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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 9 décembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Français]

[Traduction]

    La séance est ouverte.

[Français]

    Bienvenue à la 22e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne.

[Traduction]

    La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté le 23 juin 2022.
    Je voudrais formuler quelques remarques à l'intention des témoins et des membres du Comité participant en personne ou participant par Zoom.
    Veuillez attendre que je vous accorde la parole. Quand vous parlez par Zoom, et même en personne, veuillez parler lentement et clairement pour les interprètes. Ils doivent rendre ce que vous dites dans une autre langue, soit l'anglais ou le français.
    Les gens qui participent par Zoom peuvent choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
    Aujourd'hui, nous poursuivrons l'étude sur la situation en Haïti.

[Français]

    Nous avons deux témoins en personne et d'autres témoins par vidéoconférence.
    Premièrement, nous avons parmi nous dans la salle Mme Monique Clesca, journaliste, écrivaine et activiste prodémocratie, du Bureau de suivi de l'Accord de Montana.

[Traduction]

    Nous avons aussi parmi nous dans cette salle Mark Brender, conseiller national de Partners In Health Canada.
    Puis, par vidéoconférence, nous avons Gédéon Jean, directeur exécutif du Centre d'analyse et de recherche en droits de l'homme. De plus, nous avons Renata Segura, codirectrice, Amérique latine et Caraïbes, et Diego Da Rin, consultant, Amérique latine et Caraïbes, tous les deux de l'International Crisis Group.

[Français]

    Nous recevons également par l'entremise de Zoom le pasteur Jean Kisomair Duré, de la Fédération protestante d'Haïti.

[Traduction]

    Tous les témoins disposeront de cinq minutes pour leur déclaration préliminaire, à l'exception des témoins de l'International Crisis Group. Puisqu'ils sont deux, ils devront se partager les cinq minutes.
    Je vais maintenant donner la parole aux témoins.

[Français]

    Nous commençons par Mme Monique Clesca.

[Traduction]

    Je vous ferai un signe de la main lorsqu'il vous restera 1 minute, puis à nouveau lorsqu'il vous restera 30 secondes. Je devrais intervenir lorsque vous aurez parlé pendant cinq minutes.
    Merci.

[Français]

    Mesdames et messieurs les députés, au nom de la Commission pour la recherche d'une solution haïtienne à la crise et du Bureau de suivi de l'Accord de Montana du 30 août 2021, je vous remercie de cette invitation.
    Aujourd'hui, Haïti est un pays assiégé par des hommes et des femmes lourdement armés. Pire, l'État, des politiciens et des secteurs économiques financent et arment ces gangs. Nous vivons une situation de crise profonde caractérisée par un déni de justice et de nos droits fondamentaux. L'État haïtien est incapable et n'a pas non plus la volonté de remplir sa fonction essentielle, qui est la satisfaction des besoins et le respect des droits élémentaires de sa population.
    La crise actuelle, créée et alimentée par des hommes détenant le pouvoir politique et économique, est sociale, judiciaire, constitutionnelle, économique, et aussi politique. Cependant, la situation des droits de la personne en Haïti ne peut être considérée hors du contexte général et préalable de la crise politique.
    Depuis que le Parti haïtien Tèt Kale, ou PHTK, a accédé au pouvoir il y a 11 ans, l'État qui devrait nous protéger s'est transformé en État prédateur, en État criminel. C'est un État en déliquescence, étant donné la corruption et l'impunité omniprésentes ainsi que l'inaptitude des forces de l'ordre, infiltrées elles aussi par les gangs. L'indifférence générale jette les populations dans la rue avec leurs revendications et leurs exigences en matière de reddition de comptes sur les scandales, de respect des droits fondamentaux et de dignité humaine.
    Nous vivons une situation d'insécurité, de terreur et de maltraitance, cette même situation qui, il faut le dire, précède l'assassinat du président Jovenel Moïse, dont le mandat a été entaché par 13 massacres, la politisation de la police nationale et le sabordage des institutions, y compris le Parlement et la Cour de cassation, ne laissant aucune solution constitutionnelle.
    Ariel Henry, mis au pouvoir à la suite d'un gazouillis de la communauté internationale, n'a aucune légitimité. Sous son règne autocratique, le bilan est désastreux et les gangs ont rempli le vide. Le pouvoir illégal a perdu sa capacité de sécuriser ne serait-ce que les axes et les ressources stratégiques du pays, tels les routes nationales et le gaz.
    « Pa gen leta », disent les Haïtiens et les Haïtiennes. L'État n'existe pas. L'État ne nous écoute pas. L'État ne nous fournit pas de services, d'où l'érosion totale de la confiance des Haïtiens envers l'État.
    Pourtant, il y a de nombreuses choses concrètes que le gouvernement Henry aurait pu faire, mais il a croisé les bras. Au lieu de se retrousser les manches et de se mettre au travail, voilà que, le 7 octobre, l'homme au pouvoir illégitime fait chercher l'étranger: il appelle la communauté internationale à mener une intervention militaire sur notre territoire. C'est un crime de haute trahison. Cette demande démontre l'échec du gouvernement de Henry et de la diplomatie internationale qui l'a installé au pouvoir et qui continue à le soutenir, malgré son illégitimité et sa gouvernance désastreuse, peut-être à cause de sa complicité dans la situation catastrophique actuelle.
    L'Accord de Montana travaille pour qu'il y ait une transition de rupture de deux ans, afin de rétablir les fonctions régaliennes de l'État ainsi que la confiance de la population dans les institutions et dans le système politique. Il faut rompre avec cette classe politique prédatrice et autocratique, et refonder la manière de gouverner. Cette transition doit aboutir à l'organisation d'élections, mais il faut un cadre pour garantir qu'elles seront libres, crédibles, transparentes et non violentes.
    Nous sommes contre une intervention militaire en Haïti. Toutefois, nous voulons un renforcement de la Police nationale d'Haïti, soit la PNH. Avec de l'assistance technique, financière, logistique et technologique, la PNH pourra établir la sécurité sur les axes nationaux et relier le pays avec lui-même.
    Aujourd'hui, la question va au-delà de l'établissement d'un semblant de sécurité, et ce n'est pas le nettoyage qui va résoudre les problèmes des gangs ni des besoins humanitaires. Ce n'est pas un problème de bottes, c'est surtout un problème socioéconomique. Nous voulons des programmes pour favoriser l'intégration des jeunes hommes et femmes défavorisés dans l'économie. Nous voulons une coopération dans le respect de notre dignité et de notre souveraineté.

  (0855)  

    Il faudra immédiatement apporter une aide humanitaire urgente aux gens déplacés par les gangs et dans les territoires occupés. Il faut un redressement économique pour un impact à long terme. Il faudra également organiser une conférence nationale souveraine pour enfin écouter la population.
    Notre combat s'inscrit dans la recherche d'une solution haïtienne, expression inventée par la commission qui a écrit l'Accord de Montana et qui veut dire un consensus large entre Haïtiens et Haïtiennes.
    Merci de votre témoignage, madame Clesca.
    Nous allons continuer avec M. Brender.

[Traduction]

