aux États-Unis en raison du système de déclassification des documents de ce pays, mais qu'il est extrêmement difficile d'avoir accès à ces dossiers au Canada. Il en résulte que l'obligation qu'a le gouvernement de rendre compte de ses dérives passées — dont vous donnez quelques exemples dans votre article — est absente du discours politique.
    Moi qui milite de nos jours en faveur des droits civils, notamment dans le cadre du mouvement Black Lives Matter, et qui dénonce la brutalité policière, entre autres, j'imagine fort bien qu'il y a un dossier à mon sujet quelque part.
     Pourriez-vous nous parler quelques instants de l'incidence qu'a le fait de ne pas divulguer ces documents et de dissimuler des renseignements cruciaux sur la façon dont les Canadiens voient leur propre part de responsabilité dans le racisme systémique et le racisme à l'endroit des Noirs au Canada?
    Les répercussions sur les questions qui intéressent le grand public sont évidentes. Dans la mesure où le gouvernement recueille des données sur ces événements, qu'il s'agisse d'événements historiques des années 1960 ou 1970 ou encore de ce qui se passe actuellement dans le dossier de l'oléoduc Trans Mountain et de la criminalisation des manifestants autochtones... On ne peut pas avoir accès aux documents qui se rapportent à leur arrestation parce que ces dossiers sont vus comme des questions policières en cours. Selon moi, la conséquence générale — qu'il s'agisse des dossiers contemporains ou historiques —, c'est une preuve de la suprématie blanche institutionnelle.
    Si des organisations non étatiques présentent des excuses pour les événements de ce genre, mais que les institutions de l'État maintiennent le statu quo qu'elles préservent depuis 40 ans en ne divulguant pas l'information et en ne disant pas la vérité sur leurs opérations de sabotage pendant ces événements, alors je ne sais pas trop quelles seront les répercussions sur l'avenir du Canada dans un contexte où différents conflits et différents points de vue se développent.

  (1720)  

    Merci.
    Vous avez fait allusion à TMX. Je pense aux Wet'suwet'en. Je pense à la façon dont l'État détient le monopole de la violence, à l'incapacité d'avoir une reddition de comptes civile ou civique, un examen civil des activités policières. Nous composons avec cela de diverses façons, avec la Loi sur les mesures d'urgence, l'occupation, le convoi. Obtenir des informations de nos propres gouvernements a été très difficile, même en tant que députés, même avec ce qui est censé être un pouvoir suprême d'exiger la production de documents.
    Selon vous, la classification continue de ces documents est-elle... Pour revenir à l'idée de comprendre l'histoire du Canada et la capacité, pour les citoyens, de préconiser des changements de politiques et, pour ceux qui sont au gouvernement, la capacité de rédiger des politiques éclairées. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une preuve de la suprématie blanche institutionnelle. Je me demande si vous pourriez parler davantage du travail que vous faites à cet égard et de vos constatations dans un contexte contemporain.
    Beaucoup de ces enjeux sont absents du discours politique, car le point de départ est de savoir quels sont, l'implication et le rôle de l'État, pour commencer. À titre d'exemple, si j'examine des questions de sécurité d'État, toutes ces questions impliquent le SCRS directement ou indirectement. Or, si vous voulez consulter un dossier du SCRS en tant que particulier, vous n'avez même pas le droit de connaître le nom du coordinateur de l'accès à l'information. Toutefois, si vous consultez l'index des coordinateurs de l'accès à l'information, qui est accessible au public pour tous les ministères et organismes, vous constaterez que le SCRS aime prétendre... Ce bureau — le bureau d'accès à l'information — se trouve à être le visage public de l'organisme, étant donné qu'il doit interagir avec le public. Pourtant, ils aiment prétendre qu'ils participent à une sorte d'opération secrète où la culture est comme dans Fight Club, où l'on ne parle pas de fight club.
    Comment avoir un discours un tant soit peu pertinent alors que nous sommes confrontés à ce genre d'attitude lorsqu'il s'agit simplement de savoir ce qu'il en est, sans parler du passage du savoir à un discours de politique publique?
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t‑il?
    J'ai arrêté le chronomètre en raison du problème technique. Donc, il reste environ 20 secondes, monsieur Green.
    D'accord, je vais attendre le prochain tour.
    Je vous remercie.
    J'invite maintenant M. Tromp à se joindre à nous.
    Veuillez m'excuser, monsieur, pour les difficultés techniques. À l'instar des autres témoins qui sont ici aujourd'hui, vous aurez cinq minutes pour votre allocution, et vous participerez à la deuxième série de questions, avec les autres témoins.

[Français]

    Monsieur Villemure, je vous précise que les tests de son ont été faits pour ces témoins-ci également, et tout est beau.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Tromp, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, et merci.
    C'est presque un miracle que je sois ici aujourd'hui. Ce sont les difficultés techniques les plus complexes que j'ai eues de ma vie avec Zoom; cela a duré 30 minutes.
    Quoi qu'il en soit, nous y voilà. J'appelle de Vancouver.
    Pour commencer, comme vous le savez sans doute, beaucoup de défenseurs bien en vue du gouvernement ouvert ont refusé de témoigner devant ce comité, considérant ce processus comme très inefficace, pour de nombreuses raisons, tout comme d'autres audiences parlementaires de ce genre tenues dans le passé sur le sujet. Par exemple, le court préavis rend toute comparution impossible. Un groupe d'experts s'est plaint d'avoir reçu une invitation à présenter des observations écrites à 20 h 24, un soir. La réponse était demandée avant 15 heures le lendemain, en vue d'une comparution le jour ouvrable suivant.
    En outre, le Secrétariat du Conseil du Trésor a annoncé un soi-disant examen de la Loi sur l'accès à l'information en juin 2020, mais n'a cessé de reporter le délai d'achèvement de cet examen, de sorte qu'il n'y a toujours pas de fin en vue.
    Cela dit, je continuerai de saisir toutes les occasions qui me sont offertes d'expliquer aux députés et au public les raisons pour lesquelles des réformes majeures de la Loi sur l'accès à l'information s'imposent de toute urgence, en plus de souligner la valeur de cette mesure législative.
    Je témoigne aujourd'hui strictement à titre personnel et je ne représente aucun organisme. Mon témoignage repose sur trois documents qui sont publiés, avec beaucoup d'autres, sur mon site Web, canadafoi.ca.
    Premièrement, j'ai envoyé au Comité un lien vers le rapport que j'ai rédigé pour le Centre for Free Expression, intitulé « It's Time for Change! 206 Recommendations for Reforms to Canada's Access to Information Act ». Il s'agit de l'ensemble le plus complet de recommandations de réforme de la Loi sur l'accès à l'information jamais produit. On y trouve des conseils maintes fois répétés ces 30 dernières années, en vain, la plupart du temps. Ces recommandations sont fondées sur les pratiques exemplaires à l'échelle mondiale et sur les conseils de commissaires à l'information, de spécialistes des politiques d'accès à l'information, d'utilisateurs fréquents et de groupes de la société civile. J'espère que vous avez tous eu l'occasion de lire ces 206 recommandations.
    Deuxièmement, je vous ai envoyé un lien vers mon livre intitulé Fallen Behind: Canada's Access to Information Act in the World Context, dont la première édition est parue en 2008, et la deuxième, en 2020. Puisque le temps manquait pour traduire ce livre de 400 pages en français, la greffière a plutôt imprimé cinq pages contenant les sommaires des chapitres. J'espère que vous l'avez reçu.
    Troisièmement, j'ai constitué une base de données des 6 500 articles parus dans les journaux grâce à la Loi sur l'accès à l'information depuis son adoption, en 1983, et j'ai rédigé un résumé d'une centaine de mots pour chacun d'entre eux. Ils sont répartis en 41 sous-thèmes. J'ai créé cet index afin de démontrer au public la valeur des lois sur l'accès à l'information. Cela a pour effet de remonter le moral des journalistes et des étudiants en journalisme, en plus de leur offrir des idées d'articles. Malheureusement, la plupart des documents faisant l'objet de ces demandes auraient dû être divulgués systématiquement.
    En bref, la Loi sur l'accès à l'information contient trois trous noirs législatifs qui doivent être colmatés de toute urgence. Le premier est l'article 21 qui établit une exemption discrétionnaire pour les avis. Il faut ajouter à cette disposition un critère de préjudice, une limite de temps de 10 ans au lieu de la limite actuelle de 20 ans, ainsi qu'une déclaration claire selon laquelle une politique ne peut exiger la rétention d'informations factuelles et d'analyses de base.
    Deuxièmement, le Canada a créé plus de 100 entités publiques en propriété exclusive qui exercent des fonctions publiques et dépensent des milliards de dollars des contribuables, tout en les excluant du champ d'application des lois sur l'accès à l'information. Par exemple, l'exclusion de la Société canadienne du sang, de la Société de gestion des déchets nucléaires et des contrôleurs aériens pourrait nuire à la santé et à la sécurité publiques.
    Troisièmement, la plus importante menace actuelle au régime d'accès à l'information pourrait être ce qu'on appelle le « gouvernement verbal », une notion qui renvoie au fait, pour les fonctionnaires, de ne plus consigner leurs idées par écrit et de les transmettre plutôt verbalement afin d'éviter que l'information ne soit divulguée en réponse aux demandes d'accès à l'information. Par conséquent, le Canada doit se doter de toute urgence d'une loi exhaustive en matière de création et de conservation des documents, assortie de sanctions en cas de non-conformité.
    Nous devrions suivre l'exemple de Terre-Neuve, où, en 2012, la population s'est opposée au projet du premier ministre qui aurait fait de la loi provinciale sur l'accès à l'information la pire au Canada, et a plutôt fait pression pour avoir la meilleure en la matière.
    Malheureusement, même si je suis convaincu que vous voulez bien faire, il est probable que vos recommandations seront de nouveau ignorées par le Cabinet et la bureaucratie, comme c'est le cas depuis 35 ans, par exemple dans le cas du rapport intitulé « Une question à deux volets » présenté par un groupe de députés en 1987. Mon seul souhait serait que votre pouvoir soit égal à votre bonne volonté.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