    Vous disposez de cinq minutes.
    C'est un privilège de faire part du point de vue de Partners In Health sur la crise actuelle en Haïti. J'aimerais remercier le Comité de l'attention qu'il accorde à cet enjeu.
    Partners In Health est une organisation qui a été fondée en Haïti, au milieu des années 1980. C'est de là que viennent une si grande partie de nos valeurs et de notre expertise. Nous sommes donc très reconnaissants de cette occasion qui nous est offerte.
    Comme nous le savons, Haïti est la première république noire indépendante et la première à renverser le colonialisme, ouvrant la voie à d'autres mouvements d'indépendance partout dans le monde. C'est un héritage qui a rendu le monde meilleur pour nous tous, un héritage que nous ne devrions jamais oublier. Nous ne devrions jamais oublier non plus qu'Haïti a dû payer un prix dévastateur pour sa liberté, car il a dû verser des réparations à ses colonisateurs et s'est fait infliger des sanctions géopolitiques. Les effets de ces mesures se font encore sentir.
    Le Canada fait partie de cette histoire. Depuis bien trop longtemps, le Canada et d'autres pays s'arrogent le droit de déterminer ce qui se passe en Haïti alors que, bien sûr, ce sont les Haïtiens qui devraient le déterminer, et leurs voix que nous devrions écouter. Il est essentiel que nous fassions preuve de discernement lorsque nous décidons quels Haïtiens consulter. Devrions‑nous écouter la minorité puissante ou la majorité vulnérable?
    Je tiens à préciser clairement que, même si je m'exprime en qualité de représentant de Partners In Health Canada, une organisation non gouvernementale mondiale œuvrant dans les domaines de la santé et de la justice sociale, je le fais seulement avec l'approbation et l'appui de nos collègues haïtiens de Zanmi Lasante, nom sous lequel est connue l'organisation Partners in Health en Haïti.
    Zanmi Lasante est aujourd'hui le plus important fournisseur de soins de santé dans ce pays, après le ministère de la Santé, soutenant 17 établissements de santé dans deux des districts les plus vulnérables d'Haïti et servant une circonscription hospitalière tertiaire de 3,9 millions de personnes. Les 6 500 employés haïtiens de Zanmi Lasante proviennent des collectivités qu'ils servent. Ils cherchent à soutenir la réalisation des droits socioéconomiques de leur communauté et de leur pays.
    La crise centrale avec laquelle doivent composer actuellement nos collègues haïtiens est la perspective qu'ils ne pourront pas garder ouverts les établissements de santé et les hôpitaux que nous soutenons à cause d'une crise du carburant sans précédent, de la violence liée aux gangs, des enlèvements, des traumatismes individuels et collectifs, d'une famine généralisée et, maintenant, de la réapparition du choléra. Nos collègues sont fiers, à juste titre, que les 17 établissements soient demeurés ouverts pour servir des patients, quand jusqu'à 75 % des établissements du pays ne sont même pas en mesure d'offrir les soins les plus élémentaires.
    Un des établissements qui est encore ouvert est l'Hôpital universitaire de Mirebalais, un hôpital d'enseignement de 300 lits construit par Partners in Health après le tremblement de terre de 2010. Les générateurs de l'hôpital ont besoin de 23 000 gallons de carburant par mois pour continuer de fonctionner. Quand l'accès au principal terminal de carburant à Port‑au‑Prince a été entravé par des gangs, les membres du personnel de Zanmi Lasante ont franchi des montagnes avec des mules pour se procurer du carburant en République dominicaine. Ils ont fait ce trajet de six heures aller‑retour de 10 à 15 fois. D'autres fois, ils ont risqué leur vie pour trouver du carburant ailleurs.
    Il y a deux importants projets financés par le Canada. Le premier a permis de traiter plus de 4 300 enfants souffrant de malnutrition aiguë grave ou modérée. Le deuxième a permis d'aider plus de 1 600 survivants de la violence fondée sur le sexe, tout en établissant des liens entre les secteurs de la santé, du maintien de l'ordre et de la justice, ainsi qu'entre les groupes communautaires et les groupes de défense des droits des femmes. Les responsables de ces projets ont adapté leurs programmes, mais ils n'ont jamais cessé leurs opérations, malgré les défis actuels.
    Le choléra est maintenant à l'avant‑plan des préoccupations de tous, étant donné qu'il y a plus de 13 000 cas suspects et confirmés à ce jour, ainsi que 280 décès. Ces chiffres sont, sans aucun doute, bien inférieurs à la réalité. Les enfants de moins de cinq ans sont les plus à risque parce que la malnutrition affaiblit leur jeune système immunitaire, les rendant plus vulnérables à l'eau contaminée et aux mauvaises conditions sanitaires et, par conséquent, plus vulnérables à la maladie et à la mort.
    Il y a une pénurie mondiale du vaccin anticholérique parce qu'il y a des fonds limités pour une maladie qui touche majoritairement les pays pauvres. Cependant, les membres du personnel de Zanmi Lasante savent comment réagir, même en situation de crise. Ils se préparent à mener une campagne de vaccination pour 105 000 personnes à Mirebalais. Les premières doses devraient arriver la semaine prochaine.
    Les Haïtiens font de leur mieux dans une situation impossible. Nous demandons que durant et après cette crise, nous trouvions, écoutions et appuyions les organisations aux racines haïtiennes profondes qui cherchent à améliorer leur pays, et que nous le fassions en faisant preuve de « solidarité pragmatique » comme l'appelait notre regretté cofondateur, le Dr Paul Farmer. Autrement dit, nous devrons nous servir d'un soutien matériel afin de répondre aux besoins matériels.
    Nous avons un besoin urgent de carburant et de capacité de stockage. Nous avons besoin d'un nouvel entrepôt pour que les fournitures soient plus près des patients et que leur accès risque moins d'être bloqué par des barrages routiers. Nous avons urgemment besoin de fournitures médicales et de personnel supplémentaire pour traiter les cas de choléra, et nous devons investir davantage dans l'énergie solaire à l'échelle de nos établissements pour réduire notre dépendance aux carburants à long terme. Le Canada peut apporter son aide dans tous ces secteurs, et ce, dès maintenant.

  (0900)  

    Il est tout aussi essentiel que nous fassions preuve de « solidarité pragmatique », c'est‑à‑dire que nous mettions en place des politiques de développement progressif et d'aide internationale qui permettront à Haïti de renforcer les systèmes de santé et permettront aux Haïtiens et à la communauté internationale de mieux faire face aux crises.
    Je serais heureux de fournir quelques exemples pendant la période des questions.
    Je vous remercie de nouveau de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.
    Merci de votre témoignage, monsieur Brender.

[Français]

    Nous allons continuer avec M. Gédéon Jean.

[Traduction]

    Vous disposez de cinq minutes.
    Il se peut que votre connexion...
    Je vais donner la parole à notre prochain témoin à cause de problèmes de connexion.
    J'accorderai maintenant la parole aux témoins de l'International Crisis Group pour cinq minutes.
    À titre de clarification, c'est moi qui parlerai pendant les cinq minutes. Mon collègue pourra se joindre à nous pendant la période des questions.
    Je vous remercie de nous avoir invités ce matin à prendre part à vos délibérations. Tous les protocoles ont été respectés.
    L'International Crisis Group travaille à Haïti depuis de nombreuses années. En tant qu'organisation de prévention des conflits qui base ses analyses sur le travail sur le terrain et de longues entrevues avec des acteurs haïtiens, nous espérons faire part de la multitude d'opinions que nous avons recueillies dans le cadre de notre travail là‑bas.
    Je vais surtout parler aujourd'hui à la fois des avantages et des inconvénients de la demande que des soldats étrangers soient envoyés à Haïti. Le premier ministre par intérim Ariel Henry a dit qu'il a besoin d'aide pour lutter contre les gangs violents qui terrorisent les populations civiles à Port‑au‑Prince et ailleurs.
    Après avoir envoyé une mission d'évaluation des besoins, le secrétaire général des Nations unies a convenu que ce type d'intervention est nécessaire. Sa proposition au Conseil de sécurité comprend deux volets. Tout d'abord, les membres d'une force d'action rapide arriveraient à Haïti pour contribuer à la création de corridors humanitaires pour garantir le passage sécuritaire de produits de base jusqu'aux collectivités qui en ont besoin. Puis, le secrétaire général a proposé quelques options à moyen terme pour la période qui suivra le retrait des membres de cette force.
    La première réaction de nombreux Haïtiens à cette proposition était extrêmement négative, et ce, pour de bonnes raisons. Haïti a subi les conséquences d'interventions coloniales nuisibles tout au long de son histoire.
    Nous comprenons et nous partageons les préoccupations qui sont à l'origine de la demande d'une solution haïtienne. Cependant, comme l'ont montré notre récente visite à Haïti et les nombreuses conversations ayant eu lieu au cours des mois précédents, la situation là‑bas est de plus en plus dramatique, et l'inaction n'est pas forcément la meilleure solution.
    La guerre menée par les gangs n'a pas seulement donné lieu à des meurtres, à des enlèvements et à l'utilisation stratégique de violence sexuelle pour contrôler la population; le contrôle exercé par les gangs sur les ports, les marchés et les routes a aussi limité l'accès au carburant, à la nourriture, à l'eau et aux services médicaux. Maintenant, la propagation rapide du choléra menace de tuer beaucoup plus de gens.
    Toutefois, notre voyage à Haïti nous a montré quelque chose d'autre. Bon nombre des personnes auxquelles nous avons parlé, particulièrement celles habitant dans des régions sous le contrôle de gangs, ont réclamé une aide internationale. Beaucoup de ces personnes ont parlé avec réticence. Elles ne voulaient pas que nous pensions qu'elles appuient le gouvernement ou qu'elles ne sont pas patriotiques. Elles sont aussi conscientes des difficultés que rencontreront les membres d'une telle mission, mais elles ne voient pas d'autre option. Un homme auquel nous avons parlé à Port‑au‑Prince a dit ceci: « Nous ne sommes pas des imbéciles. Nous savons qu'une intervention armée ne résoudra pas la situation. Cependant, pour mettre fin à la spirale de violence, nous avons besoin d'une force multinationale. » Ces voix ne sont pas entendues aussi souvent et avec la même force, mais s'inscrivent certainement dans le débat qui a lieu actuellement en Haïti.
    Toutefois, le bien‑fondé d'envoyer des troupes ne peut pas être le seul facteur qui est pris en considération. Il est important de comprendre que le contexte politique déterminera les chances de réussite de cette force. Sans un large consensus entre les forces politiques et sociales en Haïti, ces troupes étrangères pourraient renforcer le mandat du premier ministre Henry, qui est très impopulaire auprès de la population, ce qui pourrait aggraver encore plus la crise politique.
    Un autre risque est que, sans un tel consensus, si le premier ministre Henry quitte le pouvoir, les troupes pourraient devoir travailler pour un nouveau gouvernement qui ne les accepte pas.
    C'est pourquoi il est essentiel que les Haïtiens participent à une sorte de dialogue national pour déterminer s'ils désirent l'arrivée de ces troupes et, dans l'affirmative, ce que serait la nature exacte de leur mandat. Idéalement, cela mènerait aussi à la conception d'un gouvernement de transition qui est considéré comme légitime par tous les Haïtiens. Cela pourrait permettre de commencer la reconstruction de l'État, en fournissant à ses citoyens un accès aux services dont ils ont un besoin criant et en rebâtissant le système électoral afin qu'ils puissent voter librement et équitablement à l'avenir.
    Le contenu de cet accord sera déterminé par les Haïtiens, même si la communauté internationale doit être prête à agir comme facilitatrice ou médiatrice si cela peut s'avérer utile.
    Merci.

  (0905)  

[Français]

    Merci de votre témoignage, madame Segura.

[Traduction]

    Passons maintenant à notre prochain témoin.
    Il s'agit de Jean Dure de la Fédération protestante d'Haïti, qui aura la parole pendant cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, messieurs et mesdames les députés de la Chambre des communes.
    La Fédération protestante d'Haïti et le peuple haïtien vous remercient de cette occasion d'examiner la situation de détresse qui met en danger la vie de centaines de milliers d'Haïtiens.
    Depuis quelques années, Haïti se trouve au cœur d'un labyrinthe où les efforts pour préserver la dignité humaine ont encore du mal à atteindre leurs objectifs. La population d'Haïti, estimée à 12 millions d'habitants, vit dans une pauvreté qui crée déjà un terrain non favorable au progrès dans le domaine des droits de la personne.
    Selon le dernier Rapport sur le développement humain, Haïti occupe le 163e rang sur 191 pays, avec un indice de développement humain de 0,535. Son taux de mortalité infantile est de 47 pour 1 000 naissances vivantes et son taux d'alphabétisation est de 62 %, selon les données publiées par la Banque mondiale. En outre, on estime que plus de 6 millions d'Haïtiens vivent en dessous du seuil de pauvreté et que plus de 2,5 millions d'Haïtiens sont tombés en dessous du seuil de l'extrême pauvreté.
    En dépit du fait que les indicateurs de développement aient placé ce pays en dernière position dans le continent américain, Haïti connaît une crise politique qui ne fait qu'aggraver sa situation.
    Pour ce qui est du droit à la justice, depuis plus de 10 ans, nous assistons à l'effondrement du système judiciaire. La plupart des tribunaux ne fonctionnent pas. Les bandits avaient pris le contrôle des locaux du palais de justice de Port‑au‑Prince en disant qu'ils avaient payé pour la libération des membres de leur gang, mais cela n'a pas été fait.
    Dans un document titré « N ap Mouri », ce qui veut dire « nous sommes en train de mourir », publié par le Service des droits de l'homme du Bureau intégré des Nations unies en Haïti, on a mis l'accent sur la proportion importante de personnes détenues avant jugement. Aucun progrès n'a été enregistré au cours des 25 dernières années. En date du 1er juin 2021, plus de 82 % des personnes privées de liberté en Haïti n'avaient pas été jugées, et la majorité d'entre elles sont détenues de manière injuste.
    Pour ce qui est du droit à l'éducation, l'État ne dispose que de 15 % des écoles du niveau fondamental. Ils sont près de 3 000 enfants à survivre dans les rues de la capitale, subissant toutes sortes de discrimination et d'humiliation. Certains ont dû laisser leur foyer dès leur plus jeune âge.
    En ce qui concerne le droit à la santé, le pays compte en moyenne 5,9 médecins ou infirmières pour 10 000 habitants. On recense 0,7 lit d'hôpital pour 1 000 habitants. Beaucoup d'Haïtiens vivant près de la frontière vont chercher des soins de santé en République dominicaine, cette république voisine qui est en train de faire la chasse aux Haïtiens avec acharnement et haine. Dans la plupart des régions rurales, des femmes enceintes mettent au monde leur enfant à la maison sans l'assistance d'un personnel médical qualifié. Aucun programme de santé, aucun programme social n'est disponible pour elles.
    Pour ce qui est du droit à la vie, les gangs armés se multiplient dans tout le pays, en particulier dans le département de l'Ouest. Ils prennent le contrôle de certaines zones stratégiques, isolant la capitale des grandes villes de province. Selon un article publié le 6 juillet par AlterPresse, plus de 550 personnes ont été tuées de janvier à juin 2022 dans la capitale. La liberté de circulation est hypothéquée par les actes récurrents d'enlèvement et de séquestration. Cela a des conséquences sur toutes les couches sociales.
    Dans diverses zones de non-droit, plusieurs familles dépossédées de leurs biens sont dispersées. Des locaux d'église sont pris en otage. À Bel‑Air, par exemple, deux gardiens de l'un des temples de la mission du Nazaréen sont tombés sous les balles assassines tirées lâchement par des bandits sans foi ni loi. À Bolosse, des locaux de la mission baptiste UEBH, du Collège évangélique Maranatha et du Séminaire de théologie évangélique de Port‑au‑Prince ont été abandonnés aux bandits. Aucun effort n'est fait par les autorités établies pour stopper cette situation. Les bandits se plaisent à publier leurs forfaits sur les réseaux sociaux.

  (0910)  

    La surinflation s'installe. Le droit à la nourriture et au logement des couches vulnérables de la société est piétiné. Prise dans une inquiétude grandissante, au cœur d'une crise sans précédent où le système sanitaire est défaillant, la population haïtienne se voit soumise à une forme inhumaine d'oppression dont elle ne dispose pas de moyen de se tirer.
    Monsieur Duré, je vous invite à conclure votre présentation, car nous devons aussi entendre le dernier témoin.
    Somme toute, la lutte pour l'avènement d'un État de droit en Haïti est incessante. La Fédération protestante d'Haïti s'engage dans cette lutte jusqu'à la victoire ou le triomphe du bien dans la foi. Les ténèbres doivent être bannies en vue du bien-être du peuple haïtien.
    Nous voulons exprimer notre satisfaction à l'égard des dernières sanctions prises par le Canada contre ceux qui soutiennent les bandits. Nous invitons les pays amis, en particulier le Canada, à aider Haïti à renforcer sa police nationale et son armée et à travailler avec les secteurs sains de la société civile en vue de l'émergence d'un nouveau leadership, dans une perspective de développement endogène.

  (0915)  

    Merci, monsieur Duré.
    Nous allons maintenant passer au dernier témoin.
    Monsieur Jean, malgré les difficultés techniques, nous allons essayer d'entendre votre témoignage. Si la communication n'est pas bonne, nous allons vous demander d'éteindre votre caméra.

[Traduction]

    Nous verrons ce que cela donne.

[Français]

    Monsieur Jean, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Mesdames et messieurs les parlementaires et membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne, Haïti est au bord du précipice. Cette réalité criante commande au gouvernement actuel, qui agit pour le compte de l'État, d'assumer ses obligations de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de la personne. La situation commande également à la communauté internationale d'intervenir au nom du principe de la responsabilité de protéger et à la société civile de jouer son rôle d'élite.
    Je vais vous parler de certains indicateurs clés concernant la violation du droit à la vie, à la sécurité et à la protection de l'intégrité physique de la personne.
    Parlons d'abord des homicides. De janvier à novembre 2022, au moins 1 192 décès attribuables à l’insécurité ont déjà été comptabilisés par le Centre d'analyse et de recherche en droits de l'homme. Environ 70 % de ces décès sont survenus dans la zone métropolitaine de Port‑au‑Prince. Depuis novembre 2018, une série de tueries s’est produite dans des zones défavorisées, notamment à La Saline, à Cité Soleil, à Martissant, à Bel‑Air et à Source Matelas.
    En ce qui a trait aux kidnappings, la Cellule d’observation de la criminalité du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme a recensé 755 enlèvements de janvier à septembre 2022, dont 57 étaient des enlèvements d'étrangers. La plupart des victimes sont torturées. Des femmes font l’objet de viols collectifs et d’autres traitements inhumains et dégradants.
    En ce qui concerne les gangs, 60 % du territoire haïtien est sous l’emprise des gangs, qui s’organisent officiellement en deux grandes fédérations: le groupe G9 an fanmi e alye et la coalition GPEP. Environ 200 groupes armés sont actifs sur le territoire, dont la majorité se trouve dans la zone métropolitaine de Port‑au‑Prince. On pourrait se demander si l’on ne se dirige pas vers un proto-État, comme Daech, c'est-à-dire le groupe armé État islamique, en Syrie. La prise en otage du terminal pétrolier Varreux par le groupe G9 pendant près de deux mois, qui a provoqué une crise humanitaire et le dysfonctionnement quasi total du pays, l'illustre clairement.
    Je parlerai maintenant de la violation des droits socioéconomiques.
    Dans un contexte où plus de 60 % de la population vit dans la pauvreté abjecte, les prix des produits de consommation ont doublé en un an. Cet indicateur, parmi d'autres bien sûr, permet de comprendre la réalité de la moitié de la population qui est dans l’insécurité alimentaire chronique. De surcroît, l'inflation a explosé pour atteindre 38,7 % en septembre 2022, soit une variation mensuelle de 8,2 %.
    En ce qui concerne le droit à l'éducation, à ce jour, 47 % des écoles sont toujours fermées malgré le déblocage du terminal pétrolier Varreux. Cette situation concerne globalement les zones défavorisées, dominées généralement par les gangs, à savoir Cité Soleil, Martissant, Croix‑des‑Bouquets, le centre-ville de Port‑au‑Prince, Bas‑Delmas, et ainsi de suite.
    Par ailleurs, la résurgence de l’épidémie de choléra restreint davantage le droit à la santé. Au 5 décembre 2022, 182 décès institutionnels et 99 décès communautaires ont été recensés. Déjà, selon le ministère de la Santé publique et de la Population, il y a 1 177 cas confirmés sur 13 454 cas suspects.
    Abordons maintenant la question de l'État de droit.
    En ce qui a trait à la gouvernance, Haïti est sorti du processus démocratique et de l’État de droit. Depuis le 13 janvier 2022, le Parlement haïtien est dysfonctionnel. Depuis l’assassinat du président haïtien le 7 juillet 2021, le pays est dirigé par le premier ministre, Ariel Henry, qui assume le double rôle de l'exécutif en étant à la fois président et premier ministre.
    Par ailleurs, depuis 2018, la justice haïtienne, rongée par la corruption et vassalisée par les autorités exécutives qui se sont succédé, était dysfonctionnelle, de fait, en raison notamment des grèves en cascades des juges, des huissiers, des greffiers, des commissaires du gouvernement, et ainsi de suite. De plus, il y a l’insécurité quasi généralisée qui mène à l’abandon des bâtiments logeant les entités judiciaires. Le Palais de justice de Port‑au‑Prince a été abandonné puis pris par le gang appelé 5 secondes. C'est symptomatique de cette réalité criante qui prédomine actuellement en Haïti.
    Aujourd’hui, la justice est dysfonctionnelle de droit, car la Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire, est dysfonctionnelle. Elle compte trois juges sur douze.
    Le taux de détention préventive prolongée en Haïti est autour de 85 %. De janvier 2022 à aujourd'hui, plus de 100 décès dans les prisons et les centres carcéraux ont été recensés. Ces décès sont dus à l’absence de soins de santé, au manque de nourriture et à d'autres traitements dégradants. La plupart des centres carcéraux, dont le pénitencier national, la prison civile de Jacmel et le centre carcéral de Miragoâne, s'apparentent aux chambres de concentration des nazis et d'autres régimes similaires.