  (1725)  

    Merci, monsieur Tromp. Nous vous sommes reconnaissants de votre déclaration.
    Nous passons maintenant à la deuxième série de questions.
    Je vous rappelle que nous avons 55 minutes pour les questions.

[Français]

    Nous allons commencer par vous, monsieur Gourde. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.
    Quand je regarde l'évolution du journalisme, j'ai l'impression que le journalisme d'enquête est voué à disparaître, en raison de problèmes d'accès à l'information. Aujourd'hui, nous vivons plutôt dans une période propice au journalisme d'opinion. Toutes sortes d'experts écrivent des articles dans les journaux ou parlent de différents sujets à des émissions de télévision. Par ailleurs, les réseaux sociaux ont accéléré la vitesse de traitement de l'information. Une nouvelle est rendue publique le matin et on voudrait connaître la conclusion de l'affaire en après-midi. Il y a une quarantaine d'années, lorsqu'une nouvelle était publiée dans un journal, on pouvait étirer l'affaire pendant un mois, parce qu'il y avait constamment des faits nouveaux qui s'y ajoutaient.
    Vous avez mentionné qu'il était frustrant de devoir attendre de cinq à sept ans pour obtenir l'accès à certaines informations avant de publier un article. La nouvelle peut encore être pertinente et susciter de l'intérêt après cinq ou sept ans, mais elle aurait sans doute été beaucoup plus pertinente le jour même ou au cours du même mois.
    Pensez-vous que le journalisme d'enquête, que vous pratiquez présentement, a encore de l'avenir?
    J'aimerais que M. Conte réponde à ma question en premier, parce que c'est lui qui a le plus parlé de ses frustrations. Par la suite, les autres témoins pourront y répondre.
    Merci de la question, monsieur Gourde.

[Traduction]

    Concernant la référence aux cinq années pour écrire un article, je parlais plus particulièrement des cinq années de frustrations documentées liées à la Loi sur l'accès à l'information dans le cadre de mes recherches dans un seul dossier, les profils de COINTEL au Canada. Il s'agissait d'archives que j'essayais d'obtenir de Bibliothèque et Archives Canada. En fin de compte, j'ai dû aller aux États-Unis, aux Archives nationales à Washington, D.C., où ils ont un système de déclassification après 25 ans.
    La GRC et le FBI ont collaboré dans cette affaire précise. J'ai donc trouvé très ironique, dans le cadre de mes recherches sur cette période de l'histoire canadienne, d'être obligé d'aller aux États-Unis pour obtenir ces documents parce qu'au Canada, le SCRS les considère toujours comme une menace opérationnelle.

  (1730)  

[Français]

    Monsieur Beeby, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Vous avez posé une question sur l'avenir du journalisme d'enquête. La branche du journalisme d'enquête qui s'appuie sur des documents est en voie de disparaître en raison des lacunes de la Loi sur l'accès à l'information.
    Ce n'est pas qu'il est impossible de mener d'autres enquêtes. Nous comptons sur les dénonciateurs, sur des fuites. Il y a toutes sortes de façons de faire des enquêtes approfondies, mais il y a des avantages à s'appuyer sur des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, car on ne se fonde pas sur l'opinion ou les spéculations d'une personne au sujet d'un événement donné, mais plutôt sur des documents gouvernementaux internes qui servent à établir les faits. Lorsqu'on cite des documents provenant d'un gouvernement lui-même, il s'agit d'une forme de journalisme d'enquête qu'il est difficile, pour le gouvernement en cause, de rejeter du revers de la main ou de nier.
    C'est une grande perte, et c'est ce qui se passe en ce moment. Nous assistons à la disparition du journalisme d'enquête basé sur des documents, en ce moment même, car le système d'accès à l'information est de moins en moins fiable et de moins en moins accessible aux journalistes.

[Français]

    Monsieur Jolly, aimeriez-vous intervenir?
    Oui, merci.

[Traduction]

    J'aimerais faire écho à bon nombre de commentaires de M. Beeby sur les défis auxquels sont confrontés... sur le déclin de l'accès à l'information pour les journalistes documentaristes.
    À bien des égards, simplement pour compléter ces propos, l'idée est qu'un mauvais système d'accès à l'information transforme le travail journalistique quotidien en journalisme d'enquête, ce qui, dans la conjoncture économique du secteur de l'information, est tout à fait insoutenable.
    Ma deuxième réflexion est la suivante. Lorsque des documents obtenus par l'intermédiaire du système d'accès à l'information sont inclus dans des reportages, cela se trouve manifestement à mettre en cause le système lui-même. Pour les lecteurs et l'auditoire, le fait que l'on revienne en arrière et que l'on précise que le reportage traite d'une affaire qui remonte à cinq ou sept ans, par exemple, témoigne de façon éloquente des défis auxquels les journalistes sont confrontés pour avoir accès à ces documents et les obtenir. Cette situation doit absolument changer.
    Je vous remercie, monsieur Jolly.

[Français]

    Monsieur Fergus, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins qui sont parmi nous.
    Je vais commencer par vous, monsieur Beeby, parce qu'il y a longtemps que je suis votre carrière et vos critiques concernant notre accès à l'information.
    J'aimerais revenir sur des propos que vous avez tenus au sujet de la divulgation proactive.

[Traduction]

    Votre question visait en quelque sorte à savoir pourquoi, si la divulgation proactive fonctionne, autant de gens présentent de plus en plus de demandes d'accès à l'information.

[Français]

    À notre comité, nous avons discuté avec des gens qui travaillent dans certains ministères. Ces personnes ont souligné que les trois quarts des demandes d'accès à l'information visaient un seul ministère, en l'occurrence Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. En effet, les individus qui font une demande veulent recevoir une mise à jour, mais les systèmes informatiques de ce ministère sont vétustes.
    Est-ce que cela répond d'une certaine façon à votre question?

  (1735)  

[Traduction]

    La charge de travail que représente le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration sur le système d'accès à l'information est plutôt édifiante. Ce ministère a pris une décision... Je ne sais pas à quand remonte cette décision, mais cela fait au moins 20 ans. Le ministère recevait beaucoup de questions sur les dossiers des clients. Il a alors été décidé, étant donné qu'il n'a pas la capacité administrative de répondre à toutes ces demandes, d'assujettir tout cela aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Il s'agit d'une décision délibérée d'utiliser la Loi d'une manière qui n'était pas prévue.
    La grande majorité — 75 % des demandes, je pense — est de cette nature. Elles proviennent simplement de consultants en immigration et d'avocats qui demandent des renseignements sur leurs clients. À mon avis, il est absurde de mobiliser les ressources d'un système d'accès à l'information pour répondre à ce genre de question. Pourquoi ne mettrait‑il pas simplement en place son propre système informatique distinct pour répondre à ces demandes au lieu de surcharger le système d'accès à l'information?
    La commissaire à l'information a fait une étude à ce sujet. J'espère que vous la consulterez, car elle a dit exactement la même chose que moi. Elle a dit de retirer cela du régime de la Loi sur l'accès à l'information. Cela contribuerait vraiment à rationaliser les choses et à accroître l'accessibilité.
    Cela nous ramène à un point soulevé par Mme Hepfner, à savoir la disponibilité accrue des informations ou un volume de demandes d'accès plus élevé que jamais.
    La question des demandes futiles et vexatoires venant du public a souvent été évoquée dans les délibérations du Comité. Je pense que ce sont des cas isolés. En fait, je pense que c'est insignifiant, en fait, par rapport à la nature vexatoire du gouvernement, dans ce genre d'exemple, étant donné qu'il utilise la Loi sur l'accès à l'information à mauvais escient pour des choses qui n'ont rien à voir avec ce à quoi elle était destinée, pour ses propres opérations.

[Français]

    Vous avez mentionné que vous suiviez les présentes délibérations, tout comme vous aviez déjà suivi de telles délibérations une quinzaine de fois depuis l'inauguration de ce programme.
    Cette fois-ci, en supposant que tout le monde autour de cette table est de bonne foi, j'aimerais que vous me disiez quelles personnes du gouvernement nous devrions inviter, selon vous, pour rendre des comptes sur le système d'accès à l'information.
    Monsieur Beeby, voulez-vous répondre à cette question?

[Traduction]

    Eh bien, le système est supervisé par le Conseil du Trésor.
    J'inviterais notamment le président du Conseil du Trésor, et peut-être l'équivalent du sous-ministre du SCT. Ce sont eux qui prennent les décisions clés sur le fonctionnement de ce système, et ils devraient être tenus responsables de ces décisions. Ce sont les deux personnes que j'inviterais.

[Français]

    À part ces deux personnes, monsieur Conte, avez-vous quelqu'un d'autre à suggérer?

[Traduction]

    Oui, j'inviterais le coordonnateur de l'accès à l'information du SCRS, ainsi que Me Amir Attaran, un avocat constitutionnel, qui connaît bien la jurisprudence entourant les questions de constitutionnalité et la pertinence du chevauchement constitutionnel avec l'état actuel de la Loi.

[Français]

    Merci, monsieur Fergus.
    Est-ce que M. Tromp peut répondre à la question, aussi?
    Nous en sommes maintenant à 5 minutes 38 secondes, mais je vais accorder 10 secondes de plus à M. Tromp.

[Traduction]

    Si vous pouviez donner une réponse courte, monsieur Tromp, ce serait formidable.
    Je veillerais aussi à inviter le ministre de la Justice, qui a souvent parlé de la Loi sur l'accès à l'information devant divers comités auparavant, puisqu'il s'occuperait de la réforme du droit en la matière.
    Merci, monsieur Tromp.
    Monsieur Jolly, la parole est à vous.

  (1740)  

    Je pourrais ajouter, bien sûr, le premier ministre, M. Trudeau, puisqu'il est actuellement saisi du dossier. En outre, il a promis, lors de son entrée en fonction en 2015, de faire de son gouvernement l'un des plus transparents de l'histoire du Canada. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas vu beaucoup de mouvement sur ce front.
    Merci, monsieur Jolly.

[Français]

    Monsieur Villemure, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Beeby, abstraction faite de la loi, croyez-vous que toute information doit obligatoirement être dévoilée, dans toutes les circonstances?

[Traduction]

    Non, je ne le pense pas. Je crois au droit à la protection de la vie privée, par exemple. Je pense en effet que certaines délibérations du gouvernement doivent être protégées afin de permettre des discussions ouvertes et honnêtes. Non, je ne suis pas déraisonnable. Je ne pense pas que cela devrait être accessible à tous. Je pense qu'il existe des motifs très valables de protéger certains types d'informations — les informations liées à la sécurité, par exemple —, mais nous avons besoin d’un organisme de surveillance pour nous informer lorsque nos politiciens abusent des protections pour les questions de sécurité, pour la vie privée, pour les délibérations.
    Comme je l'ai dit dans mon allocution, il n'existe pas de mécanisme de surveillance au niveau du Cabinet. Il prend ses propres décisions, et il faut simplement vivre avec. Il n'y a pas de vérificateur ou d'ombudsman ayant un pouvoir de second regard.

[Français]

    La commissaire à l'information devrait-elle avoir ce pouvoir?

[Traduction]

    Oui, la commissaire à l'information du Canada devrait être autorisée à examiner les décisions de refuser la communication de documents du Cabinet. Absolument. L'idée n'est pas si farfelue. M. Yan Campagnolo, un professeur de l'Université d'Ottawa, vient d'écrire un livre sur le sujet. Il recommandait précisément que la commissaire à l'information soit autorisée à examiner ce genre de décisions.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Beeby.
    Monsieur Conte, êtes-vous un partisan de la transparence radicale?

[Traduction]

    Qu'entendez-vous par « transparence à tout prix »?

[Français]

    Je parle de la transparence à tout prix.

[Traduction]

    Je crois en un système de gouvernement où les citoyens participent à un processus caractérisé par la communication honnête de renseignements sur les activités des autorités gouvernementales, ce que cette loi ne prévoit pas.

[Français]

    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Villemure.