  (0920)  

    En ce qui concerne la Police nationale d'Haïti, quoique ses efforts soient visibles et quantifiables, elle n'arrive toujours pas à contenir les gangs, qui disposent d'armes sophistiquées, de munitions en quantité, d'argent et de moyens de renseignements. Ces gangs sont soutenus par des politiques et par des personnalités du secteur privé et d'autres secteurs. La police nationale ne possède pas les moyens matériels, technologiques ou financiers ni l'entraînement nécessaires pour contenir les gangs.
    En conclusion, pour le Centre d'analyse et de recherche en droits de l'homme, la coopération avec Haïti a besoin d’un changement de paradigme pour parvenir à des résultats concrets et durables qui permettront d'aider réellement à la construction de l'État de droit et de la démocratie, en plus d'apporter des réponses pertinentes à la crise humanitaire multidimensionnelle qui sévit actuellement en Haïti.
    De manière urgente, il faut une force extérieure...
    Merci, monsieur Jean.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à la période de questions. Vous aurez l'occasion de poursuivre vos réflexions.
    Nous allons commencer avec M. Aboultaif pour sept minutes.
    Nous avons entendu des témoignages qui éclairent la situation là‑bas. Mme Clesca, M. Brender et d'autres soutiennent qu'une intervention militaire ne constitue pas une solution favorable. Puis, il y a la présence des gangs, et le dernier témoin a dit que cette situation est semblable à ce qui s'est produit en Syrie. Nous savons comment cela s'est terminé.
    Il y a également l'Église. Cette dernière semble être la seule entité qui fonctionne correctement là‑bas. Vous n'êtes pas en faveur d'une intervention extérieure, et vous ne croyez pas qu'une intervention militaire est la solution. Étant donné la complexité de la situation à tous les niveaux, croyez‑vous que l'Église peut jouer un rôle dans la résolution des problèmes qui affligent ce pays?
    Merci beaucoup.
    Oui, nous le croyons. D'ailleurs, la Commission pour la recherche d'une solution haïtienne à la crise, dont j'ai l'honneur d'être membre et qui fait partie du Bureau de suivi de l'Accord de Montana, comprend des représentants de la religion vaudou et de l’Église épiscopale. La Fédération protestante d'Haïti y a siégé pendant longtemps, plus d'un an et demi, avant de la quitter il y a quelques mois.
    Par le passé, nous communiquions constamment et systématiquement avec l'Église catholique. Lors de nos diverses rencontres avec eux, ses représentants nous ont dit qu'ils suivent ce que nous faisons, mais qu'ils ne désirent pas participer directement à la recherche d'une solution. C'est parce que, dans un certain sens, ils ont déjà été échaudés. Ils ont déjà tenté de faire cela, et le résultat n'a pas été favorable pour eux.
    Nous croyons que l'Église — qu'elle soit catholique, protestante, épiscopale ou vaudou — a un rôle important à jouer dans la découverte d'une solution. Certaines de ces Églises siègent déjà au sein de la Commission ou ont adhéré à l'Accord de Montana. La question serait la suivante: l'Église catholique pourrait‑elle jouer le rôle de négociatrice? Pourrait‑elle appuyer les efforts déployés ou agir comme médiatrice? Nous ne le savons pas.
    Nous insistons sur le fait qu'il est extrêmement important que les différentes confessions fassent partie de la solution. Certaines d'entre elles en sont déjà arrivées à un plus grand consensus. Il reste à déterminer les rôles que joueront l'Église catholique et la Fédération protestante d'Haïti. Nous souhaitons renouer le dialogue avec elles. Nous croyons qu'elles ont un rôle essentiel à jouer.

  (0925)  

    Pasteur Dure, croyez‑vous que la communauté internationale est convaincue que l'Église peut probablement jouer le rôle de négociatrice ou de chef de la mission visant à corriger la situation en Haïti?

[Français]

    L'Église protestante, en particulier, a déjà proposé d'établir, au bénéfice de la communauté et des acteurs politiques, une commission qui pourrait aider aux négociations visant à trouver des solutions politiques pacifiques à la crise.
    Selon nous, il faut non seulement penser à résoudre cette crise au moyen de la médiation, mais aussi penser à l'après-crise. Il y a eu des transitions et des élections par le passé, mais cela n'a pas changé les choses.
    C'est pourquoi, dans le cadre de l'Accord de Montana, on a parlé d'une conférence nationale qui pourrait aider à réunir tous les acteurs pour construire quelque chose de solide, afin que Haïti puisse sortir définitivement de cette situation de crise.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Jean, la situation des 200 gangs et groupes armés ressemble à celle qui s'est déroulée en Syrie. On le sait, en Syrie, ces personnes et groupes armés ont obtenu l'appui de groupes de quartiers avoisinants et l'aide interventionniste d'autres pays. Qui sont les acteurs derrière les gangs, en Haïti?

[Français]

    Plusieurs acteurs sont derrière ces groupes armés: il y a des politiciens, il y a des personnalités du secteur privé et il y a aussi des gens de la société civile. Par conséquent, la situation en Haïti est extrêmement compliquée.
    Si l'on veut réellement améliorer la situation, il faut qu'il y ait une force d'accompagnement de la Police nationale d'Haïti. Actuellement, la police est sous-équipée; il s'agit d'une police au rabais qui ne peut pas vraiment contenir les gangs.
    La situation actuelle est vraiment déconcertante: les femmes sont victimes de viols, le kidnapping atteint une proportion vraiment préoccupante et on note plusieurs décès attribuables à la violence. Dans ce contexte, au-delà des questions politiques et des négociations, il faut vraiment se munir d'une force proportionnelle à la situation. De ce point de vue, je crois que c'est le produit de la grande majorité de la population qui souffre. Il faut qu'une force extérieure accompagne la Police nationale d'Haïti afin qu'elle puisse véritablement intervenir. Il s'agit d'une question de sécurité, de survie et de droits de la personne.

[Traduction]

    Passons à M. Dubourg, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Pour commencer, je tiens à saluer tous les témoins qui sont parmi nous ce matin. Je suis très heureux de les voir. Nous avons besoin d'entendre le point de vue des témoins pour savoir comment nous pouvons aider Haïti et le peuple haïtien. C'est par leur intermédiaire que nous allons trouver des pistes de solution.
    Je vais poser mes questions aux témoins dans l'ordre où ils ont fait leurs allocutions d'ouverture. Je vais donc m'adresser d'abord à la représentante du Bureau de suivi de l'Accord de Montana.
    Madame Clesca, je vous félicite pour les efforts déployés par les Haïtiens afin de trouver une solution. Je comprends que la situation est extrêmement complexe et difficile.
    Dans le cas du groupe de Montana, vous avez parlé de rencontres avec beaucoup de personnes. Comment se fait-il que ce groupe n'ait pas réussi à arrimer l'Accord de Montana à celui du 11 septembre, par exemple?