[Traduction]

    Merci, monsieur Conte.
    La parole est maintenant à M. Green, pour deux minutes et demie.
    Merci.
    Monsieur Conte, dans un article intitulé « Le Canada continue de censurer des entretiens internes en lien avec l'examen de la guerre en Afghanistan, » vous affirmez: « d'ici à ce qu'on abroge la Loi sur l'accès à l'information et que l'on crée un système d'accès de la responsabilité civile, le système actuel reposant sur la bonne foi discrétionnaire continuera dans les faits à servir de système de censure de la part de l'État et de prolongement déguisé de la Loi sur les secrets officiels. »
    Pouvez-vous décrire ce à quoi ressemblerait un « système d'accès de la responsabilité civile? »
    Certains témoins l'ont évoqué en partie aujourd'hui et lors de séances antérieures.
    Si je ne paye pas mes impôts, j'en subirai les conséquences. Dans une société collective, il y a des règles qu'il faut respecter ainsi que des attentes envers les citoyens. Selon la...
    Je serai plus direct, car je n'ai pas beaucoup de temps.
    Y a‑t‑il des pays examinés dans le cadre de votre étude qui ont, à votre avis, un système de responsabilité civile adéquat?
    D'après ce que j'ai vu aux États-Unis, si un gouvernement ne respecte pas les règles, il y a des types d'infrastructure...
    Excusez-moi. J'ai arrêté le chronomètre. M. Villemure souhaite faire un rappel au Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, les interprètes ont de la difficulté à bien entendre les propos de M. Green.

[Traduction]

    Nous avons eu ce problème un peu plus tôt. Vous l'avez réglé miraculeusement en parlant plus fort, monsieur Green. Pourriez-vous le refaire?
    J'en serai ravi.
    Je précise aux fins du procès-verbal que je porte un casque d'écoute fourni par le gouvernement.
    Oui. Merci.
    Pardon pour l'interruption. Veuillez poursuivre.
    Monsieur Conte, vous avez parlé des États-Unis comme d'un point de comparaison que l'on pourrait examiner. Est‑ce par l'entremise des tribunaux que les civils peuvent obtenir réparation, si le gouvernement ne respecte pas ses obligations en vertu de la loi?

  (1745)  

    À court terme, si l'on réfléchit aux changements de politique publique possibles, le seul recours serait par l'entremise des tribunaux. On pourrait adopter des sanctions financières imposées à des représentants du gouvernement ou à des ministères, entre autres moyens. Mais, en ce moment, il n'y a pas de conséquences à ne pas se conformer à la Loi.
    Par exemple, même si le projet de loi C‑58 donne des pouvoirs d'ordonnance à la commissaire, certains ministères ne se conforment pas à ces ordonnances. Certains ministères contestent les ordonnances de la commissaire devant les tribunaux. Pourquoi? Parce que...
    Je vous donne un exemple provenant de la Chambre des communes. Au cours de la dernière session, le Président de la Chambre a dû intenter un recours contre le gouvernement devant les tribunaux simplement pour obtenir les documents que nous demandions.
    Je sais que mon temps est écoulé. Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour nous faire part de leur expertise.
    Merci, monsieur Green.
    Nous poursuivons le deuxième tour et passons à M. Barrett pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici.
    Je m'adresse à l'ensemble du groupe.
    À quand remonte votre plus ancienne demande non traitée d'accès à l'information? Je commence par vous, monsieur Beeby.
    Je ne saurais être précis, mais je dirais environ 10 ans.
    Sauriez-vous dire de quel ministère vous attendez une réponse?
    Je crois bien qu'il s'agit du Bureau du Conseil privé.
    D'accord.
    Monsieur Conte, allez‑y.
    Ma demande en attente la plus ancienne a été faite auprès de Bibliothèque et Archives Canada. Elle remonte à 2018.
    Monsieur Tromp, quelle est la demande d'accès à l'information encore en attente la plus ancienne que vous ayez faite au gouvernement du Canada?
    Je dirais que le ministère qui a le pire bilan en matière de demandes en attente pour les journalistes est la Gendarmerie royale du Canada. J'ai des demandes qui remontent à six ou même sept ans. C'est presque catastrophique.
    Avons-nous perdu notre autre témoin?
    Êtes-vous toujours là, monsieur Jolly?
    On dirait que M. Jolly n'est plus là. J'espère qu'il reviendra rapidement.
    Monsieur Barrett, vous pouvez poursuivre.
    Il a peut-être succombé à sa plus longue attente pour une demande d'accès à l'information, ou peut-être a‑t‑il enfin reçu une réponse et il est en train de la lire.
    Le fait que le gouvernement n'ait pas respecté les échéances des demandes d'accès à l'information a‑t‑il nui à votre capacité de rendre compte avec exactitude de ce qui se passe au gouvernement?
    Oui. Nous parlons d'« abus de délai ». Certains ministères, comme la GRC, n'accusent même pas réception de votre demande. Pour certaines demandes en suspens, on ne dirait même pas que le temps presse. Je pense que dans les ministères, le réflexe est d'utiliser le plus de temps qu'il leur est permis de prendre, car cela leur donne une plus grande marge de manœuvre, plutôt que de déterminer exactement combien de temps prendra le traitement de la demande.
    La commissaire à l'information s'en est prise aux ministères pour cela. Cette façon de procéder fait en sorte que les demandes des journalistes, en particulier, restent en suspens pendant des mois et des mois, parfois des années et des années — j'ai donné quelques exemples à cet effet —, jusqu'à ce que l'information ne soit plus embarrassante, dangereuse ou que sais‑je.
    Cela nous touche, oui.
    Monsieur Conte, bien que j'aie la même question, j'aimerais savoir si vous pensez que cela nuit à la confiance du public dans les médias, c'est-à-dire lorsqu'une question suscite l'intérêt du public et que les médias n'en parlent pas de manière substantielle parce qu'ils ne sont pas en mesure d'obtenir les informations qui permettraient d'étayer ou d'étoffer la nouvelle.

  (1750)  

    Bien sûr, cela a une incidence sur le contenu des nouvelles, et sur le contenu politique des nouvelles, si nous parlons d'information touchant l'État.
    Je voudrais juste souligner, au sujet de la GRC, que non seulement la GRC ne reconnaît pas... J'ai reçu une lettre de la part de l'organisme cinq ou six ans après avoir déposé la demande. On me demandait si je souhaitais toujours recevoir une réponse à cette demande.
    Pour répondre à votre question, simplement à titre de comparaison, aux États-Unis, la loi privilégie la diffusion publique des connaissances. S'il survient une question urgente touchant les activités du gouvernement sur laquelle vous devez rendre compte, votre demande d'accès à l'information sera traitée en priorité; ce processus n'existe pas ici.
    Je suis surpris que les journalistes, surtout ceux des médias traditionnels, ne soient pas plus nombreux à se présenter devant ce comité, car leur métier est de rendre les connaissances publiques, surtout en ce qui concerne l'État. Cette absence est révélatrice: le monde journalistique se désintéresse de l'accès à l'information, et, par conséquent, cela se répercute sur la qualité du journalisme qui couvre les activités du gouvernement.
    C'est juste.
    Combien de temps me reste-t‑il, monsieur le président?
    Il vous reste deux secondes.
    Je dirais simplement que le problème est que si les membres du public ne savent pas ce qu'ils ne savent pas, il est difficile pour eux d'être des agents de changement dans le système. Je sais qu'il existe une certaine frustration, car cette question a été étudiée par des législatures successives et de multiples comités, mais je pense que c'est une question importante, et je remercie les témoins de leurs témoignages.
    Merci, monsieur Barrett.
    Monsieur Tromp, je vois que votre main est levée. Avez-vous un problème de nature technique?
    J'aimerais intervenir brièvement sur cette question des délais.
    Je suis désolé, monsieur Tromp. Vous pourrez peut-être en parler si Mme Khalid vous pose cette question pendant son tour. Il s'agit de la période de questions et réponses.
    Madame Khalid, allez‑y, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nous avons une discussion intéressante avec les témoins aujourd'hui. Je vous remercie de vos observations.
    On a demandé à la commissaire à l'information quel fardeau représentaient les demandes futiles, vexatoires ou entachées de mauvaise foi sur le travail que doit faire son bureau, et voici ce qu'elle a répondu:
Cela a d'énormes répercussions. Mon bureau ne compte que trois personnes qui s'occupent de nos propres demandes d'accès à l'information. L'année dernière, nous avons reçu une demande qui a abouti à un dossier de 33 000 pages. Nous avons dû demander une prolongation, car nous sommes également assujettis à la loi. Nous ne voulons pas refuser des demandes, mais parfois, nous nous rendons compte qu'il est difficile de négocier ou d'essayer de comprendre ce qui motive la demande.
Je suis certaine que les institutions, comme je l'ai dit, doivent toutes composer avec un, deux ou trois demandeurs qui sont difficiles ou qui demandent des renseignements pour lesquelles, au bout du compte, vous vous demandez: « Qu'allez-vous faire de ces 22 millions de pages? ».
     Monsieur Beeby, en tant que personne qui a une formation en journalisme d'enquête — et j'ai un grand respect pour le rôle des journalistes en tant que chiens de garde du fonctionnement du gouvernement et de la façon dont nous fournissons des services aux Canadiens —, comment vous sentez-vous face à l'afflux actuel de ce que j'aime appeler le « journalisme de blogueur », où une opinion devient... ou essaie peut-être de changer l'opinion publique ou de faire perdre la confiance du public envers le gouvernement?
    Croyez-vous que cela a une incidence sur le traitement des demandes d'accès à l'information en ce moment?
    Je ne suis pas certain d'y voir un lien.
    Pour ma part, en tant que journaliste, l'accès à l'information est un moyen d'éviter le journalisme d'opinion ou le journalisme du genre « il a dit ceci, elle a dit cela », et qui permet d'élaborer quelque chose entre les deux. Quand vous parlez de « journalisme de blogueur », je suppose que vous voulez parler de journalisme d'opinion, ce genre de choses?
    À mon avis, l'accès à l'information est une réponse à cela. Nous parlons de la désinformation qui est véhiculée dans les blogues et nous essayons de persuader les gens, d'une manière ou d'une autre, de ne pas utiliser la désinformation. L'accès à l'information est une réponse à ce problème. Les données qui ont été fournies par les gouvernements et qui ont été vérifiées servent d'assises solides au journalisme d'enquête.
    C'est pourquoi j'ai utilisé la loi pendant toute ma carrière. Je pense qu'elle est une source d'information plus fiable et moins contestable pour la rédaction d'articles de journalisme d'enquête.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

  (1755)  

    Oui. Merci, je vous en suis reconnaissante, monsieur Beeby.
    Monsieur Conte, plus tôt, vous avez dit que le SCRS vous avait envoyé un article qui avait été caviardé. Si je comprends bien, en vertu de la loi, les documents publiés ne sont pas assujettis au caviardage, parce que ces documents sont déjà publics. Pouvez-vous nous aider à comprendre ce qui a été caviardé exactement? Que cherchiez-vous dans un article qui avait déjà été publié?
    Si vous êtes un chercheur et que vous souhaitez mener des recherches sur les dossiers de l'État canadien en matière de sécurité de façon plutôt rapide, vous devez vous tourner vers des recherches qui ont déjà été faites, parce qu'une demande d'accès aux dossiers historiques... Les archives du SCRS et les archives des services de sécurité de la GRC se trouvent à Bibliothèque et Archives Canada dans le volume RG146. Il s'agit d'un transfert de documents du SCRS sur lesquels il a encore le contrôle. Tous les documents qui s'y trouvent proviennent de documents déjà publiés... Vous pouvez accéder à une collection de dossiers d'accès à l'information déjà publiés, en attendant que votre propre demande d'accès à l'information soit exécutée.
    Ces transferts ont eu lieu dans les années 1990. Il y avait autrefois une salle de lecture du SCRS qui était accessible. Je n'y suis jamais allé, parce que j'étais trop jeune à l'époque.
    Dans ces dossiers publics d'accès à l'information qui ont été traités dans les années 1990, il existe plusieurs documents qui comportent des marques de caviardage, ce qui démontre que le SCRS caviardait et censurait les documents à l'époque. Ces documents témoignent de la prévalence accrue de la censure de Bibliothèque et Archives Canada et du Bureau de la commissaire à l'information, à la fois à l'époque et maintenant, parce que même aujourd'hui, comme...
    Désolée. Je ne veux pas vous interrompre, mais ma question portait précisément sur cet article public que vous avez reçu et qui était caviardé.
    La période de cinq minutes qui vous était impartie est écoulée.
    J'aurais une dernière question, si vous me le permettez, monsieur le président.
    Vous savez que je n'aime pas interrompre les gens.
    Allez‑y.
    Merci, monsieur le président. Il s'agit d'une question très brève.
    Monsieur Beeby, plus tôt, vous avez évoqué le secret du Cabinet. Au Comité, nous avons des réunions à huis clos lors desquelles nous discutons de certains témoins ou de sujets de nature délicate. Nous finissons toutefois par publier le bilan de nos délibérations.
    Croyez-vous que les délibérations du Comité qui se tiennent à huis clos devraient également être assujetties à la Loi sur l'accès à l'information?
    Je vous demanderais de nous donner une réponse brève, monsieur Beeby.
    Je crois qu'il faut protéger les délibérations qui méritent d'être protégées. C'est tout ce que je peux dire. Il s'agit d'une question quelque peu hypothétique. Je ne suis pas certain de savoir à quel genre de discussions à huis clos vous faites référence.
    Je ne m'oppose pas à la protection des délibérations du Cabinet. Je pense simplement que notre système actuel a dérapé. Je crois que la définition du « secret du Cabinet » est élargie chaque année, de sorte qu'elle finit par englober des documents qui n'ont pas trait au Cabinet.
    Merci, monsieur Beeby.

[Français]

    Nous commençons maintenant le prochain tour de questions.
    Je tiens à faire savoir aux membres du Comité que M. Jolly est de retour parmi nous, à distance.
    Monsieur Kurek, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Cette conversation est fascinante.
    Monsieur Tromp, j'aimerais vous donner la chance de répondre à la question posée par mon collègue, M. Barrett, à propos des défis liés à la confiance envers les médias, car ces derniers ne sont pas capables d'avoir accès à cette information.
    Aimeriez-vous répondre à cette question? Je sais que vous aviez levé votre main plus tôt.
    Je vous remercie de m'en donner l'occasion.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai créé une base de données sur tous les reportages qui ont découlé de demandes d'accès à l'information depuis 1983. Il y en a plus de 6 000, ce qui démontre au public la valeur du système d'AIPRP et le danger de le perdre. Nous sommes déjà pénalisés avec des salles de rédaction parfois réduites de moitié, des journaux en faillite et un dépérissement industriel massif. Une partie des demandes d'accès à l'information sera reprise par les pigistes et les nouveaux médias numériques, mais il y en aura beaucoup moins qu'avant.
    C'est un double coup dur: l'industrie est mise à rude épreuve et le système d'AIPRP est très défaillant.
    Une question a été posée sur le problème entourant les retards. Il est vrai que j'ai dû abandonner des articles à cause des délais. L'information n'était plus pertinente. Le problème majeur est que selon notre Loi sur l'accès à l'information, le délai pour fournir une réponse peut être prolongé pour une « période de temps raisonnable » qui n'est pas précisée. Cela peut signifier n'importe quoi pour n'importe qui. C'est un chèque en blanc. Cela permet de prolonger le délai, potentiellement, pour toujours. C'est une partie de la loi que la plupart des pays qui ont des lois sur la liberté d'information n'accepteraient jamais.
    De plus, le temps de réponse moyen dans la plupart des lois sur la liberté d'information dans le monde est de deux semaines. C'est la moitié du temps de réponse initial de 30 jours qui se trouve dans notre loi. Même les pays beaucoup plus pauvres qui ont des systèmes administratifs déficients fournissent des réponses beaucoup plus rapidement. Parfois, le délai est d'une semaine ou deux.
    Généralement, c'est une question de volonté politique. Ce n'est pas toujours une question de ressources.