  (0930)  

    Être Haïtien ou Haïtienne aujourd'hui, c'est la solidarité interhaïtienne, c'est se lancer dans une résistance permanente sur les plans individuel et organisationnel et, surtout, c'est se dire que nous pouvons, et si nous disons que nous pouvons, cela veut dire que nous devons essayer.
    Le groupe de Montana a essayé d'élargir le consensus, et la première chose qui s'est passée, c'est que nous avons pu rencontrer les différents alliés d'Ariel Henry dans le cadre de l'accord du 11 septembre. Il faut le dire: l'accord du 11 septembre, c'est l'accord allié d'Ariel Henry, qui est avec le PHTK.
    À un certain moment, M. Henry nous a fait savoir qu'il n'avait ni l'autorité ni l'autorisation de négocier. Nous pensons que c'est clair. Si le premier ministre, qui est illégitime, mais qui a fait son alliance du 11 septembre, a dit qu'il n'avait ni l'autorité ni l'autorisation de négocier, ce ne sera pas possible de le faire, tant et aussi longtemps qu'il n'arrivera pas à trouver cette autorité et cette autorisation pour négocier.
    Cependant, je vais aller plus loin.
    Aujourd'hui, cela fait près de 15 mois que M. Henry est au pouvoir. À cet égard, contrairement à ce qu'a dit M. Jean, je tiens à préciser que M. Henry n'est pas le président d'Haïti. Il en est le premier ministre, même illégitime; cela, je le reconnais. Cependant, il n'est pas le président d'Haïti comme l'a affirmé M. Jean.
    Quoi qu'il en soit, M. Henry a le pire des bilans. Les massacres les plus importants en Haïti, qui ont eu lieu récemment, ont été commis sous sa gouvernance. Nous ne voyons aucune des choses qu'il aurait pourtant pu faire. Il aurait pu lancer des dialogues avec la population, mais il ne l'a pas fait. Il aurait pu établir des zones d'urgence, mais il ne l'a pas fait. Il n'a rien fait.
    Pour nous aujourd'hui, M. Henry, c'est le passé. Nous pouvons négocier avec M. Henry sa sortie, mais nous ne pouvons pas nous asseoir et négocier une entente pour lui. Il s'agit de déterminer la façon dont il va partir pour permettre d'établir un gouvernement de transition.
    Merci, madame Clesca. Vous savez que nous ne disposons pas de beaucoup de temps.
    Je comprends.
    Dans le peu de temps qu'il me reste, j'aimerais aborder un autre sujet.
    Tout à l'heure, vous avez dit que cette grande coalition de Montana que vous avez formée incluait des adeptes du vaudou, de l'Église protestante et de l'Église catholique. Cela dit, vous savez que notre comité examine et étudie surtout la question des droits de la personne en Haïti. Comme on le sait, l'avortement est illégal en Haïti. En effet, l'article 262 du code pénal haïtien énonce qu'il n'est pas acceptable que les femmes puissent choisir l'avortement.
    Dans le groupe de Montana, comment allez-vous composer avec cette situation?
    Nous sommes en faveur des droits de la personne et en faveur de l'autonomie des femmes et des hommes dans la prise de décisions concernant leur corps.
    Au sein du groupe de Montana, et même au sein de la Commission pour la recherche d'une solution haïtienne à la crise, qui a formulé l'Accord de Montana, il existe une plateforme des organisations féministes qui militent également pour que les femmes aient l'autonomie en ce qui concerne leur corps. Cela fait déjà des années qu'elles travaillent pour qu'il puisse effectivement y avoir une loi permettant cette autonomie.
    C'est pourquoi nous participons à la Conférence nationale souveraine en Haïti. À la Conférence, les femmes, les organisations de femmes agissantes ainsi que les organisations de droits de la personne pourront en parler et on pourra voir comment aller de l'avant dans ce dossier.

  (0935)  

    D'accord, merci beaucoup.
    Il me reste à peine une minute, madame Clesca, et j'ai une dernière petite question pour vous.
    Comme on le sait, le Canada a imposé des sanctions à deux sénateurs qui faisaient partie du groupe de Montana. Comment avez-vous réagi à cela?
    Je voudrais apporter une correction à vos propos. Je m'excuse, mais les sénateurs sanctionnés ne faisaient pas partie du groupe de Montana.
    Après l'Accord de Montana, nous avons essayé d'élargir le consensus et nous avons lancé des discussions avec différents groupes politiques. C'est ainsi que nous avons trouvé un consensus avec le groupe du PEN modifié et le GREH, soit le Grand rassemblement pour l'évolution d'Haïti, dont faisaient partie le sénateur Youri Latortue et le président du Sénat, Joseph Lambert. C'était dans le cadre du groupe du PEN modifié. À aucun moment ils n'ont fait partie du groupe de Montana. Il s'agissait d'un consensus élargi entre le groupe de Montana et les membres du groupe du PEN modifié et du GREH.
    Telle est la situation. Si vous voulez que je parle des sanctions, je peux le faire, mais vous me dites que nous n'avez pas suffisamment de temps.
    C'est exact.
    Je vous remercie de vos réponses, madame Clesca.

[Traduction]

    La parole est à M. Brunelle-Duceppe, pour sept minutes.

[Français]

    Je vais profiter de l'occasion et vous demander, madame Clesca, de nous parler des sanctions.
    Merci beaucoup.
    Nous sommes favorables aux sanctions. Nous disons depuis plus d'un an qu'il faut que les différents partenaires d'Haïti puissent prendre des mesures liées à leurs lois et à leurs politiques publiques, qu'il s'agisse du contrôle des armes ou de l'application de différentes sanctions. Toutefois, il faut faire attention lorsqu'on applique des sanctions, surtout lorsqu'elles s'appliquent au secteur économique. Il faut savoir que les trois personnes qui ont été sanctionnées jusqu'à présent contrôlent de 30 à 50 % du secteur bancaire. Nous tenons donc à préciser qu'il faut, parallèlement à ces sanctions, des mesures d'accompagnement pour soutenir le secteur bancaire, qui est déjà fragile.
    Cela dit, nous comprenons la nécessité d'appliquer des sanctions. Vous êtes un État autonome, vous avez imposé des sanctions et nous vous en avons été reconnaissants. Nous pensons même qu'il y a encore beaucoup de noms qui ne figurent pas sur la liste des personnes visées par ces sanctions. Cependant, il faudra également des mesures d'accompagnement.
    De plus, il faudra que nous aussi, les Haïtiens, puissions en arriver à nationaliser des sanctions, en quelque sorte. Il faudra voir ce que nos lois nous permettent de faire. Par exemple, tout ce qui sera gelé ou saisi par le Canada reviendra-t-il au gouvernement canadien ou au gouvernement haïtien, quand il y aura un gouvernement de transition? Tout cela fait partie des éléments qui devront être discutés dans le cadre d'une coopération entre le Canada, Haïti et un gouvernement de transition.
    Dans un tel scénario, M. Henry ne serait plus là, on aurait négocié sa sortie. D'ailleurs, je pense qu'il y a un consensus à cet égard, mais les analystes sauront nous le dire lorsqu'ils nous aideront à rédiger notre rapport sur la présente étude. Au fur et à mesure que nous entendons des témoins, nous nous rendons compte que non seulement les Haïtiens en Haïti, mais aussi les membres de la diaspora haïtienne un peu partout au Québec, au Canada et aux États‑Unis estiment que le gouvernement de M. Henry n'est pas légitime. Vous n'êtes pas la première à le dire. D'autres témoins nous l'ont même dit aujourd'hui. Alors, je pense que c'est assez évident.
    Dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que c'était une crise politique et que la crise humanitaire ne se réglerait pas tant que la crise politique ne serait pas réglée. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous avez dit cela, parce que je pense que c'est primordial pour la rédaction de notre rapport et de nos recommandations.

  (0940)  

    Je pense que pratiquement tout le monde a vu que les gangs étaient financés et armés par différents secteurs. Je vous donne des exemples de l'instrumentalisation des gangs ou bien de leur complicité. Récemment, pour la Coupe du monde, le gouvernement a eu l'idée assez bizarre de donner des téléviseurs à des populations et à des communautés pour qu'elles puissent regarder l'événement. C'est ce que le gouvernement Henry a choisi de faire. Pour l'occasion, il a même invité des leaders communautaires, parmi lesquels se trouvaient des membres de gangs. D'ailleurs, l'un d'eux a même été arrêté. Il s'agit d'un exemple.
    À l'époque de la COVID‑19, il y a eu des distributions qui se faisaient par-ci par-là, et l'une des personnes coordonnatrices a été M. Jimmy Chérizier, alias Barbecue, un chef de gang.
    De plus, différents organismes de droits de la personne, de même que la Harvard Law School, ont publié des rapports démontrant l'implication de certaines personnes dans le massacre de La Saline. Je rappelle que ce massacre, qui a eu lieu le 13 novembre 2018, a été le premier massacre pour essayer de saper la contestation sociale. Ces rapports ont clairement démontré qu'il y avait derrière ce massacre M. Monchéry, qui était directeur général du ministère de l'Intérieur de M. Jovenel Moïse. Il y avait aussi M. Duplan, de même que M. Chérizier, qui était policier à l'époque.
    Il y a donc une complicité et une instrumentalisation des gangs. Comme disent les Haïtiens, c'est zo nan bouyon.
    C'est de la collusion.
    Exactement. Ce ne l'est peut-être pas selon le sens strictement juridique du terme, mais c'est certainement cela.
    Ce que nous disons, c'est que le PHTK, qui est au pouvoir depuis 11 ans et dont fait partie M. Henry, travaille avec les gangs. Il y a de multiples exemples de cela.
    Dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons pas dire que nous allons continuer avec ces gens pour aller vers une nouvelle Haïti et organiser des élections. Ce n'est pas possible. C'est impensable.
    C'est dommage que je n'aie plus beaucoup de temps, car ce que vous nous dites est tellement important. Le rapport nous servira à aller de l'avant. Il y a déjà une délégation canadienne sur place à l'instant où nous nous parlons. Il faut que le gouvernement et la Chambre des communes se prononcent.
    Ce que vous dites est important: ce n'est pas seulement M. Henry, mais c'est le parti au complet. J'aimerais que vous preniez les 30 secondes qu'il me reste pour nous dire pourquoi ce n'est pas juste M. Henry et qui sont les autres qu'il faut faire attention de ne pas mêler à la...
    Oui, c'est tout le régime du PHTK, qui est au pouvoir depuis 11 ans. Il y a eu M. Martelly, ensuite M. Jovenel Moïse, et maintenant il y a M. Henry, qui avait été choisi par M. Jovenel Moïse. Ils ont transformé le pouvoir en État prédateur et criminel. Certains ministres ont été accusés de problèmes liés aux droits de la personne, d'autres ont été accusés de viols. Malgré cela, ils ont rang de ministre.
    C'est un État criminel et prédateur envers la population. Il faut donc faire attention. Nous sommes étonnés, nous sommes surpris, nous ne comprenons pas que le Canada puisse encore continuer d'accompagner M. Ariel Henry et d'être de son côté.

  (0945)  

[Traduction]

[Français]

    Merci infiniment, madame Clesca.
    Je suis désolé pour les autres témoins; c'était trop intéressant avec Mme Clesca.

[Traduction]

    Nous accordons maintenant sept minutes à Mme McPherson.
    Merci, monsieur le président, et un grand merci à tous les témoins.
    La discussion est très éclairante, très intéressante et, comme mes collègues l'ont déjà mentionné, il est extrêmement important que nous comprenions ce qui se passe en Haïti de façon à apporter toute l'aide possible à sa population.
    Madame Clesca, vous venez de livrer un témoignage très intéressant. Mon collègue du Bloc québécois vient d'observer qu'il faut d'abord une réponse politique à la crise, mais nous avons également entendu M. Brender affirmer que la crise humanitaire est pressante à l'heure actuelle.
    Il est frappant de constater que nous devrons vraisemblablement intervenir sur de nombreux fronts en même temps pour aider la population haïtienne à combattre le choléra, ses problèmes de sécurité et l'échec de son système démocratique. Il faut toutefois reconnaître que les interventions et les mesures prises par la communauté internationale dans le passé ont terni toute mesure que nous pourrions prendre à l'avenir.
    Madame Clesca, je commence par vous.
    Je sais que vous avez tenu des rencontres avec de nombreux Canadiens d'origine haïtienne au cours des dernières semaines. Je sais que vous avez eu l'occasion de discuter avec plus de 50 groupes d'entre eux. Pourriez-vous nous faire part des demandes de la communauté canado-haïtienne et des sujets qu'elle aborde?
    Nous avons rencontré plusieurs de ces groupes, mais peut-être un peu moins de 50. Certaines rencontres ont porté sur l'Accord de Montana — auxquelles je n'ai pas participé personnellement —, et nous nous sommes réunis récemment avec la Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti. Nous avions déjà eu des discussions avec la coalition auparavant, et ce qui en est ressorti très clairement, c'est le sentiment que tout le monde... Personne ne conteste la gravité de la crise, la gravité de la situation. D'après les témoignages reçus de différentes parties prenantes, j'estime que nous vivons une situation d'urgence extrême. Nous survivons au jour le jour, nous survivons à peine, si on peut l'exprimer ainsi.
    Oui, différentes situations urgentes ont cours simultanément. Comment peut‑on les résoudre? C'est là tout le problème.
    Il n'est plus possible de rester en Haïti et de déclarer: « venez nous aider à résoudre nos problèmes. Faites‑le pour nous. Déployez des troupes sur le terrain. » Un tel discours ne peut plus fonctionner. Il n'a pas fonctionné par le passé non plus. Je pense que c’est ce que j’entends de la part des compatriotes à qui nous parlons.
    Cette stratégie n'a pas fonctionné dans le passé. Elle a amené au pays le choléra et la violence sexuelle. Elle n'a renforcé ni la société civile haïtienne, ni les institutions haïtiennes, ni l'état haïtien. Nous avons besoin d'un modèle différent, et nous sommes d'avis que ce modèle consiste à assurer une transition grâce à laquelle nous pourrons, nous-mêmes — de manière souveraine et digne —, dialoguer avec le Canada, comme deux nations se doivent de le faire. Nous avons besoin de coopération.
    Nous avons besoin d'aide et en sommes conscients. Nous le sommes. Nous avons demandé de l'assistance, mais nous ne voulons pas que des troupes soient déployées à la demande de M. Henry, parce qu'il aurait pu agir et ne l'a pas fait. Il s'est croisé les bras.
    Voilà ce que nous croyons. Il s'agit également de l'opinion des Canadiens d'origine haïtienne qui nous ont donné leurs commentaires, si je peux m'exprimer ainsi.
    Merci. J'espère avoir répondu à votre question.
    Vous y avez répondu. Merci beaucoup.
    J'adresse ma prochaine question à M. Brender.
    Monsieur Brender, d'abord j'aimerais vous remercier pour vos efforts et vous présenter mes condoléances pour le décès de Paul Farmer, cette année. Il s'agissait d'une personne incroyablement importante dans le secteur de l'aide humanitaire. Vous avez toute ma sympathie.
    Vous avez parlé brièvement de la situation sur le terrain relativement à la pandémie de choléra. Je trouve la constatation frappante: il nous faut trouver de meilleurs moyens de distribuer le vaccin contre le choléra à la population et assurer un financement stratégique prévisible à long terme aux organisations locales de la société civile. Avez-vous des commentaires au sujet de l'intervention du Canada et des mesures qu'il pourrait prendre en ce qui a trait à l'approvisionnement et à l'aide humanitaire?

  (0950)  

    Merci.
    Notre difficulté face aux crises a toujours été la suivante: nous intervenons en réponse à la crise immédiate, au problème devant nous. Nous perdons de vue les cadres politiques à long terme qui nous ont entraînés dans la situation actuelle. Une partie de ces cadres politiques à long terme, dans des périodes sans crises apparentes... Par exemple, nous laissons les réserves de vaccins contre le choléra fondre comme neige au soleil. Le Canada peut jouer un rôle de chef de file en temps de paix apparente.
    Paul Farmer utilisait l'expression « crise chronique aiguë. » C'est ce qui se passe, en ce moment, en Haïti. La crise est très aiguë. Elle l'est plus que jamais. La crise chronique, et c'est le cas en matière de santé et d'éducation, est aussi liée au sous-financement chronique de la santé, pour des maladies qui touchent les pays pauvres en raison des nombreuses conditions sociales et économiques sous-jacentes. Le choléra fait rage parce qu'il n'y a ni eau ni hygiène publique. Le tremblement de terre de 2010 a eu pour résultat, entre autres, d'éliminer tout investissement dans le secteur public haïtien visant à établir à long terme les normes EHA des Nations unies au pays, ce qui aurait contribué à prévenir l'épidémie actuelle de choléra.
    Bien que nous nous trouvions en pleine crise, il nous faut garder un point de vue à long terme en matière de politique publique. Que fait le Canada dans le domaine de l'aide humanitaire et du développement qui témoigne d'une vision à long terme?
    Dans la foulée du tremblement de terre de 2010, Partners in Health a construit un hôpital d'enseignement. À l'époque, on nous avait vivement critiqués. Les gens se demandaient s'il s'agissait vraiment d'une priorité, en temps de crise. Eh bien, le tremblement de terre de l'été dernier en Haïti a déclenché la mobilisation d'intervenants qui avaient été formés dans cet hôpital grâce à des programmes de résidence. Cette intervention a été entièrement différente de celle de 2010. Elle était dirigée par les Haïtiens, en partie parce qu'il y a eu investissement dans une infrastructure de soins de santé, dans la formation et dans l'enseignement, ce qui a permis de créer une certaine capacité d'intervention.
    J'estime qu'il s'agit de la bonne question à poser. Comment arrive-t‑on à éviter les œillères? Tout ce dont nous parlons — la question de la sécurité et l'intervention de la communauté internationale face à un tel nombre de crises — est d'une importance vitale. Ces discussions doivent toutefois tenir compte du long terme en matière de politiques publiques, qui comprennent la façon dont on traite les leaders politiques et les mesures à adopter pour garantir que les pays pauvres aient la capacité d'intervenir en période de crise.
    C'est au tour de Mme Vandenbeld d'avoir cinq minutes.
    J'ai une question pour Mme Segura au sujet de ses observations concernant une intervention étrangère multilatérale. Si je pose la question, c'est parce que la majorité des témoins que nous avons reçus, en particulier les représentants de la société civile, se sont prononcés haut et fort contre une intervention étrangère de type militaire.
    D'un côté, on nous a dit, entre autres, qu'un grand nombre de membres de gangs sont des enfants qui ont été arrachés à leur famille, placés dans des orphelinats, puis recrutés par des gangs. Si le Canada envoyait des soldats, des soldats canadiens pourraient être contraints d'affronter des gangs armés et d'échanger des coups de feu avec des personnes qui sont en fait des enfants-soldats.
    De l'autre côté, comme vous l'avez dit, cette solution est préférable à l'inaction. Cependant, beaucoup d'autres solutions ont été proposées durant notre étude, y compris l'imposition de sanctions et la prise de mesures pour empêcher l'armement. Ce sont aux oligarques soutenant les gangs que nous devons nous en prendre. Des témoins nous ont dit, par exemple, qu'il fallait empêcher les armes de traverser la frontière, ainsi que renforcer les capacités des services de police locaux.
    À la lumière de ces observations, j'aimerais savoir pour quelles raisons vous appuyez le déploiement d'une force multilatérale.
    Merci.
    Nous sommes parfaitement conscients de toutes les difficultés liées à une intervention de type militaire, en particulier celles que vous avez mentionnées, ainsi que du terrain où se dérouleront les confrontations. Tout ce que vous avez dit est vrai.
    Toutefois, le fait est que la communauté internationale soutient, depuis plusieurs décennies déjà, des initiatives visant à renforcer la police nationale. Ce n'est pas la première fois qu'on parle de l'appuyer et de lui offrir de la formation et des conseils techniques. Malheureusement, ces initiatives prennent beaucoup de temps, et dans certains cas, comme vous le savez, elles ne donnent pas les résultats escomptés.
    Nous pensons certainement que les autres solutions dont vous avez parlé sont nécessaires, et c'est vrai que les sanctions ont eu un effet immédiat important. Cependant, nous croyons aussi qu'un déploiement minutieusement planifié de troupes chargées de créer des corridors humanitaires pour approvisionner les collectivités et desserrer l'emprise des gangs sur les collectivités permettrait au pays de reprendre son souffle, aux processus politiques d'avancer et à un gouvernement transitionnel de fonctionner.
    Nous sommes tout à fait d'accord avec Mme Clesca: le déploiement des troupes doit être étroitement lié à un accord politique. Il y a un grand risque que la population haïtienne considère les troupes comme une force envoyée pour renforcer le mandat de M. Henry, ce qui n'est pas du tout ce que nous proposons.