  (1800)  

    Merci, monsieur Tromp.
    J'aimerais souligner que j'ai demandé à mon équipe de faire un survol de nombreux systèmes de partout dans le monde et, chose certaine, le Canada n'obtient pas une très bonne note lorsque l'on examine certaines demandes d'accès à l'information par exemple.
    Il ne me reste qu'environ deux minutes et demie.
    Monsieur Jolly, je sais que vous étiez perdu, mais on vous a retrouvé. Nous sommes heureux de vous revoir. Auriez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la confiance du public envers les demandes d'accès à l'information? Plus précisément, quelle en est l'incidence sur les médias?
    Certainement.
    Je veux juste ajouter que ce qui s'est passé n'était pas une bonne publicité pour le service Internet de Bell.
    Sans conteste, pour ce qui est de l'ouverture et de la transparence, je pense que nous nous sommes beaucoup éloignés du principe d'ouverture par défaut. Il faut corriger le tir immédiatement.
    À mon avis, nous transformons de plus en plus le droit du citoyen de savoir en un droit du gouvernement de dire « non » aux demandes légitimes d'accès à l'information qui portent sur le gouvernement. Les contrecoups sont ressentis à tous les échelons de l'information et de la société, depuis la capacité des journalistes et des médias d'information d'utiliser ces demandes pour rendre compte de l'information, jusqu'à la possibilité des citoyens et des chercheurs d'accéder aux documents pertinents dont ils ont besoin pour faire leur travail.
    En effet. Merci de votre réponse.
    Comme on l'a mentionné, le Parlement a pu constater certains de ces problèmes lorsque le gouvernement a intenté un procès au Président de la Chambre des communes au sujet de la publication de certains renseignements au cours de la législature précédente. Cette question a été réglée à cause du déclenchement d'une élection, donc il y a certainement une foule de problèmes.
    Changeons maintenant de sujet, monsieur Beeby. Vous avez parlé de la divulgation proactive. Lorsque je pense à une recommandation qui pourrait être formulée, je me dis que la divulgation proactive, notamment en matière d'arriéré dans les dossiers d'immigration, où pour une personne qui a vu sa demande refusée... Nous avons besoin de divulgation proactive en lien avec l'immigration pour nous assurer que les gens n'ont pas à présenter une demande d'accès à l'information.
    Je me demande, dans les 30 secondes qu'il me reste, si vous pourriez parler un peu de la divulgation proactive, pas tellement par rapport aux notes d'information ministérielles plus générales, mais davantage en ce qui concerne des cas précis.
    Ce qui cloche avec la divulgation proactive — telle qu'elle se présente dans la loi et dans le projet de loi C‑58, qui a modifié la Loi sur l'accès à l'information —, c'est qu'elle définit un très petit nombre de documents, dits ministériels, qui vont être publiés selon le calendrier établi par le gouvernement, sans surveillance.
    À mon avis, la divulgation proactive est un faux-fuyant. C'est une façon de détourner notre attention de la résolution du problème principal, qui est que notre Loi sur l'accès à l'information est dysfonctionnelle.
    Sur la question des dossiers d'immigration, il y a un gros problème de confidentialité. Je ne pense donc pas que la divulgation proactive soit possible. Il faut que ce soit une divulgation de client à client.
    La divulgation proactive n'est pas une panacée pour le système. Elle ne l'est pas. Elle détourne nos efforts et notre attention du gros problème, qui est que nous avons une loi dysfonctionnelle.

  (1805)  

    Merci, monsieur Beeby.
    Merci, monsieur Kurek.
    Le moment est peut-être venu d'inclure un avertissement pour dire que les opinions exprimées par M. Jolly sur la connectivité Internet ne reflètent pas celles du Comité. Toute publication...
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur Beeby.
    Nous passons maintenant à Mme Saks pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Par votre intermédiaire, j'aimerais m'adresser à M. Tromp, si vous le permettez.
    Monsieur Tromp, j'ai eu l'occasion de parcourir une partie de votre livre, et j'aimerais noter vos commentaires concernant la façon dont le gouvernement Harper s'était engagé en 2006 à « prévoir une disposition de primauté de l'intérêt public applicable à l'ensemble des exemptions ». Il n'a pas tenu cette promesse. Dans un paragraphe suivant, vous parlez de l'intention du Parti conservateur d'examiner les exemptions de l'accès à l'information et de les soumettre au « critère du préjudice », ce qui n'a pas été fait non plus.
    Au chapitre 8 de votre livre, vous poursuivez en affirmant que le Parti libéral a tenu sa promesse de 2015 d'accorder au commissaire à l'information le pouvoir d'ordonner la communication de renseignements gouvernementaux en vertu du projet de loi C‑58.
    Nous constatons que pendant les années Harper, les médias se sont en fait plaints de ne pas avoir vraiment eu beaucoup de relations avec le gouvernement Harper en matière de communications et de discussions, et en 2015, le nouveau gouvernement est arrivé en promettant d'avancer de manière ouverte et transparente, et vous citez le projet de loi C‑58.
    Où en sommes-nous maintenant dans l'examen des exemptions? Avons-nous avancé? Nous avons entendu les commentaires de M. Beeby au sujet de la divulgation proactive et des cas où elle ne répond pas à aux promesses.
    J'aimerais avoir votre avis sur la question, si vous le permettez.
    Eh bien, il y a certainement eu des progrès, mais le fait que le Cabinet du Premier ministre et les ministres ne soient plus couverts, comme le premier ministre avait promis de le premettre lors de la campagne électorale de 2015, est un échec.
    À cet égard, le pouvoir de la commissaire d'ordonner la communication de documents gouvernementaux est accueilli très favorablement. Toutefois, dans son rapport, la commissaire, Suzanne Legault, a relevé cinq graves lacunes de ce pouvoir — qui sont pour la plupart absentes dans le reste des pays du monde que j'ai étudiés — comme l'examen de novo, le manque d'application de ce pouvoir, etc.
    C'était un début, mais bien sûr, il faut encore que les documents du Cabinet soient soumis à l'examen de la commissaire et ne soient plus complètement exclus de la loi — comme c'est le cas dans un seul autre pays du monde, c'est-à-dire l'Afrique du Sud —, mais plutôt qu'ils fassent l'objet d'une exemption obligatoire, ce qui était le cas en 1979, dans la première version de la Loi sur l'accès à l'information.
    Oui, parmi les huit promesses de réforme de l'accès à l'information faites par le gouvernement Harper en 2006, sept promesses et demie n'ont pas été tenues. Il y a eu une certaine couverture de quelques fondations et sociétés d'État...
    Je vous remercie de votre réponse.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais je veux vraiment me pencher sur le secret du cabinet. Vous avez mentionné que l'Afrique du Sud et le Canada sont les seuls pays qui prévoient des exemptions complètes des documents du Cabinet...
    Des exclusions.
    Désolée. Oui, je vous remercie de m'avoir corrigée à ce sujet.
    Si j'ai bien compris, il est assez courant dans le Commonwealth que les documents confidentiels du Cabinet fassent l'objet d'exclusions. Dans quel autre pays du monde les citoyens ont-ils un accès libre aux documents confidentiels du Cabinet? Pouvez-vous citer un exemple?
    Évidemment, les délibérations du Cabinet ne sont pas entièrement accessibles. La Nouvelle-Zélande a un système un peu plus ouvert, où les dossiers de données de base sont communiqués très rapidement après la prise de décisions.
    Le délai de 20 ans est nettement excessif. En Nouvelle-Écosse, les documents du Cabinet ne peuvent être retenus que pendant 10 ans. La dernière loi sur l'accès à l'information adoptée dans le Commonwealth, c'est-à-dire celle du Ghana en 2019, prévoit un critère de préjudice précis pour les documents du Cabinet, qui ne peuvent être retenus que s'ils « portent atteinte au processus de délibération ». Eh bien, tous les documents du Cabinet communiqués ne porteraient pas atteinte au processus de délibération. Il faut que les motifs de rétention soient plus précis et plus nuancés.
    Je vous remercie de votre réponse.
    À votre avis, qui devrait être le grand manitou qui détermine si la disposition de primauté de l'intérêt public pourrait être appliquée?
    Ce serait la commissaire et les tribunaux.