  (0955)  

[Français]

    Merci.
    Y a-t-il d'autres témoins qui veulent ajouter quelque chose sur ce sujet?
    Oui, merci de me donner cette occasion.
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Brender sur la nécessité d'investir dans l'aspect humanitaire également, pour s'assurer de stimuler le processus de développement. C'est la raison pour laquelle je dis que ce n'est pas un problème de bottes, même en matière de sécurité. C'est surtout un problème socioéconomique, et le Canada peut fournir son aide à cet égard. C'est aussi pour cette raison que nous voulons des programmes qui peuvent intégrer des jeunes désœuvrés et défavorisés dans l'économie. Ils sont en dehors de l'économie. Haïti est un pays profondément inégal, et ce genre de programmes est nécessaire.
    L'arrivée de bottes dans les quartiers ne va pas résoudre le problème. Ce serait même dangereux, parce que, si le Canada dit qu'il est en train de réfléchir à la possibilité d'envoyer des troupes, les Haïtiens resteront là à attendre la réponse du Canada. C'est comme M. Henry, qui attend et qui ne fait rien. Pourtant, il y a des choses que nous pouvons faire.
    Pour ma part, je dis non à une intervention militaire étrangère. Nous le disons dans l'Accord de Montana. Voilà ce que j'ai voulu ajouter.
    J'ai un dernier élément à mentionner. M. Brender a parlé du tremblement de terre qui a eu lieu en Haïti. Une assistance est effectivement venue de l'étranger, mais seulement après une dizaine de jours. Au début, et particulièrement pendant les trois à cinq premiers jours, ce sont les Haïtiens qui sont intervenus. Nous avons alors vu la solidarité interhaïtienne. C'est pourquoi je dis qu'être Haïtien veut dire que nous pouvons. Nous n'avons pas tout ce qu'il nous faut pour le faire, mais nous voulons des investissements dans le développement à long terme. Nous voulons un État qui ne fait pas la prédation de nos droits et de nos ressources. Je rappelle que 50 % de la population haïtienne n'a pas accès aux soins de santé. Il faut investir dans ce domaine, et le modèle de Zanmi Lasante est intéressant.
    Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Aboultaif, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore une fois aux témoins.
    Haïti est un État indépendant depuis 200 ans, mais la situation demeure difficile et continue à se détériorer. Beaucoup nous ont dit qu'ils s'opposaient à une intervention militaire.
    Pour sa part, Mme Segura a affirmé qu'un mandat d'intervention ou qu'une présence militaire étrangère était nécessaire. Elle a également parlé de l'effet néfaste du colonialisme, un sujet souvent abordé.
    Ce qu'il semble falloir, c'est une solution haïtienne, une solution provenant du pays même, qu'elle soit proposée par l'Église, par différents groupes ou par la société civile. Aux yeux des témoins, quelle forme cette solution devrait-elle prendre?
    J'invite Mme Segura à répondre. J'aimerais aussi savoir ce qu'en pense Mme Clesca.

  (1000)  

    Merci.
    Du point de vue du Crisis Group, il faut absolument un accord, un dialogue national du type proposé par Mme Clesca. Selon nous, si le mandat des troupes définit très bien ce qu'elles doivent faire et ce qu'elles ne doivent pas faire, et si l'objectif principal est d'apporter de l'aide humanitaire aux collectivités, l'intervention réussira seulement si un accord politique est conclu au préalable.
    Pensez-vous que le mandat a fait l'objet de discussions depuis que le Canada a annoncé qu'il était prêt à intervenir?
    Non. Je ne pense pas que l'État haïtien a conclu d'accord, et sans accord, nous ne conseillons pas d'envoyer de troupes.
    Madame Clesca, voulez-vous répondre à la question?
    Hier, nous avons rencontré la délégation canadienne qui se trouve à Haïti en ce moment. En un mot, elle a dit la même chose que moi: nous sommes contre une intervention militaire à Haïti, mais nous savons que nous avons besoin d'aide. La situation actuelle à Haïti est telle qu'il n'est pas possible de négocier une entente d'assistance à long terme. Presque tout est au point mort.
    Nous militons pour faire élargir le consensus sur lequel repose l'accord du 30 août. Pour nous, élargir le consensus signifie, comme je l'ai déjà dit, discuter avec les différents groupes confessionnels et le secteur privé. Nous avons tenu plus de 20 rencontres avec divers acteurs du secteur privé, différents groupes et d'autres encore.
    Nous avons également rencontré les membres de la diaspora, les Canadiens, les Américains et les Français d'origine haïtienne. Ils participent déjà à l'accord, mais nous tentons aussi de nouer des dialogues pour accroître le nombre de groupes qui en font partie.
    Nous sommes d'avis qu'il faut élargir le consensus. Nous avons aussi une feuille de route. Notre feuille de route va un peu plus loin en ce qui a trait aux élections, à la conférence nationale, à l'assistance humanitaire, à l'assistance à la sécurité et au redressement économique. Nous trouvons important de faire avancer ces dossiers immédiatement.
    D'après moi, ce que nous recherchons est très clair: un consensus élargi, une transition de deux ans, ainsi que la négociation des modalités et du moment du départ de M. Henry. M. Henry ne fait plus partie de la solution. En fait, il fait partie d'un grand nombre des problèmes actuels liés aux gangs.
    Merci. C'est une très bonne feuille de route.
    Étant donné toutes ces circonstances, que reste‑t‑il à faire notamment pour le Canada? Sa contribution devrait-elle être financière? Que peut‑il faire? Quel rôle le Canada devrait‑il jouer pour contribuer efficacement à la solution?
    Selon moi, le Canada est et demeurera un partenaire important d'Haïti.
    Par exemple, à l'heure actuelle, la violence sexuelle constitue l'un des plus grands enjeux à Haïti. C'est à la fois un problème lié aux gangs et un problème généralisé. Selon moi, le Canada joue un rôle de chef de file dans ce secteur, non seulement récemment, mais depuis longtemps. Le Canada sert et devrait continuer à servir de modèle sur ce plan. À cela s'ajoute la question de la précocité sexuelle, qui se rapporte aussi aux violations des droits de la personne: les grossesses adolescentes forcées sont fréquentes. D'après moi, tous ces enjeux sont liés.
    Par ailleurs, dans le secteur de la sécurité...
    Merci. Excusez-moi. Le temps de parole du député est écoulé.
    Désolée. Est‑ce que je peux finir ma phrase?
    Oui. Finissez votre phrase, s'il vous plaît.
    Le Canada, la France et les États-Unis sont des donateurs importants dans le secteur de la sécurité. D'après moi, le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file à cet égard. Chacun fonctionne de manière autonome. Pourquoi ne pas avoir un partenaire pour la sécurité? Le Canada peut jouer un rôle de chef de file sur ce plan, comme il l'a fait...

  (1005)  

    Merci. Nous devons passer au prochain intervenant. Les limites de temps sont strictes.
    D'accord, merci.

[Français]

     Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Cette étude est tellement importante pour la suite des choses.
    Madame Clesca, comme vous l'avez dit, le Canada, les États‑Unis et différentes autres puissances étrangères ont mené des interventions en Haïti pendant des années, et les résultats sont ceux qu'on connaît aujourd'hui.
    Vous nous avez dit que vous étiez absolument contre une ingérence militaire. Par contre, plusieurs témoins nous ont dit qu'il fallait aider la police et les forces de sécurité en Haïti. Comment fait-on cela? Comment peut-on aider les différentes forces de sécurité en Haïti pour le maintien de la sécurité, sans intervenir sur le plan militaire?
    Je pense qu'il y a une grande différence entre les scénarios possibles. D'un côté, il y a M. Henry qui demande une intervention militaire et qui veut voir des troupes débarquer pour intervenir en Haïti. De l'autre côté, il pourrait y avoir un gouvernement de transition, auquel cas nous nous assiérions ensemble pour déterminer quels sont les besoins que nous avons en matière de sécurité, des besoins qui seraient définis par la police.
    Comme je l'ai dit, nous voulons le renforcement de la police nationale, nous voulons l'assistance technique, financière, technologique et logistique, mais cela doit se définir avec un gouvernement qui est légitime, un gouvernement de transition, pour que nous puissions aller de l'avant. M. Henry n'a plus de légitimité. Le gouvernement, là-bas, travaille avec des gangs et autres. Qu'est-ce qu'on peut faire, à ce moment-là? Voilà où est le problème.
    Notre position est claire à cet égard: cela ne peut pas se faire avec M. Henry. L'avenir ne peut pas se jouer comme cela. Oui, nous voulons de l'assistance, mais cela doit être défini dans le cadre d'une coopération.
    J'ai vraiment bien compris que cela doit se faire sans M. Henry. Je pense que c'est assez clair.
    Cependant, comme vous l'avez dit tantôt, il y a des problèmes de corruption. Alors, est-ce que 100 % des éléments à l'intérieur même des forces policières haïtiennes sont blancs comme neige? Il y a peut-être là aussi un problème qui doit être réglé, avant même d'aider les forces de sécurité.
    Êtes-vous plutôt d'avis que, puisqu'on est dans l'urgence, on regardera cela par après?
    Je pense qu'il y a, dans la police, des cadres qui sont très bien formés, qui ont une longue expérience et qui pourraient certainement mieux répondre que moi à cette question.
    D'après ce que j'ai lu et entendu lors de discussions que nous avons eues avec des spécialistes en matière de sécurité, il y a effectivement des problèmes concernant la police. Par exemple, il y a des problèmes d'effectif. Beaucoup de policiers ont été tués ou assassinés récemment. Certains aussi ont quitté la police. Le salaire du policier est absolument dérisoire alors qu'il met sa vie en danger.
    Il y a aussi, comme je l'ai dit dans mon allocution, des policiers qui sont impliqués dans les gangs. Certains d'entre eux ont été arrêtés. Il faudra donc faire des vérifications. On nous a déjà dit que peut-être même que l'uniforme devrait être changé.
    Oui, il y a des problèmes, nous en sommes conscients, et oui, il faudra une aide. Toutefois, il ne s'agit pas d'arriver avec vos troupes d'une manière interventionniste.
    Sur ce point, nous nous entendons tout à fait.
    C'est juste que je n'ai pas beaucoup de temps et j'essaie d'être le plus pragmatique possible. Je sais que les excellents analystes du Comité qui vont nous aider à rédiger notre rapport travaillent de façon très intelligente et pragmatique, aussi.
    Je pense que c'est assez clair depuis le début: on nous dit qu'on ne veut pas d'intervention militaire directe. On veut plutôt de l'aide matérielle pour les forces de sécurité.
    Maintenant, s'il y a des éléments corrompus ou des éléments qui ne sont pas très propres à l'intérieur même des forces de sécurité, qu'est-ce qui vient en premier: l'œuf ou la poule? Comprenez-vous ma question? C'est important. Par où commence-t-on? Est-ce qu'on aide directement et tout de suite les forces policières sur le plan matériel, avant de régler les problèmes de corruption, ou est-ce qu'on règle d'abord les problèmes de corruption pour ensuite aider les forces policières?
    À un moment donné, nous allons devoir formuler des recommandations. C'est exactement pour cela que je vous pose la question.
    D'autres témoins voudront peut-être aussi répondre à cette question.

  (1010)  

    J'y répondrai rapidement, afin de donner aux autres témoins l'occasion de répondre.
    Les spécialistes en matière de sécurité nous ont fait part de deux choses qu'il faudra faire. Dans un premier temps, il faudra un processus de vérification. J'en ai parlé tout à l'heure. Je suppose que cela a déjà commencé. De plus, il faudra procéder à la dépolitisation de la police. Cela a été un élément fondamental du régime de M. Jovenel Moïse. En ce moment, il y a un nouveau directeur, M. Elbé. Je ne peux pas me prononcer sur ce qu'il est en train de faire, mais on sent qu'il y a moins de politisation, bien que cela puisse être toujours le cas. C'est une chose qui est importante.
    Quand on parle d'assistance technique, on ne parle pas seulement d'équipement. Cela peut aussi être des hommes et des femmes qui font de la formation ou qui fournissent leur aide. Nous sommes ouverts à cela.
    Pour ma part, ce que je dis, c'est qu'il faudra définir cela dans le cadre d'un accord entre États légitimes.
    Merci, madame Clesca.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    D'abord, j'ai remarqué que d'autres témoins voulaient répondre à la dernière question. Monsieur Da Rin, je crois que vous avez levé la main.

[Français]

    Pour ajouter à ce que disait Mme Clesca, je dirais qu'il y a principalement trois problèmes en lien avec la Police nationale d'Haïti.
    D'abord, il y a un manque d'effectif. Il y a environ 13 000 officiers actifs actuellement, mais, selon les calculs de différents experts militaires, au moins la moitié est de connivence avec des gangs. Cela dit, certaines unités spéciales ont déjà été entraînées et soumises à un processus assez rigoureux de contrôle de sécurité, comme la plus récente UTAG, ou Unité temporaire de lutte contre les gangs, qui pourrait mener des opérations conjointement avec des troupes internationales qui interviendraient éventuellement.
    Il y a un autre élément essentiel. Parallèlement à une éventuelle intervention, il faut renforcer, contrôler et former des unités spéciales et, plus généralement, l'ensemble de la police. De plus, il y a des étapes préalables à une intervention physique qu'il est extrêmement important d'avoir en tête. Plusieurs personnes qui habitent dans des zones contrôlées par des gangs m'ont dit qu'en ce moment les leaders avaient assez peur d'une intervention armée étrangère. Pendant quelques semaines après la demande d'intervention de l'actuel premier ministre Henry, il y a eu une diminution considérable des affrontements entre les gangs dans différentes zones.
    Enfin, il faudrait aménager des camps de déplacés adaptés, en prévoyant l'infrastructure nécessaire pour héberger les milliers de personnes supplémentaires qui sortiraient de ces zones. Il faut savoir qu'il y a déjà plus ou moins 100 000 personnes déplacées à l'intérieur de la zone métropolitaine de Port‑au‑Prince. Il faudrait aussi préparer des contingents de la PNH, qui seraient soumis à un contrôle rigoureux, pour accompagner et pour diriger d'une certaine façon les opérations dans ces zones. Beaucoup de personnes me disent que, dès qu'il commence à y avoir des images qui circulent montrant que des troupes et du soutien sont arrivés et que la menace d'une intervention physique est imminente, il faut enclencher des négociations avec certains leaders, qui seraient alors prêts à négocier.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour vos observations.
    Je vais continuer à m'adresser aux représentants de l'International Crisis Group. J'aimerais mieux comprendre ce qui se passe actuellement sur le terrain en ce qui a trait à la violence fondée sur le sexe et comment le Canada peut prêter main-forte.
    J'invite M. Da Rin ou Mme Segura à répondre.

[Français]

    Je vous remercie de la question.
    Normalement, pour avoir le soutien de la population locale, les gangs essayaient de protéger d'une certaine façon la population qui était dans leur zone. Cependant, au cours de la dernière année, il y avait de moins en moins d'égards envers la population lors des affrontements entre les gangs, surtout dans les affrontements assez inédits qui se sont produits entre mai et juillet 2022. La population, et surtout les femmes, a été victime de viols collectifs, et ce, devant leur famille. Ces gestes ont été filmés et mis en ligne sur les réseaux sociaux, pour assurer en quelque sorte le contrôle de la population située dans les zones des gangs adverses.
    Pour s'attaquer à ce problème, il faut parvenir à contrôler complètement les zones où la police ne peut pas entrer depuis des mois, voire des années, ou à tout le moins diminuer le niveau exubérant de violence qu'on observe en ce moment à l'égard des femmes, des hommes, des filles et des garçons.

  (1015)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    D'autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter au sujet des actes de violence fondée sur le sexe commis à Haïti?
    Je sais qu'il me reste très peu de temps. Madame Clesca, avez-vous quelque chose à dire?
    Je vous prie de répondre en moins de 30 secondes.
    Je dirais qu'il s'agit également d'un problème structurel. Le terme me déplaît, mais la violence fondée sur le sexe pose un réel problème à Haïti, qui est une société patriarcale. Beaucoup de travail reste à faire pour adapter les normes sociales en vue de s'attaquer à la violence fondée sur le sexe. Ce n'est pas une question de contrôle des troupes, par exemple. Non.
    Oui, les gangs ont fait du corps des femmes un territoire de guerre; toutefois, nous devons être francs et admettre que la violence fondée sur le sexe... Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle est endémique à Haïti, mais elle pose un problème social énorme qui exige beaucoup de travail et une transformation de la manière dont nous élevons nos enfants.
    C'est un investissement à long terme, et le Canada participe à ce dossier. Il nous faut plus de soutien.
    Merci.
    Cette triste remarque conclut les témoignages sur Haïti.
    Je remercie tous les témoins de leur présence. Madame Clesca, monsieur Brender, je vous remercie de vous être joints à nous en personne. Monsieur Jean, madame Segura, monsieur Da Rin, monsieur Duré, je vous remercie de vous être joints à nous par l'intermédiaire de Zoom.
    Nous allons poursuivre nos travaux à huis clos. Je prie les membres qui sont en ligne de changer de lien Zoom le plus rapidement possible.
    Chers témoins, merci encore une fois de votre présence. Veuillez rester à l'affût des travaux du Comité. Nous produirons probablement une déclaration sur ce dossier; je vous invite à en prendre connaissance en temps et lieu. Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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