  (1810)  

    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 35 secondes.
    Monsieur Beeby, vous dites que la grande majorité des renseignements qui sont publiés sur le portail du Gouvernement ouvert ne sont pas pertinents, ce qui inclut des contrats, des documents d'information des ministres et tout financement supérieur à 10 000 $, alors qu'est‑ce qui serait pertinent, si ces renseignements ne le sont pas?
     Vous parliez justement des documents confidentiels du Cabinet. Je pense que le Cabinet pourrait prendre l'initiative de publier les données et les informations de base sur lesquelles il s'est fondé pour prendre ses décisions. Il pourrait le faire peu de temps après avoir pris sa décision, plutôt que de nous faire attendre 20 ans. Voilà un exemple de documents liés aux délibérations qui sont inutilement retenus et qui nous aideraient à comprendre pourquoi le gouvernement a pris une décision. Je ne vois pas où est de problème si les documents ne traitent pas les discussions qui ont actuellement eu lieu, et s'il ne s'agit que de données et de renseignements généraux.

[Français]

    Merci, monsieur Beeby.
    Monsieur Villemure, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Conte, tantôt, vous nous avez parlé des différences entre le système américain et le système canadien. Vous avez dit que, dans le système américain, si une demande était jugée importante, elle était placée au début de la file. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Oui, vous devez présenter une demande de traitement accéléré.

[Français]

    Les documents classifiés qu'on obtient aux États-Unis, à la suite d'une demande d'accès, sont-ils plus censurés ou moins censurés que ceux qu'on obtient ici, en moyenne?

[Traduction]

    Aux États-Unis, il y a un système de déclassification après 25 ans. Après cette période, les documents sont déclassifiés et non censurés dans la mesure du possible.
    Au Canada, le seul moyen de déclassifier des documents est de présenter des demandes d'accès à l'information, une par une, en fonction de l'auteur de la demande.

[Français]

    Dans une revue scientifique, on disait récemment qu'aux États‑Unis, les documents étaient souvent classifiés de façon trop secrète par rapport à la réalité et que c'était le fait de fonctionnaires qui désiraient se protéger plutôt que par réel besoin.
    Êtes-vous d'accord sur cela?

[Traduction]

    Pour être honnête, je n'ai pas cette connaissance d'expert en la matière, mais j'imagine que cela se produit. Le système américain n'est pas parfait en ce qui concerne, entre autres, la censure, les retards, les appels, mais ce problème est plus répandu ici, au Canada.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Conte.
    Monsieur Tromp, vous avez formulé 206 recommandations dans votre rapport. Quelles seraient les deux recommandations principales?

[Traduction]

    Je pense que l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet devrait être transformée en une exemption obligatoire, et que la commissaire devrait avoir le droit de consulter les documents pour s'assurer qu'ils sont classifiés correctement.
    De même, ma deuxième recommandation serait l'exemption relative aux conseils stratégiques, qui nécessiterait un critère de préjudice, une limite de 10 ans et une déclaration claire selon laquelle les faits et les renseignements généraux ne peuvent être retenus à des fins d'analyse.
    Ce serait déjà un bon début, mais il y a plus.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Villemure.
    Monsieur Green, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Monsieur Beeby, dans un article publié sur un blogue, vous avez déclaré qu'en 2009, un adjoint d'un ministre de Travaux publics a bloqué la communication d'un document que vous aviez demandé. Il a été signalé qu'il s'agissait d'un cas évident d'ingérence politique, mais la GRC a abandonné son enquête préliminaire. À votre avis, pourquoi l'enquête a‑t‑elle été abandonnée?
    Eh bien, je n'ai pas accès aux dossiers de la GRC, et la GRC a enquêté sur cette affaire. Je sais seulement qu'elle a annoncé qu'elle ne porterait pas d'accusations contre cette personne. Cependant, je crois comprendre que le problème consistait à prouver l'intention criminelle de la personne. Un article de la loi prévoit des sanctions pénales, mais pour que ces sanctions s'appliquent, il faut prouver l'intention criminelle. Je pense qu'ils n'ont pas été en mesure de le faire dans ce cas particulier.
    Compte tenu de cette zone grise, avez-vous des recommandations à nous faire concernant les personnes qui pourraient être les mieux qualifiées pour enquêter sur ce type d'affaires?
    Cette affaire est intéressante, car elle concerne un adjoint politique d'un ministre. L'une des bizarreries de la Loi sur l'accès à l'information, c'est que la commissaire à l'information, lorsqu'elle découvre un mauvais comportement de la part d'un adjoint politique, ne peut pas demander au ministre de la Justice et procureur général de faire enquête parce que les adjoints échappent en quelque sorte à sa compétence. Il s'agit là d'une véritable lacune de la loi qui pourrait être corrigée très facilement, et je crois que c'est une échappatoire que nous devons éliminer.
    Je ne suis pas sûr que cela réponde à votre question.

  (1815)  

    C'est parfait, mais pourriez-vous être précis en ce qui concerne la façon dont vous proposez d'éliminer cette échappatoire? Suggérez-vous alors d'inclure les adjoints politiques dans les personnes visées par le régime de surveillance?
    Il faut amener les adjoints politiques dans la même arène que tous les fonctionnaires, afin qu'ils soient tenus responsables de leur mauvais comportement en matière de rétention ou de destruction de documents.
    Selon vous, la décision d'enquêter sur des membres du personnel politique ou d'intenter des poursuites peut-elle encore poser un problème si le ministre de la Justice et procureur général est le seul à pouvoir prendre cette décision?
    Eh bien, il ne l'est pas. Il se contente de renvoyer l'affaire à la GRC, puis au Bureau des poursuites pénales. Nous avons des institutions indépendantes qui, selon moi, pourraient régler ce conflit d'intérêts.
    Vous avez peut-être une plus grande foi en elles que moi.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'était là mes questions.

[Français]

    Merci, monsieur Green.
    Les deux derniers membres du Comité à intervenir seront M. Gourde et M. Fergus, qui disposeront chacun de deux minutes et demie.
    Monsieur Gourde, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à tous les témoins.
    Si je pose une question à un ministre à la Chambre et qu'il n'est pas au courant de la réponse, parce que ce n'est pas dans ses notes ou pour toute autre raison, il va demander à ses conseillers politiques de tenir une réunion de breffage dans les 24 heures suivantes pour être au courant de la situation, au cas où je lui poserais la même question le lendemain.
    Si vous posiez cette même question, le délai de réponse serait-il aussi raisonnable que celui de 24 heures ou pourrait-il plutôt se situer autour de deux ans?
    Monsieur Beeby, vous pouvez répondre en premier.

[Traduction]

    C'est la double frustration du métier de journaliste. Non seulement vous attendez des réponses à vos demandes d'accès à l'information, mais vous attendez littéralement des semaines parfois pour obtenir des réponses des ministères et des cabinets ministériels. J'attends au moins aussi longtemps que vous.

[Français]

    Qu'en est-il de vous, monsieur Conte?

[Traduction]

    Je n'ai pas les compétences nécessaires pour répondre à cette question.

[Français]

    Monsieur Jolly, voulez-vous répondre à la question?

[Traduction]

    Oui, je pense que cette évaluation est juste. Pour faire valoir de nouveau mon argument, je dirais que nous devons évoluer vers une culture de l'ouverture et choisir l'ouverture par défaut. Sinon, les situations ne feront qu'empirer.

[Français]

    Qu'en pensez-vous, monsieur Tromp?

[Traduction]

    Le but de l'ensemble de mon travail est d'améliorer la loi canadienne sur l'accès à l'information jusqu'à ce qu'elle atteigne des normes mondiales acceptées. Il ne s'agit pas du tout d'un objectif radical ou déraisonnable, car les députés n'auront pas besoin de faire un bond dans le futur, mais simplement de s'engager dans le présent. Nous sommes actuellement classés 52e au monde en ce qui concerne la qualité de notre loi sur l'accès à l'information. Nous pourrions évidemment faire beaucoup mieux que cela.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci, monsieur Gourde.
    Monsieur Fergus, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Beeby, je vais vous poser très rapidement deux questions, et elles sont liées. Je vous serais donc reconnaissant si vous pouviez y répondre assez vite.
    Récemment, le gouvernement Ford a pris la décision de développer la ceinture verte de l'Ontario. Cette décision n'est-elle pas suffisante? Avez-vous besoin de savoir ce qui s'est passé au cours des délibérations qui ont mené à cette décision?
    Oui, on doit le savoir, parce qu'on doit savoir si des sociétés, des promoteurs ou d'autres intervenants ont exercé une influence indue sur le Cabinet. Bien sûr, cela fait partie des inquiétudes que les citoyens ont au sujet de leurs gouvernements. Sont-ils à l'écoute de mauvaises personnes au lieu des citoyens?

  (1820)  

    À cet égard, le facteur humain est vraiment important.
    Au cours de votre témoignage, vous avez décrit l'importance de faire en sorte que la commissaire à l'information soit l'arbitre de ce qui doit être considéré comme un document confidentiel du Cabinet. Cela ne revient‑il pas simplement à s'en remettre complètement à la qualité du commissaire à l'information?
    En tant que parlementaires, si nous devons proposer des changements, nous sommes censés le faire à partir d'un principe. Quel principe voulez-vous que nous considérions?
    À cet égard, si le document contient des délibérations, protégez‑le. Si le document contient des renseignements fournis pour éclairer ces délibérations, ne le protégez pas.
    Fort bien.
    Pour en revenir au premier exemple, pensez-vous que les fonctionnaires auraient disposé de renseignements de base indiquant qu'il faut vendre la ceinture verte, ou cette conclusion aurait-elle été énoncée surtout dans le cadre de ce processus de délibération?
    Non, en général, le Cabinet se voit proposer des options: « Si vous faites ceci, le résultat sera cela. Si vous prenez la mesure B, le résultat sera C ». Il n'est pas seulement possible mais courant que les cabinets examinent des renseignements qui ne les incitent pas à suivre une voie particulière. Il appartient au Cabinet de prendre la décision. Il s'agit de documents qui ne font que renseigner les parlementaires et leur fournir des données de base.
    À la décharge de la commissaire à l'information, je signalerais qu'elle est nommée par le Parlement. C'est une personne très qualifiée. J'ai une grande confiance dans la capacité du Parlement à choisir des candidats de qualité qui sont en mesure de prendre des décisions difficiles au sujet de ce qui entre et sort du Cabinet.
    Merci, monsieur Fergus.
    Monsieur Fergus, je vois que votre main est levée.
    Oui, monsieur le président.
    J'aimerais proposer que nous reprenions le débat là où nous l'avons interrompu lors de notre dernière réunion.
    Nous sommes saisis d'une motion visant à reprendre le débat là où nous l'avons interrompu lors de la dernière réunion.
    Un membre du Comité voit‑il une objection à cela?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Un vote n'est pas nécessaire puisqu'il y a consensus.
    Nous allons poursuivre le débat. Toutefois, avant de le faire, je tiens à remercier nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui. Vous avez communiqué des informations extrêmement précieuses au Comité.
    Je présente à ceux qui étaient en ligne toutes mes excuses pour les difficultés techniques que nous avons éprouvées. S'il y a quelque chose que vous avez oublié de nous communiquer aujourd'hui, je vous invite à le présenter par écrit à la greffière du Comité, et nous pourrons en tenir compte dans nos délibérations.
    Au nom du Comité et des Canadiens, je tiens encore une fois à vous remercier de votre participation.
    Je vais maintenant permettre aux témoins de se retirer. Ensuite, nous poursuivrons nos délibérations.
    Monsieur Fergus, lorsque nous nous sommes quittés, vous aviez la parole, et vous discutiez d'un amendement. J'aimerais revenir sur ce sujet, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, je crois que tous les partis ont déjà discuté de cette question. Je ne veux donc pas prolonger le débat, puisqu'à mon avis, il y a un consensus général. J'espère que cela continuera.
    J'aimerais mettre la question aux voix.
    Quelqu'un souhaite-t-il discuter de l'amendement?
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Nous abordons maintenant la motion principale modifiée.
    Je rappelle au Comité que nous avons un plan de travail que nous suivons toujours. La commissaire doit venir lundi pour discuter du Budget supplémentaire des dépenses (B). De plus, un témoin comparaîtra mercredi prochain. Cela pourrait nous occuper jusqu'à la nouvelle année. Il se peut que l'étude ne se poursuive pas jusqu'à ce moment‑là.
    Monsieur Fergus, la parole est à vous.
    Monsieur le président, j'aimerais affirmer encore une fois à tous les députés que nous sommes convaincus que l'esprit de la motion sera respecté, mais pas nécessairement la lettre. Nous vous offrons ce pouvoir discrétionnaire, afin de nous assurer que le Comité s'occupe d'abord des travaux qui ont déjà été planifiés. Ensuite, nous passerons à autre chose.
    D'accord. Je comprends cela. Comme vous pouvez l'imaginer, les jours qui précèdent Noël sont difficiles pour la greffière et les analystes, car il faut essayer de trouver des témoins. Je me réjouis que vous m'offriez une petite marge de manoeuvre.
    D'autres députés souhaitent-ils discuter de la motion?
    Comme je ne vois personne se manifester, j'en conclus qu'il y a consensus sur la motion modifiée?
    (La motion modifiée est adoptée. [Voir le Procès-verbal])

  (1825)  

    Elle a été approuvée à l'unanimité, et je vous en remercie.
    Y a‑t‑il d'autres questions à traiter? Je ne vois personne demander la parole.
    La séance est donc levée. Merci.
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